Art. 8. Bien que l'énumération de cet article ne procède pas aussi formellement par voie d'exemples que l'article 6 et la plupart de ceux qui vont suivre, il n'en faut pas conclure que cette énumération soit limitative. Comme il s'agit de la condition naturelle des choses, de leur possibilité ou impossibilité de changer de place, par elles-mêmes ou par une force étrangère, il suffit que la loi ne modifie pas cette nature, par voie d'autorité ou par interprétation de la volonté de l'homme, pour que le caractère de ces choses leur soit reconnu tel que la nature le fait.
Le sol est le principal immeuble par nature; on pourrait presque dire qu'il est le seul, les autres choses ne devenant immeuble que par une attache plus ou moins intime au sol.
Le sol semble pourtant mobile, en ce sens qu'il peut être indéfiniment désagrégé, divisé et déplacé par partier; mais ce qui constitue le véritable immeuble, c'est moins la substance extérieure du sol que l'assise, le fond du sol, le tréfonds et l'espace qu'il occupe; en sorte qu'une cavité profonde qui ne pourrait servir, comme telle, à un usage lucratif direct, aurait encore une valeur comme espace, comme surface, puisqu'on pourrait toujours soit y amener les eaux, soit la combler ou la couvrir, pour y construire ou y cultiver.
Lors même que le sol est exhaussé par le travail de l'homme, en terrasses, digues ou chaussées, il est toujours immeuble par nature (n° 3°), comme le sont les bâtiments dont parle le n° 8°.
En sens inverse, le sol creusé en canaux, fossés, étangs, est toujours immeuble, par la raison donnée plus haut (n° 2°).
Les forêts, bois, arbres, bambous et plantes, quelque minime que soit l'importance de celles-ci, les fruits et récoltes, sont immeubles, tant qu'ils tiennent au sol (nos 5° et 6°). On y verra seulement une exception à l'article 12.
Les mines, minières, carrières, marnières et tourbières, malgré les différences de leur substance et les règles différentes de leur exploitation, sont évidemment des variétés du sol. Mais s'il en a été extrait des matériaux, comme du charbon, du minerai, des pierres, etc., ces matériaux sont meubles par leur nature (n° 7°). On pourrait décider de même, dans l'esprit de la loi, de la terre provenant d'une excavation faite pour les fondations d'un bâtiment, pour un puits, pour pratiquer un chemin, si cette terre n'avait pas été utilisée sur le fonds ou destinée à l'être; dans ce second cas d'ailleurs, les terres amoncelées ne seraient plus immeubles par nature, mais par destination du propriétaire, conformément à l'article suivant.
Les bâtiments bien que composés, dans le principe, de choses mobilières, deviennent immeubles par leur attache au sol, si légère qu'elle soit et quand même ils ne seraient que posés sur des assises de pierre (n° 8°). Il n'est pas rare, cependant, qu'une maison soit démolie avec soin pour être réédifiée sur un autre sol, avec les mêmes matériaux; quelquefois même une maison est déplacée en entier, avancée, reculée ou relevée, sur le même sol; mais ce sont là des particularités dont la loi n'a pas à tenir compte; car les maisons ne sont pas destinées à être ainsi déplacées: un arbre, un arbuste, une plante, sont encore bien plus faciles à déplacer et, cependant, une fois fixés au sol, ils sont considérés comme devant y rester et participent de sa nature. Il en est de même des maisons.
La loi ne distingue pas, par qui le bâtiment a été construit, pour lui reconnaître le caractère d'immeuble; il n'est pas nécessaire que ce soit par le propriétaire du sol: ce peut être par un usufruitier, par un locataire ou un fermier du sol, par un superficiaire ou par toute autre personne dont le droit sur le sol est temporaire; la construction pourrait même avoir été faite par un simple possesseur, même de mauvaise foi: le bâtiment n'en serait pas moins immeuble; sauf, dans ces divers cas, le règlement des rapports d'indemnité entre le constructeur et le propriétaire du sol, comme on le verra en son lieu.
Il y a cependant un cas où des bâtiments, quoiqu'encore attachés au sol, sont considérés comme meubles; mais alors c'est par la destination du propriétaire et non plus par leur nature: on les trouvera à l'article 12, déjà réservé pour certaines plantations.
Les bâtiments ont souvent des fermetures ou accessoires tout à fait mobiles, qui y sont placés seulement le soir ou même accidentellement, par exemple, en cas de typhons; il ne faut pas hésiter à les considérer comme immeubles, non par destination, mais par nature: ils complètent la maison d'une façon plus ou moins nécessaire.
La question d'ailleurs de savoir si une chose est immeuble par nature ou par destination n'est pas indifférente, car dans le premier cas, il n'importe pas de savoir par qui lesdits accessoires ont été attachés aux bâtiments, tandis que, dans le second cas, il faut une double condition, à savoir que les matériaux aient appartenu à celui qui les a employés et qu'ils aient été employés par le propriétaire du bâtiment (v. art. 9, 1er al.)
Les murs de clôture, les haies et palissades (n° 9°) sont immeubles comme les bâtiments et aux même conditions.
Les divers accessoires dont parlent les nos 10° et 11° ne demandent pas d'observation; ce sont toujours des compléments jugés nécessaires au sol ou aux bâtiments et les complétant aussi matériellement que s'ils en faisaient partie intégrante.
Le dernier alinéa généralise cette idée.
Personne n'hésitera à dire que les clefs des portes extérieures ou intérieures des bâtiments, quoiqu'étant ce qu'il y a de plus mobile, sont immeubles par nature.
Les tribunaux auront, en cas de contestation, à examiner si les accessoires, objets du litige, sont des accessoires essentiels des bâtiments.
Il faudra appliquer aussi cet alinéa aux accessoires du sol, comme le fait déjà le n° 11°, quoique le texte ne parle plus ici que des bâtiments: c'est une simple inadvertance de rédaction. Ainsi les appareils des puits, tels que poulies, seaux et cordes, sont des accessoires nécessaires à l'usage des puits. On devrait encore décider de même des tuyaux mobiles, de métal ou de bois, qui ne seraient placés que temporairement sur le sol pour conduire les eaux d'un point à un autre de la propriété.