Art. 8. — 17. Bien que l 'énuinération de cet article ne procède pas aussi formellement par voie d'exemples que la plupart des articles qui vont suivre, bien que le législateur ait cherché à être complet; il n'en faut pas conclure que cette énumération soit limitative. Comme il s'agit ici de la condition naturelle des choses, il suffit que la loi ne change pas cette nature, par voie d'autorité ou d'interprétation de la volonté de l'homme, pour que le caractère de ces choses leur soit reconnu tel que la nature le fait.
D'ailleurs, le dernier alinéa a été ajouté, afin de ne pas laisser de doute sur ce point.
On va reprendre séparément les douze alinéas de cet article, en leur donnant quelques développements explicatifs ou justificatifs.
1° Le sol est le principal immeuble par nature; on pourrait presque dire qu'il est le seul, les autres choses ne devenant immeubles que par une attache au sol, plus ou moins intime, plus ou moins immédiate.
Le sol semble pourtant mobile, en ce sens qu'il peut être indéfiniment désagrégé, divisé et déplacé par parties; mais ce qui constitue le véritable immeuble, c'est moins la substance du sol que l'espace qu'il occupe, en sorte qu'une cavité profonde qui ne pourrait servir, comme telle, à un usage lucratif, aurait encore une valeur comme surface, puisqu'on pourrait, soit y amener des eaux, soit la combler, soit la couvrir, pour y construire ou y cultiver.
La loi déclare encore immeubles les chaussées ou terrasses qui sont des élévations du sol, provenant du travail de l'homme. Mais elles ne sont pas, pour cela, des immeubles par là volonté de l'homme ni par la détermination de la loi: quoique modifié par le travail hu:" main, le sol reste toujours immeuble par sa nature.
2° Les clôtures sont toujours un assemblage de choses qui primitivement ont été mobilières, comme des pierres, des bois ou des arbustes; mais, une fois attachées au sol, elles participent de sa nature, parce qu'elles font un corps, un tout, avec lui.
3° Les réservoirs, étangs, lacs, fossés, canaux, sont immeubles, autant parce que l'eau y est plus ou moins dormante qu'à cause du sol qui la supporte; pour les cours d'eau, c'est le sol sous-jacent qui leur donne le caractère d'immeuble par nature; car, pour l'eau courante elle-même, sa nature fugitive est un obstacle à la considérer comme immeuble, bien qu'elle se renouvelle en quantités plus ou moins semblables (3). Il n'y a pas, du reste, à distinguer ici si les cours d'eau sont du domaine public, comme les fleuves et les rivières, ou du domaine des particuliers, comme les ruisseaux et les torrents, ni s'ils bordent les propriétés ou s'ils les traversent, ni s'ils sont creusés par la nature ou par le travail de l'homme, comme les canaux. Cette distinction, au contraire, sera nécessaire en matière de servitudes.
4° Les dig ues sont des relevées de terre ou de pierres qui servent à empêcher le débordement des eaux; les; jetées sont des constructions, ordinairement en bois, qui s'avancent du rivage de la mer et facilitent l'entrée des navires dans les ports, en arrêtant les vagues. Les pieux ou brise-lames sont des pièces de bois plantées le long du rivage de la mer ou aux angles des grands cours d'eau, pour amortir la force des vagues ou du courant et préserver les terrains riverains de la dégradation. On devrait décider de même pour les fascines et autres appareils destinés, au Japon, à recueillir les herbes marines.
5° L'usage des moulins à vent n'est pas aussi répandu au Japon qu'en Europe, parce qu'on a moins besoin d'y réduire les riz en farine; mais, lorsqu'on y cultivera davantage le blé et le seigle, on ne manquera pas d'utiliser la force du vent par des moulins.
Les moulins à eau peuvent servir au même usage et à d'autres usages industriels. Les machines hydrauliques sont des appareils que l'eau met en mouvement; on les emploie à faire fonctionner des marteaux, des pilons, des scies, etc. Dans les lieux où il n'y a pas d'eau courante, on peut employer la vapeur.
Ces appareils, lorsqu'ils sont fixés au sol, deviennent, comme lui, immeubles par nature.
6° et 7° Il s'agit ici d'objets qu'il est bien facile de détacher d,i sol et de rendre meubles; mais tant qu'ils y sont attachés, ils font corps avec lui et sont immeubles par nature.
Lorsqu'il s'agit de bois à couper, de fruits à récolter, ils ne deviennent meubles qu'au fur et à mesure qu'ils sont détachés du sol.
De même, s'il s'agit de plantations ou de semis, les arbres, les semences, deviennent immeubles au fur et à mesure qu'ils sont placés dans le sol, lors même qu'ils n'y auraient pas encore pris racine.
L'exception portée à l'article 13 sera expliquée en son lieu.
8° Les mines sont des agglomérations de substances métalliques ou minérales, se trouvant en couches, en amas ou en filons, dans le sein de la terre, et s'exploi- tant, en général, par galeries souterraines.
Le charbon de terre est une stratification, presque une pétrification, d'immenses forêts englouties par les anciens bouleversements du globe; il rentre aussi dans les mines, par le mode de son exploitation.
Les minières sont des amas de fer, se trouvant à la surface du sol ou à une faible profondeur et s'exploi- tant, en général, à ciel ouvert.
Les carrières sont des amas ou couches de pierre, de marbre, de terre calcaire ou autres substances analogues, s'exploitant aussi, soit à ciel ouvert, soit par galeries.
La tourbe est une terre composée de détritus végétaux qu'on trouve dans les marais anciens et qui, une fois desséchée, donne un combustible assez utile dans l'industrie.
La marne est une terre calcaire qui sert à amender les terres.
Cette distinction géologique des métaux, des minéraux et des végétaux transformés, a de l'importance en matière d'usufruit et aussi au point de vue du droit administratif; mais elle laisse à ces diverses natures du sol le caractère d'immeuble, quoiqu'il soit destiné à être exploité, c'est-à-dire détaché par parties et enlevé. Ce n'est qu'au fur et à mesure que des parties en sont détachées qu'elles deviennent meubles.
9° La loi arrive enfin aux constructions ou édifices qui, bien que composés de choses mobilières, dans le principe, deviennent immeubles par leur attache au sol.
On pourrait hésiter à classer les maisons, au Japon, parmi les immeubles par nature, car elles ne sont, en général, que posées sur le sol: il n'est pas rare de voir déplacer une maison entière; mais c'est là une particularité locale qui peut être négligée dans la loi; les maisons ne sont pas au Japon, pas plus qu'ailleurs, destinées à être ainsi déplacées; un arbre, une plante, sont bien plus faciles à déplacer, et cependant, une fois fixés au sol, ils seront considérés comme devant y rester et participent de sa nature; il en est de même des maisons.
La loi le déclare même spécialement pour les maisons qui devraient être démolies après un certain temps, comme lorsqu'une maison a été construite par une personne qui n'est pas propriétaire du sol et qu'on nomme superficiaire, circonstance très-fréquente au Japon. Tant que l'édifice n'est pas démoli, il tient au sol et participe de sa nature.
10° Les tuyaux intérieurs ou extérieurs, les gouttières, sont immeubles par nature, quelque légère que soit leur attache au sol ou aux bâtiments: ils complètent la maison.
11° Les appareils électriques ne sont pas encore d'un grand usage dans les propriétés privées; mais ils se répandront au Japon, comme partout, et la loi prévient tout doute à leur égard, en les déclarant immeubles par nature, dès qu'ils sont fixés au sol ou aux bâtiments.
12° Les bâtiments ne sont complets et propres à l'usage de l'homme que lorsqu'ils ont des fermetures extérieures. Bien que celles-ci, si on les considère en elles-mêmes, soient souvent tout à fait mobiles, elles sont immobilières, si on considère qu'elles complètent la maison et contribuent à la rendre habitable. Il en est autrement des fermetures ou divisions mobiles placées à l'intérieur des maisons: elles ne sont immeubles que par la destination du propriétaire (voy. art. 9-110).
Le dernier alinéa ôte à notre article tout caractère limitatif. Ainsi, on devrait considérer les paratonnerres comme immeubles par nature; ainsi encore, la loi ne parle pas des puits et de leurs accessoires indispensables (poulies, cordes, seaux, pompes et tuyaux): ce sont certainement des immeubles par nature.
Les progrès de la civilisation amèneront sans doute encore l'emploi d'autres appareils pour améliorer l'usage des habitations.
----------
(3) L'ancien texte portait les sources et cours d'eau et omettait leur lit.