Projet de code civil pour l'Empire du Japon
参考原資料
- Projet de code civil pour l'Empire du Japon, accompagné d'un commentaire. Nouv. ed , TOME PREMIER [国立国会図書館デジタルコレクション]
PRÉFACE.
Nous commençons par remercier le Ministre de la Justice, Général Comte Yamada, de nous avoir demandé la réimpression de notre Projet de Code Civil, Texte et Commentaire, au moment même où le Texte officiel allait être promulgué.
Nous étions en même temps autorisé, invité même à introduire dans notre travail les modifications et additions que nous avait suggérées sa marche progressive et les discussions dont il avait été l'objet dans les diverses Commissions, lors même que ces modifications n'avaient pas été acceptées par elles.
Cette double invitation était particulièrement libérale, à un moment où la publication du Code officiel présentait, par rapport à notre Projet, de nombreuses suppressions qui pouvaient nous laisser des regrets.
Notre Commentaire, d'ailleurs, revu et augmenté, se trouvera généralement applicable au Texte officiel, car les théories fondamentales n'ont pas été changées et là où la Loi sera muette, on pourra toujours utilement consulter la Doctrine.
Aujourd'hui que notre œuvre est terminée, il n'est pas hors de propos d'indiquer par qu'elles circonstances nous avons été appelé à prendre ainsi part à la Codification japonaise, combien de temps y a été consacré et quelle marche elle a suivie.
Il y a bientôt dix-sept ans, en 1873, nous partions pour ce pays alors peu connu des étrangers et encore enveloppé d'un mystère qui n'était pas sans prestige. Nous savions seulement qu'il sortait à peine d'une commotion qui, tout en étant la Restauration du pouvoir politique de la dynastie vingt-cinq fois séculaire des Tenno, n'en constituait pas moins une Révolution sociale, puisqu'elle abolissait une puissante féodalité datant de plus de sept siècles.
Nous dûmes alors paraître téméraire à plusieurs, ne fût-ce que par la raison de notre âge qui n'était pas celui où l'on commence de pareils voyages.
Nous craignîmes nous-même trop présumer de nos forces, en espérant faire prévaloir dans la Codification des nouvelles lois civiles et criminelles du Japon les principes de la législation française.
Aujourd'hui ce qui était l'avenir et l'inconnu est devenu le présent et sera bientôt le passé.
Quelque imparfaite que soit notre œuvre, elle a été acceptée avec sympathie par la nation japonaise et jugée favorablement dans notre pays et même à l'étranger.
Jetons pourtant un regard en arrière: ce nous sera le moyen de faire comprendre nos espérances dans l'avenir du pays et nos sympathies pour ses habitants.
Le Japon où nous arrivions ne nous était pas aussi étranger qu'à beaucoup d'autres.
Plusieurs mois avant notre départ, nous avions été appelé par le Ministre du Japon à Paris, M. Sameshima, à l'honneur de faire des conférences de droit constitutionnel et de droit criminel à sept délégués du Ministère de la Justice (et) venus en France pour étudier ces mêmes principes que, bientôt, nous étions invité à aller propager plus largement dans leur pays et près du Gouvernement lui-même. On admettra que la proposition était séduisante et qu'elle devait toucher notre sentiment français plus encore qu'elle ne pouvait flatter notre amour-propre.
Plusieurs mois de travail avec ces honorables délégués, dont quelques-uns même repartirent avec nous pour le Japon, nous avaient déjà fait connaître l'urbanité de ses nationaux et leur aptitude à s'assimiler la conception et la forme, pour eux nouvelles, du droit européen.
Lorsque, plus tard, les premières Commissions furent créées au Ministère de la Justice pour la préparation des Codes criminels, plusieurs de ces jeunes légistes y furent appelés et nous devînmes leur collaborateur (b).
Avant même que la mission japonaise dont nous parlons vînt en France, les Codes français étaient déjà traduits en japonais par M. Mitzukuri, aujourd'hui Vice-Ministre de la Justice. C'est ce premier et très méritoire travail qui avait attiré tout d'abord l'attention du Gouvernement japonais sur la législation française.
Trouver, sous une forme précise, claire et suffisamment brève, toute une législation civile, commerciale et pénale, pouvant être substituée, sauf quelques exceptions et précautions, aux coutumes variées, souvent incertaines, quand elles n'étaient pas muettes sur un grand nombre de points, c'était une heureuse surprise et une puissante séduction.
En nous reportant par la pensée à l'apparition de cette traduction de M. Mitzukuri, dont nous avions reconnu les heureux effets, nous avons souvent songé à la découverte à Pise du manuscrit des Pandectes romaines qui produisit en Europe la renaissance du droit romain, après sa décadence pendant l'époque barbare et au milieu du chaos de coutumes qui la suivit.
Le droit français, le Code civil surtout, devenait à son tour, pour le Japon, la raison écrite que les tribunaux commencèrent à appliquer, non comme législation positive, mais comme droit naturel, et jusqu'aujourd'hui, pendant la préparation du Code Civil japonais et du Code de Commerce, ce sont presque toujours les deux Codes français de droit privé qui ont fourni aux tribunaux la solution pratique des litiges. Le Code de Procédure civile lui-même a été mis à contribution jusqu'ici, spécialement pour les voies de recours contre les jugements.
Quant aux Codes criminels français, ce sont eux surtout qui ont servi de modèle pour la rédaction du Code Pénal japonais et du Code de Procédure criminelle déjà en vigueur depuis huit ans.
Revenons au Projet de Code Civil.
C'est au mois de mars 1879 (xii° année de Meljl) que le Ministre de la Justice, alors le Comte Oghi Takato, sanghi, nous confia la rédaction d'un Projet de Code Civil, comme il nous avait, dès 1874 (an vu de Meiji), confié la rédaction des Projets des deux Codes Criminels à peu près terminés en 1879 (c).
Le Ministre nous laissait une complète liberté pour le fond, comme pour le plan et la méthode.
Notre Projet devait être ensuite discuté dans une Commission préparatoire, composée de Membres des Cours et Tribunaux de Tokio et d'Officiers du Ministère de la Justice. Après quoi, le Projet amendé devait être soumis à une Commission supérieure, composée de Membres du Bureau de législation générale (Ho sei kioku), de Membres du Conseil d'Etat (San ji In), de Membres du Sénat (Gen ro In). Les principaux Membres de la Commission préparatoire devaient y figurer pour soutenir le Projet.
Enfin le Projet, une fois arrêté par la Commission supérieure, devait être soumis, dans son ensemble, au Cabinet (Daï jo kivcm, Nciï kakou) et par celui-ci au Sénat; après quoi, il lui faudrait encore la Sanction impériale.
Cette marche a été suivie d'abord sous la direction du Comte Oghi. Lorsqu'il devint Président du Sénat, la préparation des nouveaux Codes passa sous la direction du nouveau Ministre de la Justice, Général Comte Yamada.
A une certaine époque pourtant (en 1887, XXe année de Meiji), alors que le pays demandait instamment qu'on hâtât la Révision des Traités, pour arriver à l'abolition, sinon immédiate, au moins prochaine, de l'exterritorialité, la nouvelle Codification fut transférée au Département des Affaires étrangères, en connexion avec le travail de cette Révision. Mais les Conférences diplomatiques ayant été de nouveau ajournées, la Codification revint au Ministère de la Justice et c'est le Comte Yamada qui a eu l'honneur et le mérite de la mener à bonne fin.
C'est au commencement de la présente année que le Projet de Code civil a été approuvé par le Cabinet, par le Sénat et par le Conseil privé de l'Empereur (Su mitsu In), de création récente. Il a enfin été sanctionné et promulgué par l'Empereur (avril 1890, an XXIII de Meiji).
En même temps ont été promulgués le Code de Commerce et le Code de Procédure civile, ce qui, avec le Code Pénal et le Code de Procédure criminelle en vigueur depuis 1882 (xv° année de Meiji), forme les cinq Codes japonais (d).
La rédaction du Projet de Code Civil (Texte et Commentaire) était terminée, quant à nous, en avril 1889, époque à laquelle nous partîmes en congé pour la France, après une absence continue de seize ans. Nous y avions ainsi consacré dix années, alors que nous avions eu la témérité de croire que cinq ans y suffiraient (e). C'est la grandeur du but qui nous avait fait trop présumer de nos forces. Nous étions comme le voyageur dans les montagnes: lorsque le sommet auquel il veut atteindre est plus élevé et plus éclatant, il le croit rapproché; mais il n'a pas prévu de nombreuses vallées à descendre et des hauteurs intermédiaires à franchir.
Il nous faut dire maintenant comment une nouvelle publication de notre Projet a paru utile et même nécessaire.
Primitivement, nous présentions la rédaction des articles à la Commission préparatoire; nous les développions verbalement et, par des exemples, nous en donnions la justification en raison, en équité et en utilité pratique. Mais on n'a pas tardé à reconnaître les inconvénients d'un système qui, à cause de la nécessité d'un interprète, entraînait des lenteurs considérables et ne laissait que des souvenirs individuels et fugitifs. C'était la marche déjà suivie pour les deux Codes Criminels; mais elle n'avait pas dispensé de rédiger, après coup, un Commentaire de ces deux Codes.
Il fut donc bientôt décidé qu'un Commentaire accompagnerait le Texte et serait traduit, imprimé et distribué à la Commission.
Mais le désir qu'avait le Gouvernement d'obtenir un résultat très prompt nous fit apporter d'abord une grande réserve dans ce Comnlentaire. Peu à peu, il fut développé davantage, et lorsque la matière des Contrats et Obligations fut terminée, on réimprima les Tomes Ier et IIe (1882, 1883) avec les développements nécessaires. On y apporta aussi des améliorations de forme: des Notes marginales au Texte (manchettes), des Sommaires annonçant en résumé les idées dominantes du Texte et du Commentaire, des Tables pour faciliter les recherches et trouver la Concordance du Code français avec le Projet; enfin, le Commentaire fut donné, non plus par Articles, mais par Sections.
La présente édition se trouvera donc être la 3e pour les deux premiers volumes et la 2e pour les trois derniers (f).
Il était naturel que les deux premiers volumes donnassent lieu au plus grand nombre d'additions et de modifications au Texte, parce que, dans de pareils travaux qui ne peuvent être qu'un événement unique dans la vie d'un homme, l'expérience ne peut venir que du travail lui-même, à mesure qu'il avance. Et si l'on songe que nous devions le livrer presque journellement, par fractions, à la traduction et à l'impression, sans avoir, pour ainsi dire, le temps de regarder en avant ni en arrière, il est évident que la forme définitive, comme le fond, ne pouvait être arrêtée qu'après le complet achèvement.
Ajoutons que, pendant les dix années de la préparation de ce Projet, nous avions été autorisé à faire porter notre Enseignement du droit sur les parties déjà traduites et imprimées en français et en japonais, et la nécessité d'expliquer et de justifier notre Projet nous fournissait l'occasion d'un contrôle rigoureux et nous suggérait souvent d'utiles amendements qui ne s'étaient pas présentés à notre esprit dans le silence du cabinet (g).
Nous disons que cette édition contient beaucoup d'additions au Texte primitif. C'est précisément l'opposé de ce que présente le Texte officiel.
Nous n'avons pas suivi le précepte de notre poëte Boileau: " Ajoutez quelquefois et souvent retranchez."
Mais Boileau donnait ce conseil aux poètes et non aux législateurs. Nous avons cru et nous croyons encore qu'une ligne, un mot, ajoutés au Texte de la Loi, peuvent prévenir bien des procès, en même temps qu'ils épargnent des labeurs à la Doctrine et des incertitudes aux Tribunaux (h).
Dans quelques cas, par le seul désir de ne pas multiplier nos désaccords avec le Texte officiel, nous avons admis des modifications demandées par l'une ou l'autre Commission, quelquefois même par le Sénat, quoiqu'elles ne nous satisfissent pas entièrement. On ne manquera pas d'être surpris, comme nous l'avons été nous- même, de trouver maintenues au Texte officiel quelques-unes des dispositions dont on nous avait demandé le sacrifice et que nous avions abandonnées. Nous en faisons ici la remarque pour ne pas être accusé de légèreté (i).
Notre Projet commence par le Livre IIe.
La Codification du Livre Ier destiné à régler Y -Etat des Personnes, dans la Famille et la Société, ne présentait pas la même urgence que celle des Biens.
D'abord les Coutumes et les traditions japonaises étaient plus ou moins certaines et uniformes en matière de Famille et de Succession, et le pays ne semblait pas, quant alors, en désirer la codification et encore moins la réforme, tandis qu'en matière de Propriété, de Possession, de Contrats et d'Obligations tout était obscur et incertain.
Ensuite, il était évident que le grand obstacle que rencontrait le Japon à obtenir la juridiction sur les étrangers habitant son territoire était l'absence d'une législation civile déterminée, notoire, dans les matières qui pouvaient intéresser les étrangers dans leurs rapports avec les sujets de l'Empire; or, ces matières ne pouvaient guère être celles de Famille et de Succession, mais c'étaient précisément celles des Biens: propriété, créances ou obligations. Il fallait donc se hâter d'y pourvoir.
Une dernière raison qui nous a empêché de solliciter la préparation de cette partie réservée du Code Civil et qui nous eût dissuadé de l'accepter, si on nous l'eût offerte, c'est que nous étions, autant que le Gouvernement, convaincu qu'il fallait une profonde connaissance des mœurs et des coutumes séculaires du Japon pour coordonner, modifier et en même temps conserver la constitution de la Famille et le droit de Succession.
Ce travail confié exclusivement à des légistes japonais, après qu'on eût recueilli les Coutumes des principales provinces de l'Empire, est aujourd'hui à peu près terminé et sera, croyons- nous, prochainement promulgué.
Notre tâche se trouvait donc bornée à la Propriété et à ses démembrements, aux Contrats et Obligations, aux Sûretés ou Garanties des créances et aux Preuves. Le champ était encore assez vaste, puisqu'il a demandé 1500 articles de Texte, et la plupart sont d'une étendue peu usitée.
Il était naturel que nous nous inspirassions constamment, pour le fond des dispositions, du Code civil français que tant de législations de l'Europe ont imité. C'était d'ailleurs entrer dans l'esprit de la Révision des Traités, laquelle était plus ou moins explicitement subordonnée à l'adoption d'une législation " basée sur les principes occidentaux."
Mais bien que nous nous soyons surtout inspiré ici du Code civil français, pour le fond qui est généralement juste, sage et prévoyant, nous n'avons pas hésité à nous en écarter chaque fois que nous avons cru pouvoir le faire utilement: l'application faite de ce Code, depuis bientôt 80 ans, en a révélé certainement les éminentes qualités; mais elle a fait reconnaître aussi ses imperfections: s'il est rare qu'il s'écarte du juste et de l'utile, il est fréquent qu'il soit obscur, plus fréquent encore qu'il présente des lacunes regrettables.
En France, du moins, les obscurités se trouvent en partie éclaircies par les nombreux travaux de jurisconsultes éminents et par la jurisprudence savante des tribunaux; les lacunes aussi sont plus ou moins comblées par les lumières que donnent le Droit romain et l'ancien Droit coutumier français. Mais, au Japon, il faut, autant que possible, que la nouvelle législation se suffise à elle-même, qu'elle prévienne les doutes, qu'elle tranche les controverses qui subsistent encore en France.
Nous avons tiré profit aussi du nouveau Code civil italien promulgué en 1866. Bien que ce Code reproduise, avec le plan général du Code français, beaucoup de ses dispositions et SOllvent jusqu'à ses expressions mêmes, il y a aussi beaucoup de matières qu'il a profondémeut modifiées et souvent améliorées. Quelquefois, le Projet japonais suit les corrections apportées par le Code italien; d'autres fois, il s'écarte de ses deux modèles: nous donnons, au Commentaire, chemin faisant, les raisons de ces divergences.
Le Code civil de Belgique étant, en grande partie, le Code civil français même, n'a été mis à profit que pour les matières qu'il a spécialement réglées: nous ne l'avons pas négligé dans la iie partie de ce Livre, au sujet de la Transcription des aliénations d'immeubles, et nOL1S en avons encore tenu compte au Livre IVe, pour la matière des Hypothèques qui a été profondément modifiée par la loi belge, en 1851.
Nous n'avons connu l'Avant-Projet d'un nouveau Code belge, par le regretté M. Laurent, que lorsque notre travail était terminé; mais un examen rapide a diminué notre regret, en nous montrant ce Projet trop souvent semblable à l'ancien Code, et quelquefois trop radical dans les innovations proposées (J).
Nous n'avons pas cru non plus pouvoir suivre les divisions du Code français et la classification des matières. Elles sont, en effet, à plusieurs égards, peu logiques.
Ainsi, le Livre IIe contient l'accession qui ne devrait figurer qu'au Livre IIIe consacré aux manières d'acquérir la propriété; ce IIIe Livre, de son côté, contient beaucoup de matières étrangères à son titre, telles que les obligations, en général, de faire et de ne pas faire, les preuves, les contrats qui ne peuvent produire que des obligations (comme le louage, le prêt à usage, le dépôt, le mandat), les contrats de garantie personnelle et réelle, c'est-à-dire le cautionnement, le nantissement, les priviléges et hypothèques: ce ne sont pas là, évidemment, "des manières d'acquérir la propriété."
Pour mieux distribuer et coordonner les matières, nous avons cru devoir donner cinq Livres au nouveau Code civil.
Le Ier Livre restera consacré aux Personnes, suivant un usage général et très satisfaisant.
Le IIe Livre comprend les Biens, mais dans un sens plus large et plus complet que celui qu'on lui donne ordinairement: les biens sont les droits composant le patrimoine; ces droits sont de deux sortes: les droits réels et les droits personnels ou droits de créance; dès lors, le IIe Livre a deux Parties: une partie pour chaque sorte de droits. C'est dans la seconde partie que se trouve la matière des Obligations en général. Nous n'y avons pas placé la théorie des Preuves que le Code français a, mal à propos, placée dans le titre des Obligations, alors qu'elle s'applique à tous les droits, même aux droits de Famille.
Le IIIe Livre présente les Manières el' ac- quérir les droits, tant réels que personnels: on y trouve donc d'abord les manières d'acquérir la propriété, puis celle d'acquérir les droits personnels ou de créance.
Le IVe Livre est consacré aux Sûretés ou Garanties des créances: garanties personnelles, comme le cautionnement et la solidarité, garanties réelles, comme le nantissement mobilier et immobilier, le privilége et l'hypothèque.
Enfin, le Ve Livre est réservé aux Preuves qui sont les mêmes, sauf des nuances, pour les droits réels et personnels et pour les droits de famille.
Cependant, comme les matières juridiques sont particulièrement difficiles à classer d'après une méthode rigoureuse, parce qu'il en est bien peu qui ne tiennent par quelques points à plusieurs autres; comme aussi, à côté de la théorie pure, le législateur doit se préoccuper beaucoup de l'application, nous avons dû, à notre tour, sacrifier quelquefois la méthode dans les détails à la simplicité dans l'ensemble.
Ainsi, nous avons placé au Livre IIe les manières d'acquérir ceux des droits réels qui ne sont que des démembrements de la propriété, comme l'usufruit et les servitudes: il eût été difficile, notamment, de traiter de leur extinction (laquelle ne pouvait avoir sa place ailleurs) sans avoir d'abord traité de la manière de les établir, c'est-à-dire de les acquérir.
Nous avons été amené aussi à traiter au Livre lIe de la manière la plus fréquente d'acquérir la propriété, de la convention, parce que, traitant des obligations ou droits personnels, nous avions à parler de leur cause principale, la convention; nous devions, dès lors, traiter des effets de la convention; or, si elle est un moyen de créer le droit personnel, elle est aussi un moyen d'aliéner et, par là même, d'acquérir la propriété.
Il restait donc, pour le Livre IIIe, les autres moyens d'acquérir la propriété (non ses démembrements) et les contrats particuliers qui font acquérir les droits personnels ayant des caractères ou des effets spéciaux.
C'est également par égard pour l'application que, dans la IIe partie du Livre IIe, il a été statué sur les combinaisons, très variées et souvent très délicates, de la solidarité avec diverses parties des Obligations en général, notamment, avec leurs causes d'extinction, bien que la solidarité, comme garantie personnelle, appartînt au IVe Livre: il eût été plus gênant encore de retrouver, au sujet de la solidarité, les diverses causes générales d'extinction des obligations.
La place de la Prescription n'était pas la moins difficile à déterminer; en effet, elle semble appartenir, tout à la fois, aux moyens d'acquérir les droits réels et à ceux de se libérer des droits personnels: il y a, dans le langage usuel, une prescription dite " acqui- sitive " et une autre dite " libératoire." Mais, au fond et si l'on se pénètre de sa nature essentielle, elle appartient aux Preuves, en qualité de présomption légale.
La méthode voulait donc qu'elle prît place dans les Preuves: c'était ainsi un moyen de la ramener, par une voie inusitée, à la fin du nouveau Code, place qu'elle occupe ordinairement dans les autres Codes de lois civiles (le).
On trouve à la suite de chacun des articles de notre Projet l'indication des articles correspondants du Code français. Ces renvois n'indiquent pas toujours une imitation dudit Code, mais désignent aussi bien une dérogation ou une modification proposée.
Une Table finale de Concordance où, en sens inverse, on suit l'ordre du Code français, permet de savoir ce qu'est devenu dans le Projet chaque article de ce Code.
Cette double Concordance prouvera aux critiques que, si nous avons tiré grand profit du Code français, nous avons cru devoir aussi nous en écarter bien souvent, soit pour le fond des dispositions, soit pour la place à leur donner, et quand nos articles ne sont suivis d'aucune conférence avec le Code français (et cela est fréquent), c'est qu'il y a une lacune comblée (l).
L'œuvre des Législateurs de 1804 n'en est pas moins l'objet de notre respect et de notre admiration, eu égard au temps où elle a été accomplie. Si notre Projet a quelque mérite, nous n'hésitons pas à dire que nous le devons à notre modèle, et si les réformes que nous proposons sont exemptes de témérité, nous en reportons sincèrement tout l'honneur à ceux qui ont été nos Maîtres avant que nous devinssions leur collègue dans l'Enseignement.
Depuis que la Codification japonaise est terminée, on lui a fait deux reproches dont il nous est difficile de ne pas dire ici quelques mots.
On a dit que les nouveaux Codes s'étaient trop inspirés des Législations étrangères et pas assez des Coutumes japonaises.
Mais nous avons fait remarquer que les matières déjà codifiées sont précisément celles où les coutumes sont muettes ou incertaines, et nous ajoutons ici que même beaucoup de dispositions de la loi réservent formellement le cas où il existerait " des usages locaux certains," lesquels devraient être observés, si les parties n'y avaient pas voulu déroger. Quant aux matières qui restent à régler (le droit de Famille et le droit de Succession), on se préoccupe, au contraire, de conserver le plus possible les Coutumes nationales, en tant qu'elles sont compatibles avec le nouvel état des choses au Japon et que leurs variétés ne s'opposent pas à l'unité de législation.
Au fond de cette critique, nous devinons peut-être un patriotisme ombrageux qui souffre de voir au Japon l'influence des lois étrangères.
Mais quiconque étudie l'histoire des principales Nations du monde y verra qu'aucune d'elles ne s'est développée seule et sans le secours des autres.
Rome a emprunté ses premières lois à la Grèce, laquelle tenait les siennes de l'Inde. Plus tard, toutes les Nations de l'Occident ont, à des degrés divers, emprunté à la Législation romaine, pour leurs Coutumes d'abord et ensuite pour leur Codification générale.
Maintenant, toutes ces Nations s'empruntent les unes aux autres. Plusieurs d'entre elles, la France notamment, ont des " Sociétés de législation comparée" qui n'ont d'autre but que de favoriser des emprunts de ce genre: on croirait téméraire en France de faire une loi de quelque importance, sans se préoccuper de ce que font les autres Nations en la même matière. On est bien revenu aujourd'hui d'une idée émise par notre Montesquieu (si clairvoyant pourtant, en général) que " c'est un très grand hasard, "si les lois d'une nation peuvent convenir à "une autre." Heureusement, Montesquieu s'est réfuté lui-même, par avance, lorsqu'il a écrit cette pensée magistrale et célèbre: " La " loi, en général, est la raison humaine, en tant " qu'elle gouverne tous les peuples de la terre."
Les Nations sont, à bien des égards, comme les individus: elles s'immobilisent et s'atrophient dans l'isolement; elles se développent sans cesse, au contraire, par le contact avec les autres, par l'échange des idées et la communication des découvertes.
La Chine serait-elle restée stationnaire'pendant tant de siècles, si elle ne s'était pas enfermée dans son aveugle et orgueilleux isolement ?
Au contraire, quels pas immenses a faits le Japon dans la voie de la civilisation matérielle et intellectuelle, depuis qu'il est entré dans le concert international !
Le Japon n'est pas humilié d'emprunter à l'Occident son industrie, ses engins de défense, ses applications de la vapeur et de l'électricité, sa médecine et toutes ses découvertes scientifiques. Pourquoi rougirait - il d'emprunter beaucoup aussi aux lois civiles des pays qui l'ont précédé dans le nouvel ordre de choses, d'idées et d'intérêts où il est entre ?
Il semble que ce soit pour l'encourager qu'un Chancelier de France, Portalis (le fils d'un des quatre Rédacteurs du Code civil), H- émis cette belle et généreuse maxime: " L'utile et le vrai, tc surtout en matière de législation, sont au " nombre de ces biens que toutes les Nations " peuvent et doivent revendiquer pour elles- " mêmes et dont l'usage leur appartient en " commun." (Observations sur le Code civil de Sardaigne).
On a dit encore que la Codification n'était pas nécessaire au Japon, surtout à une époque de transition comme celle-ci.
En vérité, nous avons peine à comprendre cette objection dans un pays qui n'a pas, comme l'Angleterre, une jurisprudence fondée sur des précédents autorisés et respectés.
Au Japon, les juges civils, privés des secours d'une jurisprudence ancienne, ne pouvant, la plupart du temps, s'appuyer sur des coutumes fixes et certaines, et un peu générales, sont obligés aujourd'hui de résoudre les difficultés par les principes du droit naturel qu'ils trouvent formulés dans quelques Codes étrangers formant en quelque sorte le droit commun de l'Occident.
N'est-ce pas la preuve que le besoin d'une législation fixe et positive s'impose au pays ?
N'est-ce pas précisément au moment où le Japon s'agite pour obtenir son indépendance, en matière de législation et de juridiction sur les étrangers, qu'il lui est absolument Úécessaire de se présenter à la Révision des Traités avec une législation précise, rationnelle et surtout équitable ?
Demander l'ajournement indéfini de la Codification, c'est demander aussi que le pays reste indéfiniment dans une situation qui l'humilie, parce qu'elle est une sorte de défiance dans les lumières de ses Législateurs et dans l'équité de ses Tribunaux. Un patriotisme éclairé devrait détourner d'une pareille critique.
Espérons donc que tous ces efforts du Gouvernement japonais et des légistes, tant nationaux qu'étrangers, trouveront bientôt leur récompense dans la pleine autonomie du Japon.
L'Europe et l'Amérique ont suivi avec intérêt et sympathie ces louables efforts du Japon pour entrer dans le concert des Nations les plus avancées en civilisation: elles ne peuvent tarder à l'y admettre.
Le Japon a aujourd'hui une Constitution aussi libérale que celle de beaucoup de pays d'Europe;
Il jouit depuis longtemps d'une complète liberté religieuse;
Les pénalités y sont douces et proportionnées, autant et peut-être plus qu'ailleurs, à la gravité des infractions;
Les magistrats n'y sont nommés qu'après la justification d'études sérieuses et un stage prolongé dans les fonctions judiciaires inférieures;
La magistrature est désormais inamovible. Le jour ne saurait donc être éloigné où seront enfin abolies, d'un commun accord, les Traités qui humilient le Japon depuis trente ans.
Celle des nations étrangères qui la première donnera aux autres l'exemple de la confiance envers le Japon sera aussi celle qui aura montré le plus de clairvoyance politique et aura le mieux observé le principe fondamental du droit des gens, qui est le respect de l'autonomie des nations indépendantes.
Si cette nation ne peut être " la plus favorisée " (en admettant que les Traités s'y opposent), elle se sera certainement montrée la plus sincère amie du progrès international et elle aura mérité la plus cordiale sympathie du Japon.
Tokio, 31 Juillet 1890.
G. B.
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(a) MM. Tsourouda, Kishira, colonel Kawadji, Inowe Ki, Namoura Taïzo, Imamoura Waro, Capitaine Iwashita.
(b) MM. Tsourouda et Namoura firent partie de la Commission de Code Pénal; M. Kishira présida celle de Procédure criminelle; M. Kawadji contribua beaucoup à l'organisation de la Police judiciaire. Plus tard, M. Ima- moura Waro entra dans le Bureau de législation générale et ensuite dans la Commission du Code civil où il est resté jusqu'à la fin.
Tous arrivèrent rapidement à de hautes positions: M. Tsourouda devint sénateur, M. Kisbira, procureur général à la Cour de Cassation, M. Kawadji, général et préfet de police; M. Inowe Ki fit partie d'un Bureau de législation administrative et, récemment, il a coopéré à la rédaction de la Constitution japonaise. M. Namoura est aujourd'hui procureur général à la Cour de Cassation, par suite du décès de M. Kishira.
D'autres décès, aussi prématurés et aussi regrettables que celui de M. Kishira, réduisirent encore cette jeune phalange: le capitaine Iwashita, après avoir largement contribué à la rédaction du Code militaire, mourut d'un accident; le général Kawadji mourut à son retour d'un second voyage en France, où il était allé étudier de près l'organisation de la Gendarmerie qui fonctionne parfaitement aujourd'hui au Japon; M. le sénateur Tsourouda nous a été enlevé, plus récemment, après une courte maladie.
Nous tenons à payer ici un juste tribut de regrets à ces jeunes hommes qui rendirent de grands services à l'influence de la législation française au Japon et qui auraient aidé puissamment à l'application pratique des lois nouvelles. -,
(c) Il avait été nécessaire de donner la priorité aux Codes Criminels, pour faire cesser au plus tôt des pénalités d'origine chinoise, hors de proportion avec les infractions, et une procédure contraire à la raison, à la justice et à l'humanité.
(d) Le Projet de Code de Commerce a été élaboré par M. Roesler, savant légiste allemand. L'influence du nouveau Code allemand y prédomine naturellement; mais il n'y a pas de sérieuses différences entre son esprit et celui du droit français. On s'est d'ailleurs attaché à éviter les oppositions de principes avec ceux du nouveau Code Civil.
Le Code de Procédure civile, d'abord préparé par un autre légiste allemand, a été repris par des légistes japonais. Il est complété par une Loi organique des Cours et Tribunaux, de près de 150 articles.
(e) Nous avions d'ailleurs une foule d'autres travaux consultatifs et une part à l'Enseignement du droit.
(f) Le Tome IIe est en préparation. Nous espérons que l'âge et la santé nous permettront de le finir, ainsi que les trois derniers.
(g) Nous manquerions à un devoir si nous ne mentionnions pas ici les utiles observations qui nous ont été soumises par un jeune et savant légiste anglais, legal adviser du Gouvernement japonais, M. Montague Kirkwood.
Notre collègue a été chargé de la traduction en anglais des deux Codes précités. Cette traduction est destinée à être plus ou moins officielle, en vue de l'application des Codes aux étrangers, et, bien que M. Kirkwood se trouvât en présence d'une législation qui diffère souvent de la législation et de la jurisprudence anglaises, il a saisi le Projet avec une pénétration, une exactitude et une sincérité dignes de toutes louanges.
A cette occasion, nous avons eu avec M. Kirkwood les rapports les plus cordiaux et les plus sympathiques et nous déclarons avec un vif plaisir que beaucoup d'améliorations du Projet nous ont été suggérées par lui.
(h) Pour ne pas déranger l'ancien numérotage des articles nous avons ajouté des nos bis; mais beaucoup d'additions ne sont que des alinéas ou des membres de phrases: elles sont généralement indiquées au Commentaire, au moyen de notes par chiffres et en caractères spéciaux. C'est par la même indication qu'on reconnaîtra les corrections qui nous ont été suggérées par les Commissions: nous sommes ainsi resté fidèle au principe de droit " à chacun le sien, " cuiqiie suum.
(i) Nous citerons comme exemples, pour ce Tome Ier, le droit légal de préemption, pour le propriétaire du sol, à l'égard des constructions et plantations faites par l'usufruitier, le preneur et le superficiaire, droit qu'on nous avait demandé de supprimer, que nous avons transformé en droit conventionnel et que le Code officiel conserve avec son caractère légal ou sans stipulation (voy. Projet, art. 73, 156, 189; C. off., art. 70, 144, 177).
De même, le Code officiel a maintenu, au cas d'incendie de la chose usufructuaire, la présomption de faute de l'usufruitier, après qu'on avait désiré la preuve directe de sa faute pour engager sa responsabilité (v. Proj., art. 88; C. off., art. 85). La même correction avait été demandée pour le cas d'incendie des choses louées: le Code officiel a supprimé en entier les trois articles qui se réfé- raient à ce cas (v. Proj., art. 152, 153, 154). Comment ce silence sera-t-il suppléé par les Tribunaux ?
(j) Nous n'avons pu connaître non plus en temps utile les divers Projets de législation civile pour l'Empire d'Allemagne, qui se sont succédé depuis 1874; il nous eût été difficile d'ailleurs de proposer pour le Japon des dispositions qui divisent encore les légistes allemands eux-mêmes.
(k) Primitivement, la Prescription avait été annoncée comme devant figurer à la fin du Livre IIIe: c'était une concession faite à l'opinion qui y voit un moyen d'acquérir; mais alors, la logique voulait qu'elle figurât aussi au Livre IIe, IIe Partie, comme moyen de libération. Nous l'avons résolument rétablie à sa véritable place, parmi les Preuves, et nous avons été heureux que la Commission nous ait fortifié dans cette manière de voir.
(l) Cette édition contient une nouvelle Table de Concordance, entre le Projet et le Code officiel: l'ordre est le même dans les deux Textes, sauf quelques interversions; mais on y trouvera sous le signe 0 les suppressions qu'a subies notre Projet; elles sont encore assez peu nombreuses pour le Livre II, ire et ne Parties; elles le seront davantage pour les trois Livres suivants.
DERNIÈRES CORRECTIONS.
Suivant un proverbe japonais, "Les fautes d'un livre " sont comme les feuilles d'automne: on en relève " toujours."
A la dernière heure, nous remarquons, page 5, qu'il faut lire ainsi le dernier alinéa de l'article 8: "Et généralement, (sont immeubles par nature) tous les objets, même mobiliers par leur nature, formant les accessoires essentiels du sol et des bâtiments."
Page 42, 1. 22, au 1. de art. 643, lire 43.
SOMMAIRE.
N° 1. Rapports entre les Biens et les Choses, en général; objet de ce Livre.
Art. 1er -2. Identité des Biens et des Droits. -3. Utilité d'admettre dans la Loi, au moins incidemment, quelques définitions et propositions dogmatiques.
2. —4. Définition incidente des droits réels. —5. Leur division en principaux et accessoires; énumération des uns et des autres; renvoi pour les droits réels accessoires. -6. Remarque sur les droits de superficie et d'emphytéose.
3. -7. Définition incidente des droits personnels; diversité de leurs causes; uniformité de leurs effets. -8. Etendue du pouvoir des parties en cette matière; droits personnels principaux et accessoires. -9. Renvois à la IIe Partie de ce Livre pour leurs règles communes, au Livre IVe pour les droits accessoires, au Livre Ve pour la preuve des uns et des autres.
4. -10. Droits des écrivains, des artistes et des inventeurs; en quoi ils sont civils; ce qu'ils ont de réel et de personnel. —11. Pourquoi ils ne figurent pas dans le Code civil.
5. -12. Douze divisions principales des choses: comment elles se cumulent et se combinent entre elles. -13. Rôle, dans ces divisions, de la nature des choses, de la volonté de l'homme et de la détermination de la loi.
6. -14. Choses corporelles ou incorporelles; observations sur les universalités de biens.
7. -15. Choses mobilières ou immobilières; raison de la grande importance pratique de cette division. -16. Suite.
8. -17. Immeubles par nature; développements sur les douze cas présentés par le texte: ils ne sont pas limitatifs.
9 et 10. -18. Immeubles par destination quatre conditions nécessaires. -18 bis. Développements sur les quatorze cas présentés par le texte de l'article 10. -19. Utilité de cette distinction.
11. -20. Immeubles par la détermination de la loi: critique du Code français. -21. Développements sur le quatrième cas.
12. -22. Meubles par nature.
13. -23. Meubles par destination.
14. -24. Meubles par détermination de la loi; développements sur les cinq cas présentés par le texte.
15. —25, 26 et 27. Détermination de la nature des droits par des faits postérieurs à leur naissance: 1° par le partage de biens indivis, 2° par le payement d'une dette alternative. -27 bis. Transition.
16. -28. Choses principales ou accessoires.
17. -29 et 30. Corps certains et choses de quantité: utilité de la distinction. -31. Collectivités et universalités: intérêt de la distinction.
18. -32. Choses susceptibles, ou non, de consommation primo usu: renvoi.
19. -33. Choses fongibles ou non fongibles.
20. -34-. Choses divisibles ou indivisibles.
21. -35. Les choses ont commencé par n'être pas appropriées: aujourd'hui c'est l'exception.
22. -36. Choses appropriées n'appartenant pas à des particuliers.
23. -37. Choses du domaine public: principe dirigeant pour les reconnaître.
24. -38. Choses du domaine privé de l'Etat, des départements, des communes.
25. -39. Choses sans maître.
26. -39 bis. Choses communes.
27. -40. Choses dans le commerce ou hors du commerce. 28. -41. Choses aliénables ou inaliénables.
29. -42. Choses prescriptibles ou imprescriptibles. 30. -43. Choses saisissables ou insaisissables. -44. Observation sur l'insaisissabilité des rentes sur l'Etat. -45. Comment elle peut se justifier. —46. Autres divisions moins importantes des choses. -47. Choses perdues ou volées. - 48. Choses liquides et certaines. -49. Choses excédant une valeur déterminée. -50. Choses susceptibles de dépérissement.
COMMENTAIRE.
1. Le Livre premier est consacré aux Personnes qui sont les sujets des droits, c'est-à-dire à ceux auxquels les droits peuvent appartenir.
Le présent Livre IIe est consacré aux Biens ou aux Droits eux-mêmes, et aux Choses qui sont les objets des droits, c'est-à-dire sur lesquelles portent les. droits ou que les droits tendent à faire-acquérir.
Mais il y a des choses qui ne sont pas encore l'objet de droits et qui, par conséquent, ne sont pas encore des biens; d'autres choses même ne seront jamais des biens, parce qu'elles ne pourront jamais devenir l'objet de droits. La loi doit cependant les mentionner ici, en les caractérisant, pour l'intelligence des dispositions ultérieures qui les concernent, surtout des dispositions prohibitives.
A cet égard, le Projet japonais s'écarte notablement du Code civil français qui n'a traité que des biens et a négligé la nomenclature des nombreuses divisions des choses que pourtant il devait rencontrer, chemin faisant, et à l'égard desquelles il devait statuer diversement.
Le droit romain, au contraire, après avoir traité des personnes, traitait des choses; les liens n'y occupaient que le second rang. Les biens étaient les choses acquises ou au moins dues; on les appelait, pour cette raison, " choses qui sont dans notre patrimoine " (a).
Le Projet japonais rapproche et réunit ce que les deux législations qu'il prendra le plus souvent pour modèle ont eu le tort de trop séparer. Sans doute, les biens l'occuperont davantage; mais il ne négligera pas les choses qui ne sont pas encore acquises, ni celles qui ne sont pas susceptibles de l'être.
On peut même dire que, dans toutes ces Dispositions préliminaires, c'est surtout la nature des choses, soit matérielle, soit juridique, qui occupera le Rédacteur du Projet, et ce n'est que par voie de conséquence des principes ici posés, que, dans la suite, l'on arrivera à montrer, chemin faisant, comment elles se comportent par rapport au patrimoine des particuliers, c'est-à-dire, si et jusqu'à quel point elles deviennent des Liens.
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(a) Le nom de " biens," en latin: bona, paraît venir du verbe beare: " rendre heureux," parce que les choses qui sont " dans notre patrimoine" servent à otre utilité, à notre avantage, et contribuent à notre bonkeur.
Art. 1er. -2. Aucune législation n'a encore affirmé, avec cette netteté, l'idée, incontestable d'ailleurs, que les seuls biens sont les droits. En effet, lorsque nous disons que " telle chose nous appartient," nous parlons un langage usuel, mais inexact: ce n'est pas la chose qui nous appartient, c'est le droit de propriété ou droit réel; quand nous disons que "telle chose nous est due," cette chose n'est pas encore un bien pour nous, puisqu'elle est encore la propriété de notre débiteur; mais ce que nous avons, ce qui nous appartient déjà, ce qui est un bien pour nous, c'est le droit de l'exiger, le droit de créance ou droit personnel.
C'est pour avoir négligé ce point de vue si simple et si naturel, que la loi française, après avoir dit, dans l'article 516, que "tous les biens sont meubles ou immeubles," est arrivée, dans les articles 526 et 529, à ce singulier résultat que le propriétaire d'un meuble ou d'un immeuble paraît avoir deux biens: la chose elle- même et le droit de propriété sur cette chose (11).
3. Bien que le rôle du législateur ne soit pas, en général, de donner des définitions (c), mais seulement de disposer, c'est-à-dire, d'ordonner, de permettre ou de défendre, bien qu'il doive, autant que possible, s'abstenir d'énoncer des propositions dogmatiques ou de pure doctrine, il est cependant quelquefois nécessaire qu'il le fasse: il y a là une question de mesure et d'opportunité dont il est juge (d). Le Projet japonais n'usera qu'avec beaucoup de réserve de cette faculté. Mais il ne croit pas inutile de proclamer, tout d'abord, cette vérité trop peu reconnue que " les Biens ne sont autre chose que les Droits." Puis, il annonce que Il ces droits sont de deux sortes." Incidemment, il déclare qu'ils peuvent appartenir à des individus, à des particuliers, ou à des personnes morales ou incorporelles, c'est-à-dire, à des personnes de pure création juridique, comme l'Etat, les départements, les communes, les corporations ou sociétés, soit publiques, soit privées.
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(b) Le Code italien, se trompe manifestement, sons un autre rapport, quand il dit (art. 406) que "toutes les choses susceptibles d'être l'objet d'une propriété publique ou privée sont des biens." A ce compte, les animaux sauvages,les oiseaux libres, les poissons de la mer et des rivières, seraient des biens, avant qu'on s'en fût emparé, ce qui est insoutenable
(c) " Toute définition est périlleuse," a dit un auteur latin, et elle l'est surtout en législation, parce que, si le législateur s'est trompé, lui seul peut redresser son erreur.
(d) Les anciens Projets du Code civil français contenaient un grand nombre de définitions; quelques-unes étaient presque des sentences, des axiomes. Dans la suite, on les a peut-être trop généralement exclues.
Une de ces sentences est rest'e(art. 1332) et c'est peut-être la plus belle et la plus utile disposition du Code civil.
Art. 2. — 4. La loi procède ici autrement que dans l'article précédent: son objet principal et direct, sa disposition, n'est pas de définir les droits réels, mais de les diviser en deux classes: principaux et accessoires.
Cependant, la loi donne, incidemment, la définition du droit réel, à cause de sa grande importance, et elle nous signale son double caractère:
1° Il porte directement sur une chose, " il s'exerce sur elle " (e), sans que celui auquel cette chose appartient ait besoin de s'adresser à une personne, ce qui, au contraire, caractérise le droit de créance ou droit personnel et lui donne son nom (f);
2° Il est " opposable à tous," c'est-à dire à quiconque y fàit obstacle ou le trouble, par une entreprise ou par une prétention sur cette chose, ce qui le fait appeler droit absolu, par opposition encore au droit personnel qui ne peut se faire valoir que contre une personne déterminée, le débiteur, et qui, pour cette raison, est appelé droit relatif.
5. Le véritable but de l'article est de donner l'énu- mération des droits réels, et comme les uns peuvent exister seuls, tandis que les autres ne sont que les accessoires de droits personnels, ils sont et doivent être présentés en deux groupes, dont la place sera très- différente dans le Code, comme l'indique le présent article 2. En effet, les droits réels qui ne sont que l'accessoire de droits personnels ne peuvent être utilement placés, pour être bien compris, qu'après les droits personnels dont ils sont la garantie.
Les lois ne prennent pas toujours le soin d'énumérer et de classer ainsi les droits réels; aussi serait-il bien difficile, en parcourant les lois européennes, même le Code français, de savoir combien de droits réels ces lois admettent. Ainsi, par exemple, en France, on est divisé sur le point de savoir si le droit résultant du bail ou du louage d'une chose est réel ou personnel. La difficulté est la même sur le droit d'antichrèse qui est une garantie immobilière; enfin, on peut même hésiter sur le point de savoir si l'emphytéose est admise par la loi française.
Au Japon, de pareilles questions ne pourraient rester indécises: la loi nouvelle devant innover sur beaucoup de points, par rapport à l'ancienne, devant y ajouter ce qui y manque et conserver ce que les anciens usages ont de bon et d'utile, il ne faut laisser aucun doute sur ce qui est conservé, ni sur ce qui est ajouté, retranché ou changé.
Comme chacun des cinq droits réels accessoires des créances sera l'objet d'un Chapitre particulier, au Livre IVe, il est inutile, quant à présent, de les définir, même sommairement. Il suffit d'avoir indiqué leur nature commune qui est "une relation directe d'une personne avec une chose " (1).
6. On fera, dès à présent, une remarque sur le droit de superficie qui, placé à côté et à la suite du bail et de l'emphytéose, semblerait, par là, différer notablement de la propriété. Cependant, le superficiaire est plein propriétaire des bâtiments et plantations sur lesquels porte son droit; mais, comme il n'est qu'emphytéote à l'égard du sol sur lequel portent ses bâtiments et plantations, comme il n'a aucun droit au sous-sol, au tTf!jondH, il est d'usage, dans les lois qui admettent le droit de superficie, de le placer à la suite de l'emphytéose, c'est-à-dire du droit avec lequel il a le plus d'analogie. On a fait de même au Japon (v. n° 24,0 bis).
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(e) Droit réel, du latin: res, " chose jus in re, " droit sur une chose."
(f) Du latin: jus in personam, " droit contre une personne."
(1) L'antichrèse du Code français a été transformée, en conformité avec la coutume japonaise: on y a joint une hypothèque conventionnelle tacite. Il a donc fallu changer son nom, puisqu'elle ne donne plus seulement un droit de jouissance privilégiée, mais encore un droit de préférence sur le prix de la chose lorsqu'elle sera vendue. Elle devient ainsi un nantissement analogue au gage; de là, le nom do "nantissement immobilier ou hypothécaire."
On a aussi changé l'ordre numérique des trois premières garanties réelles, afin de le faire correspondre à celui des trois Chapitres qui leur sont consacrés au Livre IVe, ne Partie.
Art. 3. — 7. Dans le 1er alinéa, la loi caractérise suffisamment le droit personnel par son sujet, passif, par les objets qu'il peut avoir et par ses causes.
On ne trouve pas ici une énumération des droits personnels, comme on en a trouvé une pour les droits réels: ceux-ci, en effet, avec des caractères communs, présentent des variétés considérables dans leur nature, dans leurs causes, dans leurs effets et dans leur extinction, et, comme ils sont Il opposables à tous," c'est- à dire même à ceux qui n'ont pas participé à leur établissement, aux tiers, il n'est pas permis aux particuliers d'en créer d'autres que ceux que la loi autorise, ni d'en étendre les effets: cela rend une énumération nécessaire.
Au contraire, il y a une sorte d'unité ou d'uniformité dans les droits personnels. Il est vrai qu'ils ont aussi plusieurs causes; mais, ici, la cause n'influe pas sur la nature du droit produit; elle n'influe guère, non plus, sur ses effets, ni sur son extinction: entre la créance née d'une convention et celle née d'un dommage causé injustement ou d'une disposition directe de la loi, il peut y avoir quelque différence sur la manière de prouver l'obligation et d'en apprécier l'étendue; mais les voies d'exécution et les modes d'extinction seront les mêmes, et l'on aura suffisamment désigné la créance quand on aura nommé le débiteur et indiqué le montant de son obligation.
8. Quant au pouvoir des particuliers pour créer le droit personnel, il est plus considérable qu'en matière de droits réels, justement parce que le droit personnel et l'obligation corrélative n'ont d'effet qu'entre les parties; elles ne peuvent, sans doute, créer de nouvelles causes d'obligation, c'est-à-dire ajouter à " celles que la loi détermine; " mais elles peuvent tirer de ces causes un nombre, pour ainsi dire, indéfini d'obligations: celui qui ne peut aliéner qu'une fois sa propriété peut s'obliger successivement à donner, à faire ou à ne pas faire des choses semblables ou diverses, soit envers le même créancier, soit envers des créanciers différents; il n'y a d'autres limites à cette faculté que sa prudence et la confiance qu'inspirent aux autres sa solvabilité et son honnêteté. Les parties peuvent encore, à leur gré, modifier, étendre ou restreindre les effets de leurs obligations et de leurs droits personnels respectifs.
Les droits personnels sont aussi -principaux et accessoires; mais les uns et les autres sont, au fond, de la même nature. Ainsi, l'obligation de la caution est l'accessoire d'une obligation principale dont une autre personne est tenue; mais, à part quelques différences de détail au moment de la poursuite, le créancier auquel appartient ce double droit personnel se comportera de la même manière contre ses deux débiteurs.
9. Malgré cette unité des droits personnels et cette apparence de simplicité qui en devrait résulter, ils occuperont dans le Projet de Code civil une place aussi considérable, sinon plus, que les droits réels: leurs causes, leurs effets, leur extinction, donneront lieu à des développements très étendus dans la IIe Partie de ce Livre. Les droits personnels accessoires seront l'objet de la Ire Partie du Livre IVe.
Quant à la preuve des uns et des autres, on a déjà dit, dans l'Introduction, pourquoi, au lieu d'être présentée, comme dans le Code français, sur la matière des droits personnels ou des obligations, elle rentrera dans un Livre spécial, le Ve, où se trouveront réunies les preuves de tous les droits, de ceux de famille aussi bien que de ceux composant le patrimoine.
On ne s'arrêtera pas ici aux deux objets des obligations mentionnés au texte, les prestations et les abstentions: on verra en son lieu que " l'obligation peut avoir pour objet de donner, de faire ou de ne pas faire; " l'abstention répond évidemment à l'obligation dé lie pas faire: par exemple, de ne pas exercer un di'oit ou une faculté légale; la prestation comprend: donner, livrer, faire; c'est tout fait actif qui peut procurer un avantage au créancier.
Art. 4. — 10. Les droits mentionnés aux articles 2 et 3 sont communs à toutes les personnes: ils se trouvent, avec plus ou moins d'étendue, dans chaque patrimoine; il n'est personne qui, ne possède en 'propriété quelques objets au moins, d'un usage journalier et auquel il ne soit dû quelque chose.
Au contraire, les droits dont fait mention l'article 4 ont un caractère exceptionnel; ils ne se rencontrent que dans quelques patrimoines: tout le monde n'est pas écrivain, artiste, ou inventeur de procédés industriels.
Les droits des écrivains consistent à publier leurs ouvrages, par la voie qui leur convient, et à en empêcher la publication par d'autres personnes, même sous le nom de l'auteur; l'écrivain a aussi le droit de modifier son oeuvre; il peut même la supprimer, tant qu'elle n'a pas été publiée avec son consentement.
Les droits des artistes (dessinateurs, peintres, graveurs, sculpteurs, architectes) ont les mêmes objets; seulement, dans l'usage, au lieu de publication, on dit reproduction de leurs oeuvres, parce que l'œuvre de l'artiste est déjà complète dans l'original, dans le dessin, le tableau, la planche gravée, la statue, le plan, lesquels sont, eux-mèmes, l'objet du droit de propriété ordinaire; au contraire, le manuscrit d'un écrivain ne peut guère, en lui-même, être considéré comme une œuvre complète et définitive.
Les compositeurs de musique, quoique compris sous la dénomination générale d'artistes, sont, au point de vue de leurs droits, considérés comme des écrivains.
Les droits des inventeurs de procédés industriels sont d'appliquer eux-mêmes leurs découvertes et d'en empêcher l'application par d'autres, sans leur consentement.
Tous ceux qui, sans la permission des auteurs ou inventeurs, publient ou reproduisent leurs oeuvres, ou appliquent leurs découvertes, sont coupables de contrefaçon et peuvent encourir des peines, outre la réparation du préjudice causé.
Les droits qu'on vient d'indiquer sommairement sont des droits ci cil s ou privés (ff), car ils font partie du patrimoine des particuliers; ils sont réels, car ils s'exercent directement sur la chose objet du droit et ils sont opposables à tous.
Quelquefois, cependant, ces droits deviennent personnel*: c'est ce qui a lieu, lorsque l'auteur a fait une convention avec un libraire pour publier ou éditer son œuvre; dans ce cas, si l'éditeur n'a pas immédiatement payé une somme unique pour acquérir le droit de publication, s'il s'est engagé à payer des sommes successives, à raison de l'importance de la vente de l'ouvrage, ou de l'éLendue qu'il aurait, les droits d'aute1.t'f sont des droits personnels ou de créance.
La même observation s'applique aux droits des artistes et inventeurs, lorsqu'ils ont fait de pareilles conventions avec des tiers.
11. Il semblerait donc que toute cette théorie, connue en Europe sous le nom de propriété littéraire, artistique et industriellè, devrait se trouver réglée dans le Code civil (g).
Mais on a remarqué qu'elle est encore bien nouvelle au Japon et il serait difficile, impossible même, de faire, en ce moment, une législation définitive sur ce point (gg).
En Europe même, où, depuis plus d'un siècle, des lois spéciales sont intervenues en cette matière, il n'y a pas un pays qui n'ait fait de fréquentes modifications à ces lois et qui se considère comme arrivé à une législation définitive (h).
Il faut donc se résigner à laisser cette matière en dehors du Code civil.
Il pourra y avoir des lois différentes pour les écrivains, les artistes et les inventeurs, surtout pour ces derniers. Ces mêmes lois tiendront, d'un côté, au droit civil et au droit commercial, pour les intérêts privés; de l'autre, elles toucheront au droit administratif, pourles intérêts généraux; elles se rattacheront aussi au droit pénal, car elles auront à édicter des peines contre les contrefacteurs.
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(ff) L'expression française "droit civil," si on s'arrêtait à son éty- mologie latine, civis, citoyen, signifierait (li-o;t propre aux citoyens d'un pays, à ses nationaux," il s'opposerait alors au droit des gens, au droit des étrangers (jus geniium); mais depuis longtemps, depuis les Homains eux-mêmes, le droit civil est devenu, en général, synonyme du droit privé, par opposition au droit public.
Dans d'autres cas, le droit civil est pris par opposition au droit comîizei-cial; il est alors le droit privé commun et le droit commercial est un droit privé spécial au commerce.
Enfin, le droit civil (tant commun que spécial) se prend pai' opposition au droit administratif et aussi au droit criminel.
(g) Tout le monde n'admet pas que, dans ces divers cas, il y ait une véritable propriété. Quelques-uns l'admettent pour.les écrivains et les auteurs de compositions musicales; mais pour les inventeurs de procédés ou produits industriels, ils préfèrent le nom de privilége-, dans aucun cas, le droit n'est, ni doit être perpétuel; sous ce rapport, il différera toujours de la propriété des choses corporelles. C'est pour cette raison que le Projet n'emploie pas l'expiession de propriété littéraire.
A l'égard des peintres, sculpteurs et graveurs, la difficulté n'existe que sur le droit de reproduction ou de copie, car le tableau original, la statue, la planche gravée, sont, évidemment, comme choses corporelles, susceptibles d'une propriété perpétuelle.
(gg) La loi japonaise actuellement en vigueur sur les droits des écrivains est du mois de décembre de la 20e année de Mtiji (1887). (A) Les lois intervenues sur la propriété littéraire et artistique, en France, depuis la Révolution, sont déjà nombreuses. Les principales sont des 19 juillet 1793, 22 mars 1805, 5 février 1810, 3 août 1814, 8 avril 1854. 16 mai 1866, 1 L juillet 1866.
Sur la propriété industrielle, il y a une loi sur les Brevets d'invention du 5 juillet 1844, une autre sur les Marques de fabrique, du 23 juin 1857.
Art. 5. — 12. Cet article encourrait le reproche d'être purement dogmatique ou doctrinal, s'il ne répondait à une impérieuse nécessité de méthode.
Les nombreuses distinctions des choses, présentées par les articles suivants, ne sembleraient pas avoir leur raison d'être, si la loi ne nous disait qu'elles ont de l'influence sur les droits, qu'elles les modifient et quelquefois même les excluent.
La plupart des législations de l'Europe se bornent à indiquer comme principale, une seule division des choses ou des biens, la division en meubles et immeubles: les autres divisions des choses ne s'y rencontrent qu'incidemment et lorsque l'application s'en présente dans les diverses parties du droit, ce qui est un embarras et comme une surprise pour l'interprète de la loi.
Le Projet japonais suit une méthode plus rationnelle, en donnant, tout d'abord et d'ensemble, la nomenclature des principales divisions des choses, au point de vue juridique. Il arrive ainsi aux douze divisions suivantes:
1° Choses corporelles ou incorporelles (art. 6);
2° Choses mobilières ou immobilières (art. 7 à 15); 3° Choses principales ou accessoires (art. 16);
4° Choses individuelles ou corps certains, choses de genre ou de quantité, choses collectives, universalités (art. 17); »
5° Choses qui se consomment, ou non, par le premier usage (art. 18);
6° Choses fongibles ou non fongibles (art. 19);
7° Choses divisibles ou indivisibles (art. 20);
8° Choses appropriées ou non (art. 21 à 26);
9° Choses dans le commerce ou hors du commerce(art. 27);
10° Choses aliénables ou inaliénables (art. 28);
11° Choses prescriptibles ou imprescriptibles (art. 29); 12° Choses saisissables ou insaisissables (art. 30).
Il va sans dire que ces divisions se combinent les unes avec les autres: toutes les choses, ou presque toutes, peuvent figurer dans chacune d'elles, en ce sens qu'elles ont toutes l'un des deux caractères opposés que présente chaque division. Ainsi une chose est mobilière ou immobilière, ce qui n'empêche pas qu'elle soit en même temps principale ou accessoire, aliénable ou inaliénable: chaque division est faite à un point de vue particulier, elle envisage les choses sous un certain aspect, ce qui n'exclut pas les autres points de vue, les autres aspects. Il n'en est pas autrement des choses que des personnes: celles-ci se divisent, notamment, au point de vue de l'âge, du sexe, de la nationalité; ainsi, toute personne est d'un sexe ou d'un autre, et, en même temps, elle est majeure ou mineure, nationale ou étrangère.
13. La loi nous arprend, dans cet article, que ces distinctions des choses ont trois causes: leur nature même, la volonté ou intention de l' homme et la disposition ou détermination de la loi. Mais ce n'est pas à dire que ces causes se rencontrent toutes trois et toujours an même degré dans chacune de ces divisions. Assurément, on les trouve réunies dans celles en:
Choses mobilières ou immobilières (art. 7 à 15);
Choses principales ou accessoires (art. 16);
Corps certains, choses de genre, choses collectives et universalités (art. 17);
Choses fongibles ou non fongibles (art. 19);
Choses divisibles ou indivisibles (art 20).
Au contraire, tout paraît l'oeuvre de la loi dans la division en:
Choses dans le commerce ou hors du commerce(art. 27);
Choses prescriptibles ou imprescriptibles (art. 29).
On trouve la volonté de la loi et celle de l'homme dans la division en:
Choses appropriées ou non appropriées (art. 21 à 26);
Choses aliénables ou inaliénables (art. 28);
Choses saisissables ou insaisissables (art. 30).
Mais on ne trouve plus qu'une cause naturelle dans la division en:
Choses corporelles ou incorporelles (art. 6);
Choses qui se consomment, ou non, par le premier usage (art. 18).
Au surplus, si l'on remonte à la cause première, on arrive à reconnaître que toutes ces conditions des choses ont pour base ou pour cause leur nature même: la volonté de l'homme et celle de la loi ne font que la reconnaître et la déclarer. En effet, ce n'est pas arbitrairement que la loi ou les particuliers donnent aux choses certains caractères, c'est en considération de leur nature et de leur aptitude plus ou moins complète à procurer les avantages qu'on y cherche. La loi et l'homme ont la puissance d'étendre juridiquement les effets naturels des choses, comme, en sens inverse, ils peuvent les restreindre.
Art. 6. — 14. Les Romains donnaient une assez grande importance à la division qui se trouve ici la première.
Le Code français lui en donne trop peu, car il n'en parle qu'au sujet de la vente des créances et de la vente d'un droit de succession ouverte (art. 1689 et suiv.).
Le Projet japonais donne le premier rang à cette division des choses, parce qu'elle est la plus large: elle est plus large que celle en meubles ou immeubles, car elle comprend des choses qui ne sont ni meubles ni immeubles: à savoir, l'universalité des biens d'une succession ouverte et d'une société en liquidation.
Rigoureusement, la division en meubles ou immeubles ne devrait comprendre que des choses corporelles et n'être qu'une subdivision de ces choses; car les droits, tant réels que personnels, ne peuvent être considérés comme meubles ou immeubles que par une fiction qui leur donne la même nature qu'aux objets matériels sur lesquels ils portent ou à l'acquisition desquels ils tendent.
Cette première division des choses en corporelles ou incorporelles a une grande importance en matière de possession et, par suite, de prescription; elle influe aussi sur la vente ou autre cession desdites choses; ces différences seront relevées en temps- et lieu.
Quant à la définition que donne la loi des choses corporelles ou incorporelles, elle n'a pas besoin de développement: les Romains disaient que " les choses corporelles sont celles qui peuvent se toucher et les choses incorporelles celles qui ne le peuvent; " mais c'était insuffisant, même en admettant que les yeux soient " une longue main," longa maints: les fluides pondérables, l'air, les gaz, sont des choses corporelles et, cependant, il est difficile de dire qu'ils puissent se toucher ni même se voir; mais ils tombent sous les sens, puisqu'ils peuvent se mesurer, se peser, se condenser: ils ont donc it?i corps.
Les exemples que donne la loi de choses corporelles et de choses incorporelles sont purement énonciatifs et non limitatifs.
On fera seulement quelques observations sur chacun.
Les Romains ne mentionnaient comme choses incorporelles que les droits (Iiii). Le 1" de notre article a d'abord le même sens évidemment. Mais sa relation avec l'article 5 permet de lui en donner encore un autre: il pourrait présenter les droits réels et les droits personnels 'principauxconsidérés comme objets de droits réels ou personnels accessoires, par exemple un droit d'usufruit ou de bail qui serait l'objet d'une hypothèque, une créance qui serait l'objet d'un droit de gage.
Pour les successions, la loi suppose qu'elles sont " ouvertes," c'est-à-dire que celui auquel les biens appartenaient est mort; c'est qu'en effet, si le propriétaire n'est pas mort, il n'y a pas encore de succession: il n'y a pas lieu de prendre sa place (i); aussi est-il défendu de faire des conventions sur une succession non ouverte: ce serait traiter sur une chose qui n'existe pas et faire, en outre, une spéculation malhonnête (voy. art. 342).
Pour les sociétés, la loi les suppose ici " dissoutes et en liquidation:" en effet, si la société existe encore, elle n'est pas une chose, mais une personne, une personne morale ou juridique. Au contraire, lorsque la société est dissoute et en liquidation, l'ensemble des droits qu'elle laisse constitue une universalité de biens qui a une grande analogie avec la succession d'un défunt. A la vérité, ces biens sont, les uns meubles, les autres immeubles et, par conséquent, corporels; mais une succession se compose, de même, de meubles et d'immeubles; cependant, comme elle a aussi un passif ou des dettes, il est admis, depuis les Romains, qu'elle est une unité abstraite, une chose incorporelle. Il n'en est pas autrement d'une société dissoute.
En ce qui concerne les communautés de biens, il faut supposer qu'avant d'être en liquidation elles avaient aussi le caractère de personnes juridiques: autrement, elles ne sont que des cas de copropriété ordinaire (voy. art. 38 et suiv), pouvant porter, tout à la fois, sur des meubles et des immeubles (voy. aussi art. 14 et 15).
En France, on reconnaît généralement le caractère de personne morale à la communauté entre époux. La loi japonaise n*est pas encore fixée sur ce point; mais l'article 6 aura toujours quelque utilité, car la personnalité de certaines communautés, de syndicats de propriétaires, pourra être admise.
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(hh) Incorporales res sunt quœ injure consisfunt, "les choses incorporelles sont celles qui consistent dans un droit."
(i) Succession vient du latin succedere, " marclier après quelqu'un, dans ses pas," c'est-à-dire, pendre sa place. Le mot succession a ainsi deux sens: c'est le fait de prendre la place d'un défunt (moyen d'acquérir); c'est aussi l'ensemble des biens de celui-ci.
Art. 7. — 15. Cette division des choses en mobilières ou immobilières, mobiles ou immobiles, ou, plus simplement, en meubles ou immeubles, est certainement celle qui a le plus d'importance pratique en Europe et qui en aura le plus aussi au Japon. Elle y est déjà consacrée par l'usage.
Au premier abord, on peut s'étonner qu'un caractère aussi matériel des choses exerce une influence si notable sur le droit, mais cela s'explique assez facilement.
On ne s'étonnerait pas, en effet, si le droit variait avec la valeur des choses: notamment, si l'aliénation ou la transmission des choses était entourée de plus de garanties ou de précautions, quand elles ont une grande valeur que quand elles en ont une faible. 01', c'est là l'idée que les lois anciennes ont voulu réaliser, lorsqu'elles ont, pour la première fois, établi la division des choses en mobilières ou immobilières: autrefois, on considérait les choses mobilières comme de peu de valeur (j); tout l'intérêt se portait sur les immeubles.
Plus tard, avec le développement du luxe, les objets de métal précieux, les pierreries, les objets d'art, ont acquis de l'importance dans les sociétés; mais les immeubles aussi ont augmenté d'importance par les progrès de l'agriculture, par le luxe des constructions et par l'accroissement de la population, de sorte que la valeur proportionnelle ou relative des choses est restée en faveur des immeubles.
Sans doute, il y a souvent de bien petits bâtiments, des terrains bien limités et de très-peu de valeur; mais la même observation peut se faire pour les meubles, lesquels peuvent descendre à la valeur la plus infime où ne descendra jamais un immeuble.
16. Plusieurs autres considérations, qui sont de tous les temps et de tous les pays, ont fait maintenir une différence profonde entre les meubles et les immeubles.
Les premiers sont, naturellement, l'objet de fréquentes aliénations: ces aliénations ne doivent donc pas être entravées par des formalités légales; tandis que l'aliénation des immeubles, étant plus rare, peut être entourée de formes qui sont des garanties pour les intéressés et d'une certaine publicité qui est une garantie pour les tiers contre les surprises.
En outre, ceux qui aliènent les meubles ne justifient guère de leur droit de propriété que par le fait même de leur possession et, généralement, la tradition en est faite immédiatement à l'acquéreur; pour les immeubles, au contraire, la tradition est souvent ajournée assez loin de l'aliénation; il est donc nécessaire que celui qui aliène justifie de ses droits, pour que son engage- ment soit sérieux.
Enfin, les choses mobilières changent souvent de mains, et leur identité est difficile à distinguer des choses de même nature; tandis que les immeubles ont une assiette fixe et ils ne peuvent jamais être confondus avec d'autres immeubles.
Ces considérations, et d'autres que les dispositions de la loi donneront occasion de signaler, justifient suffisamment qu'il y ait une distinction législative entre les meubles et les immeubles.
Les différences se rencontreront dans toutes les parties du droit: notamment, dans l'administration des tutelles, dans les moyens d'acquérir la propriété, dans la matière de l'usufruit, dans celle du nantissement, des priviléges et des hypothèques, clans l'application de la prescription, dans la compétence des juridictions et dans la saisie des biens.
L'article 7 indique les trois causes déjà connues (v. n° 13) qui donnent aux choses le caractère de meubles ou d'immeubles; chacune de ces causes sera reprise dans un article séparé; d'abord pour les immeubles, ensuite pour les meubles (2).
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(j) T'ilis mobilium possessio: " la possession des meubles est vile."
(2) C'est avec intention que le nouveau texte fait ici à "la détermination de la loi" une place à part, au lieu de la comprendre dans une triple énonciation comme elle se trouve dans l'article 5. En effet, on peut bien dire que c'est par la nature de la chose ou par la destination du propriétaire qu'une chose est ou non susceptible de déplacement; mais quand le caractère meuble ou immeuble est attribué à une chose par la loi, ce n'est plus une idée de déplacement réel, possible ou non, qu'il faut envisager, mais une assimilation légale à une chose mobilière ou immobilière, fondée sur l'utilité générale ou particulière.
Art. 8. — 17. Bien que l 'énuinération de cet article ne procède pas aussi formellement par voie d'exemples que la plupart des articles qui vont suivre, bien que le législateur ait cherché à être complet; il n'en faut pas conclure que cette énumération soit limitative. Comme il s'agit ici de la condition naturelle des choses, il suffit que la loi ne change pas cette nature, par voie d'autorité ou d'interprétation de la volonté de l'homme, pour que le caractère de ces choses leur soit reconnu tel que la nature le fait.
D'ailleurs, le dernier alinéa a été ajouté, afin de ne pas laisser de doute sur ce point.
On va reprendre séparément les douze alinéas de cet article, en leur donnant quelques développements explicatifs ou justificatifs.
1° Le sol est le principal immeuble par nature; on pourrait presque dire qu'il est le seul, les autres choses ne devenant immeubles que par une attache au sol, plus ou moins intime, plus ou moins immédiate.
Le sol semble pourtant mobile, en ce sens qu'il peut être indéfiniment désagrégé, divisé et déplacé par parties; mais ce qui constitue le véritable immeuble, c'est moins la substance du sol que l'espace qu'il occupe, en sorte qu'une cavité profonde qui ne pourrait servir, comme telle, à un usage lucratif, aurait encore une valeur comme surface, puisqu'on pourrait, soit y amener des eaux, soit la combler, soit la couvrir, pour y construire ou y cultiver.
La loi déclare encore immeubles les chaussées ou terrasses qui sont des élévations du sol, provenant du travail de l'homme. Mais elles ne sont pas, pour cela, des immeubles par là volonté de l'homme ni par la détermination de la loi: quoique modifié par le travail hu:" main, le sol reste toujours immeuble par sa nature.
2° Les clôtures sont toujours un assemblage de choses qui primitivement ont été mobilières, comme des pierres, des bois ou des arbustes; mais, une fois attachées au sol, elles participent de sa nature, parce qu'elles font un corps, un tout, avec lui.
3° Les réservoirs, étangs, lacs, fossés, canaux, sont immeubles, autant parce que l'eau y est plus ou moins dormante qu'à cause du sol qui la supporte; pour les cours d'eau, c'est le sol sous-jacent qui leur donne le caractère d'immeuble par nature; car, pour l'eau courante elle-même, sa nature fugitive est un obstacle à la considérer comme immeuble, bien qu'elle se renouvelle en quantités plus ou moins semblables (3). Il n'y a pas, du reste, à distinguer ici si les cours d'eau sont du domaine public, comme les fleuves et les rivières, ou du domaine des particuliers, comme les ruisseaux et les torrents, ni s'ils bordent les propriétés ou s'ils les traversent, ni s'ils sont creusés par la nature ou par le travail de l'homme, comme les canaux. Cette distinction, au contraire, sera nécessaire en matière de servitudes.
4° Les dig ues sont des relevées de terre ou de pierres qui servent à empêcher le débordement des eaux; les; jetées sont des constructions, ordinairement en bois, qui s'avancent du rivage de la mer et facilitent l'entrée des navires dans les ports, en arrêtant les vagues. Les pieux ou brise-lames sont des pièces de bois plantées le long du rivage de la mer ou aux angles des grands cours d'eau, pour amortir la force des vagues ou du courant et préserver les terrains riverains de la dégradation. On devrait décider de même pour les fascines et autres appareils destinés, au Japon, à recueillir les herbes marines.
5° L'usage des moulins à vent n'est pas aussi répandu au Japon qu'en Europe, parce qu'on a moins besoin d'y réduire les riz en farine; mais, lorsqu'on y cultivera davantage le blé et le seigle, on ne manquera pas d'utiliser la force du vent par des moulins.
Les moulins à eau peuvent servir au même usage et à d'autres usages industriels. Les machines hydrauliques sont des appareils que l'eau met en mouvement; on les emploie à faire fonctionner des marteaux, des pilons, des scies, etc. Dans les lieux où il n'y a pas d'eau courante, on peut employer la vapeur.
Ces appareils, lorsqu'ils sont fixés au sol, deviennent, comme lui, immeubles par nature.
6° et 7° Il s'agit ici d'objets qu'il est bien facile de détacher d,i sol et de rendre meubles; mais tant qu'ils y sont attachés, ils font corps avec lui et sont immeubles par nature.
Lorsqu'il s'agit de bois à couper, de fruits à récolter, ils ne deviennent meubles qu'au fur et à mesure qu'ils sont détachés du sol.
De même, s'il s'agit de plantations ou de semis, les arbres, les semences, deviennent immeubles au fur et à mesure qu'ils sont placés dans le sol, lors même qu'ils n'y auraient pas encore pris racine.
L'exception portée à l'article 13 sera expliquée en son lieu.
8° Les mines sont des agglomérations de substances métalliques ou minérales, se trouvant en couches, en amas ou en filons, dans le sein de la terre, et s'exploi- tant, en général, par galeries souterraines.
Le charbon de terre est une stratification, presque une pétrification, d'immenses forêts englouties par les anciens bouleversements du globe; il rentre aussi dans les mines, par le mode de son exploitation.
Les minières sont des amas de fer, se trouvant à la surface du sol ou à une faible profondeur et s'exploi- tant, en général, à ciel ouvert.
Les carrières sont des amas ou couches de pierre, de marbre, de terre calcaire ou autres substances analogues, s'exploitant aussi, soit à ciel ouvert, soit par galeries.
La tourbe est une terre composée de détritus végétaux qu'on trouve dans les marais anciens et qui, une fois desséchée, donne un combustible assez utile dans l'industrie.
La marne est une terre calcaire qui sert à amender les terres.
Cette distinction géologique des métaux, des minéraux et des végétaux transformés, a de l'importance en matière d'usufruit et aussi au point de vue du droit administratif; mais elle laisse à ces diverses natures du sol le caractère d'immeuble, quoiqu'il soit destiné à être exploité, c'est-à-dire détaché par parties et enlevé. Ce n'est qu'au fur et à mesure que des parties en sont détachées qu'elles deviennent meubles.
9° La loi arrive enfin aux constructions ou édifices qui, bien que composés de choses mobilières, dans le principe, deviennent immeubles par leur attache au sol.
On pourrait hésiter à classer les maisons, au Japon, parmi les immeubles par nature, car elles ne sont, en général, que posées sur le sol: il n'est pas rare de voir déplacer une maison entière; mais c'est là une particularité locale qui peut être négligée dans la loi; les maisons ne sont pas au Japon, pas plus qu'ailleurs, destinées à être ainsi déplacées; un arbre, une plante, sont bien plus faciles à déplacer, et cependant, une fois fixés au sol, ils seront considérés comme devant y rester et participent de sa nature; il en est de même des maisons.
La loi le déclare même spécialement pour les maisons qui devraient être démolies après un certain temps, comme lorsqu'une maison a été construite par une personne qui n'est pas propriétaire du sol et qu'on nomme superficiaire, circonstance très-fréquente au Japon. Tant que l'édifice n'est pas démoli, il tient au sol et participe de sa nature.
10° Les tuyaux intérieurs ou extérieurs, les gouttières, sont immeubles par nature, quelque légère que soit leur attache au sol ou aux bâtiments: ils complètent la maison.
11° Les appareils électriques ne sont pas encore d'un grand usage dans les propriétés privées; mais ils se répandront au Japon, comme partout, et la loi prévient tout doute à leur égard, en les déclarant immeubles par nature, dès qu'ils sont fixés au sol ou aux bâtiments.
12° Les bâtiments ne sont complets et propres à l'usage de l'homme que lorsqu'ils ont des fermetures extérieures. Bien que celles-ci, si on les considère en elles-mêmes, soient souvent tout à fait mobiles, elles sont immobilières, si on considère qu'elles complètent la maison et contribuent à la rendre habitable. Il en est autrement des fermetures ou divisions mobiles placées à l'intérieur des maisons: elles ne sont immeubles que par la destination du propriétaire (voy. art. 9-110).
Le dernier alinéa ôte à notre article tout caractère limitatif. Ainsi, on devrait considérer les paratonnerres comme immeubles par nature; ainsi encore, la loi ne parle pas des puits et de leurs accessoires indispensables (poulies, cordes, seaux, pompes et tuyaux): ce sont certainement des immeubles par nature.
Les progrès de la civilisation amèneront sans doute encore l'emploi d'autres appareils pour améliorer l'usage des habitations.
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(3) L'ancien texte portait les sources et cours d'eau et omettait leur lit.
Art. 9 et 10. -18. Les choses dont il s'agit ici sont mobilières par leur nature; c'est la volonté ou l'intention de l'homme qui leur donne le caractère d'immeuble, en les attachant à un immeuble par nature.
Quatre conditions sont, pour cela, exigées par l'article 9:
1° Il faut qu'elles soient attachées à l'immeuble par le propriétaire dudit immeuble ou par celui qui a sur l'immeuble un droit réel de jouissance, comme un locataire, un usufruitier, un usager;
2° Il faut qu'elles soient elles-mêmes la propriété de celui qui les a attachées: celui qui aurait attaché à son fonds des objets ne lui appartenant pas, ne les aurait pas immobilisés;
3° Il faut que l'attache, dans l'intention du propriétaire du sol, soit ou à perpétuité ou, du moins, sans durée fixée, et, s'il s'agit du titulaire d'un droit temporaire, qu'elle soit pour la durée de son droit, ou aussi sans durée fixée;
4° Il faut que les choses demeurent sur le fonds: un déplacement accidentel, même sans la volonté du propriétaire, leur ôterait le caractère immobilier. Ce caractère cesserait aussi, si les choses, sans être déplacées, étaient changées de destination (4).
18 bis. L'énumération que fait la loi, dans l'article 10, n'a évidemment rien de limitatif. La loi ne fait, d'ailleurs, que présumer l'intention du propriétaire, d'après la nature des objets et l'usage ordinaire auquel ils sont consacrés, et cette présomption peut être combattue par la preuve contraire; ce n'est pas une présomption absolue, c'est ce qu'on appelle, dans la théorie des preuves, une présomption simple (v. art. 1424). Pour les objets non prévus par la loi, la présomption légale cesse, mais la preuve directe serait toujours permise.
Il est à peine nécessaire de reprendre chacun des alinéas de l'article 10; on ne fera que les justifier brièvement.
1° Les bêtes de somme sont les chevaux, ânes ou mulets qui portent des fardeaux sur leur dos, à l'aide d'appareils appelés bâts, auxquels on attache des sacs, paniers, baquets; les bêtes de trait sont les mêmes, plus les boeufs, que l'on attelle à des chariots ou à la charrue.
Ces animaux sont nécessaires aux grandes exploitations agricoles: l'usage s'en étendra, au Japon, avec les développements de la grande culture.
2° Les moutons, bœufs et vaches sont quelquefois mis sur les fonds pour engraisser les terres par leur fumier; sans doute, ils seront vendus, au bout d'un certain temps et remplacés par d'autres; mais quand ils ne sont pas mis sur le fonds comme élevage de bétail, quand ils ne sont pas eux-mêmes l'objet de cette industrie agricole, ils sont immeubles, comme accessoires du fonds. Il en serait autrement du bétail qu'un propriétaire élèverait sur son fonds, en plus ou moins grand nombre, pour le vendre périodiquement et le remplacer par le croît: ces animaux seraient meubles.
3° Les charrues, pioches, outils de culture et de jardinage sont nécessaires au labour des terres et à l'entretien des jardins, lesquels seraient improductifs sans ces moyens de travail, de même que ces instruments seraient inutiles sans une terre à cultiver.
4° Les propriétaires de terres ont toujours un certain approvisionnement de semences, pailles et engrais, qui sont un accessoire obligé du fonds; le plus souvent, ils proviennent du fonds lui-même: mais, lors même qu'ils auraient été achetés ou proviendraient d'un autre fonds, ils n'en seraient pas moins immeubles.
5° L'élevage des vers à soie est une des grandes, industries agricoles du Japon: les graines de vers, conservées d'une année à l'autre pour la reproduction, sont assimilées aux semences destinées à la terre; bien entendu, il faut, comme le dit le texte, qu'il s'agisse d'une magnanerie, c'est-à-dire d'un établissement consacré à cette industrie.
6° L'usage n'est pas, au Japon, de tenir les vignes à la hauteur de 3 ou 4 pieds, comme en France, ce qui y nécessite des échalas ou supports que l'on place après la pousse du printemps et que l'on retire après la vendange: au Japon, les vignes sont laissées à un plus grand développement, et leurs supports sont généralement fixes; m ais la culture de la vigne se modifiera, sans doute, avec l'introduction des espèces étrangères, et l'usage des échalas mobiles s'y introduira aussi; ils seront immeubles par destination.
7° L'industrie des distilleries est encore une de celles qui prendront de l'extension au Japon. Déjà on y fabrique des sakés et bières; plus tard, on y fabriquera des vins et liqueurs; pour que les objets ici désignés soient immeubles, il suffit qu'ils soient destinés à transformer les produits du fonds auquel ils sont attachés.
8° Ici, les appareils, machines et ustensiles sont supposés employés à transformer des matières premières venant du dehors; pour qu'ils soient immeubles, il faut qu'ils soient placés dans un établissement construit ou disposé spécialement pour cette industrie; autrement, ils resteraient meubles.
Ainsi, les métiers d'une filature, les chaudières d'une papeterie, les appareils d'une fonderie, seront généralement considérés comme immeubles, parce que les bâtiments sont disposés spécialement pour ces industries compliquées; au contraire, les presses et ustensiles d'une imprimerie seront meubles, parce qu'une imprimerie peut se transférer facilement d'un local dans un autre, sans qu'il y ait à disposer les lieux d'une manière particulière.
Les matières premières se trouvant dans l'établissement restent meubles, ainsi que celles transformées en objets nouveaux par l'industrie.
9° Quand une propriété est voisine d'un cours d'eau ou d'un lac, il arrive souvent que le propriétaire y établit un bain flottant, qui s'élève ou s'abaisse naturellement, suivant l'abondance ou la rareté de l'eau; souvent aussi, il attache à la rive un bateau d'utilité ou d'agrément: le bateau devient alors un accessoire de l'immeuble; mais, comme le texte le dit, par emprunt au Code italien, il n'est pas nécessaire que les eaux appartiennent au même propriétaire: elles pourraient être publiques.
10° et 11°Les ornements des jardins ou des maisons, énumérés à ces alinéas, sont de par agrément, mais ils sont considérés comme faisant partie intégrante de l'immeuble, par l'intention du propriétaire; on devra décider de même pour des objets qui pourraient se déplacer sans détérioration, s'ils avaient été établis dans des dimensions exactement adaptées aux lieux; comme des caisses de fleurs, des gradins dans une serre; seulement, en- pareil cas, ce ne serait plus par présomption légale, mais par présomption de fait.
12° Les objets dont parle cet alinéa sont des compléments naturels des habitations japonaises; comme ils ne sont pas aussi nécessaires que les fermetures extérieures, ils ne sont pas immeubles par nature, ils ne le sont que par l'intention présumée du propriétaire, et encore la loi subordonne-t-elle cette présomption d'intention à la circonstance qu'il n'y ait pas d'autres meubles et que, par conséquent, la maison soit inhabitée, ou qu'elle soit habitée par un autre que le propriétaire: àutrement, si celui-ci habitait, il n'y aurait pas de raison suffisante de distinguer ces objets des autres meubles garnissant sa maison.
13° Les matériaux qui ne sont que momentanément déplacés pour une réparation d'immeuble doivent être considérés comme appartenant encore à l'immeuble; mais ils ne sont plus immeubles par nature: ils le sont par l'intention du propriétaire (k).
14° Les trois sortes d'animaux prévus par cet alinéa sont des accessoires des immeubles, car ils ne pourraient guère exister séparément.
19. Il n'est pas hors de propos de signaler ici l'utilité des deux articles précédents: elle se rencontre surtout lorsqu'il y a aliénation d'un immeuble. Il arrive souvent que les parties négligent de s'expliquer sur le point de savoir si ces objets sont compris ou non dans la vente, et la difficulté naît au moment de la livraison. Grâce aux désignations que fait la loi, on décidera que tous les objets énumérés aux deux articles précédents sont considérés comme accessoires de l'immeuble et compris dans l'aliénation, s'il n'y a convention contraire (v. Proj., art. 643).
Il y a encore intérêt pour la saisie des biens: tous les objets compris dans les deux articles précédents ne pourraient être saisis comme meubles, ils ne pourraient l'être qu'avec l'immeuble (C. fr., art. 2204).
De même, étant accessoires d'un immeuble, ils ne pourraient être hypothéqués séparément de l'objet principal (Tb., art. 2218).
Au contraire, ils pourraient être vendus séparément ou donnés en gage, comme meubles, par le propriétaire, lequel pourrait -de même vendre, par parties, les matériaux de sa maison, les arbres de son jardin, ses ustensiles agricoles ou industriels.
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(4) Cette quatrième condition manquait à l'ancien texte.
(k) Il ne faudrait pas, du reste, considérer cette disposition comme contraire à celle de l'article 532 du Code français: cet article ne suppose pas un déplacement momentané des matériaux, mais une démolition définitive ou de nouveaux matériaux préparés pour une construction.
Art. 11. — 20. Ici, il s'agit de choses qui, par leur nature, ne sont ni meubles ni immeubles, étant incorporelles; mais ce caractère peut leur être imprimé par la loi, au moyen d'une sorte de fiction qui ne nuit à aucun intérêt et qui, au contraire, répond à un besoin de simplicité dans la classification des choses (sup. note 2).
Les présentes Dispositions générales présentant une division des Droits ou Biens, autant et plus encore que des Choses, il fallait faire rentrer les droits dans les Lieux mobiliers ou immobiliers.
Le procédé le plus simple était de s'attacher à la nature physique des objets sur lesquels le droit s'exerce directement ou à l'acquisition desquels il tend; dès lors, on pouvait, sans s'écarter de la raison, donner aux droits la même nature figurée ou fictive. C'est le procédé qu'a suivi le Projet japonais.
La loi française a ici manqué de logique au fond, et de précision dans son langage. Lorsqu'il s'agit de droits portant sur des immeubles, elle leur donne la qualification " d'immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent;" lorsqu'il s'agit de droits portant sur des meubles ou tendant à les acquérir (droits personnels) elle les nomme " meubles par la détermination de la loi." Or, la même formule devait leur être commune, et la seconde était incontestablement la meilleure.
Assurément, la nature physique et corporelle des choses qui sont l'objet du droit a ici une importance capitale, déterminante; mais elle ne suffirait pas, sans l'intervention de la loi qui crée ou, au moins, ratifie la fiction que suggère la raison.
Les droits réels portant sur les immeubles corporels et les droits personnels ou de créance tendant à les acquérir sont donc immobiliers " par la détermination de la loi." Telle est la disposition des deux premiers alinéas de l'article 11.
Le 3e alinéa suppose qu'un propriétaire ou possesseur de sol a stipulé qu'il lui serait construit un bâtiment, et il déclare que la créance est immobilière " si les matériaux doivent être fournis par le constructeur" (5). Dans ce cas, le constructeur est vraiment débiteur d'un immeuble qu'il prestera par trois opérations successives: la fourniture des matériaux, la main-d'œuvre qui les met en état d'être employés et la construction même ou édification.
Mais si les matériaux, qui sont l'élément principal du bâtiment, doivent être fournis par le stipulant, la créance n'est que mobilière, parce que le constructeur n'a plus qu'une double obligation de faire: préparer les matériaux et édifier; et quand il aura exécuté ces deux obligations il n'aura pas mis un immeuble dans le patrimoine du créancier: il n'aura fait qu'une transformation des matériaux.
21. Le 4e alinéa présente une intervention encore plus puissante de la loi, en ce sens que les objets sur lesquels porte ou auxquels tend le droit sont meubles, et cependant le droit est immeuble.
L'application de cet alinéa ne paraît pas encore exister aii Japon; mais elle parait désirée et attendre seulement que la loi l'ait déclarée possible.
En France, et dans d'autres pays d'Europe suivant à peu près les mêmes principes, il arrive quelquefois que, pour donner plus de stabilité à certaines fortunes, on imprime le caractère d'immeubles, avec les garanties qui s'y rattachent, à des valeurs mobilières qui les composent.
Le Code civil (art. 896) admettait, sous le 1er Empire, l'institution des majorats ou fortunes créées, soit avec des biens de l'Etat, en récompense de services publics, soit avec des biens privés, avec autorisation du Gouvernement; ces majorats étaient, comme l'indique leur nom, transmissibles à l'aîné seul des enfants du titulaire, de mâle en mâle.
L'usage était de les constituer plutôt en immeubles qu'en meubles, et ces immeubles étaient inaliénables par les détenteurs successifs du bien. Mais, lorsque le majorat ne pouvait être constitué en immeubles corporels, ou lorsque les immeubles ne donnaient que des revenus insuffisants, on pouvait y attacher une dotation en rentes sur l'Etat ou en actions de la Banque de France, auxquelles on donnait le caractère immobilier, avec l'inaliénabilité (Décret du 1er mars 1808).
Les majorats ont été interdits pour l'avenir, par une loi du 12 mai 1835; ils ont encore été réduits par une loi du 7 mai 1849; mais ils ne sont pas tous éteints.
Au Japon, il ne serait pas déraisonnable de les admettre dans certaines familles princières, " pour conserver l'éclat du nom et du rang," suivant l'expression autrefois consacrée. Ces institutions ont cependant des inconvénients économiques aujourd'hui reconnus; mais ce qui serait inadmissible, à tous les points de vue, dans les pays démocratiques, peut, dans des limites modérées, être en harmonie avec les institutions monarchiques (6).
Il y a encore une autre situation analogue qui pourra se produire au Japon.
La conservation de la dot des femmes mariées a préoccupé le législateur de tous les pays et en tout temps. En France, lorsque les époux sont mariés sous le régime matrimonial appelé régime dotal, les immeubles de la femme sont inaliénables. Lorsqu'elle n'a pas d'immeubles, elle peut se constituer en dot des rentes sur l'Etat ou des valeurs considérées par la loi comme analogues et elles sont inaliénables également. Elles ne sont pas immobilisées à tous égards, mais l'analogie est bien grande.
Rien n'empêchera, au Japon, d'adopter quelques- unes de ces règles, lorsqu'on rédigera le Contrat de mariage. Cependant nous ne le proposerons pas, à cause des inconvénients économiques graves de l'ina- liénabilité (7).
Ce que la loi devait faire ici, pour ne pas entraver l'avenir, c'était d'admettre le principe de l'immobilisation possible des rentes sur l'Etat ou d'autres créances mobilières.
On pourrait croire que dans le cas où la volonté des particuliers est nécessaire pour immobiliser les rentes ou autres créances, on rencontre alors des immeubles par destination ou volonté de l'homme; mais, comme cette volonté ne suffit pas, comme elle doit être limitée aux cas prévus par la loi et en conformité à ses conditions, il est mieux de rapporter l'immobilisation à la disposition de la loi et l'on évite en même temps des distinctions trop multipliées.
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(5). Cet alinéa a été ajouté sur les observations de la Commission.
(6) Depuis la seconde rédaction de ce Projet en (1882), beaucoup de majorats ont été autorises dans des familles de l'ancienne et de la nouvelle noblesse; ils sont constitués en biens privés de ces familles par leur chef.
(7) Le Projet du Contrat de mariage n'admet pas l'ina- liénabilité des biens dotaux.
Art. 12. — 22. Cet article ne présente aucune difficulté. Il est la contre-partie de l'article 8 qui a déterminé les objets immeubles par nature.
Les exceptions que la loi rappelle ici sont connues: certains objets, considérés en eux-mêmes, sont meubles par nature; mais quand ils sont les accessoires nécessaires d'immeubles, ou quand la volonté du propriétaire les y a attachés, pour augmenter les avantages d'un immeuble, ils cessent d'être considérés comme meublet3,
De là, le renvoi aux articles 8 et 10.
Il n'est pas nécessaire de revenir sur ce point.
Art. 13. — 23. On ne trouve pas cette classe de meubles dans la loi française; c'est une omission certaine que la jurisprudence a dû combler, quand les cas se sont présentés devant les tribunaux.
Il est naturel que, de même que c'est la volonté de l'homme qui donne à certains meubles le caractère immobilier, par leur attache permanente et définitive à un immeuble, de même cette volonté puisse maintenir le caractère de meubles à des objets qui semblent devenus immeubles par leur incorporation au sol.
Le présent article recevra son application quand un propriétaire vendra une construction commencée ou achevée, dont les échafaudages et hangars n'auront pas été retirés et à l'égard desquels il n'aura été fait aucune stipulation particulière.
Il en sera de même si, au moment d'une fête, un propriétaire a construit sur son terrain un amphithéâtre provisoire, pour un spectacle de lutteurs ou pour un divertissement public, comme cela est fréquent au Japon, ou bien encore un baraquement pour abriter temporairement des incendiés; puis, il a vendu son terrain avant la démolition de ces ouvrages, sans avoir eu soin de les excepter de la vente comme meubles.
Enfin, le présent article sera encore applicable au cas où un propriétaire dont le métier est d'élever des arbres, arbustes ou fleurs, a vendu un terrain exploité en pépinière, par conséquent planté en végétaux qui sembleraient, immeubles d'après l'article 8, 6' alinéa; mais la destination de ces arbres et arbustes était de ne rester que temporairement attachés au même sol: comme ils étaient destinés à être vendus, ils n'étaient pas immeubles dans l'intention du propriétaire.
La décision ne serait pas la même s'il ne s'agissait pas d'un pépiniériste, mais bien d'un grand propriétaire qui aurait affecté une petite portion de son domaine à élever les arbres, arbustes et fleurs nécessaires à l'entretien et au renouvellement de ses plantations: en pareil cas, les jeunes plants, ne devant changer que de place et non de domaine, resteraient immeubles par nature et se trouveraient vendus avec le domaine.
La distinction entre les pépinières attachées à de grands domaines et celles qui sont destinées à fournir des arbres au dehors, se retrouvera au sujet de l'Usufruit (voy. art. 64).
Le 4e alinéa a été ajouté comme contre-partie de l'article 10-12°: les bâtiments aliénés pour être démolis et les arbres vendus pour être enlevés sont encore immeubles par nature, mais ils sont déjà meubles par l'intention du propriétaire.
Art. 14. — 24. On a déjà dit que les droits, étant des choses incorporelles, ne sont, par leur nature, ni meubles ni immeubles; mais comme les droits ont toujours un objet direct ou immédiat et quelquefois un objet indirect ou subsidiaire, la nature de l'un ou de l'autre de ces objets déterminera la nature du droit, et comme cette influence de l'objèt sur le droit ne doit pas être incertaine et discutable, loi la détermine et la proclame.
Chacun des cinq alinéas ne demande que peu d'explications.
1° Le droit de propriété, l'usufruit, l'usage, donné ou loué, d'un meuble corporel, sont des droits mobiliers, comme la propriété, l'usufruit ou l'usage d'une maison ou d'un champ sont des droits immobiliers.
Le Projet japonais a exprimé ces deux idées, tandis que le Code civil français, on ne sait pourquoi, n'a exprimé que la seccnde, et encore l'a-t-il fait d'une façon équivoque (art. 526).
2° Les créances d'argent, de denrées ou de marchandises, tendent à procurer au créancier des objets mobiliers, elles ont donc la nature de leur objet. La loi ajoute que le droit ne serait pas moins mobilier, quoiqu'il fût garanti par un droit immobilier, comme une hypothèque; le droit de créance, en effet, tire sa nature de son objet principal et non de son objet accessoire (voy. C. it., art. 418).
3° C'est ici que l'on doit tenir compte, non plus de l'objet direct du droit, mais de son objet indirect et subsidiaire.
Ainsi, quelqu'un s'est engagé à faire le prêt à usage d'une chose; le créancier n'a pas, comme dans le cas du premier alinéa, un droit réel sur la chose, ni, comme dans le cas du deuxième, un droit tendant à l'acquérir: il n'a droit qu'à obtenir une prestation, la livraison de la chose; or, la livraison, considérée en elle- même, est an fait: elle ne peut être ni meuble, ni immeuble; cela est évident, s'il s'agit du droit d'exiger un travail manuel ou intellectuel, salarié ou non; c'est plus évident encore, si quelqu'un a promis de ne pas exercer temporairement un droit qui lui appartient, par exemple, un droit d'usufruit ou de louage (1): un fait ou une abstention ne sont pas des choses corporelles; par conséquent, ce ne sont pas des choses qu'on puisse dire mobilières ou immobilières. Si l'on suppose que le débiteur n'exécute pas sa promesse, le créancier peut se faire autoriser par le tribunal à faire exécuter par un tiers, aux frais du débiteur (v. art. 402): là encore, le droit se résout par un fait qui n'est ni mobilier ni immobilier. Mais si le créancier préfère renoncer à l'exécution effective et forcée, il peut demander et obtenir des dommages-intérêts; c'est là l'objet indirect et subsidiaire de son droit et c'est ce qui le rend mobilier.
La solution serait la même, si le débiteur s'était engagé à construire une maison avec les matériaux du créancier; tandis que la créance serait immobilière si le débiteur devait en même temps fournir les matériaux (v. art. 1] -3°).
4° On a déjà eu occasion de distinguer les sociétés en cours d'existence et les sociétés dissoutes ou en liquidation (v. art. 6 et n° 14): on a remarqué, à ce sujet, que les sociétés en cours d'existence sont, au moins en général, des personnes morales ou juridiques. Le Projet reconnaît même la personnalité des sociétés d'une façon beaucoup plus large que le Code français (art. 526) et que le Code italien (art. 418), car ceux-ci ne reconnaissent ce caractère, au moins explicitement, qu'aux " sociétés de finance, de commerce et d'industrie," ce qui laisse très discutable et très discutée la personnalité des sociétés civiles et agricoles: la question se représentera, pour le Projet, lorsqu'on arrivera à la matière même des sociétés civiles, et, s'il doit y avoir quelques limites et conditions à leur personnalité, c'est là qu'on les posera (v. art. 766).
Lorsque la société ayant le caractère de personne morale est dissoute, la situation est analogue à celle où une personne ordinaire est décédée.
Cette distinction influe profondément sur la nature du droit des associés aux deux époques: la loi règle ici le premier cas, et le second dans l'article suivant.
Si la société possède des immeubles pour son exploitation civile, commerciale ou agricole, c'est à elle, non aux associés, que le droit de propriété appartient, et l'on dira, comme d'un particulier, qu'elle a des meubles et des immeubles des diverses qualités déjà connues.
Cependant, les associés eux-mêmes ont un droit: ce droit tend à obtenir une partie des bénéfices de la société, en proportion de la mise ou des apports de chacun; mais ces bénéfices, une fois réalisés, donneront à chacun une somme d'argent; le droit est donc mobilier par son objet.
Si, au contraire, la société n'a pas été constituée à l'état de personne morale, le droit des associés est, même pendant sa durée, mobilier ou immobilier ou l'un et l'autre à la fois, suivant que l'actif se compose de meubles, ou d'immeubles ou des deux sortes de biens réunis: les associés sont alors copropriétaires indivis, comme dans les autres cas de communautés de biens.
5° Les droits désignés à l'article 4 tendent surtout à obtenir d'autrui des faits ou des abstentions; ils sont encore mobiliers, parce qu'ils se résolvent finalement en sommes d'argent ou en autres valeurs mobilières.
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(1) Nous disons: temporairement, parce que si la renonciation était pour toujours, il y aurait extinction du droit d'usufruit ou de louage et non obligation de s'abstenir, ce qui serait une autre situation.
Art. 15. — 25. Quand la société personne morale ou juridique est dissoute par une des causes que la loi détermine, chaque associé succède pour une part à l'être moral société et le droit de chacun, devenant un droit de propriété dans l'ancien actif social, est mobilier ou immobilier, ou a les deux caractères, suivant la nature des biens que possédait la société, sauf l'effet du partage tel qu'on va l'expliquer. C'est alors exactement la situation qui existe, comme on vient de le dire, pendant la durée même d'une société qui n'a pas de personnalité.
Dans le 1er alinéa, la loi tranche par avance, une question qui se présentera trois fois, au moins, dans la suite, c'est-à-dire sous chacune des matières ici indiquées: successions, sociétés, communautés de biens (8).
Il s'écoule toujours un certain temps entre l'ouverture d'une succession et le partage des biens qui la composent; de même, entre la dissolution d'une société ou d'une communauté de biens et la distribution de son actif, de son avoir, après le payement des dettes ou du passif.
Si la loi laissait ici fonctionner les principes généraux, sans y intervenir, voici ce qui se produirait: chacun des héritiers, des anciens associés ou des communistes, se trouverait copropriétaire par 'indicis, pour une part égale ou inégale à celle des autres, de chacun des biens, meubles ou immeubles, composant la masse (m). Puis, lorsque viendrait le partage ou la distribution des biens, donnant à chacun une certaine quantité d'objets dont il aurait dès lors la propriété entière et exclusive, il tiendrait son droit des autres, pour leur part dans lesdits objets, jointe à la part qu'il avait déjà de son chef; réciproquement et en compensation, les autres recevraient sa part dans chacun des objets à eux échus en partage.
Cette théorie qui est la plus naturelle a été en vigueur dans le droit romain et aussi dans le très ancien droit français: on disait alors que le partage était translatif ou attributif de propriété; l'acquisition résultait de la convention ou de l'office du juge.
Mais il y a là des inconvénients: pendant que dure l'indivision, chaque copropriétaire ne peut aliéner aucun objet que pour la part indivise qu'il a lui-même, ce qui détournera les tiers de faire de pareilles acquisitions et, par conséquent, sera une entrave à la libre circulation des biens; car l'indivision, déjà gênante entre cohéritiers ou entre anciens associés, l'est bien davantage entre gens qui n'ont aucun lien antérieur.
Si même, un tiers a- acquis cette- part indivise, il y a un autre inconvénient, car celui-ci doit figurer au partage; or, l'admission d'un étranger à une opération qui déjà est délicate entre les parties, la rendra plus difficile et pourra susciter des contestations; enfin, le mal sera plus grand encore, si l'un des copropriétaires a hypothéqué sa part indivise: ceux-ci se trouveront, plus tard, obligés de payer la dette hypothécaire ou ils subiront l'éviction par l'effet de l'action du créancier, car l'hypothèque est considérée comme indivisible et toutes les parties de l'immeuble garantissent la dette entière (voy. C. civ. fr., art. 2114; comp. art. 20, 4e al., ci-après); ils auront, il est vrai, un recours contre le débiteur, mais ce recours pourra souvent être inefficace.
26. Pour prévenir ces deux inconvénients, plusieurs législations modernes ont admis que le droit des copropriétaires ou co-héritiers est indéterminé, quant aux objets, jusqu'au partage, et qu'une fois le lotissement effectué, " chacun est censé avoir succédé seul aux " objets compris dans son lot et n'avoir eu aucun droit " sur les objets échus aux autres " (voy. C. civ. fr., art. 883; C. ital, art. 1034); par conséquent, les droits qui auraient pu être concédés à des tiers sont subordonnés à l'effet du partage: ils sont valables, si les objets cédés aux tiers sont échus à l'héritier même qui les a cédés et nuls s'ils sont échus à un autre. Mais, pour éviter que le partage soit fait de manière à frauder le tiers de ses droits, on doit l'admettre à assister au partage (0. fr./ art. 765 et 882).
D'après cette théorie, le partage n'est plus translatif ou attributif de propriété, il en est déclaratif; il détermine les objets sur lesquels le droit de chacun est censé avoir porté pendant le temps qu'a duré l'indivision (n).
Il paraît préférable de lui donner le même caractère au Japon: il y aura les mêmes avantages qu'en Europe, et encore celui de permettre aux tribunaux du pays, dans les cas embarrassants, de recourir aux travaux de la jurisprudence moderne, française et autre, plutôt qu'aux anciens jurisconsultes romains peu connus au Japon et peu faciles à y étudier.
27. Le 2e alinéa donne la même solution pour un cas analogue.
Ordinairement, une obligation a un objet immédiatement déterminé, lors même que l'exécution en est ajournée à un temps plus ou moins éloigné. Mais il a pu entrer dans les convenances des parties de laisser le choix de l'objet à l'une d'elles, soit au créancier qui demandera celui qui lui convient le mieux, soit au débiteur qui payera celui qui lui est le moins onéreux à donner; bien entendu, le choix est toujours, raisonnablement, limité entre un petit nombre d'objets de valeurs à peu près égales. Les obligations ou créances de ce genre s'appellent alternatives (voy. Projet, art, 448 et suiv.).
Quant les objets parmi lesquels le choix pourra s'exercer sont de même nature, soit meubles, soit immeubles, la créance a le même caractère et elle ne présente rien de particulier, au point de vue de la présente division des biens; mais, si l'un des objets dus alternativement est meuble et l'autre immeuble, la créance n'a pas les deux caractères, à la fois, comme cela aurait lieu dans le cas du 1er alinéa, si la loi ne s'y opposait; il n'y a qu'un seul des deux objets dus qui puisse donner à la créance sa nature mobilière ou immobilière. Mais quel est cet objet ? On ne le saura que lorsque le créancier exercera son choix par la demande, ou le débiteur par le payement.
Il en serait autrement si l'obligation était facultative (v. art. 456): dans ce cas, il n'y a qu'une seule chose vraiment due fin obligatione); le débiteur, il est vrai, a la faculté de se libérer en en donnant une autre en payement fin facultate solutionis), mais c'est la chose due principalement qui détermine si la créance est mobilière ou immobilière et non celle qui est due facultativement.
27 bis. Ici se termine l'importante division des choses en meubles et immeubles.
La loi passe aux autres divisions qui, ainsi qu'on l'a remarqué (voy. nos 12 et 13), comprennent, toujours et nécessairement, les mêmes objets, mais envisagés sous d'autres points-de vue.
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(8) La question se présente aussi et reçoit sa solution au sujet du privilége des copartageants (Proj., art. 1175 et s.).
(m) Voir, sur la copropriété indivise, les. articles 33 à 41.
(n) Il ne faut priS, du reste, attribuer l'invention de cette fiction aux auteurs dn Code civil français: elle est bien plus ancienne, mais aussi d'origine française; elle est due à un célèbre jurisconsulte coutumier, à Dumoulin, vivant au XVIe siècle, et aux légistes de son temps.
La fiction du partage déclaratif de droits a eu encore d'autres causes que celles exposées ci-dessus: notamment, d'éviter le payement, au seigneur féodal, d'un nouveau droit fiscal de mutation, lors du partage.
Cet avantage subsiste encore aujourd'hui, en France, au sujet de l'enregistrement, et il y a le même intérêt à le signaler ici, puisqu'il est question d'établir aussi au Japon des droits à payer pour les mutations par succession; on ne devra donc pas payer un nouveau droit lors du partage.
Art. 16. — 28. Il y a, dans toutes les parties du droit, des occasions de rechercher si une chose est accessoire d'une autre, laquelle est considérée comme principale. Cette distinction présentera, notamment, une grande utilité au sujet d'un moyen d'acquérir la propriété, appelé justement accession, parce qu'on y suit la règle que " l'accessoire suit le principal" (v. Proj, art. 608 et s.).
La loi se borne à donner ici le caractère distinctif de chacune de ces deux choses, avec quelques exemples et avec une des conséquences pratiques de cette distinction des choses..
Parmi les effets des contrats, on en trouvera aussi de principaux et d'accessoires; les -rapports des uns et des autres seront analogues à ceux qui se présentent ici entre les choses. Ainsi, les parties contractantes peuvent augmenter ou diminuer, par convention, les effets légaux d'un contrat; si l'addition ou le retranchement concernent un effet principal, certains effets accessoires sont, par cela même, ajoutés ou retranchés; si, au contraire, la convention ne concerne que des effets accessoires, rien ne se trouve changé aux effets principaux (Comp. Proj., art. 323) (9).
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(9) Le se alinéa de l'ancien texte est transporté à l'article 43 où il se trouve mieux à sa place.
Art. 17. — 29. Cette distinction des choses ou des biens a une importance considérable et des applications variées. La plus intéressante de ces applications est en matière de transmission de la propriété.
Lorsqu'une vente, un échange, ou un autre contrat d'aliénation a pour objet une chose individuellement déterminée, un corps certain, suivant l'expression consacrée par l'usage et employée ici par la loi, la propriété se trouve immédiatement transférée, par le seul effet de la convention; lorsqu'au contraire, la convention. a pour objet une quantité, en poids, nombre ou mesure, de choses qui ne sont déterminées que quant au genre ou à l'espèce, comme de l'argent, du riz, du blé, de la soie, même avec indication de la qualité ou de la provenance, la propriété ne peut être transférée que lorsque les choses auront été individuellement déterminées contra- dictoirement, c'est-à-dire, pesées, comptées ou mesurées, sous le contrôle de chaque partie; il ne sera pas nécessaire qu'elles soient livrées, qu'il y en ait eu tradition: mais il faudra qu'elles soient devenues corps certains, par l'une des opérations indiquées (voy. c. fr., art. 1138 et 1583; comp. Proj., art. 351 et 3521
30. Il n'est pas hors de propos de rechercher ce qui dans cette solution, est commandé par la nature des choses et ce qui peut être subordonné au droit positif de chaque pays. La transmission de la propriété, par le seul effet du consentement, à l'égard d'un corps certain, est raisonnable, logique, simple et utile, mais elle n'est pas impérativement commandée par la nature des choses. Ce qui le prouve, c'est que, pendant tout le temps qu'ont duré la législation romaine et l'ancienne jurisprudence française, la tradition était nécessaire pour la transmission de la propriété, même d'un corps certain. Au contraire, la nature des choses s'oppose à ce que la propriété d'une quantité soit transférée avant qu'il y ait eu tradition ou au moins détermination des choses à l'état d'individualité.
On retrouvera cette distinction des choses à l'occasion de l'Effet des conventions en général (v. Livre IIe, IIe Partie) et des autres moyens d'acquérir la propriété (v. Livre IIr, ire Partie).
31. Les choses collectives sont, en réalité, des corps certains, réunis en nombre plus ou moins déterminé, mais assez pour n'être pas confondus avec d'autres. Les exemples que donne la loi suffisent pour comprendre ce dont il s'agit.
L'utilité de cette distinction des choses se retrouvera à propos de l'usufruit, pour le troupeau, à propos des legs ou testaments, pour les livres d'une bibliothèque et encore pour le troupeau. Il suffit d'indiquer ici son principal intérêt en matière de legs: quelqu un a légué sa bibliothèque, pour l'époque de son décès, sans énoncer chaque ouvrage la composant; pendant sa vie, il a acquis de nouveaux livres; il peut aussi en avoir donné ou cédé (c'est un droit qu'il a conservé); à sa mort, le légataire aura la bibliothèque, telle qu'elle se trouvera alors composée. Si le legs eût été, soit d'une quantité, soit d'un corps certain ordinaire, il aurait pu se trouver diminué par les aliénations, mais il ne se serait pas augmenté des acquisitions nouvelles; au contraire, la nature collective de la chose fait qu'elle s'étend ou diminue au profit ou au préjudice du légataire. L'effet serait le même pour un troupeau légué ou pour les marchandises formant le fonds d'un magasin (comp., Proj., art. 647 et 648).
Enfin, les choses constituant une universalité de biens ont le caractère des collectivités qui précèdent, mais à un plus haut degré, puisqu'elles constituent tout ou une partie aliquote d'un patrimoine (voy. art. 6-30 et 48, 3e al.); comme telles, elles sont susceptibles d'augmentation ou de diminution continuelles et presque journalières.
Ce qui autorise à leur donner une place spéciale, c'est qu'elles se trouvent toujours accompagnées de charges ou dettes (le passif) qui en diminuent virtuellement l'émolument (l'actif) (o).
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(o) De là, l'axiome latin bien connu: non sunt bona nisi œre alieno deducto, "il n'y a pas d'universalité de biens sans déduction des dettes."
Art. 18. — 32. La distinction portée par cet article n'est pas très fréquemment appliquée en droit. La loi annonce qu'on la rencontrera surtout en matière d'usufruit et de prêt de consommation; elle pourra se représenter dans le contrat de mariage, avec des effets analogues (comp. c. civ. fr., art. 1532); mais il faut se garder de la confondre avec la division suivante, ce que le Code français n'a pas toujours évité (v. art. 1902).
Art. 19. — 33. L'expression française fongible vient, comme beaucoup des expressions techniques du droit, d'un mot latin: ici, defungi, qui veut dire "s'acquitter, faire une fonction." En effet, quand une chose a, dans la nature, des équivalents parfaits, les autres choses pareilles la remplacent, l'une acquitte l'autre, toutes font fonction l'une de l'autre.
Cette assimilation de certaines choses les unes aux autres n'est pas, comme la précédente, un effet de la nature seule des choses: il faut encore que les parties l'aient admise expressément ou tacitement, ou que la loi l'ait établie, sinon impérativement, au moins par présomption de l'intention des parties.
Il est naturel que les choses qui se consomment par le premier usage soient considérées comme fongibles entre elles, d'après l'intention des parties; ainsi, celui auquel il a été prêté de l'argent, du riz ou de l'huile, se libérera valablement en rendant, non le même argent, le même riz ou la même huile, mais pareille somme, ou du riz ou de l'huile en pareilles quantité et qualité.
Réciproquement, il peut arriver que des choses qui se consomment par le premier usage aient été considérées par les parties comme non fongibles et doivent être rendues identiquement: ainsi un marchand de riz ou d'huile peut avoir consenti à prêter une certaine quantité de ces denrées à un de ses confrères, pour que ses magasins paraissent bien approvisionnés, mais en stipulant que les denrées lui seraient rendues identiquement (p).
La fongibilité résultant de la disposition de la loi peut aller plus loin et être établie entre choses de natures différentes; ainsi, la loi française considère comme fongibles avec l'argent "les denrées cotées aux mercuriales" (art. 1261), c'est-à-dire celles dont le prix courant est constaté périodiquement aux marchés publics. L'application a lieu en matière de compensation: si celui qui doit de l'argent est, en même temps, créancier d'une certaine quantité de riz, d'huile ou d'autres produits cotés, il se trouve libéré d'autant d'argent que vaut la denrée dont il est lui-même créancier.
Le Projet japonais admet la même théorie (art. 544).
On retrouvera la fongibilité des choses au sujet de la compensation et du prêt.
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(p) C'est ce que les Romains et même les jurisconsultes modernes appellent prêt ad pompam et ostentationem: " pour la pompe et la montre."
Art. 20. — 34. Le Code français a traite des choses divisibles et indivisibles à l'occasion des obligations (art. 1217 et suivants) et c'est plutôt l'obligation même qu'il déclare divisible, ou non, que la chose ou le fait qui en est l'objet.
Le même Code déclare l'hypothèque indivisible ic par sa nature" (art. 2114) et il paraît attribuer la même indivisibilité au gage (art 2083).
Le Projet, au contraire, attribue à " la loi " l'indivisibilité de l'hypothèque et du gage: la nature des choses est complètement étrangère à ce résultat et c'est seulement par des considérations de crédit que la loi a décidé que chaque partie de la chose engagée garantit toute la dette; ce qui prouve que la nature des choses est étrangère à ce résultat, c'est que les parties pourraient le modifier et même le supprimer.
Mais l'indivisibilité vraiment naturelle se trouve dans les servitudes foncières: il y en a pourtant de divisibles, au moins quant à l'émolument qu'elles donnent, comme le droit de prendre de l'eau ou du sable sur le fonds voisin; mais le plus grand nombre sont absolument indivisibles, comme le droit de passage, de vue, d'aqueduc, exercés sur le fonds d'autrui, et les parties n'y pourraient rien changer.
On expliquera, en leur place, les conséquences de cette indivisibilité des servitudes (art. 290); de même, celle dégage (art. 1110) et de l'hypothèque (art 1202).
Celle des obligations se trouvera expliquée sous les arti les 462 et s., 1088 et s. (10).
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(10) Le 26 alinéa de notre article 20 est nouveau, mais- il n'est ajouté que pour la méthode.
Art. 21. — 35. En remontant à l'origine des sociétés, on comprend que les choses ont commencé par n'avoir pas de maître avant d'être appropriées. Cependant, dans l'énoncé de cette division des choses, la loi place les choses appropriées en première ligne, parce qu'elles forment de beaucoup le plus grand nombre et que les choses non appropriées ne sont plus que des exceptions.
On suivra l'ordre de la loi dans la reprise des subdivisions (11).
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(11) L'ancien texte avait procédé en sens inverse: les articles 22 et 23 sont devenus 25 et 26, et les articles 24, 25 et 26 sont devenus 22, 23 et 24.
Art. 22. — 36. Cet article écarte d'abord les choses appartenant à des particuliers: j ustement, parce que le présent Code les aura pour objet principal de ses dispositions; au contraire, il ne s'occupera qu'incidemment des choses qui n'appartiennent pas à des particuliers: le Projet ne doit cependant pas les négliger, au moins ici, parce qu'elles se lient, sans se confondre, avec les deux divisions qui vont suivre.
La distinction du domaine public et du domaine privé de l'Etat a des conséquences pratiques considérables i principalement, au point de vue de l'aliénation, de la prescription et de l'administration de ces biens.
Les biens du domaine public sont, en principe, Ïnaliénables et imprescriptibles; pour qu'ils pussent être aliénés et qu'ils devinssent susceptibles de prescription, il faudrait qu'ils eussent été d'abord déclasse*, dépouilles de leur caractère public, ce qui ne se fait que par une loi ou par un changement régulier de destination. Quant à l'administration des mêmes biens du domaine public, elle appartient, en général, au chef de l'établissement auquel est consacré l'édifice public, et, s'il s'agit de biens du domaine privé de l'Etat, l'administration en est confiée aux préfets.
La loi renvoie aux lois administratives pour les règles relatives, à ces deux sortes de biens.
Les deux articles suivants se bornent à énumérer les principaux biens composant le domaine public et le domaine privé, tant général que départemental et communal.
Art. 23. — 37. L' énumération de cet article n'est évidemment pas limitative, mais énonciative, comme la plupart de celles qui précèdent: la définition donnée au 1er alinéa, rapprochée de celle de l'article suivant, suffira pour fixer les cas douteux (12).
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(12). Quelques additions et suppressions ont été faites à cet article:
Au 2°, on a limité aux chemins de fer de l'Etat le caractère de biens du domaine public: ceux qui appartiennent à des compagnies n'auront ce caractère qu'à l'expiration de la concession. On a remplacé les cours d'eau par leur lit et ajouté celui des rivières flottables;
Au 6°, on a supprimé du domaine public les palais impériaux, parce qu'il y aurait à faire à ce sujet des réserves et distinctions qui n'appartiennent pas au droit civil;
Les 7°et 8° ont été supprimés, parce que beaucoup d'objets de la nature qui y était désignée peuvent être privés;
Au 9°, devenu le 7°, on a supprimé les hopitaux, parce qu'il y en a de privés.
Art. 24. — 38. Lorsqu'un bien, meuble on immeuble, est acquis à l'Etat, à un département ou à une commune, il est déjà certain qu'il n'appartient pas à un particulier; mais il reste à savoir s'il rentre dans le do maine public ou dans le domaine privé de ces personnes morales. Il suffira, pour se fixer, à cet égard, de rechercher s'il sert directement à l'usage de la nation ou des autorités qui la gouvernent, ou s'il est simplement une source de profits analogues à ceux que les particuliers tirent de leurs biens.
Ainsi, la loi n'a placé dans aucune des deux énumérations qui précèdent les portions de terrain qui deviennent inutiles au passage, après le redressement d'une route ou son déplacement; mais, il est évident qu'elles rentrent dans le domaine privé et ce sera le domaine général ou local, suivant l'importance qu'avait la route redressée ou supprimée.
Les relais sont les terrains définitivement abandonnés par la mer (v. c. fr., art. 557); on les oppose aux lais qui sont des terrains d'alluvion apportés par l'effet du flux de la mer ou déposés aux embouchures des fleuves et qui constituent le rivage de la mer (13).
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(13) On a renvoyé à l'article 604 l'acquisition des épaves et à l'article 637 bis celle des immeubles sans maître et des successions en déshérence: ce sont des cas d'acquisition par occupation et par la loi.
Art. 25. — 39. Les choses qui sont sans maître peuvent arriver à en avoir un par l'occupation, c'est-à-dire par la prise de possession originaire, ou de celui qui s'en empare le premier. On parlera plus au long, au Livre IIIe (v. art. 602 et s.), de l'occupation considérée comme moyen d'acquérir la propriété.
Il y a, du reste, des choses sans maitre que la loi ne permet pas d'acquérir par occupation, de peur qu'elles ne donnent occasion à des violences ou à des surprises; ce sont les parties du sol qui n'ont jamais été occupées ou qui sont abandonnées volontairement, et les successions en déshérence, c'est-à-dire laissées par des défunts qui n'ont pas d'héritiers: la loi en attribue immédiatement la propriété à l'Etat, sans aucun acte d'appréhension ou d'occupation de sa part, sans même qu'il connaisse que son droit est ouvert. On ne peut donc guère dire, à proprement parler, que ces choses soient sans maître, puisqu'elles ont aussitôt l'Etat pour propriétaire.
Le Code français est encore plus négligé quand il- parle de " biens sans maître " (art. 539 et 713): ces expressions sont contradictoires (voy. n° 2, b); il est également inexact, dans sa généralité, quand il dit que ces biens appartiennent à l'Etat; cela n'est vrai que des immeubles sans maître et des successions en déshérence: autrement, il n'y aurait jamais lieu à occupation par la pêche, la chasse, etc.
L'énumération des choses sans maître que donne ici la loi n'est évidemment pas limitative, mais simplement énonciative; ainsi, aux poissons on peut ajouter les autres produits de la mer, comme les crustacées (q), les coquillages et les herbes marines, si variées et si utiles au Japon.
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(q) On nomme, en histoire naturelle, crustacées, les animaux amphibies, vivant dans l'eau et hors de l'eau, et revêtus d'une carapace, tels que: homards, langoustes, écrevisses (ébi), crâbes (kani), tortues (kamé); etc.
Art. 26. — 39. bis. Les choses communes diffèrent à la fois des choses sans maître et des choses appropriées.
Elles diffèrent des choses sans maître, en ce que chacun en a l'usage direct, à son gré; elles diffèrent des choses appropriées, en ce qu'elles ne peuvent jamais devenir la propriété exclusive de personne, on n'en comprendrait pas l'occupation totale: chacun n'en acquiert que de minimes parties, par l'usage qu'il en fait, comme de l'eau qu'il puise à la rivière, de l'air qu'il respire et de la chaleur du soleil qui entretient la vie universelle.
Elles sont ainsi accessibles à l'usage des étrangers autant qu'à celui des nationaux, même dans les pays qui, comme le Japon, la Russie et quelques autres, n'admettent pas encore les étrangers, chez eux, à la jouissance de tous les droits civils.
Art. 27. — 40. Cette distinction des choses recevra son application à l'occasion de la validité des conventions; une convention ayant pour objet une chose se trouvant hors du commerce est nulle; en conséquence, elle ne transférera aucun droit sur cette chose et ne créera aucune obligation à des dommages-intérêts pour inexécution.
L'expression commerce doit être prise ici dans un sens plus large que son sens ordinaire qui irnplique l'idée d'un acte de spéculation lucrative: la définition que donne la loi prévient toute confusion à ce sujet.
Le Projet emploiera le moins possible l'expression de "chose dans le commerce ou hors du ccmmerce," à cause de la difficulté de bien rendre l'idée dans la langue japonaise: on la remplacera, autant que faire se pourra, en celle de "choses qui sont ou ne sont pas à la libre disposition des particuliers" (voy. art. 325-2°).
L'énumération que donne la loi de choses hors du commerce est purement énonciative. Ces choses sont assez nombreuses en France et elles ne le seront guère moins ni plus au Japon. Il en sera fait mention surtout dans les lois administratives.
Les lois pénales aussi défendent de vendre des armes de guerre, des poudres et matières explosibles, des ouvrages contraires aux moeurs, etc.
Toutes les autres choses qui ne sont pas déclarées hors du commerce par la loi sont dans le commerce et peuvent être l'objet de dispositions de l'homme (vojr. c. civ. fr., art. 1128 et 1598).
Art. 28. — 41. On serait porté à croire que les choses inaliénables sont les mêmes que celles qui sont hors du commerce; mais ces deux caractères des choses ne sont pas identiques: il y a des choses inaliénables qui pourtant sont dans le commerce.
L'explication en est assez simple: un droit d'usage, par exemple, est dans le commerce, car il est susceptible d'être constitué par vente, échange ou donation, au gré des contractants; une fois constitué, il est encore susceptible d'une convention qui le restituerait au propriétaire de la chose, c'est-à-dire qui y mettrait fin: mais, il est inaliénable de la part de celui au profit duquel il a été constitué.
Il en est de même des servitudes foncières: elles peuvent être Constituées par convention entre deux propriétaires voisins; mais celui auquel elles ont été consenties ne pourrait pas les céder, sans le fonds dominant, à un autre qu'au propriétaire même du fonds servant.
A l'égard des mines et autres monopoles, le Gouvernement peut les constituer par contrat; il peut même les adjuger aux enchères publiques; mais, celui qui les a obtenues ne pourrait pas les céder à son gré: la loi spéciale des mines s'y oppose.
En France, on peut encore citer comme inaliénables les immeubles des femmes mariées, lorsqu'ils sont placés sous le régime dotal. La question n'est pas encore réglée au Japon et elle y demandera un sérieux examen, car l'inaliénabilité des biens a de graves inconvénients économiques (v. n° 21).
Ce n'est pas qu'elle expose sérieusement les tiers à des évictions imprévues, parce qu'on peut toujours donner une publicité suffisante à l'inaliénabilité des biens dotaux (voy. c. civ. fr., art. 1391, 1393, et loi du 10 juil. 1150); mais les biens qui ne changent pas souvent de propriétaire sont moins sujets à être améliorés.
L'énumération des choses déjà déclarées inaliénables par le 2e alinéa du présent article n'est donc pas limitative; on peut y ajouter, notamment, les pensions allouées par l'Etat; mais l'aliénalibilité est la règle et l'inaliénabilité sera.toujours l'exception (comp. c. civ fr., art. 1598). Cette exception pourra venir, soit de dispositions directes de la loi, soit de dispositions de l'homme, c'est-à-dire de conventions ou de testaments; mais ces dispositions ne seront pas libres, il faudra toujours qu'elles aient été autorisées par la loi, c'est-à-dire qu'elles soient prises dans des cas où la loi le permet. C'est ce qu'exprime clairement le 3e alinéa.
Art. 29. — 42. Ce n'est pas encore ici le lieu d'indiquer les caractères de la prescription et d'expliquer comment on peut dire qu'elle fair, acquérir des droits réels et perdre des droits personnels. Au sui,plus, comme on l'a dit dans l'Introduction et comme on le rappellera sous l'article 45, en attendant le moment de l'établir tout à fait (v. Livre Ve, ne Partie), elle est plutôt une présomption d'acquisition ou de libération ordinaire et légitime qu'un moyen propre et direct de produire ces effets (14). Quoiqu'il en soit, il est certain que la longue possession ne produit pas toujours le bénéfice de la prescription et que souvent l'obstacle qu'elle rencontre vient de la nature de la chose ou d'une dispositicn de la loi tirée de la considération de la chose plutôt que de la personne du possesseur. De là, on arrive à reconnaître qu'il y a des choses imprescriptibles; mais l'imprescriptibilité, comme l'inaliénabilité, est toujours l'exception: la règle est la prescriptibiUté des choses (v. c. civ. fr., art. 2226; Proj., art. 1431).
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(14) On a tenu à accentuer, dès l'abord, que la prescription ne sera pas considérée dans le Projet comme un moyen direct d'acquérir, mais comme une présomption légale d'acquisition; c'est pourquoi on a écarté la formule ordinaire quoique plus simple.
Art. 30. — 43. Généralement, tous les biens d'un débiteur sont le gage de ses créanciers: s'il ne remplit pas ses obligations, ceux-ci peuvent, après avoir obtenu un jugement, saisir et faire vendre ses biens, pour être payés sur le prix (voy. c. civ. fr., art. 2092 et 2093; Proj., art. 1001).
Mais, par exception, certains biens échappent à cette action des créanciers; on y retrouve, nécessairement, les choses hors du commerce et les choses inaliénables, puisque la saisie mènerait à l'aliénation et que celle-ci est interdite; mais il y a des choses qui sont dans le commerce, dont l'aliénation volontaire est permise, et dont l'aliénation forcée sur saisie est interdite (voy. c. pr. civ. fr., art. 581, 582, 592 et 593).
44. En France, le cas le plus saillant d'insaisissabilité est celui des rentes sur l'Etat, ce qui doit s'étendre aux obligations temporaires du Trésor public.
On est étonné, au premier abord, que l'Etat couvre ainsi de sa protection les débiteurs qui manquent à leurs engagements, alors qu'ils sont inscrits au Grand livre de la dette publique pour des sommes peut-être considérables.
Ce privilége des rentes a eu pour origine le besoin d'encourager les particuliers à prêter leurs fonds à l'Etat; mais il ne pourrait plus se motiver de la même manière, aujourd'hui, ni en France, ni au Japon: les Etats ont, à présent, plus de respect du droit et des principes qu'autrefois et c'est dans la bonne administration de leurs finances qu'ils cherchent et trouvent le crédit dont ils ont besoin.
Quoique cette question soit beaucoup d'ordre administratif et financier, elle n'appartient pas moins au droit civil, par l'intérêt légitime des créanciers; on doit donc s'y arrêter un instant.
45. L'insaisissabilité des rentes sur l'Etat peut être maintenue, aujourd'hui encore, par de puissantes raisons pratiques tirées des nécessités de la comptabilité publique.
Si les rentes étaient saisissables, les créanciers d'un rentier insolvable, pourraient faire des saisies-arrêts, pour s'opposer à ce que le payement des arrérages ait lieu entre ses mains et aussi pour empêcher qu'il puisse aliéner ses titres; ces saisies, pour être efficaces, devraient être faites à l'administration centrale, au ministère des finances même: sans cela, le débiteur pourrait toujours s'y soustraire facilement, en touchant les arrérages ou en aliénant son titre dans un département autre que celui où il y a une saisie-opposition.
Si les saisies étaient faites à l'administration centrale, celle -ci devrait en donner immédiatement avis à tous les bureaux de département, afin qu'aucun payement d'arrérages ou aucun transfert-cession ne puisse avoir lieu au préjudice des saisissants; il faudrait, de même, donner avis des main-levées d'opposition; le tout entraînerait des lenteurs et des dépenses considérables. Enfin, des erreurs de numéros des titres ou de noms des titulaires seraient inévitables dans les transmissions de ces avis, eu égard à la masse considérable de ces saisies, et la responsabilité de l'Etat serait fréquemment encourue envers les parties saisissantes. Or, cette responsabilité retomberait toujours, directement ou indirectement, sur les contribuables.
Il faut donc accepter l'insaisissabilité des rentes sur l'Etat comme une nécessité pratique: si elle est un mal, au point de vue du par droit privé, elle tend à éviter un autre mal, plus grand encore, parce qu'il serait public (15).
On trouve, du reste, quelque chose d'analogue et qui est fondé sur des raisons semblables, quoiqu'à un moindre degré, au sujet des lettres de change, lesquelles ne sont susceptibles d'opposition que dans des cas très limités (voy. c. com. fr., art. 149).
46. La loi s'arrête ici dans la nomenclature des divisions des choses qui influent sur les dispositions de la loi, c'est-à-dire qui motivent des règles particulières à leur égard. Ce ne sont pas cependant les seules; mais celles qu'on a négligées ici ont une influence moins générale sur le droit.
On se bornera à en signaler quatre, et à indiquer sommairement leur intérêt en droit français, ne pouvant le faire encore d'après le Projet japonais:
1° Choses perdues ou volées, ou non;
2° Choses liquides et certaines, ou non;
3° Choses excédant une valeur déterminée, ou non;
4° Choses susceptibles de dépérissement, ou non.
47. - I. Indépendamment des épaves maritimes, fluviales ou terrestres, lesquelles sont des choses perdues, et dont il sera parlé sous l'article 604, il y a encore une assez importante dérogation au droit commun, au sujet des autres choses perdues: elles ne sont pas susceptibles de la prescription dite " instantanée " établie dans la loi française par la règle célèbre "en fait de meubles, la possession vaut titre " (v. art. 2279) et dans le Projet (art. 1482 et s.).
Les choses volées sont dans le même cas.
Les unes et les autres ne peuvent être prescrites, par le possesseur de bonne foi, qu'après un certain temps depuis la perte ou le vol: trois ans, en droit français (ibid.), un an dans le Projet japonais (art. 1483 lis).
Ce n'est pas ici le lieu de justifier cette double dérogation à la règle: il faudrait d'abord justifier la règle elle-même, ce qui sortirait du cadre de ces Dispositions préliminaires.
48. —II. Les choses liquides et certaines sont des valeurs, généralement dues, dont on connaît exactement la nature et le montant, ainsi que le temps et le lieu où elles doivent être fournies. Le principal intérêt de cette distinction est au sujet de la compensation (v. c. fr., art. 1291; Proj., art. 542 et 545); de même, les saisies-exécations ne peuvent avoir lieu que '« pour des choses liquides et. certaines " (voy. c. pr. civ. fr., art. 551).
49. -III. En France, la loi n'est pas favorable à la preuve testimoniale, non par défiance de la sincérité des témoins, comme on le croit trop généralement, mais par le désir de prévenir les procès téméraires dans lesquels se lanceraient les personnes toujours portées à s'exagérer, la bonté de leur cause: les demandeurs et les défendeurs compteraient sur des témoignages favorables à leur action ou à leur exception; mais, devant le juge, ces témoignages manqueraient souvent de la précision et de la fermeté nécessaires pour donner à celui-ci la conviction en faveur du plaideur qui les aurait produits et l'on aurait ainsi fait un procès nuisible aux parties, en ipême temps qu'à l'intérêt général (v. T. V, nos 186 et s)
La loi française veut donc que l'on rédige un acte "-de- toutes choses excédant la valeur de 150 francs " (art. 1341), et voici comment son but est atteint: si la - partie intéressée, demanderesse ou défenderesse, possède la preuve écrite de son droit ou de son exception, elle n'aura pas à craindre une contestation en justice qui n'aboutirait à rien d'utile pour son adversaire; si elle n'a pas de titre écrit, elle ne pourra elle-même réussir: dans les deux cas, le procès est évité.
Le chiffre de 150 francs, est, considere comme assez important pour que les parties prennent la peine de rédiger un écrit: au-dessous de ce chiffre, elles en sont dispensées, à cause de la célérité que demandent les petites affaires, plus multipliées que les grandes (16).
L'importance des sommes ou valeurs réclamées a en- '001'8 une grande influence sur la compétence des tribunaux, au point de vue de l'appel: les tribunaux de paix jugent sans appel les demandes de cent francs et au- dessous; les tribunaux de première instance, celles de quinze cents francs et au-dessous (Lois des 11 avril et 23 mai 1838) (17).
50. -IV. La loi a quelques dispositions spéciales sur les choses susceptibles de dépérissement, ce qu'il faut entendre dans le sens d'un prompt dépérissement (car tout dépérit par le seul effet du temps); telles sont la plupart des denrées alimentaires.
On peut voir, à ce sujet, les dispositions des articles 603 et 796 du Code français et des articles 58 et 799 du Projet.
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(15) Nous avions admis dans le Projet l'insaisissabilité des rentes sur l'Etat; mais la loi des finances en permet la saisie.
(16) Le Projet limite l'emploi de la preuve testimoniale à 50 yen, 200 francs environ (v. art. 1396).
(17) La nouvelle Loi organique des Cours et Tribunaux (10 février d,3 la 23° année de Meiji, 1890) détermine aussi la compétence des tribunaux de divers degrés suivant l'importance du litige.
SOMMAIRE.
N°51. Division de ce Livre en deux Parties, pour les deux sortes de Droits.
51. On sait que ce Livre 11e est consacré aux deux sortes de Droits, réels et personnels, formant le patrimoine des particuliers.
Il est à cet effet, divisé en deux Parties.
La division en deux Chapitres était impossible, parce qu'alors on n'aurait pu consacrer que des Sections à chacun des droits réels, ce qui n'eût pas été logique, une Section ne devant être que la division d'un même sujet et non la séparation de sujets différents. Il restait la division par Titres, usitée en France; mais le mot Titre, déjà difficile à expliquer en français, serait intraduisible en japonais (a).
On a donc pu, avec la division en Parties, avoir des Chapitres pour chacun des droits réels On sait, au surplus, d'après l'article 2, qu'il ne s'agira ici que des droits réels principaux et d'une seule sorte de droits réels accessoires, les servitudes foncières; quant aux droits réels qui sont l'accessoire et la garantie des créances ou des droits personnels, ils sont renvoyés au Livre IVe, ne Partie.
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(a) C'est ainsi que dans les deux nouveaux Codes criminels, déjà en vigueur, on a exclu la division par Titres.
SOMMAIRE.
Art. 31. — N° 52. Le droit de propriété mobilière et immobilière est de droit naturel. -53. Attributs du droit de proprié é. -54. La propriété peut être sous condition, soit suspensive, soit résolutoire. -55. Elle ne peut être affectée d'un terme, soit initial (a qao), soit final (ad quem). - 56. Le droit propriété, si étendu qu'on l'admette, n'est jamais absolu.
32 -57 et 58. Expropriation des immeubles pour canse d'utilité publique. -59. Idem des meubles.
33. -60. Occupation temporaire de terrains pour l'utilité publique.
34. -61. Servitudes d'utilité publique; renvoi aux lois ad m i nis trati ves.
35. —62. Droits et facultés du propriétaire quant aux constructions. - 63. Pouvoir réglementaire de l'administration à ce sujet. - 64. Travaux au-dessus et au-dessous du sol; restrictions à la liberté, dans l'ini.térêt général et dans celui du voisinage; renvoi.
36. -65. Droit de recherche des mines; motif des condi-^ tions auxquelles est soumise leur exploitation; renvoi aux lois spéciales à ce sujet.
37. —66. Action pétitoire ou en revendication; action né- gatoire; renvoi. - 67. Actions possessoires; renvoi.
38. -68. Copropriété indivise; différence entre l'indivision et l'itidivisibilité; limites du droit de chacun d'administrer la chose commune.
39. —69. Limites du droit de disposer, d'hypothéquer et de donner à bail.
40. -70. Inconvénients de l'indivision; droit de demander le partage; convention modificative de ce droit; exception à l'égard de la mitoyenneté.
41. -71. Renvoi pour des cas particuliers de copropriété.
42. -72. Copropriété divise; ses effets.
43. -73. Renvoi pour les modes d'acquérir et de transmettre la propriété. -73 bis. L'accessoire suit le principal.
44. —74. Perte de la propriété, avec ou sans transmission.
45. -75 et 75 bis. Prescription dite " acquisitive exposé sommaire; renvoi.
COMMENTAIRE.
Art. 31. — 52. On a beaucoup discuté en Europe, surtout depuis un siècle, sur le caractère et la légitimité de la propriété, au moins de la propriété du sol. Certains publicistes ont prétendu qu'elle était une création de la loi positive, et la conséquence de cette opinion serait que la loi pourrait toujours, à son gré, modifier la propriété, la restreindre et même la supprimer; c'est ainsi qu'on a pu proposer de ne reconnaître qu'un seul propriétaire foncier qui serait l'Etat; sauf, par lui, à faire aux particuliers des concessions temporaires de jouissance, moyennant une redevance.
Cette théorie, qui est une des formes du socialisme moderne, est moins nouvelle que ne le croyent peut-être ses partisans: elle se trouve avoir été appliquée, au moins en partie et avec quelques différences de forme et de noms, dans les Républiques grecque et romaine, plus tard, sous l'Empire romain, et aussi, à une époque moins éloignée, sous la féodalité européenne et dans quelques monarchies absolues.
Il ne serait pas difficile de la trouver dans l'ancienne féodalité japonaise.
Ce n'est pas ici le lieu de discuter cette théorie, plus spéculative que législative.
Le Japon est entré résolument dans une voie nouvelle, surtout en législation; mais s'il innove dans ses institutions politiques, économiques et civiles, ce n'est pas pour expérimenter des systèmes nouveaux plus ou moins téméraires: c'est pour s'appliquer le fruit de l'expérience des autres pays, et il accueille seulement les systèmes que le temps et la pratique des nations les plus sages et les plus éclairées ont démontré être justes et utiles.
Déjà, au Japon, la propriété foncière peut appartenir aux particuliers, pleine et entière, comme celle des objets mobiliers. Quand l'Etat, les départements et les communes y sont propriétaires, comme on l'a vu aux articles 1er et 24, ils le sont au même titre que les particuliers: les uns et les autres sont soumis à la loi commune. Mais ce n'est pas la loi qui crée leur droit: elle ne fait que le reconnaître, le consacrer et le garantir j le seul cas où, peut-être, on pourrait voir l'effet direct et exclusif de la loi positive, serait celui où elle attribue à l'Etat la propriété des immeubles sans maître particulier et des successions en déshérence (art. 637 bis); mais là encore, il serait facile d'établir que la loi n'est que l'organe d'un principe de raison et de justice, d'une loi naturelle.
Le Projet, sans prétendre interdire la discussion théorique de la nature et de l'origine de la propriété, fait donc acte de sagesse et de raison, en proclamant qu'à ses yeux la propriété est " de droit naturel."
53. Le mot français "propriété" vient directement du latin (proprietas) et il exprime l'idée que la chose est l'objet d'un droit spécial, particulier, propre à un individu.
La propriété, cependant, pourrait être collective, appartenir à plilsieurs; mais la chose leur serait toujours propre, particulière, par rapport aux autres.
La loi indique, dans sa définition, les trois principaux avantages ou droits que donne la propriété:
User, c'est tirer de la chose une utilité, des services continus: comme habiter une maison, employer un animal à des travaux, se servir d'un objet mobilier;
Jouir, c'est tirer d'une chose des produits, des revenus périodiques, comme les fruits d'un fonds de terre, les petits des animaux, le lait, la laine, etc.;
Disposer, c'est faire de la chose un usage qui ne se renouvellera pas pour le propriétaire, un usage final qui la fait sortir de son patrimoine: par exemple aliéner (a).
Ces trois droits: usage, jouissance, disposition, sont souvent réunis, mais ils peuvent aussi Être séparés. La propriété est dite pleine, quand ils sont réunis; elle est dite démembrée, quand l'usage ou la jouissance sont séparés du droit de disposer; ces deux droits, envisagés isolément, sont alors appelés démembrements de la propriété.
54. On verra, dans la suite, que les droits de créance ou droits personnels sont susceptibles d'une condition ou d'un terme (art. 421 et suiv.) et qu'il en est de même des droits réels secondaires, de ceux qui ne sont que des démembrements de la propriété, comme l'usufruit et le bail, et de ceux qui sont des garanties de créances, comme le gage et l'hypothèque.
En est il ainsi du droit de propriété lui-même ?
On ne peut douter qu'il puisse être subordonné à une condition, soit suspensive, soit résolutoire.
On doit répondre négativement pour le terme.
Ce n'est pas ici le lieu de s'arrêter longtemps sur ces modalités ou manières d'être dont les droits peuvent être affectés: il suffit de dire ici que la condition est " un événement futur et incertain duquel on fait dépendre l'existence d'un droit." On peut faire dépendre de cet événement, soit la naissance du droit, soit son extinction: dans le premier cas, la condition est dite suspensive; dans le second, elle est dite résolutoire. En réalité, la condition est toujours suspensive; mais, tantôt elle suspend la naissance du droit, tantôt elle en suspend la résolution fv. art. 428 et s.).
Deux exemples feront bien comprendre ce double effet de la condition.
Je donne ou vends ma maison à quelqu'un, " si je suis nommé juge dans une autre province." Jusqu'à ce que ma nomination arrive, le droit de l'acquéreur est en suspens, est incertain; l'acheteur ou le donataire n'aura peut-être même jamais la propriété, car je puis n'être jamais nommé conformément à mes prévisions: c'est la condition s uspensive.
Au contraire, je vends ou donne ma maison, après avoir été nommé juge dans une autre province; mais, je prévois que je pourrais revenir un jour dans l'ancienne province, avec un rang plus élevé ou après ma démission; dans ce cas, il m'importerait de recouvrer la propriét"; de ma maison: je stipule donc, lors du contrat, que " si je reviens dans la même province, par démission ou autrement, le droit de propriété me fera retour;" c'est la condition résolutoire.
Ces deux conditions ne sont pas, comme le terme, inconciliables, incompatibles avec le droit de propriété. Elles ont, en effet, un caractère particulier que ne présente pas le terme, c'est l'effet rétroactif de l'événement, lorsqu'il s'accomplit.
Supposons que j'aie aliéné ma propriété sous la condition suspensive prévue plus haut: tant que la condition n'est pas accomplie, j'ai gardé la qualité de propriétaire et le droit de disposer; puis, si la condition s'accomplit, mon droit cesse, il passe au nouveau propriétaire; mais il est acquis à celui-ci rétroactivement, c'est-à-dire, en remontant au jour où la convention a été faite; de sorte que les aliénations que j'ai pu faire sont frappées de nullité: elles sont résolues, comme mon droit l'est lui-même. Par contre, les aliénations qu'aurait faites l'acquéreur, en prévision de l'accomplissement de la condition, sont validées: elles étaient en suspens, elles sont devenues définitives; la condition, qui était suspensive pour mon acquéreur, est donc résolutoire pour moi.
Supposons, en sens inverse, que j'aie aliéné ma propriété, en me réservant de la recouvrer au cas de tel événement, c'est-à-dire que je l'aie aliénée sous condition résolutoire. Le droit de disposer appartient présentement à mon acquéreur; mais, si l'événement prévu s'accomplit, la propriété me reviendra, libre de tous les droits dont il aurait pu la grever, lesquels seront résolus avec le sien même.
Cette condition est dite résolutoire, du côté de l'acquéreur; mais elle est suspensive, de mon côté; en sorte que, si j'avais moi-même disposé, en prévision de l'accomplissement favorable de la condition, les actes que j'aurais faits seraient validés.
On voit que, dans les deux cas, le droit de disposer, quoiqu'incertain pour les deux parties, n'existe toujours que d'un côté et c'est l'événement ou la défaillance de la condition qui le fait connaître rétroactivement.
55. Rien de pareil ne se rencontrerait dans le terme, parce qu'il ne rétroagit pas (v. art. 423 et s.).
L'adjonction d'un terme à la propriété serait incompatible avec le droit de disposer qui en est l'essence, aussi bien l'adjonction d'un terme initial (a quo: à partir duquel) que celle d'un terme final (ad quem: jusqu'à la fin duquel).
Supposons, en effet, que quelqu'un doive être propriétaire dans dix ans (terme a quo), il y aura donc un autre propriétaire présent, actuel, dont le droit cessera dans dix ans Or, celui-ci pourra-t-il disposer valablement de la chose pendant ces dix ans ? S'il le peut, il aura ainsi le moyen, par une aliénation ou par un acte destructif de la chose, d'anéantir la faculté de disposer chez celui qui doit lui succéder dans le droit, ce qui est inadmissible; s'il ne le peut, c'est lui qui n'aura d'un propriétaire que le nom (v. n° 79 et T. 11, nos 128 et 140).
Le terme ne peut donc être attaché à la propriété.
Il pourrait être attaché à la prise de possession; rien n'est même plus fréquent; mais c'est tout différent et sans difficultés.
56. Dans tous les pays, le droit de propriété est le plus étendu qu'une personne puisse avoir sur une chose, mais il n'est pas absolu, comme le dit, par inadvertance sans doute, le Code français (aa). Si étendu qu'il soit, il a des limites établies dans l'intérêt général et dans celui des voisins; il est aussi quelquefois limité dans l'intérêt du propriétaire lui-même. Ces limites sont, pour la plupart, posées par la loi: on en rencontrera un grand nombre, tant dans le présent Chapitre que dans celui consacré aux Servitudes foncières; il en est posé aussi par les Règlements administratifs ou de police. Mais il y a aussi des limites ou conditions apportées aux droits du propriétaire par des conventions auxquelles il a pris part: notamment, lorsqu'il a consenti à un autre un droit d'usage, d'usufruit, de servitude ou de bail. Enfin, des limites peuvent être apportées par testament, lorsque la propriété a été léguée avec réserve d'une servitude pour un fonds resté à l'héritier; on peut aussi, par testament, sans enlever un fonds à son héritier, grever ce fonds, au profit du fonds voisin, d'une servitude que l'héritier sera tenu de respecter (voy. art. 295).
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(a) Les Romains disaient abusus (usage qui détruit, qui enlève).En français, abuser a le même sens, mais se prend en mauvaise part.
(aa) Encore moins est-il le plus absolu !
Art. 32. — 57. Il y a déjà ici une grave limite au droit de propriété; le propriétaire n'a pas un droit absolu de conserver sa chose: il peut être tenu de la céder, soit à l'Etat, soit au département ou à la commune, dans un intérêt général légalement constaté.
La loi emploie le mot " céder" parce qu'il est usité depuis le Code civil français; mais, il serait plus exact de dire abandonner, car la cession, l'aliénation, suppose une convention, un accord de volontés, qui ne peut être valable qu'autant que ces volontés sont libres; or, ici, il y a contrainte, il y a donc privation, sacrifice de la propriété, et ce sont, en effet, les expressions employées par les Constitutions françaises, tant antérieures que postérieures au Code civil.
Cependant, il peut y avoir cession volontaire, car le propriétaire qui sait qu'il ne peut se soustraire à l'expropriation forcée, préfère souvent une cession amiable à une procédure lente et compliquée. S'il n'y a pas accord sur la fixation de l'indemnité, elle est réglée par un jury, sans que la cession cesse d'être amiable: le jury fait alors l'office d'arbitre.
58. On remarquera aussi que la loi fonde l'expropriation forcée sur " l'utilité publique" et qu'elle n'exige pas la nécessité. C'est encore la disposition du Code français; mais les Constitutions qui l'avaient précédé exigeaient la " nécessité publique:" c'était, par un scrupule exagéré, interdire l'expropriation pour l'embellissement des villes, pour l'établissement de palais, musées ou jardins nationaux. Il est bon cependant d'embellir les villes, pourvu qu'on n'exagère rien (b).
L'expropriation pour cause d'utilité publique n'est pas, comme on pourrait le croire, une institution moderne. Elle a pris de nos jours, il est vrai, une grande extension: sans elle, l'Europe et l'Amérique n'auraient pu être sillonnées de routes, de canaux et de chemins de fer; mais on en retrouve les premières applications chez les Romains et même chez les Grecs.
Le principe sur lequel se fonde l'expropriation est que le bien public doit primer l'intérêt particulier. Il serait, assurément, déplorable et odieux que la mauvaise volonté ou les exigences d'un propriétaire obstiné ou cupide missent obstacle à l'exécution de ces grands travaux publics si favorables à l'agriculture, à l'industrie et au commerce, ou qu'elles obligeassent à détourner une route, un canal ou un chemin de fer de la direction la plus courte ou la plus favorable.
Mais la loi ne peut non plus demander à un particulier de sacrifier sa fortune au bien public, elle ne peut lui demander que le sacrifice de ses convenances personnelles: on ne lui prendra pas son bien, on le lui achètera et, généralement, il lui sera payé avantageusement. L'indemnité doit être 'préalable à la dépossession, afin que l'exproprié ne courre pas le risque d'attendre ou d'être obligé de faire des réclamations et démarches qui pourraient lui être pénibles. Elle doit, d'ailleurs, être réglée d'une façon qui soit à l'abri de la critique. La loi française veut encore qu'elle soit junte. Mais quand pourra-t-on dire que l'indemnité est juste ? Evidemment, c'est quand elle aura été réglée à l'amiable entre l'administration et l'exproprié, ou quand elle aura été fixée par une autorité compétente ayant un caractère de juridiction.
En France, l'indemnité est fixée par un jury de propriétaires locaux (Loi du 3 mai 1841, art. 29 et s.).
Le Projet se borne à renvoyer à la législation spéciale qui sera faite certainement sur ce point au Japon.
La loi sur l'expropriation déterminera aussi les formalités qui devront précéder la déclaration d'utilité publique et les autorités compétentes pour la prononcer (c).
59. La loi n'autorise ici, d'une manière générale, l'expropriation forcée, que pour les immeubles. Ce n'est pas que la propriété des meubles doive être, par sa nature, plus inviolable que celle des immeubles; mais on comprend moins que l'expropriation d'un meuble soit utile à l'intérêt général: on ne pourrait guère l'admettre que pour dés objets d'art très anciens qui pourraient manquer à un musée national et constituer une lacune grave pour une époque; mieux encore, pour des documents originaux qui seraient importants pour l'histoire nationale. L'expropriation mobilière pourrait encore s'appliquer, avec des motifs plus puissants, aux droits de l'inventeur d'une découverte scientifique ou de l'application nouvelle d'un procédé connu qui pourrait être important pour la guerre et pour la défense nationale et dont on voudrait empêcher la vente par l'auteur à une puissance étrangère; il pourrait s'agir aussi d'une découverte qui favoriserait l'industrie nationale et que son auteur pourrait être disposé à vendre à l'industrie étrangère. Enfin, on pourrait considérer comme expropriation mobilière les rachats forcés de droits de péage et de concessions de monopoles de transport par terre ou par eau.
L'article 32, en exigeant une loi spéciale pour les expropriations de meubles, a pour but de mettre obstacle à leur trop grande facilité: par cela même qu'elles ne se rattacheraient pas, comme l'expropriation des immeubles, à des travaux plus ou moins considérables et déjà très coûteux pour l'Etat, l'administration pourrait avoir une tendance exagérée à exercer un pareil droit. La nécessité de l'intervention du pouvoir législatif sera, pour les particuliers, une garantie sérieuse de la réalité de l'utilité publique.
La loi excepte de cette condition d'une loi spéciale deux matières déjà plus ou moins réglées, au Japon comme ailleurs: le droit de préemption (d) en matière de douanes et les réquisitions de denrées en temps de calamités publiques: pour ces dernières, l'urgence ne permettrait pas de recourir au pouvoir législatif.
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(b) Les Constitutions françaises, en proclamant le principe de l'expropriation pour cause d'utilité publique, avec ses conditions et limites dans l'intérêt des citoyens, en ont fait un principe constitutionnel, à l'abri, par conséquent, des variations législatives auxquelles sont sujettes la plupart des autres matières du droit public et privé.
Il en est de même au Japon, d'après la récente Constitution (art. 27).
(c) Les Règlements actuellement en vigueur ne sont que provisoires et laissent à désirer.
(d) Le mot préemption vient du latin pl'æ, avant, emere, acheter: c'est le droit pour quelqu'un d'acheter une chose avant tout autre.
Art. 33. — 60. Il peut arriver que l'exécution de travaux d'utilité publique n'exige pas l'expropriation d'un immeuble, mais seulement une prise momentanée de la possession, une occupation plus ou moins prolongée: par exemple, pour des dépôts de matériaux, pour le charroi, pour l'écoulement des eaux.
La loi civile permet cette nouvelle atteinte au droit de propriété; mais toujours en observant les conditions prescrites par la loi administrative: elles ne seront pas les mêmes que pour l'expropriation, mais elles auront le même but, de protéger les citoyens contre les actes arbitraires de l'administration et de leur assurer une juste indemnité pour les dommages causés aux biens ou pour la privation de jouissance.
Art. 34. — 61. L'intérêt général motive encore diverses atteintes au droit dj propriété, connues sous le nom de servitudes d'utilité 'publique. La loi en indique ici quatre principales; mais elle n'est pas limitative.
En France, les terrains riverains des routes, canaux, chemins de fer, et non clos, sont assujettis au droit de l'administration de faire des fouilles, pour en extraire des pierres, des sables et chaux (L. du 16 Sept. 1807, art. 55); les riverains de la voie publique peuvent être empêchés de réparer leurs maisons, lorsqu'un nouvel alignement exige qu'elles soient reculées (ib., art. 52); les propriétaires de bois et forêts doivent laisser choisir les plus beaux arbres pour les constructions de la marine de l'Etat (C. forest., art. 126 et s.); les propriétaires de sources ou de cours d'eau doivent en permettre une dérivation partielle, pour une commune ou agglomération d'habitants (C. civ., art. 643).
Lorsque l'administration prend ainsi aux particuliers des matériaux, des bois ou des eaux, elle leur doit une indemnité satisfaisante. On peut considérer ces cas comme constituant encore une expropriation mobilière, laquelle, étant fondée sur des lois générales, rentre dans les exceptions portées à l'article 32, 3e alinéa, et n'exigera pas de loi spéciale pour chaque cas.
Toutes ces matières où l'intérêt public est en opposition avec l'intérêt privé sont du domaine du droit administratif et seront bientôt réglées au Japon d'une manière analogue.
Art. 35. —--. 62. Le propriétaire est supposé ici n'avoir pas démembré sa propriété par des concessions de droits réels; autrement, l'obligation de les respecter diminuerait ou suspendrait les facultés que la loi lui reconnaît dans cet article.
Mais un plein propriétaire peut, à son gré, construire ou ne pas construire, cultiver et planter ses terres ou les laisser incultes, dessécher les étangs ou marais, ou en établir.
Les constructions dans les villes sont cependant soumises, dans plusieurs pays d'Europe, à des règlements sur l'alignement et sur la hauteur des maisons, sur la salubrité des logements, etc.; mais ce sont encore là des mesures d'utilité publique, et elles sont jugées si légitimes qu'elles ne donnent lieu à aucune indemnité (e).
63. Un cas assez embarrassant pourrait se présenter. au Japon, depuis que l'on songe à prendre de sérieuses mesures contre les incendies.
L'administration préfectorale ou municipale pourrait-elle exiger des propriétaires qui construisent une première fois ou reconstruisent des maisons incendiées, qu'ils n'emploient que la pierre, la brique ou le pisé (terre agglomérée) et ne couvrent les toits qu'en tuiles, en ardoises ou en métal ?
Pourrait-elle même ordonner la destruction des toits actuellement couverts en bois ou en paille, pour y faire substituer des couvertures incombustibles ?
Certaines personnes ont des doutes sur les deux questions; d'autres admettent la solution affirmative et favorable au pouvoir des préfets.
La solution la plus conforme aux principes combinés du droit civil et du droit administratif parait être justement de diviser les deux questions et de donner une solution différente pour chaque cas.
Lorsqu'il s'agirait, soit de construire des bâtiments nouveaux ou des annexes nouvelles, soit de reconstruire des bâtiments incendiés, tombant de vétusté ou que le propriétaire veut transformer, l'autorité préfectorale pourrait, à titre de mesure de police, ordonner l'emploi de matériaux incombustibles; le propriétaire ne souffrirait pas sérieusement de cette mesure: si elle exigeait une plus forte mise de capitaux, il en serait compensé par la plus-value de son bâtiment; si les fonds suffisants lui manquaient, il pourrait retarder sa construction: il n'y aurait de gêne réelle que pour une réparation urgente qui deviendrait plus difficile par l'augmentation de dépense; mais l'autorité préfectorale pourrait toujours accorder le droit de faire le nécessaire, d'après l'ancien mode, à titre provisoire et temporaire; sauf à faire démolir, à l'expiration du temps fixé, s'il y avait refus d'obéir (voir Tome III, n° 557, note b).
Au contraire, on devrait refuser à l'autorité préfectorale le droit d'ordonner la suppression des toitures et autres parties de bâtiments n'ayant pas besoin de réparations: ce serait porter une atteinte beaucoup plus grave à la propriété foncière; elle ne devrait être prise qu'en vertu d'une décision de l'autorité législative, laquelle manquerait elle-même aux principes généraux du droit civil, si elle ne prescrivait pas une indemnité au profit des propriétaires.
L'indemnité pourrait être fixée administrativement, d'après des bases et en suivant certaines formes à régler encore par la loi.
En France, depuis plus de trente ans, on a interdit les couvertures en paille ou chaume, dans les communes ou hameaux où les maisons sont rapprochées: on ne les tolère que pour les constructions isolées. ]1 ne paraît pas qu'on ait fait de loi à ce sujet; mais la mesure n'a été prise qu'à l'égard des nouvelles constructions et des reconstructions. Elle a rencontré d'ailleurs, à cette époque, une vive résistance dans les campagnes: il a fallu faire des avances et même des dons de matériaux aux propriétaires peu aisés; mais aujourd'hui tout est en ordre.
La distinction ici proposée s'appuierait usur ne disposition analogue du droit français déjà citée (note e). Lorsqu'un bâtiment riverain de la voie publique se trouve, par le changement d'alignement, sujet à recule- ment, l'administration loc-tle défend les réparations et rêconfortations; mais, si elle désire le redressement immédiat de la voie, elle doit acquérir le bâtiment avec indemnité, d'après les règles de l'expropriation.
64. Le propriétaire du sol est maître de l'espace aérien qui se trouve au-dessus dudit sol; en conséquence, les voisins ne pourraient faire, sur la limite, des constructions qui dépasseraient la ligne verticale partant de ladite limite; ils ne pourraient non plus jeter un pont suspendu d'une propriété à l'autre et passant sur celle du milieu qui ne leur appartiendrait pas. Cela ne fait de difficulté nulle part.
A l'égard des fouilles et excavations, comme elles pourraient nuire aux voisins, par leur proximité de la ligne séparative, la loi prescrira des mesures préventives de ces dommages (voy. art. 281 et suiv.).
Les lois administratives prescrivent aussi des mesures de précautions dans l'intérêt des ouvriers et des propriétaires du sol, pour l'exploitation des mines et carrières.
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(e) En France, notamment, il n'y a pas d'indemnité pour la défense de réconforter les bâtiments sujets à reculement: l'indemnité n'a lieu, après la destruction finale du bâtiment, que pour le terrain exproprié (L. du 16 Sept. 1807, art. 50).
Art. 36. — 65. La bonne exploitation des mines importe beaucoup à l'Etat. Dans presque tous les pays d'Europe, les mines sont considérées comme propriété de l'Etat. Dans d'autres, en France notamment, les mines n'ont d'existence légale que lorsqu'elles sont concédées par le Gouvernement (Loi du 21 avril 1810).
La concession peut être donnée à un autre qu'au propriétaire du sol; cependant celui-ci serait préféré, s'il donnait des garanties suffisantes d'une bonne exploitation.
Le concessionnaire paye une redevance à l'Etat et, en outre, s'il n'est pas le propriétaire du sol, il en paye une autre à celui-ci.
Au Japon, il existe déjà une législation assez développée sur les mines: on paraît y avoir adopté un système emprunté, partie à la loi française, partie à la loi anglaise. Ce n'est pas ici le lieu de s'étendre sur cette matière spéciale.
Il y aurait un double danger à laisser libre au propriétaire du sol l'exploitation des mines: le premier c'est que celui-ci négligerait souvent l'exploitation, faute de capitaux suffisants, ce qui priverait le pays des ressources naturelles de son sol et le rendrait, à cet égard, tributaire de l'étranger; le second, c'est que si la surface du sol se trouvait, comme cela arrive le plus souvent, morcelée entre un grand nombre de propriétaires, l'exploitation des mines qui exige un grand développement pour être fructueuse (celles de charbon surtout), deviendrait impossible ou ruineuse pour chaque propriétaire et ce serait encore un grand dommage général.
Du reste, le système adopté en Europe et déjà admis au Japon ne dépouille pas les propriétaires d'un droit antérieur: lorsqu'ils ont acquis la surface, ils n'ont pas entendu acquérir le tréfonds, au moins quant aux mines; ils n'ont fourni aucune valeur correspondante aux mines; tout au plus, ont-ils espéré acquérir la redevance que le concessionnaire aurait un jour à leur payer: or ce droit est respecté.
Le Projet consacre pour le propriétaire le droit de recherche de la mine et pour l'Etat le droit de lui accorder ou de lui refuser la concession.
Art. 37. — 66. Le droit de revendication est quelquefois inséré dans la définition du droit de propriété; il s'ajoute ainsi aux trois autres droits déjà énoncés à l'article 31.
Le Code français parait avoir adopté cette idée, en partie, lorsqu'il a énoncé l'action en revendication d'un immeuble comme étant un droit immobilier (art. 526).
Cette théorie n'est pas très exacte: l'action en revendication n'est pas un droit proprement dit, elle est l'exercice du droit réel contre un usurpateur; il n'est pas plus exact de voir dans la revendication un des droits composant la propriété que de voir dans l'action personnelle du créancier contre le débiteur un des éléments du druit de créance: l'action n'est pas le droit, mais la sanction du droit, le moyen de le faire valoir.
Mais, cette réserve étant faite, pour l'exactitude de la théorie, il est bon que la loi proclame que le propriétaire peut revendiquer sa chose dans toutes les mains où elle se trouve indûment: si ce n'est pas un élément du droit de propriété, c'en est un effet trop considérable pour ne le pas signaler (comp. art. 2).
L'action en revendication cesse devant la prescription, c'est-à-dire devant une présomption légale d'acquisition légitime fondée sur une possession. plus ou moins prolongée.
Ce n'est pas encore ici le lieu de s'arrêter sur les caractères et les conditions de la prescription déjà mentionnée: elle aura une large place, au Livre V°; on va d'ailleurs la retrouver et s'y arrêter un peu, à l'article 45.
L'action en revendication prend un nom particulier, lorsqu'elle a pour obj-et de soustraire la chose à une servitude personnelle ou réelle indûment exercée, ou usurpée. Dans ce cas, comme le propriétaire possède encore son fonds, on ne peut pas dire qu'il le revendique, qu'il tend à le reconquérir: il en réclame seulement la liberté, l'affranchissement; dès lors, il n'affirme pas son droit de propriété, puisque ce droit n'est pas contesté: il conteste, il dénie le droit de servitude prétendu par un autre. De là, le nom d'action néga- toire, d'origine toute romaine. Il sera encore question de l'action négatoire au sujet de l'usufruit (art. 70) et des servitudes foncières (art. 288) (l).
67. Le propriétaire d'un immeuble, privé de la possession de sa chose, n'est pas toujours obligé d'exercer l'action en revendication qui présente des difficultés de preuve et, par suite, des dangers, si elle est engagée prématurément: il peut aussi exercer les actions pos- sessoires, comme le lui permet le présent article et comme on le verra avec détails au sujet de la Possession (art. 212 et suiv.).
Quelques mots d'explication sont nécessaires, par anticipation, pour l'intelligence de cette disposition.
L'action en revendication dont il a été parlé d'abord porte le nom de pêtitoire, par opposition aux actions possessoires. L'action pétitoire tend à faire juger que le demandeur a vraiment le droit de propriété (f); l'action possessoire tend seulement à faire reconnaître que le demandeur, en fait, exerce le droit de propriété (ce qu'on appelle posséder); l'action pétitoire fait juger le fond du droit, l'action possessoire n'en fait juger que la possession, l'exercice de fait.
Au surplus, il y a plusieurs actions possessoires: les deux principales sont l'action en complainte et l'action en i-éintég?-aiide: la première est donnée lorsque le demandeur possède encore la chose objet du procès, mais est inquiété, troublé et craint une dépossession prochaîne: elle tend à conserver la possession; la seconde, a lieu lorsque le demandeur ayant possédé pendant un temps quelconque, a été dépossédé depuis un temps assez court (moins d'un an): elle tend à lui faire recouvrer la possession perdue, sans soulever la question du fond du droit (voy. art. 214 à 216 bis).
L'action négatoire donnée au propriétaire pour contester les servitudes prétendues, pourrait être employée de même, soit ait pétitoire ou au fond, soit au possessoire, en soumettant seulement au juge les faits de possession du demandeur et de trouble ou d'usurpation du défendeur.
Toute action, étant un recours à l'autorité judiciaire, suppose une compétence déterminée et des formes précises de procédure: la loi renvoie, à cet égard, à la Loi organique des Cours et Tribunaux et au Code spécial de Procédure civile (2).
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(l) L'action négatoire n'était pns mentionnée dans l'ancien texte; c'était une omission qu'on a dû réparer: il ne fallait pas attendre l'article 288 pour savoir que si un propriétaire est troublé par l'exercice d'une servitude, ce n'est pas par l'action en revendication qu'il la contestera.
(f) Le mot pêtitoire, du latin petere, " demander " n'a pas, par lui-même, un sens assez déterminé; mais il est consacré, avec le sens donné ci-dessus, par toutes les législations qui se sont inspirées du droit romain.
Du reste, elle se donne pour faire juger l'existence, att fond, non seulement de la propriété, mais de la plupart des autres droits réels.
(2) La Loi organique des Cours et Tribunaux est du 10 février 1890, 23e année de Meiji. Le Code de Procédure civile vient d'être promulgué, en même temps que le Code Civil et le Code de Commerce (21 avril 1890).
Art. 38. — 68. Il n'est pas rare que plusieurs personnes se trouvent simultanément propriétaires d'une même chose.
Dans les pays où il n'y a pas de droit d'aînesse (et ce sont aujourd'hui les plus nombreux), il arrive souvent que plusieurs héritiers de même degré sont appelés ensemble à une succession.
Il peut arriver aussi que plusieurs personnes se réunissent pour acheter un bien, sans se mettre d'ailleurs en société proprement dite.
Enfin, quand une société se trouve dissoute, les droits de propriété qui appartenaient précédemment à la personne morale société, appartiennent désormais aux exassociés, individuellement.
Tels sont les principaux cas de copropriété (ff). Comme les copropriétaires ou communistes ont chacun un droit sur toute la chose et sur chaque partie de la chose, on dit qu'ils sont dans l'indivision, que leur droit est indivis.
Il ne faut pas confondre l'indivision avec l'indirisibilité, ni une chose indivise avec une chose indivisible. Une chose indivise n'est pas encore divisée, mais pourra l'être; une chose indivisible ne pourra jamais être divisée: sa nature, la convention ou la loi s'y opposent.
La loi règle ici la- manière dont les copropriétaires peuvent user de la chose, en jouir et l'administrer.
Dans l'article suivant elle en règlera la disposition.
Du moment que la chose n'est pas divisée, l'usage de chacun pourra porter sur la chose tout entière; mais, pour que l'usage de l'un ne mette pas obstacle à l'usage de l'autre, il faudra, le plus souvent, éviter l'usage simultané: par exemple, s'il s'agit d'un cheval, d'une voiture, chacun en usera à son tour.
Mais, s'il s'agit d'une maison, l'usage de chacun pourra être intégral, continu, et simultané avec celui des autres, s'ils consentent à habiter ensemble, comme par exemple, feront généralement les membres d'une même famille.
La jouissance d'un fonds de terre se résumant, ordinairement, dans une certaine quantité de fruits et produits périodiques, ces fruits se partageront probablement chaque année; car s'ils restaient indivis eux-mêmes comme le fonds, leur utilité ne se comprendrait pas.
Au lieu de partager les fruits chaque année, après une culture faite en commun, les copropriétaires peuvent aussi faire un partage de jouissance, dit "provisionnel ou provisoire; " pour cela, ils font des lots dont chacun jouit séparément, à sa convenance, ce qui évite des contestations sur le mode de culture ou d'administration.
Toute propriété mobilière ou immobilière est sujette à se dégrader, si elle n'est pas l'objet de soins. Chacun des copropriétaires, ayant intérêt à la conservation de la chose en bi n état, a aussi le droit de faire les actes d'administration nécessaires à ce résultat, et si ces actes occasionnent des dépenses, elles seront supportées à frais communs, comme les impôts ou autres charges.
Mais le pouvoir d'administrer qui, en d'autres circonstances, permet d'améliorer la chose, ne pourrait pas ici aller aussi loin: la conservation d'une chose est un fait précis et limité; son amélioration est indéfinie et, comme elle entraîne toujours des dépenses proportionnelles, il pourrait arriver que l'un des copropriétaires fît des améliorations téméraires et ruineuses. Ce que chacun pourrait faire, ce serait de continuer une exploitation commenc ée, de donner la chose à bail, de manière à en tirer un revenu raisonnable et surtout de continuer un bail antérieur et sur le point d'expirer (voy. l'art, suivant).
Cette situation née de la copropriété n'est évidemment pas favorable, elle peut créer des difficultés sans nombre; aussi arrivera-t-il, le plus souvent, que les copropriétaires règleront par des conventions particulières, l'usage, la jouissance et l'administration.
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(ff) Dans beaucoup de pays d'Europe il y a encore à citer la communauté entre époux; mais cette copropriété a des règles particulières, à cause des droits exceptionnels du mari.
Art. 39. — 69. Le principe qui domine le droit de disposer de chaque copropriétaire, c'est qu'il ne peut faire aucune disposition qui soit préjudiciable aux autres.
Or, toute entreprise qui changerait les conditions matérielles de la chose est interdite à chacun, s'il n'a le consentement des autres; lors même que ce changement n'affecterait qu'une portion très limitée de la chose, il atteindrait toujours le droit des autres, puisque, par l'effet de l'indivision, le droit de chacun porte sur toute la chose et sur toutes ses parties.
Mais chaque copropriétaire peut aliéner ou hypothéquer sa part indivise. L'aliénation changera immédiate- ment la personne du copropriétaire: l'acquéreur prendra la place du cédant dans l'indivision. Le créancier hypothécaire aura le droit de faire vendre la part indivise qui lui a été donnée en garantie et l'aliénation forcée ainsi obtenue aura les effets de l'aliénation volontaire.
Mais la validité de l'hypothèque et de l'aliénation reste soumise aux chances du partage qui aura lieu, un jour ou l'autre, entre les anciens copropriétaires.
Telle est, au moins, dans les pays où le partage est déclaratif de propriété, la conséquence généralement admise de ce principe et elle est déjà consacrée par l'article 15 du Projet.
A l'égard du droit résultant du bail, comme il a dans le Projet le caractère d'un droit réel (art. 2), il semblerait, par la généralité de la prohibition du présent article, qu'il ne peut être conféré par un seul des copropriétaires; mais on ne doit pas perdre de vue que le fait de donner à bail, dans certaines limites, est un acte d'administration plutôt que de disposition (voy. art. 126 à 132) et que chacun des copropriétaires peut être considéré comme mandataire des autres dans cette même mesure.
Art. 40. — 70. Les effets de l'indivision indiqués aux deux articles précédents ne sont pas sans de grands inconvénients: il peut se rencontrer souvent des occasions de conflit entre les copropriétaires; en outre, les biens indivis se trouvent longtemps retirés de la circulation, car les copropriétaires auront de la peine à se mettre d'accord pour les conditions d'une vente totale, et, si un ou plusieurs d'entre eux veulent vendre leur part indivise, ils trouveront peu de personnes disposées à accepter une situation précaire (g), aléatoire (h), subordonnée au résultat du partage.
Pour remédier à ces inconvénients, la loi française, suivie ici par le Projet japonais, permet à tout copropriétaire d'exiger le partage des biens indivis (voy. c. civ. fr., art. 815).
Une convention qui aurait pour but de soumettre les copropriétaires à l'indivision perpétuelle, ou pendant leur vie, ou même pendant plus de cinq ans, serait nulle, comme contraire à l'ordre public: toutefois, elle vaudrait pour cinq ans, parce que l'intention des parties peut recevoir valablement cet effet.
Le droit laissé aux copropriétaires de se soumettre à l'indivision pendant cinq ans est aisé à justifier. Il est souvent difficile de diviser les biens en nature: on est alors obligé de les vendre, pour en partager le prix; or, il pourrait être nuisible de vendre, dans certaines circonstances où les biens sont dépréciés; les parties feront donc sagement de s'interdire, respectivement, pendant cinq ans, ou moins, un partage qui pourrait nuire aux unes et aux autres; sauf à renouveler la convention.
En France, on discute sur le point de savoir si l'interdiction de partager pourrait être imposée pendant cinq ans par un testateur, dans le testament où il léguerait son bien à plusieurs personnes. Il ne faut pas hésiter à lui refuser ce droit et à n'admettre qu'une convention directe entre les intéressés: c'est le seul cas où l'on puisse espérer que l'intérêt des copropriétaires, mûrement considéré par eux-mêmes, leur fera apporter tous les ménagements possibles pour vivre, pendant cinq ans, sans contestations et sans procès.
Il faudra décider de même au Japon; aussi la loi ne parle-t-elle que de " convention; " en outre, la faculté de renouveler le délai, de cinq ans en cinq ans, prouve qu'il ne peut s'agir d'un testament, lequel ne peut se renouveler.
S'il s'agissait d'une donation faite à plusieurs personnes et soumise par le donateur à la condition que les copropriétaires resteront dans l'indivision pendant cinq ans, il n'y aurait pas la même diff culte: les donataires, ayant dû tous accepter la donation avec cette clause, sont considérés comme s'étant liés entre eux pour cinq ans, en conformité avec la volonté du donateur.
Dans tous les cas, si la condition avait été établie pour plus de cinq ans, on devrait la considérer comme réduite, de plein droit, à ce délai.
La loi excepte de la règle que " nul n'est tenu de rester dans l'indivision " les cas de mitoyenneté: il est clair que les biens mitoyens, servant à l'usage ou à la clôture de propriétés distinctes, ne pourraient être partagés sans pëÉdËe- tôüté leur utilité. Que seraient, par exemple, un mur ou un puits divisés en deux parties, et même une cour commune ? Chaque partie ne serait, le plus souvent, d'aucun service sans l'autre.
Il sera longuement parlé de la mitoyenneté au Chapitre des Servitudes (art. 270 et suiv.).
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(g) Précaire, du latin prex, " prière;" parce que le droit dépend des autres.
(h) Aléatoire, du latin: alea, " dé à jouer, hasard;" le droit dépend des hasards du partage.
Art. 41. — 71. La copropriété ne suppose pas toujours un héritage recueilli en commun, ou un mariage, ou une société: on a déjà cité le cas d'une acquisition faite en commun sans société.
Les règles qui précèdent s'appliquent d'ailleurs aux trois situations que vise le présent article; mais chacune aussi aura ses règles particulières.
C'est dans les trois Chapitres cités au texte qu'on trouvera ces particularités.
Art. 42. — 72., Cette situation, de plusieurs personnes ayant des portions distinctes, divises, d'une maison, existe quelquefois en France: notamment, dans le Dauphiné et le Midi; elle est réglée par l'article 664 du Code français (hh).
Au Japon, elle sera, sans doute, beaucoup plus rare. Cependant, il n'est pas improbable qu'elle puisse se présenter, lorsque le mode des constructions en pierre se répandra (i).
Dans tous les cas, la loi fait sagement de régler à l'avance une situation exceptionnelle qui n'est ni la copropriété, ni la propriété entièrement divise.
Il n'y a pas besoin, d'ailleurs, de dévelcpper les divers alinéas de cet article: ils se justifient à la simple lecture(3).
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(3) On a supprimé dans le dernier alinéa une disposition relative aux escaliers empruntée au Code français (art. 664): elle n'était pas d'accord avec la disposition du 3e alinéa.
(hh) C'est par inadvertance, sans doute, que le Code français a traité de cette copropriété divise à la suite de la mitoyenneté. Le Code italien a eu toru de l'imiter en cela (art. 562 à 564).
(i) Il y en a même déjà des exemples, à Tokio, dans le nouveau quartier de Ginza.
Art. 43. — 73. Les divers Chapitres consacrés plus loin aux droits réels secondaires ne se borneront pas à indiquer leur nature, leurs effets et leur extinction: ils indiqueront aussi les causes qui leur donnent naissance, au moins celles qui sont propres à chacun d'eux; au contraire, dans le présent Chapitre de la Propriété, la loi n'indique pas ses causes, c'est-à-dire les manières de l'acquérir et les moyens de publicité qui permettent aux ayant-droit de s'en prévaloir vis-à-vis des tiers. La matière est assez étendue pour être l'objet d'une partie du Livre ne et d'une partie du Livre IIIe. On peut déjà voir, à cet égard, au Livre IIe, ue partie, la convention considérée comme moyen direct d'acquérir la propriété d'un corps certain (art. 351 et suiv.) et la théorie importante et difficile de la transcription, à l'égard des, aliénations d'immeubles (art. 368 à 375).
Le Code français a été peu méthodique, on l'a déjà remarqué, lorsqu'il a traité, sous le titre de la Propriété, d'un seul des moyens de l'acquérir, de l'accession, alors qu'il annonce le Livre IIIe comme consacré aux "moyens d'acquérir la propriété," ce qui n'est pas exact non plus, car il y est question aussi de beaucoup d'autres sujets.
73 bis. Le 2e alinéa fait ici l'application du principe général de droit et de raison que " l'accessoire suit le principal" (occessorium sequitu1" principale): la seule difficulté qu'auront à résoudre les tribunaux sera de savoir qu'elles choses sont les accessoires d'une autre. Mais, dans beaucoup de cas, la loi s'en explique: par exemple, les immeubles par destination sont les accessoires du fonds sur lequel ils sont placés (art. 9 et 10), les servitudes actives sont les accessoires du fonds dominant (art. 287), les sûretés ou garanties sont les accessoires des créances (art. 16); dans les autres cas, le caractère accessoire d'une chose par rapport à une autre se décidera d'après les circonstances du fait, d'après l'usage local et surtout d'après l'intention probable des parties (4).
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(4) Ce 2e alinéa, autrefois le 3e de l'article 16, a été transporté ici, sur la demande de la Commission, comme y étant mieux à sa place.
Art. 44. — 74. La loi énumère ici les causes qui mettent fin à la propriété, quoiqu'elle n'ait pas encore énuméré les causes qui la créent. Le motif en est que les causes d'extinction de la propriété ne pourraient former ailleurs une division assez importante. Du reste, le plus grand nombre de ces causes d'extinction sont en même temps des causes d'acquisition et, à ce titre, elles se retrouveront dans la suite; car, sauf le cas de perte totale de la chose et celui d'un objet mobilier abandonné, lorsque la propriété sort d'un patrimoine, elle entre dans un autre.
Cela est évident pour les cinq premiers cas:
1° Au cas d'aliénation; car l'aliénation n'est autre chose qu'un acte qui fait qu'une chose qui était nôtre devient chose d'autrui (j), Il n'y a pas à distinguer si l'aliénation est volontaire, comme la vente et la donation, ou forcée, comme l'expropriation sur saisie ou pour cause d'utilité publique.
2° Au cas d'accession ou incorporation, la chose change de maître, sans la volonté de son ancien propriétaire et quelquefois même sans la volonté du nouveau (v. art. 608 et s.).
3° Au cas de confiscation, la chose passe dans le domaine de l'Etat, quand elle n'est pas détruite comme dangereuse pour l'ordre public.
4° La résolution, la rescision et la révocation d'une acquisition ont des applications très variées dans le présent Code et on les retrouvera dans les matières où elles s'exercent par voie d'actions en justice portant les mêmes noms (k). Ce n'est pas ici le lieu de s'arrêter longuement à ces actions: on indiquera seulement, avec quelques exemples, l'application de chacune d'elles.
La résolution suppose l'accomplissement d'une condition, d'un événement auquel les parties ou la loi avaient attaché, éventuellement et par prévision, la destruction d'un acte translatif de propriété, comme le défaut d'exécution par l'une des parties dans un contrat synallagmatique ou bilatéral (voy. art. 429, 441, 442, 582). La rescision suppose une aliénation entachée d'un vice de consentement ou d'une incapacité (voy. ait. 566 et suiv.). Enfin, la révocation est comme la peine civile des acquéreurs coupables de certaines fautes prévues par la loi, comme les donataires ingrats ou ceux qui ont participé à des aliénations faites par le débiteur en fraude de ses créanciers (voy. art. 361 à 364 et 584).
Dans les trois cas de résolution, de rescision et de révocation, l'acquisition est détruite rétroactivement et la chose retourne à l'ancien propriétaire, ce qui permettrait, à la rigueur, de dire qu'ici le droit de propriété ne se perd pas, n'ayant jamais existé pour le prétendu acquéreur; mais, il y a là une subtilité de doctrine que la loi peut et même doit négliger, quand elle ne s'occupe que de la nomenclature et de la méthode. Il est donc permis de dire que la propriété, dans les trois cas qui nous occupent, n'est pas détruite, qu'elle est seulement déplacée, qu'elle change de mains ou de patrimoine.
5° Au cas d'abandon volontaire de la chose par le propriétaire, il y aura encore, le plus souvent, changement de patrimoine: s'il s'agit d'un meuble, il sera bien rare qu'il reste sans maître et ne rencontre pas presque aussitôt un acquéreur par occupation; cependant, il y a bien un moment pendant lequel la chose est sans maître; s'il s'agit d'un immeuble, lequel sera d'ailleurs bien rarement abandonné, la propriété en est immédiatement acquise de droit à l'Etat (art. 637 bù); dans les deux cas, s'il s'agissait d'une chose qui appartînt en propriété à plusieurs, il faudrait décider qu'il n'y aurait lieu ni à l'occupation d'un tiers, pour un meuble, ni à l'acquisition de l'Etat pour un immeuble: le droit du propriétaire renonçant accroîtrait à la part des autres.
Il ne reste donc qu'un cas, le 6e, où l'on puisse dire que la propriété cesse pour le propriétaire sans être acquise à un autre, c'est celui où la chose est entièrement détruite, sans qu'il en reste quelque résidu utile: le droit cesse alors d'une façon absolue (5).
On verra, au sujet de l'usufruit (art. 110, 114 et 115) que ce droit s'éteint par une perte moins complète que celle qui fait perdre la propriété.
On retrouvera encore la perte de la chose, au sujet de l'extinction de l'obligation de donner (art. 561 et s.).
Dans tous les cas, la perte de la chose peut donner lieu à une question de responsabilité et de dommagesintérêts de la part de celui à la faute duquel la perte serait imputable: on y reviendra en plusieurs occasions, notamment, aux articles 3PO et suivants; car cette faute devient elle-même la cause, la source d'une obligation d'autrui et, par contre, d'un droit personnel pour l'ancien propriétaire.
Les remarques qui précèdent confirment ce qui a été dit en commençant (n° 7), à savoir que l'extinction des droits réels diffère notablement de celle des droits personnels, autant que diffèrent les causes et les effets des uns et des autres: il est rare, en effet, que la propriété s'éteigne absolument, elle change plutôt de titulaire; au contraire, le droit personnel, bien que susceptible d'être transféré, l'est rarement, et, quand il s'éteint pour le créancier, il s'éteint, en général, d'une façon absolue et le débiteur demeure libéré.
Cette différence, qui paraît moins frappante pour l'usufruit et les autres droits réels secondaires, ne l'est guère moins, au fond: comme ces droits sont détachés de la pleine propriété et en sont comme des "démembrements," il en résulte que, lorsqu'ils s'éteignent pour le titulaire, ils retournent à la propriété, ils s'y absorbent de nouveau et perdent leur caractère propre; mais, en réalité, ils sont plutôt retravtfêrês qu'ils ne sont éteints.
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(j)Aliénation: mot à mot, d'après l'étymologie latine, res nostra fit aliéna: "la chose qui était nôtre devient chose d'un autre."
(k) Les noms de résolution et de rescision, toujours d'origine latine, appartiennent au langage figuré de la matière des Obligations: dans le premier, le lien est dénoué, dans le second, il est tranché. Le nom de révocation a nn autre sens: la promesse faite est retirée, la parole donnée est reprise, rappelée. Si le sens et l'application de ces différents noms n'étaient consacrés par l'usage et par la loi, ils donneraient lieu à des confusions (v. T. II, n° 704, note a).
(5) L'ancien texte portait encore comme cas d'extinction de la propriété celui où la chose est retirée du commerce. Nous le supprimons ici, parce que si la chose n'est pas confisquée ou détruite comme dangereuse, ce qui rentre dans l'un de deux cas déjà prévus, elle reste dans le patrimoine du propriétaire, mais sans pouvoir être valablement aliénée.
Art. 45. — 75. L'influence du temps sur les droits, sous le nom de " prescription," est considérable. On a quelquefois discuté sa légitimité, jamais son utilité, on pourrait dire sa nécessité. Mais elle n'est pas moins juste que nécessaire, et ce n'est pas sans raison que les anciens jurisconsultes l'appelaient " la patronne du genre humain" (v. T. V, n° 252).
Elle a deux applications distinctes, avec deux noms consacrés qui en exagèrent les différences, tandis qu'il vaudrait mieux en faire ressortir les ressemblances: on dit que la prescription "fait acquérir les droits réels," d'où le nom de prescription acqvii-itice ou usucapion (l), et qu'elle " fait perdre les droits personnels," d'où le nom de prescription libératoire.
Il ne faudrait pas, cependant, pour chercher l'unité dans les deux prescriptions, dire que toutes deux détruisent les droits, que la prescription détruit le droit de propriété, comme elle détruit le droit de créance. Le temps seul ne détruit pas le droit du propriétaire, fût-il le plus négligent: lorsqu'un propriétaire a perdu son droit par la prescription, c'est qu'une autre personne a possédé, a exercé, plus ou moins longtemps, le droit négligé par le titulaire; ici, ce n'est pas, comme dans les cas du précédent article, parce que. la propriété a quitté le titulaire qu'elle est allée se fixer sur un autre; c'est, au contraire, parce qu'elle s'est fixée sur un nouveau titulaire qu'elle a quitté l'ancien: s'il n'y avait pas eu " longue possession " de l'un, il n'y aurait pas déchéance de l'autre.
Ce n'est donc pas parce que le temps nous apparaît comme un principe destructeur dans les choses matérielles que nous devons lui trouver le même caractère dans les choses de l'ordre moral ou de l'ordre juridique: ici, il est, au contraire, un principe réparateur et fortifiant; si le temps détruit encore quelque chose ici, ce sont les vices des actes: il efface leurs imperfections. par conséquent, il consacre les situations acquises; celui qui a reçu la possession d'une chose par suite d'un achat ou d'une donation, en contractant avec un autre que le propriétaire, finira par être traité par la loi aussi favorablement que s'il avait contracté avec le vrai propriétaire; celui même qui a pris possession de la chose d'autrui, sans titre et, par conséquent, sans bonne foi, arrivera, par le temps, n ne plus pouvoir être recherché pour son usurpation (6).
La prescription dite " acquisitive," l'usucapion, ne peut donc pas être considérée comme destructive du droit de propriété.
Si l'on tient absolument à trouver l'unité dans les deux prescriptions, on la trouvera plutôt dans cette idée que celle dite " libératoire " détruit moins le droit du créancier qu'elle ne fortifie, qu'elle ne consolide la situation d'un débiteur qui n'a pas été sollicité, inquiété, pour le payement, pendant un temps plus ou moins considérable.
75 bis. Mais ce n'est ni dans la première idée, ni dans la seconde, que nous chercherons et trouverons cette unité des deux prescriptions. Quelque effort qu'on fasse pour établir que le temps légitime la longue possession du détenteur d'une chose et la longue tranquillité d'un débiteur, qu'il transforme l'une en droit de propriété et l'autre en véritable libération, il restera toujours des doutes et des scrupules au plus grand nombre.
L'unité nous semble être ailleurs: le temps ne produit ni droit réel, ni libération de droit personnel: il crée seulement une très forte probabilité, une présomption, c'est-à-dire une 'preuve, d'acquisition ou de libération, et la loi peut très bien, d'accord avec la raison, la justice et l'utilité, rendre cette présomption invincible, absolue.
C'est à cause de ce caractère de présomption invincible. au moins en général, que dans le langage habituel des jurisconsultes et même de la plupart des lois européennes, la prescription est rangée au nombre des " moyens d'acquérir et de se libérer," et cependant aucune législation, à notre connaissance ne l'a traitée divi- sément, partie au cours des moyens d'acquérir, partie au cours des modes d'extinction des obligations.
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(l) Usucapion, du latin usu capere: "prendre, acquérir par l'usage." Cette expression est un peu trop négligée aujourd'hui en Europe; elle est pourtant bien plus claire en elle-même que celle de Prescription qui ne se comprend que par un souvenir de la procédure très compliquée des Romains.
On trouve, du reste, l'expression d'usucapion dans plusieurs législations civiles étrangères: notamment, dans le droit commun allemand.
Si le Projet, qui l'avait employée d'abord, ne l'a pas conservée, c'est parce qu'elle n'était pas en accord avec le caractère de présomption qu'on a définitivement reconnu à la prescription.
(6) La nature et les limites de ce travail ne nous permettent pas de citer les auteurs contemporains; nous ne pouvons cependant résister à la tentation de citer ici un philosophe illustre dont aucun légiste ne contestera l'autorité.
Parlant de la tradition historique, il dit, incidemment: "elle est ce que, dans la langue du droit, on appelle la "'p1'escription, c'est-à-dire le fait usurpant, par la durée, les "apparences et les caractères du droit; il est sage d'ad- " mettre la prescription, parce qu'il faut que la société "s'établisse et se repose (JULES SI.MON, La Liberté, " Introd., Chap. II, 1, 1°),
SOMMAIRE.
Art. 46. — N° 76. Nature et objet du droit d'usufruit.
COMMENTAIRE.
Art. 46. — 76. En français, le mot composé "usufruit " (du latin usus-frucius) indique qu'il s'agit d'un droit complexe, réunissant l'usage et les fruits, les services et la jouissance d'une chose.
Lorsqu'on a détaché de la propriété les droits d'usage et de jouissance, ce qui reste s'appelle encore " la propriété; " on l'appelle seulement " nue propriété," pour indiquer qu'elle est dépouillée de son principal attribut, la jouissance; s'il ne manquait que l'usage, on dirait que la propriété est " démembrée s'il y avait un droit de louage ou d'hypothèque, on dirait qu'elle en est " grevée, chargée." De ces expressions celles de " pleine propriété " et de " nue-propriété " sont les plus usitées.
L'usufruit ne paraît pas avoir été reconnu jusqu'ici, au. Japon, comme démembrement de la propriété. Le Projet l'admet, parce qu'il permettra de donner satisfaction à des besoins et à des intérêts légitimes, comme on le fera remarquer plus loin (n° 77) (1).
Le Projet innove, en introduisant dans la définition du droit d'usufruit un de ses caractères essentiels qu'on a tort de renvoyer à ses causes d'extinction: c'est son caractère temporaire; la loi, d'ailleurs, ne dit pas qu'il est viager, parce que lu vie de l'usufruitier n'est qu'un délai maximum (art. 49); mais elle indique, au moins, que le droit ne peut être perpétuel comme est la propriété.
Le présent article nous dit que.celui qui a l'usufruit doit jouir "en bon administrateur;" ces expressions remplacent celles du Code français "en bon père de famille," empruntées elles-mêmes au droit romain; le sens est le même': l'usufruitier ne doit pas foi-cei-, exagérer les produits de la chose, parce qu'il en compromettrait l'avenir ou la durée. Il ne suffirait même pas qu'il apportât à la chose les mêmes soins qu'à celles dont il a la pleine propriété: il pourrait être négligent ou téméraire pour ses propres affaires, cela ne l'excuserait p_.s de l'être pour la chose d autrui dont il a l'usufruit.
Enfin, la loi, défend à l'usufruitier de changer la destination de la chose et d'en altérer la nature ou la substance. A la rigueur, ces prohibitions résulteraient des limites naturelles de son droit, surtout les deux dernières; mais toutes les:législations européennes les ont empruntées au droit romain: elles font partie de la définition consacrée (a).
L'Usage et l'Habitation se trouvent quelquefois séparés de l'usufruit; ils ont d'ailleurs avec l'usufruit un grand nombre de points communs, aussi les qua- lifie-t on souvent "d'usufruit restreint; " la loi nous dit ici qu'elle se bornera à. indiquer leurs particularités: ce sera l'objet d'un Appendice à la fin du présent Chapitre.
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(1) L'admission de J'usufruit dans le Projet fi _cl'hbord rencontré une certaine opposition dans la Commission, mais elle a été finalement adoptée.
(a) Jus utendi fruendi, salva rerum substanfia.
SOMMAIRE.
Art. 47. — N° 77. Deux causes de l'usufruit: la loi, la volonté de l'homme; renvoi à diverses parties de ce Code. -77 bis. Application de la prescription à l'usufruit.
48. -78. Des choses sujettes à usufruit.
49. -70. Diverses modalités de l'usufruit.
50. -80, Qui peut être appelé à l'usufruit; cns de plusieurs titulaires, soit simultanés soit successifs.
COMMENTAIRE.
Art. 47. — 77. La loi ne se borne pas à permettre aux particuliers de constituer l'usufruit quand ils y verront avantage, elle donne quelquefois elle-même ce droit, là où un droit de propriété eût été excessif: par exemple, à certains parents, en matière de successions, ou aux père et mère sur les biens de leurs enfants, pendant la minorité de ceux-ci.
La constitution de l'usufruit par convention répondra aussi à un besoin de ceux qui, n'ayant pas une fortune suffisante pour vivre avec leurs revenus, aliéneront leurs capitaux contre un usufruit qui pourra être d'autant plus considérable qu'ils seront plus avancés en âge; car l'usufruit est, de sa nature, un droit viager, ainsi qu'on l'a dit déjà et comme on le reverra souvent dans la suite.
Les moyens de constituer l'usufruit par la volonté de l'homme étant les mêmes que ceux par lesquels le droit de propriété lui-même se transmet, il n'y a pas à s'y arrêter ici: ce sont les conventions et les dispositions testamentaires qu'on trouvera développées au Livre IIIe, ire Partie. On doit seulement remarquer que le droit d'usufruit qui peut s'acquérir par succession légitime ou testamentaire ne peut se transmettre par les mêmes voies, du chef de l'usufruitier: toujours, parce que le droit est viager et s'éteint avec le titulaire.
Un moyen particulier de constituer l'usufruit qui ne s'applique pas au droit de propriété, c'est la rétention dans une aliénation gratuite ou onéreuse, de la propriété; l'ancien plein propriétaire n'est plus désormais qu'usufruitier. Ce cas particulier de constitution d'usufruit a un intérêt pour le cautionnement à fournir par l'usufruitier, au moins au cas d'usufruit retenu dans une donation (v. art. 86, 28 al.).
Le présent article n'indique, par forme de renvoi, que deux cas d'usufruit légal: ce sont les seuls admis par le Code français (art. 38:3 à 387 et 754) et il n'est pas vraisemblable que le Projet japonais en admette d'autres que celui des père et mère et de certains parents appelés à un usufruit héréditaire, de préférence à un droit de propriété.
Quant à l'usufruit qui pourra appartenir au mari soit, sur les biens communs, soit sur les biens propres de sa femme, il ne faudra pas le considérer comme un usufruit légal: il aura toujours sa base dans le contrat de mariage, lors même qu'il n'aurait pas besoin d'être stipulé expressément; ce era donc un usufruit conventionnel; aussi, pourra-il être exclu ou modifié par les parties; mais cela n'empêchera pas qu'il soit soumis à quelques règles particulières: notamment, il sera défendu au mari de le céder, ou de l'hypothéquer pour ses dettes particulières (voy. art. 71).
77 bis. La prescription n'est pas annoncée comme moyen d'acquérir l'usufruit, parce que, d'après les observations faites sous l'article 45, elle est plutôt une présomption légale et absolue d'acquisition par un des modes ordinaires (1). Cependant, la prescription reçoit son application en matière d'usufruit. Un exemple le fera comprendre.
Quelqu'un a acheté un droit d'usufruit d'une personne qu'il croyait propriétaire et qui ne l'était pas: l'acheteur a possédé l'usufruit, c'est-à-dire, l'a exercé sans trouble et pendant le temps fixé pour la prescription: le droit d'usufruit lui reste désormais acquis jusqu'à sa mort. On peut dire que l'usufruit est présumé constitué par la volonté de l'homme (a).
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(1) L'ancien texte l'énonçait après la volonté de l'homme, parce qu'à ce moment on n'était pas sûr de voir adopter cette théorie de la présomption.
(a) Les Romains eux-mêmes disaient que Il celui qui laisse un tiers acquérir son bien par usucapion semble aliéner" (alienare videtur qui patitur usucapiQnem).
Art. 48. — 78. Bien que la loi s'attache à indiquer la variété des biens sur lesquels peut porter l'usufruit, elle ne prétend pas dire que les effets en seront toujours les mêmes; au contraire, ils varieront assez notablement avec la nature des objets sur lesquels portera le droit, ainsi qu'on le verra aux deux Sections suivantes.
Le présent article s'applique, d'ailleurs, aussi bien à l'usufruit établi par la loi qu'à celui établi par la volonté de l'homme.
Quant à l'usufruit prévu par le 3e alinéa, ce n'est pas seulement sur la succession d'un défunt qu'il peut porter, mais encore sur l'ensemble des biens ou patrimoine d'une personne vivante; par exemple, l'usufruit des père et mère sur les biens de leur enfant mineur porte sur tout son patrimoine, sauf quelques biens formellement exceptés (voy. c. civ. fr., art. 387).
Art. 49. — 79. Il s'agit ici de la durée de l'usufruit et des circonstances qui peuvent la modifier: le terme et la condition.
La loi prend soin d'indiquer ces deux modalités dont le droit d'usufruit est susceptible, parce qu'elles ne se rencontrent pas toutes deux à l'égard de la propriété, laquelle peut bien être soumise à une condition, mais non à un terme, ainsi qu'on,l'a expliqué sous l'article 31.
Le terme, en effet, est incompatible avec la faculté de disposer qui est la partie essentielle du droit de propriété; or, c'est précisémont la faculté de disposer qui manque à l'usufruitier: le terme est donc compatible avec son droit; bien plus, il en est inséparable; c'est tantôt un terme fixe, comme un nombre déterminé d'années, tantôt un terme incertain, comme la mort du titulaire: sans un terme mis à l'usufruit, la propriété, privée éternellement de la jouissance, deviendrait inutile; elle n'aurait même aucune valeur vénale, car le droit de disposer ne trouverait pas à s'exercer.
Quant à la condition, soit suspensive, soit résolutoire, apposée à un usufruit, elle aurait le même effet rétroactif qu'en matière de propriété. Cependant, elle n'entraînerait pas nécessairement une restitution de tous les fruits perçus ou de leur valeur: le plus souvent, par interprétation de l'intention probable des parties, les fruits perçus resteraient acquis à celui qui y avait le „ droit actuel: au cas de donation, il serait trop dur de les faire restituer par le donataire de l'usufruit, ou par le donateur du fonds qui se serait réservé l'usufruit; au cas de vente, ils seraient considérés comme compensés avec les intérêts du prix touché par le vendeur de l'usufruit ou gardé par l'acheteur, lorsque le vendeur du fonds se serait réservé l'usufruit.
L'effet rétroactif de la condition s'appliquerait seulement aux hypothèques ou aux baux consentis par celui qui n'avait qu'un usufruit suspendu par une condition ou sujet à une condition résolutoire, et encore devrait- on, dans les deux cas., maintenir les baux de courte durée ayant le caractère d'actes d'administration (voy. art. 126 t 131).
Le 3e alinéa nous dit que le terme assigné à l'usufruit n'empêche pas l'extinction du droit par Ta mort de l'usufruitier; il ne peut donc que l'avancer, sans la retarder (v. art. 102, 1° et 2°).
Art. 50. — 80. La loi laisse ici une certaine latitude aux conventions particulières; mais elle ne permet pas que l'usufruit se transmette, à la mort d'un usufruitier, à une personne qui n'est née ou n'a été conçue que depuis la constitution du droit: autrement, l'usufruit serait trop longtemps séparé de la propriété; mais, on pourrait donner ou léguer l'usufruit, soit à deux époux, soit à deux ou plusieurs frères, à deux ou plusieurs amis, tous actuellement vivantou même à un père et à ses enfants déjà nés. On pourrait, dans ces cas, les appeler à l'usufruit simultanément et indivisément (par indivis) ou successivement, en réglant l'ordre dans lequel ils arriveront à l'usufruit; par exemple: le mari d'abord, la femme ensuite; le père, puis les enfants; le frère aîné, puis les cadets, etc. De toute façon, la propriété ne sera jamais grevée d'usufruit au-delà d'une existence d'homme, si longue qu'elle soit (v. art. 103).
La loi considère ici l'enfant simplement conçu comme déjà né, c'est un principe généralement admis dans les - lois civiles et que l'on rencontrera dans d'autres parties du droit: notamment, en matière de successions (b), Il ne faut pas s'arrêter à l'objection que la conception est un fait mystérieux, dont l'époque est difficile à déterminer: la loi arrive, par voie de présomption, à fixer l'époque à laquelle un enfant a été conçu, en remontant d'un certain nombre de jours au-delà de sa naissance. En France, la conception est présumée avoir eu lieu entre le 300e et le 180e jour avant la naissance (c. civ. fr. art. 312 à 314).
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(b) Infans conceptus pro nato habetur: "l'enfant conçu est con- sidéré comme déjà né."
SOMMAIRE.
Art. 51. — N° 81. Entrée en jouissance; cas d'usufruit par et simple, à terme ou conditionnel.
52. -82. Point de départ du droit aux fruits; des fruits attachés au sol, au moment de l'entrée en jouissance. 53. -83. Assimilation de l'usufruitier au propriétaire, quant à l'étendue de son droit aux fruits.
54. -84. Moment auquel l'usufruitier acquiert les fruits naturels et industriels; séparation des fruits par vol ou par accident; perception anticipée.
55. —85. Croît et produits des animaux.
56. —80. Acquisition des fruits ci vils, jour par jour: motif. 57. —87. Usufruit des choses qui se consomment par le premier usage: influence de l'estimation; usufruit d'un fonds de commerce.
58. —88. Usufruit du mobilier des habitations; en quoi il diffère d'un simple usage.
59. -89. Usufruit d'une rente viagère et d'un usufruit déjà constitué: difficulté au sujet de la nature de la rente viagère.
60. -90. Usufruit d'un troupeau, d'une magnanerie, &c. 61. -91. Usufruit des bois taillis et autres mis en coupe réglée; des cas où il n'y a pas encore aménagement.
62. -92. Usufruit des baliveaux et futaies.
63. —93. Prise de pieux et supports pour les autres arbres. 64. -94. Usufruit des pépinières,
65. -95. Usufruit des carrières, tourbières, marnières: distinction.
66. -96. Usufruit des mines et minières déjà concédées; distinction entre le sol et la mine.
67. —97. Alluvions, îles et autres accroissements de la chose usufructuaire; trésor.
68. -98. Droit de pêche et de chasse.
69. -99. Jouissance des servitudes foncières.
70. -100. Actions réelles, possessoires et pétitoires, relatives à l'usufruit. -101. Actions confessoire et néga- toire de l'usufruitier relatives aux servitudes. -102. Tableau résumé de ces diverses actions.
71. -103. Cession, bail, hypothèque de l'usufruit: leur durée; exception pour l'usufruit paternel; renvoi pour l'usufruit du mari.
72 -104. Fruits non perçus à la fin de l'usufruit; améliorations incorporées à la chose; améliorations susceptibles d'être séparées, constructions, plantations. -105. Difficulté, en France, au sujet des constructions et plantations faites par l'usufruitier; digression au sujet des ouvrages faits par le possesseur de bonne foi ou de mauvaise foi; systèmes soutenus pour le cas d'usufruit. -106. Disposition du Projet.
73. -107. Droit de préemption stipulé; conditions de son exercice. -108. Il peut y avoir droit et obligation réciproques. -109. Fixation du prix. -110. Garantie de l'usufruitier: droit de rétention. -110 his. Délai; déchéance; double droit de l'usufruitier.
COMMENTAIRE.
Art. 51. — 81. Cet article fixe le moment auquel l'usufruitier peut " entrer en possession;" mais il se ' borne à faire une simple allusion à " l'ouverture du droit;" il s'y réfère, sans la déterminer; les principes y suffisent: si le droit n'est affecté d'aucune condition, le droit est ouvert, dans le cas de convention, dès qu'elle est formée par l'échange des consentements, et, dans le cas de testament, par le décès du testateur; s'il y a une condition, le droit n'est ouvert que par l'arrivée de la condition.
Le terme diffère de la condition en ce sens qu'il ne suspend pas la naissance du droit, mais seulement son exercice, tandis que la condition en suspend même la naissance; l'usufruit à terme est donc ouvert avant fl'échéance du terme; mais comme le but du terme es justement de retarder l'entrée en jouissance de l'usu- ruitier, la loi ajoute " que le terme doit être échu."
Il ne suffit pas, pour que l'usufruitier puisse entrer en possession des choses usufructuaires, que son droit soit ouvert et le terme échu, il faut encore qu'il ait satisfait à la triple obligation que lui impose la loi pour la sauvegarde des intérêts du nu-propriétaire, à savoir: faire un inventaire des meubles, un état des immeubles et donner caution.
On développera ces trois points sous les articles 74 et suivants.
La loi prend soin de déclarer que l'usufruitier n'a droit à aucune réparation ni mis3 en bon état des choses, pour accentuer davantage une différence notable, qu'on trouvera en son lieu, entre le droit de l'usufruitier et le droit du preneur à bail (voy. art. 135).
Bien entendu, si les parties avaient fait une convention différente, elle serait respectée: c'est un principe général de droit, qui sera souvent appliqué, que " les conventions font loi entre les parties" (art, 348).
Mais, il est juste que le nu-propriétaire cesse d'être dispensé des réparations, lorsqu'elles sont devenues nécessaires par sa faute.
A ce sujet, la loi fait une distinction qu'il faut justifier.
Si les détériorations ont eu lieu depuis que le droit est ouvert, même avant l'échéance du terme, il suffit que le nu-propriétaire ait manqué de soins dans la garde de la chose pour que sa responsabilité soit engagée; si, au contraire, la chose a été détériorée avant l'ouverture du droit, le nu-propriétaire n'est responsable que si les actes nuisibles ont été accomplis volontairement et dans le dessein de nuire à l'usufruitier, en prévision de son droit futur.
Art. 52. — 82. Le droit aux fruits est pour l'usufruitier la conséquence la plus importante de l'ouverture de son droit, lorsque d'ailleurs le terme est échu; et ce n'est pas parce qu'il aurait négligé d'exercer son droit que le nu-propriétaire en devrait profiter.
Bien que l'usufruitier n'ait pas perçu lui-même les fruits et produits, il n'en a pas moins la propriété dès qu'ils sont séparés du sol (voy. art 54), et c'est au moyen de l'action en revendication qu'il se les ferait rendre par le nu-propriétaire, s'ils se retrouvaient encore en nature dans la possession de celui ci.
Le droit ne serait plus qu'un droit de créance ou droit personnel, si les fruits avaient été consommés ou vendus et livrés à un acheteur de bonne foi.
Du reste, si le nu-propriétaire avait perçu les fruits, de bonne foi, dans l'ignorance du droit de l'usufruitier, il ne serait tenu de les restituer en nature ou en valeur que dans la mesure du profit qui lui en resterait; tel serait le cas de l'héritier qui aurait ignoré le testament de son auteur contenant un legs d'usufruit.
On retrouvera ces conséquences de la bonne foi, sans juste titre, chez le possesseur au Chapitre de la Possession (art. 206, 3e al.).
Naturellement, soit que l'usufruitier agisse par action réelle ou par action personnelle, il doit tenir compte au nu-propriétaire des dépenses utiles que celui-ci a faites pour la récolte et la conservation des fruits: autrement, l'usufruitier, à son tour, s'enrichirait au détriment du nu-propriétaire.
Une fois l'usufruitier entré en possession du fonds, il a droit de faire lui-même la récolte et la perception des produits, aussi bien de ceux qui ont été ensemencés et cultivés par le nu-propriétaire que de ceux qui sont le résultat de ses propres travaux.
La loi le dispense même, dans ce cas, d'indemniser le nu-propriétaire de ses frais de culture, pour éviter des calculs souvent difficiles et qui seraient une source de contestations; mais, par compensation, elle laissera ail nu-propriétaire, sans charges, les fruits pendants par branches et racines au moment où l'usufruit prendra fin (voy. art. 72 et 109).
Art. 53. — 83. Cet article correspond à l'article 578 du Code français qui fait entrer dans la définition même du droit d'usufruit cette assimilation de l'usufruitier au propriétaire, quant à l'acquisition des fruits.
On indique ici deux sortes de fruits ou produits: les uns naturels, les autres civils. Les deux articles suivants reprennent et développent cette division des fruits.
Art. 54. — 84. Certaines législations, notamment la législation romaine et la législation française, ont fait une division tri part ite des fruits: elles ont fait une catégorie à part, sous le nom de fruits industriels, des fruits obtenus par la culture ou autre travail de l'homme; mais, quand il a fallu en tirer les conséquences, elles ont négligé de le faire, comme le Code français qui les traite de même que les fruits naturels, ou bien elles sont restées confuses, à cet égard, comme le droit romain.
Le Projet assimile nettement ici les fruits purement naturels et les fruits industriels: tous s'acquièrent au moment où ils sont détachés du sol, où ils deviennent meubles. Il fallait choisir un moment précis pour le changement de maître de ces fruits, en vue du cas où l'usufruit viendrait à cesser. Il était impossible de s'attacher à l'époque seule de la maturité, parce que, variant avec le temps, les lieux et les climats, elle n'a pas assez de fixité et de précision, et aussi parce que non seulement les diverses espèces de fruits, mais encore les fruits de même espèce, ne mûrissent pas tous simultanément.
Le Projet tranche ici une question qui aurait pu faire doute, au sujet du vol des fruits ou de leur séparation par accident. Chez les Romains, les fruits n'étaient acquis à l'usufruitier que par une perception volontaire et personnelle: les fruits arrachés par le vent ne lui appartenaient que s'il les avait fait recueillir, et ceux enlevés par un voleur ne pouvaient être revendiqués que par le nu-propriétaire, sauf, à celui-ci, à les restituer ensuite à l'usufruitier. C'était une complication assez inutile.
Dans le Cude français, le principe est plus simple: c'est la séparation du sol qui change la propriété des fruits; mais la loi n'en a pas formellement déduit les conséquences.
Dans le Projet japonais on n'a pas voulu laisser d'incertitude à cet égard
Le 2e alinéa a prévu le cas où la séparation des fruits a eu lieu avant leur maturité, par quelque cause que ce soit. Si l'usufruit durait au-delà de la maturité, il n'y aurait pas à s'occuper de cette circonstance; mais si l'usufruit vient à cesser avant l'époque de la maturité, l'usufruitier se trouve avoir fait un gain illégitime et il doit le restituer au nu-propriétaire, sur l'action personnelle de celui-ci.
Art. 55. — 85. Le principe est le même pour les produits des animaux que pour les fruits du sol: tant que les petits et la laine des animaux n'en sont pas détachés, ils font corps avec eux et, n'ayant pas encore le caractère de produits, ils fippartienrent au nu-propriétaire.
Pour le lait et les engrais, lorsque l'élevage des troupeaux de grand et de petit bétail sera plus développé au Japon, on appréciera mieux l'importance de ces deux bénéfices de l'usufruitier.
Art. 56. — 86. L'expression consacrée de fruits civils est assez heureuse, comme opposition aux fruits naturels: ce sont des fruits de pure création de la loi et du droit; ils ont la périodicité des fruits naturels, celle- ci est même plus régulière, et ils les remplacent pour le propriétaire ou pour l'usufruitier. Ils proviennent d'obligations contractées par des tiers en compensation de la jouissance en nature qui leur est accordée. Le 2e alinéa fait l'énumération des principaux fruits civils.
La loi ne pouvait faire dépendre l'acquisition des fruits civils par l'usufruitier du moment même où les tiers débiteurs en feraient la prestation ou le payement: c'eût été exposer l'usufruitier à perdre les sommes qui n'auraient été payées qu'après la fin de l'usufruit, souvent par la faute de celui qui les devait.
Au contraire,. elle aurait pu admettre que les fruits civils s'acquerraient pour l'usufruitier au jour où le payement en serait échu ou exigible, de sorte qu'il aurait la prestation tout entière, si elle venait à échoir pendant que son usufruit dure, et qu'en sens inverse, il n'en aurait rien, si l'usufruit s'était éteint auparavant. Mais la loi, avec raison, n'est pas favorable aux solutions qui font dépendre du hasard les profits et les pertes; elle ne s'y résigne que lorsque c'est le seul moyen d'éviter des complications et des contestations; c'est ce qu'elle a dû faire pour l'acquisition des fruits naturels que l'usufruitier gagnera ou perdra, quelquefois, par un par effet du hasard, suivant que son droit durera quelques jours de plus ou quelques jours de moins.
Mais pour les prestations en argent. qui constituent les fruits civils, il est évident que, théoriquement, celui qui les doit pourrait et devrait, à la rigueur, les payer chaque jour et presque à chaque moment Pratiquement, ce serait impossible; on a donc dû admettre des payements périodiques, des échéances plus ou moins éloignées. Mais, lorsqu'il s'agit de savoir quelle part en reviendra à l'usufruitier et au nu-propriétaire, quand l'usufruit commence et quand il finit, on ne peut pas trouver de solution plus équitable que celle qui divisé ces prestations jour par jour et les fait acquérir à chacun en proportion du temps qu'a duré son droit.
Il faut reconnaître aussi que les prestations en argent se prêtent très aisément à cette division exacte, tandis que les fruits naturels ne le pourraient pas; c'est pourquoi la règle des fruits civils ne s'applique pas si les prestations dues par des tiers doivent se faire en denrées,"comme dans le " bail à part de fruits ou eolonage" (v. art. 109).
Art. 57. — 87. Si le droit de l'usufruitier n'était 'pas modifié à l'égard des choses qui se consomment par le premier usage, il serait sans utilité réelle; ces clioses ne donnent pas de fruits ou produits périodiques, l'usage même ne s'en comprend pas distinct du droit de disposer; le droit de l'usufruitier serait donc nul s'il ne devenait un droit de disposer; l'argent même qui donne des fruits civils n'a cet effet que s'il est aliéné par un prêt ou par une opération analogue.
Il a donc fal1a permettre à l'usufruitier de disposer des choses dites "de consommation" (v. art. 18). Mais il doit, à la fin de l'usufruit, rendre pareilles quantité et qualité en nature, ou pareille valeur en argent.
La loi ne laisse pas à l'usufruitier le choix du mode de restitution; elle ne l'accorde pas non plus au nu- propriétaire: elle le subordonne à la circonstance qu'il a été fait, ou non, une estimation des choses usufruc- tuaires. C'est la solution admise par la jurisprudence française, suivant, en cela, la théorie romaine, en l'absence d'un texte suffisamment précis (v. c. fr., art. 587).
Le bénéfice pour l'usufruitier est toujours le même que lorsqu'il s'agit d'un corps certain: il a eu le profit de l'intérêt de l'argent pendant la durée de l'usufruit: cela est évident, si l'usufruit portait directement sur une somme d'argent; s'il portait sur des denrées, il n'a à en payer la valeur ou le prix d'achat qu'à la fin de l'usufruit; jusque-là, il profite de son propre argent.
Les marchandises composant un fonds de commerce ne sont pas toujours de nature à se consommer par le premier usage; ce sera même le cas le moins fréquent: par exemple, des étoffes, des vêtements, des ustensiles de maison; mais ces marchandises sont destinées à être vendues par l'usufruitier du fonds de commerce. S'il ne pouvait les vendre, l'usufruit serait inutile pour lui. Dès lors, il rendra pareille quantité et qualité de marchandises ou, si elles ont été estimées (ce qui sera le plus fréquent), il en rendra l'estimation.
Le droit de l'usufruitier devenant, dans ce cas, un véritable droit de propriété, avec obligation de rendre l'équivalent, on lui a donné, d'après le droit romain, le nom de qita.,;i-itsiifi-iiit; il eût été plus naturel peut- être de l'appeler " quasi-propriété."
Art. 58. — 88. Cet article ne présente tas de difficultés. Il est naturel que l'usufruitier use des choses dont il s'agit ici; son droit se réduit même à un simple usage, car ces choses ne donnent pas de produits. Toutefois, il ne faudrait pas confondre cet usufruit avec l'Usage dont il sera parlé dans l'Appendice: l'usager ne pourrait se servir de ces choses que dans la mesure de ses besoins et de ceux de sa famille; l'usufruitier pourra en user au-delà, par conséquent, les prêter.
A l'égard du droit, pour l'usufruitier, de louer ces objets usufructuaires, la loi le consacre dans le seul but d'y apporter une restriction; car, sans cela, il pourrait être considéré comme allant de soi. Il y a des choses qu'il serait inconvenant de louer, comme des portraits de la famille ou des amis du nu-propriétaire, des objets rares donnés en présent à ce dernier, toutes choses que, certainement, il ne louerait pas lui-même. On pourrait même refuser à l'usufruitier le droit de louer la bibliothèque du nu-propriétaire, surtout, si elle était de belle condition et sujette à être détériorée par l'usage d'un tiers moins soucieux de sa conservation (a).
Art. 59. — 89. La rente viagère est le droit d'exiger de quelqu'un, pendant la vie du titulaire ou même pendant la vie d'un tiers désigné, des prestations périodiques appelées arréragea (b).
Généralement, le droit de rede est personnel: c'est une créance de somme d'argent ou de denrées; elle a pu être constituée à titre gratuit, par donation ou testament, ou à titre onéreux, comme prix d'une aliénation d'immeuble, de meubles ou même d'argent
Il pourrait arriver que celui auquel appartient le droit personnel de rente en cédât l'usufruit à un autre, ce qui permettrait à ce dernier d'en profiter pendant sa vie, si d'ailleurs elle n'excède pas la vie du véritable titulaire; car la durée de la rente ne pourrait pas être augmentée sans la volonté du débiteur.
On aurait pu douter, dans ce cas, de l'étendue du droit de l'usufruitier, si la loi ne s'en était expliquée, comme elle l'a fait dans le Code français (art. 588).
L'usufruitier ne devant pas perdre ni altérer la substance de la chose, mais seulement en prendre les produits, il semblerait qu'en recueillant les arrérages qui ne se renouvelleront pas indéfiniment, il consomme, en même temps, une partie du capital.
Aussi s'était-il produit, dans l'ancienne jurisprudence française, trois systèmes parmi lesquels le Code civil a dû choisir: l'un obligeait l'usufruitier de la rente viagère à rendre au titulaire de ladite rente, après la fin de l'usufruit, tous les arrérages perçus, ce qui réduisait l'usufruit aux revenus desdits arrérages, c'est-à-dire à fort peu de chose; un autre système laissait à l'usufruitier la moitié des arrérages et l'obligeait à restituer l'autre moitié considérée comme fraction du capital; enfin, le dernier système n'obligeait l'usufruitier à aucune restitution. C'est ce système qu'a adopté le Code français (art. 583). C'est aussi celui qui est proposé au Japon.
Il repose sur cette idée que la rente viagère n'a pas de capital productif des arrérages; le rentier ou l'usufruitier, en percevant chaque année lesdits arrérages, ne perçoit aucune partie d'un capital quelconque: les arrérages sont produits par le droit de rente, et quand la rente prend fin par la mort du titulaire, c'est l'échéance de ce terme incertain qui y met fin, et non l'épuisement du capital par les perceptions successives, car elles peuvent avoir été de très courte durée.
La règle est la même pour l'usufruit dont serait grevé un premier usufruit. Le sons-usufruitier percevra les fruits et produits de la chose usufructuaire, comme l'usufruitier titulaire; seulement, le sous-usufruit aura deux causes d'extinction au lieu d'une: la mort du sous-usufruitier et celle du titulaire.
Le Code français a négligé ce cas particulier d'usufruit.
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(a) Les Romains distinguaient souvent " les choses qu'il est d'usage de louer" (quœ locari. solent); c'était presque, chez eux, une division fondamentale des choses, analogue à eelles qu'on a présentées aux Dispositions préliminaires.
(b) Le nom d'arrérages est venu sans doute, de ce que ces prestations périodiques, ne se payant pas chaque jour, ni en avance, sont toujours arriérées.
Art. 60. — 90. Un troupeau est une de ces choses collectives dont a parlé l'article 17: il constitue une sorte d'unité idéale, bien que se composant de plusieurs choses individuelles Les Romains disaient, d'une façon un peu figurée, que c'est " un corps unique à plusieurs têtes." Il résulte de ce caractère mixte du troupeau que tant qu'il reste une tête du troupeau, l'usufruit continue et de même l'obligation de le reconstituer avec le croît; mais aussi, si le troupeau périt, en tout ou en partie, sans la faute de l'usufruitier, celui-ci ne doit pas plus la valeur périe que s'il était débiteur d'un corps certain.
Les haras sont des établissements où l'on élève les jeunes chevaux; l'expression équivaut aussi à celle, inusitée, de " troupeau de chevaux mais elle comprend surtout les bâtiments et dépendances servant à loger les chevaux.
Les magnaneries sont des établissements organisés pour l'élevage des vers à soie.
Les animaux de basse-cour sont les poules, canards, oies, dindes; on y fait rentrer aussi les lapins et les porcs. Au Japon, cette source de revenus est très peu développée, comparativement à ce qu'elle est dans les autres pays.
L'usufruitier, devant jouir en bon administrateur, ne pourrait vendre tous les petits des animaux, avant de pourvoir au remplacement des animaux morts; il ne pourrait non plus être réduit au seul profit que donnerait l'excédant du croît sur la mortalité: il doit pouvoir aliéner chaque année les animaux arrivés à leur entier développement et dont la conservation serait coûteuse et sans profit; il agit comme ferait un propriétaire diligent.
C'est par ce même principe que doit se résoudre une question souvent débattue depuis les Romains jusqu'à nos jours; à savoir, si l'usufruitier a valablement aliéné l'excédant du croît, lorsqu'il s'est ensuite produit dans le troupeau, par maladie ou accident, des vides qui ne sont pas encore comblés au moment où l'usufruit prend fin. Un bon abministrateur qui voudrait entretenir un troupeau de cent têtes, par exemple (et, pour l'usufruitier c'est une obligation de ne pas laisser se réduire le troupeau au-dessous de ce qu'il était lorsqu'il l'a reçu), un bon administrateur, disons-nous, ne se bornerait pas, au moment de vendre le croît, à remplacer les têtes qui manquent: il en garderait encore un petit nombre, en excédant, pour suppléer les pertes qui pourraient arriver pendant l'année, en calculant d'après la moyenne de la mortalité.
Art. 61. — 91. Les bois et forêts présentent en tous pays des diversités de nature qui influent sur la manière d'en recueillir les produits. Le mode d'exploitation de cette classe de biens s'appelle aménagement.
Quand les bois sont de nature à repousser de la souche après avoir été coupés, on adopte, en général, les coupes périodiques;"tous les 20 ans, par exemple (c).
Les produits donnent de menu bois pour l'industrie. du bois pour brûler, du bois pour faire le charbon et des fagots. Les bois ainsi mis "en coupe réglée " se nomment bois taillis (bois à tailler). Quand les bois sont étendus, on les divise en lots, au nombre de 20 ou de 10, si l'on veut avoir des revenus annuels ou biennaux; on peut aussi ne fairesde coupe que tous les 4 ans, par cinquième, ou, tous les cinq ans, par quart. Cette distribution des coupes, une fois établie, se conserve ordinairement'; elle constitue, à proprement parler, l' ayiîéiiagenie?ît.
Mais, au moment de faire les coupes, l'ugage des bons administrateurs est de conserver, de distance en distance, les plus beaux arbres, ceux qui s'annoncent comme devant se développer le mieux: ils ne gêneront pas la repousse des autres et ils deviendront un jour de grands arbres de prix, car on les conservera successivement, lors des autres coupes.
Les arbres ainsi laissés debout se nomment: après la lre coupe, baliveaux modernes; après la 2e, baliveaux anciens; après les se, 4° et 5°, arbres de f titaie, f tttaies, hautes futaies.
Ces distinctions n'ont pas d'importance pour le propriétaire exploitant lui-même; pour l'usufruitier, dès qu'un arbre a le caractère de baliveau, il ne peut plus être coupé comme bois taillis, on doit le laisser se développer: c'est un capital, comme il est dit à l'article suivant.
Le 2e alinéa est une sage innovation par rapport au droit français: les bois de l'Etat, des départements ou des communes, devront être de bons modèles d'exploitation à imiter. Toutefois, la loi ne leur donne pas la priorité sur les bois des particuliers; c'est plutôt l'inverse qui résulte de son texte.
L'obligation de prévenir un mois avant la coupe a pour but de permettre au nu-propriétaire de discuter le mode des coupes et de les surveiller.
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(c) Au Japon, la plus grande partie des bois étant de nature résineuse, est justement de ceux qui ne repoussent pas de la souche: à ces bois on appliquera l'article suivant; mais il y a aussi des arbres qui se prêtent aux coupes périodiques, réglées par le présent article, tels que le chêne (kaslÚ), le polownia (kiri) et une foule d'autres.
Art. 62. — 92. Si, au moment où l'usufruitier fait une coupe réglementaire, il y a déjà des baliveaux anciens ou modernes réservés par le nu-propriétaire, il ne peut les abittre, à moins que l'usage des précédents propriétaires n'ait été d'en abattre un certain nombre, périodiquement, pour êdaircir et aérer le bois.
La règle serait la même pour les plantations d'à bres résineux qui, ne repoussant pas de la souche, ne sont pas, par leur nature, des bois taillis, et sont tous considérés au moins comme baliueaux; mais l'usage est nécessairement d'en abattre ou d'en arracher périodiquement un certain nombre pour faciliter la croissance des autres, et l'usufruitier profiterait de cet usage.
Lorsque l'usufruitier n'a pas le droit de couper les baliveaux ou les arbres de futaie, il en prend, au moins, les produits périodiques, ce qui se réduit aux feuilles, à quelques fruits ou graines, à la résine ou à la gomme, au bois mort et aux menues branches qu'il est souvent nécessaire d'élaguer.
La loi lui permet aussi d'employer aux réparations des bâtiments soumis à l'usufruit les ai bres morts ou abattus par le vent; il peut même en faire "arracher" pour cet usage (cc); c'est autant dans l'intérêt du nu- propriétaire que dans celui de l'usufruitier. Au contraire, l'usufruitier ne pourrait utiliser les mêmes arbres pour la réparation de ses propres bâtiments.
Une question que la loi n'a pas tranchée, mais que les principes de la matière permettent de résoudre facilement, est celle-ci: lorsque la première coupe de bois taillis est faite par l'usufruitier, est-il tenu de réserver les arbres les mieux venus pour en faire des baliveaux ? Il est clair que son intérêt serait de ne pas laisser de baliveaux, puisqu'il ne pourra jamais les couper.
Mais l'usufruitier doit jouir,(en bon administrateur;" il doit aussi se conformer à l'usage des propriétaires voisins; or, il n'est pas douteux qu'un bon administrateur et que les autres propriétaires laissent toujours des baliveaux. Il n'y aurait que la proportion numérique à établir entre les arbres coupés et les arbres réservés: si les parties ne peuvent se mettre d'accord, la chose sera décidée par le tribunal, après expertise.
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(cc) Quand l'usufruit aura le droit de prendre des baliveaux ou des arbres de futaie qui ne seront pas de nature à repousser de la souche, il ne devra pas se contenter de les abattre, mais il devra être contraint de les arracher et de les remplacer par de jeunes plants: autrement, il ne jouirait pas en bon administrateur.
Art. 63. — 93. Ce droit de l'usufruitier, assez minime d'ailleurs, est la conséquence de son assimilation constante au propriétaire, pour ce qui est du mode et de l'étendue de sa jouis-ancé: il est certain qu'un propriétaire intelligent n'achètera pas les menus bois nécessaires à la culture, lorsqu'il peut les prendre sur son fonds, sans le détériorer.
Art. 64. — 94. Il arrive souvent que les grands propriétaires adjoignent des pépinières à leur fonds pour renouveler les arbres morts, pour refaire les haies ou étendre les bois (voy. n° 23).
L'usufruitier pourrait de même user de la pépinière et ce serait presque un devoir pour lui, comme devant être bon administrateur.
La loi lui permet même de vendre des produits de la pépinière, s'ils excèdent les besoins du fonds; enfin, s'il s'agissait de l'usufruit d'une pépinière distincte d'un fonds et objet principal de l'usufruit, ce droit de vente pour l'usufruitier serait tout à fait normal et non plus une exception.
Mais une pépinière s'épuiserait elle-même, si elle n'était entretenue par de nouveaux plants ou semis, suivant la nature des arbres qui y sont élevés; l'usufruitier a donc l'obligation de l'entretenir.
Art. 65. — 95. Ce n'est pas arbitrairement que la loi, pour fixer les droits de l'usufruitier, distingue si les carrières étaient déjà en exploitation ou non, au moment où l'usufruit a commencé: elle fait ainsi dépendre les droits de l'usufruitier de l'intention probable du constituant, lequel n'est pas présumé avoir voulu priver l'usufruitier d'un profit périodique qu'il avait lui-même jusque-là, et, en sens inverse, n'a vraisemblablement pas voulu lui permettre d'amoindrir la valeur du fonds, en y ouvrant des carrières qui n'étaient pas encore exploitées. C'est le même principe qui a déjà été consacré au sujet de l'exploitation des arbres qui ne sont pas mis en coupe réglée. Mais, de même encore qu'il le peut faire pour ces arbres et par le même motif, l'usufruitier peut prendre des pierres et autres matériaux pour la réparation et l'entretien du fonds usufructuaire.
Au contraire, il lie pourrait prendre ni bois, ni pierres, pour l'amélioration du fonds, parce que l'amélioration peut prendre des développements infinis et qui souvent ne répondent pas aux espérances de celui qui l'entreprend.
L'usufruitier ne pourra de même user de la tourbe pour ses besoins personnels que si la tourbière est déjà en exploitation, car la tourbe, comme combus- tible, ne peut pas être utilisée dans l'intérêt du fonds; la marne, au contraire, peut toujours servir à amender les terres (v. n° 17, 8°) et, si la marnière est en exploitation, l'usufruitier pourra en vendre les produits, car ils ont pour le propriétaire le caractère de fruits.
Art. 66. — 96. On a déjà eu occasion d'expliquer pourquoi le propriétaire du sol ne peut exploiter les mines qui s'y trouvent, sans en avoir préalablement, obtenu la concession du Gouvernement (v. n° 65). Pour les minières s'exploitant à ciel ouvert, une simple autorisation est nécessaire: elle assure la surveillance de l'administration.
Le présent article, qui correspond à l'article 598 du Code français, s'en écarte, assez notablement du reste, sous deux rapports.
D'après cet article 598, si les mines sont déjà en exploitation effective au profit du propriétaire du sol, les produits en ont le caractère de fruits et appartiennent à l'usufruitier, en sorte que la jouissance des mines est, pour l'usufruitier, semblable à celle de~ carrières. L'article 598, il est vrai, ajoute que l'usufruitier devra obtenir une concession spéciale du Gouvernement pour continuer l'exploitation; mais cette condition a été supprimée plus tard, par_la loi sur les Mines (21 avril 1810, art. 7).
En outre, l'article 598 du Code français, en donnant à l'usufruitier du sol, en cette seule qualité, la jouissance de la mine déjà mise en exploitation, paraît avoir méconnu ou les principes de la matière des mines ou ceux de l'usufruit. S'il a considéré la mine comme un accessoire du sol, il a pu logiquement en donner les produits à l'usufruitier; mais alors, il a méconnu le principe que la mine, même concédée au propriétaire du sol, est un immeuble distinct de la surface, susceptible d'être hypothéqué, cédé, exproprié séparément. Le principe, il est vrai, n'a été aussi nettement formulé que par loi précitée de 1810 (art. 7); mais il était déjà virtuelle- ment consacré, ou, en tout cas, il a dû au moins modifier le Code civil. Si, au contraire, le Code a entendu considérer la mine comme un immeuble distinct de la surface, il n'aurait pas dû en donner la jouissance à l'usufruitier sans une disposition expresse de l'acte constitutif de l'usufruit, pas plus que l'usufruitier d'un, fonds n'aurait la jouissance d'un fonds voisin appar-.tenant au même propriétaire.
Le Projet s'écarte complètement du Code français sur le premier point (1er al.) et il le corrige sur le second (2e aL).
La loi japonaise des Mines ne permet pas que la mine concédée nominativement à une personne soit exploitée par une autre, surtout par un usufruitier, puisque l'usufruit, inconnu jusqu'ici au Japon, n'a pu être prévu par la loi des mines.
L'exploitation continuera donc d'appartenir au propriétaire. Mais comme l'intérêt public ne s'oppose pas à ce que les produits de la mine soient acquis en tout ou en partie à l'usufruitier, la loi civile lui en attribue la moitié nette, c'est-à-dire après déduction des frais d'exploitation; l'autre moitié reste au nu-propriétaire, comme compensation du fardeau de l'entreprise (1).
Au surplus, notre article 66, l01 alinéa, s'écarte de l'article 598 du Code français, en n'exigeant pas que l'exploitation soit commencée, pour profiter à l'usufruitier: il suffit qu'elle ait été concédée ou autorisée au profit du propriétaire; il ne paraît pas juste, en effet, de faire dépendre le droit de l'usufruitier de la circonstance que le propriétaire a déjà ou non les capitaux nécessaires pour l'exploitation. Si on prétend que l'exploitation effective a pour effet de révéler avec certitude l'intention du propriétaire de tirer des produits de la mine ou de la minière, comme elle la révèle pour une carrière ou une tourbière, nous répondrons que le cas est très différent: cette intention est bien suffisamment réglée par la demande et l'obtention de la concession ou de l'autorisation d'exploiter; tandis que, pareille demande n'ayant pas lieu pour les carrières et tourbières, on a pu s'attacher exclusivement au fait de l'exploitation.
Le 2e alinéa déclare formellement qu'il ne suffit pas d'être appelé à l'usufruit de la surface du sol pour avoir le droit à la moitié des fruits, comme il vient d'être expliqué. Sous ce rapport, la mine garde son caractère d'immeuble particulier et distinct de la surface. Il faudra donc que la convention ou le testament ait formellement, ou au moins d'une manière qui ne laisse pas de doute quant à l'intention, étendu l'usufruit du sol à la mine déjà concédée.
Pour que l'usufruitier ait droit à la moitié des produits de la mine, sans une disposition expresse de l'acte, il faudrait supposer une constitution universelle d'usufruit (v. art. 48, Se al): comme alors elle comprendrait la jouissance de tous les biens du constituant, elle COITlprendrait aussi celle de la mine concédée. Le 1er alinéa, par la généralité de ses termes, s'applique à ce cas.
Si la concession avait été donnée à un autre qu'au propriétaire' lui-même, là redevance due à celui-ci n'appartiendrait pour aucune portion à l'usufruitier: la "redevance; des mines" n'a pas le caractère de fruit:elle est plutôt une indemnité pour la dépréciation du capital, c'est-à-dire du tréfonds, et si elle est périodique c'est qu'en effet, à mesure que l'exploitation continue la dépréciation s'augmente. Il en serait autrement de l'indemnité due au propriétaire pour la diminution de jouissance, par suite de travaux exécutés à la surface: l'usufruitier y aurait droit.
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(1) Cette disposition du 1er alinéa est nouvelle: la précédente n'était pas en accord avec la loi japonaise des Mines.
Art. 67. — 97. La loi présentera au Livre Il le, Ire Partie (Chap. 2) la théorie de l'alluvion et des autres cas de l'accession considérée comme moyen d'acquérir la propriété.
Les augmentations survenues à la chose profitent au propriétaire pour le capital et à l'usufruitier pour les fruits ou revenus. Le Projet japonais est, à cet égard, plus simple et plus libéral que le Code français qui donne bien à l'usufruitier la jouissance des alluvions ou atterrissements, mais ne lui donne pas celle des îles formées au-devant de la propriété.
On objectera peut-être que cette augmentation de l'usufruit n'a pas été dans l'intention du constituant, puisqu'elle ne pouvait être dans ses prévisions; mais, si l'on considère que la loi donne aux riverains la propriété des îles nées dans les petits cours d'eau, pour les indemniser des dégradations que leur causent souvent les eaux, il est juste que l'usufruitier qui souffrira lui-même dans sa jouissance, par ces dégradations, soit appelé aussi à la même compensation éventuelle
La loi se réfère, dans le 2e alinéa, aux accessions qui ne profitent au propriétaire qu'à charge d'une indemnité à un tiers; il est juste que l'usufruitier supporte les intérêts de cette somme, puisqu'il jouit de l'accession qui la fait devoir.
On peut voir au Projet plusieurs cas où l'accession donne lieu à indemnité pour un tiers (art. 610, 613, 622). Bien entendu, il faut supposer, dans tous les cas, que l'accession s'est produite pendant la durée de l'usufruit: autrement, et si elle avait précédé, le droit de l'usufruitier serait encore plus certain et il aurait lieu sans charge, l'usufruitier prenant les choses dans l'état où elle se trouvent.
A l'égard du trésor, le Projet croit devoir déclarer formellement que l'usufruitier n'y a aucun droit, comme l'a fait également le Code français; le trésor n'est évidemment pas un produit du fonds: c'est une propriété entièrement distincte; l'usufruitier n'y pourrait prétendre que comme à une accession acquise pour moitié au propriétaire de la chose; mais cette accession est tellement en dehors des prévisions, d'après la définition même du trésor (il doit avoir été découvert par hasard, art. 606), que l'usufruitier n'y pourrait raisonnablement prétendre; enfin, ce n'est pas, comme l'alluvion, la compensation d'un risque. Il faut excepter, bien entendu, le cas où l'usufruitier aurait lui-même trouvé le trésor: il aurait alors les droits ordinaires de l'inventeur (v. art. 606)
Art. 68. — 98. La chasse et la pêche sont des moyens d'acquérir la propriété de choses sans maître; il en sera reparlé sous le nom d'occupation, parmi les moyens d'acquérir la propriété (v. art. 603, 604). Il est naturel que l'usufruitier exerce ces deux droits, car les produits de la chasse et de la pêche se renouvellent périodiquement et même d'une façon presque continue.
Art. 69. — 99. Il sera consacré plus loin un Chapitre aux servitudes foncières. Il suffit d'indiquer ici qu'elles sont des droits qui permettent au propriétaire d'un fonds de tirer d'un autre fonds appartenant à un autre propriétaire, des avantages, des services qui en augmentent la valeur, comme un passage, une prise d'eau, un droit de vue sur la propriété voisine (voy. art. 227 et s.).
Comme les servitudes appartiennent à tout propriétaire du fonds, en cette qualité et abstraction faite de sa personnalité, on -dit, par une sorte de figure, qu'elles "appartiennent au fonds lui-même;" ce qui les fait aussi appeler foncières ou réelles, par opposition à l'usufruit, à l'usage et à l'habitation qui, bien que droits réels par leur nature et droits mobiliers ou immobiliers par l'objet sur lequel ils portent, sont souvent appelés servitudes personnelles, parce qu'ils appartiennent à une personne déterminée et s'éteignent avec elle.
Si le fonds soumis à l'usufruit avait de pareils droits sur un fonds voisin, l'usufruitier pourrait valablement les exercer; ce serait en même temps son devoir, car sa négligence amènerait la perte de la servitude par non- usage, sorte de prescription libératoire du fonds servant, dont il sera parlé en son lieu (art. 311 à 313).
Art. 70. — 100. Les actions en justice portent, en général, une qualification qui correspond à leur objet, c'est-à-dire au droit qu'elles tendent à faire reconnaître et à faire valoir. C'est ainsi qu'il y a des actions réelles et des actions personnellei:l correspondant aux droits réels et aux droits personnels.
Toutes les actions que le présent article reconnaît à l'usufruitier sont des actions réelles, puisque son droit est réel: elles lui permettent de faire valoir son droit non seulement contre le nu-propriétaire, mais encore contre tout autre qui y mettra:t obstacle; cela n'exclut pas d'ailleurs une action personnelle qui compèterait à l'usufruitier, contre le nu-propriétaire exclusivement, en vertu du contrat ou du testament qui aurait constitué l'usufruit.
Les actions réelles reconnues ici comme appartenant à l'usufruitier ont les mêmes noms et le même objet que celles qui appartiennent au propriétaire d'après l'article 37, avec les seules différences qui résultent de la nature du droit. Ainsi, l'action péUtuire tend toujours à faire juger le fond dit droit (ici, que le demandeur a vraiment le droit d'usufruit); les actions possessoires tendent seulement à faire juger que le demandeur, en fait, possède ou a possédé récemment le droit d'usufruit, c'est-à-dire, l'exerce ou l'a exerce comme lui appartenant et doit y être maintenu ou rétabli: s'il le possède encore et est troublé par un tiers, c'est le cas de l'action en complainte; s'il a été dépossédé, soit par ruse, soit par violence, c'est le cas de l'action pn TéilttéJl'ande. Ces actions se retrouveront dans leur application générale au Chapitre de la Possession (art. 212 et suiv.).
Nous ne mentionnons pas ici deux autres actions possessoires qui ne sont que des variétés de celles-ci, pour des cas spéciaux: la dénonciation de nouvel œlllTe et la dénonciation de dommage imminent (v. art. 212, 214 et s). Le texte les accorde implicitement à l'usufruitier, en lui donnant "les actions possessoires," sans distinction.
101. Indépendamment des actions réelles relatives à son droit d'usufruit, l'usufruitier a aussi des actions relatives aux servitudes. Elles sont de deux espèces: l'une qui affirme, soutient, que le fonds voisin est grevé d'une servitude active au profit du fonds usuft uctuaire: c'est l'action confessoire (du latin confiteri, "avoucr, affirmer"); l'autre, qui conteste, qui nie, que ledit fonds usufructuaire soit grevé d'une servitude passive au profit du fonds voisin: c'est l'action négatoire (du latin negare, " nier ").
L'article 37 n'a mentionné que l'action nêgatoire comme appartenant au propriétaire, relativement aux servitudes; ce n'est pa^ qu'il y ait à douter que l'action confessoire lui appartienne aussi, s'il prétend avoir une servitude; mais on a considéré que l'action nég.;toire est, en réalité, une variété de la revendication qui est l'action principale du propriétaire: dans l'action néga- toire, le propriétaire revendique la liberté de son fonds, tandis que, dans l'action confessoire, il réclame un droit sur le fonds voisin. L'action confessoire appartient donc à la matière des servitudes et non à celle c1e la propriété et c'est en effet au Chapitre des Servitudes qu'elle a sa place principale (art. 288). Si le présent article la reconnaît à l'usufruitier, c'est pour que la théorie de l'Usufruit soit complète ici et qu'il n'y ait pas lieu d'y revenir sur chaque matière, notamment sur celle des servitudes.
Les deux actions ainsi données à l'usufruitier au sujet des servitudes, étant réelles toutes deux, peuvent être considérées aussi comme pétitoires ou possessoires, suivant que l'usufruitier y soulève la question DE DROIT ou dit fond, ou la question DE FAIT ou de possession.
Ces dernières peuvent être, aussi en complainte ou en rêintêgrande.
Ainsi, si l'usufruitier a déjà exercé une, servitude sur le fonds voisin et se trouve menacé ou troublé dans la possession de la servitude, il exercera seulement l'action POSSESSOIRE en complainte; s'il a été dépossédé de la servitude depuis moins d'un an, il exercera l'action POSSESSOIRE en rêintêgrande.
Si le temps dans lequel devait être exercé la -réintégrande est passé, il exercera l'action PÉTITOIRE OU en, revendication de la servitude active
Ces trois actions sont toutes CONFESSOIRES, car l'usufruitier y affirme son droit.
Si, au contraire, c'est le voisin qui exerce à tort une servitude sur le fonds usufructuaire, l'action NÉGATOIRE de l'usufruitier pourra être pêtitoire, s'il veut faire juger le fond de son droit contre le voisin, ou possessoire, s'il ne veut faire juger que le fait de sa possession; et, dans ce dernier cas, elle aura le caractère de complainte, si le voisin n'a encore fait que le troubler par des entreprises sur le fonds; elle aura le caractère de rêintêgmnde, si déjà le voisin est en pleine possession de sa prétendue servitude, spécialement par menaces ou surprise (v. art.,216), mais depuis moins d'un an.
On pourrait enfin supposer toutes les mêmes actions dirigées contre l'usufruitier, alors défendeur, par un tiers qui réclamerait l'usufruit (action confessoire) ou contesterait une servitude (action négatoire), soit ait fond et comme droit, soit en fait et comme possession. L'objet, les noms et les caractères en seraient les mêmes; les rôles seuls des parties y seraient changés. Si la loi n'en dit rien, c'est qu'elle ne traite ici que des droits de l'usufruitier; elle aura occasion d'y revenir au sujet de ses obligations.
Remarquons, avec le 8" alinéa, que lorsqu'il s'agit des servitudes actives ou passives, relatives au fonds usu- fructuaire, bien que l'usufruitier ait qualité pour plaider à ce- sujet, comme demandeur ou défendeur, il fera sagement d'appeler en cause le nu-propriétaire: autrement, il pourrait encourir une responsabilité grave, comme on le verra à la Section suivante (art. 99 et 101).
102. Cette théorie des actions étant assez compliquée, on en présente ici un tableau résumé.
L. -Actions de l'usufruitier relativement à son droit d'Usufruit:
A. Action pËTi'roiRË: revendication du droit d'usufruit contre le propriétaire ou contre un tiers (procès ait fond);
B. Action PossEssoiRp,: réclamation de la possession de l'usufruit (sans examen du. fond); subdivisée en:
a. Action en complainte, pour garder la possession troublée;
b. Action en rêhitêgr aride, pour recouvrer la possession perdue.
II. -Actions de l'usufruitier relativement aux Servitudes:
A. Action CONFESSOTR,E, pour réclamer une servitude active; subdivisée en:
a. Pétitoire, pour faire juger le fond du droit de servitude;
b. Possesoiire, pour faire reconnaître la possession de fait, l'exercice antérieur de la servitude (sans examen du fond); avec la même subdivision en:
a. Complainte, pour faire cesser le trouble;
b. Réintégrande, pour recouvrer la possession perdue.
B. Action NÉGATOIRE, pour contester une servitude passive; avec les mêmes divisions et subdivisions:
a. Pêtitoire, pour faire juger, au fond, qu'il n'y a pas de servitude passive;
b. Possessoire, pour faire juger qu'elle n'est pas possédée, exercée entait;
a. Complainte, si le voisin trouble l'usufruitier par des tentatives d'exercice;
b. Réintégrande, si le voisin a usurpé l'exercice de la servitude.
Art. 71. — 103. Bien que le droit de l'usufruitier soit viager et ainsi établi en considération de la personne, quant à la durée, il n'est cependant pas inséparable de la personne au point de ne pouvoir être cédé. Or, si l'usufruitier peut céder son droit, l'aliéner pour le tout, à plus forte raison, peut-il le grever de droits moindres, comme le louer ou l'hypothéquer.
On remarquera seulement que l'hypothèque ne pouvant être établie que sur les immeubles, il faut. que l'usufruit, pour être hypothéqué, soit lui-même immobilier, par l'objet auquel il s'applique (v. art. 1203). On aurait pu croire qu'il était défendu à l'usufruitier de céder son droit ou de le donner à bail, quand il porte sur des objets qui se détériorent plus ou moins prompte- ment par l'usage; mais la loi ne l'a pas défendu: elle y a seulement apporté quelque tempérament (voy. art. 58); le nu-propriétaire trouvera d'ailleurs des garanties contre l'abus de jouissance du cessionnaire ou du preneur à bail, dans le cautionnement qui sera fourni au début de l'usufruit.
Mais, comme il ne saurait dépendre de l'usufruitier de prolonger son droit indéfiniment, la loi prend soin d'exprimer que les droits qu'il a consentis sont soumis aux mêmes limites et conditions que le sien propre, notamment, quant à la durée.
L'usufruit légal des père et mère, sur les biens de leurs enfants mineurs, forme exception au droit de cession par l'usufruitier. Cette exception se justifie par la brièveté du droit et par les charges spéciales qu'il impose. Elle ne sera sans doute pas la seule. Ainsi le Projet ne se prononce pas ici sur la question de savoir si l'usufruit qui, vraisemblablement, sera reconnu au mari, pourra être par lui cédé ou loué: la question ne devra pas être négligée à l'occasion du Contrat de mariage et elle devra être résolue négativement, au moins pour la cession, car l'usufruit marital entraîne des charges de famille dont l'accomplissement serait souvent compromis par une cession.
Le danger serait le même pour l'hypothèque qui peut mener à l'expropriation forcée.
Quant à la location du droit d'usufruit, elle peut être permise au mari, comme aux père et mère, dans la mesure où est valable la location des choses mêmes soumises à l'usufruit, en tant quelle constitue un acte d'administration de ces choses: pratiquement, la location du droit d'usufruit et celle des choses usufructuaires pourront être confondues (2).
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(2) On a ajouté au texte cette réserve en faveur des baux ayant un caractère d'actes d'administration, et de leur renouvellement.
Art. 72. — 104. Les deux premières dispositions de cet article, étant la négation d'un droit pour l'usufruitier, ne sembleraient pas devoir figurer dans cette Section; elles ne lui imposent pas non plus des obligations qui appartiendraient à la Section suivante; elles pourraient donc prendre place dans la Section ive, au sujet de l'extinction de l'usufruit; mais il n'est pas hors de propos, en traitant des droits de l'usufruitier, d'indiquer aussi ceux qui pourraient sembler lui appartenir, à la fin de l'usufruit, et que la loi lui dénie.
D'ailleurs, le dernier alinéa reconnaît à l'usufruitier un droit assez considérable pour motiver la place de cet article.
Ces trois dispositions sont d'ailleurs assez faciles à itistifier.
La première est la conséquence et. la contre-partie, déjà annoncée, de l'article 52., 2e alinéa: l'usufruitier ayant pu trouver, au moment de son entrée en jouissance, une récolte plus ou moins près de la maturité et la prenant sans payer les frais de culture, doit, aux mêmes conditions, laisser la récolte pendante au moment où l'usufruit finit.
Assurément, la justice rigoureuse pourrait demander la solution inverse, dans les deux cas; mais il est admis depuis les Romains, par raison d'utilité pratique et de simplicité, que, pour éviter deux comptes détaillés, difficiles et souvent sujets à contestation, on laissera ici le hasard jouer le rôle d'arbitre. En effet, la nature viagère du droit d'usufruit lui donne déjà un caractère aléatoire très prononcé (d), qu'on peut augmenter encore sans grand inconvénient: il peut finir aussi bien après la récolte qu'avant; souvent même, à son début, il est soumis également à des chances bonnes ou mau- vaises; c'est ce qui arrive quand il est constitué par testament: le testateur peut mourir peu de temps avant la récolte ou peu de temps après qu'elle a été faite.
Au surplus, les parties peuvent toujours, par convention, modifier cette disposition de la loi, et il serait même très naturel qu'au cas de constitution de l'usufruit par une vente, le vendeur fît entrer en ligne de compte, dans la fixation du prix, la récolte pendante dont il aurait fait les frais, et qu'en sens inverse, l'acheteur stipulât qu'au cas de cessation de l'usufruit avant la récolte, une fraction déterminée en serait laissée à ses héritiers.
La disposition du second alinéa refuse à l'usufruitier le droit de se faire indemniser des améliorations qu'il aurait faites à la chose, parce qu'il est présumé les avoir faites pour lui-même et en avoir joui plus ou moins longtemps. Il y aurait d'ailleurs, là encore, des sujets de contestations que la loi veut éviter.
Cette disposition s'appliquera aux embellissements et aux améliorations des habitations, à l'amendement des terres, aux défrichements et terrassements, qui sont incorporés, en quelque sorte, aux choses usufructuaires.
Mais pour les améliorations qui sont plutôt ajoutées qu'incorporées aux choses et qui pourraient en être séparées sans détérioration, il n'y avait pas même motif d'en faire profiter le propriétaire: le Projet tranche formellement, dans le Se alinéa, une question fort débattue, en France, sur l'article 599, en permettant à l'usufruitier d'enlever ces additions, notamment les constructions, à charge de remettre les lieux dans l'état primitif.
105. La difficulté est venue en France du rapprochement de cet article 599 avec l'article 555 qui prévoit des constructions et plantations faites par un simple possesseur du fonds d'autrui.
Disons d'abord un mot de la situation réglée par l'article 555 précité du Code français, en attendant que nous la trouvions à sa place dans le Projet, à la matière de l'accession (v. art. 603)
La loi suppose qu'un propriétaire a été privé pendant un certain temps de la possession de son fonds et qu'un tiers-possesseur y a construit ou planté.
Deux hypothèses sont ensuite examinées: le posses- geur était de bonne foi ou il était de mauvaise foi.
1er cas. Le possesseur était de bonne foi: il ne peut êtie contraint à démolir les constructions ou à supprimer les plantations: le propriétaire est tenu de les acquérir, en remboursant, à son choix, soit ce qu'elles ont coûté, en matériaux et main-d'œuvre, soit la valeur dont le fonds s'en, trouve augmenté, la 'plus-value, Naturellement, le propriétaire remboursera la moins élevée des deux valeurs; mais cela est juste: s'il rembourse le coût des dépenses, le possesseur ne peut se plaindre, puis.qu'il est indemne; s'il rembourse la plus-value actuelle, il ne s'enrichit pas au préjudice du possesseur.
2e cas. Le possesseur était de mauvaise foi: le propriétaire peut le contraindre à supprimer ses constructions, ouvrages ou plantations, sans indemnité, il peut même en obtenir une du possesseur, si les choses ne peuvent être entièrement remises dans l'état primitif; c'est là la double peine de la mauvaise foi et elle est légitime. Mais, voici où la loi française pr~te sérieuse- ment à la critiqué: si le propriétaire désire conserver les ouvrages, parce qu'ils pourront lui être utiles, la loi l'oblige alors à payer au possesseur ce qu'îl.'I ont coûté, lors même que la plus-value du fonds y serait,.in-,. férieure; de cette façon, le possesseur de mauvaise foi pourrait se trouver mieux traité que celui de.bonné foi.
Pour échapper à ce résultat, quelques auteurs disent que le propriétaire pourra amener le possesseur de mauvaise foi à faire un sacrifice, sous la menace d'être contraint de démolir; mais ce moyen ne réussirait pas avec un possesseur qui connaîtrait positivement le besoin que le propriétaire a de ces bâtiments et qui, en outre, serait d'une position assez aisée pour n'avoir pas à craindre la perte résultant de la démolition. Nous aimerions mieux autoriser le propriétaire à traiter le possesseur de mauvaise foi comme s'il le croyait de bonne foi,- et celui-ci ne serait pas autorisé à se prévaloir de sa mauvaise fol, d'après le principe que " nul n'est admis à se prévaloir de sa turpitude " (dd).
Lorsque la même situation se présente pour un usufruitier qui a construit ou planté sur le fonds usu- fructuaire, deux systèmes principaux, en France, sont en présence.
Dans l'un, on prétend assimiler l'usufruitier au constructeur de mauvaise foi, car il sait, évidemment, que la propriété ne lui appartient pas: on dit que la loi, en n'accordant à l'usufruitier aucllne indemnité pour les améliorations qu'il a faite? ne suppose pas que ce soient des constructions, et alors on lui permet au moins de les enlever, et, si le propriétaire désire les conserver, on dit qu'il doit les payer, dans la mesure prescrite à l'article 555, lei cas.
Dans l'autre système, on considère l'article 599 comme absolu dans son refus d'indemnité et comme limitatif dans le droit d'enlever certains objets, lesquels -ne comprendraient que les " ornements " énoncés audit article.:
Cette solution ne fait trouver la loi ni logique ni équitable.
106. Le Projet japonais s'est séparé entièrement de tous ces systèmes:
L'article 72, Se alinéa, permet formellement à l'usufruitier d'enlever ses constructions et plantations. Bien qu'il ait su nécessairement qu'il construisait ou plantait sur un terrain qui ne lui appartenait pas, il est clair aussi qu'il n'a pas entendu faire un don au nu-propriétaire. Il n'est pas juste d'ailleurs, de le traiter comme un possesseur de mauvaise foi, car, s'il sait que la chose est à autrui, il a un titre légitime à la posséder.
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(d) Sur le mot aléatoire, voy. n° 70, note h.
Il y a des contrats dits "aléatoires," parce qu'ils dépendent du hasard (voy. art. 322 et 806 à 809).
(dd) Nemo auditur iurpiludinem suam allegan-s.
Art. 73. — 107. Mais alors se présente un intérêt général et économique dont on trouvera d'autres applications, c'est qu'il vaut mieux ne pas démolir les édifices, ni arracher les plantations: il faut éviter la perte d'une double main-d'œuvre (construction et destruction) et la dépréciation inévitable des 'matériaux.
Il serait désirable que le propriétaire conservât les ouvrages faits: son intérêt à les conserver est d'ailleurs tout à fait légitime, puisqu'ils sont sur son sol et que la destruction y causerait toujours des dégradations, au moins temporaires. Au contraire, l'usufruitier semble n'avoir guère qu'un simple intérêt pJcuniaire à l'enlèvement de matériaux et de plantations, et s'il en était indemnisé équitablement, il serait désintéressé. L'indemnité serait équitable, lorsqu'elle équivaudrait à la plus-value résultant actuellement pour le fonds des constructions et plantations conservées, quel que fût d'ailleurs le prix qu'elles auraient coûté. La loi (à la différence du Code français, pour le possesseur de bonne foi) n'autoriserait pas cette recherche qui est une complication presque toujours inutile; car, généralement, les dépenses originaires des constructions, autres que celles faites par spéculation, excèdent la plus-value qu'elles donnent au sol.
Fallait-il donc que la loi donnât au propriétaire, d'emblée et sans stipulation de la part de celui-ci, le droit de se rendre acquéreur des constTuctions-et -plàn-t-a--tion-s- de l'usufruitier: c'eût été un droit légal de préemption (voy. n° 59, note d) (3).
On ne l'a pas pensé.
L'usufruitier peut avoir fait ses constructions avec des matériaux de choix, avec des bois de prix, comme il arrive souvent au Japon: il serait contraire au principe de la propriété de le forcer à les vendre au nu-propriétaire. Au Japon, les maisons sont le plus souvent en bois; la démolition et le rétablissement dans un autre lieu sont faciles et peu coûteux: l'usufruitier peut se les être proposés en construisant. En outre, le cas d'usufruit ne serait pas le seul où ce droit exorbitant de préemption se présenterait: il faudrait encore l'admettre au cas de bail et de superficie, lesquels ne sont pas, comme l'usufruit, des droits nouveaux au Japon et destinés à y être d'une rare application; ce sont, au contraire, des droits constamment et largement pratiqués et dans la jouissance desquels la loi nouvelle ne doit pas introduire d'altération sans une grande nécessité.
On a donc concilié l'intérêt économique qui désire le maintien des constructions et plantations avec le respect de la propriété, en ne faisant résulter le droit de préemption que d'une clause originaire de l'acte constitutif de l'usufruit ou d'une convention postérieure entre l'usufruitier et le nu-propriétaire (1er al.). Et, par cela seul que la loi prévoit et règle cette convention, elle convie les parties à y r:courir, pour le cas où l'intérêt du propriétaire s'y trouvera et où celui de l'usufruitier n'en devra pas souffrir.
108. Mais, du moment que la préemption a été l'objet d'une clause du titre originaire ou d'une convention, elle peut n'être plus seulement un droit, une faculté pour le nu-propriétaire, mais être aussi une obligation pour lui: cela dépendra des termes du titre constitutif ou de la convention postérieure, ou de l'interprétation qui en pourra être faite (2e al. A Il y aura alors aussi bien une promesse d'acheter qu'une promesse de vendre (comp. art. 665).
109. Il restait à régler quelques détails d'exécution; c'est ce que font les trois derniers alinéas de notre article.
Le prix d'acquisition des constructions et plantations sera basé non sur les dépenses originaires faites par l'usufruitier, mais sur la valeur actuelle des objets à acquérir, car c'est cette valeur seulement qu'acquiert le nu-propriétaire et dont l'usufruitier est privé; 01', les bâtiments auront plutôt perdu de leur valeur avec le temps; les plantations, au contraire, en auront gagné davantage. Ce prix sera réglé par experts, quand il ne le sera pas d'un commun accord entre les parties (3e al.).
110. Pour que l'usufruitier ou ses héritiers perdent leur droit aux constructions et plantations, il ne suffit pas que le prix en ait été fixé régulièrement, il faut encore qu'il ait été payé.
La loi devait pourvoir à la garantie de l'usufruitier, ou de ses héritiers, contre les dégradations et autres abus; c'est ce qu'elle fait, en leur donnant le droit de rester en possession des bâtiments jusqu'au payement du prix (4e al.).
On remarquera que, s'il n'y avait que des plantations, les intéressés ne pourraient retenir la possession du sol: la loi ne la leur accorde que pour " les bâtiments."
Ce droit, qui aura d'autres applications dans la loi, se nomme, en général, droit de rêteidion: il figure dans l'énumération des sûretés réelles donnée par l'article 2 et on le retrouvera, dans son ensemble, aux articles 1096 à 1100.
110 bis. Il fallait fixer un délai pour le payement du prix.
Un délai légal a toujours quelque chose d'arbitraire, La loi le fixe ici à un mois depuis la décision définitive des experts ou du tribunal, ou depuis l'accord intervenu entre les parties: un plus long délai eût créé des embarras à l'usufruitier ou à ses héritiers. Le propriétaire d'ailleurs ne doit pas ignorer qu'il a le droit et quelquefois le devoir de prendre les constructions faites sur son fonds et il a du songer aux moyens de les payer.
Mais il ne fallait pas que le défaut de payement dans le mois entraînât contre lui une déchéance de plein droit: il serait contraire aux principes généraux, quand l'obligation est réciproque, qu'il pût ainsi se soustraire à une obligation devenue peut-être gènante, et quand la préemption est pour lui un droit sans être un devoir, il serait trop dur qu'il en fût déchu sans mise en demeure.
La loi, sans distinguer entre les deux cas, veut que la déchéance n'ait lieu que sur une demande en justice de l'usufruitier. Si pourtant l'usufruitier a le droit d'imposer la vente au nu-propriétaire, il peut le contraindre au payement par toutes les voies de droit; il peut aussi, dans le même cas, faire prononcer la déchéance avec dommages-intérêts (5e al.).
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(3) C'était la solution de l'ancien texte. Mais ce système avant paru à la Commission contraire au respect des droits de l'usufruitier qui peut attacher un grand prix à la reprise de ses matériaux, nous l'avons remplacé comme on le voit au texte nouveau.
SOMMAIRE.
Art. 74. — N° 111. Inventaire des meubles, état des immeubles: leur utilité pour les deux parties.
75. -112. Formes desdits actes.
76 -113. Effets de l'estimation donnée aux meubles: distinction; frais des actes.
77. -114. Dispense d'inventaire et d'état des immeubles par le constituant: droit du nu-propriétaire.
78. -115. Sanction de cette première obligation de l'usufruitier; distinction entre les immeubles et les meubles; preuve par commune renommée.
79 et 80. -116. Obligation de fournir caution -117. Autres garanties que peut fournir l'usufruitier.
81. -118. Fixation des sommes ou valeurs à garantir: distinction. -119. De l'extension de la garantie; si elle a lieu de plein droit: distinction.
82. —120. Engagement personnel de la caution ou de l'usufruitier.
83. -121. Sanction de cette seconde obligation de l'usufruitier.
84. -122. Cas où l'usufruitier donne une garantie partielle.
85. 123. Dispense de caution par le constituant; insolvabilité de l'usufruitier. Mise en cause des intéressés.
86. -124. Dispense légale de cautionnement au profit des père et mère et du donateur sous réserve d'usufruit; exception au cas de simple embarras de leurs affaires. 87. -125. Obligation de soins pour l'usufruitier: fautes positives et négligences.
88. -126. Incendie: nécessité de prouver la faute de l'usufruitier.
89. -127. Réparations d'entretien. -128 et 129. Détermination des grosses réparations.
90 et 91. —130. Difficultés, en France, an sujet des grosses réparations; solution du Code italien et du Projet japonais. -131. Cas où la destruction des bâtiments entraîne l'extinction de l'usufruit.
92. -132. Contributions annuelles ordinaires; charges extraordinaires, emprunts forcés. -133. Rapprochement entre l'émission de papier-monnaie à cours forcé et les emprunts forcés. -134. Impôts extraordinaires: moyen de les reconnaître.
93. -134 bis. Sanction du défaut de payement.
94. -135. Assurance contre l'incendie: nature de ce contrat. -136. Suite. -137. Assurance par le nu-propriétaire, soit de la pleine propriété, soit de la nue propriété seule.
95. -138. Assurance par l'usufruitier, soit de la pleine propriété, soit de l'usufruit seul; assurance des récoltes.
96. -139. Usufruit universel ou à titre universel: ses charges spéciales.
97. -140. Usufruit à titre particulier: poursuite hypothécaire contre l'usufruitier; son recours en garantie.
98. -141. Trois modes de contribution respective aux charges, lorsqu'il y a lieu.
99. -142. Usurpations des tiers.
100. -143. Procès intéressant l'usufruitier: contribution aux frais.
101. -144. Mise en cause des intéressés: sanction.
COMMENTAIRE.
Art. 74. — 111. L'inventaire des meubles et l'état des immeubles sont des garanties nécessaires pour le nu-propriétaire; ils sont utiles aussi à l'usufruitier, en le mettant à l'abri de réclamations abusives.
Comme l'usufruitier possédera seul les biens soumis à son usufruit, il lui serait facile de les détériorer, peut- être de mauvaise foi, souvent par négligence; en outre, pour les meubles, il serait difficile, à l'époque de la restitution, d'en connaître le nombre et la qualité; ce serait une occasion de contestations et de procès.
L'inventaire n'est autre chose qu'une énumération, avec description sommaire, des objets mobiliers qu'il s'agit de déterminer (a); on y ajoute aussi leur valeur, pour le cas où ils ne seraient pas représentés. On fait un inventaire après décès, après faillite, en cas de mariage, de prise d'une tutelle, etc.
L'état des immeubles est une constatation de leur condition matérielle: on y mentionne s'ils sont fraîchement réparés ou, au contraire, dégradés, et dans quelle partie comme dans quelle mesure ils le sont.
Pour que ces deux actes, inventaire et état, soient opposables au nu-propriétaire, il faut nécessairement qu'il y ait été présent ou, au moins, qu'il y ait été appelé par une sommation en bonne forme.
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(a) Inventaire, du latin iîzieni,re, " trouver," parce qu'on y porte tout ce qui est trouvé.
Art. 75. — 1. 12. Si les parties sont présentes et capables, rien ne s'oppose à ce qu'elles fassent un inventaire sous seing privé, qui sera opposable, plus tard, à leurs héritiers ou ayant-cause autant qu'à elles-mêmes. Mais, si l'une des parties n'est pas présente ou est incapable, il faudra naturellement que les actes soient faits par un officier public, comme un notaire (b).
Le mineur serait valablement représenté par son tuteur, la femme par son mari, pourvu que les intérêts du représentant et ceux du représenté ne fussent pas en opposition, ce qui arriverait si l'un des deux était le nu-propriétaire et l'autre l'usufruitier.
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(b) La loi sur le Notariat est aujourd'hui promulguée (août 1886,19e année de Meiji): elle donne compétence aux notaires pour ces sortes d'actes.
Art. 76. — 113. On sait, par l'article 19 des Dispositions préliminaires, que les choses fongibles sont celles qui peuvent se remplacer par des équivalents parfaits; ce sont des choses de quantité, qui sont désignées par leur espèce, avec indication de leur poids, de leur nombre ou de leur mesure. Les choses qui se consomment par le premier usage ont généralement ce caractère, mais elles ne sont pas les seules, comme on l'a expliqué sous les articles 18 et 19.
Déjà aussi, l'article 57 nous a dit que le droit de l'usufruitier se confond, dans ce cas, avec un droit de propriété, sous l'obligation de rendre l'équivalent, ce qui l'a fait appeler quasi-nsvfruit.
Lorsque l'usufruit porte sur des objets envisagés comme corps certains, il faut, mais il suffit, que l'inventaire en donne une description qui en constate la nature, l'état et les caractères propres; on peut aussi y apposer des signes, marques ou cachets qui empêcheraient d'y substituer des objets similaires: l'estimation, dans ce cas, n'est pas nécessaire; elle serait seulement utile pour le cas où les objets ne seraient pas représentés ou pourraient avoir été détériorés; aussi sera-t-elle presque toujours faite.
Mais, pour les choses fongibles, l'estimation sera bien plus utile et presque nécessaire; ce sera la manière la plus simple et la plus sûre de déterminer la qualité des choses.
Quand l'estimation aura été faite, elle jouera le rôle d'une vente de ces objets à l'usufruitier: le prix d'estimation sera dû par lui, comme s'il était acheteur; seulement, ce n'est qu'à la fin de l'usufruit qu'il sera exigible Il est toutefois permis aux parties de ne pas laisser à l'estimation ce caractère de vente et, réciproquement, elles peuvent le lui donner à l'égard de choses non fon- gibles de leur nature, par exemple: pour des vêtements, du linge et autres choses qui se détériorent facilement par l'usage. Dans le premier cas, l'usufruitier devra rendre, non les objets eux-mêmes (on n'en a pas constaté l'identité), mais des objets semblables en quantité, qualité et valeur; dans le second cas, au contraire, ce ne sont plus des objets semblables qui seront rendus, mais leur estimation qui vaut vente.
Comme l'inventaire et l'estimation sont utiles aux deux parties, en les préservant respectivement de contestation* mal fondées, la loi pourrait les mettre à la charge de toutes deux, par égales portions. Mais elle distingue avec plus de raison, si l'usufruit a été constitué à titre gratuit ou à titre onéreux et c'est dans ce dernier cas seulement qu'elle divise les fiais; dans le premier cas, il est juste-que l'usufruitier les supporte en entier (1). C'est une sage innovation du Pjojet.
Art. 77. — 14. Il n'eût pas été admissible que le constituant de l'usufruit, par une confiance, exagérée peut-être, dans la loyauté de l'usufruitier et dans sa bonne administration, pût compromettre les droits du nu-propriétaire, bien que celui-ci soit souvent son héritier; il fallait donc permettre à ce dernier de faire procéder à l'inventaire des meubles et à l'état des immeubles, dans son propre intérêt, nonobstant toute dispense du constituant, mais alors à ses frais.
Le même droit est reconnu à l'usufruitier, aux mêmes conditions.
On pouvait hésiter, dans ce cas, à donner à l'estimation le caractère de vente, pour les choses fongibles; mais comme l'usufruitier est toujours appelé à contrôler et à contester l'estimation, on ne voit pas de raison sérieuse de supprimer cet effet de l'estimation: il est demandé par la nature de ces choses.
Les renvois faits par le 2e alinéa n'ont pas besoin d'autre justification.
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(1) Cette distinction n'était pas faite dans l'ancien texte.
Art. 78. — 115. Lorsque l'usufruitier commet la faute prévue au présent article, d'entrer en jouissance sans avoir fait l'état et l'inventaire prescrits, il est naturel qu'il en subisse les conséquences.
Pour les immeubles, comme l'habitude des propriétaires est de les tenir en bon état, tant pour les conserver que pour en tirer profit, la présomption légale est en ce sens: c'est donc à l'usufruitier de prouver qu'ils étaient en mauvais état au moment où il est entré en possession. Cette preuve pourra se faire par les moyens ordinaires: notamment, par témoins connaissant les dégradations comme étant antérieures à l'entrée en jouissance, ou par experts déclarant de même qu'elles remontent à une époque antérieure.
Pour les meubles, leur prompte dépérition par l'usage ne permettrait pas de présumer qu'ils étaient en bon état; ce qui importe, avant tout, c'est de savoir quels ils étaient, de quelle nature, en qu'elles quantité et qualité.
Mais l'usufruitier sera, néanmoins, exposé à souffrir de sa faute, parce que le nu-propriétaire aura une grande facilité à faire preuve contre lui de la consistance et de la valeur du mobilier: il aura non-seulement les témoignages, les présomptions de fait tirées des circonstances (notamment, de la qualité du constituant, de sa fortune, de son rang), mais encore il aura la commune renommée, c'est-à-dire, le bruit public, l'opinion générale des personnes du voisinage (v. art. 1410).
La grande différence entre les témoignages et la commune renommée, c'est que, dans le témoignage, le témoin ne peut déclarer que ce qu'il sait par lui-même, tandis que, dans la commune renommée, le témoin déclare ce qu'il a entendu dire à d'autres sur les faits dont il s'agit.
Le Code français n'a pas formellement permis cette preuve, dans le cas qui nous occupe; mais on n'hésite pas à l'admettre en jurisprudence, par analogie d'autres cas où la loi la permet (voy. c. civ. fr, art. 1415, 1442, 1504).
Art. 79 et 80. -116. Une caution est une personne qui répond des obligations d'une autre, en prenant vis-à-vis du créancier un engagement particulier, au moyen d'un contrat spécial appelé cautionnement.
L'engagement de la caution est, de sa part, un bon office, un office d'amitié, vis-à-vis du débiteur principal; sauf son recours, si elle est, un jour, obligée de payer pour lui.
Il sera traité en détail du cautionnement au Livre IVe, ire Partie, au sujet des garanties des obligations (v. art. 1103 et s.).
117. Les autres garanties que peut fournir l'usufruitier sont assez variées.
Il peut présenter une personne qui s'engagera solidairement avec lui aux restitutions et indemnités dont il s'agit: ce serait même une garantie plus forte que le cautionnement.
Si l'usufruitier présentait soit une caution, soit un codébiteur d'une solvabilité douteuse, ou si le nu-propriétaire ne voulait pas accepter un garant solvable, le tribunal devrait intervenir, sur la demande de la partie la plus diligente.
Si le garant présenté par l'usufruitier est solvable, le nu-proprié taire devra s'en contenter; dans le cas contraire, un cautionnement réel sera fourni comme la loi l'indique.
Ces autres garanties sont dites réelles, parce qu'elles consistent, non plus dans l'intervention d'une personne, mais dans l'affectation d'une chose: dépôt de somme d'argent, soit à la caisse publique à ce destinée, soit dans les mains d'un tiers agréé par les deux parties, enfin, gage ou hypothèque.
Art. 81. — 118. On a vu déjà, à l'article 76, quand l'estimation des meubles " vaut vente; " dans ce cas l'usufruitier devant une somme fixe à la fin de l'usufruit, c'est pour cette somme tout entière que la garantie est due. A plus forte raison en est-il ainsi, lorsque l'usufruit porte directement sur une somme d'argent. Dans ces divers cas, on peut, sans porter atteinte à sa considération, craindre qu'il ne se trouve plus tard dans l'impossibilité de payer.
Mais, quand l'estimation ne vaut pas vente, il est naturel que le cautionnement ne garantisse pas toute la valeur estimative, car il serait injurieux pour l'usufruitier de supposer qu'il aura détourné les objets ou qu'il les aura laissés périr en totalité; mais on peut, sans lui faire injure, craindre quelques négligences. La loi fixe donc la garantie à la moitié de la valeur estimative, ce qui paraît répondre suffisamment aux probabilités de perte partielle ou de dépréciation.
Mais si l'usufruitier, usant de la faculté qui lui appartient, cède ou loue son droit sur ces meubles, le propriétaire ne peut être porté à la même confiance envers le tiers qui désormais possédera les meubles; la garantie sera donc due pour le tout.
119. Ici se présente une question que la loi n'a pas tranchée, mais qui peut se résoudre par les principes: cette extension de garantie aura-t-elle lieu de plein droit, ou faudra-t-il un nouvel engagement, soit dé la caution, soit de l'usufruitier?
Et d'abord, quant à la caution ou au codébiteur solidaire, rien no peut être exigé d'eux au-delà de la moitié de la valeur estimative, car leur engagement a été limité à cette somme; si l'usufruitier avait détourné, dissipé ou détruit les choses usufructuaires, le garant, dans le cas qui nous occupe, n'en payerait toujours que la moitié; il no peut donc être tenu davantage parce que l'usufruitier aura cédé son droit.
Quant à l'usufruitier, il en est autrement: c'est par son fait que l'obligation de garantie se trouve étendue; s'il a fourni un cautionnement réel, par dépôt de valeurs lui appartenant, s'il a donné un gage ou une hypothèque et que ces valeurs suffisent au supplément de garantie, l'extension aura lieu de plein droit.
Pour le gage, on trouverait en ce sens un argument d'analogie dans l'article 20-82 du Code français; mais le Projet n'admettra pas la disposition de cet article, à cause de ses dangers (c); c'est par une autre raison que nous admettrons ici l'extension du gage: il n'y a pas ici une nouvelle dette de l'usufruitier, mais une extension de la première et aucun autre créancier n'ayant acquis le même gage, il n'y a de surprise pour personne.
Pour l'hypothèque, il y a une différence à noter: le nu-propriétaire n'aurait pas le même rang pour les deux fractions de sa créance; si d'autres créanciers avaient acquis une hypothèque sur les mêmes biens, ils ne seraient primés que par la première fraction de la dette, telle qu'elle est révélée par l'inscription, parce qu'ils ne peuvent voir leur position s'empirer par un fait auquel ils sont étrangers; il faudrait de plus que l'augmentation de la créance hypothécaire fût révélée par une inscription supplémentaire, pour être opposée aux créanciers postérieurs (v. art. 1219).
Si ces valeurs ne suffisent pas pour garantir toute la dette, l'usufruitier devra fournir un supplément de garantie réelle ou personnelle.
A l'égard des immeubles, soit que l'usufruitier exerce lui-même son droit, soit qu'il le loue, la garantie ne sera jamais totale, parce qu'il n'est pas probable, même pour les bâtiments, que la perte totale ait lieu par la faute de l'usufruitier ou de son cessionnaire, et, s'il s'agit de fonds de terre, la détérioration ne peut, en général, être que minime; la loi fait donc sagement de laisser au tribunal le soin d'arbitrer le montant de la garantie exigible.
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(c) L'article 2082, 29 a1., peut couvrir une fraude qui consisterait à placer sous la garantie d'un gage donné pour une dette déterminée une nouvelle dette dont l'échéance arriverait avant le payement de la première (V. Tome IV, 110 242).
Art. 82. — 120. Le cautionnement et les autres garanties qui sont indiquées par les articles précédents n'étant que les accessoires d'une obligation principale, il faut que celle-ci soit contractée en forme expresse; autrement, il serait difficile, au cas où la responsabilité de l'usufruitier serait encourue, de donner une base certaine à la condamnation. Cet engagement formel aura encore un autre avantage: il permettra au nu-propriétaire de poursuivre l'usufruitier sur tous ses biens, meubles et immeubles, indépendamment de ceux qui pourraient être affectés spécialement aux obligations qui précèdent.
Il pourra être sous seing privé.
Art. 83. — 121. La loi s'est efforcée de concilier les intérêts du propriétaire avec les droits de l'usufruitier qui ne peut fournir les garanties requises: il n'eût pas été juste de le déclarer déchu de son droit pour refus ou impossibilité de satisfaire à cette obligation.
Les moyens que la loi indique pour cette conciliation sont assez détaillés au texte pour n'avoir pas besoin d'être développés.
On remarquera seulement trois dispositions qu'il est facile de justifier:
1° Le dépôt des sommes à la caisse publique des dépôts et consignations ou leur emploi en rentes sur l'Etat, sont faits " sous les noms réunis des deux ayant- droit:" le motif est qu'il ne faut pas que l'un puisse, sans le consentement de l'autre, retirer les sommes déposées ou aliéner les rentes.
2° Quand les fonds sont loués, l'usufruitier ne perçoit les loyers ou fermages que " sous la déduction des frais d'entretien et des autres charges annuelles: " on verra, tout à l'heure, que l'usufruitier qui jouit par lui-même supporte ces charges; or, il ne fallait pas que lorsque la jouissance a dû être attribuée au propriétaire ou à un tiers, à défaut de cautionnement, l'usufruitier bénéficiât de ces charges en ne les acquittant pas. Toutefois, la loi excepte le cas où ces charges seraient imposées nu preneur: dans ce cas, le prix des loyers ou fermages, calculé en conséquence, serait déjà moins élevé.
3° Le Projet, en laissant les meubles au nu-propriétaire, s'écarte du Code français qui permet au juge Il de laisser à l'usufruitier une partie des meubles nécessaires à son usage, d'après les circonstances et sous sa simple caution, jaratoire," c'est-à-dire sous la promesse, avec serment, de les conserver avec soin et de les rendre à la fin de l'usufruit (art. 603). Le Code italien (art. 499) a la même disposition, sans l'obligation du serment.
Le serment paraissant rencontrer des objections au Japon, on n'a pas cru devoir l'introduire ici; dès lors, on ne laisse aucun meuble à l'usufruitier qui ne peut fournir de garantie: tout dépendra ainsi de la confiance - et de la bonne volonté du nu-propriétaire.
Art. 84. — 122. Il eut été inadmissible que, faute de fournir une garantie totale, l'usufruitier fût traité avec la même rigueur que s'il n'en pouvait fournir aucune. Il est juste aussi que le choix lui appartienne, quant aux objets auxquels s'appliquera la garantie partiellement fournie.
La loi n'a pas cru nécessaire de régler le cas où l'usufruitier se trouverait, plus tard, en mesure de fournir le cautionnement total. Il faut décider, évidemment qu'il pourrait i entrer dans l'exercice de son droit; sauf qu'il devrait respecter la durée des baux consentis, soit à des tiers, soit au nu-propriétaire, en vertu de l'article précédent.
Le Code français n'a pas prévu formellement le cas où l'usufruitier ne pourrait fournir la garantie que partiellement.
Art. 85. — 123. Lorsque le constituant ou le nu- propriétaire a dispensé l'usufruitier du cautionnement, ce n'est pas parce qu'il a voulu s'exposer ou exposer son héritier à la perte des choses usufructuaires, c'est parce qu'il a compté, tout à la fois, sur l'honnêteté de l'usufruitier, sur sa bonne administration et surtout sur sa solvabilité future. Il est donc naturel que, l'insolvabilité survenant, l'usufruitier perde un bénéfice qui ne répond plus à l'intention présumée du constituant
Le Code français n'a pas de pareille disposition; mais peut-être conduit-il à un résultat plus dur encore pour l'usufruitier, car il a une disposition générale d'après laquelle la faillite ou la déconfiture fait perdre au débiteur le bénéfice du terme (art. 1188); on pourrait donc soutenir que, dans les cas de quasi-usufruit, au moins, lorsque l'usufruitier est débiteur de sommes d'argent, son insolvabilité le soumet à l'exigibilité immédiate.
Art. 86. — 124. La dispense de cautionnement accordée aux père et mère ayant l'usufruit légal sur les biens de leurs enfants mineurs est fondée sur le respect et la confiance qu'ils doivent inspirer, quand il s'agit de l'intérêt de leurs enfants. On devait cependant, par exception, les soumettre au cautionnement, lorsqu'ils sont déjà insolvables ou seulement embarrassés dans leurs affaires au moment où l'usufruit commence, et surtout lorsqu'ils le deviennent au cours de l'usufruit (2). Il serait à craindre, en pareil cas, que les créanciers des père et mère ne se fissent payer sur les valeurs fongibles dont l'usufruit est un véritable droit de propriété.
Le second cas de dispense se rapporte à un cas de constitution d'usufruit qui n'est pas rare en France, celui où un donateur de la propriété s'est réservé l'usufruit, sa vie durant. On dit, dans ce cas, que l'usufruit est retenu ou " constitué par rétention " (v. art. 47, 4c al.).
La dispense de cautionnement est fondée sur les mêmes motifs que pour les père et mère: on ne doit pas se défier de celui qui s'est montré généreux par la donation du capital.
Mais on a dû admettre aussi une exception pour le cas d'insolvabilité ou d'embarras dans les affaires et à l'égard des clioses fongibles dont les créanciers pourraient se saisir.
Le Code français (art. 601) dispense aussi du cautionnement " le vendeur sous réserve d'usufruit." On n'a jamais pu justifier pleinement cette dispense: le vendeur, contractant à titre lucratif, ne peut inspirer la même confiance qu'un donateur; ou a cru pouvoir justifier la loi en disant que si l'acheteur (nu- propriétaiæ) n'a pas une confiance suffisante, il pourra ne traiter que sous la condition du cautionnement; mais nous croyons qu'il vaut mieux faire le raisonnement inverse et dire que si l'acheteur a pleine confiance, il pourra dispenser le vendeur du cautionnement.
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(2) On a ajouté au nouveau texte " le simple embarras des affaires," parce que la dispense de cautionnement étant ici l'œuvre de la loi et non celle du constituant, il y a lieu d'être plus réservé pour ce qui peut compromettre les intérêts de celui-ci.
Art. 87. — 125. Cet article développe une des obligations de l'usufruitier tellement importante par sa continuité et sa généralité qu'elle a pris place dans la définition même de l'usufruit (v. art. 46).
Elle ne présente d'ailleurs pas de difficultés théoriques; ce n'est que dans l'application pratique qu'il peut se rencontrer des cas délicats pour les tribunaux.
Il n'est pas douteux que l'usufruitier sera responsable, s'il a laissé la chose se détériorer par le défaut des travaux d'entretien qui lui incombent, ou par des actes qui tendent à exagérer la production et épuisent le sol ou les animaux; dans le premier cas, il y a négligence ou omission (acte négatif), dans le second, il y a faute par commission (acte positif); il en serait de même, s'il a négligé d'avertir le propriétaire de la nécessité de grosses réparations qui dépendent surtout de celui- ci: notamment, si cette nécessité est survenue brusquement, à la suite d'une tempête ou d'une inondation et si le propriétaire n'habite pas au même lieu.
Art. 88. — 126. L'ancien texte établissait ici contre l'usufruitier une présomption de faute fondée sur l'expérience. Les incendies proviennent, le plus souvent, de la négligence des habitants des maisons. Quand la cause première reste inconnue, c'est parce que l'incendie détruit presque toujours les lieux où l'incendie a commencé, et l'enquête, dès lors, ne peut donner de résultats utiles; en outre, les habitants, craignant quelque responsabilité, sont portés à nier tout ce qui pourrait leur être imputé à faute.
Cette présomption de négligence paraissait surtout fondée en raison, quand celui qui habite les bâtiments n'en est pas propriétaire; alors, il n'est pas autant retenu par son intéiêt. La loi établissait plus loin (art. 152) la même présomption de faute contre le locataire et, là, on donnait plus de développements à cette théorie, parce- que l'application au louage devait être plus fréquente.
Au reste, la sévérité de la loi était moins grande qu'on ne pouvait le croire au premier abord: l'usufruitier et le locataire avaient le droit de faire la preuve contraire par tous les moyens possibles
Ainsi, chaque fois que le feu aurait été communiqué par les bâtiments voisins, ou par la foudre, la preuve n'eût pas été difficile à fournir; dans les autres cas, les juges auraient pu admettre toutes les présomptions de fait à la décharge de l'usufruitier.
Mais ce système n'a pas prévalu dans la Commission, et il a été décidé que l'usufruitier ??esera responsable de l'incendie que s'il est prouvé que sa faute en a été la cause.
Nous avons accepté la correction, sans toutefois approuver entièrement qu'on s'écarte ici de la règle que " celui qui invoque un cas fortuit ou de force majeure doit le prouver " (v. art 563).
L'innovation repose sur l'idée que l'incendie est, en principe, un cas fortuit ou une force majeure, sauf la preuve contraire Au Japon, plus qu'ailleurs, cette innovation nous paraît dangereuse: elle n'excitera pas les usufruitiers et les locataires à la vigilance, à la surveillance de leur éclairage et de leurs foyers.
Quoi qu'il en soit, la même innovation se retrouvera naturellement en matière de louage (v. art. 152).
La loi devait prévoir aussi le cas de plusieurs usufruitiers conjoints et dont la faute collective serait prouvée. B'allait-il, dans ce cas, les déclarer solidairement responsables, ou diviser également leur responsabilité ? Aucune de ces solutions n'a paru acceptable: la solidarité serait trop sévère; la division serait illogique, car une faute ne peut être commise par parties. La loi prend un terme moyen: l'obligation sera intégrale ou pour le tout, sans être solidaire. La solution sera mieux comprise quand on verra, au Livre IVe, ire Partie, ce que sont l'obligation solidaire (art. 1052 et s.) et l'obligation intégrale (art. 1074).
Art. 89. — 127. La distinction entre les grosses réparations et celles d'entretien est facile à faire d'après notre article (oe et 4e al.) qui énumère les grosses réparations et laisse aux autres, au moins en général, le caractère de réparations d'entretien.
Il y a deux motifs de mettre à la charge de l'usufruitier les réparations d'entretien: 1° un bon administrateur les fait toujours par un prélèvement sur ses revenus; or, l'usufruitier a les revenus, il en doit donc supporter les charges normales; 2° les réparations d'entretien sont rendues nécessaires, en grande partie, par l'usage journalier de la chose; or, c'est l'usufruitier qui a cet usage.
Les cas exceptionnels où l'usufruitier serait tenu des grosses réparations (2° al.) se justifient d'eux-mêmes, soit qu'il y ait eu faute directe de sa part, par exemple, s'il avait compromis la solidité d'un bâtiment en supprimant des séparations intérieures, dans le but d'agrandir les pièces, soit qu'il ait négligé de réparer les toits ou les conduites d'eau et qu'il en fût résulté des dégradations sérieuses.
128. La loi détermine ici les grosses réparations d'une façon qui paraît assez complète, mais qu'il ne faut pas cependant considérer comme absolument limitative.
Le Code français, dans l'article 606, donne une énu- mération analogue, mais elle y est limitative; car, il ajoute que " toutes autres réparations sont d'entretien."
Ce procédé n'est pas sans inconvénients: il y a une telle variété dans les constructions que beaucoup de réparations non prévues par cet article G06 peuvent se trouver nécessaires et devront être considérées comme d'entretien: par conséquent, elles se trouveront obligatoires pour l'usufruitier; cependant, elles peuvent être d'une telle importance que la raison répugne à y voir une charge des revenus; telle serait, par exemple, la reconstruction totale d'un escalier. D'un autre côté, il y a des escaliers de très peu d'importance, qui ne desservent que des dépendances. Il vaut donc mieux laisser aux tribunaux un certain pouvoir d'appréciation pour les cas non prévus par la loi. C'est ce qui, avec la rédaction proposée, aura lieu au Japon.
Ainsi, s'il s'agit d'un aqueduc rompu, il serait difficile de décider, tout d'abord et d'avance (a priori), si la réparation est grosse ou d'entretien; il faudra considérer la nature de l'aqueduc, son importance, les matériaux avec lesquels il est construit, etc. (d).
Le principe qui devra servir de guide aux tribunaux sera celui-ci: si les travaux sont assez peu coûteux pour qu'un bon administrateur dût les faire avec ses revenus, ils seront à la charge de l'usufruitier; s'ils sont de nature à ne pouvoir être faits qu'avec les capitaux, ils seront de grosses réparations.
129. Sur la rédaction même de l'article, il reste à faire quelques observations:
La loi parle de murs principaux: c'est ce que le Code français appelle gros murs, c'est-à-dire, les murs extérieurs du bâtiment, qui supportent les planchers et le toit, ainsi que les murs intérieurs servant à la même destination, contenant aussi les cheminées, et qu'on appelle murs de refend (parce qu'ils fendent la maison du bas en haut); au Japon, on préfère l'expression de murs principaux; bien entendu, cette expression ne s'entendra que de maisons construites en pierre ou en brique; car pour les constructions en bois, on s'attachera à l'importance des charpentes et non plus aux parois qui alors sont assez faibles.
Pour les koiii-as ou do-zô (e), on peut décider de même: si les charpentes ne sont pas intéressées dans la réparation, s'il ne s'agit que de refaire l'enduit extérieur, la réparation pourra être déclarée d'entretien
Les murs de soutènement s'entendent des murs qui retiennent les terres, dans le cas d'inégalités de terrains; les digues sont des murs ou des relevées de terre qui retiennent les eaux sujettes à débordements; les murs de clôture s'entendent des clôtures en brique, en pierre, ou en tuiles et terre; mais on ne pourrait donner le nom de murs à des clôtures en planches ou en bambous; la réfection en serait donc à la charge de l'usufruitier.
Pour les murs de clôture, la loi française ne reconnaît qu'il y a grosse réparation que s'ils sont refaits en entier; de même pour la couverture. Il a paru qu'il était trop rigoureux de laisser toute réfection partielle à la charge de l'usufruitier: la loi a fait plus sagement d'adopter comme limite le 10' de la superficie, en longueur et hauteur combinées, pourvu encore qu'elle excède un tsoubo (6 pieds) de superficie. Il a paru également juste d'adopter la même mesure pour les couvertures.
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(d) Le Code italien (art. 50 1) place, sans distinction, dans les grosses réparations "le renouvellement des aqueducs, en entier ou pour une partie notable.
(e) Ces constructions, dont la nature est à l'épreuve de l'incendie, ont une grande Importance au Japon, pour serrer les objets de valeur > les Anglais les nomment go-down. Elles sont presque inconnues én France (v. nos 352 et 418).
Art. 90 et 91. -130. Hors les deux cas prévus à l'article 89, 2e alinéa, l'usufruitier n'est pas tenu des grosses réparations; doit-on en conclure qu'il soit en droit de se faire rembourser les grosses réparations qu'il aurait faites volontairement ? Il est vrai que si ces dépenses avaient été faites par un étranger, celui ci pourrait se les faire rembourser, d'après les principes de la gestion d'affaires; mais l'usufruitier ne paraît pas ici avoir agi dans l'intérêt du nu-propriétaire; il a plutôt agi dans le sien propre, pour avoir une jouissance plus complète, ou plus longue, en évitant la perte de la chose.
La question fait grande difficulté en France, à cause de la contradiction apparente des articles 605 et 60.7, dont le premier déclare que " les grosses réparations sont à la charge du nu-propriétaire," ce qui, pris à la lettre, autoriserait l'usufruitier à contraindre le nu-propriétaire à faire ces réparations: prétention inadmissible, le second article ajoutant, que "ni le propriétaire, ni l'usufruitier ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté ou ce qui a été détruit par cas fortuit."
Le Code italien a tranché la question très nettement et d'une façon très sage et très équitable (art. 502 et 503): il ne met pas les grosses réparations à la charge du propriétaire, et il déclare: 1° que si l'usufruitier les a faites, il sera remboursé, à la fin de l'usufruit, de la valeur des travaux telle qu'elle subsiste encore; 2° que si le propriétaire a consenti à en faire l'avance, l'usufruitier lui en payera les intérêts annuels pendant la durée de l'usufruit (3).
Dans l'intérêt général ou économique il faut encourager aussi bien l'usufruitier que le nu-propriétaire à faire les grosses réparations.
L'usufruitier peut y avoir intérêt, assurément: sans cela son droit pourrait cesser par la perte de la chose (v. art. 102); mais comme l'usufruit est viager et aléatoire, il ne serait pas juste que s'il venait à s'éteindre, peu après que l'usufruitier aurait fait des dépenses plus ou moins considérables, le propriétaire en bénéficiât purement et simplement: en présence d'un pareil risque, l'usufruitier laisserait le plus souvent périr tout à fait les bâtiments.
Le nu-propriétaire, de son coté, ne serait pas disporé à faire une dépense dont il ne pourrait peut-être profiter qu'après un temps considérable: il préférerait laisser les bâtiments périr, pour voir finir l'usufruit par anticipation. S'il a la sagesse de faire les réparations, il n'est pas juste que l'usufruitier en profite, longtemps peut- être, sans y contribuer.
La loi adopte donc un mode de contribution qui va bientôt avoir d'autres applications: l'usufruitier rembourse chaque année au propriétaire l'intérêt de la dépense; si, au contraire, c'est lui qui fait l'avance des frais de réparations, il n'en est remboursé qu'à la fin de l'usufruit, et seulement dans la mesure où subsiste encore la valeur de ces réparations.
De cette façon, chacun a intérêt à faire les grosses réparations et les immeubles ne périront pas.
La constatation c. 'ntradictoire de la nécessité des dépenses, dans les deux cas, n'a pas besoin d'être justifiée. On remarquera seulement une différence entre eux: dans le cas où c'est l'usufruitier qui veut faire procéder aux réparations, il doit en faire constater la nécessité et s'assurer du refus du propriétaire d'y faire procéder; dans le cas où c'est le propriétaire qui veut faire la dépense, il doit en faire constater non seulement la nécessité, mais le montant, pour que l'usufruitier lui en paye l'intérêt annuel.
131. Si les bâtiments ont péri en entier, par vétusté ou par accident, il n'est pas moins conforme à l'intérêt économique de les rebâtir qu'il n'eût été utile de prévenir leur chûte par de grosses réparations. Mais la double solution qui précède ne s'applique que si cette perte n'est pas de nature à entraîner l'extinction totale de l'usufruitier: d'abord, le propriétaire se gardera bien de faire la réëdiiication; quant à l'usufruitier, il n'en aurait pas le droit, ne pouvant faire renaître un usufruit une fois éteint.
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(3) Nous avions adopté dans l'ancien texte une solution pins précise que celle du Code français, mais très rigoureuse: ni le propriétaire ni l'usufruitier n'étaient tenus de faire les grosses réparations; chacun pouvait les faire suir vant son intérêt, mais sans aucun recours contre l'autre.
La Commission nous a demandé de modifier cette disposition d'une façon qui préservât les bâtiments d'une perte totale. Nous ne pouvions cependant obliger soit le proprié taire, soit l'usufruitier, à faire la dépense des grosses répa- tlons: il suffisait de les y intéresser l'un et l'autre; dès lors, s'imposait la solution d.u Code italien que nous n'avions rejetée que parce qu'elle exposait le nu-propriétaire à conserver des bâtiments que peut-être il eût préféré laisser dépérir, pour les reconstruire en entier, ou même les supprimer: nous nous y sommes rallié, sans plus insister, et la Commission s'est trouvée pleinement satisfaite.
Art. 92. — 132. Cet article correspond aux articles 608 et 609 du Code français.
Les contributions annuelles ordinaires sont une charge naturelle des fruits: un bon administrateur ne les paye pas avec les capitaux; elles sont donc supportées par l'usufruitier qui a les revenus.
Il en est autrement des charges extraordinaires: elles ne sont pas continues et elles sont souvent trop élevées pour être payées avec les revenus. Elles ne peuvent donc être imposées à l'usufruitier, à cause de la nature de son droit, limité dans sa durée autant que dans son étendue: il en supportera seulement l'intérêt, puisqu'elles diminuent le capital dont il jouit.
La loi détermine deux cas qui seront toujours considérés comme charges extraordinaires; mais elle n'est pas plus limitative ici que dans la plupart des autres énumérations.
Les emprunts forcés sont aujourd'hui abandonnés par les Gouvernements, parce qu'ils détruisent la confiance, amènent la dissimulation des capitaux et, ainsi, augmentent les embarras du pays; on préfère donc, avec raison, les emprunts volontaires.
Depuis une trentaine d'années, on pratique en Europe, en France surtout, les emprunts par voie de souscription nationale. Ces emprunts ont deux formes: 1° des obligations du Trésor, remboursables à long terme, avec intérêts annuels; 2° des rentes perpétuelles, dont le capital n'est remboursable qu'à la volon'é du Gouvernement, mais portant des intérêts ou arrérages annuels jusqu'au remboursement (ee).
Au Japon, l'histoire de l'ancien Gouvernement offre, comme ceux d'Europe, des exemples d'emprunts forcés vis-à-vis des princes et des riches marchands; mais le Gouvernement impérial s'en est entièrement abstenu depuis la Restauration et, vraisemblablement, il n'y recourra jamais; toutefois, il convient, à tout événement, de leur reconnaître le caractère de charge extraordinaire.
133. On pourrait être porté à considérer comme constituant un emprunt forcé l'émission, par les Gouvernements, de papier-monnaie ayant cour* forcé, même avec une époque fixe pour la conversion en monnaie métallique, puisque l'Etat impose alors ce papier à ses créanciers; mais, comme il est difficile de concevoir qu'on soit créancier de l'Etat sans un acte volontaire, le créancier ne peut alléguer qu'il soit contraint malgré lui à recevoir du papier au lieu d'espèces; cette allégation ne serait fondée que dans le cas où la créance serait née avant l'émission du papier ou l'établissement du cours forcé. Dans ce cas, il est difficile de ne pas voir dans l'émission du papier-monnaie, un emprunt forcé, au moins à l'égard de ces créanciers.
Mais, au point de vue qui nous occupe, la question n'a pas d'intérêt: le cours forcé du papier-monnaie n'entraînera pas de "charge extraordinaire" qui puisse retomber sur l'usufruitier ou dont il soit besoin de l'affranchir: la seule conséquence qu'il en éprouverait serait, s'il était usufruitier d'une créance sur l'Etat, de recevoir les intérêts, et le capital, s'il y avait lieu, en une valeur souvent dépréciée; mais aussi, lorsque viendrait le moment de restituer au propriétaire les capitaux remboursés, il le ferait en la même valeur.
134. Les impôts extraordinaires diffèrent des emprunts forcés en ce que ceux-ci sont, en principe, remboursables et peuvent porter intérêt jusqu'au remboursemelJt, tandis que les impôts, moins élevés, sans doute, sont un sacrifice complet et irrévocable demandé aux citoyens.
Le Projet ne peut prévenir tous les doutes sur le point de savoir quand un impôt sera extraordinaire dans l'avenir; d'abord, cette matière appartient surtout au droit administratif, et; malheureusement, les lois administratives surtout celles d'impôt, sont, en général élaborées dans un autre esprit que les lois civiles, sans vues d'ensemble et au fur et à mesure que naissent ou changent les besoins de l'Etat; ensuite les impôts extraordinaires sont presque toujours la conséquence d'événements politiques graves, et le législateur ne peut songer, en pareil cas, que les nouvelles charges qu'il crée pourront susciter des conflits entre les nu- propriétaires et les usufruitiers. Mais la disposition du présent article invite en quelque sorte le législateur futur à donner lui-même aux impôts extraordinaires qu'il pourra créer une qualification qui prévienne les difficultés.
Ce qui est certain, dès à présent, c'est que pour qu'un impôt ait le caractère " extraordinaire," il ne suffira pas qu'il soit nouveau, c'est-à-dire créé après la constitution de l'usufruit; il n'en serait pas moins, dans la plupart des ca^, une charge des revenus: c'est une tendance constante des lois de finances, dans tous les pays, d'augmenter les impôts, soit dans leur nature, soit dans leur taux, parce que les dépenses des Etats augmentent constamment; mais aussi, les revenus des immeubles tendent toujours à augmenter. Il ne suffirait pas non plus qu'un impôt fût temporaire, pour avoir le caractère extraordinaire. Ainsi, un impôt qui, à l'origine, aurait été créé sans indication de limite de temps, mais qui aurait été supprimé ensuite, et se trouverait ainsi avoir été temporaire, resterait à la charge de l'usufruitier. Mais, au contraire, un impôt nouveau ou l'augmentation d'un impôt ancien, motivés par des circonstances exceptionnelles, comme par une guerre étrangère ou civile, ou par une disette ou autre grande calamité publique, pourraient être considérés comme extraordinaires, lors même que la loi qui les aurait créés ne leur aurait pas donné la qualification de " temporaires ou extraordinaires " (4).
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(ee) Depuis que ces lignes ont été écrites, on a pratiqué aussi au Japon un emprunt par voie de souscription nationale, pour le dévelop pement de la marine. Nous ne parlons pas d'une souscription volontair pour la défense des côtes: elle est un don à l'Etat.
(4) C'est pour lever tous les doutes sur cette interprétation que le nouveau texte porte "ou résulte clairement des circonstances."
Art. 93. — 134. bis. La Commission s'est préoccupée du cas où les impôts ne seraient pas payés par l'usufruitier, et elle a désiré que le droit du Trésor public vis-à-vis du nu-propriétaire fût nettement établi.
La solution était toute naturelle. D'abord si les revenus du fonds suffisent au payement, il est clair que l'Etat, en vertu de son privilége sur les fruits, les saisira et les fera vendre: la loi n'a pas besoin de l'exprimer. Mais s'il n'y a pas de fruits ou revenus, ou s'ils sont insuffisants, et si le nu-propriétaire n'y supplée pas lui-même, l'Etat fera vendre la pleine propriété, en tout ou en partie: il se payera de l'arriéré des impôts, et l'excédant du prix appartiendra au nu-propriétaire pour le capital et à l'usufruitier pour la jouissance.
La loi veut que le fonds soit vendu en pleine propriété et non en usufruit seulement: d'abord, parce que l'usufruit, seul, pourrait se vendre difficilement; ensuite, parce que le nu-propriétaire est lui-même en faute de ne pas payer l'impôt.
Comme la nature de la chose usufructuaire se trouve changée et que l'argent pourrait être dissipé, l'usufruitier donne caution pour les sommes qui sont laissées en sa possession (comp. art. 113).
Art. 94. — 135. Le contrat d'assurance n'est pas encore très répandu au Japon; on n'en connaît pas bien les nombreuses applications et on en apprécie encore moins les bienfaits considérables.
Les assurances contre l'incendie ne sont guère pratiquées que par les Européens, dans les villes et ports ouverts; mais leur exemple pourra encourager les Japonais (f).
Dans le contrat d'assurance, l'assuré paye une somme annuelle, proportionnelle à la valeur de la chose qu'il veut assurer; l'assureur s'engage à payer une somme unique, dans le cas où le sinistre prévu arriverait. La somme que paye l'assuré se nomme prime (g); la somme que doit l'assureur se nomme indemnité.
L'indemnité peut être inférieure à la valeur de la chose assurée: on dit alors, dans le langage de cette matière, que " l'assuré est, pour partie, son propre assureur " (voy. art. 843); elle ne peut être supérieure à la valeur réelle, parce que l'assurance ne doit pas devenir une occasion de profit pour l'assuré (v. art. 842): il ferait une opération de jeu ou de hasard, un pari, presque toujours défendu, et réaliserait ainsi un gain sans cause.
Pour cette raison, on est porté à considérer l'indemnité comme représentant la valeur de la chose, en tout ou en partie, comme en prenant la place pour tous les ayant-droit. Cut'e idée est inexacte et abandonnée aujourd'hui, en France et, sans doute, dans les autres pays d'Europe: l'indemnité représente les primes payées et peut-être celles promises.
Ainsi, quand la chose était hypothéquée, l'indemnité n'est pas payée au créancier hypothécaire, par préférence aux autres: elle est distribuée à tous les créanciers; pour qu'il en fût autrement, il faudrait que le droit éventuel à l'indemnité eût été transféré au créancier hypothécaire, dans la forme ordinaire des cessions de créance (gg).
On trouve encore une preuve que l'indemnité ne représente que les primes payées, dans les assurances dites sur la-vie, dans lesquelles une personne paye une prime annuelle, sa vie durant, pour qu'à sa mort l'assureur paye aux héritiers un capital convenu: dans ce cas, il ne serait pas raisonnable de dire que ce capital représente la vie de la personne; on peut dire, au contraire, qu'il représente les primes payées et les primes promises, car l'assuré s'engage pour sa vie ou pour un nombre déterminé d'annuités.
Dans l'assurance contre l'incendie, la théorie la plus exacte est celle qui considère l'indemnité comme la contre-valeur des primes payées seulement, parce que l'assurance n'est faite que pour une année, sauf renouvellement et la prime est payée d'avance.
Dans les deux cas, il y a une large part faite au hasard, car il peut y avoir eu peu de primes payées avant le sinistre, comme, en sens inverse, il peut y en avoir eu un grand nombre.
136. Le présent article, en appelant l'usufruitier à jouir de l'indemnité, suivant certaines distinctions, s'explique très bien avec cette thécrie, puisqu'il suppose que l'usufruitier a participé au payement de la prime.
Au surplus, le contrat d'assurance ne peut être fait qu'au profit du propriétaire ou d'une autre personne ayant un droit sur la chose exposée au risque; en effet, l'assurance n'a pour but que de préserver l'assuré d'une perte, elle ne doit jamais, comme on vient de le dire, être pour lui la source d'un bénéfice; or, c'est ce qui pourrait arriver s'il était permis à celui qui paye la prime de stipuler l'indemnité à son profit, dans le cas de perte de la chose d'autrui. On verrait des spéculateurs assurer toute une ville ou tout un quartier, et ce ne seraient pas eux qui recommanderaient la prudence contre le feu, puisqu'ils seraient intéressés au sinistre.
C'est encore un motif à. ajouter à l'appui du principe que le propriétaire ne peut assurer sa chose pour une somme supérieure à sa valeur. Le contrat est déjà nl(:utoÙ'e, en ce sens que ses effets sont en partie dépendants du hasard, mais il deviendrait un véritable jeu, et le plus illégitime, si le sinistre pouvait devenir une source de profits pour le propriétaire.
En somme, les assurances ne suppriment pas les risques, elles les déplacent, quant aux personnes. L'assuré, moyennant un sacrifice assez minime, mais certain et annuel, ne court plus le risque de perdre une valeur bien plus considérable. On dit quelquefois qu'il court le risque d'avoir payé la prime inutilement, si le sinistre n'a pas lieu j c'est un mauvais langage: la prime est le prix de sa sécurité, laquelle est un grand bien moral, une cause de tranquillité considérable.
L'assureur a la situation inverse, c'est lui qui prend l'inquiétude à sa charge, avec la responsabilité éventuelle du sinistre: 1:1 prime est l'indemnité de ce risque.
Mais entre l'assureur et l'assuré, il reste une grande différence de situations: tandis que l'assurance ne peut jamais être une source de profits pour l'assuré, elle peut l'être et elle l'est généralement pour l'assureur, et cela est aussi juste qu'utile; car l'assureur ne peut profiter que si le sinistre n'a pas lieu. Les entreprises ou agences d'assurances sont des entreprises commerciales très dignes d'égards et d'encouragements, pour les services qu'elles rendent: les primes sont calculées d'après la moyenne des incendies pendant un grand nombre d'années, eu égard aux conditions locales; elles sont réduites autant que possible et, plus dans un pays les assurances sont répandues, moins les primes sont élevées.
Toute cette théorie se retrouvera, avec les développements qu'elle comporte, au Livre IIIe, art. 834 et suiv.
137. Pour en revenir à l'usufruitier, les trois alinéas du présent article sont faciles à justifier.
II. ne prévoit d'ailleurs que l'assurance faite par le nu-propriétaire; c'est l'article suivant qui règle celle faite par l'usufruitier.
La loi distingue ici si l'assurance faite par le propriétaire a précédé ou suivi la constitution de l'usufruit.
Au premier cas, l'usufruitier est obligé de contribuer à l'assurance, comme à une charge annuelle du fonds, en supportant l'intérêt annuel de chaque prime; mais comme compensation éventuelle, il jouira de toute l'indemnité en cas de sinistre. Il ne faut pas s'étonner que son obligation s'augmente ainsi chaque année avec l'accumulation des primes payées: le propriétaire aussi voit chaque année s'accumuler le capital des primes payées par lui.
Au second cas, l'usufruitier ne peut se voir imposer l'assurance dont la charge serait certaine et le profit éventuel. D'un autre côté, le propriétaire, ayant assuré l'usufruit en même temps que la propriété, ne peut jouir de toute l'indemnité, car il a assuré le droit d'autrui avec le sien, comme gérant d'affaires (h); on ne fera cependant pas une estimation proportionnelle de l'usufruit et de la nu-propriété pour diviser l'indemnité dans la. même proportion: les estimations d'usufruit sont toujours difficiles, à cause du caractère viager du droit; la loi adopte un autre règlement: le nu-propriétaire se remboursera d'abord sur l'indemnité de toutes les primes par lui payées et s'il reste un excédant, ce qui est très probable, l'usufruitier en jouira.
Comme cette jouissance portera sur une somme d'argent, l'usufruitier donnera caution (v. art. 113).
Le 3e alinéa assimile avec raison l'assurance des navires et bateaux à celle des bâtiments.
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(f) Il faut remarquer, du reste, à l'excuse des Japonais, que les compagnies étrangères refusent d'assurer les constructions en bois, quand elles ne sont pas tout à fait isolées, cas où, d'ailleurs, l'assurance perd beaucoup de son utilité. Il y a eu à l'étude un Projet d'assurance générale et forcée par le Gouvernement: l'assurance serait devenue alors une variété de l'impôt annuel et fût rentrée, à ce titre, dans l'application de l'article 92; mais nous croyons que le Projet a été abandonné. Nous le soutenons au Tome m, nos 556 et 557.
(g) La prime est peut-être ainsi dite de primum ou primo "d'abord;" parce qu'elle se paye avant que le risque commence pour l'asstiretir; mais, plutôt, le mot prime vient du htin prœmium, récompense du risque couru par l'iissureur: les polices anglaises d'assurance portent le nom latin lui-même; prœmium.
(gg) Le Projet a adopté le système d'une subrogation tacite ou légale des créanciers hypothécaires à l'indemnité (v. art. 839); mais cette solution est impossible en France, à défaut de texte.
(h) Sur la. gestion d'affaires en général, voir: Projet, art. 332et 383.
Art. 95. — 138. Si le propriétaire n'a pas fait l'assurance, l'usufruitier peut la faire pour la pleine propriété, non seulement en vertu d'un mandat, mais même en qualité de gérant d'affaii-es; alors, comme l'indique le 1er alinéa, si le sinistre a lieu, il prélèvera sur l'indemnité toutes les primes qu'il a payées; il se trouvera encore en avoir supporté l'intérêt; s'il n'y a pas de sinistre, il n'est pas remboursé, suivant les principes de la gestion d'affaires, car il se trouve, d'après l'événement, que sa gestion n'a pas été utile au propriétaire ou, au moins, ne lui a pas procuré un avantage appréciable en argent.
138 bis. Le cas prévu par le 2e alinéa sera plus fréquent que celui du 1er: l'usufruitier ne fera guère, sans mandat, une assurance de la valeur de la pleine propriété, il préférera n'assurer la chose que pour la valeur de son droit d'usufruit. Il est naturel, dans ce cas, qu'il acquitte la prime en entier et que l'indemnité payée en cas de sinistre lui soit acquise en toute propriété, et naturellement il ne peut plus être question de caution, puisqu'il n'a rien à restituer.
Les assurances agricoles, applicables aux récoltes spécialement, contre les accidents météorologiques, s'établiront sans doute au Japon, avec les autres institutions de prévoyance: elles ne profiteront pas plus au propriétaire que celles de l'usufruit seul
Art. 96. — 139. Une succession est une universalité de biens, comme il a été expliqué à l'article 17 des Dispositions 'préliminaires. Elle est toujours chargée de quelques dettes que le défunt n'avait pas acquittées de son vivant, ou qui même n'ont commencé d'exister qu'à sa mort, comme les frais funéraires, les legs ou charges testamentaires.
Ceux qui recueillent la succession en totalité ou pour une quote part, sont dits successeurs généraux, représentants du défunt et, en cette qualité, sont tenus de ses dettes.
L'usufruitier est dit universel, quand il a droit à la jouissance de toute la succession; il est dit èt titre universel, quand il ne peut jouir que d'une quote part de ladite succession, telle qu'une moitié, un tiers, un quart (i).
Ce cas particulier d'usufruit entraîne des charges spéciales, indépendamment de celles qui sont énoncées plus haut.
C'est un principe que les biens d'une succession ne consistent que dans ce qui en excède les dettes et charges (j)
L'usufruitier ne peut donc jouir des biens qu'après le payement des dettes ou à la charge d'y contribuer (i en proportion de son émolument," c'est-à-dire, qu'il les payera en tout ou en partie, suivant que son usufruit poitera sur tout ou partie de la succession.
Mais il ne faut pas perdre de vue que l'usufruitier n'a que la jouissance ou. les revenus de la succession et qu'à côté de lui, il y a l'héritier qui en recueille le capital en nue propriété. La contribution de l'usufruitier doit donc être analogue à son droit, quant à sa nature et à sa durée: il ne payera que les intérêts annuel* des dettes et tant que durera son droit.
Cette décision est conforme au principe, constamment appliqué, que l'usufruitier supporte les charges qui se payent ordinairement avec les revenus. Or, un bon administrateur ne paye pas les intérêts de ses dettes avec ses capitaux, mais avec ses revenus.
On trouvera à l'article 98 les divers modes de payement par lesquels l'usufruitier peut s'acquitter de son obligation.
A l'égard des arrérages des rentes viagères ou pensions dues par la succession, comme ils ont déjà, par eux-mêmes, le caractère d'intérêts, bien qu'ils ne soient pas le produit d'un capital dû, l'usufruitier n'en paye pas seulement les intérêts: il acquitte en tout ou en partie lesdits arrérages, suivant la quotité de son droit. C'est la contre-partie de la disposition de l'article 59 qui lui donne en entier les arrérages des rentes viagères objet de son usufruit.
La même disposition se retrouve dans le Code français (art 610).
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(i) Dans les deux cas, pour abréger, on peut employer l'expression de titre universel, par opposition au titre particulier; c'est ainsi qu'on oppose constamment les successeurs généraux ou universels aux successeurs particuliers.
(j) C'est un axiome de droit bien souvent cité: " il n'y a de biens que déduction faite des dettes: non sunt bona nisi deducto œre alieno."
Art. 97. — 140. L'usufruitier d'un bien particulier ou déterminé, à la différence de l'usufruitier d'une succession, ne représente pas le constituant; il ne peut donc être tenu d'aucune des dettes de celui-ci (k). Le fait que le bien usufructuaire a été hypothéqué par le constituant, produit bien cependant un effet contre l'usufruitier, mais ce n'est pas une véritable obligation. Quiconque acquiert un droit réel sur une chose déjà grevée d'un autre droit réel, doit respecter le droit antérieur au sien: ce n'est pas, à proprement parler, une obligation de ne pas faire, c'est un de ces devoirs généraux par lequel nous devons nous abstenir de tout ce qui peut nuire à autrui. Or, celui qui a une hypothèque peut suivre la chose dans toutes les mains où elle passe, pour exiger du détenteur le délaissement de la chose ou le payement de la dette hypothécaire; n défaut de l'une ou de l'autre de ces satisfactions, le créancier fait saisir et vendre la chose, pour être payé sur le prix, par préférence aux autres créanciers (voy. c. civ. fr., art. 2166 et s.; Proj., art 1266 et s.).
Si l'on suppose que la chose hypothéquée a été ensuite grevée d'un usufruit, l'usufruitier devra, comme tiers détenteur, payer la dette ou subir l'éviction.
S'il paye la dette, en gardant l'immeuble, il a droit à être remboursé de la somme payée, parce qu'étant' successeur particulier du constituant il ne contribue pas au payement des dettes de celui-ci. Il pourrait même se faire que la dette hypothécaire ne provînt pas du constituant, mais d'un propriétaire antérieur; dans ce cas, l'usufruitier pourrait recourir directement contre celui-ci, comme étant le débiteur personnel de la dette, par application des principes de la subrogation dont il sera parlé plus longuement au sujet du payement des obligations (voy. c. civ. fr., art. 874; Proj., art. 501 et s.).
Si l'usufruitier a subi l'éviction de la chose, par l'effet de l'hypothèque, ou s'il n'a pu la conserver qu'en payant la dette, il peut aussi se faire indemniser par le constituant de tout le préjudice qui en résulte pour lui. Il a pour cela l'action en garantie d'éviction (voy. c. civ. fr., art. 2178; Proj., art. 1299).
Ce n'est pas ici le lieu de s'étendre sur cette action qui varie dans son étendue et ses effets, suivant que le droit dont il y a éviction a été constitué à titre gratuit ou à titre onéreux: on la retrouvera au sujet des Obligations en général (art. 415 et suiv.) et surtout de la Vente (art. 693 et s.).
C'est à raison de ces distinctions nécessaires que la loi emploie la formule conditionnelle: s'il y a lieu.
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(k) De là, cet autre axiome: " Les dettes sont la charge de l'ensemble du patrimoine, non des objets particuliers," universi patrimonii ces alienu.m omis est, non certarum rerum.
Art. 98. — 141. Les cas où une charge se divise, comme il est prévu ici, entre le nu-propriétaire et l'usufruitier sont nombreux et suffisamment indiqués aux articles 89 et suivants; on en trouvera encore un, à l'article 100.
Les trois moyens de satisfaire à la loi sont faciles à saisir.
Le 1er mène directement au Lut désiré: on remarquera seulement que si la dette, celle d'une succession, par exemple, n'était pas encore exigible par le créancier, mais qu'elle fût productive d intérêts, en attendant le terme, c'est à ce créancier que l'usufruitier servirait les intérêts.
Le 2° moyen atteint le but par une autre voie: pendant toute la durée de l'usufruit, l'usufruitier est privé de l'intérêt annuel du capital qu'il a déboursé.
Le 3° moyen, en privant simultanément le nu-propriétaire et l'usufruitier d'une portion de biens égale à la dette, fait évidemment supporter le capital à l'un et les intérêts à l'autre.
Art. 99. — 142. L'article 70 reconnaît à l'usufruitier le droit d'exercer contre les tiers les actions réelles qui garantissent son droit contre les usurpations; mais, il pourrait arriver que, par négligence ou complaisance, celui-ci ne réclamât pas, lorsqu'il y aurait lieu. Or, les usurpati ms des tiers, portant sur la chose même, seraient, le plus souvent, nuisibles et opposables au nu-propriétaire autant qu'à l'usufruitier; il est donc juste que l'usufruitier en soit responsable envers le nu-propriétaire, car il n'aurait pas agi en bon administrateur, en laissant s'établir sur la cho:e une possession illégitime, lors même qu'elle n'aurait pas encore suffi à fonder la prescription. En effet, on a déjà compris, par ce qui a été dit sous les articles 37 et 70, et on verra plus au long, au Chapitre de la Possession, que celui qui possède une chose depuis un certain temps et dans certaines conditions, a déjà divers avantages, notamment celui d'être présumé titulaire du droit qu'il possède et, comme tel, joue le rôle favorable de défendeur à la revendication.
La loi n'oblige pas l'usufruitier à plaider lui-même contre l'usurpateur, il lui serait difficile de faire valoir des droits qui ne sont pas les siens: ce qu'il doit c'est dénoncer l'usurpation au nu-propriétaire.
Art. 100. — 143. L'usufruitier, ayant un droit réel, un droit sur la chose, ne peut voir ce droit compromis par un procès auquel il n'aurait pas été partie, aussi doit-il être mis en cause dans les procès que soutient le propriétaire, comme demandeur ou défendeur, au sujet de la chose objet de l'usufruit.
Si le procès concerne la pleine propriété, l'usufruitier y est intéressé pour la jouissance; il est donc naturel que, si le procès est perdu, il en supporte une part correspondante à la nature de son droit; or, on a déjà vu plusieurs fois que la correspondance la plus simple et la plus exacte est qu'il supporte les intérêts annuels des déboursés, tant que dure l'usufruit; il en est de même si, le procès étant gagné, les avances faites pour les frais n'ont pu être recouvrées contre la partie perdante.
Mais, au cas de perte du procès, il peut arriver que, le procès ayant porté sur toute la chose usufructuaire, l'usufruit se trouve éteint ou même considéré comme n'ayant jamais existé. Dans ce cas, la rigueur des principes conduirait à faire supporter les intérêts à l'usufruitier sa vie durant, et c'est le parti auquel celui-ci pourra toujours se tenir; mais il faudrait aussi l'admettre à faire liquider immédiatement sa part contributoire. En France, on décide généralement que les frais se partageront par moitié, ce qui est donner à l'usufruit une valeur égale à la moitié de la pleine propriété; on se base, par analogie, sur la loi de l'Enregistrement qui soumet les mutations d'usufruit à la moitié du droit de mutation de la pleine propriété. Mais ce système ne pourrait être adopté au Japon; d'ailleurs, la loi d'enregistrement ne doit pas exercer d'influence sur l'interprétation de la loi civile: il serait préférable de faire une estimation de l'usufruit, dans laquelle il faudrait apprécier la vie probable de l'usufruitier.
Les deux autres dispositions du présent article ne présentent pas de difficulté: si le procès ne concerne que la jouissance, l'usufruitier paye, naturellement, tous les frais; s'il ne concerne que la nue propriété, il n'en supporte aucune portion.
Au surplus, toutes les fois que l'usufruit aura été constitué à titre onéreux et que la garantie d'éviction n'aura pas été formellement exclue, l'usufruitier sera exempt de toute contribution aux frais de procès, par l'effet même de son droit à la garantie.
Art. 101. — 14. -4. C'est un principe fondamental de droit que les jugements ne peuvent ni nuire ni profiter aux tiers (l). Si donc le nu-propriétaire a plaidé sur la pleine propriété ou sur l'usufruit, sans appeler l'usufruitier, et a perdu le procès, le droit de l'usufruitier reste entier; réciproquement, si l'usufruitier a plaidé seul sur la pleine ou la nue propriété et a perdu, le nu-propriétaire n'en souffre pas.
Chacun des intéressés peut, d'ailleurs, faute d'être appelé en cause, intervenir spontanément dans le procès, pour la défense de ses droits et intérêts (v. c. pr. civ. fr., art. 339 et suiv.).
Mais, si l'un ou l'autre, ayant plaidé seul, a gagné le procès, le principe fléchit en faveur de celui qui n'a pas été appelé: il profite du jugement, parce que, grâce au lien de droit qui existe entre l'usufruitier et le nu- propriétaire, la loi permet de voir une gestion d'affaires de l'un dans l'intérêt de l'autre, lorsqu'un seul a entrepris le procès comme demandeur ou défendeur. Or, un des caractères de la gestion d'affaires, celui qui la sépare le plus du mandat, c'est que le gérant d'affaires représente celui dont les affaires sont gérées, seulement pour tout ce qu'il a fait d'utile et de favorable, non pour l'effet contraire (voy. Proj., art. 382 et 383).
Un cas assez intéressant pourrait se présenter: l'usufruitier, actionné en revendication pour l'usufruit, a perdu le procès, sans avoir appelé le nu-propriétaire en cause, la perte du procès ne peut atteindre ce dernier et elle doit produire tout son effet contre l'usufruitier. La conséquence est que le gagnant jouira de la chose au lieu et place du perdant et que, tant qu'il ne surviendra pas de cause d'extinction du précédent usufruit, le nu-propriétaire ne pourra pas mettre obstacle à cette jouissance, si d'ailleurs ses intérêts ne se trouvent pas compromis; autrement, il attaquerait la décision par la tierce opposition (voy. c. proc. civ. fr., art. 474 et suiv.). Mais lorsque le premier usufruit devrait finir, par la mort de l'ancien titulaire ou par une autre cause, le jugement n'aurait plus d'effet contre le propriétaire et un nouveau procès deviendrait nécessaire contre lui, s'il n'y avait pas eu tierce opposition.
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(l) L'axiome est célèbre: "la chose jugée entre les uns ne nuit ni ne profite aux autres: t'M inter alios judicala aliis neque nocet neque jirodest."
SOMMAIRE.
Art. 102. -N°14"). Causes générales d'extinction des droits réels; causes spéciales à l'usufruit. -146. Pourquoi le Projet japonais ne mentionne pas la consolidation. 103. —147. Cas de plusieurs usufruitiers simultanés: accroissement aux survivants de la part des décédés.
104. —148. Cas d'usufruit au profit de personnes juridiques ou incorporelles.
105. -149. Renonciation de l'usufruitier: réserve des droits des tiers.
106. -150. Non-usage: son analogie avec la prescription libératoire.
107. —151. Révocation pour abus de jouissance; conciliation des intérêts respectifs des parties: pouvoirs du tribunal. —152. Suite.
108. —153. Indemnités dues au nu-propriétaire, au cas d'abus de jouissance.
109. —154. Fruits non recueillis à la fin de l'usufruit; observations sur les baux à loyer, a. ferme, à part de fruits.
110. -155. Destruction totale des bâtiments.
111. —156. Cas où ils étaient assurés: jouissance de l'indemnité.
112. —157. Expropriation pour cause d'utilité publique: idem.
113. -158. Cautionnement dû par l'usufruitier dans ces deux cas.
114. -159. Changement de nature du sol usufructuaire; son retour spontané au premier état.
115. —160. Perte du troupeau usufructuaire.
COMMENTAIRE.
Art. 102. — 145. La loi indique, d'abord, comme causes d'extinction de l'usufruit, celles qui mettent fin à la propriété et qui sont énumérées à l'article 44.
Quelques mots suffiront sur chacun de ces cas.
1° L'usufruit est cessible, sous l'exception portée à l'article 71; mais, il est clair que la cession ou aliénation de l'usufruit n'y met fin que pour le titulaire, et encore, elle met plutôt fin à l'exercice du droit qu'au droit lui-même; car c'est toujours la vie du titulaire ou le terme primitivement fixé qui déterminera la durée de l'usufruit.
2° L'accession, ayant déjà été réservée pour le Livre lIre (Chap. ii), au sujet de la propriété, ne peut nous occuper au sujet de l'usufruit.
3° La confiscation n'éteindra l'usufruit que si l'usufruitier est auteur de l'infraction qui donne lieu à cette peine, ou s'il y a participé comme co-auteur ou complice; autrement, si le propriétaire seul est coupable, la confiscation n'atteindra pas l'usufruitier: dans le premier cas, l'Etat exercerait l'usufruit comme s'il lui était cédé; dans le second cas, l'usufruitier jouirait du bien acquis à l'Etat.
4° Les trois actions en résolution, en rescision ou en révocation, mettront fin à l'usufruit dans deux cas:
a. Quand ce sera la constitution même du droit qui aura été affectée d'une des trois causes de ces actions; par exemple, l'usufruit a été constitué par vente et l'acheteur n'en paye pas le prix (cas de résolution); ou bien, le constituant était incapable ou son consentement a été vicié par erreur ou violence (cas de rescision); enfin, la constitution a été faite en fraude des créanciers du constituant (cas de révocation) -,
b. Quand le droit de propriété même du constituant sera sujet à résolution, à rescision ou à révocation; alors, par application du principe générai que " personne ne peut transférer ou conférer plus de droit qu'il n'en a lui-même," le droit d'usufruit tombera avec celui du constituant (a).
5° L'abandon de l'usufruit devient une cause propre d'extinction de ce droit, et se trouve réglé par le n° 3 de l'article 102, plutôt que par le n° 5 de l'article 44.
6° La perte de la chose usufructuaire est l'objet des articles 110 et suivants, en ce qui concerne l'usufruit; sous ce rapport encore, ce n'est pas l'article 44-70 qu'il faut appliquer.
Quant aux cinq causes d'extinction énumérées au présent article, la loi va les reprendre avec quelques développements. C'est à cette occasion qu'elles seront expliquées.
146. On remarquera que le Projet ne mentionne pas, comme mode d'extinction de l'usufruit, la consolidation, c'est-à-dire la réunion de la propriété au droit d'usufruit, tandis qu'elle figure comme telle dans l'article 617 du Code français et dans l'article 515 du Code italien.
Cette réunion peut s'opérer en la personne du nu- propriétaire ou en celle de l'usufruitier.
Au premier cas, l'usufruit s'est éteint par l'une des causes déjà citées: ou l'usufruitier a rétrocédé son droit au nu-propriétaire, alors c'est une renonciation, ou bien il y a eu résolution, rescision ou révocation au profit du constituant; il n'y a donc pas ici de cause particulière d'extinction de l'usufruit.
Au deuxième cas, l'usufruitier est devenu nu-propriétaire, par achat, par succession ou autrement: il réunit bien les deux droits sur sa tête; mais est-il vrai qu'il y ait extinction de l'usufruit ? Sans doute, désormais, il jouira sans contrôle: ce qu'il ne pourrait faire comme usufruitier, il pourra le faire comme propriétaire; sans doute encore, les cautions sont libérées, et les gages ou hypothèques fournis en garantie sont éteints, parce qu'il ne peut être créancier et débiteur de la même dette: il ne peut se devoir à lui-même, se garantir -lui-même. Mais supposons qu'il ait cédé, loué ou hypothéqué son droit d'usufruit, personne n'imaginera de dire qu'en acquérant la nue propriété il a mis fin à l'usufruit et détruit le droit du tiers: l'usufruit subsiste donc chaque fois qu'il y a un intérêt à ce qu'il subsiste.
On rencontrera, à la IIe Partie de ce Livre, au sujet de l'extinction des obligations (T. II, n° 627), une difficulté analogue sur la confusion que les lois ont l'habitude de considérer comme une cause d'extinction (voy. c. civ. fr., art. 1300; Proj., art. 556 et s.). On y établira plus au long que la confusion paralyse plutôt l'obligation qu'elle ne la détruit.
Il en est de même de la consolidation.
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(a) Il y a, à ce sujet, deux axiomes latins célèbres: Nemo dat quod non ipse Tiabet, " Personne ne peut donner ce qu'il n'a pas lui-même;"
Resoluto jure dantis resolvitur jus accipientis: " Le droit de celui qui a donné étant résolu, le droit de celui qui a reçu l'est également " (voy. c. civ. fr., art. 2125).
Art. 103. — 147. L' extinction de l'usufruit par la mort de l'usufruitier est le cas le plus fréquent et le plus normal, car l'usufruit est un droit essentiellement viager.
On a vu cependant (art. 50) que l'usufruit peut être constitué sur plusieurs têtes, pourvu que tous les usufruitiers soient déjà nés ou conçus au moment de la constitution du droit.
Le présent article suppose que les divers usufruitiers étaient appelés à jouir de la chose, non pas successivement, mais simultanément et par indivis, c'est-à-dire sans assignation de lots déterminés dans la chose. Il se présentait alors une question qui a été laissée incertaine par le Code français et qu'on a voulu trancher au Japon, à savoir: quel sera l'effet des premiers décès parmi les usufruitiers ?
La solution la plus naturelle, au premier abord, serait de dire que la part de chaque usufruitier qui décède retourne au nu-propriétaire. Mais on admet généralement, en jurisprudence française, une solution différente, empruntée au droit romain. C'est cette solution que donne le texte proposé ici; elle est conforme à l'intention probable du constituant.
On raisonne ainsi: soit un testateur qui a légué l'usufruit à deux personnes, à deux époux, par exemple, ou à deux frères. Si, du vivant du testateur, l'un des légataires de l'usufruit était décédé, la part du prédécédé, sans aucun doute, dans toutes les opinions et d'après les principes du droit testamentaire, aurait augmenté celle du survivant, par voie d'accroissement. Or, ce résultat qui a dû entrer dans les prévisions du testateur, au moins pour une hypothèse, peut raisonnablement être présumé prévu aussi et accepté par lui pour l'autre hypothèse.
Ce système, outre l'avantage de ne donner qu'une seule solution pour deux cas analogues, a encore celui de ne pas produire une extinction partielle du droit d'usufruit, avec retour au nu-propriétaire du droit fractionné, ce qui ne manquerait guère de produire des contestations et des procès.
Art. 104 - 148. On a déj't eu occasion, au sujet des Dispositions 'préliminaires d'expliquer ce qu'on entend par personnes juridiques, appelées aussi personnes incorporelles, morales ou civiles: ce sont des êtres métaphysiques, de pure création juridique (v. nos 3 et 14). Ainsi, une société, une ville ou commune, sont des personnes juridiques auxquelles un usufruit pourrait valablement être constitué. Or, ces personnes ne cessent d'exister que par des causes exceptionnelles ou qui peuvent, au moins, être très éloignées. Si la loi n'assignait à cet usufruit une durée déterminée, il pourrait durer pendant le temps de plusieurs existences d'homme, an cas de société, et indéfiniment, au cas d'une commune, ce qui réduirait considérablement ou même supprimerait tout à fait la valeur de la nue propriété.
Le délai de 30 ans, déjà fixé par le Code français (art. 619), a paru convenable; il correspond d'ailleurs à la durée moyenne de la vie humaine.
Art. 105. — 149. L'article 102-30, en énonçant la renonciation comme une cause d'extinction de l'usufruit, exige qu'elle soit expresse, c'est-à-dire formelle: la loi ne veut pas qu'il puisse y avoir de doute à cet égard; les tribunaux ne devront pas arriver à reconnaître une renonciation sur de simples présomptions de fait (comp. art. 527).
Le présent article, dans ses deux dispositions, revient à une idée: la renonciation de l'usufruitier ne doit nuire à personne.
Elle ne doit pas nuire au propriétaire, en laissant à sa charge l'acquittement d'obligations antérieures à la renonciation: celles-ci correspondent à une jouissance obtenue, elles sont la charge des fruits acquis, elles doivent donc rester au compte de l'usufruitier, même renonçant.
La renonciation ne doit pas non plus nuire aux tiers qui auraient traité sur la chose avec l'usufruitier et reçu de lui des droits réels, comme un droit de bail ou d'hypothèque.
On pourrait croire qu'il faut ajouter une classe de personnes auxquelles la renonciation ne devrait pas nuire, ce sont les créanciers de l'usufruitier, même non hypothécaires ou chi1'ographai1'e.'l (b) qui perdraient par la renonciation la chance d'être payés.
Il y a toutefois une notable différence entre les créanciers simplement chirographaires ou n ayant qu'un droit personnel et ceux qui ont un droit réel d'hypothèque, c'est que, pour les derniers, la renonciation serait, de plein droit, sans effet, lors même qu'elle serait faite de bonne foi, tandis que, pour les premiers, elle ne serait sujette qu'à révocation et seulement si elle était faite en fraude de leur droits; le motif de cette différence est que celui qui n'a que des créanciers ordinaires ou chirographaires conserve la libre disposition de son patrimoine: ses créanciers suivent les fluctuations de sa fortune, ils profitent ou souffrent de ses actes, pourvu que ces actes ne soient pas faits avec une fraude intentionnelle à leur égard.
Le Code français a, dans l'article 622, une disposition équivoque sur laquelle on est en désaccord: il permet aux créanciers, même non hypothécaires, d'attaquer la renonciation de l'usufruitier faite à leur 'préjudice.
Cette expression sous-entend-elle la fraude ? Alors ia disposition est inutile, comme n'étant que l'application d'un principe général établi par l'article 1167 du même Code. Au contraire, le préjudice, le dommage effectif, suffit-il, sans mauvaise foi ? Alors, on a de la peine à justifier cette exception au droit commun de la libre gestion du débiteur par rapport à ses Intérêts.
Le Projet japonais, en ne réservant que les droits réels ou " sur la chose" acquis avant la renonciation, laisse évidemment les créanciers ordinaires sous l'empire du droit commun.
On trouvera dans la IIe Partie (art. 360 et suiv.) toute la théorie de l'action révocatoire des créanciers fraudés.
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(b) Chirographaires vient de deux mots grecs: chir, main, et graphô, j'écris; c'est comme si l'on disait: créanciers dont le titre est sous signature privée, par opposition aux créanciers hypothécaires dont le titre est toujours authentique.
Art. 106. — 150. Le non-usage est, comme le mot l'indique, l'omission par l'usufruitier d'exercer son droit; lorsque cette omission a duré 30 ans, la loi déclare l'usufruit éteint, et cette extinction a lieu dans tous les cas, sans qu'il y ait même à distinguer si l'usufruitier a connu ou non le droit qu'il a laissé s'éteindre, ni s'il a été ou non empêché d'user, par des circonstances indépendantes de sa volonté. La loi ne veut pas qu'un droit qui déprécie considérablement la valeur de la propriété subsiste nonobstant son inutilité pour le titulaire.
Le non-usage a beaucoup d'analogie avec la prescription, surtout avec celle qu'on appelle libératoire: il a la même durée, il n'exige que l'abstention de l'ayant- droit, sans la nécessité de la possession par celui qui en doit profiter (ici le nu-propriétaire); il n'a pas lieu de plein droit, il doit être invoqué contre l'usufruitier; enfin, et c'est là l'objet du présent article, il n'est pas opposable à ceux contre lesquels la prescription ne peut être invoquée, c'est-à-dire à ceux en faveur desquels la prescription est suspendue, tels sont les mineurs.
Comme autre conséquence de cette assimilation, on décidera que le non-usage s'interrompt par une demande en justice de l'usufruitier, faite avant l'expiration des trente ans, soit contre le nu-propriétaire, soit contre un tiers qui aurait usurpé la jouissance; enfin, les questions relatives au calcul du temps se résoudront pour le non-usage comme pour la prescription.
Art. 107. — 151. La révocation de l'usufruit pour abus de jouissance n'est pas aussi particulière à l'usufruit qu'elle paraîtrait l'être, au premier abord: elle n'est que l'application du principe de la résolution des droits pour inobservation des conditions auxquelles ils sont soumis; on en retrouvera l'application dans le louage qui a de l'analogie avec l'usufruit et dans tous les contrats bilatéraux ou produisant des obligations réciproques.
La mise en séquestre autorisée dans le même cas est aussi une mesure d'une application assez fréquente; mais, tandis qu'elle ne s'applique, en général, qu'à une chose dont la propriété est en litige, et pour durer seulement autant que le procès, ici le séquestre peut durer jusqu'à la fin de l'usufruit.
Les deux mesures que peut ordonner le tribunal, la mise en séquestre et la révocation du droit d'usufruit, sont subordonnées à la gravité des faits.
La loi indique deux sortes de fautes de l'usufruitier pouvant motiver l'une de ces mesures, et comme il s'agit ici d'une peine civile à prononcer, on doit considérer la loi comme limitative.
Le premier cas consiste dans des dégradations plus ou moins instantanées, mais de nature grave et à peu près irréparables, comme serait le fait d'avoir coupé des arbres de futaie; le second cas suppose une faute continue ou répétée et pouvant amener la perte de la chose, et, dans la détermination de la loi, cette faute peut être de deux sortes: le défaut d'entretien, c'est-à-dire le défaut des réparations qui incombent à l'usufruitier, et l'abus de jouissance, de nature plus variée, comme seraient l'extension exagérée donnée à l'exploitation des mines ou carrières et la reproduction exagérée obtenue des animaux sujets à l'usufruit.
Il ne faudrait pas assimiler à ces cas une culture intensive et exagérée du sol: elle pourrait, il est vrai, l'appauvrir momentanément, mais sans en compromettre la conservation ni la fécondité ultérieure.
Lorsque le tribunal prononce la révocation de l'usufruit, il ne dépouille pas entièrement l'usufruitier, comme le'permet la loi française (art. 618): il ne serait pas juste que la mesure dépassât la garantie due au nu-propriétaire et qu'elle devînt pour lui la source d'un gain illégitime.
Le tribunal détermine donc la portion de produits ou revenus annuels qui sera payée par le nu-propriétaire à l'usufruitier.
152. Bien que l'usufruit soit légalement éteint dans le cas où le tribunal en prononce la révocation, il se trouve plutôt, en réalité, réduit et transformé en cette créance annuelle de fruits ou produits; il faut donc lui assigner la même durée qu'à l'ancien usufruit: ainsi, elle cessera à la mort de l'usufruitier ou à l'accomplissement du terme; elle cessera aussi par la perte de la chose, arrivée dans les mains du propriétaire et sans sa faute; elle cesserait, cela va sans dire, par la renonciation de l'usufruitier; mais il ne pourrait plus être question d'abus de jouissance; quant au non-usage, il se trouverait remplacé par une véritable prescription libératoire, laquelle serait plus courte et seulement de 5 ans, comme pour toutes les créances d'annuités; mais l'extinction n'aura lieu que pour les annuités échues, non pour les autres.
Les deux derniers alinéas ne demandent chacun qu'une seule observation.
Dans la fixation de la part de fruits et revenus due à l'usufruitier pour l'année courante, le tribunal devra prendre en considération les frais de culture déjà faits par l'usufruitier et les probabilités de la prochaine récolte; tandis que, pour les années ultérieures, on supposera des années moyennes et on tiendra compte de ce que les frais de culture seront faits par le propriétaire.
Quant au moment où l'usufruitier acquiert cette portion de revenus, la loi y applique la règle des fruits civils: l'acquisition a lieu jour par jour, c'est-à-dire à proportion du temps écoulé, comme l'explique la fin de l'article, sauf à retarder la délivrance à l'époque de la récolte effective.
On aurait pu maintenir la règle de l'article 54, d'après laquelle les fruits naturels sont acquis à l'usufruitier par leur séparation du sol; mais il a paru bon, puisque la situation de l'usufruitier était changée si profondément, de ne pas lui laisser les risques ni les profits éventuels que produit cette disposition. Au surplus, ce n'est que pour la dernière année, et après la dernière récolte faite, que la part proportionnelle revenant à l'usufruitier ou à ses héritiers donnera lieu à un calcul, car pour toutes les années entières écoulées pendant l'usufruit, la part a été fixée uniformément par le tribunal.
Un exemple est nécessaire pour bien faire comprendre ce triple droit de l'usufruitier.
Supposons qu'un usufruit a été révoqué pour abus de jouissance au cours d'une année, qu'il a duré ensuite trois années entières et les deux tiers de la dernière année.
L'usufruitier aura: 1° la part de fruits de l'année de la révocation que le tribunal lui aura assignée dans toutes les récoltes de ladite année, en tenant compte des frais déjà faits par l'usufruitier et de l'époque plus ou moins avancée de l'année; 2° trois années entières de la fraction de fruits que le tribunal aura obligé le propriétaire à verser à l'usufruitier après chaque récolte; 3° deux tiers de cette même fraction pour l'année où finit l'usufruit.
Art. 108. — 153. La révocation de l'usufruit est surtout une garantie pour l'avenir en faveur du nu- propriétaire; mais elle ne saurait tenir compte de l'indemnité qui lui est due pour les dommages causés. Ainsi, s'il y a eu des arbres de futaies abattus, le retour du sol, dépouillé de sa valeur principale, ne l'indemnise pas; il en est de même, s'il y a révocation d'un usufruit portant sur des animaux reproducteurs épuisés on sur des bêtes de somme ou de trait mises hors de service. Il y aura donc lieu pour le tribunal, sur les justifications qui lui seront fournies, de fixer l'indemnité due, de ce chef, au nu-propriétaire.
Art. 109. — 154. Cet article est la contre-partie de l'article 52 du même Chapitre, lequel donne à l'usufruitier les fruits attachés au sol au moment où l'usufruit commence, sans indemnité pour le nu-propriétaire, à raison de ses frais de culture.
Déjà, sous l'article 72, on a été amené à parler des fruits pendants ou attachas au sol au moment où finit l'usufruit, soit que la maturité n'en fût pas encore complète, soit que l'usufruitier fût en retard de les percevoir, et l'on a eu ainsi l'occasion de donner le motif de cette double solution qui n'est pas conforme à la justice absolue: la loi veut éviter des comptes difficiles qui se reproduiraient deux fois et seraient une source de procès; il y aura quelque chose d'aléatoire dans le gain et dans la perte, pour chaque partie; mais, outre que les chances se trouvent égales pour les deux parties, il n'y a là qu'une suite du caractère aléatoire de l'usufruit lui-même qui dépend de la vie de l'homme
La loi fait une réserve pour "les droits qui pourraient être acquis à un fermier ou à un colon partiaire."
Quelques observations sont ici nécessaires. Le louage ou contrat par lequel une chose est donnée à bail, a un caractère, d'administration," quand la durée du droit ne doit pas être trop longue (voy. art. 126 à 131); les droits de bail consentis par l'usufruitier dans les limites légales doivent donc subsister jusqu'à leur expiration, nonobstant la fin de l'usufruit.
Le présent article n'a pas pour objet d'appliquer ce principe qui sera posé d'une manière générale au Chapitre suivant; mais il règle une question de fruits qui aurait pu faire quelque doute.
Le bail des immeubles peut, en effet, avoir lieu sous deux conditions différentes pour le preneur: ou bien celui-ci paye une somme d'argent par année, ou bien il donne au propriétaire une part des fruits du fonds, généralement la moitié; dans le premier cas, le bail est dit "à loyer ou à ferme " et le prix lui-même se nomme loyer ou fermage (suivant qu'il s'agit de bail de maisons ou de bail de terres); dans le second, le bail se nomme "bail à part de fruits, bail à moitié, bail à métairie ou colonage" et le fermier se nomme métayer ou colon partiaire.
Quand le prix de bail se paye en argent, l'usufruitier l'acquiert jour par jour (art. 56) et à la fin de l'usufruit, tout ce qui reste à échoir est acquis au propriétaire.
On aurait pu croire que quand le bail serait à part de fruits, l'usufruitier, ayant une sorte d'association avec le colon partiaire, obtiendrait sa part de fruits, même après la fin de l'usufruit; mais la loi ne l'admet pas: c'est avec le nu-propriétaire seul que le colon fera le partage des fruits. Quant au fermier qui paye en argent, tous les fruits seront évidemment pour lui et le nu-propriétaire touchera les fermages à partir de la fin de l'usufruit.
Art. 110. — 155. La loi fait ici l'application de la distinction des choses en principales et accessoires présentée par l'article 10. Quand l'édifice est la chose principale, sa destruction met fin à tout l'usufruit; si, au contraire, l'édifice est l'accessoire, l'usufruit subsiste, non-seulement sur les autres parties du domaine, mais encore sur le sol que couvrait l'édifice, sur l'aire (area), et même sur les matériaux qui le composaient.
Cette solution est conforme aux traditions anciennes en matière d'usufruit, que le Code français a conservées (art. 624.), mais dont le Code italien s'est quelque peu écarté (art. 520).
Art. 111. — 156. Bien que l'indemnité, au cas d'assurance contre l'incendie, ne représente pas la chose assurée, mais les primes annuelles payées, ainsi qu'on l'a expliqué sous les deux articles cités au texte (v. n° 135), il est juste que l'usufruitier en jouisse, au cas de sinistre; en effet, il a payé l'intérêt annuel de ces primes, ou bien il en a fait l'avance en capital: ayant ainsi participé à la charge, il doit participer à l'indemnité; mais viagèrement, comme le comporte la nature de son droit.
Art. 112. — 157. Au cas d'expropriation, il n'est pas douteux que l'indemnité représente la chose usufruc- tuaire; aussi, à la différence de l'indemnité d'incendie, appartient-elle, de droit, aux créanciers hypothécaires, sans qu'il soit besoin qu'elle leur ait été éventuellement transportée lors de la constitution de l'hypothèque (Loi fr. du 3 mai 1841, sur l'Expropriation, art. 17 et 54) (c).
Lorsque la chose expropriée est louée, le locataire reçoit une indemnité distincte en capital, laquelle est estimée d'après la durée du bail restant à courir; mais pour l'usufruit, comme sa durée est incertaine et aléatoire, il est naturel que l'usufruitier n'ait ni plus ni moins que la jouissance de l'indemnité pendant sa vie.
Observons que la perte de la chose autrefois soumise à l'usufruit, survenue après l'expropriation, ne mettrait plus fin à l'usufruit, car cette chose n'y est plus soumise: l'usufruit ne pourrait s'éteindre que par l'expiration du terme, la renonciation de l'usufruitier ou sa mort.
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(c) Le Projet décidera de même au sujet de l'indemnité au cas d'incendie des bâtiments assurés; mais ce sera par l'effet d'une sorte de subrogation légale des créanciers au droit du propriétaire (v. art. 839).
Art. 113. — 158. Lors même que l'usufruitier aurait été dispensé de donner caution pour la jouissance d'un immeuble, ce ne serait pas une raison pour qu'il en fût dispensé, dès que sa jouissance porte sur une somme d'argent, toujours facile à dissiper ou exposée à être perdue par des placements imprudents.
Par le même motif, si le cautionnement avait été fourni pour la jouissance de l'immeuble, il y aurait lieu de le fixer, à nouveau, pour le montant de l'indemnité.
Art. 114. — 159. La loi assimile à la perte de a chose son changement de nature, lorsqu'il n'est pas passager, mais définitif.
C'est une conséquence du principe que l'usufruitier doit jouir de la chose " suivant sa destination."
La loi a dû prévoir les cas où la condition primitive du fonds se rétablirait d'elle-même, "spontanément:" dans ce cas, le droit d'usufruit renaîtra; il serait même plus exact, en théorie, de dire qu'il se trouvera n'avoir pas été éteint. C'est aussi une grande faveur que la loi accorde à l'usufruitier de lui rendre son droit, lors même qu'un jugement serait intervenu à ce sujet. Cette exception à l'autorité de la chose jugée a pour but de ne pas obliger les tribunaux à attendre un temps indéfini pour statuer: de cette façon, leur décision aura toujours un caractère conditionnel, résoluble; pourvu, bien entendu, qu'elle soit motivée uniquement sur le phénomène physique prévu au présent article.
La loi veut que la condition primitive du fonds se soit rétablie d'elle-même, " spontanément le droit de l'usufruitier ne renaîtrait donc pas, si les eaux n'étaient revenues ou ne s'étaient retirées que par suite de travaux faits par lui ou par le propriétaire.
Enfin, il est bien observé par la loi que le droit ne renaîtrait pas après trente ans de non-usage.
Les exemples de changements que donne la loi ne doivent pas être considérés comme limitatifs; ainsi, on devrait décider que l'usufruit d'une forêt ou d'un bois est éteint, si le bois a été brûlé entièrement. Et on devrait considérer comme brûlé entièrement un bois dont il ne resterait que quelques arbres échappés au feu, sur les limites.
Mais si un sol arable n'avait été envahi que par une eau peu profonde qui permît de le cultiver en rizière, les tribunaux ponrraient décider que l'usufruit n'est pas éteint, car la culture du riz peut facilement succéder à celle des autres céréales et souvent, au Japon, on fait successivement les deux cultures.
Art. 115. — 160. Un troupeau est une de ces choses complexes dont parle l'article 17 des Dispositions préliminaires, de ces choses qui tiennent le milieu entre les corps certains et les universalités: elles s'augmentent ou diminuent fréquemment, par des causes naturelles. Dans le cas où elles sont soumises à un usufruit, le droit de l'usufruitier suit les variations de la chose.
Chez les Romains, on décidait qu'un troupeau réduit à 2 ou 3 têtes n'était plus un troupeau et que, par conséquent, l'usufruit prenait fin dans ce cas. La question est tranchée nettement dans le Code français, dans le sens que l'usufruit ne s'éteint que si le troupeau "périt entièrement," ce qui suppose qu'il n'en reste plus une seule tête.
En effet, il serait arbitraire d'assigner un nombre minimum de têtes à un troupeau: d'abord, s'il restait un couple, le troupeau pourrait, avec le temps, se reconstituer à un nombre plus ou moins considérable; même, ne restât-il qu'une tête, on ne voit pas pourquoi l'usufruitier ne pourrait en achetant un second animal, reconstituer un petit troupeau.
La question a, au surplus, bien peu d'intérêt.
Il ne faudrait pas, par assimilation de ce qui est dit plus haut d'un bois dont il ne resterait plus que quelques arbres épars, dire que le troupeau devrait être considéré comme péri quand il n'en reste plus que quelques têtes: il est facile de voir s'il reste ou non une tête vivante du troupeau; mais quand il s'agit d'arbres, à quelle taille d'arbre survivant s'arrêterait-on ? Quid d'un arbuste, d'un arbrisseau ? C'est comme quand il s'agit d'une maison incendiée ou écroulée: il en restera toujours quelque chose; cela empêchera-t-il que l'usufruit en soit éteint ? Les tribunaux décideront ces questions d'appréciation.
Dans le cas où le troupeau a péri lentement, par maladie ou autrement, l'usufruitier a gagné les cuirs, tant qu'il a conservé son droit sur le troupeau; mais dans le cas d'une perte totale et subite, sans destruction des cuirs: par exemple, si les bêtes ont été noyées ou asphyxiées, il doit rendre les cuirs, comme il rend les matériaux d'un édince qui s'est écroulé.
SOMMAIRE.
Art. 116. — N° 161. Nature et limite des droits d'usage et d'habitation; leur assimilation à l'usufruit, quant aux modes d'établissement et d'extinction.
117. -162. Ce qu'il faut entendre, en cette matière, par la famille de l'usager; condition d'habitation commune.
118. —163. Mode d'exercice de l'usage et de l'habitation: pouvoir du tribunal.
119. —164. Incessibilité de ces droits.
120. —165. Garanties dues au nu-propriétaire; responsa- bilité de l'usager et de l'habitant; leurs charges.
COMMENTAIRE.
Art. 116. — 161. Il y a tant d'analogie entre l'Usage et l'Usufruit qu'on a coutume, en France, de dire que " l'usage est un usufruit restreint
Le Projet consacre cette idée, et même l'expression, en indiquant quelle est la mesure de cette restriction.
L'usufruitier a l'usage et la jouissance, et ces deux droits n'ont pour lui d'autres limites que la nature de la chose et sa destination.
Pour l'usager, la limite est celle de ses besoins et de ceux de sa famille.
Les articles suivants déduiront quelques conséquences de cette limite.
Le droit d'habitation s'applique naturellement à des bâtiments; c'est l',ttsage des bâtiments; par conséquent, il est limité également aux besoins de l'habitant et de sa famille.
Malgré la généralité de l'assimilation que fait la loi, quant aux causes d'établissement, entre l'usufruit et les deux droits qui nous occupent, il faut observer qu'il n'y a pas d'usage établi par la loi, comme il y a des cas d'usufruit légal. Il est clair que pour qu'il y eût des cas d'usage légal, il faudrait des dispositions spéciales de la loi en ce sens, et il est vraisemblable qu'il ne s'en trouvera pas.
En France, il y a certaines dispositions du Coiitrat de mariage dans lesquelles on a prétendu voir des droits d'habitation et d'usage légaux (art. 1465, 1495, 1570); mais l'opinion la mieux fondée est celle qui ne voit dans ces droits que de simples créances de la veuve sur les biens du mari ou de la communauté.
Les droits d'usage et d'habitation seront, sans doute, aussi rares au Japon qu'ils le sont en France.
Au surplus, il ne faudrait pas induire de cette mesure des besoins de l'usager que le droit d'usage ne puisse * appartenir qu'à des personnes se trouvant dans la gêne et que, s'il avait été donné ou légué à un parent ou à un ami se trouvant alors dans le besoin, il s'éteindrait par la circonstance que cette personne serait arrivée à meilleure fortune. Au contraire, on pourrait presque dire que, plus serait riche la personne à laquelle serait donné ou légué un droit d'usage ou d'habitation, plus grande serait la portion de fruits ou de bâtiments qui devrait lui être assignée, par appplication des principes de ce droit et d'après l'intention probable du constituant. Les droits d'usage et d'habitation peuvent quelquefois tenir lieu de pension alimentaire; mais ce n'est pas là leur caractère propre ni leur but essentiel-.
On devrait même admettre qu'une personne ayant déjà un droit d'usage suffisant à ses besoins pût en obtenir un autre semblable sur un autre bien.
Art. 117. — 162. Le nom de famille étant susceptible d'une grande extension, la loi a dû en poser ici les limités, afin de ne pas laisser prendre au droit d'usage une extension qui aurait pu facilement devenir abusive, comme contraire aux prévisions du constituant.
A l'égard du conjoint, la loi le qualifie de légitimé, ce qui veut dire que, lors même que les dispositions ultérieures du Code reconnaîtraient une autre union de l'homme et de la femme, celle que les Romains appelaient concubinatns (concubinat), la concubine n'aurait pas le droit d'usage et ne compterait pas pour en déterminer l'étendue.
Déjà, le nouveau Code pénal et celui de procédure criminelle, ayant eu à parler du conjoint, ont spécifié qu'ils n'entendaient parler que du conjoint légitime, quelque décision que dût prendre plus tard le Code civil sur la concubine.
La loi n'ajoute pas qu'il s'agit du conjoint non divorcé, précaution que prenait autrefois la loi française, lorsque le divorce était permis (a); il a semblé inutile d'ajouter ces deux mots, car, après le divorce, il n'y a plus de mariage, par conséquent, plus de conjoint.
Au contraire, lorsqu'il s'agit des ascendants ou descendants (parents en ligne directe), la loi n'exige pas que la parenté soit légitime: elle met sur la même ligne, non seulement la parenté adoptive, qui est légitime aussi, mais même la parenté naturelle. En effet, le lien naturel qui unit les ascendants et les descendants est plus digne d'intérêt que celui qui unit l'homme et la femme dans le concubinat; c'est un lien du sang qui ne peut se dissoudre comme celui des père et mère se trouvant dans cette condition.
Il va sans dire aussi que si l'usager se mariait ou avait des enfants après la constitution de son droit, son nouveau conjoint et ses enfants bénéficieraient -de l'usage.
La loi exige que les parents dont il s'agit " habitent avec l'usager; " cette condition se justifie par la considération que s'ils habitaient ailleurs, il pourrait être difficile de constater leur existence et surtout la mesure de leurs besoins. Par le même motif, on doit appliquer cette condition de l'habitation commune au conjoint légitime lui-même.
Au reste, la loi n'exige pas qu'ils habitassent déjà avec l'usager au moment où le droit a été constitué; l'usager pourrait donc faire venir ses parents ou son conjoint avec lui à toute époque et les faire bénéficier de l'usage. Quant aux serviteurs, cette condition de résidence résulte de ce que la loi ne tient compte que de ceux qui sont attachés à la personne; ainsi les cochers, les coureurs (bêtos), les garçons d'écurie ou de ferme ne seraient pas comptés pour la détermination des droits de l'usager. Il en serait de même des jardiniers et des concierges.
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(a) V. c. civ. fr., art. 767. Cette distinction a repris toute son importance depuis le rétablissement du divorce en 1884 (v. Lois du 27 juillet 1884 et 18 avril 1886).
Art. 118. — 163. Il serait nuisible au nu-propriétaire et souvent à l'intérêt général que l'usager qui, peut-être, n'a droit qu'à une partie des fruits d'un fonds, en fut seul possesseur et le cultivât en entier à son gré: il serait à craindre qu'il ne s'occupât que de lui faire produire ce dont il a besoin et qu'il le laissât improductif pour le reste; de même, pour une maison d'habitation, il n'ea occuperait que des parties détachées, laissant le reste sans utilité et sans soins.
Quand le titre constitutif aura négligé de déterminer la portion de bâtiments affectée à l'usager et le mode d'exploitation des fonds de terre pour satisfaire à son droit, les parties pourront y pourvoir par convention.
Si elles ne se mettent pas d'accord, le tribunal y pourvoira, d'après la nature des biens soumis à l'usage et en tenant compte de l'intention probable du constituant.
Lorsqu'il s'agira de terres, le tribunal en assignera à l'usager un lot qu'il cultivera à son gré.
Il ne serait pas d'ailleurs admissible que l'usager prétendît mettre toutes les terres en culture à son profit, pour leur faire produire toutes sortes de choses qui pourraient lui être utiles, alors que les terres n'y étaient pas antérieurement consacrées; par exemple, planter des cotons pour se faire des vêtements, des vignes pour avoir du vin, des bois pour avoir du charbon et le chauffage, établir des prairies pour avoir des bêtes à laine et pour se tisser des vêtements: de pareilles prétentions seraient contraires à l'intention probable du constituant.
Art. 119. — 164. La prohibition de céder et louer est une des conséquences annoncées des limites du droit d'usage.
Si le droit d'usage pouvait être cédé ou loué, les besoins du cessionnaire ou du locataire seraient vraisemblablement différents et seraient souvent plus considérables que ceux du titulaire. Si même on admettait que le cessionnaire ou le locataire exerçât le droit dans la mesure des besoins du titulaire, le contrôle serait une source de contestations journalières et inextricables.
La prohibition de céder ou louer se trouve aussi dans le Code français (art. 631 et 634) et. dans le Code italien (art. 528): elle est reproduite du droit romain.
Art. 120. — 165. Cet article confirme le caractère d'usufruit restreint reconnu à l'usage et à l'habitation.
L'usager et l'habitant ayant la possession effective de tout ou partie de la chose soumise à leur droit, pourraient perdre ou détourner les meubles et dégrader les immeubles; de là, la nécessité de l'inventaire, de l'état des lieux et du cautionnement.
Au surplus, on ne devrait pas admettre que le droit d'usage portât sur des denrées ou sur des sommes d'argent, s'il n'y en avait une disposition formelle dans l'acte de constitution; les règles sur l'estimation valant vente ne s'appliqueront donc guère à l'usager.
Le mode de règlement de la jouissance par le tribunal ou par la constitution, tel qu'il est prévu par l'article 118, écarte une difficulté sérieuse qui s'élève sur l'article 635 du Code français, au sujet duquel on si objecté que l'usager n'aura pas de fruits " dans la mesure de ses besoins," du moment qu'il est obligé de contribuer aux charges annuelles. Mais, lors même que ce résultat serait toujours inévitable, il serait encore acceptable: il est déjà inévitable dans un cas, celui où l'usager absorbe tous les fruits ou occupe tous les bâtiments; on ne voit pas pourquoi la règle changerait quand il n'en absorbe qu'une partie.
Dans le Projet, l'objection sera moins fréquente, car lorsque le tribunal assignera à l'usager une portion du fonds pour sa jouissance, il fera sagement de tenir compte des charges annuelles et de la lui donner suf- " -flsante'pour couvrir en même temps les frais annuels.
Au surplus, nous répétons que le droit d'usage d'un fonds sera rarement constitué comme droit réel: jamais, sans doute, personne n'achètera un droit d'usage ou d'habitation: on ne voudra pas donner un capital, si modéré qu'il soit, pour un droit dont l'étendue est variable et la durée aléatoire; on aimera mieux prendre le fonds à ferme ou à loyer; quant à celui qui voudra, par testament ou donation, assurer à un parent ou à un ami une pension alimentaire, il le fera plutôt en constituant une rente viagère en argent, ou une créance d'une portion déterminée des fruits d'un fonds, laquelle sera prise sans charges, sur l'ensemble des récoltes.
Ce n'est pas une raison cependant pour ne pas organiser ces droits comme réels: la loi doit, autant que possible, régler toutes les éventualités.
La loi n'a pas ici de disposition relative à l'expropriation: si elle avait lieu, il ne serait. pas possible de donner à l'usager, ou à celui qui a l'habitation, la jouissance de l'indemnité: les deux droits qui nous occupent sont trop variables dans leur étendue pour se convertir ainsi en un droit fixe: il y aurait donc lieu, pour l'administration qui exproprie, à allouer une indemnité spéciale à l'usager, comme on le ferait pour un locataire ou un fermier. C'est le système adopté en France (Loi citée du 3 mai 1841, art. 39).
SOMMAIRE.
Art. 121. — N° 16. ¡). Nature du droit de bail: c'est un droit, réel dans le Projet japonais, lorsqu'il porte sur une chose corporelle. —167. Parallèle du droit de bail avec le droit d'usufruit. Renvoi à l'Appendice pour l'Emphytéose et la Superficie.
122. -168. Renvoi au Livre IIIe, pour le louage d'ouvrage ou d'industrie, pour le louage de services, pour le bail à cheptel.
123. —168 bis. Renvoi aux lois administratives pour les baux des biens de l'Etat, des départements, etc.
COMMENTAIRE.
Art. 121. — 166. La loi commence ce Chapitre comme les précédents, par une définition du Droit dont il va être traité.
Le fait seul, par la loi, d'avoir placé le droit résultant du bail dans cette lre Partie du Livre IIe, prouve que le Projet japonais le classe parmi les droits réel,s* mais l'article 2 l'avait déjà annoncée comme tel.
En France, et dans les autres pays qui ont suivi surtout la législation romaine, le droit du preneur est considéré comme un simple droit personnel, comme un droit de créance contre le bailleur et qui n'affecte pas la chose louée; c'est, au moins, l'opinion générale. Mais il y a des divergences d'opinion et les textes ne sont pas sans laisser des doutes à cet égard. La loi française, notamment, a donné au preneur d'immeuble un des avantages du droit réel, le plus considérable: elle a rendu son droit opposable aux sous-acquéreurs, quoiqu'il n'ait pas traité avec ceux-ci (voy. c. civ, art. 174S) et, par une conséquence naturelle, elle a soumis à la publicité par la transcription les baux d'une longue durée, ceux de plus de 18 ans (Loi du 23 mars 1855, art 2). Plusieurs auteurs en ont conclu que le Code civil français avait, à cet égard, transformé l'ancienne nature du droit du preneur en un droit réel.
Cette opinion, difficile à admettre en France, avec les précédents historiques, n'a rien de contraire à la raison; elle est même favorable aux intérêts économiques du pays. Il eût fallu seulement que la loi s'en expliquât.
Le Projet japonais, en fortifiant le droit du preneur, en lui donnant, par le caractère réel, une plus grande stabilité encore que celle qu'il a en France et ailleurs, favorisera l'agriculture, dans le louage des terres, et le commerce autant que l'industrie, dans le louage des bâtiments.
On indiquera, chemin faisant, les dispositions du Projet qui sont les conséquences de la réalité du droit.
On va reprendre maintenant la définition donnée par ce premier article.
167. D'abord, la loi ne s'occupe ici que du louage des choses corporelles.
Il existe deux louages de choses incorporelles, le louage d'ouvrage ou d'industrie et le louage de services. Ces deux sortes de louage peuvent avoir et ont certainement des points de ressemblance avec le louage des choses corporelles: mais une grande différence les sépare: il est clair que le louage d'ouvrage et le louage de services ne peuvent donner au preneur un droit réel, un droit sur la chose louée; ce ne peut être qu'un droit contre la personne de celui qui a promis son travail industriel ou ses services. La loi traitera de cette autre espèce de louage, parmi ceux des contrats qui ne produisent que des droits personnels (Livre lIre, art. 956 et s.).
Mais si la chose est corporelle, l'usage loué de cette chose est réel, sans distinguer si elle est mobilière ou immobilière; seulement, les droits réels mobiliers étant rarement opposables aux tiers, la question de la nature du droit du preneur perd une grande partie de son intérêt pour les meubles.
Le preneur d'une chose corporelle a un droit trèsvoisin du droit d'usufruit: il peut, de même que l'usufruitier, user et jouir de la chose d'autrui, et son droit a, sauf quelques particularités, la même étendue et les mêmes limites que l'usufruit; aussi, doit on compléter les dispositions du présent Chapitre par celles du précédent. La loi, elle-même, s'y réfère plus d'une fois (voy. art. 133, 155, 156) et ces renvois ne sont pas limitatifs: nous aurons occasion d'en ajouter d'autres.
Plusieurs différences cependant séparent le droit du preneur de celui de l'usufruitier. D'abord, quant à la durée; le droit de l'usufruitier est, en général, viager: il a pour durée la vie de l'usufruitier; le droit du preneur n'a pas ce caractère aléatoire: il est ordinairement établi pour une durée fixée.
Le droit de l'usufruitier est généralement établi à titre gratuit (par donation ou par testament); le droit du preneur est toujours établi à titre onéreux, c'est-àdire moyennant un sacrifice de sa part.
Lors même que l'usufruit est établi à titre onéreux,il y a encore une différence: l'usufruit établi à titre onéreux, le sera moyennant un prix de vente une fois payé, ou moyennant une chose fournie en échange; le droit du preneur sera acquis et conservé moyennant une prestation périodique, en argent ou en produits.
Il y a une autre différence entre les deux droits, quant à la manière même dont ils s'établissent: l'usufruit est quelquefois établi par la loi; le droit de bail ne l'est jamais que par contrat.
Enfin la prescription peut être invoquée comme présomption d'acquisition légitime d'un usufruit (v. art. 47 3e al. et n° 77 bis); elle ne recevra pas cette application en matière de bail (v. n° 171).
La Section suivante (art. 124) mettra ces différences en évidence.
Voici enfin la différence la plus considérable entre les deux droits: le constituant d'un usufruit n'est, en général, tenu d'aucune obligation personnelle envers l'usufruitier; ce n'est qu'au cas, assez rare, de vente de l'usufruit, qu'il aurait l'obligation de tout vendeur, de garantir l'acheteur contre l'éviction (a). Au contraire, le bailleur est toujours obligé envers le preneur, à le garantir, non seulement de l'éviction, mais encore de tout autre trouble, provenant même d'un cas fortuit ou d'une force majeure. En d'autres termes, il doit lui garantir une jouissance continue, laquelle est considérée comme la cause de l'obligation du preneur de payer une redevance périodique.
Sans doute, les parties peuvent, par la convention, restreindre ou supprimer cette garantie; mais, à défaut de convention, elle est due au preneur; c'est pourquoi on dit qu'elle n'est pas essentielle, mais naturelle au contrat.
Dans la constitution d'usufruit à titre gratuit, la garantie de la jouissance contre les cas fortuits ou la force majeure n'aurait lieu que si elle avait été stipulée: on dirait alors qu'elle est accidentelle à l'usufruit.
Nous signalerons encore quelques différences: ce qui a été dit de la jouissance de l'usufruitier à l'égard de l'indemnité d'expropriation ou d'incendie, ne s'appliquerait pas au preneur; au cas d'expropriation, le preneur recevra une indemnité spéciale; l'assurance ne profitera au preneur que s'il a lui-même assuré son droit de bail; il en est de même des obligations de l'usufruitier relatives aux réparations d'entretien, aux impôts, aux procès: elles n'incombent pas au preneur.
On trouvera, en Appendice à ce Chapitre, des règles particulières sur des baux d'un caractère spécial, l'Em- phytêose et la Superficie.
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(a) Eoiction, du latin e ou ex, hors, et vincere, victus, vaincre, vaincu: l'acheteur évincé est vaincu et mis dehors.
Art. 122. — 168. On a indiqué plus haut pourquoi la loi n'a pas à traiter ici de deux sortes de louage qui ne peuvent, par leur nature même, conférer de droit réel.
Quant au bail dit à cheptel (b), la loi, considérant qu'il a de l'analogie avec la Société, parce qu'il donne lieu à un partage des produits entre le preneur et le propriétaire, en pourrait traiter à la suite du Contrat de Société; mais, pour ne pas trop fractionner la matière du Louage et, considérant que le bail à cheptel a aussi de l'analogie avec le louage de services, il en sera traité à la suite de ce contrat (voy. art. 992 et s.).
Ce louage, encore peu usité au Japon, y prendra sans doute des développements, lorsque les progrès de l'agriculture auront rendu plus général l'élevage des bêtes à corne et à laine qui sont une des grandes sources de la richesse en Europe.
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(b), Le mot français cheptel paraît venir de caput, tête de bétail: on nomme alors le preneur cheptelier.
Art. 123. — 168. bis. Dans tous les pays, il y a des règles particulières pour la location et la vente des biens de l'Etat et des administrations publiques; sans parler des biens dits du domaine public, qui, en principe, ne peuvent être vendus ni loués.
Ce sont les lois administratives qui posent partout et posent au Japon les règles dont parle cet article.
Ce n'est pas à dire que le présent Code n'y sera d'aucune application. Au contraire, il sera toujours la loi fondamentale des ventes et des baux; mais le fonctionnaire dans les attributions duquel rentrera le soin de passer le contrat et d'en régler les clauses et les conditions sera ordinairement obligé de prendre préalablement l'avis de certains conseils, et le prix de vente ou de louage, au lieu d'être débattu entre le fonctionnaire et l'acheteur ou le preneur, sera ordinairement obtenu par la mise aux enchères publiques.
Le Code civil ne peut ici que faire un renvoi général à des lois administratives qui ne sont pas encore toutes définitives; car, en matière administrative, les changements sont, comme on a déjà eu occasion de le remarquer, fréquents et inévitables.
La similitude des droits de bail et d'usufruit fait adopter ici la même division du Bail en quatre Sections: 1° Etablissement du bail; 2° Droits du preneur; 3° Obligations du preneur; 4° Cessation du bail.
SOMMAIRE.
Art. 124. -"N0 169. Du contrat de bail ou de louage; du legs de bail; de la promesse de baiJ. —170. Suite. - 171. Pourquoi le droit de bail ne peut s'acquérir, en général, par prescription. —172. Cas excepté. 125. —173. Nature du contrat de bail ou de louage. 126. —174. Louage fait par les administrateurs légaux ou judiciaires: limites de leurs pouvoirs, quant à la durée du contrat.
127. —175. Limites quant au renonvellement. -1 i6. Suite.
128. —177. Limites quant au colonage partiaire ou aux prestations en fruits à fournir par le preneur.
129. —178. Application des articles précédents aux mandataires conventionnels.
130. -179. Louage fait par les personnes qui n'ont que l'administration de leurs biens.
131. -180. Louage par les personnes qui ont excédé les bornes de leur capacité ou de leurs pouvoirs: droits du propriétaire; obligation du preneur.
132. —181. Renvoi à l'Appendice pour les baux de plus de 30 ans.
COMMENTAIRE.
Art. 124. — 169. Cette disposition de la loi, n'indiquant qu'un mode de constitution ou d'établissement du droit de bail, n'est pas limitative, ce qui serait arbitraire: ce n'est qu'une énonciation du seul mode raisonnable d'établir ce droit. En fait, on n'en comprendrait guère d'autre que le contrat auquel le droit donne son nom: le contrat de bail ou de louage (a).
C'est une des différences signalées plus haut entre le droit de bail et le droit d'usufruit, lequel peut s'établir par les mêmes modes que ceux qui transfèrent la propriété, à l'exception de l'hérédité.
Il ne faudrait pas croire, en effet, que, parce qu'un droit est réel et peut être considéré comme un démembrement de la propriété, il s'établisse nécessairement comme celle-ci.
Quand on s'occupera de l'hypothèque, droit réel aussi, servant de garantie d'une obligation, on verra que, à part les cas où elle est établie par la loi, il n'y a qu'une seule convention qui puisse rétablir, la convention même d'hypothèqur, sans qu'elle ait d'autre nom (aa).
Voyons cependant si, outre la convention de louage, le droit de bail pourrait s'établir par la loi, par testament ou par prescription.
170. Et d'abord par la loi. Rien n'empêcherait, à la rigueur, que le législateur accordât un droit de bail à certains parents ou au conjoint du propriétaire, dans des circonstances particulières et bien déterminées; 'mais, comme le droit de bail est corrélatif à l'obligation de payer une somme annuelle (sans quoi, ce serait un droit d'usage ou d'habitation), il serait déraisonnable que la loi imposât aux deux parties un prix fixé par experts, lequel pourrait ne convenir ni à l'une ni à l'autre.
Non seulement aucune loi ne paraît, nulle part ni en aucun temps, avoir établi un pareil droit; mais personne n'a peut-être encore songé à signaler cette négation, tant elle est naturelle.
Il en est autrement d'un droit de bail légué par testament. Il y en a peu d'exemples; mais il en existe.
Le Projet a cru devoir indiquer comment il faudrait procéder, si quelqu'un, en mourant, avait légué un droit de bail à un parent ou à un ami.
Dans ce cas, l'héritier sera obligé par le testament à "passer un contrat de louage." Jusque là, il n'est pas encore bailleur et il n'a aucun des droits du bailleur; quand il aura passé le contrat, " aux clauses et conditions portées au testament," il aura les obligations assez étendues qu'on verra à la Section suivante; il aura aussi les droits déterminés à la Section 111e.
Si le testament ne portait pas les conditions du bail, notamment le prix à payer périodiquement par le preneur, il serait difficile de donner effet au testament, car l'héritier pourrait toujours exiger et le preneur offrir un prix auquel l'autre partie ne pourrait consentir et la loi ne permet pas de le faire fixer par experts.
La loi généralise ensuite cette disposition, en l'appliquant à toute promesse de bail. Cette promesse serait obligatoire, si elle contenait, en même temps, l'indication du prix de bail. Une fois que le stipulant aurait déclaré l'accepter, il aurait le droit d'exiger un contrat de louage en bonne forme.
Un cas qui pourra se présenter assez souvent dans la pratique, au Japon comme en France, c'est celui où un associé a promis d'apporter à la société, pour sa mise, la jouissance d'un de ses biens, à titre de bail; on comprendrait, à la rigueur, que l'acte de société déterminât les droits et devoirs respectifs du bailleur et de la société considérée comme preneur; mais il serait préférable de dresser un acte séparé conférant à la société le droit de bail. Un des avantages de cet acte séparé serait la plus grande facilité de donner au bail la publicité que la loi exigera bientôt pour que les droits réels soient opposables aux tiers (v. art. 368) (b).
Il faut. remàrquer, sur ce cas d'un apport social consistant dans un droit de bail, que le bailleur n'aurait pas à recevoir de loyers comme dans un bail ordinaire: autrement, il ne ferait aucun apport utile à la société.
Les articles 1851 et 1867 du Code civil français font allusion au cas où un associé a promis de mettre en société la jouissance d'un de ses biens. Le Projet, dans ce cas, lui impose les obligations d'un bailleur (v. art. 771, 2e al.).
171. On pourrait se de nander, enfin, si le droit de bail peut s'acquérir par prescription, comme le droit de propriété et le droit d'usufruit (bb).
Il ne faut pas hésiter à répondre négativement.
D'abord, il faut bien déterminer quelle serait l'hypothèse où la question pourrait se présenter
Ce ne serait pas le cas où quelqu'un se serait mis, sans titre en possession d'un fonds appartenant. à autrui et l'aurait conservé pendant 30 ans, à titre de preneur. Il est clair qu'un individu, faisant ainsi un acte d'usurpation, prendrait plutôt la qualité de propriétaire que celle de locataire ou fermier: du moment qu'il agirait avec mauvaise foi, il là pousserait jusqu'au bout; d'ailleurs, il ne payerait pas de loyers ou fermages.
Mais, supposons qu'une personne ait pris à loyer ou à ferme une maison ou une terre, traitant avec un autre que le vrai propriétaire, alors qu'elle ignorait ce défaut de qualité essentielle chez lui; admettons même qu'elle ne l'ignorât pas, ce qui la constituerait en état de mauvaise foi; supposons aussi qu'elle ait pris possession de la chose louée; il semble, au premier abord, que dans ce cas, le locataire étant possesseur, de bonne ou de mauvaise foi, du droit réel de bail, l'acquerra par quinze ans, dans le premier cas, et par trente ans dans le second, comme il acquerrait un droit d'usufruit (v. art. 1476 et 1477). Mais il n'en est rien.
Le bail, une fois constitué, produit, pour le preneur, le droit d'exiger du bailleur qu'il lui procure une jouissance continue de la chose. Or, un pareil droit, qui est personnel, ne peut s'établir par prescription: les créances n'ont que cinq causes parmi lesquelles ne figure pas et ne peut figurer la prescription.
En effet, la prescription dite acquisitive d'un droit en suppose la possession ou l'exercice; or, on ne possède guère, à proprement parler, un droit de créance, lequel ne met pas le créancier en rapport direct avec la chose due, mais seulement avec la personne du débiteur, et encore, ce rapport a-t-il rarement la continuité nécessaire à la prescription.
On verra cependant, à l'article 193, que les droits personnels sont susceptibles de possession comme les droits réels (v. aussi art. 478, 1351, 1390), mais que cette possession ne conduit pas à la prescription, au moins en général, et que, si la prescription a lieu, elle ne fait pas naître une créance, mais fait seulement acquérir une créance déjà née, comme on va le remarquer, ci-après, pour le bail même.
Il y a encore un autre effet du bail qui ne pourrait résulter de la prescription: le preneur se soumet à l'obligation de fournir au bailleur des prestations périodiques, ce qui le sépare profondément de l'usufruitier qui, lors même que son droit n'est pas établi gratuitement, ne fournit la contre-valeur qu'une seule fois. Or, il n'est pas possible que la prescription, qui, dans une de ses applications, est dite libératoire ou extinctive d'obligations, en devienne, en sens inverse, productive pour celui qui prescrit.
Tous ces résultats se trouveraient donc contraires à la nature de la prescription.
Remarquons encore que la création, par la prescription, des droits et obligations du preneur, rencontre un autre obstacle dans l'impossibilité de déterminer la personne contre laquelle il aurait ces droits et envers laquelle il serait obligé.
Serait-ce envers le bailleur, avec lequel il avait fait le contrat irrégulier à l'origine, ou envers le vrai propriétaire, contre lequel il aurait acquis le droit réel de bail ? Ce ne pourrait être envers le bailleur, car il ne peut devoir à celui-ci de loyers pour la jouissance d'une chose qui est désormais reconnue appartenir à autrui; il ne peut davantage lui demander la garantie de la jouissance continue d'une pareille chose.
Ce ne pourrait davantage être vis-à-vis du vrai propriétaire; car ce n'est pas avec celui-ci qu'il a eu, pendant le temps de la prescription, les rapports de débiteur à créancier.
Concluons donc que l'établissement du bail par la prescription répugne à toute raison, aussi n'a-t-il jamais été soutenu par aucun jurisconsulte, et, par cela même, aucun, que nous sachions, n'en a jusqu'ici combattu la possibilité.
172. Mais la prescription, qui serait impuissante à créer un droit de bail, pourrait faire acquérir à une personne un bail déjà créé pour une autre.
Supposons, par exemple, que le propriétaire ayant loué sa chose, un tiers achète ce droit de bail d'un autre que du véritable preneur; alors il y aura acquisition du droit de bail, comme droit réel, par la prescription ordinaire des droits réels immobiliers, et celui qui aura ainsi prescrit, en même temps qu'il aura le droit de jouir de la chose louée, aura les obligations dn preneur vis-à-vis du propriétaire.
Si la question n'a pas été agitée et résolue en France, c'est peut-être parce que le bail n'y est pas considéré comme droit réel; mais, il y faut admettre la même solution pour un droit personnel de bail ou pour toute créance ainsi reçue d'un créancier apparent.
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(a) Dans la suite on emploiera de préférence le mot "bail" pour le droit du preneur et celui de "louage" pour le contrat qui le confère.
(aa) Il existe aussi, dans plusieurs législations, notamment en France, une hypothèque dite judiciaire, parce qu'elle garantit l'exécution des jugements; mais comme elle n'est pas mentionnée dans les jugements, comme elle est virtuellement attachée à ceux-ci par la loi, elle n'est qu'une variété de l'hypothèque légale.
Quant au point de savoir si on pourrait léguer un droit d'hypothèque, il sera, résolu affirmativement au sujet de l'hypothèque testamentaire(v. art. 1218).
(b) Les sociétés sont soumises aussi, par le Code de Commerce, à une certaine publicité de leurs statuts et de leurs autres éléments; mais ce n'est pas par le même mode, ni par la même voie que pour le bail.
(bb) C'est par abréviation que l'on parle ici le langage usuel, au lieu de présenter, la. prescription comme une présomption d'acquisition: on ne prend cette précaution que dans les textes (v. art. 45 et 47).
Art. 125. — 173. La loi rencontre ici, pour la première fois, un contrat dont le double caractère onéreux et synallagmatique a une grande importance juridique.
Elle n'a pas à en présenter ici les effets généraux: ils seront exposés au commencement de la ne Partie de ce Livre (art; 318 et' 319). Ce que la loi doit faire ici, c'est présenter les règles particulières à ce contrat; en cela même, elle dépasse déjà les limites du sujet, car elle ne se borne pas à exposer les particularités du droit réel de bail, elle présente aussi et elle doit présenter les droits personnels qui l'accompagnent et l'étendent.
Les lois sont souvent obligées de s'écarter ainsi d'une méthode rigoureuse, pour éviter de morceler, de diviser des théories qui se trouvent plus claires quand elles sont présentées dans leur ensemble
On expliquera seulement ici le sens des deux expressions à titre onéreux et synallagmatique.
Un contrat est à titre onéreux, lorsque chaque partie y fait un sacrifice en faveur de l'autre: c'est l'opposé d'un contrat à titre gratuit ou à titre lucratif, où l'une des parties reçoit un avantage, sans fournir aucun équivalent.
Le contrat est synallagmatique ou bilatéral, lorsque les deux parties s'engagent, l'une envers l'autre, à donner ou à faire quelque chose. Il en résulte que le contrat synallagmatique est en même temps onéreux, en sorte que la seconde qualification ne pourrait dispenser d'employer la première; mais, comme la réciproque n'est pas toujours vraie, comme un contrat à titre onéreux n'est pas toujours synallagmatique et peut (.ire unilatéral, ainsi qu'on le verra sous l'article 319. l'usage a consacré les deux mots et leur emploi tantôt réuni, tantôt séparé, pourvu qu'on ait soin d'employer d'abord le mot le moins large (à titre onéreux) et le mot synallagmatique en dernier lieu (c).
Le contrat de louage est donc à titre onéreux puisque chaque partie y fait un sacrifice: le bailleur en se privant de la jouissance de sa chose, le preneur en payant des sommes périodiques; il est synallagmatique, car les deux parties contractent des obligations: le bailleur celle de garantir une jouissance continue, le preneur celle de payer les loyers ou fermages périodiques.
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(c) Onéreux vient du la.tin: onus, "çh,trge, fardeau, sacrifice."
Synallagmatique, vient de deux mots grecs signifiant: " lier ensemble."
Bilatéral, du latin: bis, "deux fois " et latus, côté: à deux côtés."
Unilatéral, du latin: unum, "un" et lattis, "côté: à un seul côté."
On ne doit pas JI,¥oir scrupule d'enrichir 1/\ langue juridique japonaise d'expressions européennes, pqur toutes ces idées nouvelles; on voit constamment qu'en France la langue du droit est pleine de mots de forme ' grecque ou latine.
Art. 126. — 174. On doit poser en règle que le propriétaire seul peut grever sa chose d'un droit réel au profit d'autrui. Mais, ceux qui ont reçù de la loi ou de la justice le pouvoir d'administrer des biens qui ne leur appartiennent pas peuvent consentir des baux sur ces biens.
Ce n'est pas, à proprement parler, une exception; -car ces administrateurs sont assimilés à des mandataires conventionnels et ils sont présumés agir selon - l'intention du propriétaire, au nom duquel, d'ailleurs, ils font le contrat. En outre, le contrat de louage est justement considéré comme étant de sa- nature un acte d'administration, c'est-à-dire un acte qui améliore la fortune du propriétaire sans l'exposer à des risques.
Comme exemples d'administrateurs légaux, on peut citer le père ou le tuteur d'un mineur, le tuteur ou le curateur d'un interdit, et le mari, à l'égard des biens de sa femme; il faut y ajouter les fonctionnaires publics, administrateurs des biens de l'Etat, des départements, des communes et des établissements publics; sauf à n'appliquer à ceux-ci les présentes règles que si les lois administratives ne statuent pas autrement.
Comme exemples d'administrateurs judiciaires, on aura les curateurs aux successions vacantes, les syndics de faillite, les séquestres de biens litigieux.
Pour que ces personnes puissent être considérées comme agissant selon l'intention présumée du propriétaire, il est naturel qu'elles ne grèvent pas la chose pour un trop long temps, qu'elles n'engagent pas trop l'avenir. De là, les limites apportées par la loi à la durée des baux par elles consentis.
Il était naturel aussi quelle temps fût plus court pour les meubles que pour les immeubles et que, parmi ces derniers, il fût plus court pour les bâtiments que pour le sol, lequel demande toujours de plus longs et de plus coûteux travaux préparatoires pour donner des revenus sérieux et durables (1).
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(1) On a réduit de moitié la durée précédemment proposée; on n'a maintenu la durée de 10 ans que pour les terres non arables.
Art. 127. — 175. Sans les précautions de la loi, il serait facile d'éluder l'article précédent. L'administrateur, après avoir passé un bail de 5 ans, par exemple, le renouvellerait au bout d'un an, pour 5 autres années, ce qui serait abusif à l'excès.
Si, au contraire, le renouvellement se fait quelque temps avant l'expiration du bail, il y a, pour les deux parties, un avantage véritable; il y a une sécurité contre le risque, pour le propriétaire, que le bien soit quelque temps sans preneur et, pour le preneur, que ses bras ou ses capitaux soient pendant un certain temps inoccupés.
Quand la relocation est régulière, le temps du nouveau bail s'ajoute à ce qui restait à courir du temps antérieur.
176. Une question pouvait se présenter et cet article la tranche. Si l'administrateur avait renouvelé le bail avant le temps permis, n'aurait-on pas pu soutenir que le renouvellement serait valable dans le mesure du temps où le bail primitif avait pu être fait, c'est-à-dire, en ne comptant le renouvellement que pour le temps qui, joint à ce qui restait à courir du premier bail, donnerait 1, 3, 5 ou 10 ans ? Par exemple, le bail aurait été fait d'abord pour 5 ans; l'administrateur l'aurait renouvelé après 2 ans, il restait encore 3 ans, à courir: aurait-on pu dire que le reste de l'ancien bail se confondrait avec le nouveau et qu'il y aurait encore 5 ans de bail ?
Il fallait répondre négativement, car l'administrateur pourrait ainsi, par complaisance pour le preneur, immobiliser le bail, le soustraire à l'effet du temps qui doit l'abréger chaque jour et préparer pour un avenir plus ou moins rapproché la liberté du fonds.
On pouvait au moins admettre, comme la loi française (art. 1430), que si le bail a été renouvelé prématurément, mais que la nouvelle période fût commencée quand finirait le pouvoir de l'administrateur, cette période pourrait être achevée. Le Projet va encore plus loin: le renouvellement vaudra, non seulement si le nouveau bail est commencé, mais même si l'on était entré dans la période intermédiaire où le renouvellement était possible: on doit considérer que l'administrateur qui l'avait renouvelé trop tôt, l'aurait renouvelé dans cette période s'il ne l'eût déjà fait par anticipation. Par exemple, le bail avait été fait valablement pour 5 ans, il pouvait être renouvelé pour 5 autres années après 4 ans et 6 mois; l'administration a cessé après ce délai et avant 5 ans: le nouveau bail de 5 ans sera valable pour le tout à l'expiration des 5 premières années (2).
Dans ce cas, l'acte de l'administrateur s'est trouvé utile et, comme il aurait pu être valablement, fait au moment où l'administration finit, on n'en pourra pas contester la légalité.
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(2) Cette solution est nouvelle: l'ancien texte n'allait; pas plus loin que le Code français.
Art. 128. — 177. Lorsque le propriétaire fait lui- même la location, il peut, bien entendu, consentir à recevoir toute autre prestation annuelle que de l'argent; mais un administrateur ne peut raisonnablement admettre des prestations en produits d'une nature et d'une origine quelconques dont la vente et même la conservation pourraient être souvent difficiles.
La loi lui permet cependant de faire un bail à. part de fruits ou à colonage partiaire, mais sous la condition que cette nature de bail ait déjà été admise antérieurement par le propriétaire ou soit usitée dans la localité, et c'est dans les mêmes usages que l'administrateur devrait prendre modèle pour la fixation de la part de fruits à fournir. L'administrateur peut aussi, au lien d'une quote-part des fruits du fonds, en stipuler une quantité déterminée et invariable, mais toujours sous la condition qu'il y ait des précédents de ce mode de prestation. De cette façon, le contrat sera moins aléatoire que si la prestation de fruits variait avec la récolte et il ne sera pas nécessaire à l'administrateur de surveiller la culture et d'en contrôler les produits.
Comme un payement en argent est le mode le plus simple de satisfaire le bailleur, la loi permet au preneur, dans les deux cas, de se libérer en argent de tout ou partie de la prestation promise en produits du fonds. Bien entendu, il ne pourrait y être contraint: il n'a qu'une obligation facultative (v. art. 456).
Le prix se règle "d'après la valeur locale courante."
On pourrait se demander d'après quel lieu sera fixée cette valeur courante: sera-ce d'après le lieu même où les produits sont récoltés, ou d'après la ville où se tient le marché public le plus proche, laquelle est, en même temps, le lieu où il y a un cours constaté pour le prix des grains ?
Ce dernier lieu doit évidemment être adopté comme régulateur; seulement, le preneur aurait le droit de déduira de ce prix le montant des frais de transport du lieu de production au lieu du marché, car ces frais, qui seront supportés par lui, entrent toujours pour une certaine part dans la détermination des prix courants et les élèvent; le bailleur aurait eu d'ailleurs à les supporter lui-même, pour vendre ces grains, si la prestation lui avait été faite en nature sur place; or, le preneur les lui épargne, en payant en argent.
Bien que la loi n'ait pas eu occasion de le dire, il faut admettre que si le bail avait été fait par le propriétaire lui-même, à condition de recevoir tout ou partie du prix en denrées provenant du fonds, le preneur aurait le même droit de se libérer en argent, à moins de stipulation contraire, ou à moins que l'intention contraire du bailleur ne fût évidente: par exemple, s'il avait stipulé la quantité de riz nécessaire pour sa maison pendant un an.
La réciproque ne serait pas admise: le preneur ne pourrait, sans le consentement formel du bailleur, payer, en riz, même au cours commercial, un prix de bail fixé en argent.
Art. 129. — 178. La loi aurait pu, sans doute, réunir tous les mandataires dans une même disposition, en ajoutant, dans l'article 126, les mandataires conventionnels; mais c'eût été en compliquer la rédaction. D'ailleurs, l'extension ou la restriction des pouvoirs, que la loi suppose ici, ne se pratiquera guère dans le cas de mandat légal ou judiciaire.
Art. 130. — 179. Lorsque le Livre Ier, des Pe?-sonnes, sera rédigé, les personnes dont il s'agit ici n'auront, sans doute, qu'une capacité limitée: elles auront l'administration de leurs biens; mais elles n'en auront pas la disposition.
Si la loi leur permettait de faire des baux à long terme, elles pourraient, par faiblesse ou inexpérience, engager l'avenir pour un temps trop long et à des conditions peu avantageuses.
Art. 131. — 180. C'est un principe qui sera posé à l'occasion des incapacités, en général (v. art. 340), et dont la loi fait ici l'application anticipée, que ceux qui ont traité avec les incapables ne peuvent se prévaloir d'une nullité qui n'est pas établie en leur faveur, mais contre eux.
Or, lorsqu'un administrateur a excédé ses pouvoirs, quant à la durée du bail, il ressemble à celui qui, dans l'administration de sa propre chose, a excédé les bornes de sa capacité, et le propriétaire en faveur duquel les pouvoirs de l'administrateur sont limitas n'est pas tenu par les actes illégaux; mais, comme celui qui a traité avec l'administrateur avait une pleine capacité (on le suppose ici), il ne peut se soustraire à son propre engagement, si le propriétaire, ayant repris l'administration de ses droits, veut le ratifier ou l'approuver.
D'un autre côté, il ne serait pas juste que le propriétaire pût laisser l'autre partie dans une incertitude indéfinie: celle-ci peut donc le sommer d'avoir à se prononcer dans un délai déterminé, faute de quoi, elle pourra considérer le contrat comme maintenu; elle ne pourrait, bien entendu, le considérer comme non avenu.
Les formes de cette sommation et de la déclaration qui ensuite maintiendra le contrat ne sont pas déterminées ici: elles seront établies, pour une application plus générale, au Code de Procédure civile.
Pour que le preneur ne puisse fixer au propriétaire un délai d'une brièveté dérisoire qui obligerait, plus tard, à renouveler la sommation, avec un délai fixé par le tribunal, la loi fixe elle-même le délai: à 8 jours, pourles meubles, à 15 jours pour les bâtiments, à 30 jours pour les terres arables et à 60 jours pour les autres sols; ce délai serait augmenté du délai des distances entre les domiciles respectifs des parties, toujours d'après les règles générales relatives à ces sortes d'actes.
Tout ce qu'on vient de dire d'un propriétaire dont l'administrateur ou le mandataire aurait excédé ses pouvoirs s'applique à un incapable ou à une personne d'une capacité limitée qui aurait excédé les bornes de sa capacité. Mais, bien entendu, il faut supposer qu'au moment où cette personne est sommée d'avoir à se prononcer sur le bail, elle est devenue pleinement capable, de même qu'on a supposé que le propriétaire avait recouvré l'administration de ses biens.
Si les pouvoirs de l'administrateur, légal, judiciaire ou conventionnel n'avaient pas cessé, le preneur, en cas de bail d'une durée illégale, pourrait faire pareille sommation audit administrateur, lorsque l'on serait arrivé à l'époque où le. bail pourrait être valablement renouvelé.
Art. 132. — 181. La loi ne peut guère limiter les droits d'un propriétaire capable, quant à la durée et aux conditions des baux qu'il consent lui-même.
Toutefois, elle peut toujours assigner à ces baux un caractère et des effets particuliers, lorsqu'ils ont une durée considérable.
On verra dans l'Appendice, les règles particulières aux baux emphytéotiques; on y verra aussi que l'Em- phytéose elle-même a des limites dans sa durée, pour ne pas se confondre avec le droit de propriété.
C'est à la suite des règles du bail emphytéotique qu'on trouvera celles du droit de Superficie qui tient à la fois du droit de bail et du droit de propriété.
SOMMAIRE.
Art. 133. — N° 181. bis. Etendue normale du droit de bail; modifications qu'y peuvent apporter les parties.
134. —182. Dispense, pour le preneur, d'inventaire des meubles, d'état des immeubles et de cautionnement; renvoi pour le privilége du bailleur.
135. -183. Mise de la chose en bon état par le bailleur; réparation d'entretien au cours du bail; charges respectives du bailleur et du preneur.
136. —18 t. Grosses réparations devenues nécessaires; indemnité due au preneur; résiliation.
137. -185. Troubles causés par un tiers: mise en cause ou intervention du bailleur comme garant.
138. —186 à 188. Privation de jouissance par force majeure; réduction du prix de bail ou résiliation, suivant les cas; exclusion de l'indemnité pour accidents météorologiques.
139. —189. Garantie du défaut de contenance. 140. -190. Garantie spéciale due au preneur commerçant ou industriel de détail.
141. -191. Constructions et plantations faites par le preneur; renvoi pour le droit de préemption du bailleur.
142. -192. Cession du bail et sous-location: comparaison; exception.
143. -193. Hypothèque du bail.
144. -194. Actions réelles compétant au preneur. Actions réelles du preneur.
COMMENTAIRE.
Art. 133. — 181. bis. La définition du droit de bail donnée par l'article 121 disait déjà que le preneur a le droit d'user et de jouir de la chose d'autrui; mais l'usage et la jouissance peuvent être exercés avec plus ou moins d'étendue.
La loi a évité des redites, en posant en principe que les droits du preneur sont semblables à ceux d'un usufruitier. C'est ainsi qu'il n'est pas nécessaire de dire au texte que le preneur a sur les animaux compris dans le louage d'un fonds rural les droits accordés à l'usufruitier par l'article 60, qu'il joint des bois loués, des carrières, marnières et tourbières, conformément aux articles 61 à 65, qu'il jouit des alluvions (art. 67), qu'il a le droit de chasse et de pêche (art. 68).
Ce n'est pas à dire pourtant que tous les droits d'un usufruitier qui ne sont pas refusés au preneur lui appartiennent par cela seul: il est des choses qui, par leur nature, ne peuvent être prétendues par le preneur, parce qu'elles ne peuvent être raisonnablement l'objet d'un louage; telles sont: les choses fongibles ou de quantité (art. 57), une rente viagère (art. 59), une mine (art. 65).
Ces deux droits, d'usufruit et de bail, pour être analogues, ne sont donc pas identiques: celui du preneur est souvent moins étendu à certains égards, notamment quant à la durée, qui n'est pas celle de la vie du preneur, bien qu'il puisse éventuellement la dépasser, et il est plus étendu à d'autres égards, car le preneur peut exiger que le bailleur lui procure la jouissance par tous les moyens qui sont en son pouvoir (v. n° 167).
Le contrat contiendra souvent des clauses particulières qui étendront ou restreindront les effets légaux du bail.
Il n'est évidemment question ici que de ces effets légaux. A l'égard des effets conventionnels, ils seront observés suivant la teneur du contrat, lequel, lorsqu'il est valablement formé, " tient lieu de loi entre les parties" (art. 348).
Art. 134. — 182. La dispense d'inventaire des meubles et d'état des immeubles est une différence favorable au preneur comparé à l'usufruitier: elle est fondée sur ce que, le droit du preneur étant acquis à titre onéreux, il n'est pas juste de lui imposer exclusivement la charge d'une série de mesures qui profiteraient surtout au bailleur.
Mais, si le contrat avait imposé ces obligations au preneur, elles seraient naturellement exigibles.
Dans tous les cas, chacune des parties pourra toujours faire procéder à l'inventaire ou à l'état des biens, à ses frais, en appelant l'autre partie à y être présente (voy. art. 145).
Le plus souvent, les parties conviendront de faire, à frais communs, un état des lieux, pour se mettre à l'abri de contestations ultérieures, et elles n'y manqueront certainement pas, s'il s'agit d'une maison meublée en tout ou en partie.
Quant au cautionnement, la dispense est moins importante, car il est remplacé par un privilége légal du bailleur d'immeubles sur les objets mobiliers appartenant au preneur et garnissant les lieux loués (voy. art. 1152 et s.), c'est seulement pour les locations de meubles ou de locaux meublés que la loi n'impose au preneur aucune sûreté à fournir, ni personnelle, ni réelle: c'est au bailleur à en exiger ou à se faire payer en avance.
Art. 135. — 183. Cette Section, par cela même qu'elle est consacrée aux droits du preneur, correspond aux obligations du bailleur, comme la Section suivante, consacrée aux obligations du preneur, correspond aux droits du bailleur; ce double objet de chaque Section est la conséquence de ce que le contrat de louage est synallagmatique ou bilatéral.
On a vu que l'usufruitier, au moment de son entrée en jouissance, prend les choses dans l'état où elles sont, sans pouvoir exiger aucune réparation (art. 51).
Il en est autrement du preneur qui peut exiger, au début, que la chose soit mise " en bon état de répara- lions," même de celles qu'il aura à supporter, lorsqu'elles deviendront nécessaires pendant sa jouissance. Cette obligation du bailleur, corrélative au droit du preneur, est une conséquence de son obligation, plus générale, de procurer et garantir au preneur la jouissance de la chose louée, pendant toute la durée du bail.
Mais les réparations rendues nécessaires par la faute directe du preneur ou par son défaut de soins sont évidemment à sa charge.
A l'égard de l'entretien des objets mentionnés à la fin de l'article, il ne faut pas conclure de ce que le bailleur en est dispensé que le preneur en soit tenu: c'est pour lui une dépense facultative.
Si, au moment où finit le bail, les objets dont parle le 3e alinéa sont usés, salis ou gâtés, le bailleur ne pourra en demander au preneur la réparation que si l'altération ou la dégradation n'est pas justifiée par le seul fait de leur service, eu égard à sa durée.
Quant au curage dont le bailleur est dispensé par le 4e alinéa, il ne comprend pas les puits: c'est une dépense trop considérable pour la mettre À. la charge du preneur; elle ne se fait d'ailleurs qu'à d'assez longs intervalles; or, le preneur ne la ferait jamais, au grand préjudice de l'hygiène privée, tandis qu'il ne manquera pas de l'exiger du bailleur quand elle sera devenue nécessaire (1).
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(1) L'ancien texte dispensait formellement le bailleur du curage des puits: en supprimant cette dispense, le curage des puits se trouve à la charge du bailleur, en vertu du 2e alinéa qui est général.
Le nouveau texte laisse également à la charge du bailleur le curage des conduites d'eaux pluviales: leur obtruction ne peut être imputée au preneur.
Art. 136. — 184. D'après l'article précédent, le preneur a le droit d'exiger les réparations nécessaires à sa jouissance; mais il pourrait se rencontrer des cas où le preneur, approchant de la fin de son bail, voudrait s'épargner les embarras d'un travail souvent long et incommode.
D'un autre côté, si certaines réparations ne sont pas faites, les bâtiments, murs, digues, peuvent se dégrader gravement ou même se détruire. La loi impose donc au preneur l'obligation de subir les réparations devenues nécessaires.
Mais il ne fallait pas complètement abandonner le principe qu'il a droit à la garantie de sa jouissance; la lui veut donc:
1° Qu'il soit indemnisé, si les travaux ont duré plus d'un mois et lui ont causé un dommage appréciable (a);
2° Qu'il puisse faire résoudre ou résilier le bail, s'il doit être privé par les travaux, même pendant un jour, de toute la partie habitable de la maison, ce qui l'obligerait à aller habiter au dehors, ou de la partie des bâtiments qui lui est nécessaire pour sa profession commerciale ou industrielle, ce qui pourrait lui causer des pertes sérieuses.
On n'a pas à craindre que le preneur abuse de ce droit de résiliation, quand la privation des bâtiments nécessaires devra être très courte, car la résiliation elle-même lui causerait les embarras d'un déplacement; en outre, le bailleur, s'il craint la résiliation, pourra, ou demander au preneur un plein consentement aux travaux, ou les ajourner à la fin du bail, si le danger n'est pas imminent.
Cet article pourrait sembler appartenir à la Section suivante, aux obligations du preneur, mais outre qu'on y trouve aussi, pour lui, un double droit, il a paru convenable de ne pas diviser ce qui concerne les réparations de la chose louée.
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(a) Le Code français autorise une durée de 40 jours sans indemnité (art. 1723); le.Code italien admet l'indemnité après 20 jours. Le Projet a adopté un mois, comme terme moyen entre ces deux délais.
Art. 137. — 185. Le preneur, ayant un droit réel, pourrait défendre lui-même son droit en justice, à la différence de ce qui a lieu en France, où le droit du preneur, n'étant pas réel, ne peut être défendu que par le bailleur (voy. c. civ., art. 1727).
Mais il fera sagement de ne pas prendre sur lui la responsabilité du procès: il pourrait s'imputer de l'avoir perdu, faute des preuves que le bailleur, au contraire, aurait pu fournir contre le tiers. Il rentre d'ailleurs dans l'obligation générale de garantie du bailleur de défendre le preneur contre les troubles de droit.
La loi suppose que le trouble apporté par un tiers a une cause de droit, une cause prétendue légitime; comme serait un droit de propriété, d'usufruit, ou de bail antérieur sur la chose louée; mais, si le tiers commettait des dégradations, des vols de fruits ou des abus de voisinage, sans alléguer un droit sur la chose, le preneur ne pourrait pas appeler le bailleur en garantie: il devrait se défendre lui-même contre ces troubles de fait (voy. c. civ. fr., art. 1725).
Il ne pourrait non plus se faire indemniser du trouble, s'il provenait d'une cause à lui imputable, comme d'une cession ou sous-location qu'un tiers prétendrait lui avoir été faite par le preneur.
Art. 138. — 186. Bien que le bailleur soit garant, d'une manière générale, de la jouissance du preneur, la loi a dû apporter quelque tempérament à la règle, quand la privation de jouissance provient d'une force majeure extraordinaire et grave, telle que les faits déterminés par cet article.
La loi a pris une sorte de moyen terme entre deux solutions extrêmes dont l'une aurait mis la perte exclusivement à la charge du preneur et l'autre à la charge du bailleur.
Si la perte est inférieure à un tiers des profits annuels (ce qui comprend le bénéfice de l'habitation autant que les produits du sol), elle restera à la charge du preneur.
Si elle est d'un tiers ou davantage, elle retombera sur le bailleur qui subira une diminution du prix du bail, proportionnellement à cette perte.
Cette indemnité, au profit du preneur, n'aurait pas lieu, si le prix du bail consistait en une quote-part des fruits du fonds, parce que la perte, si minime qu'elle fût, retomberait sur le bailleur, en proportion de ses droits. Dans le même cas, la perte des fruits survenue après qu'ils sont séparés du sol est à la charge du preneur, à moins que le bailleur ne fût en demeure de recevoir sa part.
La loi prévoit ensuite que le trouble apporté ainsi à la jouissance, par une fcrce majeure, a duré trois années consécutives; alors le preneur, bien qu'il ait été indemnisé chaque année au moyen d'une diminution du prix de bail, se trouvant privé d'une partie des bénéfices ou avantages espérés, peut faire résilier le bail pour l'avenir.
On pourrait s'étonner qu'il ait le droit de résiliation quand il a été indemnisé pour trois pertes successives d'un tiers, et qu'il n'ait pas le même droit, quand il nVpas eu d'indemnité, à raison de ce que les pertes étaient inférieures à un tiers. Mais, du moment que la perte est assez minime pour ne pas donner lieu à indemnité (et aux yeux de la loi, moins d'un tiers est une perte minime), la conséquence nécessaire est qu'il y a encore moins lieu à résiliation.
187. La loi, en accordant une indemnité au preneur pour la perte de récolte, si elle provient d'un des événements graves et exceptionnels qu'elle détermine, procède par voie d'exemple et d'énonciation et n'est pas limitative; mais il est évident aussi qu'elle a entendu refuser une indemnité au preneur, lorsque la diminution de récolte provient des accidents météorologiques ordinaires, tels que grêle, gelées, pluies, sécheresse; en cela, le Projet s'écarte du Code français (art. 1769 et 1770) et du Code italien (art. 1618 et 1619): on a considéré, en effet, que la culture du sol présente toujours des risques de pertes et des chances de gains qui, si elles ne se compensent pas toujours, ont pu être prises en considération par les parties dans la fixation du prix; on sait aussi que les années où la récolte est peu abondante ne sont pas toujours les plus mauvaises pour les cultivateurs, parce que les produits se vendent d'autant plus cher qu'ils sont moins abondants, surtout si la rareté est à peu près générale. De cette façon, le Projet écarte un grand nombre de difficultés qui s'élèvent sur les deux Codes précités.
188. Enfin, la loi suppose que des bâtiments ont été incendiés ou détruits par force majeure, et ces bâtiments représentaient le tiers de la jouissance annuelle; alors, il n'est pas nécessaire que la privation de jouissance ait duré trois ans; comme il dépend du bailleur de les relever plus ou moins promptement, la loi permet la résiliation au profit du preneur, si la reconstruction n'a pas eu lieu dans l'année.
Cette disposition est faite pour une destruction " totale ou partielle " des bâtiments; il faut observer toutefois que si la destruction totale constituait la perte de la chose louée, le bail cesserait de plein droit (v. art. 157).
Art. 139. — 189. Il arrive souvent que les parties ne font pas procéder au mesurage des terrains ou des bâtiments avant de traiter: le preneur s'en rapporte à la déclaration du bailleur; mais celui-ci peut se tromper, et cette erreur peut être quelquefois assez grave pour constituer une perte considérable pour le preneur. En sens inverse, il pourrait y avoir une contenance supérieure à celle annoncée au contrat et il ne faudrait pas que le preneur y trouvât un profit trop considérable, ni qu'il fût obligé de payer un supplément de prix qui pût le gêner. La loi n'entre ici dans aucune des distinctions que comporte cette question, elle renvoie au Chapitre de la Vente (art. 685 et s.), où la même difficulté se présentera et où les distinctions nécessaires seront établies (comp. c. civ. fr., art. 1616 et s. et 1765).
Art. 140. — 190. C'est encore ici une conséquence de la garantie de jouissance que le bailleur doit au preneur. Il est clair que si, après avoir loué des bâtiments, sachant qu'ils devaient servir à un commerce ou à une industrie de détail, le bailleur expose le preneur à une concurrence venant, soit de lui-même, soit d'un autre preneur, dans les mêmes locaux, il manque à son obligation. Il en serait autrement, si le bailleur exerçait déjà le même commerce antérieurement au louage. Si ledit commerce était déjà exercé par un premier preneur et que le propriétaire en entreprît un semblable, c'est alors le premier, et non le second preneur, qui pourrait se plaindre.
La loi ne statue ici que pour le commerce ou l'industrie de détail; car, pour le commerce en gros ou demi- gros. et pour les industries un peu considérables, le voisinage des mêmes marchands ou industriels, loin d'être un inconvénient, est un avantage: dans les grandes villes, chaque genre de commerce en gros a son quartier principal: la clientèle du grand commerce n'étant pas dans le voisinage, mais dans toute la ville et même au dehors, il n'y a aucun inconvénient à ce que les marchands soient rapprochés les uns des autres; au contraire, ils y trouvent l'avantage de mieux connaître les cours de leurs marchandises et de pouvoir s'entendre au sujet de leurs intérèts communs. La même observation s'applique à l'industrie (2).
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(2) L'ancien texte ne mentionnait que le commerce de détail; on propose d'y ajouter l'ind'astl'ie de détail, par identité de motifs: les réparateurs d'ustensiles, les tailleurs iL façon, cordonniers, barbiers, etc., souffriraient d'une concurrence voisine à laquelle les exposerait le bailleur.
Art. 141. — 191. Bien que le preneur n'ait qu'un droit temporaire sur le fonds, il ne peut lui être interdit d'y faire des constructions ou des plantations, du moment qu'il respecte celles qui existent ou qu'il obtient du bailleur l'autorisation de les modifier.
Il doit de même pouvoir enlever lesdites constructions ou plantations, en remettant les choses dans l'état primitif, à la fin du bail (comp. art. 72).
Mais si, avec le consentement du bailleur, d'anciennes constructions ou plantations ont été supprimées pour faire place aux nouvelles, on peut se demander si le preneur conserve le même droit, quoiqu'il ne puisse évidemment rétablir les anciens ouvrages.
Il faudra, en général, maintenir son droit car si le bailleur n'a pas fait à ce sujet de réserves à son profit, c'est qu'il a reconnu que ses anciennes constructions ne dureraient pas au-delà du bail.
Le droit du bailleur à la préemption est exposé au sujet des obligations du preneur (v. art. 156).
Art. 142. — 192. Les droits, réels ou personnels, sont, en général, cessibles: ce sont des biens composant le patrimoine (art. 1er): ils sont, sauf exception, à la libre disposition de celui auquel ils appartiennent. Parmi les droits réels, il n'y a guère que ceux d'usage et d'habitation qui soient exclusivement attachés à la personne et comme tels incessibles (voy. art. 119).
Il n'y avait pns de raison d'interdire, par la loi, la cession du bail ou la sous-location. Mais le bailleur peut avoir, par le contrat, interdit cette faculté au preneur; c'est ce qui pourra arriver dans le cas où il craint des dégradations pour une chose de luxe eu délicate.
La loi prend soin d'indiquer la différence essentielle entre la cession de bail et la sous-location, ce que n'a pas fait le Code français (art. 1717), au grand détriment de l'application pratique, sur laquelle on est fort divisé.
La cession du bail est une aliénation complète du droit pour toute sa durée: elle peut être gratuite, c'est alors une donation; elle peut être à titre onéreux, ce sera alors presque toujours une vente, pour un prix unique; cependant, rien n'empêcherait que ce fut un échange ou un apport en société.
La sous-location est un nouveau louage de la chose, lequel pourra avoir une durée moindre que le bail principal: la sous-location est toujours à titre onéreux. Les obligations du cédant et celles du sous-locateur ne sont pas les mêmes, au point de vue de la garantie: le cédant n'est garant que de l'éviction, le sous-locateur est garant de la jouissance continue.
Il est naturel que le preneur ne puisse, par la cession ou la sous-location, se soustraire à ses obligations envers le bailleur: le nouveau preneur peut être embarrassé dans ses affaires; le bailleur n'en doit pas souffrir, à moins qu'il n'ait consenti à l'accepter pour débiteur, au lieu et place de l'ancien preneur; c'est ce que la loi appelle " faire no cation."
La théorie de la novation appartient à la matière des Obligations et elle y ?era développée (art. 511 et s.).
Lorsque le bailleur a droit à une quote-part de fruits, comme prix de bail, le contrat a quelque chose de la Société (voy. nos 154 et 168): il est fait en considération de la personne du preneur, de son intelligence et de sa probité; dès lors, la cession ou sous-location est interdite en principe: elle ne peut avoir lieu que si le bailleur y consent.
Remarquons, à ce sujet, que la cession du bail serait permise dans le cas de l'article 128, 2e al., celui où le preneur doit, non plus une quote-part, mais une quantité fixe des produits du fonds: dans ce cas, il n'y a plus le même intérêt à ce que l'exploitation reste dans les mains du preneur originaire.
Art. 143. — 193. L'hypothèque étant un droit réel sur les immeubles et servant à la garantie d'une créance, il n'y a pas de raison d'interdire au preneur la faculté d'hypothéquer son droit réel de bail (v. art. 1203).
Si le preneur n'acquitte pas la dette pour laquelle il a hypothéqué son bail, le droit au bail sera vendu à la requête du créancier hypothécaire, ce qui ne causera pas plus de dommage au bailleur qu'une cession directe par le preneur.
Mais dans les cas où la cession du bail est interdite, soit en vertu du contrat, soit par la loi, comme il est dit au dernier alinéa de l'article précédent, l'hypothèque se trouve par cela même interdite.
Il va sans dire qu'en droit français, le bail ne peut être hypothéqué, puisque cette législation ne reconnaît pas formellement au bail le caractère de droit réel.
Art. 144. — 194. Déjà on a eu occasion de dire, sous l'article 137, que le preneur peut plaider, en son nom, contre les tiers. La loi en pose ici le principe général, à cause de l'importance de la règle, et elle l'applique aux servitudes.
Du reste, cette application au louage d'une des dispositions de l'usufruit pourrait être sous-entendue, à la rigueur, à raison de la règle générale posée à l'article 121, et on peut même, sans hésiter, reconnaître au preneur tous les droits autres accordés à l'usufruitier par les articles 60 à 69 du Chapitre précédent, dont la loi ne fait pas mention ici. Si la loi s'explique spécialement sur ce droit de plaider contre les tiers au sujet de la jouissance et des servitudes, c'est parce qu'il n'aurait pas lieu si le droit du preneur était personnel (comp. c. civ. fr., art. 1726, 1727).
La loi donne au preneur les actions réelles, non seulement contre les tiers, mais aussi contre son bailleur, conjointement avec l'action personnelle corrélative aux obligations de celui-ci.
SOMMAIRE.
Art. 145. — N° 195. Inventaire, état des lieux: facultatifs pour le bailleur; comment il y est suppléé.
146. -196. Echéances des pnyemenfcs du prix de bail en argent ou en fruits.
147. -197. Sanction du défaut de payement.
148. -198. Renvoi pour l'engrangement. des fruits.
149. -199. Charge des impôts.
150. -200. Mode de jouissance du preneur.
151. -201. Garde et conservation des choses louées; usurpation des tiers: avertissement au bailleur.
152. -202. Incendie des bâtiments: responsabilité du preneur dont la faute est prouvée directement.
153. -203. Cas où il y a plusieurs preneurs en faute: responsabilité intégrale.
154. -204. Recours de celui qui a payé contre les autres: mode de répartition. -204 bis. Cas où l'incendie s'est étendu aux voisins.
155. -205. Actions du bailleur pour la restitution à la fin du bail.
156. -206. Droit de préemption du bailleur, à l'égard des constructions et plantations faites par le preneur.
COMMENTAIRE.
Art. 145. — 195. Déjà, sous l'article 134, on a eu occasion de dire que le preneur, à la différence de l'usufruitier, n'est pas tenu de faire un inventaire des meubles et un état des immeubles.
Mais il a, au moins, l'obligation de laisser le bailleur procéder à cette formalité qui est une garantie pour lui; par conséquent, il doit donner au bailleur un libre accès aux choses et aux lieux loués, et cela, aussi bien au cours du bail qu'à son début. Le preneur n'aura pas, en général, à être convoqué, en forme, à une opération qui se fait chez lui: il y assistera, s'il le veut; mais l'opération ne sera considérée comme contradictoire à son égard et, par conséquent, ne lui sera opposable que si l'acte est signé de lui ou a été fait par un officier public en sa présence ou lui dûment appelé et s'il n'a pas fait de protestations ou réserves dûment constatées.
En sens inverse, si le bailleur ne fait pas d'inventaire ou d'état des lieux, le preneur peut y faire procéder; mais alors il doit convoquer le bailleur, en forme, pour que l'acte lui soit opposable.
Les frais de l'acte restent à la charge de la partie qui en a pris l'initiative, s'il n'a été convenu qu'il y serait procédé dans l'intérêt commun.
Si l'état des lieux et des meubles n'a pas été fait, le preneur est exposé à se voir déclaré responsable des réparations, parce que les choses "sont réputées lui avoir été remises en bon état" et, en cela, la loi est plus sévère pour le preneur que pour l'usufruitier qui n'est réputé avoir reçu en bon état que les immeubles seulement (art. 78): si la loi décide de même ici pour les meubles, c'est parce que le preneur avait le droit d'exiger la. mise des choses louées en bon état de réparation, droit que n'a pas l'usufruitier; or, le preneur, en ne faisant pas constater l'état des meubles, est présumé avoir reconnu qu'ils étaient en bon état ou avoir obtenu qu'ils y fussent mis.
Au contraire, s'il y a défaut d'inventaire, c'est le bailleur qui en souffre et le preneur est mieux traité qu'un usufruitier, lequel avait l'obligation légale de faire inventaire et doit être traité avec défiance quand il y a contrevenu. C'est le bailleur qui a le plus d'intérêt à l'inventaire des meublas, pour en obtenir la restitution à la fin du bail; à défaut de cette précaution, il n'aurait pas de titre pour réclamer les objets manquant tout à fait, ou qui auraient été remplacés par d'autres de moindre valeur, il ne pourrait suppléer au titre que par la preuve testimoniale directe et non par la commune renommée (comp. art. 78).
Art. 146. — 196. Le payement du prix de bail est la principale obligation du preneur; c'est l'équivalent périodique de sa jouissance continue.
Généralement, on conviendra de l'époque de chaque payement. La loi, en prescrivant des payements mensuels, consacre un usage assez général au Japon. Elle se réfère d'ailleurs aux usages locaux, lesquels peuvent varier avec les contrées (1).
Mais lorsque le preneur doit donner une part de fruits, il est clair qu'il ne peut la donner avant la récolte; mais alors, par cela même que le bailleur a attendu une partie de l'année, cette part lui est donnée toute à la fois.
La même disposition s'appliquerait évidemment, si le preneur devait fournir non une quote-part, mais une quantité fixe des produits du fonds, comme il est prévu à l'article 128, 2" alinéa.
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(1) Dans cette révision, on a fait une certaine part aux usages locaux, en matière de bail, comme cela est en France; on en a déjà vu un exemple (art. 128); on en trouvera d'autres (v. art. 163 bis, 190 et 283).
Art. 147. — 197. Le défaut de payement par le preneur, au temps fixé, est très fréquent en tous pays.
Il peut arriver aussi que le preneur, à raison du commerce ou de l'industrie qu'il se proposait d'exercer dans les lieux loués, se soit soumis dans l'intérêt de la conservation des choses louées, à quelques obligations particulières de faire ou de ne pas faire, et qu'il manque à les remplir.
Dans ces divers cas, le bailleur aurait le choix entre deux voies: soit une action tendant à obtenir l'exécution des faits promis ou à empêcher les actes interdits, soit une action en résolution du bail.
Ces deux voies sont l'application du droit commun: la première, pour tous les contrats, en général, portant obligation défaire ou de ne pas faire (v. art. 401 et 402), la seconde, pour les contrats synallagmatiques ou bilatéraux en particulier (v. art. 441 et 442).
Le choix des deux actions doit nécessairement appartenir au bailleur. La résolution, notamment, est un moyen extrême dont il est et doit être seul maître: si le preneur pouvait y réduire le bailleur, ce serait, de sa part, un moyen aussi facile qu'injuste de se soustraire aux obligations du contrat en y contrevenant.
L'exercice du droit de résolution du bailleur ne le prive pas de demander des dommages-intérêts pour le préjudice éprouvé (par exemple, s'il y a des dégradations à la chose louée) et pour celui résultant de la résolution elle-même, lorsqu'elle peut entraîner une perte de revenus pendant le temps où le fonds resterait vacant.
Art. 148. — 198. Les fruits du fonds loué, tant qu'ils tiennent au sol, se confondent avec lui et sont encore immeubles par nature; ils n'appartiennent donc pas encore au preneur, quoiqu'ils aient été ensemencés et cultivés par lui, pas plus qu'ils n'appartiennent à l'usufruitier dans la même circonstance: ils appartiennent au propriétaire, non par droit d'accession, comme le dit le Code français (art. 547), mais parce qu'ils sont encore une partie intégrante de sa chose.
Une fois séparés du sol, ils appartiennent au preneur en vertu de la convention et de la nature du droit de bail. Mais il est juste qu'en même temps, ils deviennent la garantie première du bailleur, puisque c'est sur son sol qu'ils ont été produits. La loi lui accordera plus loin (Livre IVe, art. 1154 et ! J 55) un privilége sur le prix de vente de ces produits, ce qui explique que le preneur ne soit pas tenu de fournir une caution (voy. n° 182) (2) (a).
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(2) L'ancien article 148 obligeait le preneur à engranger les produits sur le fonds loué: il a été transféré au privilége du bailleur, avec les compléments nécessaires (v. art. 1155).
(a) Le bailleur de maison aura privilége sur les meubles du locataire garnissant les lieux loués (art. 1152 et 1153).
Art. 149. — 199. Il y a, ici encore, une différence notable avec les obligations de l'usufruitier. Celui-ci paye les impôts ordinaires et contribue, dans une certaine mesure, au payement des impôts extraordinaires. Le motif en esr. qu'il a tout le profit annuel de la chose et que le nu-propriétaire n'en reçoit pas de compensation.
Au contraire, le bailleur tire de la chose louée un profit annuel qui consiste dans le prix de bail. Il est donc juste qu'il supporte les impôts, comme s'il exploitait directement la chose.
Mais il pourra arriver que les lois de finances qui ne sont pas toujours conçues dans le même esprit que les lois civiles et qui s'en écartent quelquefois, pour assurer la facilité du recouvrement des impôts, mettent certaines taxes à la charge du preneur.
Ainsi, par exemple, en France, la contribution foncière est garantie à l'Etat par un privilége sur les récoltes. Il en est de même au Japon. Or, la récolte appartenant au preneur, il se trouvera tenu de subir l'action de l'Etat pour le payement de la contribuion foncière, si le bailleur ne la paye pas auparavant et dès qu'elle sera exigible.
En pareil cas, le preneur aura recours contre le bailleur, par voie de déduction sur son prix de bail. Le tout, sauf convention contraire des parties.
Mais il était naturel que la loi mît à la charge du preneur les impôts sur les bâtiments qu'il a élevés lui- même; comme il ne paye pas de loyer pour ces bâtiments, le motif donné plus haut ne se présente plus.
Il en est de même pour les impôts frappant son industrie ou son commerce, tel est l'impôt direct appelé au Japon ei gniô zei et, en France, impôt des 'patentes, et tels sont, au Japon, les impôts indirects sur la fabrication des sahé, shoyou, tabacs, etc. (b).
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(b) Cette observation n'implique pas une approbation de la mu1tiplicité des impôts directs et indirects qui existent en France et dans tous les autres pays.
Il est regrettable que le Japon soit entré, à son tour, dans ce système anti-économique et anti-scientifique qui consiste à créer de nouveaux impôts, à mesure que l'Etat a besoin de nouvelles ressources: l'occasion d'adopter le système d'un impôt unique, soit sur le capital, soit sur le revenu, est déjà passée et il sera bien difficile de la ressaisir.
Le Japon a maintenant un impôt sur le revenu, qu'on n'a pas encore en France; il est combiné d'une façon ingénieuse avec l'impôt sur le capital, sans le supprimer; de plus, il est progressif, ce que demande en France le parti radical, mais ce que la science économique ne peut approuver.
Art. 150. — 200. Le mode de jouissance que comporte le bail, est plutôt une ressemblance qu'une différence avec l'usufruit. La loi s'en explique, à cause de l'importance pratique et de la grande variété des baux.
On remarque que la loi qui, ordinairement, parle du preneur sans mentionner son cessionnaire, mentionne ici ce dernier. C'est parce qu'on aurait' pu croire que, n'ayant pas participé au premier bail, il n'était pas assujetti aux mêmes conditions, quant au mode de jouissance. Mais il y a un principe général déjà cité (n° 145, a) et qu'on rappellera souvent, d'après lequel " personne ne peut conférer sur une chose plus de droits qu'il n'en a lui-même."
Si le cessionnaire a ignoré les conditions ou limites particulières mises à la jouissance de la chose, il est en faute de ne pas s'être fait représenter le contrat de bail primitif; d'ailleurs, les baux d'immeubles sont soumis à la publicité de la transcription (v. art. 368-1 °),
Art. 150. — 201. Bien que le preneur ait le droit de plaider, lui-même et en son propre nom, contre les tiers, auteurs de troubles ou d'usurpations, il manquerait à son devoir et nuirait à ses propres intérêts s'il n'avertissait pas le bailleur (v. art. 137).
Sans doute, les jugements intervenus entre le preneur et les tiers ne pourraient être opposés au bailleur pour lui faire respecter dos droits qu'il n'aurait pas été appelé à contredire (v. art. 101); mais si, à la suite de ces j ugements, le tiers avait fait sur la chose des changements devenus irréparables, ou s'il était parvenu à quelque prescription totale ou partielle, le preneur aurait été ainsi, par son silence, la cause d'un préjudice grave pour le bailleur et il en serait responsable. En outre, son propre intérêt est d'appeler le bailleur; car celui-ci doit lui procurer la jouissance entière, paisible et continue de la chose; or, il peut avoir des titres ou autres moyens de repousser les prétentions du tiers et il serait bien téméraire au preneur de se priver de ces secours (v. art. 99).
Art. 152. — 202. La disposition de cet article rappelle celle de l'article 88, en matière d'usufruit, et elle présente la même modification au sujet de l'incendie.
L'ancien texte établissait contre le preneur, comme contre l'usufruitier, une présomption de faute, sauf la preuve contraire: c'était la disposition du Code français (art. 1733) et nous croyons toujours que c'était le système le plus conforme à la réalité des faits journaliers. Nous n'avons pourtant pas cru devoir maintenir dans notre Projet une solution qui n'avait aucune ' chance d'être adoptée ec qui aurait perpétué une fâcheuse divergence entre le Projet et le Code futur (3).
L'incendie sera donc considéré désormais comme étant par lui-même un cas fortuit ou une force majeure, si la faute du preneur n'est prouvée par le propriétaire (comp. n° 126).
Pour être logique, les futurs interprètes de la loi devront admettre la même solution dans tous les cas où le débiteur d'un corps certain invoquera un incendie pour sa libération, par exemple un dépositaire, un emprunteur à usage, un créancier gagiste. Nous craignons que l'on ne se soit engagé dans une fausse voie: quand on sort une fois de la vérité, on ne peut prévoir où l'on peut être entraîné.
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(3) II en reste, malheureusement, beaucoup d'autres, par suite de modifications et suppressions auxquelles nous n'avons pu adhérer.
Art. 153. — 203. Au cas de plusieurs locataires de la même chose, la loi règle leur responsabilité comme elle a réglé celle de plusieurs usufruitiers (v. art. 88, 2e al.).
L'ancien texte les déclarait solidairement responsables, d'accord en cela avec le Code français (art. 1734). Une loi française du 5 janvier 1883 a supprimé cette solidarité', rejetée aussi par le Code italien (art. 1590) et elle y a substitué une responsabilité proportionnelle à la valeur locative de l'habitation de chacun.
Nous n'avons pas cru devoir adopter ce système et on ne nous l'a pas demandé: quand plusieurs locataires sont en faute (il est indifférent ici que la faute soit prouvée directement et non plus seulement présumée), il n'est pas possible de dire que chacun n'a commis la faute que pour partie: une faute est un fait indivisible de sa nature; s'il y a deux ou trois co-locataires, on ne peut dire raisonnablement que chacun a commis la moitié, le tiers de la faute commune: chacun l'a commise pour le tout, comme s'il était seul.
Etait-ce une raison pour admettre la solidarité entre eux? Lorsque nous l'avons admise dans la première rédaction, notre pensée ne s'était pas arrêtée sur une modalité voisine de la solidarité passive, mais qui en diffère cependant, à savoir la responsabilité in solidum ou pour le tout, que la doctrine, nomme quelquefois " solidarité imparfaite" et que nous avons proposé d'appeler " obligation intégrale" (v. art. 1074).
Elle est mieux à sa place ici que la solidarité proprement dite, parce que celle-ci suppose entre les codébiteurs un mandat tacite réciproque qu'il est difficile de rencontrer entre les locataires d'une même maison qui ne sont pas liés d'intérêts, qui ne peuvent se surveiller les uns les autres.
Au surplus, avec la suppression de la présomption de faute, cette disposition recevra bien plus rarement son application.
Quand la loi présumait la faute des locataires, elle ne pensait pas que tous fussent coupables en même temps: elle n'en présumait qu'un seul; mais ne sachant lequel, et aucun d'eux ne prouvant que le feu n'avait pu commencer chez lui, elle permettait au propriétaire de les poursuivre tous réunis, ou un seul pour le tout. Aujourd'hui, il faut que le propriétaire prouve la faute de ceux qu'il veut poursuivre: il n'en pourra trouver plusieurs en faute que s'ils habitent ensemble, comme des époux, des parents, des associés; les co-locataires ne seront plus les divers locataires d'une même maison, n'ayant d'autre lien que l'identité de maison et de bailleur, il faudra qu'il y ait, en outre, identité de contrat ou au moins communauté de foyers (c). Dans ces conditions, la responsabilité solidaire parfaite serait même suffisamment' justifiée. Toutefois, nous maintenons la nouvelle modalité comme moins rigoureuse.
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(c) Le texte d'ailleurs n'est pas limité aux co-locataires de bâtiments: il s'applique aux choses louées, en général, par exemple à un cheval loué à deux personnes habitant ensemble, lequel aurait péri dans l'incendie de leur maison.
Art. 154. (4) -204. Ici, comme il ne s'agit plus des droits du bailleur contre les preneurs, mais du recours de celui qui a payé contre ceux qui sont en faute comme lui, il ne peut être question de solidarité ni d'obligation intégrale: ce serait s'engager dans un circuit d'actions.
Mais l'innovation faite dans le Projet, suivant le vœu de la Commission, a encore entraîné ici une modification à l'ancien texte.
Lorsque la responsabilité était fondée sur une pré,"somption légale de faute, il était raisonnable de fonder le recours sur l'importance respective des locaux, parce que les locaux plus considérables peuvent donner occasion à des causes plus fréquentes d'incendie, par le plus grand nombre de foyers, de maîtres et de serviteurs. C'est sans doute aussi cette idée qui a amené les auteurs du Code italien (v. art. 1590) et de la loi française du 5 janvier 1883 (insérée à l'article 1734) à fonder sur la valeur locative de chacun la pour suite même du bailleur.
Le Projet n'admettant la division que pour le recours avait voulu qu'on tînt compte aussi de la profession de chaque locataire.
Mais tout cela devient impossible du moment que la faute n'est plus présumée, mais doit être prouvée. Dès lors, en principe, la division se fera par tête ou par portion virile (d); mais si le tribunal reconnaît que la faute des uns est plus considérable que celle des autres, il en tiendra compte dans la répartition.
205 bis. Il reste à savoir comment seront traités les locataires en ce qui concerne l'incendie commencé chez eux, lorsque les effets s'en seront étendus aux propriétés voisines.
Ici, il faut reconnaître qu'il ne peut exister aucune opinion raisonnable qui les présume en faute. En effet, cette présomption n'est et ne peut être soutenue que contre ceux qui sont tenus de conserver la chose d'au- trui; car si celui chez lequel l'incendie a commencé était propriétaire du bâtiment, il n'y aurait aucun motif de le supposer négligent: son intérêt à la conservation de sa chose doit faire présumer qu'il a eu toute la prudence d'un propriétaire. Si même, en fait, il occupait le bâtiment comme locataire, il n'y a que le propriétaire qui puisse lui demander compte de sa négligence et invoquer contre lui une présomption de faute.
Aussi faudrait-il que les voisins prouvassent directement la faute de l'habitant chez lequel l'incendie a pris naissance, pour lui demander la réparation des dommages qu'ils ont éprouvés de la communication du feu.
Lors donc qu'un quartier tout entier d'une ville brûle par l'imprudence prouvée d'un habitant (comme cela arrive malheureusement si souvent au Japon), celui-ci est, en droit pur, responsable de toutes les maisons incendiées et de leur contenu; mais, en fait, un pareil droit n'est jamais invoqué, par deux raisons: la première, c'est que, le plus souvent, l'imprudent est lui- même ruiné par l'incendie; la seconde, c'est que, ne le fût-il pas, la distribution de son actif aux nombreuses victimes de son imprudence donnerait si peu à chacune d'elles que la demande n'a pas d'intérêt; ajoutons que les expertises nécessaires sont devenues impossibles par la destruction même des objets qui devraient servir de base à la réclamation.
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(4) L'ancien système de la présomption de faute motivait une disposition particulière pour le cas où le propriétaire était lui-même un des habitants de sa maison. DI1 moment que la faute des locataires doit être prouvés, il n'y a plus rien à dire de ce cas particulier.
Pour remplacer l'ancien article 154 on a divisé en deux l'article 153.
(d) La part virile est une part d'homme, c'est-à-dire calculée par tête, par le nombre d'hommes (pro numéro virorum); on l'oppose, dans certains cas, à la part réelle, calculée sur les rapports pécuniaires véritables des débiteurs entre eux.
Art. 155. — 205. Bien que le droit du preneur soit déclaré réel par la loi, aussi bien pour les meubles que pour les immeubles, la propriété ne cesse pas d'en appartenir au bailleur: elle peut être considérée comme démembrée tant que dure le bail; mais quand le droit du preneur a pris fin, celui du bailleur se retrouve plein et entier. ou peut donc agir en revendication, c'est-à-dire par action réelle, pour recouvrer sa chose.
Mais il peut aussi agir par action personnelle; car le preneur est obligé, par le contrat, à conserver la chose et à la rendre.
Deux considérations différentes pourront déterminer le choix du bailleur par rapport à l'action à intenter.
1° Si le preneur est insolvable, l'action réelle aura l'avantage de faire recouvrer au bailleur la chose en nature et en entier, par préférence aux autres créanciers, tandis que l'action personnelle l'obligerait à concourir avec eux et seulement sur sa valeur.
2° Si le preneur est solvable et que le bailleur ait quelque difficulté à établir son droit de propriété, tandis qu'il lui est facile de prouver le contrat de bail, il intentera l'action personnelle.
Quelquefois il ne restera au bailleur que l'action réelle: supposons que trente ans se soient écoulés depuis la fin du bail, le preneur pourrait opposer au bailleur la prescription dite libératoire " (v, art. 1487); mais jamais il ne pourrait lui opposer la prescription dite " acquisitive," parce qu'il possède précairement et que les possesseurs précaires ne peuvent invoquer cette prescription (v. art. 1474).
Art. 156. — 206. C'est un principe d'économie politique, déjà signalé, qu'il faut, autant que possible, éviter de détruire les constructions et les plantations: autrement, il y a deux valeurs perdues, deux mains- d'œuvre inutiles, celle de la construction et celle de la démolition; de plus, les matériaux perdent considérablement de leur prix par la démolition.
Si le bailleur consent à payer au preneur, non ce que ses plantations et constructions lui ont coûté, mais ce qu'elles valent à la fin du bail, le preneur semble n'avoir pas d'intérêt légitime à s'y opposer.
C'est cette idée qui avait fait accorder au bailleur, dans l'ancien texte, un droit légal de préemption, comme on l'avait accordé au nu-propriétaire vis-à-vis de l'usufruitier. Mais sur les justes observations de la Commission, on n'a reconnu ce droit de préemption, dans l'un et l'autre cas, que lorsqu'il aura été stipulé.
Notre texte renvoie toujours à l'article 73, mais c'est à cet article tel qu'il a été modifié.
SOMMAIRE.
Art 157. —N° 207. Comparaison entre la cessation du bail et celle de l'usufruit. -208. Cessation de plein droit; développement des cinq causes.
158. -209. Perte partielle de la chose louée par cause majeure ou fortuite; expropriation partielle.
159. -210. Tacite réconduction; ce que deviennent les garanties fournies pour le premier bail; congé.
160. —211. Bail de locaux non meublés, sans durée fixe: -211 bis. Distinction des grandes, moyennes et petites habitations; congé, intervalle, sortie.
161. —212. Bail de meubles ou de locaux meublés ou garnis; fixation expresse ou tacite de la durée de bail.
162. —213. Suite: congé, au cas de tacite réconduction.
163. —214. Bail de biens ruraux sans durée fixée: époque du congé. - 214 bis.
163 bis. -Réserve en faveur des usages locaux et des conventions particulières.
164. —215. Droit du preneur aux récoltes tardives; droit du bailleur aux travaux agricoles anticipés.
165. -216. Résiliations facultatives convenues: congé.
COMMENTAIRE.
Art. 157. — 207. On ne retrouve pas ici toutes les causes d'extinction de l'usufruit; cela tient, comme la plupart des autres différences déjà signalées, non à la différence de nature des deux droits, lesquels sont, au contraire, très voisins l'un de l'autre, mais à la différence de la cause des droits: le bail est constitué pour une cause onéreuse, c'est-à-dire à raison du sacrifice que fait le preneur, à raison de la prestation périodique qu'il s'engage à fournir, ce qui exclut, ordinairement, toute considération de sa personne; l'usufruit, au contraire est constitué, le plus souvent, à titre gratuit et, dans tous les cas, en considération d'une personne déterminée.
De là, la conséquence que l'usufruit s'éteint par la mort de l'usufruitier.
Sans doute, dans le louage, les parties pourraient convenir que le droit du preneur finira par sa mort; mais il faudrait, à cet égard, une stipulation expresse: il ne suffirait pas que les circonstances permissent de croire que le droit a été établi en considération de la personne.
Le non-usage pendant 30 ans n'est pas non plus une cause d'extinction du bail: il n'y a, d'ailleurs, aucune vraisemblance que le cas se présente jamais; car la prestation périodique que le preneur aura à payer, et qui certainement lui sera demandée, le préservera de l'oubli ou de l'ignorance de son droit.
La renonciation du preneur à son droit ne mettrait pas non plus fin au bail, car il ne peut, par sa seule volonté, s'affranchir des obligations qui y sont corrélatives. Ce qui serait possible, à cet égard, serait une résiliation volontaire des deux côtés; mais alors ce ne serait plus une cessation de plein droit.
Quant à l'abus de jouissance, il rentre dans la généralité du dernier alinéa du présent article, dans la résolution prononcée en justice pour inexécution des obligations du preneur.
208. On reprend maintenant, pour quelques développements sommaires, les cinq cas d'extinction du bail, s'opérant de plein droit et sans qu'il soit besoin de la faire prononcer en justice (a).
On remarquera d'abord que l'extinction dont il s'agit ne s'applique pas seulement au droit du preneur, mais, en même temps, à celui du bailleur et, par conséquent, au contrat tout entier.
1° La perte de la chose louée est ici supposée totale.
Si elle n'était que partielle, elle pourrait donner lieu, soit à diminution du prix de bail, soit même à résiliation (art. 138 et 158) (b); mais ce ne serait que par l'effet d'une décision judiciaire ou d'une convention amiable: ce ne serait plus de plein droit.
Si la perte de la chose était le résultat de la faute de l'une des parties, du preneur vraisemblablement, le bail n'en prendrait pas moins fin; mais il y aurait lieu à une indemnité contre la partie qui serait en faute.
2° L'expropriation totale a de l'analogie avec la perte de la chose louée: dans ce cas, la jouissance du preneur devient impossible légalement, au lieu de le devenir naturellement.
3° L'éviction du bailleur est le cas où il est jugé que la propriété de la chose ne lui appartenait pas au moment du contrat (voy, n° 107, a); l'annulation de son droit de propriété a lieu dans le cas où il tenait ce droit (l'un acte entaché, soit d'un vice de consentement, soit d'une incapacité, de la part du cédant.
Dans les deux cas, il faut qu'une décision judiciaire intervienne contre le bailleur, pour que, par voie de conséquence, le bail finisse de plein droit.
Enfin, il faut que la cause d'éviction soit antérieure au bail: autrement, elle ne serait pas opposable au preneur qui ne doit pas souffrir des actes du bailleur. Et, lors même que la cause alléguée serait antérieure au bail, il faudrait encore que le preneur eût été mis en cause, de manière à y pouvoir contredire, pour que le jugement lui fût opposable.
4° Il est conforme aux principes généraux qu'un droit qui n'a été établi que pour un temps déterminé s'éteigne par l'arrivée du terme fixé. Le temps peut être fixé expressément ou sous-entendu, c'est-à-dire fixé tacitement. La fixation expresse n'implique pas nécessairement un nombre d'années, de mois ou de jours déterminés, bien que ce soit ce qui aura lieu le plus souvent: ce pourrait être l'indication d'un événement précis dont l'arrivée est sujette à être plus ou moins hâtive ou tardive. Par exemple, le preneur a loué une maison, pour tout le temps où il exercerait une fonction publique dans la ville: ses fonctions cessent ou il change de circonscription, le bail cesse.
De même le preneur a loué une maison, pour le temps pendant lequel il construirait sa propre maison: quoique l'époque à laquelle la maison sera terminée soit variable, ce n'en est pas moins un terme expressément stipulé.
Au contraire, le bail a été fait avec une destination particulière des lieux loués et le bailleur a 'connu cette destination; il est tacitement entendu qu'une fois la destination remplie, le bail cessera. Par exemple, un entrepreneur de travaux publics, chargé de la construction d'un édifice, a loué un terrain voisin des travaux, pour la taille des matériaux et l'assemblage provisoire des charpentes; le bailleur a connu la destination spéciale des lieux loués; il est, dès lors, présumé avoir consenti à ce que le bail prît fin, de plein droit, avec l'achèvement des travaux, mais non aupa ravant, comme aussi s'être réservé le droit de reprendre les lieux loués à la même époque.
Dans l'article 161 ci-après, la loi donne elle-même un exemple, par présomption, de terme tacitement fixé.
La loi met sur la même ligne que le terme un événement ayant le caractère d'une condition, c'est-à-dire un événement futur et incertain, dont l'accomplissement doit résoudre le bail: par exemple, il avait été convenu que le bail cesserait, si le preneur obtenait une fonction ou un emploi public dans une autre ville.
5° s'il n'y a point de terme assigné au bail par les parties, à l'origine, la loi permet à chacune d'elles d'y mettre fin par un avertissement, en forme, donné un certain temps avant la sortie et qu'on nomme congé
Ce n'est pas le congé qui met fin au bail; ce ne serait pas alors une extinction de plein droit, mais par le fait de l'homme: le congé fait seulement commencer un délai à l'expiration duquel le bail finit de plein droit.
Le congé est l'objet de quatre articles ultérieurs (art.159, 160, 162 et 163).
Le dernier alinéa ne présente plus de cessation de plein droit, mais une cessation par voie d'action, soit en résolution pour inexécution des obligations par l'une des parties, soit en rescision pour incapacité ou vice de consentement; il a déjà été sommairement parlé de ces actions (no 74) et il en sera encore question plus loin.
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(a) Il va de soi qu'un effet de droit ou de la loi peut toujours être contesté et qu'une action en justice peut intervenir à ce sujet; mais alors la justice ne le prononce pas, elle le déclare, et l'effet, désormais reconnu, ne date pas du jour du jugement, ex nunc (de maintenant), mais du jour où l'effet s'est produit en vertu de la loi, ex tune (d'alors).
(b) Entre le mot résolution et le mot résiliation usité spécialement en cas de bail, il n'y a pas de différence importante quant aux effets, mais seulement quant aux causes; toutefois, la résiliation est considérée comme exigeant toujours une demande en justice, tandis que la résolution a quelquefois lieu de plein droit.
Notons encore que la résolution suppose toujours une cause antérieure au contrat, lui donnant un caractère conditionnel, tandis que la résiliation peut avoir lieu par une cause postérieure, comme une perte partielle de la chose ou une privation de jouissance.
Art. 158. — 209. La disposition de cet article se trouve déjà annoncée par ce qui a été dit au sujet du lor alinéa de l'article précédent.
Quoique la perte de la chose louée soit fortuite ou résulte d'une force majeure, elle ne doit pas nécessairement retomber sur le preneur, sous prétexte qu'il a un droit réel, car le bailleur est obligé de lui faire avoir une jouissance continue. Il ne faudrait pas non plus que la moindre perte lui donnât le droit de faire résilier le bail, ni même l'autorisât toujours à obtenir une diminution du prix de bail. A cet égard, la loi se réfère aux distinctions portées ci-dessus, à l'article 138.
Si la perte est de moins d'un tiers, le preneur n'obtiendra ni la résiliation, ni une diminution du prix. Si elle est d'un tiers ou au-delà, le preneur obtiendra une diminution d'un tiers du prix, et, comme la perte partielle de la chose entraîne nécessairement pour toujours la perte proportionnelle de la jouissance, le preneur pourra demander la résiliation, sans attendre le laps de trois ans prescrit par l'article 138.
Quant à l'expropriation partielle, elle présente deux particularités.
1° Le preneur obtiendra toujours une diminution du prix de bail, quelle que soit la partie expropriée, parce que cette expropriation procure au bailleur une indemnité du trésor public;
2° Le preneur recevra lui-même une indemnité du trésor, à cause du trouble que l'expropriation lui cause.
Le preneur obtiendra également une diminution du prix de bail, au cas d'éviction, quelle que soit la portion dont il perd la jouissance, parce qu'il y a eu faute du bailleur à louer ce qui ne lui appartenait pas en entier.
Quant au droit de résiliation, il sera toujours subordonné à la perte du tiers de la jouissance première.
Art. 159. — 210. Le bail renouvelé tacitement, par le consentement présumé des parties, après l'expiration du temps qui lui avait été d'abord assigné, se nomme, en France, tacite réconduction (art. 1739) (c). Quant aux effets du nouveau contrat entre les parties, ils seront les mêmes que ceux du contrat primitif, sauf la durée qui, d'après le dernier alinéa de l'article, est désormais indéterminée et cesse par un congé ou avertissement donné par une partie à l'autre, un certain temps avant la sortie.
Mais ce nouveau contrat ne peut être opposé aux tiers. Ainsi, ceux qui s'étaient portés garants ou cautions de l'exécution du premier bail ne sont pas garants du second: ils ont considéré, sans doute, la durée de leur engagement éventuel et n'ont pas entendu se trouver engagés par un nouveau contrat, sans leur consentement.
Par la même raison, et par une autre aussi, les hypothèques données pour le premier bail sont inapplicables au second: d'abord, s'il y a des créanciers hypothécaires postérieurs au bail, ils ont pu considérer que leur hypothèque s'améliorerait, quant au rang, par l'extinction de celle qui les précédait, et cette attente légitime ne doit pas être trompée par une prolongation ou extension de l'hypothèque qui prime la leur.
Ensuite, lors même qu'il n'y aurait pas d'autres créanciers hypothécaires postérieurs, l'hypothèque, une fois éteinte ou limitée par la fin du premier bail, ne peut renaître ou s'étendre à une nouvelle créance, au préjudice des créanciers chirographaires, sans que les parties remplissent les formalités requises pour la constitution de l'hypothèque ou pour son extension.
La solution serait la même pour un droit de gage, parce que les autres créanciers pourraient souffrir d'une garantie dont ils n'ont pas prévu la prorogation. Et il ne faudrait pas voir là une contradiction avec ce qui a été dit au sujet de l'usufruit (n° 119), lorsque la garantie par lui fournie reçoit une application plus étendue par sa faute: dans ce cas, c'est la cause première qui subsiste, avec un effet plus considérable, tandis qu'ici il y a un nouveau bail, c'est-à-dire-une nouvelle dette.
La loi a soin de dire, qu'il ne peut y avoir tacite réconduction après le congé et, à cet égard, elle est plus large que le Code français (art. 1739) qui ne la refuse qu'au preneur, mais sans intention, sans doute, d'en laisser bénéficier le bailleur.
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(c) Du latin: conducere, " prendre à loyer" et re, particule qui se place devant un mot pour indiquer la réitération d'un fait. Le mot "réitération" contient lui-même cette particule.
Art. 160. — 211. Lorsque le bail n'a pas de du-ce fixée par le contrat, soit expresse, soit tacite, comme il sera expliqué plus loin, il ne finit que par un congé (voy. c. civ. fr., art. 1736, 1737, 1759).
Il faut bien remarquer que, jusqu'à ce que le congé soit donné, c'est le même bail qui dure et qu'il n'y a pas une succession de tacites reconductions; par conséquent, les sûretés fournies pour l'exécution du bail restent les mêmes, tant que les parties ne les modifient pas. Au contraire, au cas de tacite réconduction, il y a un nouveau bail: les sûretés doivent être renouvelées t V. il 0 210).
Le présent article s'applique aux locations de bâtiments non meublés.
Le congé peut être donné à toute époque de l'année. La loi s'en explique, parce que dans beaucoup de pays, notamment en France, le congé ne peut être donné qu'à certaines époques de l'année, ordinairement quatre fois par an, au commencement de chaque saison, pour sortir à la saison suivante. Il en résulte un inconvénient assez grave, c'est que si l'une des parties oublie de donner congé au temps voulu, elle est obligée d'attendre la saison suivante; il peut arriver aussi que le besoin de mettre fin au bail ne survienne pour elle que peu de jours après ladite époque et elle est encore obligée d'attendre la prochaine saison. Il y a, en outre, beaucoup de variétés locales à cet égard (d)
Au Japon, il ne paraît pas que les congés se donnent à une époque déterminée.
Si cet usage n'existe pas, il faut se garder de l'établir; mais s'il existe, même avec toutes les variétés des coutumes locales, il sera bon d'en tenir compte (v. art. 163 bis).
On pourrait objecter d'ailleurs que le congé donné par le propriétaire à toute époque peut obliger le preneur à sortir à une époque très gênante; par exemple, a, la fin de l'année, alors que les commerçants font leurs comptes généraux et leurs recouvrements. Mais le preneur, étant ainsi prévenu à l'avance par le congé, pourrait demander au tribunal un délai de 8 ou 15 jours qui ne lui serait pas refusé, au moins, s'il n'y avait pas encore un nouveau preneur: les conventions, en effet, doivent Cc s'exécuter de bonne foi" (art. 350). Le preneur aura toujours eu aussi la faculté d'exclure, par le contrat originaire, certaines époques qui le gêneraient pour la sortie: les négociants doivent être prévoyants; c'est un des devoirs et un des besoins de leur profession.
Mais ce qui importe le plus à la loi, c'est qu'il s'écoule entre le congé signifié et la sortie un intervalle assez long pour que le preneur ait le temps de trouver une nouvelle habitation et le bailleur un nouveau preneur.
Il est naturel aussi que l'intervalle soit d'autant plus long que la location a plus d'importance: il est toujours plus difficile de trouver à prendre ou donner à loyer une grande habitation qu'une moyenne ou une petite.
211 bis. Il fallait aussi que la loi trouvât une mesure pour déterminer ce qui serait une grande, une moyenne ou une petite habitation. On ne pouvait pas songer à s'attacher au prix du bail (système français), parce que ce prix varie avec les localités et avec l'état des bâtiments; il a paru préférable de considérer l'étendue des bâtiments, non par leur surface en tsouJ os, mais par leur nature et leur destination.
Une maison entière est considérée comme une grande habitation. Il est vrai qu'il y a souvent de bien petites maisons; mais, par cela seul qu'elles sont entières, ce qui aussi implique presque toujours des dépendances, elles sont plus difficiles à trouver pour le preneur qui, quittant une maison de ce genre, en cherchera sans doute une autre de même genre; elles sont aussi plus difficiles à relouer, pour le bailleur, parce que, leur prix étant toujours plus élevé, relativement à leur étendue, il en trouvera moins facilement un preneur.
La 2e classe d'habitations est un corps de bâtiments ou corps de logis, qui tient le milieu entre une maison entière et un appartement ou logement composé de quelques chambres. La loi met sur la même ligne toute habitation, même moindre qu'un corps de logis, si le preneur y exerce un commerce ou une industrie.
Il n'y a guère de difficulté à prévoir au sujet de l'exercice d'un commerce: si minime que soient les actes de ce commerce, et lors même qu'il ne s'agirait que d'un commerce en détail de menues denrées, ce serait un commerce dans le sens de la loi.
Il y aurait plus de difficulté pour une industrie. Il s'exerce souvent dans les habitations de petits métiers qui emploient peu de matières et peu d'outils, sans aucun agencement particulier des locaux, et l'on pourrait douter s'il faut les placer dans les habitations de la 2c classe; par exemple, le métier de tailleur d'habits, de barbier, de dentiste. Les tribunaux, en cas de contestation, décideront d'après les faits; dans le doute, ils devront plutôt décider dans le sens qui donne à l'habitation le caractère de la 2e classe.
S'il s'agit d'un art libéral, du dessin, de la médecine, de l'enseignement des sciences ou des lettres, comme il n'y a là, ni matières, ni outillage, on ne pourrait pas y voir une industrie. Il en serait de même d'une industrie ou d'un métier qui s'exercerait au dehors, comme l'industrie du charpentier ou du tailleur de pierres, ou comme le métier de traîneur de kourouma, à moins, que dans ce cas, le preneur n'eût un grand nombre de voitures en magasins et n'employât d'autres traîneurs salariés par lui, ou ne fût loueur de ces sortes de voitures.
La 3e classe d'habitations comprend tous les autres locaux.
L'intervalle entre le congé et la sortie a été réduit autant que possible: il est de 3 mois, 2 mois et 1 mois.
Bien entendu, les parties pourraient convenir d'un intervalle plus long ou plus court. Dans toutes ces règles de par intérêt privé, la loi ne statue qu'à défaut de conventions (v. art. 163 bis).
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(d) La loi française se réfère à l'usage des lieux, pour l'époque de l'année à laquelle le congé peut être donné, et aussi pour l'intervalle à observer entre le congé et la sortie (voy. art. 1736, 1757 et 1759).
Art. 161. — 212. La loi donne ici une interprétation de la volonté probable des parties; c'est une présomption légale de leur intention, quant à la durée, lorsqu'elles n'en ont pas exprimé une autre.
Cette fixation de la durée du bail, par présomption légale, n'a lieu que pour les locaux meublés ou garnis: le bail durera alors la période pour laquelle le prix a été fixé. A l'expiration de cette période, il pourra se former un nouveau bail, par tacite réconduction, mais alors sans durée fixée et finissant par un congé, conformément à l'article suivant.
La raison pour laquelle la loi interprète elle-même ici l'intention des parties est celle-ci: généralement, la location des maisons ou appartements meublés se fait pour un temps assez court; les personnes qui n'ont pas de meubles à elles appartenant sont des résidents accidentels dans une ville, des voyageurs, des malades; lorsqu'ils conviennent d'un prix par jour, par semaine ou par mois, c'est qu'ils se proposent de rester au moins un jour, une semaine ou un mois; lorsqu'ils conviennent d'un prix par trimestre, par semestre ou par année, c'est qu'ils se proposent de rester dans les lieux loués, trois mois, six mois ou un an. Bien entendu, les parties peuvent toujours exprimer le contraire.
On ne peut pas faire la même supposition pour les lieux non meublés, où le séjour est, en général, assez long, et semblerait pouvoir se prolonger indéfiniment; dès lors, l'indication du prix pour une période de mois ou pour une année, n'est plus qu'une manière de fixer le prix courant; tout au plus, pourrait-on y voir l'indication des échéances ou époques de payement; mais même, s'il n'y a pas de fixation précise des échéances, la loi les fixe à chaque mois, comme on l'a vu à l'article 146.
La loi ne prévoit pas un cas qui pourrait se rencontrer assez fréquemment, mais qui serait facile à résoudre par l'interprétation raisonnable de la volonté des parties: le prix de bail d'un appartement meublé pourrait avoir été fixé, tout à la fois, par jour, par semaine ou par mois, par trimestre, par semestre ou par année, probablement avec une diminution à raison de la plus grande durée. En ce cas, il est clair que le choix de la durée a été laissé au preneur et qu'il pourrait quitter il, la fin de chaque période, mais qu'une fois entré dans la période suivante, il devrait l'achever et ainsi des autres: la tacite réconduction n'aurait lieu qu'à l'expiration de la dernière période, et le nouveau bail, n'ayant plus de durée limitée, ne finirait que par un congé.
La location de meubles particuliers est assimilée par la loi à celle des appartements meublés, quant à la durée, qui est considérée comme tacitement fixée par la période de temps pour laquelle le prix est établi; l'utilité de cette disposition se rencontrera principalement dans la location de chevaux, voitures, machines industrielles, ustensiles de ménage, vêtements, etc.
Art. 162. — 213. Lorsqu'il s'agit d'une maison entière, d'un corps de logis ou d'un appartement meublés-, la cessation du bail dépend d'abord d'une distinction qui est déjà indiquée sous l'article précédent: si le bail a été fait pour un temps déterminé, le bail finit de plein droit avec la période indiquée, sans qu'il soit nécessaire de donner congé; il en est de même si la durée n'a été fixée que tacitement, par la détermination du prix par période de temps. Mais s'il y a eu tacite réconduction, à l'expiration de ce temps, alors le bail ne finit que par un congé: l'intervalle entre le congé et la sortie varie, non plus suivant l'importance des locaux, mais suivant la durée de la période primitive.
D'un autre côté, comme les périodes peuvent être très variées, la loi ne peut multiplier les délais dont il s'agit: elle se borne à en fixer trois, correspondant aux locations faites, soit pour trois mois ou davantage, soit pour moins de trois mois, soit pour un jour: dans le premier cas, l'intervalle entre le congé et la sortie sera uniformément d'un mois; dans le second, il sera du tiers de la période primitive; dans le troisième cas, l'intervalle sera de 24 heures.
On comprend que cet intervalle soit court, parce que les locataires qui n'ont pas de meubles font partie de ce qu'on nomme la population flottante: ils ne comptent pas faire un long séjour au même lieu et le bailleur ne compte pas non plus les conserver longtemps; en outre, le preneur qui reçoit le congé trouve aisément à se loger dans une autre maison meublée; réciproquement, le bailleur trouve aussi aisément un autre locataire de passage.
Le présent article s'applique aussi aux objets mobiliers: d'abord au cas où, le bail ayant été fait pour un temps expressément fixé (un certain nombre de jours ou de mois), il y aura eu tacite réconduction; ensuite pour le cas où le prix de location est fixé par périodes.
Dans ces divers cas, le congé sera donné, soit un mois à l'avance, s'il s'agissait d'un bail ayant eu une durée expresse ou tacite supérieure à trois mois, soit un nombre de jours à l'avance formant le tiers du temps que le premier bail avait duré, soit 24 heures, pour un bail par jour.
Mais lorsque les meubles font partie d'un appartement meublé, ils en sont l'accessoire et la durée des deux locations est la même: on leur applique alors l'article 161 et les trois premiers alinéas du présent article.
Il en est de même des objets mobiliers qui sont immeubles par destination et placés sur le fonds loué.
Art. 163. — 214. Il y a, pour les baux de biens rurallX, une double dérogation aux règles qui précèdent:
1 ° Un intervalle beaucoup plus long entre le congé et la sortie;
2° Une époque précise à laquelle le congé doit être donné.
Il est facile de justifier ces dispositions particulières par les considérations suivantes:
L'intention des parties est, naturellement, que le preneur puisse faire la récolte pour laquelle il a fait les semences, labours et cultures, au moins quand il s'agit d'une récolte annuelle.
Le preneur ne doit pas être obligé de quitter les lieux loués avant d'avoir eu le temps de trouver un autre fonds de nature plus ou moins semblable au précédent. Réciproquement, le bailleur ne doit pas être exposé à se trouver sans un autre preneur, pendant une partie de l'année.
Le premier de ces motifs explique que la sortie ne devra pas précéder la récolte principale de l'année; les deux autres motifs expliquent que l'intervalle entre le congé et la sortie soit d'un an 811 moins.
S'il s'agit d'un sol non cultivé annuellement, tel qu'une prairie, une lande, un bois, un terrain à bâtir, le congé pourra être donné à toute époque, un an avant la sortie.
Quant au bail d'animaux donnés à cheptel, soit accessoirement à un bien rural, soit séparément, on sait qu'il n'en sera traité qu'au Livre lIre (v. art. 992 et s.).
La matière des baux étant une des plus importantes dans la pratique, au moins par sa fréquente application, la loi n'a pas craint d'entrer dans des détails un peu minutieux, pour prévenir les procès.
Art. 163 bis. —214 bis. L'ancien texte n'avait pas fait de réserves pour l'observation des usages locaux.
La Commission a été d'avis qu'en cette matière, il y aurait de sérieux inconvénients à chercher à obtenir une uniformité complète dans tout le pays. Nous partageons tout à fait son avis et nous introduisons ici un article supplémentaire. Nous en profitons pour réserver aussi le respect des conventions particulières qui d'ailleurs n'aurait pas fait le moindre doute.
Art. 164. — 215. Quand le bail de biens ruraux a une durée fixée, la fin du bail peut arriver avant que la récolte soit enlevée, soit parce que la saison a été tardive, soit parce que les parties avaient mal calculé le temps. En pareil cas, il serait inique que le bailleur- ou un nouveau preneur mît obstacle à l'enlèvement de la récolte par le preneur.
Il serait tout aussi injuste que, si la récolte a été hâtive, le preneur dont le bail est sur le point d'expirer s'opposât aux travaux préliminaires de l'année suivante, soit de la v:rt du bailleur, soit de la part d'un nouveau preneur.
La loi réserve le cas où le preneur en éprouverait un préjudice sérieux pour les autres récoltes pendantes.
Il y a une autre réciprocité de droits respectifs dont la loi ne parle pas, parce qu'elle va de soi et parce que, d'ailleurs, elle concerne plutôt le commencement du bail que sa fin.
Si, au moment de l'entrée en jouissance du preneur, la récolte pour laquelle le bailleur a fait les travaux n'est pas encore enlevée, le preneur ne doit pas mettre obstacle à l'enlèvement.
Réciproquement, si la récolte du bailleur a été hâtive, il ne doit pas s'opposer à ce que le preneur, même avant l'époque de son entrée en jouissance, fasse les premiers travaux de labour ou autres analogues.
C'est l'application d'un principe déjà proclamé tout à l'heure et qui sera développé plus tard, à savoir, que " les conventions doivent être exécutées de bonne foi " (art. 350).
Ces dispositions relatives aux fruits qui se trouvent pendants au moment où commence le bail et où il finit constituent une nouvelle et considérable différence entre le preneur à bail et l'usufruitier. On a vu, en effet, aux articles 52, 72 et 109 que l'usufruitier a droit aux fruits pendants au moment où s'ouvre son droit et qu'il n'a aucun droit à ceux qu'il n'a pas perçus au moment où finit son droit, ce qui rentre dans les effets aléatoires de l'usufruit (voy. nos 82, 104 et 154).
Il n'en pouvait être de même pour le bail qui n'a rien d'aléatoire et où chaque partie cherche un profit égal à, celui qu'elle procure à l'autre. Mais on voit qu'il n'en résulte pas de complications, parce que celui qui a droit à une récolte préparée par ses soins l'enlève en nature et ne réclame aucune indemnité pour les frais de culture.
Art. 165. — 216. Par innovation à l'égard d'un ancien usage contraire aux intérêts économiques du pays, le bailleur ne pourra plus mettre fin au bail, en vendant la chose louée. En France, la loi s'en est formellement expliquée, dans l'article 1743, non-seulement parce qu'elle innovait aussi sur l'ancien droit (e), mais encore parce qu'elle laissait au bail les caractères d'un droit personnel.
Dans le présent Projet, la loi n'a pas cru devoir proclamer expressément la persistance du bail en présence d'une vente, parce qu'elle donnait au bail la nature du droit réel et cette conséquence en était la plus simple et la plus considérable en même temps.
Mais rien n'empêche les parties de convenir qu'au cas de vente, le preneur pourra être expulsé; c'est une réserve que fera souvent le bailleur, quand il fera un bail à prix réduit et pour une longue durée, circonstances qui pourraient détourner un acheteur.
Le bailleur pourrait aussi se réserver la faculté de résilier le bail pour occuper les lieux par lui-même: cette stipulation était même sous-entendue chez les Romains et dans l'ancien droit français, dans l'intérêt du bailleur; l'article 1761 du Code français l'a abolie, en tant que tacite, et il veut qu'elle soit expresse, comme le veut l'article 174.3 pour la résiliation au cas de vente (f).
Le présent article réserve encore le droit du bailleur de résilier le bail à sa convenance, pour tous autres cas déterminés.
Le preneur peut aussi faire de pareilles stipulations, dans son intérêt ou dans celui de ses héritiers.
Ainsi, le preneur a une fonction qui l'oblige à résider au lieu où il l'exerce; il peut stipuler qu'en cas de changement de fonction ou de résidence, le bail sera résilié, pour éviter les embarras et les difficultés d'une sous-location.
De même, il prévoit le cas où il viendrait à mourir avant la fin du bail: sa mort, en principe, ne dissoudrait pas le bail, mais comme la location pourrait être inutile et, par suite, gênante pour ses héritiers, il stipule la résiliation en leur faveur.
Dans tous ces cas et autres semblables, il faudra, au moins, que la partie qui veut mettre fin au bail en vertu de la clause, prévienne l'autre partie par un congé, en observant les délais ci-dessus établis suivant la distinction des choses louées.
Ces cas ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux prévus à l'article 157-4°, où l'on a supposé une condition résolutoire expresse, opérant d'elle-même, par le seul fait de l'arrivée de l'événement prévu: la loi suppose ici que les parties n'ont pas stipulé une résolution expresse, mais seulement une faculté de résolution.
Il va sans dire, et cependant la loi l'exprime, que si le temps restant à courir du bail est plus court que l'intervalle à observer entre le congé et la sortie, le congé est inutile; le bail alors prendra fin par la convention originaire et non par l'exercice de la faculté de résiliation. Un congé même, envoyé ou reçu par erreur, ne prolongerait pas le temps restant à courir.
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(e) L'article 1743 du Code français abroge une loi romaine célèbre, ainsi conçue: " l'acheteur n'est pas obligé de respecter le fermier," Emp. torem necesse non est stare colono.
(f) Cette disposition de l'article 1761 est appelée généralement " abrogation de la loi Æde."
SOMMAIRE.
N° 217. L'empbytéo"e dans le droit romain et dans le droit féodal de l'Europe; son absence dans le Code français; son maintien dans plusieurs autres législations actuelles de l'Europe.
218. Son existence dans l'ancien droit du Japon. - 219. Ses modifications depuis la Réforme politique de 18G8. —220. Nouvelles modifications apportées par le Projet; observation au sujet de la non-rétroactivité des lois.
Art. 166. -221. Durée de l'emphytéose; sa réduction à 50 ans, possibilité de la renouveler.
Art. 166 bis -222. Baux anciens: distinction; non-rétroactivité de la loi. -223. Moyen de distinguer l'emphytéose des baux ordinaires.
167. -224. Mode d'établissement du droit.
168. —225 Règles légales du droit d'emphytéose, à défaut de conventions particulières; capacité acquise.
169,170 et 171. —226 à 229. Pouvoirs de l'emphytéote sur la chose: défrichements, dessèchement des marais, modification des cours d'eau; conditions de la coupe des bois et de la suppression des bâtiments.
172. —230. Droits du propriétaire aux bois et matériaux.
173. —231. Absence de tout droit de l'emphytéote aux mines.
174. —232. Droits de l'emphytéote sur les minières et carrières: distinction.
175 et 176. -233. Délivrance de la chose en l'état où elle est, sans réparations.
177. -234 Impôts à la charge de l'emphytéote.
178. —235. Solidarité et indivisibilité pour le payement de la rente annuelle.
179. -236. Cession et sous-location de l'emphytéose.
180. -237. Résolution au profit de bailleur.
181. -238. Résiliation au profit du preneur.
182. —239. Droit du bailleur de garder sans indemnité les améliorations et plantations; droit stipulé de préemption pour les constructions.
COMMENTAIRE.
217. On trouve dans plusieurs pays d'Europe une espèce particulière de bail, l'emphytéose, dont le nom et l'origine sont grecs; les Romains l'avaient adoptée, en lui conservant son nom grec, et en Europe, le nom est resté avec l'institution plus ou moins modifiée.
Le mot exprime l'idée d'ensemeiicement; en effet, le bail dont il s'agit a été, à l'origine, un bail de terres incultes, généralement conquises par la guerre, et que le preneur devait défricher et mettre en culture.
Ce qui caractérisait surtout ce bail, c'est que le preneur pouvait conserver le fonds indéfiniment, pourvu qu'il continuât à payer exactement la redevance annuelle.
Son droit avait, dès lors, une grande analogie avec la propriété; aussi, le preneur pouvait-il faire sur la chose toutes les transformations utiles.
D'un autre côté, les pertes de jouissance étaient à sa charge: le bailleur n'en était pas garant.
Dans tous les pays féodaux, en Europe, au moyen âge, ce genre de bail prit une grande extension; c'était la condition générale des terres: les seigneurs, ne pouvant faire aisément cultiver leurs vastes domaines par des ouvriers agricoles qu'il aurait fallu surveiller et payer, avec l'embarras de la conservation et de la vente des produits, les donnaient aux paysans, à emphytéose ou à locatairie perpétuelle, moyennant une redevance annuelle et perpétuelle, en argent ou en fruits. On disait que ces derniers avaient la propriété utile et que les seigneurs gardaient la propriété directe.
Il y avait une foule d'autres conditions des terres, à charge de redevances, variant avec les provinces et tenant plus ou moins du louage (a). Elles avaient l'inconvénient économique de mettre une entrave considérable à la circulation des biens, car on achète difficilement une terre dont on ne peut pleinement disposer. En outre, et ceci est une objection fondée sur l'équité, la redevance restant invariable, malgré la plus-value ordinairement progressive des terres, le propriétaire direct ne pouvait profiter de cette plus-value.
En France, pour la raison économique qui précède, sans doute aussi pour celle d'équité, et surtout par haine de la féodalité, la Révolution abolit les redevances perpétuelles, en fixant un mode de rachat, pour en affranchir les terres; les redevances temporaires furent réduites elles-mêmes: une loi de 1790 limita la plus longue durée des baux à 99 ans, considérés comme étant la durée moyenne de trois existences d'homme, et elle leur conserva, dans ce cas, le nom d'emphytéose ou de baux emphytéotiques.
Le Code civil n'a pas parlé de l'emphytéose, ce qui a fait douter quelques auteurs que cette convention fût encore permise; la jurisprudence l'admet comme bail, en vertu de la liberté des conventions, mais dans les limites de la loi de 1790, c'est-à-dire pour une durée maximum de 99 ans, et il est difficile de lui reconnaître le caractère de droit réel plus qu'au bail ordinaire.
En Italie, en Belgique, en Hollande et dans plusieurs pays du Nord de l'Europe, l'emphytéose est admise d'un façon assez analogue à celle du droit romain; cependant, chacun de ces pays y apporte des changements notables qui font de ce droit une institution assez singulière et peu en harmonie avec le droit commun de la propriété foncière; aussi, dans d'autres pays est-elle passée tout à fait sous silence, comme on a fait dans le Code français.
218. Au Japon, l'influence du régime féodal se fi sentir sur la condition des terres rurales, non moins qu'en Europe et même avec plus de similitudes que de différences.
Ainsi, les seigneurs et les temples étaient considérés d'une façon plus ou moins formelle, comme propriétaires directs des terres cultivées de temps immémorial par les paysans (aa), et ceux-ci, en payant annuellement une large portion des fruits, paraissaient acquitter, à la fois, un impôt foncier et une redevance, à raison d'une sorte de propriété utile, laquelle était d'ailleurs perpétuelle et, sinon cessible entre-vifs, au moins trans- missible par héritage.
Mais ces propriétaires utiles, ne pouvant non plus cultiver toujours par eux-mêmes toute l'étendue de leur concession, en faisaient, à leur tour, des concesssions partielles, sous le nom de ei ghosalcu ou longue ferme, ferme perpétuelle, à charge d'une redevance en fruits; seulement, le droit du nouveau concessionnaire ne portait que sur la surface arable, et le concessionnaire primitif gardait le tréfonds.
Du reste, le long bail, le bail perpétuel, n'était ordinairement consenti comme tel que pour les terres encore en friches. Si déjà les terres étaient en culture, le bail commençait comme bail ordinaire ou sans durée fixée; mais il était tacitement compris et admis par la coutume que si aucune des parties n'y mettait fin avant vingt années, il se transformerait en ferme perpétuelle. Dans les deux cas, le droit du fermier (que nous pouvons sans scrupule appeler emphyléote) pouvait être révoqué faute de payement; mais, soit que le fermier comprît son intérêt à remplir ses obligations, soit que le propriétaire usât d'indulgence, l'expulsion d'un emphytéote paraît avoir été rare autrefois.
On fut peut-être moins frappé au Japon qu'en Europe de l'inconvénient économique de deux droits perpétuels sur un même fonds (sans parler du droit primordial des seigneurs ou des temples), parce que, jusque-là, les terres ne pouvaient être aliénées, même par les concessionnaires directs et ne changeaient guère de mains que par héritage (b).
219. Mais quand vint la Réforme politiquè de 1868, la Restauration du pouvoir impérial dans sa plénitude, par l'abolition du Shôgounat et de la féodalité, on songea à constituer la propriété foncière d'une façon plus conforme aux principes généraux du droit. Les droits des seigneurs furent convertis en rentes sur l'Etat; les temples reçurent des subventions destinées à remplacer les redevances des concessionnaires et ceux- ci furent reconnus propriétaires directs: on leur délivra des titres, et le droit d'aliéner leur fut reconnu.
Mais l'objection économique résultant de la perpétuité du bail emphytéotique se présentait naturellement.
Le Gouvernement s'efforça alors d'obtenir des deux ayant-droit (le tréfoncier et l'emphytéote) qu'ils se rhissent d'accord pour réunir les deux droits sur une seule tête, ou qu'à défaut d'accord, ils vendissent le fonds publiquement, pour en partager le prix équi- tabtament.
En même temps, l'Etat procéda ainsi pour une partie des terres qui lui appartenaient dans les mêmes conditions. Mais les particuliers l'imitèrent peu et, aujourd'hui, presque toutes les anciennes emphytéoses existent encore, avec leur caractère perpétuel.
Comme on a délivré le titre de propriété au tréfoncier; c'est lui qui paye l'impôt à l'Etat; il a évidemment le droit de se le faire rembourser par l'emphytéote, au moins pour la plus forte part; mais c'est une autre source de difficultés.
En outre, depuis que le nouvel état de choses a favorisé l'agriculture et amené une grande plus-value de la propriété foncière, les redevances perpétuelles établies antérieurement, à une époque où elles étaient nécessairement faibles, ne sont plus en rapport avec le revenu normal des terres qui sont libres de pareils baux; les propriétaires sollicitent une augmentation de la redevance, laquelle leur est généralement refusée, lorsqu'il y a un contrat suffisamment précis qui en fixe le montant (c).
220. La nouvelle législation civile peut bien défendre les baux perpétuels pour l'avenir, mais elle semble arrêtée par le principe de la non-rétroactivité des lois, lorsqu'il s'agit de modifier les baux perpétuels antérieurement consentis. La loi française précitée de 1790 n'a peut être pas entièrement respecté ce principe; mais elle répondait à un besoin si généralement senti qu'on ne lui a jamais fait sérieusement le reproche de rétroagir.
Un jour viendra peut-être où la même mesure pourra être prise au Japon, sans soulever de graves objections; c'est qu'alors la nécessité s'en fera absolument sentir; or, la non-rétroactivité des lois n'est pas un principe inflexible ni constitutionnel: le législateur est quelquefois obligé de choisir le moindre de deux maux, et, surtout, de sacrifier quelque chose du présent pour assurer un meilleur avenir.
Du reste, si le législateur futur doit prendre une mesure qui mette fin aux emphytéoses perpétuelles, par voie de rachat, il n'aura pas à hésiter au sujet de celui des deux ayant-droit qui devra être préféré: ce ne sera pas le propriétaire qui pourra affranchir sa terre, en payant la valeur de l'emphytéose, c'est l'einpli y- téote qui sera admis à racheter la rente, à s'en rêdimer, à. s'en libérer, moyennant un capital qui sera un multiple de la redevance annuelle (d).
La raison principale pour laquelle le propriétaire devra être sacrifié à l'emphytéote est que son droit n'est, en réalité, qu'une créance d'argent ou de fruits: elle n'est pas foncière, quoiqu'elle soit garantie par le droit de résolution qui lui permet de recouvrer le fonds à défaut de payement et par le droit de suite contre les tiers acquéreurs; elle n'est pas plus foncière ou immobilière qu'une créance hypothécaire ou privilégiée sur un immeuble, comme celle du vendeur: quand il vend son fonds soumis à une emphytéose, il vend surtout cette créance.
Une autre raison dont il ne faut pas méconnaître l'importance, c'est que l'emphytéote est attaché à sa terre autant de cœur que d'intérêt; c'est lui qui, en quelque sorte, a créé cette terre, qui l'a fertilisée, arrosée de ses sueurs; l'en dépouiller, par voie d'indemnité forcée, serait blesser chez lui un sentiment aussi vif que respectable et légitime.
On va maintenant analyser les dispositions nouvelles ici proposées.
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(a) On donnait à ces droits le nom de lenures, parce que c'étaient les titres auxquels les particuliers tenaient les terres.
(aa) Avant h féodalité et le shogounal, la propriété directe des terres était considérée comme appartenant à l'Empereur.
(b) Il parait cependant que les terres pouvaient être hypothéquées par le propriétaire, et en vertu d'une des dispositions les moins justifiables de l'ancien droit japonais, le créancier hypothécaire, à défaut de payement, devenait propriétaire: on arrivait par une voie indirecte, aussi inique que déraisonnable, à la cession qui ne pouvait être obtenue par la volonté directe et libre du propriétaire.
(c) C'est le contraire de ce qui se passe en ce moment en Irlande, où de graves complications sont nées de la trop grande élévation des fermages, même temporaires, dont les fermiers ne peuvent obtenir la diminution volontaire de la part des lords propriétaires fonciers.
An Japon, par suite de l'abolition du système féodal, la position du paysan, qu'il soit propriétaire ou emphytéote, s'est beaucoup améliorée quoique l'impôt foncier soit très élevé, sa fixité préserve le paysan de toute mesure arbitraire; la valeur vénale des denrées s'est accrue elle- même, de façon à ce que l'impôt foncier retombe en grande partie sur le consommateur; c'est le phénomène connu en économie politique sous le nom d'incidence ou de répercussion de l'impôt.
(d) La loi française de 1790 fixa le taux du rachat, en capital, à vingt fois la redevance payable en argent, et à vingt-cinq fois celle payable en denrées: c'était le rapport de 100 à 5 et de 100 à 4, les terres rapportant sans doute, à cette époque, 4 et 5 pour 100.
On devra aussi, au Japon, tenir compte du rendement des terres, à. l'époque du rachat.
Art. 166. — 221. Le Projet ne permet, pour l'avenir, que des baux temporaires dont la plus longue durée sera de 50 années. On n'a pas admis le délai de 99 ans, de la loi française précitée de 1790, parce qu'un si long délai présenterait à peu près les inconvénients de la perpétuité (e).
Les nouveaux baux à longue durée (ei taïshahu) seront surtout utiles pour mettre en culture les terres en friches ou incultes qui abondent encore dans le Nord du Japon. Ces terres étant, le plus souvent, la propriété de l'Etat, seront données par lui à long bail et les présentes règles s'y appliqueront.
Il est clair qu'en pareil cas les fermiers ont besoin d'être encouragés par la perspective d'un bail à longue durée: autrement, ils n'auraient pas la récompense de leurs peines et de leurs frais de défrichement.
D'un autre côté, le bail ne doit pas avoir une durée indéfinie, parce qu'il priverait le propriétaire ou ses héritiers de la libre dispcsition de la chose, au préjudice de l'intérêt général qui demande la facile circulation des biens; en outre, la redevance, ne pouvant être augmentée pendant la durée du bail, deviendrait presque toujours inférieure au prix normal des baux à ferme; le preneur ou ses héritiers eux-mêmes pourraient souffrir d'une trop longue durée du bail.
Le délai de 30 ans est assez long pour permettre au preneur de tirer un profit sérieux des terres qu'il aura défrichées; le délai de 50 ans est un maximum que la loi ne permet de dépasser qu'au moyen d'un renouvellement, lequel, fait en connaissance de cause par les parties, et à de nouvelles conditions, s'il y a lieu, n'a plus les inconvénients d'un engagement pris trop longtemps à l'avance; d'ailleurs, à quelque époque que le bai- soit renouvelé, il ne durera jamais plus de 50 ans del puis le renouvellement.
Si les parties ont stipulé un plus long délai, le contrat ou le renouvellement ne sera pas nul, mais seulement réduit au terme permis par la loi Il était nécessaire de le dire, car dans les contrats onéreux, les clauses prohibées ont souvent pour effet de vicier le contrat (v. art. 433). Ici cela eût été d'une rigueur exagérée.
Outre le renouvellement exprès, la loi admet un renouvellement tacite ou " tacite réconduction," lorsqu'à la fin du bail les parties sont restées dans. la même position respectivement. Les conditions resteront les mêmes, sauf la durée qui, étant indéterminée, finira par un congé - donné par une partie à l'autre. Seulement ici, l'intervalle entre le congé et la sortie est de deux ans, au lieu d'un an fixé par l'article 163 pour le bail rural ordinaire.
Il fallait prévoir aussi le cas où le bail n'aurait pas de durée fixée par les parties et où pourtant il serait " clair " que les parties ont entendu établir une emphy- téose ou un long bail. La loi ne pouvait raisonnablement lui accorder la plus longue durée, 50 ans, qui à ses yeux est un maximum peu désirable; il fallait aussi lui donner plus de 30 ans, puisque cette durée est encore celle du bail ordinaire: la loi prend un moyen terme et elle adopte le délai de 40 ans (2).
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(e) Le Code italien permet les emphytéoses perpétuelles (art. 1556).
(2) Ces deux dernières dispositions ont été ajoutées à l'ancien texte, comme 4e et 56 alinéas.
Art. 166 bis (3). —222. A l'égard des contrats antérieurs à la promulgation de la présente disposition et ayant le nom ou le caractère de baux à long terme, la loi fait une triple distinction qui concilie le principe de la "non-rétroactivité des lois " avec l'intérêt public qui se trouve engagé ici:
1° Les baux que les parties auront qualifié de perpétuels seront respectés et ne pourront cesser que par l'accord des parties ou par le défaut de payement de la redevance; mais le Projet réserve le droit du législateur de prendre dans l'avenir telle mesure qui lui paraîtra commandée par les circonstances: il est bon d'y préparer les esprits, car ce sera une nécessité très probable (3e al.).
2° Ceux auxquels les parties avaient assigné une durée déterminée, même supérieure à 50 années seront respectés également, et il est à croire que ceux-là ne seront jamais atteints par une loi future, à cause du moindre- inconvénient et faute de la même nécessité (1er al.).
3° Ceux qui avaient été faits pour une durée indéterminée cesseront par un congé signifié de part ou d'autre, deux ans à l'avance; mais seulement lorsqu'ils auront duré 50 ans, ce qui est considéré par la loi comme le minimum ici prévu par les parties (2e al.).
223. Du moment que l'emphytéose est une sorte particulière de bail, il se présentera, peut-être fréquemment, une question dans la pratique, à savoir: à quel signe reconnaîtra-t-on que les parties ont entendu faire un contrat d'emphytéose ou de bail à long terme plutôt qu'un bail ordinaire ?
D'abord, si les parties ont donné au contrat son nom légal, il n'y aura pas de difficulté, et elles auront toujours cette faculté. Mais, si elles ont négligé cette précaution, les tribunaux ne pourront décider la question que par les circonstances.
La durée du bail sera une indication importante: si le bail est fait pour plus de 30 années, il y aura présomption que les parties ont voulu établir une emphytéose, plutôt qu'un bail ordinaire, puisque le bail ordinaire ne peut excéder cette durée (art. 132); s'il s'agit de terres en friches ou incomplètement mises en culture, la présomption sera encore fortifiée. Mais si, dans le contrat,. se trouvent certaines clauses qui ne se rencontrent que dans le bail ordinaire, par exemple, sur la garantie de jouissance, on devra décider que les parties ont voulu faire un bail ordinaire et la durée en sera réduite à 30 ans. Dans le doute, on devra encore décider que les parties ont fait un bail ordinaire; car l'emphytéose restera toujours une exception et les exceptions ne se présument pas: elles doivent être prouvées par la partie intéressée.
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(3) On a préféré faire un article distinct pour les anciens baux.
Art. 167. — 224. Les observations faites sous l'article 124, au sujet de l'impossibilité d'établir un droit de bail autrement que par contrat, s'appliquent au bail emphytéotique (voy. nos 169 et suiv.).
Art. 168. — 225. Le seul but de cet Appendice est de déterminer les règles particulières à certains baux; dès lors, tous les points sur lesquels il n'est pas introduit ici de dérogations expresses ou tacites au droit commun continuent à y être soumis.
Mais il va de soi que le bail emphytéotique, à cause de sa longue durée, n'est pas permis aux administrateurs de la chose d'autrui, ni à ceux qui n'ont que l'administration et non la disposition de leurs biens (v. art. 126 à 130): les baux à long terme ne sont pas des actes d'administration.
Art. 169, 170 et 171. -226. Le but principal de l'emphytéose étant de favoriser la mise en culture de terrains jusque-là en friches, il est naturel que le preneur ait un pouvoir plus étendu sur la chose louée que dans le louage ordinaire. Cet article et le suivant donnent des applications de ce pouvoir.
La loi indique ici une première limite à la liberté du preneur; mais cette limite n'est ni étroite ni gênante: il suffit que le preneur ne diminue pas la valeur du fonds d'une manière " permanente/' ce qui veut dire que, lors même que les premières transformations du fonds en diminueraient temporairement la valeur ou le produit, ce qui sera généralement inévitable, le preneur ne serait pas inquiété, du moment que des améliorations en devraient être la conséquence ultérieure.
Ainsi, si le preneur défriche des buissons de peu de valeur, pour les remplacer par des cultures de riz ou autres produits alimentaires ou industriels, il y aura un moment où le fonds ne donnera même plus le minime revenu antérieur et ne donnera pas encore de nouveaux produits; mais cet état transitoire est une nécessité pour laquelle le preneur ne peut être critiqué.
Il en est de même, s'il dessèche un marais: le terrain sera d'abord bouleversé par les terrassements et il ne produira même plus de roseaux; mais, plus tard, il pourra devenir très fertile.
Au contraire, la suppression de grands arbres ou de bâtiments pourrait être considérée comme une détérioration permanente; elle serait même irréparable pourles arbres: les articles 170 et 171 y mettent obstacle.
227. Le dessèchement des marais ne doit pas rencontrer d'obstacles, parce que les eaux stagnantes sont toujours inutiles et souvent nuisibles.
A l'égard des cours d'eau, l'emphytéote peut les modifier, chaque fois que ce sera pour le bien de la propriété, et il est à présumer qu'autrement il ne fera pas cette dépense. Il ne pourrait les supprimer, par exemple, en les détournant sur les voisins, même avec leur consentement: un cours d'eau, à la différence d'un marais, a toujours une grande utilité pour l'irrigation ou l'industrie.
La loi ne parle que des cours d'eau traversant le fonds; car, pour ceux qui ne font que le border, les limites au droit du preneur tiennent surtout au droit de l'autre riverain. Il en sera parlé au Chapitre des Servitudes (art. 243 et suiv.).
228. Les bois taillis, dont il a déjà été question au Chapitre de l'Usufruit, sont des bois qui se coupent périodiquement au ras (au niveau) du sol et qui repoussent continuellement. Les coupes servent au chauffage et à la confection du charbon. Le revenu de ces bois est encore assez important, parce qu'il n'exige pas de frais de culture ou d'entretien; il nécessite, tout au plus, une certaine surveillance contre les vols ou le pâturage illégal des bestiaux étrangers. L'emphytéote en jouira donc comme un preneur ordinaire, lequel en jouit lui-même comme un usufruitier. Mais il ne pourra pas défricher de tels bois, sans le consentement du propriétaire (4).
A l'égard des arbres dits "à haute tige," la loi fait une distinction facile à justifier: s'ils n'ont pas 20 ans et ne sont pas de nature à être coupés périodiquement, comme, par exemple, les arbres résineux, le preneur pourra les arracher; s'ils ont plus de 20 ans, il ne le pourra pas; à moins encore qu'ils ne soient déjà assez âgés pour que leur croissance doive cesser avant la fin du bail, auquel cas, il peut les arracher quand il le veut, le propriétaire n'ayant pas un grand intérêt à leur conservation.
Au contraire, il n'arrachera ni ne coupera les baliveaux, ni les arbres de futaie, pas plus qu'un usufruitier ou un preneur ordinaire ne le pourrait.
Du reste, on ne considérerait pas comme devant être respectés par le preneur, quelques bouquets d'arbres disséminés sur le fonds: ce pourrait être une entrave à la transformation et à la mise en culture du sol; il y a là une question de fait, qui, en cas de contestation, serait tranchée par les tribunaux.
229. La disposition de l'article 171 a de l'analogie avec celle concernant les arbres.
Le preneur ne peut jamais supprimer les bâtiments principaux, à moins qu'il ne fasse reconnaître et accepter par le propriétaire l'avantage de leur suppression ou de leur remplacement.
A l'égard des bâtiments accessoires qui n'ont pas la même importance et qui varient nécessairement avec le genre d'exploitation du fonds, le preneur doit avoir une plus grande facilité de les changer. Il suffit, pour qu'il ait ce droit, que leur durée ne puisse dépasser celle du bail; alors, comme le propriétaire n'aurait pas pu compter les retrouver un jour en état de servir, il lui importe peu qu'ils soient détruits plus tôt.
Dans le cas contraire, son consentement est nécessaire pour leur suppression.
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(4) On a désiré dans la Commission que l'emphytéote ne pût défricher les bambous, parce qu'il peut y en avoir qui aient une grande valeur; mais il y a aussi des bambous nains qui n'excèdent guère les simples graminées (à la famille desquelles ils appartiennent), avec des variétés infinies entre les tailles extrêmes; or, comme les bambous de peu d'importance sont beaucoup plus nombreux que les autres, nous pensons qu'il vaut mieux permettre le défrichement, en principe, et laisser au bailleur le soin de stipuler le maintien de ceux qu'il veut conserver.
Art. 172. — 230. L'obligation pour le preneur de lai-ser au propriétaire les arbres arrachés et les matériaux des bâtiments supprimés, outre qu'elle est conforme au principe du droit de propriété, a encore l'avantage d'ôter au preneur tout intérêt à détruire sans nécessité, même quand il en a le droit, les constructions ou plantations établies déjà sur le fonds.
Art. 173. — 231. A la différence de l'usufruitier et par assimilation au preneur ordinaire, l'emphytéote n'a aucun droit aux produits des mines, même de celles se trouvant en exploitation au moment où son droit s'est'ouvert. Les mines, s'exploitant par galeries, sont tout à fait indépendantes de la surface arable, objet de l'exploitation de l'emphytéote (f).
L'exception portée au 3e alinéa se justifie, au contraire, par le but de l'emphytéose.
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(f) Cette solution est contraire à celle du Code italien (art. 1556) qui admet la perpétuité du droit d'emphytéose et, par suite, le rapproche beaucoup du droit de propriété.
Art. 174. — 232. Le droit de l'emphytéote sur les carrières ne diffère de celui d'un usufruitier et d'un preneur ordinaire que lorsque ces carrières ne sont pas encore en exploitation: dans ce cas, l'emphytéote peut les ouvrir pour y prendre les matériaux nécessaires non seulement à l'entretien et à la réparation des digues, murs ou bâtiments, mais encore pour l'amélioration du fonds; toujours, parce que l'emphytéose a pour but principal l'amélioration et la mise en valeur de sols jusque-là incultes.
Il aurait le même droit sur le minerai de fer dit d'alluvion ou sur les minières: ainsi, il pourrait livrer du minerai aux forges du voisinage pour faire fabriquer des instruments aratoires, des essieux de voiture, des rails de tramway, etc. Dans ce cas, un preneur ordinaire n'aurait pas le même droit.
Art. 175 et 176. -233. Ces articles présentent une des grandes différences entre l'emphytéose et le bail ordinaire.
La destination de ce bail à long terme, qui est surtout de mettre en culture des terres jusque-là incultes, est incompatible avec l'obligation pour le bailleur de procurer et garantir une jouissance normale et régulière de la chose. On a dit aussi, sous l'article 166, que ce serait engager pour un temps trop long la responsabilité du bailleur et de ses héritiers.
Le bas prix du bail et la fécondité naturelle des terres nouvellement défrichées seront, ordinairement, pour le preneur, une compensation suffisante des accidents ou obstacles à la jouissance qu'il pourrait rencontrer.
Mais l'absence de garantie de jouissance n'exclut pas la garantie de l'existence même du droit que le bailleur a prétendu conférer par le contrat d'emphy- téose. Si donc l'emphytéote était évincé par un tiers établissant que le bailleur n'était pas propriétaire, ce dernier serait de droit garant de l'éviction envers le preneur.
Art. 177. — 234. La disposition de cet article sépare encore l'emphytéote du preneur ordinaire, lequel ne paye aucun des impôts fonciers; elle le rapproche de l'usufruitier, mais avec une aggravation, car ce dernier ne fait que contribuer aux impôts extraordinaires, sans les supporter en entier (voy. art. 92 et 93).
La raison de cette double différence est encore le bas prix probable du bail et, en outre, la considération suivante: les terres données à emphytéose, prenant avec le temps une plus grande valeur, seront taxées à un chiffre progressivement plus élevé qu'à l'origine f or, le bailleur ne voyant pas s'élever progressivement la redevance annuelle, il serait injuste qu'il acquittât les impôts.
Si les lois de finances autorisent le Trésor à recouvrer l'impôt sur le propriétaire: il aura certainement un recours contre l'empliytéote.
Art. 178. — 235. La solidarité et l'indivisibilité ~ entre les emphytéotes sont encore propres à l'emphytéose et se fondent sur la longue durée du bail, en même temps que sur la probabilité qu'il y aura souvent plusieurs preneurs associés.
Si l'obligation de payer la rente n'était pas solidaire et indivisible, le bailleur serait exposé à de grands embarras pour recouvrer la rente: il arriverait souvent que des décès substitueraient plusieurs héritiers à leur auteur; la rente se morcellerait à l'infini et, en cas d'insolvabilité d'un ou plusieurs d'entre eux, la résolution du contrat ne pourrait être obtenue que partiellement, ce qui serait un grand inconvénient pour le bailleur, ou si l'on admet, ce qui est naturel, que la résolution soit indivisible, il est plus simple que l'obligation du payement le soit d'abord elle-même.
Tous ces inconvénients disparaissent au moyen de la solidarité et de l'indivisibilité réunies dont il sera traité au Livre IVe; les effets généraux en sont réglés aussi au Chapitre des Obligations (art. 462 et suiv.): il suffira qu'un seul des preneurs originaires ou un seul de leurs héritiers soit solvable, pour qu'il ne soit pas nécessaire de recourir à la résolution, et si tous sont insolvables, la résolution aura lieu en entier.
La loi ne réserve pas le cas de convention contraire; mais c'est un principe général que les conventions privées peuvent toujours diminuer les effets légaux d'un contrat, comme elles peuvent les étendre, lorsqu'il n'y a rien dans la convention de contraire à l'ordre public.
C'est ainsi que la disposition du présent article, qui n'existe pas dans le bail ordinaire, pourrait y être suppléée par convention expresse.
Ce cas est, au surplus, le seul, avec celui de la superficie (v. art. 185), où il y ait une indivisibilité légale: dans les autres cas, l'indivisibilité est ou naturelle ou volontaire (v. art. 462 et s., 1088 et s.).
Art. 179. — 236. La disposition qui permet la cession de l'emphytéose, sons la réserve des droits du bailleur, rapproche plutôt l'emphytéose du bail ordinaire qu'elle ne l'en sépare: elle est analogue à celle de l'article 142.
Si la loi a cru devoir s'exprimer sur ce point, c'est pour qu'on ne soit pas porté à soutenir au Japon deux théories romaines conservées dans quelques pays européens: l'une qui donnerait au propriétaire un droit de préférence pour le rachat de l'emphytéose (droit de préemption) lorsque le preneur veut céder son droit; l'autre, qui lui accorderait une fraction du prix (ordinairement un cinquantième), lorsqu'il n'exerce pas le droit de préemption. Si le bailleur intervient à la cession et l'accepte sans réserver ses droits de garantie contre le cédant, il y a novation, suivant l'expression de l'article 142.
La loi n'énonce pas ici le droit, pour le preneur, d'hypothéquer l'emphytéose; mais il n'est pas douteux qu'ayant un droit réel, il puisse l'hypothéquer; d'ailleurs l'article 1203 l'exprimera formellement. Il pourrait aussi grever son droit d'une sous-emphytéose (g).
(g) Le Code italien défend la sous-emphytéose (art. 1562).
Art. 180. — 237. Il y a ici une nouvelle différence entre les baux emphytéotiques et les baux ordinaires: dans le bail ordinaire, il suffit que le preneur manque à payer l'un des termes exigibles pour que le bailleur puisse faire résoudre le contrat; ici, la loi est moins rigoureuse pour l'emphytéote, à cause des difficultés souvent imprévues de l'entreprise.
En outre, comme les pertes de récoltes et autres privations de jouissance n'autorisent pas le preneur à demander une diminution du prix de bail, il est juste de lui accorder quelques délais, en cas d'embarras dans ses affaires.
Mais si le preneur a d'autres créanciers qui le mettent en faillite et poursuivent la vente de ses biens, alors il est impossible de refuser au bailleur le moyen de sauvegarder ses droits.
Art. 181. — 238. Cette disposition avait été réservée par l'article 176 comme un correctif du manque de garantie de la jouissance par le bailleur.
La loi prévoit deux cas où le preneur peut lui-même faire résilier le contrat.
On peut supposer, pour le premier cas, une guerre ou une inondation qui aurait tellement dévasté le fonds qu'il ne donnerait aucun revenu pendant trois années.
Dans le second cas, la perte des revenus n'est pas totale, mais elle est telle que, désormais, les profits ne pourront dépasser la rente à payer: ce serait la ruine du preneur à courte échéance.
On peut supposer, pour l'application de ce second cas, la destruction de plantations, de travaux d'irrigation ou de dessèchement qui ont coûté des sommes plus ou moins considérables et que le preneur ne peut ou ne veut recommencer: s'il en résulte que les profits soient diminués au point de ne pas lui laisser d'excédant après avoir payé la rente, il peut faire résilier le bail.
Art. 182. — 239. Le principal but de l'emphytéose étant, comme on l'a dit plusieurs fois, l'amélioration des terres, et le prix du bail étant ordinairement faible, il est naturel que l'amélioration du fonds profite au bailleur, lorsque le contrat a pris fin et que le preneur a pu en tirer un profit légitime.
D'ailleurs, à part l'enlèvement des arbres, que la loi refuse, parce qu'ils ont peu coûté au moment de la plantation, les autres améliorations, étant plus ou moins incorporées au sol, seraient difficiles à évaluer et deviendraient une source de contestations.
Au contraire, les constructions peuvent avoir coûté beaucoup à établir et sont faciles à distinguer du sol: il serait dur pour le preneur de les laisser sans indemnité. Il pourra donc les enlever, à moins que le bailleur ne se soit réservé de les acquérir en lui en payant la valeur et suivant les règles prescrites aux articles 73 et 156.
SOMMAIRE.
Art. 183. — N° 240. Nature du droit de superficie; son origine romaine, son absence des Codes français et italien; son admission dans d'autres législations de l'Europe; son importance au Japon. -240 bis. Sa place dans le Projet.
184. —241. Son établissement: distinction. —242. Application des règles de droit commun des aliénations d'immeubles ou du bail à long terme.
185. —243. Redevance: application des règles du bail emphytéotique.
186. 244. Fixation légale, à défaut de convention, du terrain accessoire des constructions et plantations.
187. —244 bis. Obligation du superficiaire d'observer, pour ses constructions et plantations, les distances et autres servitudes.
188 et 188 bis. —245. Durée légale du droit de superficie, en l'absence de convention. —246. Droit de donner congé, refusé au bailleur, accordé au supet:ficiaire. — 247. Durée fixée: exclusion de la tacite reconduction.
189. -248. Droit de préemption du bailleur, limité au cas oÙ il a été stipulé.
190. —249. Dispositions transitoires; application de la loi nouvelle aux anciennes superficies: distinction. —^ 250. Observation sur le droit de préemption.
COMMENTAIRE.
Art. 183. — 240. Dans les pays où le prix du sol est relativement élevé, il s'est établi une modification du droit de propriété dont le présent article donne le caractère principal: le sol même, le tréfonds, appartient à une personne et les édifices ou s'ltperfices appartiennent à une autre.
On trouve le droit de superficie dans le droit romain. Il était peu usité dans l'ancien droit français; aussi n'en est-il pas fait mention dans le Code civil français, et non plus dans le Code italien; mais il commence à s'introduire en France et on le trouve en Hollande, en Belgique et dans d'autres pays d'Europe.
Au Japon, cette modification de la propriété paraît avoir pris plus d'extension qu'ailleurs, à cause de l'élévation du loyer des maisons, laquelle élévation tient, elle-même, à la fréquence des incendies, celle-ci tenant, à son tour, à la nature des constructions qui sont, généralement, faites en bois, et ce mode de construction était lui-même rendu nécessaire, non par la rareté des pierres, mais par la fréquence des tremblements de terre.
Les habitants préfèrent avoir une maison à eux appartenant qui ne leur coûte annuellement que l'intérêt du capital engagé et la rente du sol, en courant le risque du feu, plutôt que de payer, chaque mois, un loyer très lourd.
240 bis. On pourrait s'étonner que, le droit de superficie étant, comme le dit notre premier article, un droit particulier de propriété, il n'en ait pas été traité au Chapitre même de la propriété. Il a déjà été répondu par avance à cette observation (v. n° 6): le superficiaire n'a pas la propriété du tréfonds; il n'a pas même celle de la surface du sol sur laquelle portent ses constructions ou plantations; enfin, il paye une redevance annuelle comme un preneur, et même comme un preneur à emphytéose, car sa jouissance du sol peut être de plus de 30 ans et même de plus de 50 ans; il est donc naturel de réunir l'emphytéose et la superficie, comme il est d'usage d'ailleurs dans les pays qui admettent ces deux droits (a).
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(a) V. c. civ. des Pays-Bas (art. 758 à 783).
La Belgique a sur ces deux droits deux lois distinctes, mais elles ont la même date (10 janv. 1824); ce sont évidemment des lois hollandaises et non belges, vu leur date; seulement, elles avaient été insérées au Code civil hollandais de 1829. La Belgique, ayant gardé le Code Napoléon primitif, a gardé aussi les deux lois hollandaises de 1824.
Art. 184. — 241. Le but du présent article, qui forme la contre-partie des articles 124 et 167, est de faire remarquer la grande différence qu'il y a entre la superficie et le bail, soit ordinaire, soit emphytéotique: tandis que ces deux sortes de baux ne peuvent s'établir que par un contrat spécial auquel ils donnent leur nom même, le droit de superficie, étant surtout un droit de propriété immobilière, quoique limité, comporte les mêmes modes d'établissement que la propriété ordinaire réunissant le sol et les bâtiments ou plantations.
Il se transmet aussi de la même manière: notamment, par succession; sous ce l'apport, il ressemble au bail, mais cela le sépare de l'usufruit.
242. Au surplus, la loi distingue dans cet article deux hypothèses qui devaient être réglées différemment (1):
1° Des constructions et plantations existent déjà au moment de l'établissement du droit de superficie: alors il y a aliénation principale de celles-ci, le bail du sol n'étant que l'accessoire;
2° Le sol a été spécialement loué " pour bâtir ou pour planter”: alors le droit de superficie ne naîtra qu'avec les constructions mêmes ou les plantations, sans nouvel acte entre les parties; on peut dire que le droit de superficie résulte de l'accomplissement de la condition d'un bail à long terme.
Dans le premier cas, il est évident que le superficiaire devient un acquéreur d'immeubles, soit par vente ou échange, soit par donation; dès lors, on applique à la constitution du droit de superficie les règles des cessions d'immeubles, tant pour la capacité d'aliéner que pour les formes à observer dans l'acte et pour les conditions de publicité à remplir dans l'intérêt des tiers, telles qu'elles sont établies dans la IIe Partie du présent Livre (art. 368 et suiv.).
Dans le second cas, le bail sera à long terme ou emphytéotique, il exigera aussi la capacité d'aliéner, puisqu'il excède les pouvoirs d'un simple administrateur; mais les constructions faites par le preneur seront dispensées des formalités ayant pour objet la publicité des acquisitions, comme le sont, du reste, les constructions faites par un propriétaire sur son sol (b).
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(1) Les anciens articles 184 et 185 ont été utilement réunis en un seul, les articles 186 et 187 sont devenus 185 et 186; l'article 187 est nouveau et comble le vide.
(b) Les déclarations à l'autorité, auxquelles est assujetti un constructeur, ont un autre but que la publicité: elles servent à l'établissement des impôts g-énéraux et locaux et à la statistique. La destruction même des édifices doit être déclarée.
Art. 185. — 243. Le cas où le superficiaire payera une redevance annuelle sera, sans doute, le plus fréquent, parce que, lors même qu'il y aura des constructions ou. plantations, elles ne lui auront été cédées, généralement, que pour leur valeur actuelle et intrinsèque: la redevance compensera alors la jouissance temporaire du sol.
Incontestablement, il y aura toujours une redevance à payer, lorsque, en l'absence de constructions actuelles, le superficiaire aura acheté seulement " le droit de bâtir."
Il est naturel, en pareil cas, d'appliquer les règles (111 bail emphytéotique, spécialement, en ce qui concerne la solidarité et l'indivisibilité (art. 178) et le défaut de payement de la redevance (art 180) (2).
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(2) L'ancien texte appliquait à la redevance les règles (la bail "ordinaire;" nous croyons mieux d'y appliquer celles du bail emphytéotique, parce qu'il s'agit ici encore d'un bail à long terme.
Art. 186. — 244. Il arrivera, le plus souvent, sans doute, que les parties détermineront l'étendue du terrain accessoire des bâtiments cédés au superficiaire; mais la loi doit toujours suppléer à l'imprévoyance des parties, en s'attachant à leur intention probable. Or, il est évident que l'acheteur de la superficie n'a pas entendu n'avoir que les bâtiments, sans aucun terrain alentour: autrement, l'usage lui en serait presque Íinpossible.
La loi fait une chose juste et raisonnable, en accordant au superficiaire une portion de terrain égale à la surface totale de l'assise des bâtiments.
Sans doute, dans les grandes villes, où le terrain a une grande valeur, ce pourrait être un trop lourd sacrifice du propriétaire; mais, c'est à lui de limiter ce terrain accessoire dans le contrat même.
La détermination de cet espace environnant les constructions sera faite par experts, quand elle ne le sera pas d'un commun accord par les parties.
Si le terrain manquait, d'un ou plusieurs côtés, le superficiaire ne pourrait prétendre à une compensation des autres côtés, parce qu'il n'a pu compter sur un espace que la nature des lieux ne présentait pas; c'est pourquoi la loi dit qu'on tiendra compte de la configuration du sol; on tiendra compte aussi de la destination des diverses parties du bâtiment: on distinguera ce qui est destiné au service domestique de ce qui a rapport à l'habitation du maître; de même, s'il s'agit d'une maison destinée au commerce ou à l'industrie, le sol environnant sera réparti autrement que s'il s'agit d'une maison d'agrément.
Pour ce qui concerne l'espace environnant les arbres, il fallait aussi que la loi suppléât au silence des parties, car il est clair qu'elles n'ont pas entendu que le superficiaire n'eût que l'espace occupé par le tronc des arbres.
Il était impossible de s'attacher à l'espace occupé par les racines; car, outre que cet espace est variable et progressif, la vérification en est difficile et nuisible aux arbres. La loi a adopté la solution la plus favorable au superficiaire. Si le cédant la trouve excessive, il la réduira par le contrat.
Lorsque le terrain a été loué " pour bâtir," le supernciaire est présumé avoir tenu compte des dimensions de terrain nécessaires pour le service de ses constructions et il ne pourrait en demander plus tard un supplément.
La loi proclame le droit de passage en cas d'enclave que les parties pourraient n'avoir pas songé à réserver en contractant (v. art. 231 et s.), et elle a soin de faire remarquer qu'il sera " sans indemnité," parce qu'il est dû par suite d'une cession (v. art. 236).
Art. 187. — 244. bis. Il a paru bon d'exprimer que le superficiaire, bien qu'il plante on construise en vertu d'un droit qui lui a été cédé par celui dont il va se trouver voisin, doit observer les distances prescrites par la loi pour les constructions et plantations (v. art. 278 et s. pour les vues, et 282 pour les plantations): la situation n'est pas différente pour le superficiaire de celle d'un acheteur de sol qui se trouverait voisin de son vendeur.
Art. 188 et 188 bis (3). -245. La loi ne pouvait soumettre le droit de superficie à la même durée que l'emphytéose: cette durée aurait pu être excessive dans certains cas et insuffisante dans d'autres.
Elle distingue si le titre constitutif a assigné ou non une durée déterminée au droit de superficie.
Au premier cas, il eût pu paraître raisonnable de s'attacher à la nature des constructions (pierres, briques ou bois) et de faire durer le droit en raison directe de la solidité probable des édifices, répondant d'ailleurs au coût probable de leur établissement; mais dans chacun de ces genres de constructions il y a bien des variétés possibles; en outre, si les bâtiments existaient déjà au moment où la superficie avait été cédée, il était possible qu'ils eussent déjà une plus ou moins grande ancienneté.
Le système auquel la loi s'est arrêtée répond à l'intention probable des parties: le droit durera autant que les bâtiments.
Mais le superficiaire pourrait abuser de sa position, en remettant les bâtiments à neuf, périodiquement et à mesure qu'ils seraient menacés de tomber de vétusté.
La loi prévient cette fraude, qui éterniserait presque le droit de superficie, en adoptant un système déjà usité en France pour assurer l'alignement des rues et leur redressement, sans recourir à l'expropriation; c'est d'empêcher les grosses réparations ou réconfortations (voy. nos 62 et 63). Le superficiaire ne pourra faire ces travaux que si le propriétaire l'y autorise et il est clair que celui-ci pourra mettre à cette autorisation les conditions qu'il jugera à propos, comme, par exemple, l'élévation de la rente annuelle.
Pour ce qui concerne les plantations, le système de la loi est également facile à justifier: quand les arbres ont atteint leur plus grand développement utile, c'est- à-dire, quand ils ne gagneraient pas à être conservés, le droit doit cesser: le superficiaire les arrachera et son droit prendra fin, faute d'objet. Il en serait évidemment de même, si les arbres étaient détruits par accident.
246. Dans ce même cas où le droit de superficie n'a pas de durée fixée par le titre constitutif (ou par un acte postérieur toujours possible), le superficiaire peut y mettre fin par un congé; mais la loi refuse ce droit au propriétaire.
Le motif de cette différence entre la superficie et le bail tant ordinaire qu'emphytéotique, où le droit de donner congé d'un bail d'une durée indéterminée est réciproque (v. art. 160, 163 et 166), est que la superficie est un droit de propriété de bâtiments et plantations, bien plus qu'un bail du sol; or, il ne doit pas être permis au propriétaire du sol de mettre fin à un droit de propriété d'autrui. Au contraire, le superficiaire peut ne pas trouver un profit suffisant de ses bâtiments ou plantations, ou il peut désirer les transporter ailleurs (c); il est donc juste qu'il puisse abandonner son droit: il lui suffit pour cela de prévenir le propriétaire un an à l'avance ou de perdre une annuité.
247. La loi devait prévoir le cas, plus rare, où il aurait été assigné au droit de superficie une durée déterminée: elle décide, naturellement, que dans ce cas le droit cesse de 'plein droit à l'arrivée du temps fixé, et elle ajoute (c'est là surtout l'utilité de l'article) qu'il n'y aura pas lieu à tacite réconduction.
Le motif de cette dérogation au droit commun du bail, tant ordinaire qu'emphytéotique (voy. art. 166) est qu'au cas de tacite réconduction, il faudrait encore un congé pour y mettre fin; or, dans ce cas, il serait impossible de ne pas accorder aux deux parties un droit égal de le signifier. Mieux vaut donc refuser ce droit à l'une et à l'autre et observer les conditions premières du contrat; le superficiaire d'ailleurs n'en éprouvera pas un dommage imprévu, car il a dû songer d'avance à se retirer et à disposer de ses bâtiments ou plantations. Mais, bien entendu, il pourra toujours y avoir une réconduction expresse: la loi ne présume plus la volonté des parties, mais elle ne prétend pas défendre de l'exprimer.
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(3) L'ancien article 188 a été dédoublé et complété en ce qui concerne la tacite réconduction qui est ici exclue, tandis que le silence de la loi aurait pu être interprété dans le sens de son admission.
(c) On a déjà eu occasion (nO 17-90) de signaler l'extrême facilité avec laquelle, au Japon? les bâtiments peuvent être démontés (au moins ceux en bois) et transportés ailleurs. ou en est de même des arbres, même à haute tige, lorsque, en prévision du déplacement on a eu soin d'empêcher les racines de s'étendre loin du tronc, ou même, lorsqu'à défaut de cette prévision, on a, pendant un an ou deux, recépé les grosses racines, progressivement, sans déplacer l'arbre pendant qu'il en pousse de nouvelles.
Art. 189. — 248. Dans certains pays d'Europe, en France notamment, où le droit de superficie est toujours établi pour un délai préfix, les constructions et plantations sont, à l'expiration du délai, acquises au propriétaire du fonds, sans indemnité. On ne peut pas dire que ce soit injuste, le su perficiaire ayant accepté d'avance cette condition rigoureuse, portée dans la loi ou dans la convention.
En Hollande et en Belgique, le propriétaire du sol ne reprend les bâtiments acquis par le superficiaire, à l'origine, ou édifiés par lui, qu'à charge de les payer: c'est un droit légal de préemption. Au Japon, on a préféré conserver l'usage du pays qui est bon, économiquement, et plus en harmonie avec les règles de la propriété: le superficiaire a la propriété des bâtiments, il peut donc les enlever, quand, pour une cause exceptionnelle, le droit cesse avant la destruction desdits bâtiments; la loi ne donne au propriétaire du sol le droit de préférence pour l'achat, sous le nom de "préemption'" que s'il l'a stipulé dans le contrat: c'est la théorie adoptée déjà pour l'usufruitier (art. 73), pour le preneur ordinaire (art. 157) et pour l'emphytéote (art. 182) (4).
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(4) C'est toujours le système de la Commission auquel d'ailleurs nous avons adhéré sans réserves: l'ancien texte, ici encore, admettait un droit légal de préemption, c'est-à- dire sans stipulation.
Art. 190. — 249. La loi a dû se préoccuper ici, comme au sujet de l'emphytéose, de l'influence de ces nouvelles dispositions sur les droits de superficie qui se trouveront déjà établis au moment de la promulgation du présent Code.
Conformément aux principes de la non-rétroactivité des lois, elle respecte les droits acquis, mais elle ne tient pas compte de ce qu'on appelle les simples facultés, lorsqu'elles n'auront pas encore été exercées.
De là, deux dispositions distinctes (dont chacune est subdivisée), au sujet des droits de superficie qui se trouveront établis avant la loi nouvelle:
1° Pour ceux auxquels les parties ont assigné une durée déterminée, il y a pour chacune d'elles un droit acquis, en vertu de la convention, à jouir, pendant tout le temps fixé, soit de la superficie, soit de la redevance: la loi le respecte absolument. Il faudra cependant distinguer le cas où il serait prouvé que le terme a été fixé dans l'intérêt du superficiaire seul, ce qui sera le plus fréquent: dans ce cas, il pourra se retirer, en observant les règles et conditions antérieurement reçues;
2° Pour les droits qui n'avaient pas de durée fixée et qui pouvaient cesser par un congé donné de part ou d'autre, la loi fait une sous-distinction: si, au moment de la promulgation du Code, il y a eu un congé donné ou reçu, la sortie sera obligatoire: il y a encore droit acquis, car il y a eu exercice d'une faculté: si, au contraire, il n'y a eu aucun congé donné, la faculté qui avait été négligée est enlevée par la loi, mais au propriétaire seulement; en conséquence, le droit durera autant que les bâtiments, si le superficiaire ne le fait cesser auparavant par un congé (art. 188).
250. A l'égard du droit de préemption qui n'existe pas aujourd'hui dans les coutumes japonaises, et que la loi nouvelle n'admet qu'au cas de convention entre les parties, il ne s'appliquera évidemment pas aux anciens droits de superficie (5).
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(5) L'ancien texte de notre article 190, qui créait un droit légal de préemption en faveur du propriétaire du sol, le déclarait formellement applicable aux anciennes superficies.
Cette rétroactivité, en ouvrant une faculté au propriétaire, n'enlevait pas un droit acquis au superficiaire: la préemption est une vente forcée, autorisée dans un intérêt privé, comme il y a une expropriation autorisée pour cause d'utilité publique; or, on n'hésitera pas à reconnaître que l'expropriation pour cause d'utilité publique, dont le principe est posé par l'article 32 et qui sera développé par une loi spéciale, sera applicable aux propriétés actuellement existantes: le contraire serait même la négation pure et simple de l'institution; car, si les propriétaires actuels jouissaient d'une immunité à l'égard de l'expropriation, leurs ayant-cause, tant généraux que particuliers, en devraient jouir également et à perpétuité, ce qui serait insoutenable. Il n'était donc pas inadmissible que le nouveau droit de préemption s'appliquât aux anciennes superfit;ies; mais le système de la préemption étant changé, la difficulté ne se présente plus.
SOMMAIRE.
N° 251. Difficulté proverbiale de cette matière; insuffisance du Code français; nécessité de recourir souvent au droit romain; utilité d'un Exposé préalable. -252. Définition et caractère général de la possession. —253. Elle n'est pas seulement un fait, mais elle est souvent un droit. -254. Deux éléments nécessaires à la possession pour qu'elle soit un droit: la détention physique de la chose et l'intention du détenteur "de l'avoir à soi;" représentation par autrui, admise pour la détention physique, à l'égard de tout possesseur, admise même pour l'intention, à l'égard des incapables et des personnes incorporelles. -255. Possession précaire ou pour le compte d'autrai. -256. Possession de l'usufruitier et du créancier gagiste souvent appelée quasi-.possession: simplification de cette théorie. -257. Possession civile et possession naturelle. -258. Aspects divers de la possession civile. —259. Possession à juste titre ou à juste cause et possession sans titre. —260. Possession de bonne foi et de mauvaise foi. —261. Premier avantage de la possession civile: présomption de l'existence du droit au profit de celui qui l'exerce; justification. —262. Deuxième avantage: acquisition dps fruits et produits périodiques par le possesseur de bonne foi; justification. —263. Moment auquel les fruits sont acquis au possesseur: distinction nouvelle entre les fruits naturels et les fruits civils; moment auquel la bonne foi est requise. -264. Restitution des fruits par le possesseur de mauvaise foi; remboursement des frais de culture par le propriétaire. -265. Troisième avantage de la possession civile: p' escription ou présomption légale absolue d'acquisition: justification. Vices de la possession civile (violence, clandestinité) mettant obstacle à la prescription. —266. Actions possessoires, garanties du droit de possession. - 267. Choses ou droits susceptibles de possession: propriété, usufruit, usage, habitation, servitudes foncières. -268. Suite: droit de bail: distinction. -269. Droits de nantissement mobilier et immobilier. -270. Quid du droit d'hypothèque? -271. Quid des droits personnels ou de créance ? Distinction. —272. Créances au porteur. -273. Continuation et jonction des possessions. - 274. Transition au texte: division de la matière.
COMMENTAIRE.
N° 251. La difficulté de cette matière est célèbre et, pour ainsi dire, proverbiale. Aucune législation, soit ancienne, soit moderne, ne l'a réglée d'une manière satisfaisante. En France, les articles 548 à 550 et 2228 à 2235 du. Code civil et cinq articles du Code de Procédure civile (art. 23 à 27) sont insuffisants: pour les compléter, la doctrine et la jurisprudence sont constamment obligées de recourir à la législation romaine qui, avec bien des obscurités, est encore la source la plus riche et la plus sûre à consulter sur la Possession.
Pour ces motifs, avant de présenter le texte, on a cru devoir exposer ici l'ensemble de la théorie de la Possession. Les articles qui suivront, et qui en consacreront les principales règles, se trouveront, en quelque sorte, commentés par avance; il ne restera plus qu'à les accompagner de quelques développements, renvois et observations de détail.
Cet Exposé général est d'autant plus utile au Japon que la Possesssion érigée au rang d'un droit y est une théorie jusqu'ici négligée, mais dont l'admission est reconnue nécessaire.
252. Dans le sens le plus simple et, en même temps, le plus usité du mot, la Possession est le fait d'avoir une chose à sa libre et entière disposition (a).
Mais cette définition a ét5 adoptée, surtout, pour la possession des choses corporelles que le possesseur détient à titre (en qualité) de propriétaire, c'est-à-dire en se prétendant propriétaire, en se comportant comme tel: lorsqu'il s'agit de choses incorporelles ou de droits, comme un usufruit, une servitude foncière, qu'on ne peut détenir à titre de propriétaire, on emploie ordinairement l'expression de quasi-possession.
Cette distinction n'est pas nécessaire, ni même exacte; car celui qui possède à titre d'usufruitier, ou comme ayant droit à une servitude, a aussi à sa disposition une chose corporelle sur laquelle s'exerce son droit et, du moment qu'il agit sur cette chose dans toute la mesure du droit qu'il prétend avoir, on peut dire aussi qu'il en a la libre disposition; en sens inverse, celui qui possède à titre de propriétaire, possède aussi une chose incorporelle, un droit, le. droit de propriété auquel il prétend.
On peut donc n'avoir qu'une seule définition de la possession et on l'appliquera, non plus aux choses corporelles, mais aux droits dont ces choses sont l'objet. La possession sera alors définie: " l' eæe?'cice:d' un droit que l'on a ou que l'on prétend avoir sur une chose."
Mais cette formule encore, à cause des derniers mots, paraîtrait limiter la possession aux droits réels seuls;or, on verra plus loin que, dans une certaine mesure, la posstssion peut être étendue aux droits 'personnels ou de créance (v. n° 271); il faut donc compléter la définition en ces termes: " l'exercice d'un droit sur une chose oit contre une personne en sens inverse, on verra qu'il y a des droits réels dont la possession est, pour ainsi dire, sans effets (v. n° 270).
253. La possession consiste dans des actes ou des faits plus ou moins répétés, tels que les accomplit ordinairement celui auquel appartient réellement le droit dont il s'agit. De là, l'axiome venu des Romains et encore admis aujourd'hui, mais sur lequel nous aurons à revenir: " la possession consiste plutôt dans un fait que dans un droit (b)."
Quand ce fait est réuni au droit, ce qui est le cas normal et le plus fréquent, la loi n'a guère à s'en occuper: les garanties qu'elle accorde au droit lui-même s'appliquent en même temps au fait de la possession.
Mais, quand celui qui possède n'a pas, en réalité, le droit qu'il exerce, ou quand il n'est pas en mesure de prouver qu'il a ce droit, la loi ne laisse pas de lui accorder encore certains avantages, à commencer par la garantie de sa possession elle-même, laquelle lui sera maintenue ou rendue, par des actions spéciales dites possessoires, s'il est troublé ou dépossédé par un tiers moins favorable que lui.
Or, une situation ainsi reconnue par la loi et garantie par des actions en justice n'est pas seulement un fait: elle a bien tous les caractères d'un droit et on peut l'appeler droit de possession; aussi l'article 2 fait-il figurer la Possession dans l'énumération des droits réels.
254. Dans l'opinion générale, qui n'admet de possession proprement dite que pour les choses corporelles, qu'on détient "à titre de propriétaire," la possession, pour devenir en elle-même, un droit, doit présenter deux caractères, deux éléments distincts: un élément matériel ou corporel, à savoir, la détention physique de la chose possédée et un élément moral ou intellectuel, l'intention, chez le possesseur, de se comporter en maître de la chose, en propriétaire (c).
Ainsi, celui qui n'aurait que l'intention de se comporter en propriétaire, sans faire d'acte extérieur de maître sur la chose, ne possèderait pas: cette intention, restant dans le domaine des faits purement internes, ne se révélerait pas assez aux tiers pour devenir le fondement d'un droit qui leur soit opposable; autrement, on pourrait se dire possesseur de tout ce que l'on désire avoir, ce qui serait dérisoire.
En sens inverse, celui qui ferait des actes de maître sur la chose, sans intention de se comporter comme tel, n'obtiendrait pas les avantages légaux de la possession; au moins, il ne les obtiendrait pas pour lui; mais il pourrait les faire obtenir à autrui, s'il faisait ces actes pour le compte d'un autre dont il serait le représentant légal ou conventionnel, et pourvu encore que l'élément intentionnel se rencontrât chez ce dernier.
En effet, on a toujours admis que celui chez lequel existe l'intention de posséder pût se faire représenter pour les actes physiques de détention: le mandat est naturel et souvent nécessaire, quand il s'agit d'actes que nous ne pouvons faire par nous-mêmes, sans plus ou moins de difficultés; de là encore, l'axiome romain que " nons pouvons détenir par le corps d'autrui, pourvu que nous possédions par notre propre intention " (d).
Par exception, on admet la représentation, même pour l'intention de posséder, lorsqu'il s'agit de personnes incapables d'avoir une volonté ou une intention raisonnable, comme les fous et les mineurs; c'est alors l'intention de leur tuteur ou de leur autre représentant légal qui est nécessaire. Il en est de même, par un autre motif de nécessité, pour les corporations, publiques ou privées, ayant le caractère de personnes juridiques: c'est leur chef, leur gérant ou administrateur, qui doit avoir l'intention de posséder; mais, toujours, pour le compte de la corporation représentée.
255. Ceux qui possèdent ainsi pour le compte d'autrui, soit physiquement, soit même intentionnellement et par exception, sont dits possesseurs précaires ou à titre précaire, par opposition à ceux qui possèdent pour eux-mêmes et à titre de propriétaire. On dit même quelquefois qu'ils " ne possèdent pas," mais c'est uniquement en ce sens qu'ils ne possèdent pas pour eux- mêmes.
Cette expression de " possession précaire " a été tirée du droit romain, mais elle est aujourd'hui sortie du sens propre et limité qu'elle y avait (e): on l'a généralisée, pour exprimer toute possession qui s'exerce pour le compte d'autrui.
Il y a d'ailleurs des cas où la possession est précaire, lors même que le possesseur joint à sa détention et aux actes de maître l'intention d'avoir la chose pour lui-même; c'est lorsque la nature du titre en vertu duquel il possède s'oppose à la légitimité de cette prétention. Ainsi un dépositaire, un emprunteur à usage, un usufruitier, un locataire, un créancier gagiste, n'étant entrés en possession qu'en reconnaissant le droit de propriété d'autrui et sous condition de rendre la chose au propriétaire, sont toujours possesseurs précaires, comme reconnaissant ou, au moins, devant reconnaître un autre maître qu'eux-mêmes; de là, la règle célèbre que Il l'on ne peut se changer à soi-même la cause et le principe de sa possession" (ee).
Seulement, dans toutes les opinions, on est bien obligé d'admettre que celui qui possède comme usufruitier, comme locataire, comme gagiste, n'a une possession précaire que par rapport au droit de propriété auquel il ne peut en effet prétendre, mais qu'il possède pour lui-même, et non pour autrui, le droit réel plus limité que lui donne son titre. On peut dire, dans le langage reçu, qu'il n'a qu'une quasi-possession, mais elle n'est pas à titre précaire. Pour arriver à trouver une quasi-possession précaire, par rapport au droit ainsi possédé, il faudrait supposer que le droit d'usufruit, de gage ou autre, fût exercé pour le compte d'autrui, par un mandataire.
256. Mais, dès qu'on s'affranchit de la théorie traditionnelle qui distingue, sans motifs suffisants, la possession proprement dite appliquée aux choses corporelles et la quasi-possession appliquée aux droits, dès qu'on n'admet plus qu'une seule possession qui est l'exercice d'un droit, avec l'intention de l'avoir à soi (f), les idées se simplifient en se généralisant: toute personne qui exerce un droit, soit par elle-même, soit par un représentant, qui a l'intention d'avoir ce droit, au fond, et qui prétend l'avoir pour elle-même (pi-o sue), cette personne est possesseur de ce droit. Elle n'en est peut-être pas réellement investie, elle peut n'en être pas titulaire légitime, ou bien, ce sont peut-être les preuves de son droit qui lui manquent; peu importe, cet état de fait est lui-même un avantage que la loi garantit et dont les conséquences ultérieures peuvent devenir de nouveaux avantages légaux, ainsi qu'on le verra bientôt, en même temps qu'on en donnera la justification; par conséquent, cet état est déjà lui-même 1/n droit.
257. La possession ainsi protégée et garantie par la loi est généralement appelée possession civile, par opposition à la possession que la loi ne garantit pas, qui reste 'ltn par fait, et qu'on appelle possession nat,i-trelle; par exemple, dans le cas où quelqu'un possèderait une chose du domaine public, sur laquelle un particulier ne peut jamais acquérir aucun droit réel.
Ainsi donc, voilà déjà trois qualifications de la possession dont on pourra désormais user, sans avoir besoin d'en rappeler le sens: possession civile, possession naturelle, possession précaire.
258. Voici enfin deux autres aspects de la possession formant des sous-distinc'ions de la possession civile. Ils ont une grande influence sur ses avantages, et l'on doit toujours s'en préoccuper, quand on veut déterminer les effets légaux de la possession. La possession peut être, soit ajuste titre ou h juste cause, soit sans titre; elle peut, aussi être de bonne foi ou de mauvaise foi.
259. La possession est dite ajuste titre, lorsque la détention de la chose ou l'exercice du droit prétendu provient d'un acte licite et de nature à conférer un pareil droit, comme une vente, un échange, une donation; c'est dans le même sens qu'on dit que la possession a une juste cause (g). Si ce titre et cette cause sont appelés justes, c'est pour dire qu'ils ont un caractère légal, par opposition au cas où le possesseur détiendrait par suite d'un acte illicite, comme par soustraction frauduleuse ou violente, ou même détiendrait sans cause ou sans titre, par exemple, lorsqu'il se serait emparé d'une chose d'autrui, croyant qu'elle lui appartenait.
260. Mais le juste titre peut cependant avoir M??. i-ice; il peut émaner d'une personne qui n'était pas propriétaire, ou n'avait pas qualité pour conférer le droit prétendu. Dans le cas contraire, le titre ne serait pas seulement juste, il serait un titre parfait et la possession qui en résulterait serait cumulée avec le droit même. Dans cette situation où le juste titre a un vice, il faut encore distinguer si le possesseur, au moment où il a traité, a ignoré, ou connu le défaut de droit chez le cédant; dans le premier cas, le possesseur est de bonne foi; dans le second cas, il est de mauvaise foi (h).
Au surplus, si les avantages légaux ne sont pas les mêmes pour le possesseur sans titre ou usurpateur que pour celui qui a 'MM juste titre, et s'ils sont moindres aussi pour celui qui connaît le vice de son titre que pour celui qui l'ignore, ceux-ci n'en sont pas moins, tous deux, po.ç.'?e.çRell?'.'? civils, dès qu'ils réunissent la détention physique de la chose, ou l'exercice effectif du droit par eux prétendu, à l'intention d'agir en titulaires de ce droit, c'est-à-dire d'avoir et de conserver ce droit pour eux-mêmes.
On doit maintenant déterminer les avantages légaux, déjà plusieurs fois annoncés, de la possession civile.
Il faut aussi les justifier en raison et en équité.
Ces avantages sont au nombre de trois.
261. -I. Le premier avantage de la possession civile est que celui qui possède une chose, qui exerce un droit comme lui appartenant, est présumé avoir le droit par lui prétendu. Cette présomption est conforme à la raison, car elle se trouve, dans la grande majorité des cas, d'accord avec la rt' alité des faits (i); il est rare, en effet, que celui qui a un droit de propriété ou un autre droit réel n'ait pas la chose à sa disposition, ne la possède pas; il est plus rare encore que cette chose soit à la disposition d'une personne qui n'y a pas droit.
La présomption légale est donc que le droit, est d'accord avec le fait.
Mais ce n'est pas une de ces rares présomptions, dites absolues, contre lesquelles la loi n'admet pas la preuve contraire (j): lcin de là, celui qui se croira fondé à contester le droit du possesseur pourra toujours le faire et prouver contre lui son propre droit, tant par titres que par témoins et, généralement, par tous les moyens de preuve admis en matière civile.
Mais la condition du possesseur est toujours la meilleure; car, en vertu de la présomption légale, il est défendeur à l'action en revendication et, comme tel, il n'a pas tant à prouver son droit qu'à réfuter les preuves de celui qui l'attaque.
Pour jouir de l'avantage de la présomption légale de propriété ou d'un autre droit réel, il n'est pas nécessaire que le possesseur ait juste titre et bonne foi; il lui suffit de posséder pour lui-même et non pas précairement.
A ce sujet, on rencontre encore une présomption favorable au possesseur: la raison veut que toute personne qui détient une chose ou exerce un droit sur une chose soit présumée posséder pour elle-même et non pour autrui; c'est encore, en effet, ce qui arrive le plus souvent; sauf toujours la preuve contraire, par tous les moyens ordinaires.
262. —II. Le deuxième avantage de la possession civile est l'acquisition des fruits et revenus périodiques produits par la chose possédée ou par le droit exercé.
Ainsi, si l'on suppose que celui auquel appartient réellement la propriété ou autre droit sur la chose possédée en a exercé la revendication et a évincé le possesseur, celui-ci conserve au moins les profits périodiques qu'il a réalisés.
Cette faveur considérable n'est accordée, en général, qu'au possesseur qui a juste litre et bonne foi.
Elle est fondée en équité et en raison. En effet, deux intérêts sont en présence, celui du propriétaire ou du titulaire légitime du droit et celui du possesseur.
Lorsqu'il s'agit de déterminer ici quel est celui des deux intéressés qui est le plus digne de protection de la part de la loi, il faut considérer quel est celui qui souffrirait le plus d'être privé des produits et quel est celui qui a la moins grande négligence à s'imputer.
Si le possesseur était obligé de rendre les fruits et produits qu'il a perçus, ce serait presque toujours pour lui la ruine; car, le plus souvent, il ne les a pas gardés: il les a consommés, il en a vécu; ces fruits, d'ailleurs, ne sont, en général, que la compensation des intérêts d'un capital qu'il a déboursé comme acheteur, car il a un jante titre, et ce sera bien plus souvent un titre onéreux (achat on échange) qu'un titre gratuit (donation ou legs).
Le titulaire du droit, au contraire, le vrai propriétaire, par exemple, n'ayant pas possédé sa chose pendant le même temps, ayant même, vraisemblablement, ignoré son droit, n'a pas compté sur les fruits antérieurs à sa réclamation; il souffrira peu de ne les pas recouvrer: ces fruits seraient pour lui comme un gain inattendu.
Si, en outre, on examine de quel côté est la faute la plus considérable, on la trouve plutôt chez le propriétaire qui, le plus souvent, a manqué de vigilance, qui avait des preuves de son droit et ne les a pas reconnues en temps utile ou, les ayant reconnues, a trop tardé à les faire valoir; tandis que le possesseur a été induit en erreur par le tiers avec lequel il a traité. Sans doute, il aurait pu lui-même, avec plus de vigilance encore, s'assurer de la réalité des droits de son cédant; mais le fait seul qu'il a traité, en déboursant un prix ou une autre valeur, donne lieu de croire qu'il n'a pas agi sans quelque précaution; le concours d'un tiers à l'acte, soit qu'il ait commis un dol, soit qu'il ait lui-même été dans l'erreur sur ses droits, diminue encore la faute du possesseur, en la rendant plus plausible; au contraire, le légitime propriétaire ne peut imputer son erreur qu'à lui-même et il est juste qu'elle lui cause quelque préjudice.
263. Le possesseur de bonne foi n'acquiert les fruits naturels qu'au moment où il les perçoit, par lui-même ou par tin mandataire. On ne doit pas admettre, comme pour l'usufruitier, qu'il en soit propriétaire dès qu'ils sont séparés du sol, même à son insu (voy. art. 54): l'usufruitier, en effet, acquiert les fruits en vertu d'un droit certain, d'un titre parfait, tandis que le possesseur ne les acquiert qu'en vertu d'un bienfait de la loi; il faut donc qu'il ait fait acte de possession sur les fruits eux-mêmes, en tant que distincts de la chose qui les a produits.
A l'égard des fruits civils, tels que les loyers des maisons ou des terres, l'opinion générale est, en France, que, faute d'un texte semblable à celui qui existe pour l'usufruitier, le possesseur ne les acquiert également que par la perception effective aux échéances; mais la raison paraît commander la même solution que pour l'usufruitier, et par conséquent, l'acquisition jour par jour. On la proposera pour le Japon.
Il ne suffit pas, pour l'acquisition des fruits, que le possesseur ait été de bonne foi au moment où il a fait le contrat constituant son juste titre, ni même au mo.ment où il a pris possession: il faut encore qu'il ait été de bonne foi au moment de chaque acquisition des fruits; s'il avait découvert son erreur auparavant, il ne mériterait plus au même degré la protection de la loi; il ne pourrait plus alléguer qu'il a considéré les fruits comme légitimement acquis: il a dû, sinon les rendre spontanément, au moins ne pas les consommer et les réserver, en nature ou en valeur, pour être rendus à première demande.
Il va sans dire que la bonne foi est toujours considérée comme cessant quand le vrai propriétaire a intenté une action en justice pour recouvrer son droit.
264. Le possesseur de mauvaise foi est tenu de rendre non seulement les fruits qu'il a perçus, mais encore ceux qu'il a négligé de percevoir.
Mais quand le possesseur ne gagne pas les fruits perçus, faute de bonne foi, il est autorisé à se faire rembourser les frais de culture faits pour les obtenir: autrement, le propriétaire s'enrichirait à ses dépens sans cause légitime, ce qui n'est pas permis, même vis-à-vis d'un usurpateur (k).
265. -III. Le troisième avantage de la possession civile est qu'elle peut, après un temps plus ou moins considérable, conduire le possesseur à conserver la propriété ou le droit qu'il a exercé comme lui appartenant.
Pour arriver ainsi à une sorte d'acquisition du droit par lui exercé il n'est pas nécessaire que le possesseur ait un juste titre et ait été de bonne foi; mais, s'il remplit ces conditions, le temps requis pour acquérir sera moins long pour les immeubles, et pour les meubles il pourra être considérablement réduit, comme dans plusieurs législations qui se contentent d'une année de possession, ou même entièrement supprimé et ramené à une possession instantanée, comme dans le Code français (art. 2279) et dans le Projet (art. 1481).
Ce bénéfice du possesseur supérieur à tous les autres, est connu en Europe sous le nom assez singulier de prescription, tiré de la procédure romaine (l); on pourrait l'appeler aussi, et préférablement, usucapion, d'un mot latin qui veut dire acquisition par l'usage, c'est-à- dire par la possession; mais ce langage, conforme à l'opinion courante sur la nature de ce " bénéfice du temps " (ll), devra être évité, autant que possible, dans l'interprétation du Projet qui, ainsi qu'on l'a déjà annoncé (voy. n° 75), ne considère pas la prescription comme un moyen d'acquérir, mais comme une présomption absolue d'acquisition.
Pour justifier ce dernier avantage de la possession, on doit revenir à la double considération qui a déjà servi à la justification des deux premiers: 1° la présomp.tion de légitimité du droit se fortifie avec la durée de la possession; elle devient alors une présomption absolue ou invincible; 2° la faute du précédent titulaire s'aggrave en se prolongeant, en même temps que celle du possesseur s'atténue; car la tranquillité dont a joui celui-ci a pu transformer sa croyance en une certitude raisonnable.
On pourrait objecter que le possesseur ne mérite pas la protection de la loi, lorsqu'il n'a pas juste titre et bonne foi. Mais il faut admettre que, dans la théorie rationnelle de la prescription, le possesseur est seulement dispensé de prouver son titre et sa bonne foi, qu'il est présumé avoir rempli ces conditions au moment où sa possession a commencé, et que cette présomption, fortifiée par le temps, ne peut plus être combattue par la preuve contraire; c'est ce qui la fait qualifier de présomption absolue.
Au surplus, la prescription n'est indiquée ici que pour' compléter les avantages de la possession: c'est au Livre Ve qu'on en donnera une justification complète.
On fera toutefois remarquer que certains caractères, certaines qualités défavorables de la possession, mettent, tant qu'ils durent, obstacle au bénéfice de la prescription.
La précarité a déjà cet effet; on verra, sous l'article 169, qu'il en est de même de la possession violente ou clandestine, et, plus loin (sous les articles 206 et 207), on examinera si ces deux vices de la possession la privent de ses deux autres avantages: la présomption de propriété (ou de tout autre droit possédé) et l'acquisition des fruits intérimaires. Quant à la précarité, l'affirmative n'est pas douteuse.
266. Pour achever de démontrer que la possession n'est pas seulement W1. fait mais encore un droit, il reste à dire quelque chose des actions judiciaires qui la garantissent.
Ces actions sont appelées possessoires, par opposition aux actions pêtitoires, qui font juger le fond du droit. Péjà, on les a rencontrées au sujet de la propriété et de l'usufruit (art. 37 et 70).
Comme elles appartiennent surtout à la procédure civile, il n'y a lieu d'en indiquer ici que les principaux caractères; d'ailleurs, on s'y arrêtera davantage sous les articles 212 et suivants qui les exposent.
Il y a deux actions possessoires principales; l'une qui tend à conserver la possession, en faisant cesser le trouble de fait apporté par un tiers, c'est l'action en complainte, ainsi appelée parce que le possesseur se plaint: il ne réclame rien encore que la tranquillité, que le maintien de l'état actuel, du statu quo; l'autre action est l'action en rêintêgrande, par laquelle le possesseur, ayant perdu la possession par le fait d'un tiers, prétend la recouvrer, se faire remettre en possession (m).
Dans l'un et l'autre cas, ce n'est pas le fond du droit qui est en question, mais la possession seule avec les avantages qui y sont attachés.
Celui qui triomphera an possessoire pourra être plus tard défendeur an pétitoire, ce qui est une position bien supérieure à celle de demandeur; il pourra aussi gagner les fruits et arriver à la prescription dite acquisitive.
Pour avoir les actions possessoires, soit en complainte, soit en réintégrande, il n'y a pas à distinguer si le possesseur a, ou non, juste titre et bonne foi: il suffit qu'il ait la possession civile, c'est-à-dire la détention de fait et l'intention d'avoir la chose ou le droit pour lui-même. On peut même admettre que la rêintêgrande serait exercée par un possesseur précaire, car il a intérêt à recouvrer la détention d'une chose à l'égard de laquelle il a une responsabilité envers autrui.
L'action en réintégrande a encore un autre avantage sur l'action en complainte, c'est qu'elle n'exige pas que le possesseur ait possédé pendant un temps déterminé avant la dépossession, tandis que l'action en complainte n'est donné, en général, qu'à celui dont la possession a déjà duré un an.
267. Il faut maintenant déterminer qu'elles choses ou quels droits sont susceptibles de possession.
En première ligne, dans toutes les opinions, sont les choses corporelles, meubles ou immeubles, et, pour être plus exact, avec l'opinion exposée plus haut, le droit de propriété exercé sur les choses corporelles.
Viennent en seconde ligne les droits réels moins importants, les démembrements de la propriété, l'usufruit, l'usage, l'habitation, les servitudes foncières, à l'égard desquels l'opinion générale n'admet qu'une quasi-possession; mais la différence n'est que dans le nom et l'on peut, comme on l'a vu plus haut, employer sans hésiter, à cet égard, le nom de possession.
Les droits dont il s'agit peuvent être possédés avec les trois avantages énoncés plus haut: 1° présomption simple ou jusqu'à preuve contraire de l'existence du droit, 2° acquisition intérimaire des fruits, 3° prescription ou présomption absolue d'acquisition du droit, après un certain temps (n).
268. Mais il y a d'autres droits réels à l'égard desquels la possession ne produira pas les mêmes avantages; ce sont les droits de bail et d'emphytéose.
On a déjà eu l'occasion de dire, sous l'article 124, que le droit de bail ne peut, en général, s'acquérir par prescription, ce qui enlève à la possession ou exercice d'un pareil droit le principal avantage de la possession ordinaire; on a excepté seulement le cas où un bail, ayant été établi régulièrement par le vrai propriétaire, a été cédé par un autre que le véritable preneur et possédé par le cessionnaire (voy. n° 172); dans ce cas, la prescription aurait lieu contre le véritable bailleur (nn).
Mais, si quelqu'un avait pris une chose à bail, en traitant avec un autre que le propriétaire, et s'il avait possédé ce droit, en l'exerçant pendant un certain temps, il ne pourrait se prévaloir de la prescription acquisitive du bail contre le propriétaire; mais il n'y aurait pas de raison de lui refuser le bénéfice de la présomption de droit légitime au bail et le rôle de défendeur à la revendication du propriétaire. On devrait également lui laisser le bénéfice des fruits intérimaires, s'il était de bonne foi, car il aurait aussi un juste titre, quant aux fruits, dans le contrat de bail.
Au surplus, la possession du preneur, qui serait ici impuissante à lui faire acquérir le droit réel de bail, pourrait profiter au bailleur à l'effet de lui faire acquérir la propriété; car ce dernier pourrait avoir l'ani- vius do mini, c'est-à-dire la prétention à la propriété et possédant, en même temps, par le fait du preneur, quant à la détention corporelle de la chose, il serait dans les conditions légales de la prescription dite acquisitive.
La même solution paraît nécessaire pour le droit d'emphytéose qui ne s'acquiert pas non plus par prescription, mais dont la possession procurera les deux premiers avantages déjà signalés.
Il en serait autrement du droit de superficie qui suit, en matière de prescription comme en plusieurs autres, les règles du droit de propriété ordinaire.
269. En ce qui concerne les droits réels accessoires servant de garantie des créances (voy. art. 2), la décision ne peut être la même pour chacun d'eux, parce qu'ils sont de nature très différente.
Celui de ces droits dont la possession produirait tous les effets qu'elle peut avoir est le nantissement, mobilier ou immobilier, lequel, par sa nature et lorsqu'il est valablement constitué, permet au créancier de posséder et détenir un meuble ou un immeuble de son débiteur et d'en percevoir les fruits avec imputation sur les intérêts de la créance et subsidiairement sur le capital.
Si l'on suppose que le nantissement a été constitué par un débiteur sur un bien qui ne lui appartient pas, le créancier nanti, une fois en possession du droit, sera présumé, jusqu'à preuve contraire, l'avoir légitimement acquis et sera, par conséquent, défendeur à l'action en revendication -du vrai propriétaire; s'il est de bonne foi, il gagnera les fruits perçus avant la demande, mais à charge de les imputer sur sa créance; enfin, si sa possession s'est prolongée pendant le temps voulu pour la prescription, le créancier aura acquis un véritable droit de nantissement sur un immeuble qui n'appartenait pas à son débiteur; si même il s'agissait d'un gage ou nantissement mobilier, la prescription pourrait être instantanée, conformément aux conditions, faciles à remplir, de la prescription des meubles (v. art. 1431 et s.).
270. A l'égard de l'hypothèque constituée sur un bien n'appartenant pas au débiteur, les effets de la possession en seront bien réduits: non-seulement elle ne donnera pas au créancier le bénéfice des fruits, puisque cet effet n'est pas attaché a l'hypothèque, même légitimement acquise; mais le créancier n'obtiendra pas non plus, avec le temps, le bénéfice d'une prescription acqui- sitive de l'hypothèque. En effet, la possession de l'hypothèque ne se révèle pas par des actes extérieurs constituant une sorte d'exercice du droit, lequel, ne pouvant être continu de sa nature, ne peut non plus se fortifier par le temps. Comme le créancier hypothécaire, à la différence du créancier nanti, ne possède pas la chose hypothéquée, son droit ne s'exerce, jusqu'à la vente de l'immeuble, que par l'inscription sur des registres publics, suivant le système européen (qui est celui du Projet), ou par la détention du titre de propriété, suivant le système japonais ancien. C'est là une possession très imparfaite du droit d'hypothèque.
Le seul effet qu'il faille lui reconnaître, c'est la présomption simple de droit légitime d'hypothèque chez le possesseur, avec le rôle de défendeur à l'égard de ceux qui prétendraient la contester.
Il faudrait décider de même pour un privilége inscrit sur un immeuble, sans avoir une existence légale.
271. Il reste à savoir si la possession peut s'appliquer aux créances ou droits personnels et produire à leur égard quelques-uns des effets connus.
Il faut supposer, pour que la question se conçoive, que quelqu'un a acheté, ou reçu à un titre analogue, une créance déjà constituée mais qui n'appartenait pas au cédant, et qu'ensuite le cessionnaire a fait des actes de possession, c'est-à-dire a exercé le droit: par exemple, en touchant les intérêts.
Si la créance ne portait pas d'intérêts, les actes de possession n'auraient pas la continuité nécessaire pour produire les effets ordinaires attachés à la possession des choses corporelles. On pourrait comprendre seulement que le cessionnaire se fût fait connaître comme tel au débiteur, ou même qu'il eût commencé des poursuites à fin de payement; cette possession imparfaite, jointe, sans doute, à la détention du titre originaire de la créance, pourrait produire une présomption simple de droit au profit du cessionnaire; mais c'est tout ce que l'analogie incomplète des situations permet d'emprunter à la possession des droits réels.
Au contraire, s'il y avait eu une ou plusieurs perceptions des intérêts, on pourrait admettre que ces intérêts fussent acquis au possesseur de bonne foi de la créance.
On pourrait aller plus loin et admettre que le possesseur de la créance en devînt le titulaire légitime après le temps de la prescription qui, dans ce cas, devrait être de dix ou trente ans, dans l'impossibilité où l'on est d'appliquer la prescription instantanée, évidemment limitée aux meubles corporels (v. art. 1486 bis)
272. Ces solutions n'ont jamais été formellement admises en France, ni dans la loi, ni dans l'interprétation; on ne les y a pas non plus combattues, faute d'avoir nettement prévu les cas. Mais on peut dire que la loi française a reconnu, dans deux articles, qu'une créance peut être possédée (v. art. 1240 et 1337).
Il y a, au surplus, une nature de créances à laquelle s'appliquera tout à fait la théorie de la possession des choses corporelles mobilières, ce sont les créances payables au poseur: le droit est alors attaché au titre plus qu'à la personne du créancier: il se cède, avec le titre et celui qui le recevrait en vertu d'une convention et de bonne foi, c'est-à-dire croyant traiter avec le véritable titulaire, acquerrait les mêmes droits que le cessionnaire d'un meuble corporel dans les mêmes circonstances.
273. Il reste encore à examiner un point de cette théorie générale de la possession, c'est ce qu'on appelle la continuation et la jonction des possessions.
Dans les divers cas où la durée de la possession a de l'intérêt, spécialement quand elle peut mener à la prescription, on peut se demander si la possession est interrompue par la mort du possesseur et si son héritier doit recommencer une nouvelle possession. Même question, si le possesseur cède la chose ou le droit qu'il possède: le cessionnaire doit-il recommencer une nouvelle possession ?
Pour le cas de décès -du possesseur, il n'y a pas de difficulté: son héritier, continuant sa personne, au point de vue des droits civils, succède à sa possession, la continue également, et, par cela seul que c'est juridiquement la même possession, elle a les mêmes vices ou les mêmes qualités: elle sera précaire ou non, à juste titre ou sans titre, de bonne foi ou de mauvaise foi, suivant ce qu'elle était pour le défunt. Au contraire, s'il y a cession volontaire, le cessionnaire ne succédant pas au cédant à titre universel, mais seulement à titre particulier, ne le représente pas et ne continue pas sa personne; il devrait donc, en principe, commencer une nouvelle possession, laquelle pourrait être exempte des vices que pouvait avoir celle du cédant, mais pourrait aussi avoir ses vices propres.
Toutefois, l'utilité pratique, d'accord avec la raison, a fait admettre que, si les deux possessions étaient à juste titre et de bonne foi, elles pussent être réunies au profit du cessionnaire; il n'y a, en effet, aucune raison de retarder le bénéfice de la prescription au profit de l'ancien titulaire du droit qui, lui-même, n'a fait aucun acte ni diligence pour conserver son droit.
274. On peut maintenant aborder le texte qui tend à résumer ces idées théoriques, avec une portée pratique, ainsi qu'il convient aux dispositions d'une loi.
On y présente, comme pour les droits reglés aux Chapitres précédents, après quelques notions générales caractérisant le droit dont il s'agit, les moyens ou conditions de son établissement, ses effets et les causes qui y mettent fin.
On sait, d'ailleurs, que l'un des effets de la possession, à savoir la prescription dite acquisitive, ne prendra pas place ici, mais sera renvoyé au Livre yc, avec les autres moyens de preuve ayant le caractère de présomption légale.
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(a) On est généralement porté à faire venir le mot possession du verbe latin posse, " pouvoir," parce que le possessur a le pouvoir d'agir sur la chose possédée; mais il paraît plus exact de le faire dériver de sedere, " s'asseoir," pour exprimer que le possesseur se fixe, s'établit sur la chose: les Romains disaient " rei insistit."
(b) Possessio potius in facto qudm in jure consistit.
(c) Les Romains disaient que la possession a lieu corpore et animo, " par le corps et par l'esprit par le corps qui agit sur la chose et par l'esprit qui prétend l'avoir en maître.
(d) Animo quidem nostro possidemus, corpore autem alieno.
(e) La possession précaire, de prex, " prière," se disait de celle qu'on avait demandée et obtenue comme une faveur et qui devait être restituée à première demande.
(ee) Nemo sibimetipsi causam sux possessionis mutare potest.
(f) Animo sibi habendi.
(g) Les Romains, auxquels on a emprunté ces expressions, en France, disaient, indistinctement, justa causa, justus titulus.
(h) Ce sont encore des expressions du droit romain, consacrées dans toute l'Europe bone fidei possessor, malœ fidei, possessor.
(j) On ne traitera des Présomptions, dans leur ensemble et avec les développements qu'elles comportent, qu'au Livre Ve et dernier consacré aux Preuves (v. art. 1411 et s.).
(i) La plupart des présomptions de la loi sont fondées " sur ce qui arrive le plus souvent " (in id quod plerumque fit).
(k) Cette obligation du propriétaire, qui n'est née ni d'un contrat ni d'un délit, est ordinairement considérée comme née d'un quasi-contrat; on rejettera cette expression obscure et surannée lorsqu'on arrivera aux Obligations, et on y substitue, dès à présent, celle d'enrichissement indû (voy. IIe Partie, art. 381 et suiv.).
(l) L'explication historique du mot prescription demanderait ici trop de développements: elle trouvera sa place naturelle, lorsqu'on sera arrivé à la matière même, au Livre Ve (voy. T. V, n° 258).
(ll) Certains textes du droit romain désignent ainsi la prescription: suffragium temporis.
(m) Certaines législations admettent, sous le nom de dénonciation de nouvel œuvre, une 3e action possessoire, très voisine de l'action en complainte, pour faire cesser des travaux qui peuvent nuire dans un temps plus ou moins proche: on la trouvait déjà dans le droit romain (operis novi nunciatio). Une loi française du 25 mai 1838, art. 6, sur la compétence,des juges de paix, a admis cette action. Elle est admise aussi dans le Projet (v. art. 214). Nous en proposons encore une quatrième, empruntée aussi au droit romain, au moins dans son esprit: la dénonciation de dommage imminent (v. art. 215).
(n) L'acquisition des servitudes par la prescription est soumise à quelques distinctions particulières qu'on verra au Chapitre suivant (art. 296).
(nn) S'il s'agissait d'un bail d'immeuble le délai de la prescription serait de 15 ou 30 ans, suivant que le cessionnaire serait de bonne ou de mauvaise foi (v. art. 1476-1477); au cas de bail d'un objet mobilier, la prescription serait instantanée, comme pour l'usufruit d'un meuble (v. art. 1481).
SOMMAIRE.
Art. 191. — N° 275. Deux causes ordinaires des droits, la nature et la loi, se retrouvant ici.
192. —276. Possession naturelle ou de par fait. —277. Biens du domaine public susceptibles de cette seule possession. -278. Effet de la possession des choses hors du commerce.
193. —279. Caractère de la possession civile; son utilité quand elle est jointe au droit lui-même. -280. Droits qui en sont susceptibles, renvoi pour la possession d'état.
194. —281 et 282. Possession à juste titre: critiques de la définition du Code français. -283. Possession sans titre.
195. -284. Possession de tonne foi: remarque sur le titre putatif. -285. Ignorance des vices du titre: erreur de fait; remarque sur l'erreur de droit. - 286. Possession de mauvaise foi; effets de la cessation de la bonne foi au cours de la possession; hypothèse inverse: cessation de la mauvaise foi.
196. -287. Possession vicieuse: les vices de violence et de clandestinité sont compatibles avec la bonne foi; comment ces vices sont purgés; il sont relatifs et non absolus.
197. -288. Précarité: elle n'est pas, à proprement parler, un vice de la possession, mais seulement une qualité défavorable qui empêche la possession d'être civile; double caractère, civil et précaire, de la possession des démembrements de la propriété. -289. La précarité est absohte, non relative; comment cesse la précarité. -290. Suite. -291. Suite.
198, 199 et 200. -292. Preuves des qualités de la possession: la non-précarité (Vanimus domini) est présumée. -293. Le juste titre ne se présume pas; la bonne foi est présumée. -294. L'absence de violence (la paisi- bilité) est présumée; la publicité ne se présume pas. -294 bis. La continuité est présumée.
COMMENTAIRE.
Art. 191. — 275. Il n'est pas rare de rencontrer, dans les matières de droit, une division qui rattache les institutions à deux causes: la nature et la loi. C'est ainsi qu'on a déjà reconnu que les Biens sont meubles ou immeubles par leur nature ou par la détermination de la loi (v. art. 7), ce qui revient à dire qu'il y a des meubles et des immeubles naturels et qu'il y en a aussi de civils; on a vu, de même, qu'il y a une indivisibilité naturelle et une autre qui provient des dispositions de la loi (v. art. 20 et 178); il y a aussi des fruits naturels et des fruits civils (v. art. 54 et 56)
Ici, cependant, il y a une légère différence dans le sens de ces deux mots: la nature et la loi civile ne sont pas considérées comme causes mais seulement comme garanties de la possession, ainsi qu'on le comprendra par les dispositions ci-après.
Quant à la possession précaire, elle réunit les deux caractères: elle est naturelle pour celui qui possède, parce qu'elle n'implique pas l'intention "d'avoir à soi ou pour soi," elle est civile pour celui au nom duquel on possède (1).
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(1) L'ancien texte ne mentionnait pas ici la possession précaire: l'article 197 en faisait une variété de la possession naturelle.
Art. 192. — 270. La possession naturelle est un par fait, tout physique et matériel, sans rien de juridique. La loi peut le constater, le tolérer, mais elle ne le protège pas: elle ne lui accorde aucune des garanties et ne lui reconnaît aucun des effets avantageux qui caractériseront la possession civile et en font un droit.
Les cas de possession naturelle ne sont pas rares: il arrive souvent qu'à la faveur du voisinage, de la parenté ou de l'amitié, on se sert du bien d'autrui, d'un meuble ou d'un immeuble, sans autorisation du vrai propriétaire, quelquefois à son insu, mais sans intention de se l'approprier, ni sans prétendre avoir aucun droit sur cette chose. C'est une possession naturelle.
Si l'on faisait usage de la chose d'autrui avec la permission du propriétaire, comme en vertu d'un prêt à usage, ou si on la détenait en vertu d'un dépôt, la possession serait toujours naturelle; mais elle prendrait spécialement le nom de précaire, comme il est dit à l'article 197 (voy. aussi ci-dessus, Exposé, n° 255).
277. Le présent article, en nous disant que les biens du domaine public ne sont susceptibles que de possession naturelle, de la part des particuliers, consacre ce qui a été dit sous l'article 22, à savoir que ces biens ne peuvent appartenir à des personnes privées ni être pour elles l'objet d'un droit. Il en résulte que, lors même qu'un particulier détiendrait une portion du domaine public, en s'en prétendant propriétaire, sa position ne serait pas meilleure que s'il n'avait aucune prétention de ce genre.
Il ne fraudrait pas en conclure la réciproque. Ainsi, l'Etat pourrait très bien posséder civilement, comme faisant partie du domaine public, des biens appartenant à des particuliers, justement, parce que la nature de ces biens ne s'oppose pas à leur facile changement de destination: un bien privé peut passer dans le domaine public sans aucune formalité particulière, dès qu'il est régulièrement affecté à un service national; tandis qu'un bien du domaine public ne peut devenir bien privé qu'après avoir été déclassé (v. n° 36; comp. art. 285).
278. On remarquera que la loi n'étend pas à toutes les choses qui sont hors du commerce, d'après l'article 27, la disposition prohibitive qui concerne les choses du domaine public. On ne pourrait donc pas dire que celui qui remplit un emploi public, qui porte un titre ou une dignité honorifique ou bénéficie d'une pension civile ou militaire, même sans droit, ne possède pas ces avantages, au moins naturellement; il serait même permis de dire qu'il les possède civilement. En effet, puisque ces titres et avantages peuvent être l'objet d'un droit véritable pour les particuliers, ils peuvent, à défaut de ce droit, être exercés et possédés temporairement avec l'intention qui constitue la possession civile, et les possesseurs de ces titres doivent obtenir la protection, la garantie provisoire ou intérimaire de la loi. jusqu'à ce que la vérité soit reconnue.
Art. 193. — 279. La différence entre la possession naturelle et la possession civile est tout entière dans l'intention du possesseur, comme cela résulte de la comparaison de cet article avec le précédent.
Cette intention a été suffisamment développée dans l'Exposé qui précède (v. nos 252 et s). Rappelons seulement qu'elle ne suppose pas nécessairement la bonne foi ou la croyance, chez le possesseur, à l'existence de son droit; la mauvaise foi, il est vrai, diminue ses avantages, mais elle n'empêche pas que sa possession ne soit civile.
On sait aussi que la possession peut se cumuler avec le droit véritable et qu'elle est encore d'une grande utilité à celui qui, ayant le droit, au fond, ne pourrait pas en fournir la preuve: elle lui donne le rôle de défendeur et le bénéfice ultérieur de la prescription.
280. Le présent article nous montre que la possession ne consiste pas seulement dans la détention physique d'une chose corporelle, mais aussi et surtout dans l'exercice d'un droit sur cette chose.
On a vu, dans l'Exposé (ibid.), que la détention physique d'une chose corporelle est le caractère propre de la possession à titre de -propriétaire, accompagnée des actes qui révèlent la prétention au fond du droit fanimus domilli); mais, comme il y a d'autres droits réels auxquels le possesseur peut prétendre, sans que ces droits le mettent en rapport aussi étroit ou aussi complet avec la chose, c'est surtout à l'exercice du droit qu'il faut s'attacher pour l'élément de fait, pour le signe extérieur de la possession (v. nos 268 à 270); enfin, s'il s'agit d'un droit purement personnel ou de créance, il est clair qu'il ne peut plus être question de détention d'une chose, mais toujours de faits extérieurs constituant l'exercice du droit auquel on prétend (v. n° 271).
Le présent article pose, à cette occasion, un principe que l'on ne trouve avec la même netteté ni la même hardiesse dans aucune législation, à savoir que tous les droits sont susceptibles de possession civile. Il le dit, non seulement des droits réels, mais des droits personneU, ce qui est incontestable, quand la question est placée sur son véritable terrain, ainsi qu'on l'a fait dans l'Exposé (ibid.).
Mais, comme la possession de ces divers droits ne produit pas toujours les mêmes effets, la loi doit l'indiquer, en forme de réserve et avec renvoi aux dispositions qui suivront.
La loi rappelle aussi que l'état des personnes est susceptible de possession. C'est au Livre Ier qu'on aura vu les caractères et les avantages de la possession d'état, appliquée à la nationalité, à la filiation, à la qualité d'époux.
Observons, en passant, qu'il y a, là encore, une preuve que les choses qui ne sont pas dans le commerce sont pourtant susceptibles de possession, lorsqu'il ne s'agit pas de celles qui sont dans le domaine public.
Art. 194. — 281. On va retrouver ici, consacrées législativement, les principales distinctions relatives à la possession et qui avaient été présentées théoriquement dans l'Exposé.
Il ne faut pas s'étonner que toute cette partie de la loi ait un caractère plus doctrinal que les autres: on ne doit pas oublier que la possession est restée dans toutes les législations une des parties les plus difficiles du droit, justement parce que le législateur a semblé lui-même reculer devant la difficulté de poser des principes en cette matière.
Dans le Projet japonais, on s'efforce de présenter les divers caractères de la possession d'une façon aussi pratique que possible. Les expressions adoptées en Europe, par l'effet d'un long usage datant des Romains, sont ici législativement consacrées et définies, afin de pouvoir être ensuite employées sans difficulté, dans les dispositions ultérieures de la loi.
282. La loi française a tenté quelques définitions en cette matière, mais elle n'y a pas été heureuse.
Ainsi, dans l'article 550, elle veut définir la possession de bonne foi et elle y mêle celle du juste titre, deux choses qu'il convient pourtant de séparer. Il est vrai que l'on ne peut guère être possesseur de bonne foi si l'on n'a pas d'abord un juste titre pour fondement de sa possession; mais on peut très bien avoir un juste titre sans être de bonne foi. Le Code français le reconnaît lui-même (art. 2265), en exigeant la réunion de ces deux qualités chez le possesseur, pour prescrire un immeuble par dix ans.
On peut reprocher, en outre, au Code français d'avoir mal défini le juste titre, en le qualifiant d'acte translatif de propriété; si l'acte dont il s'agit avait transféré la propriété, il serait plus qu'un juste titre, il serait un titre parfait; il n'aurait pas seulement procuré la 'possession du droit mais le droit lui-même; c'est donc avec plus d'exactitude que le présent article 194 parle d'un acte "destiné, par sa nature, à conférer le droit possédé, mais n'ayant pas produit cet effet, par un défaut de qualité chez le cédant," ce qui suppose que le cédant n'avait pas lui-même le droit qu'il a prétendu céder; or, c'est un axiome de droit devenu banal, à force d'évidence, que " personne ne peut transférer plus de droits qu'il n'en a lui-même, ni d'autres droits que ceux qui lui appartiennent" (a). Les actes juridiques ayant, de leur nature, le caractère de justes titres sont, ou onéreux, comme la vente, l'échange, la société, ou gratuits, comme la donation, le legs ou testament.
283. Un autre tort de la définition française est de n'avoir parlé que de titres translatifs de propriété / or, il y a des titres translatifs d'autres droits réels que la propriété, auxquels il faut reconnaître le caractère de justes titres, comme la constitution d'un usufruit, d'une servitude foncière ou d'un gage et le transport d'une créance ou droit personnel.
La définition proposée ici n'encourra pas le même reproche.
L'opposé du juste titre n'est pas le titre injuste, ce qui n'aurait pas de sens; ce n'est pas non plus le titre précaire déjà expliqué dans l'Exposé et que l'on retrouvera à l'article 197; assurément, le titre précaire n'est pas de nature à conférer la propriété, et s'il conférait un droit réel de moindre importance, comme un usufruit, une servitude ou un gage, il ne serait pas précaire quant à ce droit; si l'opposé du juste titre doit être cherché hors du titre précaire, c'est parce que celui qui possède une chose ou exerce un droit en vertu d'un titre précaire n'a qu'une possession naturelle et non une possession civile; c'est parce qu'il possède pour autrui et non pour lui-même: il lui manque l'intention d'avoir pour lui la chose ou le droit, il n'a pas l'animus sibi habendi; c'est pourquoi on dit souvent qu'il ne possède pas.
L'opposé du juste titre c'est Vabsence de titre; la possession injuste, c'est la possession usurpée; on l'appelle aussi possession sans cause, c'est-à-dire sans base, sans fondement légitime.
L'usurpation ne suppose pas nécessairement la fraude ou la violence; ce seraient là, il est vrai, des vices de la possession, de nature à en diminuer beaucoup les avantages, comme on l'a annoncé dans l'Exposé et comme on va le voir sous l'article 196; mais on comprendrait que quelqu'un se mît en possession d'un bien momentanément abandonné ou d'une succession vacante; il pourrait même s'y croire des droits, ce qui le rapprocherait, à certains égards d'un possesseur de bonne foi, comme on le verra plus loin (art. 206).
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(a) L'axiome est souvent cité en latin: nemo in alium plus juris transferre potest quàm ipse habet, ' personne ne peut transférer à autrui plus de droits qu'il n'en a lui-même;" ou, plus brièvement: nemo dat quod non ipse habet: "personne ne donne ce qu'il n'a pas lui-même."
Cet axiome est reproduit, sous une forme un peu moins dogmatique, dans l'articie 2125 du Code français, et nous aurons souvent l'occasion de l'invoquer.
Art. 190. — 284. D'après cette disposition, il n'y a pas de bonne foi sans un juste titre: la loi ne se contente pas d'un titre putatif, c'est-à-dire de la croyance du possesseur à l'existence d'un titre qui n'existerait pas réellement (b).
Le droit romain admettait, dans certains cas exceptionnels, que le titre putatif remplaçât le titre véritable; par exemple, lorsque quelqu'un avait donné mandat d'acheter un fonds et en avait pris possession comme lui appartenant, alors que le mandataire ne l'avait que loué ou usurpé. Cette solution avait le tort de considérer comme exempt de faute un mandant téméraire et assurément plus imprudent que ne l'avait pu être le vrai propriétaire.
En droit français, on considère le titre putatif comme insuffisant pour conduire à la prescription acquisitive par dix ans; mais on s'en contente pour admettre le possesseur à gagner les fruits.
Ces distinctions, un peu subtiles, n'ayant pas encore de précédents au Japon, il ne paraît pas bien nécessaire de les y introduire. Elles ne sont pas d'ailleurs conformes à la stricte équité, car il doit subsister une différence, même quant à l'acquisition des fruits, entre le possesseur de bonne foi qui a un titre et celui qui n'en a pas (v. art. 206, 3e al.). Il en résultera un peu moins de faveur pour le possesseur honnête; mais il paraît sage de réserver les bienfaits de la loi au possesseur qui a le moins de négligence à se reprocher.
285. C'est dans le même esprit que le Projet ne tient compte, comme élément de la bonne foi, que de l'erreur défait: une erreur sur le droit, causant l'ignorance des vices du titre, laisserait assurément l'honnêteté intacte, mais elle ne suffirait pas pour assurer au possesseur les bénéfices de la bonne foi. La loi se condamnerait elle-même, elle semblerait avouer son obscurité, si elle déclarait excusable, en règle, celui qui a ignoré ou mal compris ses dispositions.
Ainsi, ne serait pas considéré comme de bonne foi, celui, qui, par ignorance du droit et de la loi, croirait qu'un titre est de nature à conférer le droit possédé, lorsqu'il est impuissant à produire cet effet; de même, celui qui n'aurait pas rempli les formalités complémentaires de publicité requises pour la transmission du droit; de même encore, celui qui, ayant traité sciemment avec un mineur, ignorerait l'incapacité qui résulte de l'âge.
On verra pourtant, à l'article 332, que l'erreur de droit peut être admise, dans certains cas, comme l'erreur de fait, pour faire annuler une convention, mais dans ces cas, celui qui invoque son erreur de droit lutte, pour conserver son bien, tandis qu'ici il l'invoquerait pour acquérir le bien d autrui (bb).
Au contraire, il y aurait bonne foi dans une erreur de fait, comme celle qui consisterait à croire majeur celui qui est encore mineur, à croire propriétaire celui qui ne l'est pas. Et encore, dans ce dernier cas, faudrait-il que cette erreur ne portât que sur l'identité du propriétaire; car si l'erreur a consisté à croire que le cédant était propriétaire en vertu d'actes qui, de leur nature, ne pouvaient produire cet effet, le possesseur ne serait pas plus intéressant que s'il s'était trompé sur la nature de l'acte même qui servait de base à. sa possession: ce serait encore une erreur de droit.
Par exemple, le possesseur a acheté de quelqu'un qu'il savait originairement locataire ou fermier; mais il a cru que, par l'effet d'une longue possession, sans payement de loyers ou fermages, le fermier était devenu propriétaire par prescription et pouvait lui céder valablement: il n'aurait pas la bonne foi telle que la loi la requiert, parce que son honnêteté implique une erreur de droit consistant à croire qu'un possesseur précaire peut prescrire.;
Cette disposition du présent article, au sujet de l'erreur de droit, est encore une sévérité à laquelle résiste la jurisprudence française; mais, pour ne pas tomber dans une indulgence déraisonnablé, elle est entraînée à des distinctions nombreuses qui peuvent facilement dégénérer en arbitraire.
Au Japon, tous les bénéfices qui vont être accordés au possesseur de bonne foi sont des innovations; il est donc raisonnable de les enfermer dans des limites assez étroites et de ne pas affranchir les possesseurs des conditions de la vigilance ordinaire. Ceux qui douteront sur le droit et sur les effets juridiques des actes pourront toujours consulter des hommes expérimentés, ou même s'abstenir d'actes dont la régularité et la légalité ne leur seront pas parfaitement démontrées. r Toutefois, on introduira dans l'article 206 une disposition tendant à établir une différence raisonnable entre le possesseur de bonne foi sans titre et le possesseur de mauvaise foi.
286. La mauvaise foi se trouve expliquée, comme étant la négation des conditions requises pour la bonne foi; en d'autres termes, le possesseur est de mauvaise foi, lorgqtl'il ne croit pas que le droit 'cédé lui appâr-' tienne. Le doute seul exclurait déjà la bonne'foi.
La cessation de la bonne foi ne rétroagit pas. Or, on verra, au Livre Ve, que le temps éxigé pour acquérir le bénéfice de la prescription est moins long pour celui qui était de bonne foi au moment où est intervenu le juste titre; il conservera donc l'avantage de -sa. bonne foi originaire, quant à la prescription, malgré la sur- venance de la mauvaise foi (c); mais il cessera, depuis ce moment, de gagner les fruits et produits perçus, même avant la revendication.
La loi n'a pas eu à prévoir le cas inverse, celui où le possesseur qui aurait été de mauvaise foi à l'origine deviendrait de bonne foi plus tard: d'abord, le cas est difficile à concevoir, en fait; mais s'il se présentait, les deux solutions inverses des précédentes auraient lieu naturellement: la prescription resterait soumise au temps plus long, parce que la possession a été de mauvaise foi à l'origine; en sens inverse, les fruits nouvellement perçus appartiendraient au possesseur.
Quant au juste litre, il ne peut comporter aucun changement, soit qu'il ait existé, soit qu'il ait fait défaut à l'origine.
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(b) Putatif vient du latin putalus:: "pensé, cru." Outre le cas de titre putatif, il y a encore le mariage putatif qui est cru valable, quoi- qu'irrégulier (voy. c. civ. fr., art. 201 et 202); on appelle quelquefois fils putatif, celui qui passe pour le fils d'une personne, sans que ce soit certain.
(bb) On rencontrera, ailleurs cette différence de traitement entre celui qui cherche à éviter une perte fqui certat de damno vitando) et celui qui cherche à faire un gain (qui certat de lucro captando) (v. T. II, nds 78 et 163).
(c) Les Romains nous ont encore transmis un axiome, à cet égard; rnala fides superveniens usucapionem non impedit," la mauvaise foi Survenant n'empêche pas l'usueapion."
Art. 196. — 287. L' existence des deux vices de la possession ici prévus n'exclut pas nécessairement le juste titre et la bonne foi.
Sans doute, une possession obtenue par la violence sera rarement fondée sur un juste titre; cependant, si quelqu'un avait été contraint à vendre un bien qu'il possédait, le nouveau possesseur aurait dans la'vente un juste titre et il serait de bonne foi, s'il avait cru aux droits de son cédant, mais sa possession serait vicieuse; de même, si, ayant acheté sans violence d'un autre que le vrai propriétaire, le possesseur ne s'était maintenu en possession que par des menaces contre le vrai propriétaire désirant recouvrer sa chose. Dans ce dernier cas, il pourrait aussi y avoir bonne foi; car on peut mettie d'autant plus d'âpreté à défendre sa possession qu'on la croit plus légitime.
La clandestinité est encore mieux compatible avec la juste cause et avec la bonne foi. Ainsi, quelqu'un ayant acheté une chose qu'il croyait appartenir à son cédant, a, depuis Jors, découvert son erreur; craignant alors la revendication du vrai propriétaire, il a dissimulé sa possession, de manière à ne pas attirer l'attention de celui-ci: sa possession, qui est toujours considérée comme de bonne foi, à l'origine, est devenue vicieuse, après avoir été régulière et utile.
Lors même que, dans beaucoup de oas, le vice de violence ou celui de clandestinité se rencontrerait avec le défaut de titre ou avec la mauvaise foi, il ne serait pas moins très important de séparer ces qualités défavorables de la possession; en effet, le défaut de titre ou de juste cause et la mauvaise foi retardent le bénéfice de la prescription mais ne le suppriment pas; il en est autrement de la violence et de la clandestinité (v. art. 1474).
On verra plus loin (art. 207) l'influence de la violence et de la clandestinité sur l'acquisition des fruits.
La loi indique clairement comment le vice de la possession peut cesser, ou, suivant l'expression consacrée, être purgé. Il va sans dire que le changement de qualité de la possession n'est que pour l'avenir et sans rétroactivité, comme cela a lieu pour la bonne ou la mauvaise foi, d'après l'article précédent.
Remarquons, en terminant, que les deux vices de la possession dont il s'agit sont relatifs et non absolus.
Ainsi, la possession acquise ou conservée par des menaces contre une personne n'empêcherait pas de prescrire ou d'acquérir les fruits contre une autre personne qui se trouverait être le vrai propriétaire et à l'égard de laquelle on n'aurait usé d'aucune menace.
Il en est de même d'une possession qui aurait été clandestine ou dissimulée à l'égard d'une personne que le possesseur croyait par erreur le vrai propriétaire, et qui aurait été, au contraire, connue de celui- ci, parce que le possesseur ne se croyait aucun intérêt à la lui dissimuler (d).
En sens inverse, le défaut de juste titre et la mauvaise foi sont dès- qualités défavorables de la possession qui peuvent être opposées au possesseur par tout intéressé: leur effet nuisible est absolu et non pas relatif.
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(d) Les Romains exprimaient ce caractère relatif des vices de la possession, en exigeant que les vices existassent " à l'égard de l'adversaire "(ab adversario).
Art. 197. — 288. La précarité est quelquefois qualifiée de vice de la possession et mise, comme telle, sur la même ligne que la violence et la clandestinité. Cette assimilation, qui remonte aux Romains, est fondée sur ce que la précarité met obstacle à la prescription et même un obstacle plus considérable, car elle est, généralement, une qualité absolue et non pas relative comme les deux autres. Mais il vaut mieux éviter de dire que la précarité est un vice de la possession, puisqu'elle ne Contient en elle-même ni faute, ni dissimulation.
Le texte la présente comme une variété de la possession naturelle: en effet, le possesseur ne prétend pas avoir pour lui la chose qu'il détient ou le droit qu'il exerce; mais, de plus, il détient la chose ou exerce le droit pour une autre personne, soit en vertu d'un mandat ou d'une gestion d'affaires spontanée, soit en vertu d'un dépôt, d'un prêt à usage, d'une constitution de: dot. ou d'un autre contrat l'obligeant à conserver la chose avec soin et à la restituer à l'autre contractant.
Il faut considérer également comme possesseurs précaires ceux qui détiennent à titre de gage, d'an- tichrèse, d'usufruit, de servitude ou de louage.
Cependant, ces personnes ont un droit réel qu'elles exercent en leur nom, pour leur compte, et non pour le compte et dans l'intérêt d'autrui.
Quand on dit que ce sont des possesseurs 'précaires-, c'est par rapport au droit de propriété qu'on l'entend. En effet, quoique ces possesseurs détiennent la chose et puissent abusivement faire des actes de propriétaire, ces actes ne les conduiront pas à la prescription acquisi- tive de la propriété; mais, pour ce qui est du droit même que leur confère leur titre, ils ne sont pas possesseurs précaires, ils possèdent pour eux-inêmes; bien plus, ils seront, le plus souvent, titulaires légitimes du droit qu'ils possèdent; car, dans ce cas, il n'y a pas de raison particulière de supposer qu'ils ont traité avec quelqu'un qui n'avait pas qualité pour céder le droit dont il s'agit.
On a dit, dans l'Exposé (n° 255), que, pour trouver dés possesseurs précaires à l'égard de l'usufruit et des autres droits réels formant des démembrements de la propriété, il faudrait supposer des possesseurs exerçant ces droits au nom et pour le compte d'autrui, comme un tuteur, un mari, un administrateur.
289. La précarité, à la différence de la violence et de la clandestinité, est, comme on l'a dit plus haut, une qualité absolue et non pas relative de la possession, au moins en général (comp. n° 290); en conséquence, le possesseur précaire ne pourra se prévaloir de sa possession, non-seulement à l'encontre de celui au nom et pour le compte duquel il possède, mais même à l'encontre de personne autre; la raison en est que le possessèur précaire n'a qu'une possession naturelle: il lui manque, pour avoir la possession civile, l'intention d'avoir à lui ou pour lui (pro sua) la chose qu'il détient ou le droit qu'il exerce.
La précarité cesse, en principe, comme les vicès de la possession, par la survenance de la qualité qui manquait à la possession: par exemple, quand le possesseur, par changement d'intention, commence à posséder pour lui-même.
Mais le principe reçoit exception et devient d'une application plus difficile lorsque le possesseur précaire détenait la chose en vertu d'un titre qui constituait formellement sa précarité, comme un dépôt, un prêt, un louage. En pareil cas, il ne peut pas dépendre de la volonté ou de la seule intention du possesseur de transformer sa possession au mépris d'un titre auquel le titulaire légitime du droit a participé et sur lequel il a fondé sa sécurité (v. ci-dessus, Exposé, n° 255): il faut alors l'un ou l'autre des deux actes formels prévus par notre article, pour que la possession, de précaire qu'elle était, devienne civile.
Ces deux actes sont exigés aussi par le Code français (art. 2238) qui lui-même les a empruntés à l'ancienne législation romaine.
Ils ne demandent que peu d'explications.
290. 1° Si le possesseur précaire prétend exercer à l'avenir, en son nom et pour son compte, le droit dont il s'agit, il signifiera à celui pour le compte duquel il possédait en vertu d'un titre, que, désormais, il se considère comme titulaire du droit. La signification sera dite judiciaire, quand elle aura le caractère d'une demande en justice, et extrajudiciaire, quand elle ne constituera pas une demande en justice, mais, au moins, sera faite en bonne et due forme, par un officier public, suivant les règles de la procédure extrajudiciaire.
Dans cette signification, le possesseur donnera naturellement ses motifs; s'il ne les donne pas ou s'ils ne sont pas trouvés suffisants par son adversaire, ce dernier les contestera et le procès s'engagera; de toute manière, la précarité cesse, au moins jusqu'à la décision finale, et elle cesse vis-à-vis de tout le monde.
Toutefois, si la signification dont il s'agit avait dû être faite à plusieurs intéressés et n'avait été faite qu'à un seul, la précarité ne cesserait qu'à l'égard de celui-là et c'est pourquoi nous avons dit (n° 286) que le vice dont il sagit n'est absolu que en général: voilà un cas où il est relatif.
Bien que cette disposition du Projet paraisse empruntée au Code français, elle en diffère cependant, si on rapproche les deux textes: le Code français (loco cit.) exige que la " contradiction " soit signifiée au vrai propriétaire, tandis que le Projet japonais veut que la signification soit faite " à celui pour le compte duquel la possession précaire avait lieu."
Il n'est pas douteux que la pensée de la loi française a été la même: les rédacteurs se sont placés dans l'hypothèse la plus fréquente, celle où le possesseur précaire avait un titre émané du vrai propriétaire. Mais il pourrait arriver qu'une chose ait été déposée, prêtée ou louée par un autre que le vrai propriétaire: la possession résultant d'un pareil acte serait d'abord précaire vis-à-vis de tout le monde; mais si le possesseur voulait transformer sa possession naturelle en possession civile, ce n'est pas au véritable propriétaire qu'il devrait signifier la contradiction, lors même qu'il le connaîtrait, mais à celui qui lui a fait le dépôt, le prêt ou le louage, parce que c'est avec celui-là qu'il a contracté; et, en pareil cas, il aura les avantages attachés à la possession, non-seulement vis-à-vis de celui avec lequel il avait traité, ce qui n'a pas grand intérêt, mais surtout, vis-à-vis du vrai propriétaire.
291. 2° Le possesseur précaire commence à posséder civilement et pour lui-même, quand son titre est interverti, changé en un autre titre qui l'autorise à posséder désormais pour lui-même (pro suc)..Ici encore, le Projet s'écarte un peu du Code français qui ne suppose le nouveau titre émané que d'un tiers: on ajoute ici "le contractant." Ainsi quelqu'un détenait, comme dépositaire ou emprunteur, une chose qui lui avait été confiée par un autre que le propriétaire: il n'aurait pu la prescrire, ni contre le déposant, ni contre le vrai propriétaire; mais, plus tard, il fait avec le déposant un contrat d'achat ou d'échange qui l'autorise à posséder désormais la chose comme sienne: il la prescrira.
Le cas où le possesseur traite avec un tiers donnerait le même résultat; il sera peut-être de bonne foi, peut- être de mauvaise foi; cela influera sur le temps requis pour la prescription, mais la mauvaise foi n'empêchera pas celle-ci.
La loi n'a pas à prévoir une interversion du titre provenant du véritable propriétaire, parce qu'alors le possesseur deviendrait lui-même propriétaire et il ne serait plus question de la simple possession.
Art. 198, 199 et 200. -292. Ces trois articles se rapportent à la preuve des qualités de la possession.
C'est un principe général que celui qui invoque un droit doit prouver que ce droit lui appartient, et, si le droit est soumis à des conditions particulières, l'existence de ces conditions doit elle-même être prouvée.
Mais quelquefois, la preuve directe serait difficile, et si, en même temps, il existe des vraisemblances, des probabilités, fondées sur les faits ordinaires de la vie, alors la loi présume, suppose, l'existence de tout ou partie des conditions dont la preuve se trouve ainsi fournie; mais la preuve contraire est permise, en général, et elle peut se faire par tous les moyens ordinaires de preuve.
Ainsi la condition essentielle de la possession civile ou légale est que le possesseur exerce pour lui-même le droit dont il s'agit; or, comme il est bien plus fréquent qu'une personne possède pour elle-même que pour autrui, la loi présume cette condition remplie par le possesseur.
Mais le contraire aussi est possible; c'est donc à celui qui conteste la possession civile à prouver directement que la possession est précaire. Cette preuve se fera, soit par le titre même en vertu duquel la possession a été prise (par exemple, si c'est un dépôt, un prêt, un louage), soit par-les circonstances du fait desquelles il résulte que le possesseur a reconnu le droit d'autrui; ces circonstances elles-mêmes se prouveront par témoins ou par des écrits publics ou privés.
Rappelons que la preuve de la précarité résultant du titre serait détruite si le possesseur se trouvait dans l'un des deux cas prévus à l'article précédent.
193. L'article 199 contient deux dispositions différentes, au sujet de deux qualités très importantes de la possession civile.
D'après la première disposition, qui n'est qu'implicite. le juste titre ne se présume pas: il doit être prouvé. On pourrait dire, cependant, qu'ici encore la généralité des cas paraîtrait motiver une présomption légale favorable au possesseur; en effet, l'usurpation, la prise de possession sans titre, sont rares; mais, d'un autre côté, le juste titre, s'il existe, doit être si facile à prouver par les moyens ordinaires que la faveur d'une présomption n'a plus la même raison d'être.
Au contraire, une fois le juste titre prouvé directement, la bonne foi est présumée par la loi, et cela devait être, non seulement parce que l'honnêteté est plus fréquente que la fraude, mais encore parce que la bonne foi serait difficile à prouver directement: elle consiste, en effet, dans l'ignorance des droits du véritable titulaire; elle a un caractère plutôt négatif que -positif, et la preuve d'une négation est toujours difficile; tandis que, si la possession est de mauvaise foi, l'adversaire du possesseur le pourra facilement prouver.
294. Voici encore deux solutions différentes pour deux autres qualités de la possession.
La loi ne pouvait évidemment présumer la violence qui est un délit; en outre, il serait difficile au possesseur de prouver qu'il n'a pas commis de violence à l'origine, et qu'il ne s'est pas maintenu en possession par une violence continue: ce sont encore là des négations fort difficiles à prouver. En même temps, il sera très facile à l'adversaire du possesseur de prouver directement, par témoins, qu'il a commis des actes de violence.
Au contraire, la publicité est un fait positif et continu, dont la preuve directe par le possesseur est d'autant plus facile qu'il a dû avoir pour témoins tout le monde, au moins toutes les personnes de la localité; il n'y a donc aucune raison de présumer la publicité.
294 bis. La durée de la possession n'en change pas la nature, mais elle en augmente les effets, en général. Il est vrai que le premier avantage de la possession, à savoir, la présomption d'existence du droit exercé, est indépendant de la durée de la possession; mais la prescription des immeubles est subordonnée à une longue possession; l'acquisition des fruits civils qui a lieu jour par jour, sans acte de perception (art. 206), augmente avec la durée de la possession; enfin, l'exercice de deux des actions possessoires est subordonné à une possession annale (art. 215); il y a donc pour le possesseur un grand intérêt à établir la durée de sa possession, et par contre, chez le vrai propriétaire, un grand intérêt à la contester.
La loi, ici encore, établit une présomption légale en faveur du possesseur: s'il prouve qu'il a possédé à deux époques différentes, plus ou moins éloignées, il est présumé avoir possédé dans l'intervalle, sauf toujours la preuve contraire, par tous les moyens possibles.
Généralement, l'une de ces époques est celle du procès entre le possesseur et le vrai propriétaire (action en revendication ou action possessoire), l'autre époque est celle qui, par son éloignement, suffirait pour assurer au possesseur le bénéfice de la prescription ou au moins de l'action possessoire. Quand le possesseur a prouvé directement sa possession à ces deux époques extrêmes, il est dispensé de prouver qu'il a possédé dans l'intervalle (e): outre qu'il lui serait bien difficile de prouver directement qu'il a possédé sans discontinuité, la vraisemblance de fait en ce sens est pour lui: c'est, ici encore, un cas où la loi statue pour ce qui arrive le plus souvent (de eo quod plerumque fit).
SOMMAIRE.
Art. 201 et 202. -N° 295. Acquisition de la possession civile par le fait et par l'intention. — 296. Admission d'un tiers: distinction. 297. Suite.
203. -298. Tradition de brève main; constitut possessoire.
204. -299. Transmission ou continuation de la possession entre le possesseur et son successeur universel. -300 et 301. Nouvelle possession à l'égard du successeur particulier; par exception: jonction ou accession des possessions.
COMMENTAIRE.
Art. 201 et 202. -295. L'article 201 consacre une règle développée dans l'Exposé (nos 252 et s.) et déjà impliquée dans la définition donnée par l'article 193, à savoir que la possession civile a deux éléments essentiels: l'un de fait et, pour ainsi dire, matériel ou corporel, l'autre d'intention et purement intellectuel. Il n'y a pas besoin d'y insister davantage: la loi devait présenter cette double condition comme nécessaire à l'acquisition de la possession.
296. La différence établie par l'article 202 entre le fait et l'intention a été annoncée et justifiée d'avance dans l'Exposé, ainsi que l'exception qui les rapproche dans deux cas particuliers.
Il suffit de rappeler que les éléments de fait qui constituent la possession ne pourraient raisonnablement être exigés de celui qui doit bénéficier de la possession: les moyens d'action d'un seul individu sont forcément très limités; chacun a besoin de confier à autrui une partie de ses intérêts, pour la surveillance, la conservation et même l'amélioration de ses biens.
Mais, il y a un élément de la possession qu'il est inutile et on pourrait dire défendu de déléguer, c'est l'intention, la volonté d'avoir le droit; car cette volonté, cette intention, n'est pas plus difficile à avoir pour une chose que pour une autre; elle peut embrasser un nombre indéfini d'objets; il est donc inutile de la déléguer à autrui, du moment d'ailleurs que la loi n'exige pas qu'elle se manifeste d'une manière déterminée. L'exception à cette deuxième règle ne commence qu'avec la nécessité et, cette nécessité la loi ne la voit que dans deux cas: celui des personnes incapables et celui des personnes dites " juridiques," lesquelles ne peuvent avoir de volonté que par l'organe de leurs représentants légaux.
297. Il ne faut pourtant pas exagérer le sens restrictif de la seconde règle, à savoir que l'intention de posséder ne peut se déléguer et doit toujours se trouver chez le bénéficiaire. Ainsi, on peut valablement donner mandat à un serviteur, à un préposé ou à un ami, de se rendre acquéreur et de prendre possession d'une ou plusieurs choses incomplètement déterminées, à l'égard desquelles on lui laisse une plus ou moins grande liberté de choix; mais on ne doit pas hésiter à dire qu'en pareil cas l'intention de posséder se trouve suffisamment chez le mandant: il a voulu d'avance posséder ce qui serait choisi et acheté par son mandataire. Il n'est pas nécessaire non plus que le mandant connaisse le moment précis auquel son mandat a été exécuté: -son intention existe dès que le mandat est donné, l'effet seul' en est retardé. Il en serait autrement, si la possession avait été prise pour autrui, sans mandat, mais par le bon office spontané d'un gérant d'affaires; dans ce cas, celui dont les affaires ont été gérées n'acquerrait la possession que lorsqu'il aurait connu et ratifié la prise de possession, et cela, sans rétroactivité.
Art. 203. — 298. Le Projet consacre ici une double règle qui remonte au droit romain et qui est admise encore aujourd'hui, en France et ailleurs. Dans les deux cas prévus au texte, la possession matérielle ne change pas de mains, en fait, et elle est considérée comme en ayant changé en droit.
Les deux cas sont l'inverse l'un de l'autre.
Au premier cas, un dépositaire, un emprunteur à usage, un locataire, par exemple, n'avait qu'une possession précaire, il détenait la chose pour le compte du propriétaire, ou, tout au moins, pour le compte de celui qui lui en avait fait le dépôt, le prêt ou le bail; ensuite, désirant acquérir la propriété de cette même chose, il passe un contrat d'achat avec celui qui la lui avait remise.
Dans une. législation formaliste, comme était la lér gislation romaine à ses origines, alors que la tradition matérielle était exigée pour la translation de la propriété, il eût été nécessaire que le dépositaire ou le locataire, devenu acheteur, restituât d'abord la chose à celui de qui il l'avait précédemment reçue à titre précaire, puis la reçût du même contractant, au nouveau titre de vente; mais on n'a pas tardé à admettre, par un besoin naturel de célérité et de simplicité (cele- ritatis causa, utilitatis caiisct), que cette double tradition serait censée faite par un changement d'intention: le possesseur précaire devenait possesseur civil par une tradition abrégée, de là l'expression consacrée de,. tradition de brève main " (a).
Au second cas, les faits sont inverses: un propriétaire vend sa chose, ou un possesseur vend la chose qu'il détient comme sienne; s'il en fait la tradition immédiate à l'acheteur, celui-ci aura la possession matérielle jointe à l'intention; mais si, pour une raison de convenance personnelle, le vendeur désire conserver l'usage temporaire de la chose, il peut l'obtenir; mais en reconnaissant que, désormais, il possède précairement, au nom et pour le compte de l'acheteur. Celui-ci possède par le fait d'autrui: il est censé avoir reçu d'abord la possession de la chose en vertu du contrat de vente et l'avoir aussitôt restituée à titre de prêt ou de louage.
Le dernier alinéa applique la même théorie à la prise de possession d'un droit par le changement d'intention chez celui qui l'exerçait pour lui-même et est autorisé à l'exercer pour son cessionnaire. Dans ce cas, il n'y a même pas besoin de recourir à la fiction d'une double tradition: le changement de volonté suffit à expliquer le changement du droit (1).
Quant à l'expression de " constitut possessoire," usitée en ce cas, elle est consacrée par un long usage pour indiquer cette opération purement intentionnelle: on aurait pu en trouver une plus explicite; mais elle a elle- même, pour ainsi dire, la possession de l'usage, il est bon de l'y maintenir, jusque dans la loi japonaise.
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(a) On pourrait admettre aussi l'application de la tradition de brève main dans le changement d'une possession précaire en une autre possession également précaire; par exemple, un déposant consent à ce que la chose déposée reste en prêt à usage ou en gage au dépositaire: il est censé avoir obtenu la restitution du dépôt et fait immédiatement une nouvelle tradition à titre de prêt ou de gage. ~.
(1) Cet alinéa manquait à l'ancien texte.
La Commission n'a accepté qu'avec quelque difficulté ces deux traditions fictives dans les deux premiers alinéas: il lui semblait, plus simple de rapporter au seul changement de volonté le changement du titre et du caractère de la possession, comme il suffit pour le 3e alinéa.. Nous avons cru devoir insister sur la consécration légale de la théorie romaine, parce qu'elle est, au fond, la vérité.
Art. 204. — 299. Cette double disposition se trouve déjà expliquée sommairement à la fin de l'Exposé (n° 273). Dans le premier cas, il y a continuation de la possesssion, et jonction dans le second (b).
L'héritier légitime, ou tout autre successeur universel, est le continuateur légal de son auteur: il succède à ses droits et avantages comme à ses charges et obligations; s'il y a des exceptions à cette règle, elles ne concernent pas la possession, au moins pour les choses et les droits composant le patrimoine. Il y a donc, légalement parlant, identité et continuation de possession entre l'auteur et son héritier.
En conséquence, si la possession de l'auteur était précaire, elle restera telle chez l'héritier, tant qu'il n'en aura pas changé la cause et la nature, conformément à l'article 197, et comme aurait pu d'ailleurs le faire son auteur lui-même.
Si la possession de l'auteur était civile, mais sans titre, elle restera sans titre pour l'héritier: le fait de succéder à titre d'héritier n'est une juste cause d'acquérir que pour les choses et les droits qui déjà appartenaient réellement à l'auteur.
Les vices de violence et de clandestinité ne continueraient pas nécessairement chez l'héritier, mais c'est par la même rais)n que pour la précarité, à savoir, parce que, chez l'auteur même, ces vices pouvaient cesser. Si donc l'héritier n'a pas eu à prolonger la violence pour continuer de posséder, de même s'il a donné une publicité suffisante à sa possession, il en a purgé le vice, comme son auteur aurait pu le faire, conformément à l'article 196.
Si la possession de l'auteur avait pour fondement un juste titre, elle pouvait être accompagnée de bonne foi ou de mauvaise foi: elle aura pour l'héritier la même qualité bonne ou mauvaise. Cependant, en fait, l'héritier pourrait avoir reconnu que son auteur n'avait pas vraiment le droit qu'il possédait de bonne foi. Réciproquement, il pourrait croire à la réalité du droit de son auteur, alors que celui-ci n'y croyait pas lui- même; mais ces différences d'opinions et de croyances entre l'héritier et l'auteur n'auraient pas d'autre effet que si elles s'étaient rencontrées chez l'auteur lui- même. Or, si l'auteur était primitivement de bonne foi et découvrait plus tard les vices de son titre, sa mauvaise foi, survenue après coup, ne lui enlèverait pas le droit à une prescription de quinze ans (art. 1476), parce que, pour cette prescription abrégée, on n'exige la bonne foi qu'au moment où est intervenu le titre; mais il perdrait le bénéfice des fruits perçus depuis la survenance de la mauvaise foi, parce que la bonne foi est exigée au moment de chaque acquisition des fruits (v. art. 206, 4e al.).
Pour ce qui est du cas inverse, c'est-à-dire de -la bonne foi succédant à la mauvaise foi, il serait difficile à concevoir, en fait, chez l'auteur même, mais très- facile chez l'héritier qui, souvent, croira que son auteur * avait la plénitude du droit, quand il n'en avait que la possession. Cette bonne foi ne lui donnera pas le bénéfice de la prescription abrégée, mais celui des fruits perçus avant la prescription ou avant la revendication exercée par le véritable titulaire.
300. Voyons, maintenant, comment les choses se passent pour le cessionnaire à titre particulier.
Comme il ne continue pas la personne de son cédant (laquelle, existant encore, n'a pas à être continuée), il n'en continue pas non plus la possession: il commence une nouvelle possession, en son propre nom. On pour- rait s'étonner qu'une possession nouvelle naisse en la personne de l'acheteur ou du donataire d'un bien particulier, tandis que le droit de propriété même, s'il appartient au cédant, se transmet et se continue identiquement en la personne de son cessionnaire. La raison de cette différence est celle-ci: la possession consiste dans deux éléments, l'un matériel, la détention corporelle de la chose ou les actes extérieurs d'exercice du droit, l'autre intellectuel, l'intention d'agir en maître; or, celui qui aliène une chose qu'il possédait, cesse, tout à la fois, de la détenir et d'avoir l'animus domini; on peut donc dire que sa possession prend fin (voy. art. 226): l'acheteur ou le donataire qui commence à détenir avec l'intention d'avoir la chose à soi se crée une nouvelle possession, laquelle aura ses qualités ou ses vices propres.
D'abord, elle pourra être civile, quoique celle du cédant fût peut-être précaire. Ainsi, un dépositaire ou un locataire vend et livre la chose à lui déposée ou louée, la possession précaire du cédant cesse, elle ne se transmet pas au cessionnaire: celui-ci commence une nouvelle possession; elle est civile, car il a l'intention d'avoir la chose à lui; elle est à juste titre, car l'achat est un juste titre ou une juste cause de posséder; en outre, elle peut être de bonne foi, si le cessionnaire a ignoré le défaut de droit chez son cédant.
On ne s'arrêtera pas au cas inverse, à celui où le possesseur primitif, ayant juste cause, donnerait la chose en dépôt ou en louage à un autre; dans ce cas, le dépositaire ou le locataire n'aurait assurément qu'une possession naturelle et précaire, mais la possession civile resterait au déposant ou bailleur; il n'y aurait ni cessation, ni translation de la possession.
Supposons maintenant que le cédant, au lieu d'une possession précaire, avait une possession civile, mais qui était sans titre; le cessionnaire, certainement, commencera une nouvelle possession qui sera à juste titre.
La possession du cédant était elle-même à juste titre, mais elle était de mauvaise foi; celle du cessionnaire sera de bonne foi, s'il ignorait le défaut de droit chez son cédant.
En sens inverse, la possession était de bonne foi chez le cédant, elle pourra être de mauvaise foi chez le cessionnaire.
On conçoit donc que la position du cessionnaire ou successeur à titre particulier soit, lorsqu'on s'attache à sa propre possession, tantôt moins bonne, tantôt meilleure que celle du successeur à titre universel.
301. Mais on a admis, depuis les Romains, qu'il pût se prévaloir de la possession de son auteur, quand il y a intérêt. On a considéré que la possession civile n'est pas seulement un fait mais un droit, par les avantages qui y sont attachés et par les actions qui la garantissent; or, ce droit, faisant partie du patrimoine d'un particulier, est dans le commerce: il est cessible comme les autres droits, en général. Celui donc qui achète une chose ou un droit dont le cédant n'avait que la possession a, au moins, acquis cette possession, et il est naturel qu'il s'en prévale, qu'il en tire avantage, dans la mesure de son intérêt, en joignant l'ancienne possession de son auteur à la sienne propre.
Ainsi, le cédant avait juste cause et bonne foi et le cessionnaire a une possession de cette même nature doublement favorable: il pourra joindre les deux possessions, ce qui le mènera à la prescription abrégée, laquelle est un bénéfice de la bonne foi.
Ainsi encore, le cédant possédait sans titre, ou avec juste titre mais de mauvaise foi, et la possession avait déjà duré plus de 20 ans, en sorte qu'il aurait fallu moins de 10 ans pour que la prescription acquisitive s'accomplît; dans ce cas, le cessionnaire, de bonne ou de mauvaise foi, joindra à sa possession celle de son cédant, car il l'a acquise comme étant la seule chose que le cédant pût lui transférer. Cela ne cause aucun préjudice au légitime propriétaire, puisque, si le reste du temps s'était écoulé sans cession et avant qu'il eût revendiqué, son droit eût été également perdu.
Enfin, on peut encore admettre la jonction de possession d'un cédant de bonne foi à un cessionnaire de mauvaise foi; ainsi, le cédant avait déjà possédé 14 ans, et un an de plus l'aurait conduit à la prescription; il cède à un acheteur de mauvaise foi: celui-ci ne prescrira pas assurément au bout d'une année, puisqu'il ne continue pas la même possession; mais il lui suffira de 16 ans de possession de mauvaise foi qui, joints aux 14 ans de possession de bonne foi de son auteur, feront les 30 ans exigés (v. art. 1477).
Cette dernière solution aurait peut-être pu être contestée, mais elle est tout à fait conforme aux principes et elle ne nuit pas au véritable propriétaire, par la même raison que la précédente.
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(b) On dit quelquefois aussi, au premier cas, translation de la possession, et, au second, accession de la possession.
SOMMAIRE.
Art. 205. — N° 302. Premier avantage de la possession civile: elle donne le rôle de défendeur aux actions réelles.
206. —303. Deuxième avantage: elle fait acquérir les fruits et produits de la chose au possesseur de bonne foi; justifications insuffisantes données par les jurisconsultes romains; véritable raison. —304. Moment auquel le possesseur acquiert les fruits naturels: raison de la différence avec l'usufruitier. -305. Assimilation du possesseur à l'usufruitier pour les fruits civils: motif. —306. Cas particulier du possesseur de bonne foi sans juste titre. —307. Suite: solution nouvelle du Projet; motif de la décision. —308. Suite. -309. Survenance de la mauvaise foi; effet de la demande en justice formée contre le possesseur.
207. —310. Situation du possesseur de mauvaise foi, quant aux fruits. —311. Effet de la violence et de la clandestinité, quant à l'acquisition des fruits.
208. 312. Dépenses nécessaires, utiles et voluptuaires faites par le possesseur.
209. -313. Droit de rétention, garantie du possesseur, même de mauvaise foi.
210. —314. Indemnité des dégradations: distinction de la bonne ou mauvaise foi du possesseur.
211. —315. Troisième avantage de la possession: prescription; renvoi.
212. -316. Trois actions possessoires dans la loi française. - 317. Introduction, dans le Projet japonais, d'une nouvelle action possessoire.
213. —318. Action en complainte pour faire cesser le trouble de fait ou de droit. —319. Son double caractère réel et personnel. —320. Son application aux meubles comme aux immeubles: réfutation des objections.
214. -321. Dénonciation de nouvel œuvre, pour prévenir un trouble éventuel.
214 bis. -322. Conditions requises pour l'exercice des deux premières actions possessoires: de l'annalité de la possession.
215. —323. Dénonciation de dommage imminent empruntée au Code italien; sa base dans le droit romain.
216. -324. Action en réinté grande: caractère illicite de la dépossession qui y donne lieu. -325. Ses conditions chez le demandeur. -326. Contre qui elle s'exerce: son caractère personnel.
216 bis. —327. Elle appartient au possesseur précaire; elle n'exige pas l'annalité de la possession chez le demandeur. -327 bis. Même solution pour la dénonciation de dommage imminent.
217. -328. Durée des quatre actions possessoires.
218. —329. Défense de cumuler le possessoire et le péti- toire: développement de la règle.
219. —330. Sursis au pétitoire pour juger le possessoire.
220. —331. Déchéance du droit d'agir au possessoire pour celai qui est déjà demandeur au pétitoire.
221. —331 bis. Déchéance pour celui qui a succombé au pétitoire, même comme défendeur.
222. —332. Demande reconventionnelle du défendeur au possessoire.
223. -333. Pouvoir du juge de l'action possessoire, suivant les cas: injonctions prohibitives, ordre de restituer, condamnation aux dommages-intérêts, ordre de fournir caution.
224. —334. Validité de la demande au pétitoire par celui qui a succombé comme défendeur nu possessoire: satisfactions à fournir.
225. —335. Idem pour le demandeur au possessoire qui a succombé. -336. Renvoi à la Loi organique des Tribunaux et au Code de procédure civile, pour la compétence et les règles de forme des actions possessoires.
COMMENTAIRE.
Art. 205. — 302. La loi détermine dans cette Section les trois avantages attachés à la possession, et règle les actions qui en sont la garantie.
La présomption d'existence légale du droit au fond, en faveur de celui qui l'exerce, en fait, est limitée à la possession civile. Il est clair que celui qui ne possède que naturellement, c'est-à-dire, n'a pas la prétention au droit, ne peut être présumé avoir ce droit.
Cela est encore plus évident pour le possesseur précaire, puisqu'il possède au nom et pour le compte d'un autre, et puisque c'est en faveur de ce dernier qu'il y aura présomption du droit.
La loi aurait pu laisser à l'interprétation le soin de tirer la conséquence naturelle et nécessaire de la présomption légale, mais, pour que la disposition ait un caractère moins dogmatique ou plus pratique, elle a formulé elle-même cette conséquence. Au Japon, d'ailleurs, les présomptions légales sont une innovation, au moins en la forme; l'usage ne paraît pas avoir été jusqu'ici de les exprimer dans la loi; il est bon, dès lors, d'en faire ressortir immédiatement les conséquences utiles.
Quant à l'avantage, pour le possesseur, d'être défendeur aux actions qui tendraient à l'évincer (a), il est considérable: le défendeur a moins à prouver son droit, au fond, qu'à contester et combattre les preuves fournies par le demandeur, et si ni l'un ni l'autre des plaideurs n'est en mesure de prouver son droit, le possesseur triomphera par le rejet de la demande.
Le texte ne parle que des actions pétitoires ou en revendication, comme étant celles auxquelles le possesseur sera défendeur; quant aux actions possessoires, on verra plus loin que le possesseur y est, tantôt demandeur, tantôt défendeur, suivant les circonstances.
Remarquons enfin, avec le texte, que la présomption légale établie au profit du possesseur n'est pas absolue et invincible, c'est une présomption simple, contre laquelle toute preuve contraire est admise, soit par titre, soit par témoins ou autrement. C'est, d'ailleurs, à raison de cette faculté de preuve contraire que le procès est possible: autrement, le possesseur serait inattaquable, ce qui serait contraire à toute raison et à toute justice.
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(a) On rencontrera souvent, dans la suite, les expressions " évincer, éviction "; elle viennent du latin et signifient vaincre, victoire, avec expulsion: celui qui est vaincu, évincé en justice, doit quitter ou restituer la chose objet du litige (v. n° 167, note a).
Art. 206. — 303. Ce bénéfice du possesseur de bonne foi remonte au droit romain; mais alors on n'en donnait pas une raison suffisante.
Certains jurisconsultes disaient que le gain des fruits était une " indemnité de la culture et des soins donnés à la chose" (pro cultura et cura)-, mais cette raison était doublement mauvaise: 1° il y a des fruits qui naissent sans culture et sans soins, comme les coupes de bois, les foins et herbes des prairies, ce sont ceux qu'on appelle souvent fruits naturels, par opposition aux fruits industriels qui sont surtout le résultat des efforts et du travail de l'homme; or, on n'a pas tardé à admettre que le possesseur de bonne foi acquerrait les deux sortes de fruits, même ceux qui ne lui avaient demandé aucune culture; 2° si l'acquisition des fruits était la récompense des soins et de la culture, il n'y aurait pas de raison de la refuser au possesseur de mauvaise foi, car il a pu donner les mêmes soins à la chose et faire les mêmes travaux agricoles qu'un possesseur de bonne foi.
D'autres jurisconsultes disaient que " le possesseur de bonne foi est, quant aux fruits, presque comme un propriétaire" (b). Cette raison ne justifiait rien, parce qu'elle avait elle-même besoin d'une justification; elle donnait pour preuve du droit du possesseur son assimilation au propriétaire, laquelle était justement en question; c'était ce qu'on appelle une pétition de principe.
La véritable raison pour laquelle la décision du droit romain était bonne et doit être encore maintenue aujourd'hui, on l'a donnée dans l'Exposé (n° 262), c'est que le possesseur de bonne foi, ayant cru à la réalité de son droit, a, le plus souvent, disposa des fruits perçus, ou, s'il les a conservés, il a pu contracter des engagements auxquels il compte faire face avec ces fruits: "il a vécu plus largement" lautius vixit), disaient aussi les. jurisconsultes romains, dans des circonstances analogues, et la restitution de ces fruits serait souvent sa ruine. Or, s'il a commis quelque négligence, au moment où il a contracté et acquis la possession, le titulaire légitime du droit, en ne se faisant pas connaître, a commis une négligence plus grave encore, car elle est continue.
Cette raison n'est pas sujette aux objections précédentes: elle autorise à ne pas distinguer les fruits industriels, elle ne s'applique pas au possesseur de mauvaise foi, et elle ne résout pas la question par l'affirmation même de ce qui est en question.
304. Le présent article ne fait pas acquérir les fruits naturels au possesseur par le seul fait qu'ils sont séparés dit sol, comme pour l'usufruitier: il veut que ces fruits aient été perçus par le possesseur lui-même, ou par un tiers en son nom. Le motif de cette différence est que l'usufruitier acquiert les fruits en vertu d'un titre parfait, en vertu d'un droit proprement dit; il suffit que les fruits aient une existence distincte du fonds ou de la chose usufructuaire pour que son droit commence; il n'y a pas de raison sérieuse d'exiger de sa part un acte d'appréhension (c).
Au contraire, le possesseur de bonne foi, n'ayant pas traité avec celui qui pouvait lui conférer le droit même, n'a pas un titre légal aux fruits, par droit et par contrat: il ne peut les obtenir que par un bienfait de la loi, laquelle agit raisonnablement en subordonnant ce bienfait à une prise de possession qui rend le possesseur plus digne d'intérêt, puisque c'est alors aussi que le danger de ruine commencerait pour lui, s'il lui fallait restituer.
305. Cependant, en ce qui concerne les fruits civils, la loi assimile le possesseur de bonne foi à l'usufruitier: il acquiert ces fruits jour par jour, par conséquent, avant la perception. C'est une innovation par rapport au droit français (au moins par rapport à la doctrine et à la jurisprudence, car la loi est muette sur ce point): mais elle est facile à justifier.
Si le possesseur de bonne foi n'acquérait les fruits civils que par la perception, son droit ne dépendrait ni des lois de la nature, ni de sa propre diligence, mais de l'exactitude ou de l'honnêteté d'un tiers: il suffirait que le débiteur des fruits civils refusât ou tardât de les payer pour empêcher ou retarder l'acquisition du possesseur de bonne foi; dés poursuites, même un jugement obtenu, ne suffiraient pas à assurer son droit, si la revendication du légitime propriétaire survenait avant le payement. Cette solution est évidemment inadmissible, en raison et en équité, et il est surprenant qu'elle ait été admise en France sans sérieuse contestation. On la repousse ici, à l'égard du possesseur de bonne foi, pour les mêmes raisons qui l'on fait écarter pour l'usufruitier (v. n° 86).
306. Le 3e alinéa donne une solution nouvelle, déjà annoncée, pour une situation du possesseur qu'on peut considérer comme intermédiaire entre la bonne foi accompagnée d'un juste titre et la mauvaise foi avec ou sans juste titre.
Lorsque le possesseur se croit propriétaire ou croit avoir tout autre droit qu'il exerce, sans qu'il soit cependant intervenu en sa faveur, de la part d'un tiers, un acte juridique de nature à lui conférer ce droit, on ne peut dire assurément qu'il soit de mauvaise foi: son honnêteté est certaine et mérite quelque considération; mais on ne peut non plus le traiter aussi favorablement que le possesseur de bonne foi qui a un juste titre.
Rappelons d'abord les hypothèses vraisemblables où le possesseur peut être de bonne foi sans avoir un juste titre. Le cas le plus fréquent sera celui où quelqu'un, se croyant héritier légitime, se sera mis en possession des biens d'une succession, alors qu'un héritier plus proche le prime ou qu'un testament qu'il ignore le dépouille. Citons encore le cas où un véritable héritier a considéré comme bien de la succession un immeuble qui n'en faisait pas partie. Ce sont là des erreurs de fait. Ajoutons le cas d'une erreur de droit qui a fait croire au possesseur qu'un titre originairement précaire avait été interverti et transformé en juste titre, en dehors des deux cas prévus à l'article 197. Enfin, ajoutons le cas d'un titre putatif déjà signalé plus haut (n° 284) (1).
307. La doctrine et la jurisprudence françaises qui n'hésitent pas à refuser à ce possesseur le bénéfice de la prescription de dix ans, et le traitent à cet égard aussi sévèrement que le possesseur de mauvaise foi, sont presque unanimes, au contraire, pour lui reconnaître, quant aux fruits, les mêmes avantages qu'à celui qui a en même temps juste titre. S'il y a quelque divergence d'opinion, c'est pour tomber dans la solution extrême qui ne laisse plus à ce possesseur aucun bénéfice de son honnêteté.
Il semble pourtant bien naturel de faire à ce possesseur une situation intermédiaire quant à ses avantages, comme elle l'est quant à la nature de sa possession. Les principes généraux, d'ailleurs, fournissent aisément la solution, sinon en droit positif français, au moins en droit naturel et pour une loi à faire.
Pour la prescription abrégée (quinze ans dans le Projet), on ne peut hésiter à lui en refuser bénéfice: il n'a pas juste titre et son erreur ne peut lui en tenir lieu.
Pour les fruits, rappelons que la loi et la raison naturelle ne les donnent au possesseur de bonne foi qui a juste titre que parce que celui-ci paraît plus digne d'intérêt que le propriétaire, comme ayant une moindre imprudence à s'imputer; mais, on ne peut plus dire de même du possesseur dont l'erreur n'est pas fondée sur un juste titre: quand, par exemple, il s'est cru héritier sans l'être, ou quand il a cru héréditaire un bien qui ne faisait pas partie de la succession, il est contraire à toute justice et à toute raison qu'il trouve dans sa croyance, plus ou moins téméraire, le principe d'une acquisition des fruits au préjudice du propriétaire.
Si, au moment où la revendication du bien a lieu contre lui, il a encore tout ou partie des fruits en réserve, n'est-il pas choquant qu'il les conserve, en alléguant une erreur qui n'a rien de plausible, qui n'est peut-être qu'une ignorance de la loi?
En pareil cas, il s'enrichirait évidemment du bien d'autrui sans cause légitime. Même objection, s'il a consommé les fruits d'une manière qui l'a enrichi, par exemple, s'il les a vendus et si le prix en est encore du ou même payé et non dépensé, ou s'il les a employés à nourrir ou chauffer lui et les siens, quand ce sont des objets de consommation indispensables, comme du riz ou du bois: dans ce cas " il est enrichi de ce dont il a: épargné son propre argent " (d).
308. Mais voici la part que l'équité exige qu'on fasse à son honnêteté, pour ne pas dire à sa bonne foi proprement dite: il ne faut pas non plus que la négligence du propriétaire, qui a plus ou moins favorisé ou prolongé l'erreur du possesseur, entraîne la ruine de celui-ci et l'expose à restituer des fruits qu'il n'a plus, ni en nature, ni en valeur équivalente. De là, la solution du texte: le possesseur sera dispensé de restituer " ce qu'il n'a plus et dont il n'est pas enrichi."
En même temps, la loi tranche la question du fardeau de la preuve (de l' omis probandi) ce ne sera pas au propriétaire revendiquant à prouver combien le possesseur est enrichi des fruits: il lui suffira de prouver ce que le possesseur a perçu de fruits, et même il y aura présomption de fait que le possesseur a perçu les fruits ordinaires du fonds; ce sera ensuite au possesseur à prouver, soit qu'en fait il a perçu moins de fruits, soit que, les ayant perçus, il en a perdu, donné ou consommé tout ou partie, sans profit appréciable.
Ainsi paraissent conciliés les deux intérêts opposés et les principes généraux du droit et de la justice.
309. Le dernier alinéa du présent article suppose que la bonne foi a cessé, par une cause quelconque, au cours de la possession, c'est-à-dire que le possesseur a reconnu que le droit ne lui appartenait pas.
Le bénéfice de la bonne foi cesse pour l'avenir, c'est- à-dire quant aux fruits à percevoir ou à échoir; mais les fruits déjà perçus ou échus restent acquis au possesseur, sous les distinctions qui précèdent, quand même la revendication du légitime propriétaire ne serait exercée que depuis la cessation de la bonne foi.
La loi a dû s'exprimer nettement à cet égard, pour bien fixer la différent entre la bonne foi requise pour l'acquisition des fruits et celle requise pour la prescription acquisitive de la chose ou du droit: pour cette dernière, la mauvaise foi survenue au cours de la possession ne nuit pas au possesseur, comme on le justifiera au sujet de la prescription (v. n° 347).
On dit généralement que la demande en justice faite contre le possesseur a pour effet de le constituer de mauvaise foi; cette formule n'est pas bonne et le Projet a soin de l'éviter. En effet, souvent le possesseur de bonne foi est tellement convaincu de l'existence de son droit que la demande ne change pas l'opinion qu'il en a; cependant, il ne serait pas juste que, malgré la demande et la diligence du vrai propriétaire ou autre titulaire légitime du droit, le possesseur continuât à gagner les fruits perçus pendant le procès, lequel peut durer longtemps. La loi satisfait à ces deux idées en privant le possesseur des avantages de la bonne foi, sans lui donner la qualification de possesseur de mauvaise foi, et encore, elle y ajoute la condition (qui, de toute façon, aurait été sous-entendue), que la demande ait été définitivement admise: car si la demande est finalement rejetée, la bonne foi du possesseur recouvre toute sa force, même pour le temps où le procès a été pendant.
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(b) Quod ad fructus attinet> possessor bonœ Jidei loco domin penè est.
(c) Les lois modernes s'écartent ici tout à fait du droit romain, lequel exigeait, au contraire, un acte d'appréhension de la part de l'usufruitier, et se contentait pour le possesseur de la séparation des fruits, même par accident. On voit que, si le droit romain est souvent suivi encore aujourd'hui, ce n'est pas aveuglément.
(1) Le. nouveau texte exprime ce qui n'était que dans ce Commentaire, à savoir qu'ici la bonne foi, même provenant d'une erreur de droit, suffit à faire acquérir les fruits.
(d) Les Romains le disaient, en propres termes, dans des cas analogues: locupletior factus est quatenus pecuniœ suœ pepercit.
Art. 207. — 310. Le possesseur de mauvaise foi aurait dû, en stricte équité, rendre spontanément la chose qu'il savait ne pas lui appartenir; mais, s'il ne l'a pas fait, soit par incertitude sur la personne du véritable propriétaire, soit par malhonnêteté, au moins ne doit-il pas s'enrichir au préjudice de celui-ci; il doit aussi réparer tout le tort qu'il lui a causé. On ne peut dire, en sa faveur, comme en celle du possesseur de bonne foi, que la restitution des fruits le ruinerait, car il n'a pas dû consommer ou aliéner des fruits et produits qu'il savait devoir restituer un jour; à défaut d'enrichissement, il est en faute, s'il a vécu plus largement: il est également responsable, s'il a négligé de percevoir tout ou partie des fruits et produits, ou si, les ayant perçus, il les a laissés périr.
Mais il ne faut pas non plus que le légitime propriétaire s'enrichisse au préjudice du possesseur de mauvaise foi, en recouvrant les fruits sans subir les charges qui s'y rapportent et que le possesseur de mauvaise foi a supportées, tels que frais de culture et de récolte, frais de conservation, impôts et autres charges ordinaires des revenus.
C'est ce qu'exprime le 2e alinéa de notre article, imité de l'article 548 du Code français.
311. Il restait à savoir comment on devait traiter, quant aux fruits, la possession viciée par violence ou clandestinité. On sait déjà qu'elle ne mène pas à la prescription, lors même qu'elle serait accompagnée d'un juste titre; on sait aussi qu'elle n'est pas incompatible avec la bonne foi (voy. n° 287).
Il va de soi que le possesseur de mauvaise foi qui s'est établi ou maintenu en possession par violence, ou qui dissimule sa possession, n'aura aucun droit aux fruits, puisque le mauvaise foi seule suffit à l'en priver. Mais, que devait-on décider pour celui qui, ayant juste titre et bonne foi, recourrait à la menace pour garder sa possession ou la dissimulerait aux tiers et spécialement au vrai propriétaire ? La question est généralement négligée par les auteurs français; sans doute parce qu'ils sont portés à croire que les vices de violence et de clandestinité sont exclusifs de la bonne foi. Mais maintenant que le contraire est établi, la question mérite d'être soulevée et elle est tranchée ici, par la loi, contre le possesseur, par la considération suivante: le possesseur violent, ou celui qui cache sa possession, n'est pas plus intéressant que le possesseur de mauvaise foi; il l'est même moins, car il élève des obstacles plus sérieux contre la revendication du vrai propriétaire; il doit donc être privé de toute acquisition des fruits et soumis à toutes les restitutions imposées au possesseur de mauvaise foi, même quant aux fruits qu'il a perdus sans en profiter ou qu'il a négligé de percevoir.
Il ne restera à celui dont la possession est violente ou clandestine que la présomption de propriété et le rôle de défendeur, non seulement à l'action possessoire en réintégrande mais encore à l'action pétitoire (v. art. 205).
Art. 208. — 312. Cette disposition, comme la seconde de l'article précédent, consacre le principe fondamental de droit naturel que " nul ne doit s'enrichir, sans droit, au détriment d 'autrui" (voy. art. 381). La différence est qu'ici les dépenses ne sont plus supposées avoir été faites pour les fruits: elles l'ont été pour la chose même.
Les dépenses que quelqu'un peut avoir faites pour la chose d'autrui sont de trois sortes: nécessaires, utiles ou voluptuaires. La loi n'accorde pas le remboursement des dernières au possesseur, parce que, comme le nom l'indique, elles sont de par agrément et ne procurent aucun profit au revendiquant.
Au contraire, les dépenses utiles ont donné une plus-value à la chose et le revendiquant en recueille le bénéfice; les dépenses nécessaires, si elles n'ont pas augmenté la valeur de la chose, l'ont conservée, ce qui est au moins aussi avantageux.
Cette triple distinction des dépenses remonte au droit romain et sa conformité évidente avec la raison et l'équité l'a fait admettre dans toutes les législations modernes.
Le Code français en fait plusieurs fois l'application, notamment, dans les articles 861, 862, 1375 et 1634. On la rencontrera souvent aussi dans le présent Projet.
La loi n'entre pas ici dans les détails de cette théorie, elle ne dit pas, notamment, comme le Code italien (art. 705) que "le possesseur ne peut réclamer " que la somme la plus faible entre celle de ses im- " penses et celle de la plus-value il va sans dire que s'il obtenait plus que ses impenses, il s'enrichirait, à son tour, au préjudice du propriétaire qui perdrait le moyen de réaliser le même profit.
Art. 209. — 313. Le droit de rétention a été mentionné à l'article 2, comme un des droits réels servant de garantie aux droits personnels; il a de l'analogie avec le nantissement sans se confondre avec lui: il permet au créancier de retenir en sa possession la chose soumise au droit de rétention jusqu'au payement des sommes dues à raison de cette chose.
Cette rétention même est sa ressemblance avec le nantissement, mais elle ne donne pas, comme celui-ci, le droit de faire vendre la chose pour être payé sur le prix par préférence aux autres créanciers: elle donne seulement le droit d'imputer, par privilége, les fruits et produits de la chose sur les intérêts et le capital de la cré[Ince (v. art. 1098): le droit de rétention ne mènera donc au payement que par cette longue imputation des fruits ou par l'avantage que le légitime propriétaire ou ses créanciers auront à recouvrer la libre disposition de la chose; cet avantage les conduira, tôt ou tard, à désintéresser le rétenteur, en sorte qu'il se trouvera payé quand d'autres créanciers ne le seront pas.
La possession du rétenteur n'a donc plus le caractère de son ancienne possession: la première était civile, celle-ci n'est plus que naturelle et précaire.
C'est au Livre IVe, 11e Partie, Chapitre 1er, que le droit de rétention sera expliqué dans son ensemble.
Le Code français ne se prononce pas sur le droit de rétention du possesseur, aussi ce droit est-il l'objet, en France, de sérieuses difficultés. Le Code italien ne l'accorde qu'au possesseur de bonne foi (art. 705). Le Projet japonais accorde la rétention, sans distinguer la bonne ou la mauvaise foi, parce qu'autrement il faudrait faire des sous-distinctions compliquées, au sujçt des possesseurs de qualités 'intermédiaires, tels que ceux dont parlent les articles 206, 3e et 4e al. et 207, 3e al. Il y aurait, notamment, des difficultés inextricables en pratique, quand le possesseur aurait été de bonne foi à l'origine, serait devenu de mauvaise foi plus tard et aurait fait des impenses à diverses époques.
Art. 210. — 314. Il a pu arriver que le possesseur ait détruit des bâtiments, coupé des bois qui n'étaient pas aménagés en coupe réglée, ouvert des carrières qui n'étaient pas en exploitation auparavant et dont, par conséquent, les produits n'avaient pas le caractère de fruits; il est juste que le propriétaire en soit indemnisé; mais, ici, on voit reparaître la différence entre la bonne et la mauvaise foi du possesseur.
Le possesseur de mauvaise foi a encore une obligation résultant de sa faute, de son délit civil, peut-être même de son délit pénal; le possesseur de bonne foi n'est toujours tenu qu'en vertu de son enrichissement indu; de là, l'étendue différente de l'une et de l'autre obligation, comme la détermine le texte: il ne peut être question d'imputer à faute au possesseur de bonne foi ses négligences, ni même ses abus de jouissance: " il a cru user ou abuser de sa chose (re sua abuti credidit) "
Ici, il n'y a pas à distinguer si la bonne foi est ou non accompagnée d'un juste titre: c'est une simple distinction entre l'honnêteté et la malhonnêteté.
Art. 211. — 315. On a déjà annoncé dans l'Exposé (n° 265), que la prescription ou la présomption absolue de l'acquisition de la propriété est le principal effet de la possession, sinon par sa fréquence, au moins par son importance. Mais c'est au Livre Ve, ne Partie, qu'il en sera traité comme d'un des moyens légaux de preuve.
Art. 212. — 316. Les effets attachés à la possession ont suffisamment d'émontré qu'elle n'est pas seulement un fait, comme on l'a quelquefois soutenu, mais qu'elle est aussi, et surtout, un droit, un droit sur une chose, un droit réel; la preuve en est complétée par l'existence d'actions judiciaires accordées et organisées en faveur du possesseur.
C'est d'abord au Code de procédure civile (art. 23 à 27) que la loi française a traité des actions possessoires, au sujet de la compétence des juges de paix, dans les attributions duquel rentre la connaissance des actions possessoires, en première instance, avec appel au tribunal d'arrondissement. Mais le Code de procédure, dans ces cinq articles, ne contient que des dispositions de compétence, de formes et de délais relatives aux actions possessoires; or, la théorie de la possession n'est complète que si elle contient le fond même du droit, c'est-à-dire les règles générales d'après lesquelles elle est sanctionnée par des actions, et on ne les trouve pas dans le Code civil.
Dans le Code de procédure même, il n'est traité des actions possessoires que d'une manière générale et sans détermination d'aucune en particulier; il y est seulement question du trouble qu'elles tendent à faire cesser, ce qui ne paraît guère s'appliquer qu'à l'action en complainte. Mais déjà le Code civil (art. 2060-2°) mentionnait incidemment la réintégrande (e). Enfin, une loi du 25 mai 1838, sur la compétence des juges de paix, mentionne formellement (art. 6-10) la complainte et la réintégrande et y ajoute la dénonciation de nouvel œuvre admise déjà dans le droit romain et dans l'ancien droit français et dont la persistance avait toujours été soutenue par la Cour de cassation. La loi de 1838 fait même allusion à " d'autres actions possessoires," sans les déterminer, ce qui ne se comprend guère, à moins de supposer que la loi ait fait allusion aux actions possessoires relatives à l'usufruit et aux servitudes, lesquelles ne seraient'que des actions quasi- possessoires, conformément à la théorie vulgaire qui ne reconnaît pour l'usufruit et les servitudes qu'une quasi- possession (v. n° 255).
317. Le Projet japonais admet formellement les actions possessoires du droit français et il en ajoute une quatrième: la dénonciation de dommage imminent (2). Le présent article a pour but de les énoncer et d'indiquer leur double but: conserver ou retenir la possession troublée, recouvrer celle qui a été 'perdue.
Les diverses actions possessoires ont quelques règles communes; mais elles ont aussi d'assez grandes différences. Les articles suivants feront ressortir ces ressemblances et ces différences.
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(e) Le mot réintégrande, vient du latin; in integrum, "en entier," et la particule re indique un retour: la possession usurpée est rétablie en entier.
(2) La dénonciation de' dommage imminent n'avait été ajoutée à. la première rédaction qu'au, dernier moment et au cours de l'impression: on l'avait jointe à la dénonciation de nouvel œuvre. Mais dans cette nouvelle rédaction elle en est complètement distincte, ce qui a amené quelques modifications au texte: l'ancien article 215 est devenu 214 bis, le 26 alinéa de l'article 214 est devenu 215, le 36 alinéa de l'article 216 est devenu 216 bis.
Art. 213. — 318. Ce que la loi appelle trouble de fait est facile à concevoir: ce sont des actes matériels exercés par un tiers sur la chose possédée par un autre et tendant à gêner, à diminuer, peut-être même à supprimer sa possession; comme serait l'occupation de tout ou partie d'un terrain ou d'une maison, un passage répété à travers un terrain ou une cour, le fait de puiser de l'eau à un puits ou à un réservoir, d'appuyer un bâtiment, ou de faire sur le fonds possédé quelque entreprise qui ne pourrait se faire qu'en vertu d'une servitude ou d'un autre droit réel.
Le trouble de droit consisterait dans des réclamations judiciaires ou extra judiciaires contre les locataires du fonds qui ont traité avec le possesseur, ou dans le fait de renouveler leur bail, ce qui implique une prétention contraire à la possession du premier bailleur; il consisterait aussi dans des réclamations contre le possesseur lui-même et tendant à lui faire abandonner tout ou partie de la chose qu'il détient ou du droit qu'il exerce; dans ce cas, si l'auteur du trouble ne va pas jusqu'à une demande en justice, le possesseur troublé peut intenter l'action possessoire pour le faire cesser.
On verra même, à l'article 222, que l'action, soit pétitoire, soit possessoire, intentée contre le possesseur, peut être considérée par lui comme un trouble et qu'il peut y répondre par une action possessoire dite reconventionnelle.
La loi veut que le trouble implique, de la part de celui qui le cause, une prétention contraire à celle du possesseur, par conséquent, une prétention, soit à la propriété même ou au fond du droit, soit à la possession: autrement, le trouble ne serait plus apporté à la possession même, mais à la tranquillité privée; il pourrait constituer un délit civil ou même pénal; tel serait le fait, par le voisin, de détruire des arbres qui masquent sa vue ou des animaux incommodes: il y aurait alors lieu à une action personnelle en dommages-intérêts, mais non à une action réelle, comme est l'action possessoire en complainte.
319. Ce caractère réel de l'action en complainte demande qu'on s'y arrête un instant et qu'on y apporte quelques distinctions. Le 2e alinéa de notre article nous y amène d'ailleurs tout naturellement.
L'action en complainte a deux objets; faire cesser le trouble et en obtenir la réparation, c'est-à-dire l'indemnité.
Or, l'action est bien réelle pour le premier objet, car elle tend à faire maintenir la cliose dans un certain état, même à l'y faire rétablir, si cet état avait déjà été modifié; mais, pour ce qui est de l'indemnité à obtenir à raison du dommage déjà éprouvé par le possesseur, l'action ne peut être que personnelle, car elle fait valoir un droit de créance né de la faute de celui qui a causé le trouble.
On doit donc reconnaître que l'action est rniæte, ce qui veut dire, suivant le sens consacré, qu'elle a, tout à la fois, le caractère réel et le caractère personnel. La question n'est pas sans intérêt; car si l'auteur du trouble changeait, si, par exemple, le trouble avait été causé par le propriétaire d'un fonds voisin et qu'il cédât son fonds, après le trouble causé par quelque entreprise exécutée sur le fonds du possesseur, l'action possessoire en complainte pourrait bien être exercée contre le nouveau propriétaire, pour faire cesser le trouble et détruire ce qui aurait été fait; mais l'indemnité de la faute commise ne pourrait pas lui être demandée: elle ne pourrait être demandée qu'au précédent propriétaire, et par une action purement personnelle; l'action en complainte serait ainsi réduite à son caractère réel et ce qu'elle a de personnel deviendrait l'objet d'une autre action née du quasi-délit.
On verra plus loin que l'action en dénonciation de nouvel oeuvre est purement réelle; on devra décider de même pour la dénonciation de dommage imminent; quant à l'action en réintégrande, étant fondée sur un fait toujours illicite, elle est, par cela même, toujours personnelle.
320. Le dernier alinéa de notre article nous dit qu'elles choses possédées peuvent donner lieu à l'action possessoire en complainte.
La question est fort débattue en France, au moins pour les meubles.
D'abord, pour ce qui est des immeubles, il n'y a pas de doute que la possession en soit garantie par l'action en complainte, et, par immeubles, il faut entendre surtout les droits immobiliers que quelqu'un posséderait, c'est-à-dire exercerait comme siens: droits de propriété, d'usufruit, de servitude, d'emphytéose, de nantissement.
Le doute n'a lieu que pour les meubles, à l'égard desquels on a prétendu établir une différence entre les universalités (voy. art. 17) et les meubles particuliers. Pour les universalités de meubles, l'action possessoire était admise dans l'ancien droit français (f), et certains auteurs pensent qu'il faut l'admettre encore aujourd'hui; par exemple, au profit d'un possesseur de tout ou partie d'une succession mobilière qui serait troublé par les actes d'un tiers se prétendant lui-même héritier ou légataire.
On propose d'adopter ce système au Japon. Il devient d'ailleurs nécessaire, à cause de la solution proposée pour les meubles particuliers.
C'est à ce sujet qu'il y a la plus grande difficulté; elle vient de la célèbre maxime: ” En fait de meubles, la possession vaut titre" (voy. c. civ. fr., art. 2289; Proj., art. 1481), d'après laquelle le possesseur d'un meuble en devient aussitôt propriétaire, par une sorte de prescription instantanée. D'où il résulterait deux obstacles à l'action possessoire au sujet d'un meuble: 1° le possesseur troublé, si courte qu'ait été sa possession, n'aurait pas seulement une action possessoire, mais bien un action pétitoire ou en revendication; 2° l'auteur du trouble étant, le plus souvent, devenu lui-même possesseur du meuble litigieux, pourrait aussi invoquer cette prescription, sinon pour se défendre au possessoire (voy. ci-après, art. 218), au moins pour triompher au pétitoire, ce qui ôterait tout intérêt à l'action possessoire.
Cependant, cette double objection ne paraît pas suffisante pour refuser l'action possessoire à celui qui est troublé dans la possession d'un meuble.
D'abord, c'est un principe de raison que " celui qui peut le plus peut aussi le moins; " or, l'on a vu déjà, dans l'Exposé (n° 253), que le vrai propriétaire d'une chose ou le titulaire légitime d'un droit, qui, en même temps, a la possession de la chose ou l'exercice du droit, peut s'abstenir de soulever la question du fond du droit et ne se prévaloir que de sa possession.
En outre, il n'est pas exact que le possesseur d'un meuble en soit toujours, et par cela même, propriétaire, en vertu de la prescription dite " instantanée; " non seulement, en effet, il faut que la possession soit civile et non précaire, mais il faut encore qu'elle soit de bonne foi (voy. c. civ. fr., art. 1141; Proj., art. 366 et 1481), et il est raisonnable d'exiger, en outre, qu'elle soit fondée sur un juste titre (g); or, ces deux dernières conditions ne sont pas exigées pour l'action, possessoire en complainte; voilà donc déjà deux cas où le possesseur, même civil, d'un meuble, n'aurait pas l'action pétitoire et où l'action possessoire lui serait utile.
Supposons, d'un autre côté, que l'auteur du trouble soit devenu lui-même possesseur du meuble ligitieux, il peut ne le posséder que naturellement ou précairement, ce qui est un obstacle absolu à ce qu'il puisse invoquer la maxime " en fait de meubles, la possession vaut titre;" si même il avait la possession civile, il,pourrait n'avoir pas juste titre ou n'être pas de bonne foi: il ne pourrait triompher au pétitoire; il est donc juste qu'il soit soumis à l'action possessoire.
Dans les développements qui précèdent, on a supposé plusieurs fois, notamment au sujet des meubles, que celui qui exerce la complainte est non seulement troublé, inquiété, mais même dépossédé en entier. En effet, il ne faut pas croire que la différence entré la complainte et-la réintégrande soit surtout dans l'étendue du dommage à réparer (gg); elle est bien plutôt dans la nature du fait qui cause ce dommage et donne lieu à l'action: on a déjà annoncé plus haut que l'action en complainte tend à combattre une prétention à la possession et à en faire cesser les effets ou à les réparer, tandis que la réintégrande tend à faire réparer un acte illicite qui dépasse les limites d'une prétention, comme, du reste, on le verra à l'article 216.
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(f) Ordonnance de 1667, sur la Réformation de la justice.
(g). Les auteurs sont trè.; divisés, en France, sur le point de savoir si la prescription instantanée des meubles exige un juste titre-en même temps que la bonne foi. On propose d'exiger ces deux conditions, au Japon (v. art. 1481, 1er al.) et ce sera encore une grande faveur pour les possesseurs de meubles; surtout lorsqu'on va, dans ce cas, jusqu'à présumer le juste titre (ib., 28 al.).
(gg) Ce N'est que dans un but de simplification, et pour donner plus ' de relief à la différence des deux actions que, dans l'Exposé (n° 266) et ci-dessus (n° 317), on a présenté l'action en complainte comme tendant à conserver la possession et l'action en réintégrande comme tendant à Ia. recouvrer: la première tendrait aussi à recouvrer la possession si celle- ci avait été ôtée entièrement au premier possesseur; mais il faudrait que ce fût sans "violences, menaces ni snrprise;" or, la rareté du fait a empêché de s'y arrêter tout d'abord.
Art. 214. — 321. La deuxième action possessoire, la dénonciation de nouvel œuvre, est d'une application beaucoup plus limitée que la précédente.
D'abord, elle n'appartient qu'au possesseur d'un immeuble ou à celui qui exerce, comme lui appartenant, un droit réel sur une chose immobilière.
En effet, on ne comprendrait guère que des travaux commencés ou même achevés sur un fonds pussent nuire à la possession d'un meuble.
En outre, il faut supposer que les travaux ne sont que commencés et que c'est seulement leur achèvement ou leur avancement progressif qui nuira au demandeur: autrement, celui-ci éprouverait un trouble actuel par ces travaux et ce serait le cas de l'action en complainte. Il en résulte que l'action possessoire est donnée ici avant le trouble et, par conséquent, en vue seulement de prévenir un trouble éventuel." C'est un avantage pour les deux parties, car il vaut mieux prévenir le mal que le réparer.
La loi suppose que les travaux contestés sont faits sur un fonds voisin; cette circonstance du voisinage n'est pas une condition rigoureusement nécessaire; mais la nature des choses ne laisserait guère concevoir que quelqu'un craignît un trouble à provenir de travaux entrepris sur un fonds éloigné.
Il va sans dire que cette action appartient tout aussi bien à un vrai propriétaire qu'à un simple possesseur; mais, quand le propriétaire en use, ce n'est pas comme tel, c'est comme possesseur. Remarquons même, à ce sujet, que la dénonciation de nouvel œuvre est exercée plus souvent par un propriétaire véritable que par un simple possesseur: ce dernier, incertain de la durée de son droit, y a moins d'intérêt. Si elle est considérée comme action possessoire, c'est parce que le demandeur n'a pas besoin, pour y triompher, de justifier qu'il est propriétaire^du fonds auquel les travaux commencés pourraient nuire: il lui suffit de prouver qu'il en est possesseur civil.
On retrouvera la dénonciation de nouvel œuvre au Chapitre des Servitudes (art. 277 bi* et nos 369, 419 bis et 446), comme moyen de préserver un fonds, prétendu libre, d'une servitude que le voisin tenterait d'établir sans droit.
Art. 214 bis. -322. La loi indique ici les qualités ou conditions que doit réunir la possession pour donner les deux premières actions possessoires. Les trois premières conditions exigées ici de la possession sont déjà connues. Il résulte de ces conditions que celui qui possède naturellement ou précairement n'a pas les actions en complainte et en dénonciation de nouvel œuvre; il en est de même de celui dont la possession serait fondée sur la violence ou serait restée clandestine.
Quant à la dernière condition, l'annalité de la possession, elle apparaît ici pour la première fois. La loi ne l'a pas exigée pour les deux premiers avantages de 'la possession, à savoir, la présomption simple de propriété et l'acquisition des fruits.
Elle ne suffirait pas pour la prescription acquisi- tive d'un immeuble; elle serait excessive pour celle d'un meuble; elle serait trop rigoureuse aussi pour l'acquisition des fruits; mais la loi la déclare ici, tout à la fois, nécessaire et suffisante pour l'exercice des actions en complainte et en dénonciation de nouvel oeuvre relatives au trouble dont se plaint un possesseur d'immeuble.
Ce délai d'un an, emprunté à la loi française (C. pr. civ., art. 23\ est raisonnable; on pourrait, sans inconvénient, le réduire ou l'augmenter, mais il faut toujours exiger un certain temps de possession: autrement, il pourrait arriver que le défendeur à l'action possessoire invoquât lui-même une possession de la même chose ou du même droit, et l'on serait alors obligé de rechercher, avec beaucoup de difficultés, lequel des deux a la possession la plus ancienne ou la plus longue.
Cette condition d'une possession annale, rapprochée de l'article 217, qui exigera que l'action soit intentée dans l'année du trouble, assure facilement la préférence au plus ancien possesseur, tout en l'obligeant à ne pas laisser s'écouler un temps qui efface le souvenir de sa possession.
Ce n'est que pour les actions possessoires relatives aux immeubles ou à une universalité de meubles que la loi exige une possession annale. A l'égard des meubles, la loi n'exige pas une durée déterminée de possession, parce que si la prescription des meubles, elle- même, ne doit être soumise à aucun délai, il est encore plus impossible d'y soumettre l'exercice de l'action possessoire.
Art. 215. — 323. Dans la dénonciation de dommage imminent, le dommage est à craindre du mauvais état, de la vétusté d'ouvrages ou d'objets immobiliers, et il menace un immeuble possédé par un autre propriétaire ou par un autre possesseur. L'action a encore deux applications particulièrement importantes au Japon où les inondations et les incendies causent de fréquents ravages: le texte les indique suffisamment.
Cette action possessoire, dont il n'y a pas trace dans le Code français (h), a été introduite dans le Projet, par emprunt au Code italien (art. 699). Elle a une origine romaine, mais avec de notables différences.
Chez les Romains, le propriétaire menacé par la ruine d'un bâtiment voisin demandait principalement "la promesse de réparation du dommage imminent" (calltio damni infecti), car s'il avait attendu que le dommage fût effectivement causé, le propriétaire de l'édifice ruiné se serait libéré en abandonnant les matériaux (i).
Si le propriétaire de l'édifice refusait de faire la promesse réclamée, le demandeur obtenait du magistrat l'envoi en possession de. l'édifice: il pouvait alors y faire lui-même les réparations nécessaires ou le démolir; enfin, il en devenait propriétaire après le temps de l'usucapion, si l'indemnité ne lui était promise ou payée auparavant.
Ni la loi italienne, ni le Projet ne vont aussi loin: le demandeur demandera au juge d'ordonner les mesures préventives du dommage ou une caution pour la réparation. Si le danger est tout à fait menaçant, c'est la démolition ou la réparation immédiate des ouvrages - qui sera naturellement ordonnée; si, au contraire, le danger est encore éloigné ou si le voisin annonce l'intention de réparer lui-même, le cautionnement sera suffisant et préférable.
La dénonciation de dommage imminent reçoit une application spéciale en matière de servitudes relatives à l'usage des eaux (v. art. 238).
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(h) L'article 1336 du Code français ne règle que la réparation du dommage causé, mais il n'autorise aucune mesure préventive.
(i) On appelait eet abandon: noxal, -41 abandon de ce qui avait nui" (n;oæa;i id est quod nocuit).
Art. 216. — 324. Ce qui caractérise le cas où il y a lieu à la réintégrande, ce n'est pas seulement la dépos- nession totale ou partielle, car, en pareil cas, la dépossession étant un trouble, et le plus considérable possible, l'action en complainte sarait également recevable (v. n° '320, in f.): c'est le moyen employé pour la dépossession, à savoir, la violence, la menace ou la surprise; le caractère délictueux de ces faits motive une action posses- soire particulière et ces particularités sont mises en relief par le présent article et le suivant.
La loi française est restée muette sur les applications de l'action en réintégrande; aussi y a-t-il, tant dans la doctrine que dans la jurisprudence, un désaccord complet sur ses conditions. On propose ici d'adopter les solutions de la Cour de cassation française, laquelle paraît avoir le mieux compris le but de cette action.
325. Le 1er alinéa nous dit que l'action en réintégrande suppose une dépossession, totale ou partielle, opérée au moyen de l'un des trois faits délictueux déjà signalés. Il nous dit encore que l'action appartient au possesseur des trois sortes de biens déjà énoncées à l'article 213: immeubles, universalité de meubles, meubles particuliers.
Au sujet de ces derniers objets, il y a encore moins à hésiter que pour l'action en complainte; l'objection tirée de la maxime " en fait de meubles, la possession vaut titre", par laquelle on prétendrait rendre l'action possessoire inutile, est encore moins admissible, puisque la réintégrande est donnée au possesseur précaire (v. art. suiv.), lequel ne peut jamais invoquer cette maxime.
Enfin, le 1er alinéa exige que le demandeur en réintégrande n'ait pas lui-même obtenu la possession par un des moyens qu'il impute au défendeur; autrement, il n'y aurait pas de raison pour qu'il lui fût préféré. C'est le cas d'appliquer un axiome célèbre: " dans deux situations semblables, on préfère celle du possesseur actuel" (ii). Mais, pour que les faits délictueux du demandeur le privent de l'action en réintégrande, il faut qu'ils aient été commis contre le défendeur; autrement, celui-ci n'aurait pas le droit de les opposer au demandeur: ce sont des vices relatifs, non absolus, comme on l'a déjà vu sous l'article 196.
326. Le 2e alinéa établit encore une différence profonde entre l'action en réintégrande et les trois premières actions possessoires. On a vu, plus haut (n° 319) que ces trois actions sont vraiment réelles, en ce sens qu'elles se donnent contre tout possesseur, lors même qu'il ne serait pas l'auteur du trouble ou des travaux contestés: il suffit qu'il ait succédé à la possession et qu'il n'ait pas fait cesser le trouble ou les travaux; la réparation seule, l'indemnité du dommage, est demandée à l'auteur direct du trouble. Dans la réintégrande, au contraire, l'action tout entière, aussi bien pour la restitution que pour l'indemnité, a un caractère persoii7iel; comme telle, elle peut bien être exercée contre les successeurs universels, parce qu'ils continuent la personne de leur auteur et succèdent à ses obligations civiles, même à celles nées de faits délictueux; mais, elle ne s'exercerait pas contre un successeur à titre particulier (un acheteur, un donataire), comme tel, puisqu'il ne succède pas à la personne; toutefois, s'il était lui-même complice des actes d'usurpation, il serait sujet à l'action pour ses faits personnels.
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(ii) In pari causa melior est possidentis.
Art. 216 bis. —327. C 'est ici surtout que le Projet adopte les théories de la Cour de cassation française:
1° L'action en réintégrande appartient au possesseur précaire, aussi bien qu'au possesseur civil: le motif qui lui fait accorder l'action en réintégrande est double: d'abord, il a le plus souvent la responsabilité de la garde de la chose; or, comme il ne peut la revendiquer comme sienne, il faut au moins qu'il en puisse recouvrer la possession; ensuite, il peut et souvent il doit agir au nom et pour le compte de celui pour lequel il détient;
2° Elle n'exige pas, même pour les immeubles, une possession annale; c'est encore l'application d'un axiome d'une évidente équité: " le spolié doit être, avant tout, rétabli dans sa situation première " (j); il recouvrera ainsi le rôle de défendeur qui a tant d'avantages contre les demandes téméraires.
Quoique la dénonciation de dommage imminent ne soit pas fondée, comme la réintégrande, sur un fait délictueux, il est naturel que, tendant à prévenir un mal pour les personnes ou pour les biens, elle soit donnée aussi au possesseur précaire et sans que la possession soit annale.
Aucune de ces actions n'est donnée à celui qui n'a qu'une possession naturelle, parce qu'il n'a aucun droit et ne jouit d'aucune présomption de droit.
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(j) Spoliatus ante omnia restituendus.
Art. 217. — 328. On a déjà fait remarquer, sous l'article 214 bÙ:, que le défendeur aux actions posses- soires, pouvant être lui-même, le plus souvent, considéré comme possesseur, le délai de l'exercice des actions possessoires devait, dès lors, être calculé de façon à donner la préférence au plus ancien possesseur. Or, le demandeur en complainte doit avoir possédé un an, au moins, avant le trouble; il devra donc agir aussi dans l'année du trouble; autrement, le défendeur lui serait préférable par la durée de sa possession.
Pour l'action en réintégrande, le principe n'est pas tout à fait observé: il faut toujours, il est vrai, que l'action soit intentée dans l'année; mais, comme il n'est pas nécessaire que la possession du spolié ait duré un an (art. 216 bis), ce n'est pas toujours le plus ancien possesseur qui aura la priorité. Ainsi, le spolié n'avait possédé que pendant trois mois et il exerce son action lorsque le spoliateur a déjà possédé onze mois, il triomphera: cette exception s'explique par la défaveur qui s'attache à l'auteur de la spoliation.
A l'égard de la dénonciation de nouvel œuvre, le principe est suffisamment observé: le demandeur doit avoir la possession annale (v. art. 214 bis) et si l'action peut être intentée même après un an depuis les travaux commencés, c'est à la condition qu'ils n'ont causé de trouble que depuis moins d'un an; en outre, elle devient non recevable, même avant l'année écoulée, si les travaux sont terminés auparavant; mais alors elle laisse subsister l'action en complainte pendant le reste de l'année du trouble.
Pour ce qui concerne la dénonciation de dommage imminent, il est clair que tant que le danger subsiste la cause de l'action renaît, pour ainsi dire, chaque jour: celle-ci ne peut donc cesser qu'avec la réparation des ouvrages ou leur suppression. Si le dommage est une fois consommé par la chûte de l'édifice, l'action posses- soire est éteinte faute d'objet, elle est remplacée par une action personnelle en indemnité.
Art. 218. — 329. Le principe posé et appliqué dans cet article se trouve, en forme d'axiome, dans le Code de procédure civile français (art. 25), en ces termes: " Le possessoire et le pétitoire ne seront jamais cumulés " (jj).
Il semble, au p/emier abord, que rien ne serait plus naturel, pour le juge, que de chercher, dans les titres et autres preuves du fond du droit des parties, la solution demandée sur la préférence respectivement prétendue par elles au sujet de la possession; mais la loi le lui défend, avec raison et pour deux motifs principaux:
1° Dans les actions possessoires, il n'est pas question de savoir si, du côté du demandeur, la possession est juste et légitime, mais si elle existe avec les caractères et la durée requis, ni, du côté du défendeur, si le trouble qu'il a causé ou l'usurpation qu'il a commise sont fondés ou non sur un droit, mais seulement s'il y a eu véritablement trouble ou dépossession; dans le cas de travaux contestés, il suffit de vérifier s'ils peuvent éventuellement causer un trouble et dans les cas de dommage imminent, s'il a les causes et les caractères prévus par la loi. Ce serait donc, de la part du juge, " statuer sur choses non demandées," commettre un excès de 'pouvoir, que d'examiner le fond du droit respectif des parties et d'y puiser les éléments de sa décision;
2° La compétence, en matière d'actions possessoires, tant à cause de la simplicité de la question qu'à raison de la célérité qu'en réclame la solution, est donnée à un juge inférieur et très rapproché des parties: c'est le juge de paix de la situation de l'immeuble dont la possession est litigieuse, quand l'action est réelle, et celui du domicile du défendeur, quand elle est personnelle (v. n° 319) (1c); il ne serait donc pas admissible que le juge pût excéder sa compétence, en se livrant à l'examen du fond, sinon pour le juger, au moins pour le préjuger.
La défense faite au juge, par le Se alinéa, se justifie autrement: si le juge, pour sortir d'embarras, prononçait un sursis et renvoyait les parties se pourvoir au pétitoire, il commettrait un déni de justice, ce que la loi réprouve plus encore qu'un mauvais jugement, par ce qu'un mauvais jugement peut être réformé.
Ajoutons qu'après le jugement du pétitoire, il n'y aurait plus rien à juger au possessoire (art. 221), ce qui bouleverserait toute la théorie.
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(jj) On sait que l'action pétitoira n'est autre que l'action en revelldication: l'expression pétitoire n'est employée que lorsqu'il s'agit de la rapprocher ou de la séparer des actions possessoires (v. art. 37 et 70; nos 67 et 100 à 102).
(k) Au Japon, on vient d adopter, comme en France, la compétence du juge de paix pour les actions possessoires (L. organ. des Trib., art. 14).
Art. 219. — 330. Cet article est la contre-partie du 3° alinéa de l'article précédent: celui-là défendait le sursis au possessoire, celui-ci ordonne le sursis au pétitoire. Mais le motif n'est plus le même; car, tandis que le juge ne peut statuer sur choses non demandées, les parties peuvent, en général, à leurs risques, demander ce qu'elles croient leur appartenir et, en fait, il y a deux demandes pendantes.
La principale raison pour laquelle la loi veut qu'il soit sursis à statuer sur le pétitoire, jusqu'après le jugement définitif sur le possessoire, c'est que le possessoire a toujours un caractère d'urgence: il arrive souvent, en effet, que les contestations sur la possession amènent des injures, des violences ou des rixes; c'est une des matières où les particuliers ont une fâcheuse disposition à se faire justice à eux-mêmes; en outre, les preuves, tant de la possession que des atteintes qu'elle peut recevoir, sont de nature a disparaître avec le temps, plus facilement et plus prompte- ment que celles du fond du droit; il y a donc urgence à examiner et juger le possessoire.
Ajoutons que celui qui triomphera au possessoire sera défendeur à l'action pétitoire, il est donc juste de laisser à chaque partie le moyen d'obtenir son véritable rôle dans la procédure du pétitoire.
La loi suppose que les deux actions peuvent être portées devant le même tribunal; il semble, d'après ce qui a été dit plus haut (n° 329), que l'un d'eux devrait toujours être incompétent; mais cela n'est pas constant: d'abord, si l'action possessoire est déjà portée en appel au tribunal de district, au moment où l'action pétitoire est portée en lro instance à ce même tribunal, il n'y a aucune incompétence; il en est de même, s'il s'agit de meubles et que l'action pétitoire soit portée devant le juge de paix du domicile du défendeur, dans les limites de sa compétence, alors que l'action possessoire y est déjà pendante (1); enfin, lors même que le cumul des deux actions devant le même tribunal constituerait un cas d'incompétence, ce n'est pas l'exception d'incompétence qui devrait être opposée la première, mais celle tirée de notre article et tendant au sursis; elle est, en effet, beaucoup plus facile à juger qu'une question de compétence: il suffit de constater que les deux demandes sont pendantes et d'ajourner l'action pétitoire.
Le 2e alinéa autorise, le défendeur au pétitoire à se porter demandeur au possessoire. Il ne fallait pas que l'auteur du trouble ou de la spoliation pût, en intentant l'action pétitoire, se soustraire à une prompte réparation et priver le possesseur de l'action possessoire.
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(l) Il est vraisemblable que dans les cas où la revendication des meubles ne sera pas empêchée par la maxime " en fait de meubles, la possession vaut titre," elle sera, le plus souvent, de la compétence des juges de paix, sauf appel (v. note 4, ci-après).
Art. 220. — 331. La disposition de cet article est empruntée à l'article 26 du Code français de procédure. Elle paraît un peu sévère. On en donne généralement le motif que celui qui, prétendant pouvoir agir au possessoire, à raison d'un trouble ou d'une spoliation, ne l'a pas fait avant d'agir au pétitoire, a reconnu que sa possession n'avait pas les qualités voulues ou que les faits n'étaient pas assez graves pour l'autoriser à agir au possessoire et qu'il a ainsi renoncé tacitement à cette voie judiciaire.
Quelques auteurs vont jusqu'à décider que la renonciation tacite s'appliquerait même à une action posses- soire déjà intentée par la même partie. Le Projet japonais ne va pas jusque-là: il permet formellement cette partie de continuer à procéder, " de suivre," autant comme demandeur que comme défendeur, sur une action possessoire déjà intentée, et cette disposition concorde parfaitement avec celle de l'article précédent qui veut qu'au cas où les deux actions sont simultanément pendantes, il soit seulement sursis au jugement du pétitoire.
Bien entendu, la demande au pétitoire ne ferait pas perdre le droit d'agir au possessoire pour des faits de trouble ou de spoliation commis contre le demandeur après sa demande: le texte et la raison ne font présumer la renonciation qu'à l'égard de faits antérieurs.
Art. 221. — 33. i bis (3). Si l'action pétitoire a été seule intentée d'abord, celui qui y a succombé, soit comme demandeur, soit comme défendeur, ne peut plus agir au possessoire.
Cette décision de notre article est facile à comprendre: les droits et actions accordés au possesseur sont fondés sur une présomption de propriété ou de droit au fond, laquelle est démentie pour celui qui a succombé dans le jugement sur l'action pétitoire.
Observons seulement que cette déchéance du droit d'agir au possessoire n'a lieu que contre celui qui a succombé " définitivement par conséquent, un jugement sur le pétitoire, encore susceptible d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation, et contre lequel ces voies de recours seraient déjà exercées, ne ferait pas obstacle à l'exercice d'une action possessoire.
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(3) L'ancien article 220 avait deux alinéas: on l'a divisé en deux articles: d'abord, pour mieux séparer deux dispositions distinctes, ensuite, pour combler un vide résultant de la suppression de l'article 225 (voy. n° 236). Dès lors, les art. 221 à 221 deviennent 222 à 225.
Art. 222. — 332. Il est fréquent que les plaideurs aient à se reprocher, respectivement, les mêmes torts ou des torts semblables, et il est naturel, en pareil cas, que chacun puisse prendre le rôle de demandeur pour en obtenir la réparation. Lorsque celui qui a été actionné le premier se porte à son tour demandeur, sa demande est dite reconventionnelle (m).
C'est surtout en matière de possession qu'il est facile de concevoir que les deux adversaires s'imputent réciproquement des torts, des troubles on des voies de fait. Si notre article proclame le droit pour le défendeur au pétitoire de former une demande reconventionnelle au possessoire, c'est pour compléter le jeu assez compliqué de ces diverses actions, et aussi de peur qu'on n'exagère la règle que " le pétitoire et le possessoire ne peuvent être cumulés:" cette règle n'empêche pas, comme on l'a déjà vu (art. 219) que les deux actions soient pendantes simultanément; c'est le jugement simultané ou cumulé qui est défendu; à plus forte raison, peut-il y avoir deux actions possessoires pendantes simultanément et, de plus, dans ce cas, un seul et même jugement pourra les décider.
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(m) Il ne faut pas voir, dans ce mot, l'idée d'une nouvelle convention, mais celle d'une nouvelle action: le défendeur, actionné, réactionne le demandeur: conventus i-eus reconvertit actovem.
Cette singularité de langage vient de ce que le mot latin convenire qui signifie " venir ensemble" ne s'emploie pas seulement pour ceux qui contractent, qui conviennent, mais encore pour ceux qui vont plaider ensemble et qui se rencontrent au tribunal.
Art. 223. — 333. Cet article ne présente pas de difficulté: il consacre ce qui a déjà été annoncé comme étant l'objet des diverses actions possessoires.
On rappelle seulement ici que, dans l'action en réin- tégrande, la restitution de la chose usurpée ne peut être exigée que de l'auteur même de la spoliation ou de ses héritiers, parce qu'elle a pour cause une faute; il en est de même dans les autres actions, pour les dommages-intérêts: sur ces deux chefs, les actions possessoires ont le caractère d'actions personnelles (v. n° 319).
Enfin, on remarquera une double particularité sur la dénonciation de dommage imminent: 1° les mesures préventives du dommage, qui peuvent être des travaux de réconfortation ou une démolition totale ou partielle d'édifices, 2° la caution ou garantie de l'indemnité éventuelle (cautio damni ivfecti).
Art. 224. — 334., La disposition du 1er alinéa ne pouvait faire doute: la question de propriété, ou du fond du droit, n'a pas été soulevée, elle est entière; il a été jugé que le demandeur était possesseur avec les qualités requises pour agir au possessoire et qu'il avait été troublé ou spolié; le défendeur n'a pas été admis à se justifier par des moyens tirés du fond, parce que " le possessoire et le pétitoire ne peuvent être cumulés;" mais il peut maintenant introduire l'action pétitoire: il y sera demandeur, avec toute la charge de la preuve, et, s'il triomphe, son adversaire sera obligé de lui rendre la possession et les fruits perçus depuis la demande; enfin, le débat ne pourra plus être soulevé entre les mêmes parties: il y aura définitivement chose jugée ait fond.
Mais, il y avait à craindre que celui qui a succombé comme défendeur au possessoire ne cherchât à se soustraire, pendant un certain temps, à l'effet des condamnations portées contre lui, surtout à la nécessité de restituer la possession, et qu'il n'intentât, témérairement ou de mauvaise foi, une action pétitoire. La loi prévient ce danger, en exigeant que l'exécution des condamnations ait lieu préalablement, ou qu'il soit donné à cet égard des garanties suffisantes.
Art. 225. — 335. Cet article est la contre-partie de l'article 221.
Le demandeur peut avoir succombé au possessoire, soit parce qu'il n'a pu justifier des faits par lui allégués, soit parce que sa demande a été tardive, soit enfin, parce qu'elle ne remplissait pas les conditions requises par la loi (4). Il est clair que cet insuccès n'empêche pas qu'il puisse avoir la propriété ou tout autre droit qu'il exerçait déjà comme lui appartenant. De même que le défendeur, il n'a pu se prévaloir, dans l'action possessoire, des titres et autres moyens de prouver son droit au fond, lequel reste encore à juger, s'il le requiert. Et, son procès ne pouvant être présumé téméraire, comme celui du défendeur prévu à l'article précédent, puisqu'il n'a rien à restituer, il n'est même pas obligé d'acquitter préalablement les frais du premier procès auxquels il a pu être condamné.
336. Il était vraisemblable, comme on l'a déjà observé, qu'on admettrait au Japon la compétence des juges de paix pour les actions possessoires, par les mêmes raisons qu'en France: 1° parce que le jugement de ces actions requiert célérité; 2° parce qu'il y a souvent lieu de faire des visites de lieux, lesquelles seraient coûteuses, s'il fallait en charger les juges du district; 3° parce que ces actions n'ont, en quelque sorte, qu'un caractère provisoire, pouvant toujours être suivies d'une demande au pétitoire sur laquelle les droits respectifs des parties pourront être jugés, au fond, tout différemment.
Quoi qu'il en soit, la question était réservée: ce n'était pas au Code civil qu'elle devait être tranchée.
Les autres règles de procédure, également réservées, étaient celles relatives aux enquêtes, aux visites de lieux, aux expertises, etc.
Ces lacunes viennent d'être comblées: la loi organique des Cours et Tribunaux donne la compétence aux juges de paix pour le jugement des actions possessoires et le Code de Procédure civile en règle la procédure: on l'a déjà annoncé à l'article 37 (5).
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(4) L'ancien article 224 indiquait les causes qui avaient pu faire succomber le demandeur au possessoire: le défaut de justification des faits allégués, la non recevabilité de la demande comme tardive ou ne remplissant pas les conditions requises. La Commission a demandé, avec raison, que ces causes fussent réservées au Commentaire.
(5) La Loi organique des Tribunaux est de la présente année 1890 (XXIIIe de Meiji); Le Code de Procédure vient également d'être promulgué (v. n° 67, note 3).
L'ancien article 225 portait ce double renvoi, mais il a été transporté à l'article 37 où déjà il est question des actions possessoires et même des actions pétitoires, au sujet desquelles il y avait lieu de réserver également la compétence des tribunaux et les formes de procéder.
SOMMAIRE.
Art. 226. — N° 337. Pourquoi les causes de perte de la possession sont moins nombreuses que celles de perte de la p ropriété. —338.. 1re cause. -339. 26 cause. —340. 38 cnuse. -341. 46 cause.
COMMENTAIRE.
Art. 226. — 337. Il semblerait qu'on dût retrouver ici tout ou la plus grairle partie des sept causes qui font perdre le droit de propriété (voy. art. 44). Cependant, il n'y a guère que les 2° et 4° cas qui soient communs aux deux droits (voy. art. 44, 5e et 6e al.); cela tient à la grande influence, dans la possession, du fait de la détention, lequel est indifférent dans la propriété qui est un par droit.
On reprendra séparément chacune des causes qui font perdre la possession; mais elles ne présentent guère de difficultés, après les développements qui précèdent.
338. -1er al. L'intention de posséder étant un des deux éléments du droit de possession, il est naturel que le droit cesse avec cette intention.
Comme il y a deux sortes de possessions caractérisées par l'intention, l'une civile, l'autre précaire; comme la différence entre elles tient à ce que, dans la première, on possède pour soi, et dans l'autre, pour autrui, dès lors, le texte, pour embrasser les deux sortes de possessions, suppose que, dans chacun de c s deux 0as, le possesseur a cessé d'avoir l'intention qui constituait et caractérisait sa possession (a).
Ainsi, celui qui possédait pour lui-même et avait la possession civile a commencé à posséder pour autrui: il a perdu la possession civile et n'a plus qu'une possession précaire; ainsi encore, celui qui possédait pour autrui et avait la possession précaire a cessé d'avoir l'intention de posséder pour aucune personne: il n'a plus la possession précaire; il conserve une possession purement naturelle; car il ne se rencontre plus en sa personne qu'un par fait matériel, la détention de la chose.
On n'a pas à revenir ici sur le cas inverse du premier, celui où le possesseur précaire aurait désormais l'intention de posséder pour lui-même: en pareil cas, son changement d'intention serait rarement valable; il resterait légalement possesseur précaire, et si, par exception, le changement d'intention était admis, il y aurait moins perte de la possession précaire qu'acquisition de la possession civile (voy. art. 197).
339. —2e al. Si le possesseur, sans cesser d'avoir l'intention de posséder, cesse de détenir la chose ou d'exercer le droit, c'est le deuxième élément de la possession, l'élément de fait, qui lui manque; son intention est insuffisante pour lui faire retenir la possession.
Toutefois, la loi exige, pour cela, que la cessation du fait soit volontaire, ou, si elle est forcée, qu'elle le soit légalement; comme serait l'exécution d'un jugement rendu au possessoire, sur une action en réinté- grande, ou au pétitoire, sur une action en revendication ou en résolution de contrat; telle serait encore l'exécution d'un jugement de confiscation.
Ces cas correspondent à quelques-uns de ceux où, d'après l'article 4.4, la propriété elle-même se perd; mais il y a cette différence que la propriété, étant un par droit, se perd par le jugement même qui prononce la résolution ou la confiscation; tandis que la possession, à cause de son élément de fait, ne se perd que par l'exécution effective du jugement.
Si la cessation de la détention n'était ni volontaire, ni légalement forcée, mais résultait d'une force majeure, comme d'une inondation prolongée, la possession ne serait pas perdue; il en serait de même s'il s'agissait de terrains inaccessibles pendant une partie de l'année (b); on peut encore ajouter le cas où un objet mobilier est égaré dans une maison et où l'on ne peut pas dire qu'il soit encore possédé en fait, sans qu'on puisse dire non plus que la possession en soit perdue.
Dans tous ces cas, on dit que " la possession se conserve par la seule intention " (c).
340. -3e al. Le texte du précédent alinéa, en exigeant que la cessation forcée de la détention soit légale, a pour but d'exclure le cas de dépossession illégale, par violence ou par surprise, cas auquel le spolié a la réintégrande et n'a pas perdu la possession, tant qu'il n'a pas perdu cette action par le laps d'un an. C'est à cette occasion que s'est introduit l'axiome de droit que " celui qui a une action pour recouvrer une " chose est considéré comme ayant encore la chose elle- " même " (d).
Ici la dépossession peut être illégale, mais elle a duré plus d'une année et c'est cette circonstance qui dépouille le possesseur.
Dans le cas où le possesseur spolié ou privé de la possession par le fait d'un tiers, même de bonne foi, néglige d'intenter, dans l'année, l'action en réinté- grande ou l'action en complainte, on pourrait dire que, le plus souvent, il y a abandon volontaire de la possession; mais il est préférable de séparer ce cas du précédent;,en effet, lors même que l'inaction du possesseur dépouillé tiendrait à son absence, ou à son ignorance de la dépossession, il n'en perdrait pas moins son droit, comme il arrive d'ailleurs dans les autres cas où les droits se perdent par prescription.
341. -4e al. Il va de soi que la possession ne peut survivre, ni comme fait, ni comme droit, à la destruction totale de la chose: l'intention de la posséder n'aurait plus d'objet.
La loi prévoit aussi la perte de la chose, qui ne se confond pas toujours avec sa destruction; ainsi, si une çhose privée passe dans le domaine public, la possession cesse, au moins la possession civile (art. 192); ainsi encore, si un animal sauvage s'échappe et n'a pu être ressaisi, avant d'être occupé par un tiers de bonne foi, la possession est perdue.
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(a) On ne mentionne pas ici la possession naturelle qui, n'impliquant aucune intention déterminée, n'est qu'un par fait et ne peut se perdre par une cessation d'Intention: elle rentrera, au contraire, dans le 26 alinéa.
(b) Cette distinction des lieux inaccessibles en hiver est très fréquente dans les textes du droit romain où on les nomme saltus Tiiberni. Elle ne sera pas moins utile au Japon, à cause de ses montagnes longtemps couvertes de neige.
(c) Possessio solo animo retinetur.
(d) Qui actionem habet ad rem recuperendam rem ipsam habere censetur.
SOMMAIRE.
Art. 227. — N° 342. Sens du mot français servitude: deux grandes classes de servitudes: réelles (dites aussi pré- diales ou foncières) et personnelles. —343. Sens particulier ici de la qualification de "réelles et personnelles:" il est tiré du sujet actif du droit et non de son sujet passif -344. Deux caractères essentiels pour l'existence d'une servitude réelle ou foncière: utilité pour le fonds dominant, différents propriétaires des deux fonds. -345. La contiguïté des fonds et la perpétuité de la servitude sont naturelles à la servitude, mais non essentielles. —346. Les servitudes n'ont que deux causes: la loi et le fait de l'homme; pourquoi le Projet ne reconnaît pas de servitudes naturelles. —347. Objection à l'admission de servitudes légales. —348. Motifs de les admettre. -349. Subdivisions, nécessairement différentes, des deux Sections.
COMMENTAIRE.
Art. 227. — 342. Le nom de servitudes, employé pour désigner certains démembrements de la propriété, remonte au droit romain (a); il exprime l'idée qu'une chose est affectée, d'une façon dépendante, à l'usage et au service d'un autre que le propriétaire de cette chose. Le droit de propriété lui-même assujettit pleinement la chose au propriétaire; mais le nom même de propriété l'indiquant suffisamment, le nom de servitude ne s'emploie pour aucun des services que le propriétaire tire de sa propre chose (b).
Les servitudes dont il va être parlé sont appelées préciiales (de prœdium, fonds) ou foncières et, souvent, réelles, par opposition à l'usufruit, à l'usage et à l'habitation qu'on appelle quelquefois servitudes personnelles.
343. Ces noms demandent quelque attention, car ils pourraient causer de la confusion, et si on les conserve ici, c'est parce qu'ils sont consacrés en Europe, par un long usage.
La qualification de réelles n'a pas ici pour but de dire que les servitudes sont des droits réels; car l'usufruit, l'usage et l'habitation sont aussi des droits réels. La qualification de prêdiales ou foncières n'est pas non plus employée pour exprimer que ces servitudes portent toujours sur des fonds, car l'habitation aussi porte toujours sur un bâtiment, et si l'usufruit et l'usage ne portent pas toujours sur un fonds, ils peuvent aussi porter et, en fait, i!s portent, le plus souvent, sur cette nature de biens.
Ici, les qualifications de réelles ou foncières, appliquées aux servitudes, expriment l'idée qu'elles appartiennent à une chose, à itn fonds, par opposition à l'usufruit, à l'usage et à l'habitation qui appartiennent toujours à une personne déterminée et s'éteignent avec elle, sans se transmettre à son héritier, même au plus proche (c).
Il y a, au premier abord, quelque chose de bizarre à dire qu'un droit "appartient à une chose: " les choses sont les objets du droit et n'en peuvent être les sujets; elles subissent un droit, mais ne peuvent l'exercer-, leur rôle est toujours passif, jamais actif, et, en réalité, les servitudes foncières appartiennent au propriétaire du fonds en faveur duquel la servitude est établie; mais, comme ce propriétaire peut changer, par cession ou par héritage, et comme le droit de servitude n'en subit aucune atteinte et passe intact au nouveau propriétaire, en cette qualité, on est amené à dire, par figure de langage, que le droit de servitude appartient plutôt au fonds qu'à la personne du propriétaire. En outre, si l'on considère que les servitudes ont pour but l'amélioration des fonds, leur utilité, leur plus-value, et non le seul agrément des personnes, il n'y a rien d'exagéré à dire que les servitudes foncières "appartiennent aux fonds," et même, en suivant jusqu'au bout la figure de langage, on appelle fonds dominant celui en faveur duquel la servitude est établie, et fonds servant celui qui la subit, celui sur lequel elle s'exerce.
Ces observations préliminaires servent d'explication au lor alinéa de notre article 227 qui donne la définition des servitudes foncières.
344. Il suffit maintenant d'en faire ressortir les deux caractères distinctifs.
1° La servitude doit avoir pour but de donner plus d'utilité au fonds dominant. Par utilité, on doit entendre tout ce qui en favorise l'usage, en facilite l'exploitation et, d'une manière générale, en augmente la valeur; ce qui comprend même certains agréments, lorsqu'étant de nature à convenir à toute personne et non au seul propriétaire actuel, ils donneront plus de valeur au fonds.
On aura à revenir, plus loin, avec l'article 286, sur les distinctions à faire au sujet des agréments purement personnels qui ne pourraient être établis à titre de servitude foncière.
Le présent article exige que la servitude procure de l' utilité au fonds dominant; c'est le principe essentiel.
L'établissement des servitudes a un grand avantage économique. Généralement, le profit qu'elles procurent au fonds dominant est bien supérieur au préjudice qu'elles causent au fonds servant; cependant, s'il en était autrement, la servitude n'en serait pas moins valable, car les propriétaires auraient usé de leur liberté respective et, d'ailleurs, il serait, sans doute, intervenu quelque compensation, en argent ou autrement.
2° Il est nécessaire que les deux fonds, servant et dominant, appartiennent à différents propriétaires: si le propriétaire de deux fonds tirait de l'un des avantages dans l'intérêt de l'autre, ce serait l'exercice du droit de propriété, il n'y aurait pas servitude (d); cet état de chose dépendrait uniquement de la volonté du ~ propriétaire, quant à son étendue et quant à sa durée: la loi n'aurait pas à s'en occuper. Ce principe a des conséquences variées que l'on rencontrera ultérieurement.
345. Généralement, les servitudes sont établies entre fonds contigus ou, tout au moins, voisins: mais, cette condition n'étant pas absolument nécessaire, en raison, la loi ne l'exige pas; ainsi, rien n'empêcherait qu'un droit de passage ou une prise d'eau fussent établis à la charge d'un fonds, au profit d'un fonds éloigné, lorsque la communication entre les deux fonds pourrait se faire par la voie publique, par un cours d'eau, ou par des fonds intermédiaires.
La loi n'exige pas non plus que les servitudes aient un caractère perpétuel, pour les fonds de terre, ni même, s'il s'agit de bâtiments, qu'elles soient aussi durables que ceux-ci; cette condition de perpétuité était exigée dans le droit romain, sans qu'on en ait donné une raison bien satisfaisante; elle a été abandonnée dans les législations modernes et il n'y a aucune raison de l'exiger au Japon.
346. Le 2e alinéa de notre premier article indique les causes d'établissement des servitudes; il n'en reconnaît que deux: la loi et le fait ou la volonté de l' homme.
En cela, le Projet s'écarte du Code français qui admet, en outre, des servitudes naturelles ou résultant de la situation des lieux (art. 640 et suiv.). Mais, sous ce titre de servitudes naturelles, ce Code place à tort (et par inadvertance sans doute) des servitudes légales et des servitudes provenant du fait de l'homme; en réalité, il ne contient qu'une seule servitude qui paraisse due à la nature, avant d'être reconnue par la loi.
Ce ne serait pas, cependant, une raison pour négliger un droit qui viendrait de la nature avant d'être consacré par la loi; mais, si l'on veut examiner les choses de plus haut, on reconnaîtra que tous les droits sont naturels avant d'être consacrés par la loi, surtout dans les pays où la loi se garde d'être arbitraire et tyrannique; tcutes les servitudes dites légales seraient donc, avant tout, naturelles; il est préférable de nommer légales toutes celles que la loi consacre, sans l'intervention des particuliers. D'ailleurs, mênie dans les servitudes que la nature semble imposer davantage au législateur, il y a toujours lieu de régler l'exercice du droit, d'en déterminer l'étendue et les limites; or, si les intéressés n'y pourvoient pas eux-mêmes, la loi seule le peut, et elle le doit, si elle ne veut pas laisser aux tribunaux un trop grand pouvoir, lorsque les contestations se présenteront.
En n'admettant que deux causes d'établissement des - servitudes, la loi et le fait de l'homme, le Projet se trouve d'accord avec le nouveau Code civil italien (art. 532).
347. Ce n'est pas, cependant, sans avoir beaucoup hésité que l'auteur du Projet s'est décidé à reconnaître des servitudes légales, bien qu'on trouve cette idée dans la plupart des législations modernes.
Depuis longtemps, il est admis en doctrine que les dispositions classées sous le nom de servitudes légales ne sont pas de véritables servitudes, qu'elles constituent plutôt le droit commun de la propriété, tandis que les servitudes proprement dites ne peuvent être que des charges exceptionnelles.
En effet, parmi les servitudes dites légalBs,'on trouve des limites à l'exercice du droit de propriété qui n'est pas et ne peut être absolu, des restrictions à la liberté,du propriétaire, établies dans le but de l'empêcher de nuire à ses voisins; comme la défense d'envoyer ses eaux ménagères ou industrielles sur le fonds voisin, ou " même d'y, faire tomber l'égoftt de ses toits; comme aussi celle de faire certains actes abusifs à l'égard du mur ou du fossé mitoyen. Or, il est difficile de considérer ces défenses comme des " charges établies sur un fond pour l'utilité d'un autre fonds on ne peut non plus, dans ces cas, parler de fonds dominant ni de fonds servant; car, chacun des fonds a, tout à la fois, les deux qualités vis-à-vis de l'autre, puisque les deux propriétaires peuvent se prévaloir des mêmes droits respectivement.
D'autres dispositions légales ont davantage le caractère de charges, comme celle de fournir au voisin enclavé un passage qui lui donne accès à la voie publique; comme aussi l'obligation, pour les voisins, de contribuer également aux frais du bornage de leurs propriétés contiguës et même de la clôture, en certains cas.
Mais, on peut dire que la première seule de ces charges est établie pour l'utilité de l'un des fonds, car, les deux dernières le sont dans l'intérêt réciproque des voisins.
348. Ces considérations, si sérieuses qu'elles soient, n'ont cependant pas suffi pour déterminer l'auteur du Projet à rejeter la classification ordinaire.
Plusieurs motifs s'y opposaient.
D'abord, il est toujours gênant de s'écarter des traditions universellement reçues, car on prive la jurisprudence du bénéfice des travaux antérieurs.
Ensuite, il y a, entre voisins, des obligations légales qu'il est bien difficile de ne pas qualifier de servitudes; telle est celle de fournir le passage des personnes en cas d'enclave, celle de subir le passage des eaux pour l'irrigation, ou leur écoulement pour le drainage (e), et plusieurs autres relatives aux eaux; sans compter les nombreuses charges imposées aux propriétaires, dans l'intérêt général, par les lois administratives.
Enfin, si l'on voulait suivre une classification théorique rigoureusement exacte, on serait amené, comme l'ont été certains auteurs français et allemands, à répartir, dans trois ou quatre différentes places, des matières que tout le monde est accoutumé à chercher et à trouver sous la rubrique consacrée des Servitudes.
Ainsi, on aurait:
1° Des modifications au droit de propriété, comprenant la mitoyenneté, comme variété de la copropriété;
2° Des restrictions au droit de propriété, comprenant - des défenses relatives aux actes nuisibles entre voisins;
3° Des obligations entre voisins, comme celles relatives au bornage et à la clôture;
4° De véritables servitudes légales (car on ne peut les exclure entièrement), et, sous ce titre, on trouverait, outre les servitudes d'utilité publique, celles relatives au passage en cas d'enclave et à l'écoulement des eaux, tant naturelles qu'artificielles.
Il faut souvent, en matière de législation, sacrifier la théorie pure à l'utilité pratique. Il y a longtemps qu'un législateur romain, l'empereur Justinien, a proclamé que "la simplicité est amie des lois." C'est une vérité encore aujourd'hui et au Japon comme partout ailleurs.
On aura donc, dans cette matière, deux Sections: l'une, pour les diverses modifications de la propriété nommées, improprement quelquefois, servitudes légales, fautre, pour les véritables servitudes, pour celles qui, créées par la volonté de l'homme, constituent un asservissement exceptionnel d'un fonds à un autre.
349. Les deux Sections ne pourront être subdivisées de la même manière; tandis que la seconde présentera nos subdivisions habituelles (1° les diverses espèces du - même droit, 2° les causes ou moyens d'établissement du droit, 3° les effets du droit, 4° les causes d'extinction du droit), la première ne présentera d'autre subdivision que celle tirée des cas- particuliers constituant les diverses espèces de servitudes dites "légales." En effet, il ne peut être question de tirer une subdivision. des causes, puisque- ces servitudes ont toutes la même cause, à savoir, la loi; quant aux effets et à l' extinction de chacune de ces. servitudes, ils varient, plus ou moins, avec chaque espèce de servitude et ils constituent précisément la matière principale de chaque paragraphe.
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(a) Servitude, vient du latin servire, " être asservi, assujetti, dépendant; " d'où servitus: " dépendance."
(b) Les Romains exprimaient ainsi cette idée: nemini res sua servit, " personne n'a un droit de servitude sur sa propre chose."
(c) Les expressions du droit Romain rendaient la même idée, non sans quelque équivoque aussi: servitutes prœdiorum, servitutes personarum, " servitudes de fonds, servitudes de personnes." Le mot servitudes était alors pris activement, dans le sens de droits de servitude.
(d) Nemini res rua serpii (voy. note b).
(e) Le drainage est le contraire de Yirrigation: il consiste à faire écouler les eaux surabondantes des terrains marécageux.
SOMMAIRE.
Art. 228. — N° 350. Ancien usage français du tour cl'échelle; sa disparition dans le Code français sans remplacement; ses inconvénients corrigés, dans le Projet, par le droit d'accès.
229. —351. Epoque et lieux de l'exercice du droit d'accès.
230. -352. Indemnité due au fonds servant.
231. —353. Droit de passage au cas d'enclave: sa nécessité économique. -354. Cas assimilés par la loi à l'enclave. -355. Enclave momentanée ou résultant du. fait de l'administration.
232. —356. Nature et largeur du passage à fournir: distinction. —356 bis. Ligne du passage: pouvoirs des tribunaux.
233. -357. Frais de premier établissement et d'entretien du passage. —357 bis. Indemnité unique pour dommages aux bâtiments et aux arbres. -358. Indemnité annuelle pour dommages permanents et dépréciation du fonds.
234. —359. Cessation de l'enclave et du passage. —359 bis.
235. —360. Règlement de l'indemnité en capital par les parties. —360 bis. Rachat de l'annuité en vertu de la convention. —360 ter. Défaut de payement de l'annuité: consignation. -360 quater. Restitution du capital, au cas de cessation de l'enclave, sauf par confusion.
236. —361. Cas où le passage est du. sans indemnité.
COMMENTAIRE.
Art. 228. — 350. C'est assurément un des droits les plus certains du propriétaire que celui de refuser à autrui l'accès ou l'entrée chez lui; cependant, ce droit même doit céder devant un autre droit plus respectable encore: celui qui demande l'entrée chez son voisin pour des travaux de construction ou de réparation, à faire sur la limite ou à proximité de la limite des fonds, est mû par un intérêt pécuniaire légitime et souvent considérable, celui qui la refuse ne cherche souvent qu'une satisfaction de pure convenance personnelle, si même il ne cède à un mauvais vouloir.
Il ne faudrait même pas croire qu'il n'y a ici que deux intérêts privés en présence. Si cela était, il ne serait pas facile de faire prévaloir l'intérêt de l'un sur les convenances de l'autre. Mais, il faut voir ici un intérêt général, un intérêt économique.
Si la loi n'autorisait pas l'accès sur la propriété d'autrui pour la réparation des bâtiments, chaque pro.priétaire serait obligé de construire ses bâtiments et même ses murs en-deçà de la ligne séparative, ce qui produirait une perte de terrain. C'est ce qui avait lieu autrefois, en France, où, au lieu de la servitude ici établie par la loi, il en existait. une inverse: le constructeur d'un bâtiment devait ménager entre sa construction et la ligne séparative un espace libre, dit tour d'échelle. On en a reconnu les graves inconvénients, surtout dans les villes où le terrain a toujours une grande valeur. Cette obligation a d'abord été supprimée dans les villes, où elle a été remplacée par les droits et obligations relatifs à la mitoyenneté, et le Code civil français ne l'a même pas maintenue pourles campagnes.
On ne trouve pas cependant dans le Code français de dispositions formelles sur le droit d'accès ici réglé; mais, le principe n'en est pas contesté. C'est un de ces cas, encore nombreux, où l'insuffisance de la loi positive est suppléée par les tribunaux en vertu du droit naturel.
Le Code italien consacre le droit d'accès (art. 592).
Au Japon, un usage ancien, qui tendrait à disparaître, est aussi de ménager entre les bâtiments un espace convenable pour les réparations. Mais comme les bâtiments qui se trouvent indûment sur la limite des propriétés ne doivent pas être démolis pour ce seul fait, le droit d'accès sera toujours éventuellement utile (1).
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(1) Nous avions proposé de le faire disparaître, mais la Commission n'y a pas consenti et nous avons dû ajouter un article en ce sens (v. art. 277 bis).
Art. 229. — 351. Bien qu'il s'agisse ici d'un double intérêt économique, l'épargne des terrains et la conservation des bâtiments, il ne faudrait pas non plus sacrifier un autre intérêt économique, la conservation des récoltes. La loi pose donc en principe que les travaux ne pourront se faire à l'époque où les récoltes, déjà plus ou moins proches de la maturité, pourraient en être compromises. Mais, la prohibition fléchit devant l'urgence ou la nécessité absolue, justement parce que l'intérêt des bâtiments est, en général, plus grand que celui des récoltes: les bâtiments réparés en temps utile peuvent durer longtemps; leur perte, au contraire, est irrémédiable et peut être considérable; tandis qu'une récolte perdue ne l'est que pour une année et souvent pour une portion minime.
La loi interdit encore les travaux, sauf toujours le cas de nécessité, lorsque le propriétaire voisin ou le possesseur est absent. Il est juste qu'une atteinte à ses immunités, même autorisée par la lui, n'ait lieu que sous son contrôle et sous sa surveillance: les parents ou les serviteurs pourraient être mauvais gardiens de ses intérêts. Mais encore faut-il, pour retarder les travaux, que le voisin ne soit que "momentanément" absent; car si son absence était déjà ancienne ou devait durer encore longtemps, le propriétaire n'en devrait pas souffrir indéfiniment; d'ailleurs, l'absent a pu et presque dû laisser un mandataire pour surveiller sa propriété.
La loi revient, dans le 28 alinéa, au respect des convenances du voisin, en interdisant que les travaux puissent motiver l'accès ou l'entrée dans les bâtiments consacrés à l'habitation; ce qui doit s'entendre même de l'habitation de la famille et des serviteurs, et des accessoires immédiats et nécessaires desdits bêtiments.
Il ne paraît pas nécessaire de justifier cette sage disposition.
Si les travaux ne demandaient l'accès qu'à des bâtiments consacrés à l'industrie ou au commerce, ou à des magasins, la prohibition cesserait.
Art. 230. — 352. Bien que l'obligation de fournir l'accès soit imposée au voisin par la loi et soit tout à fait conforme au droit naturel, ce n'est pas une raison pour lui refuser une indemnité: il n'en est pas moins vrai qu'il éprouve un dommage du fait d'autrui, en même temps que ce fait est avantageux à celui qui l'accomplit.
Lorsque le dommage n'aura été qu'un trouble dans les convenances personnelles, résultant des allées et venues des ouvriers et de la nécessité d'une certaine surveillance, l'indemnité sera naturellement légère et, le plus souvent, elle ne sera même pas demandée, par l'effet des bons rapports de voisinage; il en serait autrement, s'il y a eu dégradation des jardins ou des champs ou si les travaux ont été très longs, comme ceux de la construction d'un koura ou godown (v. n° 129, note e et n° 418).
Du reste, le payement d'une indemnité ne dispenserait pas l'auteur des travaux d'enlever les débris de matériaux et d'approprier les lieux, en les rétablissant, autant que possible, dans l'état où ils étaient auparavant.
Les contestations sur le droit d'accès seront de la compétence des tribunaux civils et, probablement, des juges de paix.
Art. 231. — 353. Cette servitude connue sous le nom de " droit de passage en cas d'enclave " (a), est, plus encore que la précédente, fondée sur un grand intérêt économique.
Si un fonds n'avait pas d'accès à la voie publique, il ne pourrait être, ni habité par les personnes, ni exploité en culture ou autrement; ce serait une propriété perdue pour tout le monde. Il faut donc faire fléchir l'intérêt des voisins devant l'intérêt général, en même temps que devant l'intérêt supérieur du propriétaire enclavé.
Il ne faudrait pas, cependant, considérer cette servitude comme " dérivant de la situation naturelle des lieux car, si elle est devenue nécessaire, ce n'est que par l'imprévoyance des propriétaires antérieurs, dans des opérations de partage ou de cession. Aussi, les législations qui, comme celle de France, admettent des servitudes naturelles, n'y font-elles pas rentrer celle qu va nous occuper: elle figure, comme ici, parmi les sorvitudes légales; la loi, en effet, intervient pour corriger la faute de l'homme.
Par cela même que la cause de la servitude n'est pas purement naturelle, le passage ne pourra être obtenu que moyennant une indemnité, sur laquelle revient l'article 233 et sauf une exception portée par l'article 236.
354. La loi tranche, au 2e alinéa, une question qui pourrait faire difficulté et qui reste indécise dans le Code français, à savoir, si un fonds peut être considéré comme enclavé quand il n'a de communication qu'avec un cours d'eau, même public; sans doute, dans le langage du droit, un fleuve, une rivière, un canal public, sont des voies 'publiques et ces " voies mobiles" communiquent, de distances en distances, à des voies terrestres; mais, on ne peut méconnaître qu'elles sont d'un accès souvent difficile et même quelquefois dangereux; un fonds de quelque importance qui n'aurait pas d'autre communication avec le dehors, serait, presque toujours, difficile à exploiter et d'une habitation très incommode. Cela est encore plus évident, si le fonds ne communique qu'avec la mer qui n'est pas accessible à toute heure, par le mouvement du flux et du reflux, et qui souvent est bouleversée pendant plusieurs jours.
Toutefois, il peut y avoir tant de variétés dans les dispositions locales que la loi a laissé un pouvoir d'appréciation aux tribunaux: ils " pourront," sans encourir la cassation, déclarer, suivant les circonstances, qu'un fonds contigu à un cours d'eau est enclavé ou ne l'est pas.
La solution est la même et devrait encore plus être laissée à l'appréciation des tribunaux, lorsque le fonds prétendu enclavé est supérieur ou inférieur à la voie publique: il est clair que, dans bien des cas, une communication qui n'aurait lieu que par de hauts escaliers serait bien défavorable à l'exploitation d'un fonds; mais il ne faudra considérer l'inégalité des niveaux comme constituant une enclave que si elle est " notable " et, en outre, il faudra tenir compte de la nature et du mode d'exploitation des propriétés: une maison d'habitation ne serait pas considérée comme enclavée par une différence de niveaux là où le serait une manufacture ou un fonds mis en culture.
Au surplus, comme le passage sur les fonds voisins sera toujours plus ou moins onéreux pour celui qui le requiert, il n'y a guère à craindre qu'il le réclame sans nécessité, lorsqu'il a déjà une communication avec un cours d'eau, avec la mer, ou avec une voie publique se trouvant en contre-bas ou en contre-haut de sa propriété.
355. La loi n'a pas cru devoir s'occuper du cas où les communications directes d'un fonds avec la voie publique se trouveraient momentanément interrompues par quelque accident, comme un éboulement, une inondation, ou des travaux publics. En pareil cas, si les communications ne pouvaient se faire qu'à travers des fonds voisins, les propriétaires de ces fonds devraient s'y prêter, et sans indemnité. C'est à la police locale qu'il appartiendrait de résoudre les difficultés nées de ces circonstances.
Il peut enfin se produire une enclave véritable et permanente par la suppression d'une voie publique, ou par son déplacement, au moyen d'un redressement ou autre opération de voirie. Dans ce cas, si l'administration, n'a pu fournir aux fonds précédemment riverains de la voie publique une communication avec la nouvelle voie, celle-ci sera demandée aux fonds voisins; généralement, ce sera l'administration qui fera la demande et fera reconnaître et exécuter la servitude légale.
Dans tous les cas, l'indemnité sera à la charge de l'administration.
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(a) Enclave, vient du latin in, " dans, sous," et clavis, " clef: " le fonds enclavé est en quelque sorte sous clef.
Art. 232. — 356. Le but de la loi ne serait pas complètement atteint et même ne le serait que très imparfaitement si le passage n'était accordé qu'aux personnes. Lors même que le fonds enclavé ne serait qu'une maison d'habitation, il faudrait, presque toujours, accorder le passage des véhicules, soit pour les personnes, soit pour les provisions. Il en est ainsi, à plus forte raison, pour un fonds qui serait l'objet d'une exploitation agricole, industrielle ou commerciale.
Il n'y aurait même pas à distinguer, comme on a prétendu le faire, en France, entre le cas où, soit les bâtiments d'habitation, soit l'exploitation, seraient antérieurs à l'enclave et celui où ils y seraient postérieurs: il y a toujours le même intérêt économique.
Si le fonds enclavé n'a pas d'habitation et que les travaux d'exploitation n'aient lieu qu'à certaines époques de l'année, comme la plupart des travaux des champs, ou comme ceux relatifs à un bois, le passage ne devrait, en règle, être exercé qu'à ces époques; toutefois, le droit de surveillance appartenant au propriétaire du fonds enclavé devrait être respecté, pourvu qu'il n'y eût pas, de sa part, abus et vexation.
356 bis. Il arrivera le plus souvent, sans doute, que les parties se mettront d'accord sur la fixation de la ligne du passage et sur le montant de l'indemnité: leur intérêt bien compris sera toujours d'éviter les lenteurs et les frais d'une expertise judiciaire. Mais, la loi a dû prévoir le cas de désaccord. Elle indique alors au tribunal le double but qu'il doit poursuivre: la plus grande commodité possible pour le fonds enclavé et le moindre dommage pour le fonds traversé.
La loi ne dit pas, comme le Code français (art. G83) (b), que le passage sera pris par la ligne la plus directe, c'est-à-dire la plus courte, car, elle pourrait être aussi la plus incommode, par l'effet d'une pente trop rapide, ou par un terrain inondé ou encombré de roches; la ligne la plus courte pourrait aussi être la plus dommageable au fonds servant, car, il pourrait être nécessaire de supprimer des plantations ou de détruire des cultures importantes.
Il faudra chercher la meilleure conciliation des deux intérêts, et si les parties n'ont pu tomber d'accord, ce sera, le plus souvent, par l'effet du mauvais vouloir du propriétaire du fonds servant. Il sera facile au tribunal local, au moyen d'une visite des lieux, ou par la nomination d'un expert, de répondre au vœu de la loi.
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(b) Depuis la lre édition de ce Projet, imprimée en 1880, les articles 682 à 6S5 du Code français ont été un peu élargis par une loi du 20 août 1881 qui contient une partie du nouveau Code rural; mais la loi nouvelle nous semble encore beaucoup moins complète que le présent Projet.
Art. 233. — 357. Quoique le passage ne soit accordé que contre une indemnité à payer par le propriétaire qui se prévaut de la servitude, cela ne dispense pas celui-ci de faire les frais de premier établissement du passage, tels que nivellement, terrassement, empierrement, et, plus tard, de supporter les frais d'entretien. Le propriétaire du fonds enclavé fera d'ailleurs autant ou aussi peu de travaux qu'il jugera à propos; de cette façon, on évite des contestations qui pourraient gâter tout à fait les rapports de bon voisinage.
357 bis. Le propriétaire peut être admis à prétendre à une première indemnité, une fois payée, pour les dommages qui seraient causés aux constructions ou plantations d'ari,i,es, par l'établissement du passage. La loi ne parle que "d'arbres;" si le dommage était causé seulement à des plantes ou arbustes l'indemnité s'en confondrait avec la suivante.
358. Les servitudes sont perpétuelles en principe, comme les fonds auxquels elles sont attachées activement et passivement. Cependant, cette perpétuité n'est pas de leur essence, c'est-à-dire, n'en est pas inséparable: elle n'est que de leur nature, c'est-à-dire qu'elle a lieu de droit, s'il n'y est pas dérogé, soit par la loi, soit par le fait de l'homme. On a déjà fait remarquer, sous l'article 227, que la perpétuité ne ligure pas dans la définition des servitudes.
L'enclave qui est la cause de la servitude légale de passage ne se présentera pas ordinairement comme devant avoir une durée indéfinie; car elle peut cesser pardes causes diverses, notamment, par la création d'une nouvelle voie publique avec laquelle communiquerait le fonds enclavé; elle peut cesser aussi, si le propriétaire du fonds enclavé acquiert un des fonds voisins communiquant avec la voie publique, autre que celui sur lequel il exerçait la servitude; on peut supposer enfin que le fonds servant se trouve réuni au fonds dominant dans les mêmes mains, ce qui est le cas d'extinction de la servitude par confusion (v. art. 307-5°)
C'est à raison de la probabilité de la cessation ultérieure de l'enclave que la loi n'accorde qu'une indemnité "annuelle" au propriétaire du fonds servant: cette indemnité a une double base: 1° la diminution de l'usage ou de la jouissance, résultant du terrain occupé par le passage, 2° la dépréciation de la valeur vénale du fonds (2).
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(2) L'ancien texte, considérant que la valeur du fonds servant était diminuée comme capital permettait aux tribunaux de fixer l'indemnité en capital aussi, surtout lorsqu'il n'y avait pas lieu de prévoir que l'enclave dût cesser dans un temps plus ou moins prochain.
Dans ce cas, si l'enclave venait à cesser, le propriétaire pouvait, à son gré, ou conserver le capital, en continuant à subir le passage, ou affranchir son fonds de la servitude devenue inutile, en restituant le capital.
La Commission a trouvé mauvais que le passage fût ainsi maintenu quand il cesse d'être utile et elle a désiré qu'à moins d'accord des parties pour un capital, l'indemnité fût toujours annuelle; dès lors, le passage cesse de droit quand l'enclave cesse, à quelque époque que ce soit. Nous nous sommes très facilement rallié à ce système, comme plus équitable. Il en est résulté un remaniement assez considérable des articles 332 à 335 et du Commentaire.
Art. 234. — 359. Puisque l'indemnité est annuelle, elle doit cesser d'être due dès que le passage est devenu inutile par la cessation de l'enclave. Si cependant aucune des parties ne se prévaut de cet événement, la situation restera la même tant qu'aucune des parties n'y voudra mettre fin; or, il pourrait arriver que l'ancien passage fût plus court ou plus commode au fonds dominant que le nouveau et que le propriétaire du fonds servant ne fût pas fâché de recevoir toujours l'indemnité annuelle.
Mais il est vraisemblable que le débiteur s'affranchira un jour ou l'autre d'une charge annuelle toujours pénible, surtout quand elle n'est plus inévitable. Dans ce cas, il ne payera l'indemnité que proportionnellement ail temps où il aura usé du passage pendant la dernière année: le 1er alinéa commande cette solution.
359 bis. Le cas prévu par le 2e alinéa est différent. Il faut supposer que l'enclave n'a pas cessé par un fait, nouveau, par un de ceux qui ont été prévus plus haut (n° 359), mais que cependant le propriétaire enclavé veut renoncer au passage: cela ne peut se concevoir raisonnablement que si l'on se place dans les cas où le fonds communique à une rivière ou à la mer, ce qui n'avait pas empêché de le considérer comme enclavé (v. art. 231, 2e al.); ou bien le propriétaire enclavé a renoncé à un mode d'exploitation qui lui avait permis d'obtenir un passage avec voitures, dont il n'a plus besoin.
Dans ces cas, il peut encore renoncer à son droit, pour s'affranchir du payement de l'indemnité annuelle, ' et c'est alors que la renonciation étant purement -volontaire l'astreint au payement de six mois de l'annuité.
Art. 235. — 360. La loi suppose ici que les parties ont fait un règlement en capital de l'indemnité du dommage permanent: ce que le tribunal ne peut faire est évidemment permis aux parties intéressées. Il fallàit alors régler le sort de ce capital, pour le cas où l'enclave viendrait à cesser.
La loi devait aussi se prononcer sur la faculté de rachat de l'annuité quand il n'y a pas été dérogé.
Enfin il fallait prévoir le cas où le débiteur manquerait à payer ladite annuité.
360 bis. Il est toujours gênant d'avoir à payer des annuités, pour quelque cause que ce soit; c'est aussi une cause fréquente de procès. Lorsque ces annuités n'ont pas de durée fixe et peuvent se prolonger indéfiniment, la loi doit en favoriser l'extinction par le payement d'un capital. Il y a de nombreux exemples, dans la loi française, de cette faculté dite de rachat. Une loi célèbre, du 29 décembre 1790, a permis le rachat de presque toutes les redevances admises dans l'ancien droit, et le Code civil lui-même a permis le rachat des rentes perpétuelles (v. art. 530 et 1911).
Le Projet ne permet cependant ce rachat que s'il a, été autorisé et réglé en capital par la convention des parties (1er al.) (3).
360 ter. Si le débiteur manque à payer l'annuité pendant deux années consécutives, la loi pourvoit à la garantie du créancier en lui permettant de saisir et " faire consigner un capital suffisant pour produire l'annuité mais ce capital ne lui appartient pas (2e al.): si l'enclave vient à cesser, le capital est toujours restitué en entier, sauf convention contraire (3e al.). Cette restitution aura d'ailleurs trois applications: 1° si l'indemnité a été réglée à l'origine en capital et s'il a été effectivement payé; 2° si le rachat de l'indemnité annuelle a été effectué en capital; 3° si le créancier a saisi un capital pour assurer le payement de l'annuité.
Il ne faut pas s'étonner que, dans ces divers cas, l'indemnité soit restituée en entier, même lorsque le passage a été exercé plus ou moins longtemps: le propriétaire du fonds servant a eu la jouissance du capital, en compensation du trouble que lui a causé le passage.
360 quater. La loi exclut de la restitution du capital un des cas qui feraient cesser l'enclave, à savoir, la réunion du fonds servant et du fonds dominant dans les mêmes mains, ou confusion: l'indemnité qui aurait été fixée en capital ou transformée en capital par le rachat de l'indemnité annuelle ne sera pas restituée par le propriétaire du fonds servant vendeur de sa propriété. On ne peut pas dire, en effet, qu'il est affranchi du passage, puisqu'il n'a plus de fonds. D'ailleurs, le règlement du prix de vente entre les parties met fin à tous leurs rapports pécuniaires au sujet des fonds; enfin et surtout, il y a présomption que le fonds servant a été vendu moins cher à cause de la servitude, tout comme s'il avait été vendu à un autre qu'au propriétaire enclavé.
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(3) L'ancien texte permettait au débiteur de l'annuité de s'en libérer, après un certain temps, en payant un capital. Ce capital était fixé à vingt fois la valeur de l'annuité, ce qui correspondait à 100 de capital pour 5 de revenu. C'était comme si, l'indemnité ayant été fixée d'abord à 100, en capital, il avait été stipulé que le débiteur, en attendant le payement dudit capital, payerait 5 d'intérêt annuel. Cet intérêt était un peu faible pour le Japon; mais, il fallait régler avec ménagements les rapports entre voisins.
La Commission a préféré que ce rachat n'eût lieu qu'en vertu de l'accord des parties.
Art. 236. — 361. Dans le cas particulier prévu par cet article, la négligence qui a donné naissance à l'enclave est imputable autant au propriétaire qui a cédé la parcelle enclavée qu'à celui qui l'a acquise, il est donc juste que le premier n'ait pas droit à une indemnité pour le passage qu'il est tenu de livrer; d'ailleurs, quand on cède un droit à autrui, on est toujours obligé de lui garantir les moyens d'user du droit cédé.
Cette disposition pourrait, dans le silence de la loi, y être suppléée en vertu du principe de la garantie de la vente et du partage; c'est peut-être pour cela qu'on ne la trouve pas dans le Code français (c); mais, elle se trouve dans le Code italien (art. 595) et on ne doit avoir aucun scrupule à l'insérer dans le Code japonais. Elle pourra recevoir une application au cas de cession d'un droit de superficie (v. art. 186).
Il est naturel aussi qu'en pareil cas la servitude cesse de plein droit avec l'enclave, et sans aucune restitution, puisqu'aucune indemnité n'a été payée. Mais, la loi n'admet cette cessation que s'il y a création d'une nouvelle voie publique, ce qui est un avantage gratuit et commun; si donc l'enclave cessait parce que le propriétaire enclavé aurait acquis un fonds voisin ou obtenu par convention un autre droit de passage, le premier passage subsisterait, parce qu'il est dû en vertu d'une autre convention.
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(c) Elle ne se trouve même pas dans le nouvel article 684, quoiqu'il ait prévu notre hypothèse.
SOMMAIRE.
N° 362. Objets et divisions de ce paragraphe.
Art. 237. —363. Eaux pluviales et de sources; écoulement natusel ou résultant de travaux anciens. - 364. Inutilité de deux dispositions des Codes français et italien. -365. Eau d'an puits jaillissant creusé par le voisin. -366. Terres, pierres, sables entraînés par les eaux: obligations respectives des voisins.
238. —367. Rupture des digues, chaussées ou autres ouvrages: dénonciation du dommage imminent, frais de réparation. —368. Des conventions particulières tendant à modifier la servitude légale.
239. —369. Eaux ménagères et industrielles; égoût des toits.
240. —370. Libre usage des sources par leur propriétaire renvoi pour les exceptions.
241. —371. Suite: exception en faveur d'une agglomération d'babitants. —372. Droits comparés du propriétaire de la source et des bénéficiaires de la servitude. -373. Travaux permis sur le fonds servant, aux frais des usagers de l'eau; indemnité.
242. -374. Eaux perdues au dehors: usage précaire.
243 et 244. —375. Eau courante bordant les propriétés: droit des riverains. Retour à la division des cours d'eau. -376. Controverses, en droit français, sur la Barrage. propriété du lit des cours d'eau non navigables ni flottables. —377. Distinction du Projet entre le lit et l'eau courante. —378. Suite. —378 bis. Distinction entre l'eau courante bordant deux fonds et celle traversant un seul fonds. -378 ter. Application des mêmes articles aux lacs et étangs.
245. —379. Endiguements.
246. —380. Rôle des tribunaux.
247. —381. Curage des cours d'eau.
248. —382. Police des eaux. -383. Distinction.
249. —384. Eaux du domaine public.
250. —385. Servitude d'aqueduc pour amener les eaux naturelles ou artificielles: indemnité.
251. —386. Il suffit d'avoir un droit à des eaux pendant cinq ans, pour en réclamer le passage.
252. —387. Servitude d'aqueduc pour évacuer les eaux surabondantes, tant ménagères qu'agricoles et industrielles. —388. Utilité d'une loi spéciale sur le dessèchement des marais.
253. —389. Analogie avec le passage en cas d'enclave.
254. —390. Suite. Principe général que " les servitudes "n'obligent pas le propriétaire du fonds servant à " faiq-e, mais seulement à souffrir."
255. —391. Usage commun des c maux déjà existants: digression économique sur le mal des travaux inutiles. -392. Si l'indemnité doit être modifiée par la mise en commun des canaux.
256. —393 et 394. Barrage des eaux courantes: droit d'appui; motif de la place donnée à cet article: usage commun du barrage.
COMMENTAIRE.
N° 362. Le Projet réunit ici toutes les charges relatives aux eaux, moins, bien entendu, celles établies par le fait de l'homme.
Ainsi, d'abord, on y trouve celle relative à l'écoulement naturel des eaux par le seul effet de la déclivité des terrains. Vient ensuite l'obligation pour chaque propriétaire de préserver ses voisins de l'égoût de ses toits et de ses eaux ménagères ou industrielles. Puis, les limites au droit d'usage des eaux de source ou des eaux courantes. Enfin, le droit d'aqueduc (a), permettant aux propriétaires d'obtenir un passage à travers le fonds voisin, pour faire venir les eaux nécessaires à l'irrigation, ou pour faire sortir celles provenant du drainage ou d'autres opérations de dessèchement.
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(a) Aqueduc, Aquceductus, conduite d'eau; de deux mots latins aqua, eau et ducere conduire.
Art. 237. — 363. C'est cette première servitude que le Code français fait dériver " de la situation des lieux," et que, pour cela, on nomme servitude naturelle; étant observé d'ailleurs qu'il ne s'agit, comme le dit ici le texte, que des eaux pluviales ou des eaux de sources, et non des eaux ménagères ou industrielles.
On a déjà justifié la qualification de légale qui est donnée ici à la servitude.
L'eau suit si impérieusemeut la déclivité des terrains qu'il n'y a pas de force humaine qui puisse la retenir: le plus faible ruisseau, s'il est contenu plus ou moins longtemps, devient un torrent dévastateur.
La loi respecte et consacre la puissance de la nature et ce serait en vain qu'elle prétendrait dispenser les fonds inférieurs de l'obligation de recevoir les eaux naturelles des fonds plus élevés: la loi ne peut décréter que les rivières remonteront à leur source. Mais, l'obligation légale n'existe plus si la déclivité a été produite par des travaux exécutés sur le fonds supérieur.
Toutefois, le Projet japonais introduit, à cet égard, une sage innovation: il est souvent très difficile de savoir si la disposition respective des lieux a toujours été la même; dans les villes et autres localités où la population est agglomérée, les terrains ont presque toujours subi des modifications plus ou moins considérables: les terrains bas ont été comblés et relevés, les pentes ont été modifiées; mais le souvenir en est perdu, ou l'origine des eaux est difficile à prouver. Si les propriétaires des fonds inférieurs étaient admis à refuser de recevoir les eaux après un temps immémorial, en prouvant qu'il y a eu des travaux de main d'homme, il en résulterait un dommage énorme pour les fonds supérieurs, et même, le plus souvent, il serait impossible de rétablir le cours des eaux dans leur état primitif.
La loi va plus loin, elle assimile les travaux remontant à plus de 30 ans à ceux'qui ont une ancienneté immémoriale.
364. Au surplus, on a cru inutile d'insérer dans le Projet deux dispositions qui se trouvent dans le Code français (art. 640) et dans le Code italien (art. 636), à savoir, que "le propriétaire du fonds inférieur ne peut point élever de digue qui empêche l'écoulement," et que, réciproquement, " le propriétaire du fonds supérieur ne peut rien faire qui aggrave cet écoulement."
Ces dispositions sont évidemment surabondantes: si le propriétaire inférieur pouvait élever une digue contre les eaux, c'est qu'il ne serait pas tenu de les recevoir; si le propriétaire supérieur pouvait aggraver l'écoulement, on ne pourrait plus dire que celui-ci est naturel, qu'il a lieu " sans que la main de l'homme y ait contribué."
Ainsi, le propriétaire supérieur ne pourrait pas réunir ses eaux en un ou plusieurs ruisseaux qui, en faisant une irruption plus ou moins violente chez le voisin, pourraient lui causer dommage. Assurément, il pourrait diriger les eaux à son gré dans l'intérieur de son fonds; mais, il devrait, pour la sortie, leur rendre l'écoulement naturel déterminé par le terrain.
365. Un cas plus délicat est celui de savoir si le fonds inférieur serait tenu de recevoir les eaux d'un puits jaillissant creusé par le propriétaire supérieur, ou d'une source qui aurait été amenée par lui à la surface du sol. Il y aurait là, évidemmment, un travail de l'homme, lequel semblerait exclure l'idée de servitude légale; d'un autre côté, l'eau étant amenée à la surface du sol, la pente peut la conduire naturellement chez le voisin. Faudrait-il obliger le propriétaire supérieur à supprimer le puits jaillissant ou la source ? Il y a des cas où ce serait impossible et où il n'y aurait d'autre remède que celui d'une indemnité au propriétaire inférieur. On pourrait dire qu'il y a là des eaux enclavées requérant un passage, comme les personnes, dans le cas de l'article 231.
Même question pour les eaux de source amenées d'une propriété voisine et que le cédant ne voudrait pas reprendre.
La question devra, le plus souvent, être résolue par les tribunaux, au moyen d'une indemnité: on assimilera les eaux jaillissantes ou provenant de travaux de l'homme aux eaux amenées pour l'irrigation et qui se trouveraient excéder les besoins du fonds qui les a obtenues. On verra plus loin (art. 252), que l'excédant des eaux d'irrigation peut être évacué sur les fonds inférieurs, moyennant indemnité.
On a quelquefois vu, en France, des voisins malveillants ou peu intelligents, alléguer que des monticules élevés sur le fonds supérieur aggravaient la servitude, comme donnant au fonds une plus grande surface recevant l'eau pluviale: l'idée était aussi fausse que s'ils eussent fait le même reproche à des toits inclinés: il est clair qu'il ne tombe pas plus d'eau pluviale sur un plan incliné que sur un plan horizontal. Ce qui peut induire en cette erreur les esprits peu ouverts, c'est qu'en effet, s'il s'agit de couvrir de gazon un monticule, il en faudra une plus grande quantité que pour une surface plane; de même, il tient plus de tuiles ou de feuilles métalliques sur un toit très incliné que sur un toit presque horizontal.
La prétention qu'il en est de même pour l'eau pluviale égayerait certainement un tribunal, si elle était portée jusque devant lui.
366. Le propriétaire inférieur peut, de son coté, recueillir les eaux à l'entrée de son fonds, soit pour les diriger au lieu où elles sont le moins dommageables, soit pour s'en servir.
La loi n'a pas cru devoir exprimer que le propriétaire inférieur doit recevoir avec les eaux, les terres, pierres ou sables qui seraient entrainés par les eaux: mais, l'obligation est la même, si c'est toujours l'oeuvre de la nature. Dans les pays de montagnes, les eaux entraînent souvent des masses énormes de terres et de graviers: les fonds inférieurs se trouvent ensablés et dévastés, les récoltes sont perdues, et il faut souvent plusieurs années pour reconstituer les cultures: c'est aux propriétaires des fonds inférieurs à faire chez eux des ouvrages qui retiennent les terres en laissant passer les eaux.
Une question inverse pourrait se présenter, à savoir: si le propriétaire supérieur aurait le droit de reprendre les terres, pierres ou sables que les eaux ont entraînés.
Il paraît difficile de lui refuser ce droit, pourvu qu'il ne cause pas de nouveaux dégâts et qu'il n'ait pas attendu que le propriétaire inférieur ait rétabli ses cultures sur les terres descendues chez lui: autrement, il pourrait être déclaré non recevable, par l'effet d'un abandon volontaire desdits matériaux.
Art. 238. — 367. La présente disposition ne se trouve pas dans le Code français; elles se trouve, au contraire, dans le Code italien (art. 537 et 538). Elle est facile, du reste, à justifier.
Bien que les modifications des cours d'eaux, ici prévues, ne proviennent pas de faits de l'homme, mais d'accidents naturels, elles ne doivent pas aggraver la situation respective des fonds: les propriétaires pourront toujours rétablir le cours normal des eaux.
Le cas le plus saillant est celui où un cours d'eau traversait un fonds supérieur dans une direction plus ou moins horizontale et ne laissait écouler aucune partie de ses eaux sur un des fonds inférieurs; mais par la rupture d'une digue, l'eau s'échappe latéralement et inonde ce fonds. Il est juste, en pareil cas, que le propriétaire inondé puisse faire rétablir le cours naturel de l'eau.
Mais aux frais de quel propriétaire ?
Le Code italien met ces frais à la charge du propriétaire inférieur, sans doute parce que c'est lui qui réclame les travaux et qui en profite. Mais on peut s'étonner que ce Code qui admet "la dénonciation de dommage imminent " (art. 599) ne l'applique pas ici avec ses conséquences.
Le cas ne pouvait faire doute dans le Projet japonais qui accorde formellement cette action possessoire pour danger de rupture de digues ou aqueducs (art. 215). Il y a là des ouvrages de main d'homme dont l'entretien doit être à la charge de celui sur le fonds duquel ils se trouvent.
Il en serait autrement si les berges rompues ou menaçant de se rompre étaient naturelles: dans ce cas la réparation ne pourrait être imposée au propriétaire- du fonds supérieur, il devrait seulement la laisser exécuter.
Le 2e alinéa met encore les frais de dégagement des canaux ou aqueducs à la charge du propriétaire supérieur, parce que le fonds servant n'a pas la charge d'entretenir l'écoulement des eaux: il suffit qu'il n'y mette pas obstacle. En effet, on verra plus loin, sous l'article 254 et à la Section suivante, que les servitudes n'obligent pas à faire, mais seulement à souffrir.
368. La servitude relative à l'écoulement des eaux pourrait être modifiée dans son exercice par des conventions particulières; mais, il est impossible d'admettre qu'elle puisse être entièrement supprimée par convention, parce qu'il est d'ordre public et économique que les fonds supérieurs ne soient pas rendus improductifs par la surabondance des eaux.
Par la même raison, le propriétaire inférieur ne pourrait se dire affranchi de l'obligation de recevoir les eaux, sous le prétexte que le propriétaire supérieur les aurait retenues et absorbées pendant 30 ans, temps ordinaire du non-usage extinctif des servitudes.
C'est une des différences que présentent, avec les servitudes établies par le fait de l'homme, celles des servitudes légales qui sont fondées sur un intérêt d'ordre public essentiel (v. ci-après, art. 286 et 310).
Il est d'autant moins possible de soutenir que la servitude qui nous occupe pourrait être éteinte par une convention particulière que le propriétaire supérieur peut même exiger le passage des eaux provenant de drainage ou d'irrigation et cependant, ce ne sont pas là des eaux purement naturelles.
La seule conséquence qu'il faille attacher à une convention qui exclurait la servitude d'écoulement des eaux naturelles, c'est qu'elle ne pourrait être rétablie que moyennant indemnité, comme cela a lieu pour les eaux de drainage ou d'irrigation: l'indemnité serait ici d'autant plus juste qu'il est probable que le propriétaire supérieur qui aurait consenti antérieurement à conserver ses eaux naturelles aurait lui-même reçu une compensation ou indemnité pour ce sacrifice de son droit; il ne devrait donc pas le recouvrer gratuitement.
Art. 239. — 369. L'explication des deux articles précédents a déjà amené à distinguer les eaux naturelles des eaux ménagères et des eaux industrielles.
Lors même que ces dernières eaux proviendraient d'une source ou du ciel, du moment qu'elles ont été employées à un usage domestique ou à une industrie, elles sont plus ou moins altérées, elles pourraient être nuisibles ou incommodes aux voisins; le propriétaire doit donc les diriger sur la voie publique ou les retenir chez lui et les y absorber au moyen de puisards, et ceux-ci doivent être suffisamment éloignés des limites pour que les infiltrations ne puissent corrompre les puits des voisins ou pénétrer sous leurs bâtiments (v. art. 281).
On a dit que l'usage industriel des eaux les altère, en général; c'est ce qui a lieu pour la teinture, pour les bassines à dévider les cocons de vers à soie, pour la fabrication de produits chimiques et pour une foule d'autres industries; mais, si une eau naturelle était seulement employée comme force motrice, cet usage industriel ne lui faisant subir aucune altération, elle pourrait être rendue à son écoulement naturel.
A l'égard de l'égoût des toits, la loi ne permet pas de la faire tomber directement sur la propriété voisine, parce que la hauteur de la chiite creuserait plus ou moins le sol, parce qu'aussi l'espace où l'eau tomberait, serait, en général, plus étendu que l'écoulement naturel venant du sol voisin, enfin, parce qu'aucune partie de l'eau pluviale ne se trouverait absorbée par ce même sol; il faut donc, si les bâtiments sont élevés sur la limite même, que la pente des toits soit dirigée vers le terrain où se trouvent les bâtiments, ou, si la disposition des toits est inverse, que les eaux soient ramenées par des gouttières sur ledit terrain, d'où ensuite elles suivront leur pente naturelle.
Si un propriétaire, en construisant ou en réparant son bâtiment prenait des dispositions contraires à la loi, le voisin pourrait l'arrêter par la dénonciation de nouvel œuvre (v. art. 214).
Art. 240. — 370. L'écoulement naturel des eaux de source est une charge-pour le propriétaire inférieur; mais, il n'est pas un droit pour lui: le propriétaire auquel appartient la source peut donc, en principe, détourner les eaux ou en disposer au profit d'un tiers.
Mais une première exception se trouve dans l'article suivant; on verra aussi dans la Section suivante (art. 290), que parmi les servitudes établies par le fait de l'homme se trouve la prescription acquisitive des eaux, laquelle reçoit une application dans le cas présent.
A plus forte raison, le propriétaire de la source ne pourrait-il priver le voisin de l'écoulement, s'il lui avait concédé les eaux par titre.
Le texte réserve ces deux exceptions pour que la disposition ne paraisse pas, au premier abord, plus absolue qu'elle n'est en réalité. Il réserve aussi la restriction à la liberté des propriétaires au sujet des eaux minérales qui existent sur leurs fonds: la santé publique motive bien un pareil sacrifice; d'ailleurs les lois administratives lui accorderont une indemnité.
Art. 241. — 371. La présente disposition se trouve dans le Code français (art. 643) et y a été empruntée par plusieurs Codes étrangers. Elle repose sur le prlncipe que l'intérêt général ou collectif doit primer, dans certains cas, l'intérêt individuel.
L'usage de l'eau est un des besoins les plus impérieux de l'homme, et il est passé en axiome de morale que ce que l'on peut le moins refuser à son semblable c'est l'eau nécessaire à éteindre sa soif. La loi apporte ici, d'ailleurs, un grand soin à concilier les intérêts opposés; elle est aussi plus précise que la loi française, et on le reconnaîtra en comparant les deux textes.
D'abord, pour que le propriétaire de la source soit privé de la plénitude de son droit, il faut que les réclamants constituent une agglomération d'habitants, reconnue par l'administration, un hameau, au moins (b); il ne suffirait pas d'une réunion de quelques maisons particulières n'ayant aucun lien entre elles, ni de quelque grande manufacture, même employant beaucoup d'ouvriers: il faut que l'agglomération représente un intérêt général, si limité qu'il soit. Sous ce rapport, le Projet est conforme au Code français.
De même, les deux textes veulent que l'eau de la source soit nécessaire aux habitants: il ne suffirait pas qu'elle leur fût simplement utile.
Le Projet précise davantage le genre de nécessité: ce n'est pas la nécessité agricole ou industrielle, laquelle pourtant se comprendrait, mais n'a pas paru aussi impérieuse que les nécessités domestiques (c), c'est-à-dire ce qui est nécessaire à l'usage direct de l'homme et des animaux, même des bestiaux logés dans le bâtiment.
372. Le Code français, dans le cas qui nous occupe, défend au propriétaire de la source d'en changer le cours-, mais, lui défend-il d'épuiser l'eau de la source par des travaux d'irrigation ou même par des usages d'agréments, comme de la recueillir dans un étang, où elle se perdrait, ou bien dont elle ne sortirait qu'après un long séjour à l'air qui la corromprait ?
Cette question est fort difficile à résoudre avec le texte français. Elle ne le sera pas avec le Projet japonais: le propriétaire devra laisser écouler l'excédant d'eau qui ne lui est pas utile; son droit n'est pas, comme celui des habitants inférieurs, limité à la nécessité: il va jusqu'à l'ittilité; mais, l'utilité ne comprend pas l'agrément. Le propriétaire pourra faire des irrigations, il ne pourra pas faire un étang: le plaisir d'une personne ne doit pas être respecté au prix de la vie ou de la santé des autres hommes.
373. Le Projet va encore plus loin que la loi française, en permettant à la commune ou aux habitants du hameau de faire exécuter quelques travaux sur le fonds où naît la source, pour recueillir les eaux et pour en favoriser la sortie. La seule limite que la loi mette à ce droit, c'est que le dommage ne doit pas être permanent, mais seulement temporaire, et, de ce chef, il y aura lieu à une indemnité, si le propriétaire l'exige: elle sera évidemment unique.
Il y aura lieu à une indemnité annuelle, pour la privation que le propriétaire éprouve par la perte d'une partie des avantages de la source. Mais, cette indemnité serait prescrite, elle cesserait d'être due, par l'effet de la prescription libératoire, si la commune avait joui de la source pendant trente ans sans rien payer.
On remarquera seulement qu'en pareil cas, il ne faut pas dire que la servitude est acquise par prescription; elle est acquise par la loi et indépendamment d'aucun délai, et même avant que l'usage en ait commencé (d): la prescription n'est ici qu'extinctive de l'obligation d'indemniser le propriétaire.
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(b) En France, un hameau est une petite agglomération d'habitants, un peu isolée, n'ayant pas de maire, ni d'école, ni d'église: le hameau dépend d'une commune, mais il porte un nom particulier, comme le quartier d'une ville.
(c) De domus, maison.
(d) Le Projet japonais s'écarte encore ici du Code français, lequel ne reconnaît le droit de la commune que quand, en fait, elle use déjà de l'eau; il se place dans le cas où déjà la source fournit l'eau nécessaire Dans le nouveau texte, il suffira que la source la puisse fournir; la question aura de l'intérêt pour une source nouvelle: le droit des habitants naîtra avec la source.
Art. 242. — 374. Cette disposition n'est pas dans le Code français et elle pourrait étonner, au premier abord; mais elle se trouve, avec quelque différence, dans le Code italien (art. 545). Dans les pays de montagnes où les eaux sont abondantes, mais s'échappent avec une trop grande rapidité, on doit éviter de les perdre, tant qu'elles peuvent être utiles (e).
Ici, la loi ne dépouille pas le propriétaire au profit d'un particulier, elle permet seulement à ce dernier " de recueillir le superflu qui tombe de la table du riche," suivant l'image d'un précepte de morale bien souvent cité en Europe.
Au surplus, cette disposition n'est pas seulement conforme à la morale sociale, elle est aussi conforme à la théorie économique, laquelle veut que toutes les richesses naturelles soient utilisées pour la production.
Ce cas diffère d'ailleurs beaucoup du précédent:
1° Le propriétaire de la source ne sera privé d'aucun de ses avantages, car, on se trouve dans le cas où les eaux se perdent au dehors; par conséquent, le propriétaire a tiré de la source tous les avantages et agréments qui lui convenaient, puisqu'il rejette l'excédant de ses eaux;
2° L'usage que pourra réclamer le voisin sera précaire, c'est-à-dire pourra lui être retiré au gré du propriétaire (voy. n° 255), dès que celui-ci voudra utiliser l'excédant des eaux;
3° A raison de cette précarité même, le propriétaire ne recevra aucune indemnité pour l'usage de l'eau par le voisin; il sera seulement indemnisé du dommage temporaire que pourraient lui causer les travaux autorisés par loi.
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(e) Le Code italien, fait pour un pays de montagnes et d'irrigations, est très développé, au sujet des eaux.
Art. 243 et 244. -375. Le premier de ces articles correspond à l'article 644 du Code français et à l'article 543 du Code italien, avec quelques additions.
On a emprunté à ce dernier Code une condition qui manque au Code français: à savoir, que le cours d'eau qui n'appartient pas au domaine public n'appartienne pas non plus à un particulier; on lui a emprunté également le droit d'user de l'eau pour l'industrie.
On a ajouté aux deux Codes: 1° le droit de se servir de l'eau pour les usages domestiques, lesquels sont encore plus favorables que l'irrigation et l'exploitation industrielle, 2° le droit de pêche qui mérite d'être mentionné.
Ainsi que le dit le Projet, avec les deux Codes étrangers précités, il ne s'agit pas ici des eaux faisant partie du domaine public; or, les eaux qui ont ce caractère sont les fleuves, les rivières navigables ou flottables et les canaux de navigation, avec leur lit (v. art. 23).
On sait que les fleuves sont les cours d'eau navigables qui se jettent directement dans la mer. Les rivières se jettent elles-mêmes dans les fleuves ou dans les grands lacs (/); on les appelle navigables, quand elles peuvent porter des bateaux de marchandises (g), et flottables, lorsque, à cause de leur peu de profondeur, elles ne peuvent porter que des trains de bois.
Les cours d'eau plus petits encore peuvent être simplement flottables à bûches 'perdues, c'est-à-dire qu'on peut livrer à leur courant les bois coupés dans les lieux élevés, pour les recueillir à leur jonction avec un cours d'eau plus considérable ou avec un chemin public. Des règlements administratifs sont nécessaires pour fixer les obligations respectives des flotteurs et des riverains. Mais ces cours d'eau ne sont pas compris dans la qualification de " flottables," lorsqu'on l'emploie sans aucune addition; en tout cas, ils ne font pas partie du domaine public, non plus que les simples ruisseaux, lorsque d'ailleurs les uns ou les autres ne sont pas des dépendances d'un bien de ce domaine.
Quant aux canaux, ils ne sont du domaine public que s'ils peuvent porter des bateaux; il n'y en a guère qui ne puissent porter que des trains de bois, car, étant le résultat d'un travail de l'homme, ils ne seraient pas creusés pour une si faible utilité; les canaux qui ne sont pas de navigation ne sont plus que de simples aqueducs.
376. En présence de cette double condition: à savoir, que les cours d'eau dont il s'agit ici n'appartiennent ni au domaine public ni à des particuliers on se demandera à qui ils peuvent appartenir.
En France, il a régné jusqu'ici une grande incertitude sur le point de savoir à qui appartiennent les cours d'eau qui ne font pas partie du domaine public Les uns les attribuent au domaine privé de l'Etat; les autres, aux riverains; d'autres disent qu'ils n'ont pas de maître et n'en peuvent avoir, c'est-à-dire qu'ils sont choses communes; d'autres distinguent entre le lit et l'eau courante, et c'est l'opinion qui semble la plus raisonnable: le lit serait la propriété des riverains et l'eau courante serait commune. Cette solution, paraît devoir être adoptée dans le nouveau Code rural français actuellement soumis aux Chambres et déjà voté en partie (h).
On la propose pour le Japon: elle concilierait les divers intérêts et concorderait le mieux avec d'autres dispositions de la loi: notamment, d'une part, avec les limites au droit des riverains d'user de l'eau à son passage, telles qu'elles sont portées par le présent article et, d'autre part, avec le droit pour les riverains de profiter des îles et îlots qui se forment dans ces cours d'eau, ainsi que du lit abandonné par un changement de direction (voy. Livre IIIe, art. 617 et 620). Cela n'exclut pas, pour l'autorité administrative, le droit de police et de réglementation de l'usage des eaux et de la pêche (v. ci-après, art. 248); car l'administration a le droit et le devoir de sauvegarder les choses communes, ce que les particuliers ne peuvent pas faire eux- mêmes.
Tel est le caractère des cours d'eau auxquels s'appliquent nos deux articles et les quatre articles suivants les riverains ont la propriété du lit et ils ont seulement Vusage privilégié de Veau courante (1).
377. Il n'est pas inutile de justifier un peu plus au long cette distinction entre le lit du cours d'eau et l'eau courante elle-même.
Que le lit appartienne aux riverains ou à ceux dont le cours d'eau traverse la propriété, il y a là une chose toute naturelle; il serait déraisonnable et inadmissible en pratique que le domaine public ou le domaine privé de l'Etat fût ainsi interposé entre les propriétés privées: ce serait une source de difficultés continuelles; l'objection serait la même si l'on voulait reconnaître la même nature de bien à l'eau courante.
Théoriquement, on comprendrait que l'eau courante appartînt au propriétaire dans le fonds duquel elle prend sa source; ce pourrait être l'Etat, un département, une commune ou un particulier; mais un cours d'eau, dans son chemin, ne tarde pas à en rencontrer d'autres qui le grossissent et, bientôt, il y aurait cumul de plusieurs droits de propriété sur une eau courante, ce qui serait une source de difficultés inextricables. Il e..,t bien plus naturel et tout aussi juste que la propriété de l'eau courante soit perdue pour le propriétaire de la source originaire, dès que l'eau est sortie de son domaine: elle ne devient pourtant pas sans maître, afin qu'il ne soit pas permis au premier occupant de s'en emparer, surtout au riverain ou à celui dont l'eau traverse l'héritage: la loi, d'accord avec la raison et l'intérêt public, la déclare commune, c'est-à-dire que personne n'en a et n'en peut acquérir la 'propriété et que tout le monde en a l'itsage: en première ligne, se trouvent les riverains ou les propriétaires à travers le fonds desquels passe le cours d'eau, et ceux-ci ont une sorte de privilége que nos articles déterminent; ils peuvent même empêcher la prise d'eau chez eux, par les tiers; par conséquent, celui qui, en fait, aurait puisé de cette eau pourrait avoir commis une faute en entrant sur le fonds d'autrui; mais il n'aurait pas commis une " soustraction de la chose d'autrui," c'est- à-dire un vol.
378. La distinction une fois faite entre les eaux qui font partie du domaine public et celles qui n'y rentrent pas, il n'y a plus à tenir compte, parmi ces dernières, de leur importance ou de leur exiguité (sauf ce qui a été dit des cours d'eau " flottables à bûches perdues: " le plus petit filet d'eau séparant deux propriétés ou traversant un fonds doit être respecté, sinon dans son intégrité, au moins dans son existence; il est en effet, très important pour les propriétaires inférieurs de recueillir le bénéfice de l'eau, dans la mesure de ce qui en reste après l'usage normal des propriétaires supérieurs. Sans doute, il pourra arriver qu'un petit ruisseau soit épuisé sur son parcours; mais encore ce ne sera souvent que pendant certaines saisons, et les propriétaires inférieurs pourront exiger que le passage de l'eau ne soit pas supprimé, de manière à ce qu'elle puisse toujours y reprendre son cours.
La théorie qui placerait dans le domaine privé de l'Etat les eaux qui ne sont pas du domaine public aurait, outre le tort grave d'être arbitraire, l'inconvénient énorme d'autoriser l'Etat à dépouiller les particuliers de leur usage, sans indemnité.
Celle qui fait de ces eaux des choses communes (v. art. 26), outre les raisons de justice et d'utilité déduites plus haut, a encore pour elle les précédents de la législation romaine qui déclarait chose commune l'eau courante, aqua profluens (i).
378 bis. Le 1er alinéa de l'article 243 défend à chaque riverain de modifier "le cours ou la largeur" de l'eau: si l'un d'eux modifiait le cours de l'eau, en la faisant passer tout entière chez lui, l'autre cesserait d'être riverain; s'il en modifiait la largeur, en élargissant le lit chez lui, l'eau n'aurait plus la même force; s'il rétrécissait le lit, c'est le contraire qui aurait lieu.
Le 2e alinéa donne au propriétaire dont le fonds est traversé par un cours d'eau un droit bien plus considérable qu'au riverain dont l'eau borde le fonds: le premier peut faire circuler l'eau dans son fonds, ce qui pourra, par l'absorption du sol et l'évaporation, en diminuer beaucoup le volume à la sortie. Ce droit est la conséquence de ce que le lit lui appartient; or, il doit pouvoir changer ce lit. Mais pour qu'un tel usage de l'eau n'aille pas jusqu'à sa suppression, la loi veut que ces changements soient toujours motivés sur les usages domestiques, agricoles ou industriels; le propiétaire ne pourrait donc pas utiliser l'eau pour en faire un lac ou un étang dont le trop plein seul serait rendu aux propriétaires inférieurs: de telles eaux ne seraient plus aussi pures et pourraient être considérablement réduites, peut-être même absorbées par le fonds supérieur.
Les tribunaux préserveront les intéressés de pareils abus (v. art. 246).
378 ter. Quoique les articles 243 à 248 soient faits surtout, pour les eaux courantes, il est naturel de les étendre aux eaux agglomérées (lacs ou étangs) qui se trouveraient contiguës à plusieurs propriétés distinctes. Il pourrait même arriver qu'un lac ou un étang se trouvât dans l'intérieur d'une propriété et que le propriétaire du fonds n'eût pas la propriété de l'eau, parce qu'elle aurait une entrée et une sortie sur son fonds: ces deux communications avec le dehors la feraient assimiler à une eau courante ou commune.
Notre article, sans cette distinction, donne la même solution pour les eaux courantes et les lacs ou étangs (2).
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(f) La langue japonaise n'a qu'un seul mot pour désigner les deux sortes de cours d'eau.
(g) Dans les cas douteux, pour qu'il n'y ait point d'incertitude sur la navigabilité d'une rivière, l'administration préfectorale doit la déclarer, après enquête.
(h) Voir trois Lois portant la date du 20 août 1881, dont une est relative aux chemins ruraux, une autre aux chemins et sentiers d'exploitation, la troisième modifiant plusieurs articles du Code civil, dans la matière des servitudes (art. 666 à 673 et 682 à 685). Depuis la 1re édition de ce Projet (1880), il n'a été promulgué du Code rural français que ces trois courtes lois de 1881. Ce Code rural a d'ailleurs, une singulière destinée: commencé sous le 1er Empire, il a été, tour à tour, abandonné et repris sous les divers Gouvernements qui se sont succédés en France depuis cette époque.
Le peu de zèle qu'y -apporte le législateur prouverait presque que l'utilité n'en est pas bien démontrée. Le droit 1.ural, en effet, ne paraît pas plus demander un code spécial que le droit urbain: tous deux forment le droit civil. Quelques lois spéciales, comme celles de 1881, suffiraient à compléter et à corriger le Code civil, dans ce qui lui manque et ce qu'il a de défectueux au sujet des intérêts ruraux ou agricoles.
(1) L'ancien article 243 avait adopté les expressions: du Code italien " cours d'eau ne faisant pas partie du " domaine public et n'appartenant pas à un particulier."
La Commission, avec raison, n'a pas approuvé cette formule négative et elle a demandé qu'on désignât les cours d'eau non par ceux auxquels ils n'appartiennent pas, mais par ceux auxquels ils appartiennent.
La correction était d'autant plus facile que la propriété du lit des petits cours d'eau, encore indéterminée lors de la lre rédaction de cette Partie, était, plus tard, reconnue formellement aux riverains (v. art. 617, 2e al.). Avec la nouvelle rédaction, les solutions de nos articles 243 à 248 ne sont que mieux justifiées.
(i) Remarquons, à ce sujet, que lorsque l'article 23, 2e al. considère les rivières navigables ou flottables, comme faisant partie du domaine public, c'est dans sou ensemble et comme voie publique que l'eau est envisagée et non dans les parties que tout homme peut y puiser pour son usage particulier: sous ce rapport, l'eau des rivières est commune.
(2) L'ancien article 248 qui statuait sur les lacs et étangs, uniquement pour les assimiler aux eaux courantes, sous le rapport qui nous occupe, a été fondu dans l'article 243 duquel, au contraire, on a détaché le droit de pêche pour en faire le nouvel article 244.
Art. 245. — 379. L'endiguement qui serait exécuté d'un seul côté du cours d'eau aurait pour effet, le plus souvent, de rejeter les eaux du côté opposé; surtout, s'il s'agissait d'un lieu où le cours d'eau forme un coude ou angle plus ou moins court. Il est donc désirable que de pareils travaux soient précédés d'un accord des intéressés (3).
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(3) Cet article était précédemment l'article 247: il paraît préférable de le placer avant celui qui détermine le pouvoir des tribunaux, afin qu'il soit régi par lui.
Ce qui est plus important c'est la suppression du 26 alinéa qui reconnaissait à l'autorité administrative locale le droit de faire endiguer les cours d'eau, aux frais des intéressés, lorsque ces endiguements seraient reconnus nécessaires à la localité et que les riverains ne se concerteraient pas pour les exécuter.
La Commission a remarqué, avec raison, que si un endi- guement n'intéressait que les riverains, l'autorité locale n'avait pas à s'en occuper; que si, au contraire, l'endiguement était nécessaire pour protéger des propriétés non riveraines contre les débordements, il n'était pas juste d'en faire supporter les frais aux riverains seuls. Les droits et devoirs de l'administration ont donc été réservés aux lois administratives. D'ailleurs, l'endiguement est un moyen de conservation des eaux et, comme tel, pourrait être ordonné ou exécuté par l'administration (v. art. 248).
Art. 246. — 380. La même disposition se trouve dans les deux Codes précités, avec deux différences de rédaction: 1° on a dû parler ici de l'hygiène ou de la santé, laquelle correspond aux usages domestiques de l'eau, dont ne font pas mention les deux Codes étrangers; 2° on a supprimé, dans les intérêts à concilier, ceux de la propriété, puisqu'il ne s'agit pas de l'usage (ln lit, mais de celui de l'eau courante, laquelle n'est pas la propriété des riverains.
La loi n'a pas à déterminer ici la compétence spéciale pour le jugement de ces contestations; il suffit de la donner " aux tribunaux."
En France, jusqu'ici, ces contestations ont été jugées par les tribunaux d'arrondissement, avec appel à la cour, comme en matière ordinaire; le Projet de Code rural en attribue la connaissance aux juges de paix, avec appel au tribunal d'arrondissement: on a pensé que ces contestations demandaient un juge rapproché des plaideurs et une justice simple, rapide et et peu coûteuse (4).
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(4) L'ancien texte (art. 244) donnait la compétence aux tribunaux civils, (juges de paix ou de district): la Loi organique des Tribunaux ou le Code de procédure civile aurait spécifié lesquels.
La Commission a cru devoir, en supprimant le mot civils, laisser une place possible aux tribunanx administratifs. Nous ne croyons pas que ce soit ici leur rôle. En tout cas, la question reste entière.
Art. 247. — 381. Le curage des cours d'eau a deux utilités: il entretient le libre écoulement de l'eau par l'enlèvement des boues, des sables et des herbes, et il préserve le voisinage des émanations fébrifères résultant des eaux devenues stagnantes.
Comme ce sont les riverains qui retirent la plus grande utilité des cours d'eau, il est naturel que le curage soit à leur charge, chacun dans la mesure de son droit d'usage, c'est-à-dire d'après la longueur de son terrain contigu au cours d'eau, quelle que soit d'ailleurs sa largeur.
Celui dont la propriété est traversée par le cours d'eau fera donc le curage du lit tout entier, dans sa propriété; celui qui n'est riverain que d'un côté ne curera que la moitié du lit. Il est clair que de pareils travaux, pour être bien exécutés et avec le moins de frais possibles, doivent l'être simultanément dans toute la largeur du lit et autant que possible sur une assez grande longueur à la fois. Pour cela, il est désirable que les riverains, sur un certain parcours de l'eau, s'entendent, se concertent, pour procéder simultanément au curage.
En France, l'usage se répand, de plus en plus, de la part des propriétaires, de former des associations spéciales, dites syndicales, pour la gestion de leurs intérêts communs; les unes sont libres, les autres sont approuvées par les préfets, avec certains avantages légaux. Le Projet de Code rural français contient, à cet égard, des développements très minutieux qu'il serait prématuré d'introduire au Japon, en ce moment.
S'il se forme des associations libres entre les riverains pour le curage ou pour les travaux d'endigue- ment dont il est parlé ci-après, elles suivront le droit commun des conventions privées. Lorsque le curage sera devenu nécessaire, l'autorité locale (ici, le maire, sans doute) fixera l'époque à laquelle il devra être commencé et fini. L'arrêté devra être publié assez longtemps à l'avance pour que les riverains aient le temps de se concerter, s'il y a lieu.
S'ils ne se sont pas entendus pour procéder au curage, à frais commun, en proportion de leur étendue de contiguïté, l'autorité locale (communale ou départementale) y fera procéder à leurs frais et le remboursement se fera naturellement comme celui des contributions locales.
Art. 248. — 382. Bien que les eaux dont il s'agit ici ne fassent pas partie du domaine public ou privé de l'Etat, des départements ou des communes, c'est cependant à l'autorité administrative qu'il appartient d'en assurer la police, tant parce que leur conservation présente un grand intérêt général et économique (surtout dans un pays de rizières) que parce que l'usage des riverains est souvent une occasion de contestations. Ce sera naturellement dans les attributions du préfet (4): d'un côté, il n'est pas nécessaire, à cause du peu d'importance de chacun de ces cours d'eau, de recourir à l'autorité centrale ou supérieure, si ce n'est en cas de réclamation contre le règlement même du préfet; de l'autre, il ne serait pas possible de donner cette attribution à un agent inférieur, plus local et, comme tel, plus accessible aux influences des propriétaires; en outre, il pourrait y avoir dans un même département des règlements plus ou moins différents, ce qui aurait de sérieux inconvénients.
On appelle " police des eaux " ce pouvoir réglementaire: on lui donne ici deux objets principaux qui sont l'opposé l'un de l'autre: le libre écoulement des eaux, pour préserver tant les fonds supérieurs des inondations que les fonds inférieurs de la sécheresse, et la conservation, contre les déperditions inutiles des eaux qui pourraient s'échapper latéralement et s'absorber dans des sables arides ou dans des excavations du sol; dans ce cas, des endiguements pourront même être ordonnés.
Le préfet réglementera aussi la pêche, tant pour les époques où elle sera permise que pour les instruments qui pourront être employés. Il ne faudrait pas, notamment, que les propriétaires supérieurs pussent, au moyen de larges filets, recueillir tous les poissons, au préiudice des fonds inférieurs.
383. Mais, le pouvoir administratif s'arrête et fait place à celui des tribunaux civils, dès que la mesure à prendre n'est plus générale pour tout le cours d'eau, mais est seulement relative à deux ou plusieurs riverains, les uns vis-à-vis des autres.
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(4) L'ancien texte l'exprimât (art. 245), mais la vommission n'a pas voulu préjuger la solution.
Art. 249. — 384. En matière de police des eaux du domaine public ou privé de l'Etat, des départements et des communes, la loi civile est inapplicable: l'intérêt général prédomine; c'est donc, sans aucun doute, la sphère du droit administratif.
Art. 250. — 385. Cette disposition et les suivantes, connues sous le nom de servitudes d'aqueduc, manquaient dans le Code civil français: elles y ont été ajoutées par des lois spéciales (des 29 avril 1845, 11 juillet 1847, 10 juin 1854) et le Projet français de Code rural les reproduit, en les complétant, pour abroger plus tard les anciens textes. Elles se trouvent aussi dans le Code italien;art. 598 et suiv.).
On y trouve de nouveaux sacrifices imposés aux propriétaires fonciers dans l'intérêt général et économique: la loi considère t)ujours que les sacrifices imposés aux uns sont moindres que les avantages procurés autres, en sorte que la production ou la valeur totale des fonds se trouve augmentée, pour le plus grand bien du pays.
Cependant, la loi française, même dans le nouveau Projet de Code rural, est allée moins loin que la loi italienne, dans le sens de l'utilité générale, et le Projet japonais va aussi loin que cette dernière: la loi française ne permet le passage des eaux que pour l'i1Tigation des terres; la loi italienne le permet même " pour les usages industriels et les nécessités de la vie (art. 598)." Si l'industrie mérite des encouragements au même titre que l'agriculture, l'hygiène des personnes et des animaux est encore plus digne de faveur que ces deux moyens de production.
Une autre différence entre le droit français et le Projet japonais est que, en France, le passage des eaux n'est pas un droit absolu pour celui qui le requiert: les tribunaux peuvent l'accorder ou le refuser, suivant que l'utilité en sera plus ou moins considérable; tandis que le Projet japonais, imitant encore en cela le Code italien, l'accorde chaque fois qu'il est requis (j); la seule condition à observer, sans même que la loi s'en soit exprimée, c'est que le requérant n'ait pas de passage plus facile pour ses eaux à travers ses propres fonds.
Le motif qui fait dispenser de recourir aux tribunaux pour l'obtention du droit (sauf le règlement de son exercice et de l'indemnité), c'est qu'il ne rentre pas dans le rôle ordinaire et normal de ceux-ci d'accorder des droits ou des facultés; ils sont seulement chargés de les reconnaître et de les faire respecter; dans le système français, les tribunaux seront toujours obligés de faire des visites de lieux, et de faire procéder à des vérifications lentes et coûteuses pour apprécier l'utilité du passage des eaux et les convenances respectives des deux fonds; ces formalités sont évitées dans le système italien et le seront aussi avec le Projet japonais, qui ne nécessitent guère l'un et l'autre qu'une expertise pour le règlement de l'indemnité.
Il y a d'ailleurs une garantie contre les demandes abusives de tels passages pour les eaux, c'est que le requérant est tenu 1° d'une indemnité envers le propriétaire du fonds servant, 2° des frais d'établissement et d'entretien des ouvrages nécessaires à la conduite de ses eaux. Or, il n'y a guère à craindre que celui qui n'aurait pas un besoin réel d'amener des eaux ou qui aurait la facilité de les amener par ses propres fonds, en réclame le passage par les fonds d'autrui.
L'indemnité due aux propriétaires des fonds traversés sera réglée par les tribunaux, en tenant compte tant du préjudice temporaire causé par les travaux préalables, que du dommage permanent provenant du passage des eaux.
La loi ne se prononce pas formellement sur la possibilité de fixer, à cet égard, une double indemnité, comme pour le passage des personnes en cas d'enclave (v. art. 233); mais il y a là une similitude de situation qui autorisera les tribunaux à recourir au même procédé.
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(j) La loi française dit: " pourra obtenir le Code italien dit: " est tenu"; le Projet japonais dit: " peut exiger."
Art. 251. — 386. La loi française ne s'est pas suffisamment expliquée sur le point de savoir si ce droit d'aqueduc s'applique aux prises d'eau concédées par l'administration: elle se borne à parler des eaux " dont on a le droit de disposer;" mais l'interprétation doctrinale et judiciaire n'a pas hésité à y faire rentrer les concessions administratives sur les divers cours d'eau.
La loi française n'a pas prévu non plus le cas où le droit du réclamant serait temporaire quant aux eaux, ce qui permet de croire qu'elle n'a autorisé la réquisition d'aqueduc que pour un droit illimité aux eaux: autrement, il faudrait que la loi eût fixé un minimum de durée, afin d'éviter des prétentions abusives ou vexa- toires entre voisins; or, elle ne l'a pas fait.
Le Code italien admet que le droit d'aqueduc soit réclamé temporairement (art. 598): il fait varier l'indemnité avec la durée, suivant qu'elle doit excéder, ou non, neuf années (art. 604); mais, ce délai n'est pas un minimum, ce qui est peut-être un tort.
Le Projet japonais croit faire sagement en ne permettant pas d'exiger le passage quand le droit aux eaux n'existe que pour un délai de moins de cinq ans. Pour un délai inférieur, il n'y aura que la ressource des conventions particulières: on pourra avoir " une servitude établie par le fait de l'homme." Toutefois, si la concession de l'eau est viagère, bien qu'elle puisse durer moins de 5 ans après la demande, comme elle peut aussi durer davantage, l'acqueduc pourra être exigé.
Il faudrait considérer comme faites pour un temps indéfini les concessions d'eaux publiques ou privées pour lesquelles il est payé un prix annuel, avec cessation facultative au gré de l'une ou de l'autre partie (5).
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(5) La Commission a demandé la suppression de cet article comme inutile, soit quant à la provenance des eaux, soit quant à la durée des concessions: au premier cas, on a dit qu'il suffit de ne pas restreindre le droit d'aqueduc à certaines eaux pour qu'il s'applique à toutes; au second cas, on a dit que l'abus n'est pas à craindre, car celui qui n'aurait droit aux eaux que pour un temps un peu court, ne ferait pas les frais de l'aqueduc et de l'indemnité. Ces raisons ne nous empêchent pas de croire que la loi sera plus claire en s'exprimant d'une façon permissive sur le premier point, et plus sage en se prononçant d'une façon prohibitive sur le second.
Art. 252. — 387. La sortie des eaux est encore plus nécessaire peut-être que leur entrée sur un fonds; car leur surabondance peut causer plus de dommages que leur insuffisance.
La disposition du présent article doit être rapprochée des articles 237 à 239, auxquels elle apporte une grande extension, sans le contredire.
Dans ces premiers articles, il s'agit de l'obligation, pour les propriétaires des fonds inférieurs, de recevoir les eaux qui découlent naturellement des fonds supérieurs, et cette servitude doit être subie sans indemnité.
Ici, il y aura travail de l'homme pour les évacuer; peut-être même y aura-t-il eu un premier travail sur des fonds supérieurs pour les amener; enfin, il y aura eu usage de l'eau et un usage qui les aura le plus souvent altérées, même quand il n'y aura eu qu'usage agricole, lequel corrompt ordinairement les eaux, notamment, par l'effet de la stagnation dans les rizières.
Ici, le législateur se retrouve, comme dans les cas qui précèdent, en face du problème qui consiste à concilier le respect dû à la propriété et à son indépendance avec l'intérêt é30nomique qui demande l'évacuation des eaux nuisibles à la production et encore plus de celles qui pourraient compromettre la santé publique. Le droit d'aqueduc peut donc être exigé à travers les fonds inférieurs, pour conduire à la voie publique, ou à toute autre issue publique, les eaux qui, même après avoir été amenées pour l'utilité, deviendraient un embarras ou un danger.
Sous ce rapport aussi, le Projet japonais va plus loin que les deux législations qui lui servent de guide en cette difficile matière: il autorise l'évacuation des eaux " ménagères et industrielles." La loi française qui ne donne le droit d'amener les eaux que pour l'irrigation, non pour l'industrie, ni pour les usages domestiques, ne pouvait pas songer à permettre l'évacuation d'eaux industrielles ou ménagères à travers les fonds d'autrui: elle a cru aller assez loin dans cette voie en permettant, en outre, l'évacuation des eaux provenant du drainage et de l'assèchement des étangs et marécages. Mais, le Code italien, qui permet d'amener les eaux par voie d'aqueduc, pour les usages et besoins domestiques, aurait dû, co semble, permettie l'évacuation des mêmes eaux. On ne peut objecter leur altération presque constante, C1r les eaux industrielles sont, le plus souvent, dans le même cas. D'ailleurs, il suffisait de prescrire le passage souterrain pour les eaux altérées, comme on le fait ici, au 2e alinéa.
On remarquera, à ce sujet, que l'altération des eaux agraires n'est jamais considérée comme assez nuisible pour exiger un passage souterrain: en effet, dès qu'elles reprennent un cours à ciel ouvert, elles se purifient assez promptement.
Enfin, ce qui sépare profondément cette nouvelle servitude de celle relative aux eaux naturelles, c'est l'indemnité due aux propriétaires des fonds servants: c'est là le respect du droit de propriété.
388. Il n'est pas nécessaire d'entrer dans des développements sur le drainage, opération très usitée en Europe et en Amérique, au moyen de laquelle on diminue la trop grande humidité des terres, et encore peu connue au Japon, où les terrains marécageux sont cultivés en rizières. Le drainage sera probablement toujours moins usité au Japon qu'en Europe, parce que les terres trop humides y peuvent presque toujours être consacrées à la culture du riz, laquelle demande même des irrigations artificielles. Cependant, l'eau stagnante pourrait être trop profonde, même pour des rizières, et alors il y aurait lieu de la diminuer: ce ne serait pas encore le dessèchement, mais le droit d'aqueduc serait tout aussi utile et il est aussi légitimement accordé par la loi.
Il y aura peut-être lieu, plus tard, de faire une loi spéciale sur le dessèchement des marais, lacs, étangs, comme en France et dans les autres pays étrangers: il y aura là une intervention nécessaire des autorités administratives; les propriétaires intéressés pourront se constituer en syndicat pour les travaux, pour la contribution aux dépenses et pour le partage du profit après le dessèchement.
Plusieurs lois en France (notamment, du 16 septembre 1807 et du 21 Juin 1865) se trouvent refondues dans le Projet de Code rural et sont destinées à être remplacées par lui.
Art. 253. — 389. La disposition de cet article, dans son 1er alinéa, rappelle celle de l'article 233, au cas d'enclave: il y a identité de motifs.
Le 20 alinéa n'a pas besoin de justification: l'habitation demande plus de respect que le sol arable.
Art. 254. — 390. Voilà encore une disposition dont l'équité est trop évidente pour avoir besoin d'être justifiée; il s'en trouve déjà une semblable dans les articles 241, 2e alinéa et 242.
Les Romains ont formulé, en matière de servitudes, une maxime générale dont l'application se présente ici et se retrouvera à la Section suivante, c'est que " la nature des servitudes n'oblige pas celui qui les subit à faire quelque chose, mais seulement à souffrir, à tolérer, à endurer " (le). C'est là un principe de droit positif qui, une fois admis, circule comme une monnaie courante et ne se discute plus; mais encore faut-il le faire dériver d'un autre principe, plus élevé, parce qu'il est d'équité et de raison, à savoir, que la loi peut bien diminuer quelque chose des avantages qu'un propriétaire peut tirer de sa chose, pour augmenter beaucoup les avantages d'une autre propriété et, de cette façon, accroître la richesse générale du pays; mais, elle manquerait le but, en le dépassant, si elle imposait au propriétaire du fonds servant des sacrifices à prendre sur ses autres biens, comme ici le prix des travaux; dans ce cas, la richesse générale ne serait pas toujours augmentée; les sacrifices de l'un seraient souvent égaux aux bénéfices de l'autre; l'on n'y trouverait guère qu'un déplacement injuste des valeurs.
Dans le cas des servitudes qui nous occupent, il serait d'autant moins possible de faire supporter les frais des travaux au propriétaire du fonds servant qu'il a déjà droit à une indemnité pour le trouble et la diminution de jouissance que lui cause le passage des eaux. Si la loi mettait les travaux à sa charge, il faudrait, de toute nécessité, augmenter, en proportion, l'indemnité qui lui est due, ce qui reviendrait au même résultat que de le dispenser de ces travaux, et comme l'indemnité est annuelle, elle ne correspondrait plus aux travaux d'établissement qui n'ont lieu qu'une fois.
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(k) Servitutum non ea natura est ut aliquis facere cogatur, sed ut fieri yatiatur.
Art. 255. — 391. Les deux premières dispositions de cet article rentrent dans lj système économique qui gouverne toute cette matière.
C'est un principe économique qu'il faut chercher à obtenir le plus d'avantages possibles avec le moins de travaux, c'est-à-dire avec les moindres dépenses.
Or, lorsqu'il s'agit d'amener des eaux pour l'irrigation ou l'industrie, ou d'évacuer des eaux surabondantes, si l'on peut utiliser les mêmes canaux en faveur de plusieurs fonds, c'est un bien général en même temps que particulier. Dût-on même faire les canaux plus larges ou plus profonds, ce serait encore moins coûteux que de faire deux ou plusieurs canaux.
On ne réfutera pas ici l'idée ridicule de ceux qui prétendent, au contraire, que, plus il y a de travail à faire, plus il y a de profits répandus dans le pays, par les ventes de matériaux et par les salaires donnés à la main d'oeuvre. Autant vaudrait-dire que c'est un grand bien pour un pays d'être périodiquement dévasté par les incendies, les typhons et les tremblements de terre, parce que ces désastres font vendre des bois et donnent du travail aux charpentiers. C'est ne voir qu'un côté des choses. Le côté qu'on ne voit pas, c'est que, si le désastre n'avait pas eu lieu, les capitaux ainsi employés auraient reçu un autre emploi, car les capitalistes intelligents n'ont pas pour habitude de conserver l'argent oisif: il y aurait eu des constructions nouvelles, par conséquent, des ventes de matériaux et des salaires gagnés et payés; la richesse publique s'en fût trouvée augmentée et, par suite, le bien-être général; tandis que, s'il n'y a que des réparations de désastres, le pays a moins de capitaux amassés et n'a pas plus de constructions qu'auparavant (l).
392. Pour revenir au texte, on remarquera que la réunion, dans un même canal, des eaux de deux propriétaires ne demande pas les mêmes précautions pour la sortie que pour l'entrée: pour la sortie, il importe peu que les eaux soient aussi pures les unes que les autres, puisque leur emploi est terminé; il en est autrement ponr l'entrée: il ne faut pas que les unes gâtent les autres (5).
On pourrait enfin se demander si cette sorte d'association des eaux et des intérêts des propriétaires modifie, en plus ou en moins, l'indemnité due au fonds servant. Il faut reconnaître que l'indemnité ne reste pas la même, si le propriétaire du fonds servant prête ses canaux au fonds dominant; car, dans ce cas, le fonds servant n'est déprécié que par une perte partielle de la liberté dù propriétaire; mais il n'y a pas occupation d'une partie utile du terrain. Dans le cas, au contraire, où le fonds servant emprunte le canal déjà fait par le fonds dominant, si l'indemnité a déjà été réglée, tant pour la diminution de liberté que pour l'occupation de terrain, elle ne sera pas modifiée par l'emprunt du canal. Le seul effet de cette communication des eaux dans un même canal est que chacun supportera une part proportionnelle des dépenses dudit canal, et que chacun aussi en aura le bénéfice à moins de frais. Mais si, au moment où le fonds dominant réclame le passage, le fonds servant demandait que le canal pût recevoir ses eaux, le tribunal pourrait toujours tenir compte de cet avantage pour fixer une indemnité moindre.
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(5) C'est à raison de cette différence entre l'entrée et la sortie des eaux que l'on supprime dans le nouveau texte la phrase qui les mettait sur la même ligne: la fin du 1er alinéa qui suppose que la réunion des eaux est nuisible au fonds dominant ne peut s'appliquer qu'à l'arrivée des eanx, non à leur sortie.
(l) Cette courte digression économique rattachée au Commentaire de la loi y trouvera plus d'autorité pour combattre une erreur populaire, sans doute aussi commune an Japon qu'en Europe.
On a traduit en japonais les PETITS PAMPHLETS ECONOMIQUES de Bastiat: notamment, Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit,pas, et on les trouve, au Japon comme en France, aussi piquants qu'instructifs.
Art. 256. — 393. Cet article paraîtrait, au premier abord, devoir être placé après l'article 243, car, il se rattache, comme lui, aux eaux courantes; mais, il a dû être placé ici, à cause de son 2e alinéa qui repose sur le même principe que l'article précédent et demande la même justification.
L'usage des eaux courantes, par les riverains, nécessite presque toujours que les eaux soient élevées, car, elles se trouvent le plus souvent en contre-bas du sol riverain; pour que le contraire eût lieu, il faudrait supposer que les eaux coulent entre des digues ou chaussées, ce qui est assez rare et suppose des travaux antérieurs très considérables et d'un entretien coûteux. Les eaux devront donc, en général, être élevées par un barrage, qui sera nécessairement appuyé aux deux rives.
Le préjudice causé au riverain sur le fonds duquel le barrage est appuyé n'est jamais bien considérable, parce que les piles de bois ou de pierre s'enfoncent assez peu dans la rive; néanmoins, il y a comme dans- tout droit exercé sur le fonds d'autrui, une diminution de liberté; par conséquent, il y aura indemnité.
Le droit accordé au même riverain d'utiliser ledit barrage à son profit se justifie, comme celui d'user des canaux, en vertu du précédent article, et c'est une suffisante raison de ne pas reporter celui-ci après l'article 243; autrement, il faudrait y transporter aussi la justification économique de l'article précédent et elle y serait moins motivée.
394. On remarquera que cet article ne se réfère qu'aux eaux courantes qui ne sont ni navigables ni flottables; c'est, en effet, pour celles-là seules qu'il est permis d'établir des barrages; dans les autres rivières, -la navigation en serait empêchée, à moins que le barrage ne fût mobile et en système d'écluse; de pareils travaux ne sont permis que très exceptionnellement par l'admi-. nistration supérieure et lorsque le barrage peut alimenter un grand nombre d'usines sur les deux rives.
Cette matière appartient, du reste, au droit administratif et non au droit civil.
SOMMAIRE.
Art. 257,-N° 805. Droit respectif des voisins au bornage: droit commun de la propriété, improprement appelé servitude légale; les deux fonds sont dominant et servant; le droit au bornage est réel. -39G. Nature des signes du bornage.
258. -397. Trois sortes de fonds exclus du bornage, parce qu'il leur est inutile.
259. —308, Imprescriptibilité du droit au bornage: on peut la justifier de quatre manières. -399. Cas où l'action en bornage doit être précédée d'une action, soit possessoire, soit en revendication.
260. —400. Etablissement des limites: sursis, s'il y a lieu, jusqu'au jugement du pétitoire.
261. —-401. Cas où il y a lieu à indemnité du déficit.
262. —402. Mise en cause des arrière-voisins: répartition de l'excédant total ou du déficit.
263. -403. Constatation des limites, à l'amiable ou par jugement.
264. -404. Répartition différente des frais de poteaux- bornes, de l'arpentage et de la procédure.
265. -405. Compétence et formes de procéder: renvoi.
COMMENTAIRE.
Art. 257. — 395. Le but du Bornage ou Aborne- ment est de prévenir les difficultés et contestations qui naîtraient infailliblement du voisinage, si la contenance et les limites de chaque propriété n'étaient pas exactement déterminées par des signes visibles et durables; l'intérêt général et l'intérêt même des propriétaires y trouvent donc satisfaction.
Le bornage est une de ces charges légales que l'on a signalées au commencement de ce Chapitre (nos 347 et 348) comme étant improprement qualifiées du nom de servitudes. La réciprocité même de cette charge fait qu'il est difficile d'y voir un fonds servant et un fonds dominant, puisque chacun des deux fonds a cette double qualité et que le bornage est établi pour l'avantage des deux propriétaires.
Mais on a vu aussi qu'il n'y a guère d'intérêt à s'arrêter à cette difficulté purement théorique et que la loi y perdrait en simplicité.
Il est certain que le bornage est une des charges légales de la propriété foncière dont il forme le droit commun; sous ce rapport, le Projet a suffisamment proclamé le principe, en écrivant le 48 alinéa de l'article 35.
Mais, il faut reconnaître: 1° que c'est improprement aussi que la charge du bornage est appelée obligation entre voisins: elle ne correspond pas à une créance ou droit personnel, mais à un droit réel, attribut de la propriété (a), 2° que la circonstance que le droit est réciproque et que les deux fonds se trouvent en même temps servants et dominants n'est pas une objection sérieuse à la dénomination de servitude, lors même qu'on la déclarerait double; il y a là un effet résultant de la nature des choses; car, depuis les Romains, il est d'usage de dire que l'action en bornage a une nature mixte ou double, en ce sens que chacun des voisins est tout à la fois demandeur et défendeur.
La matière du bornage est une de celles qui ont été le plus négligées dans les lois étrangères: le Code français ne lui consacre qu'un court article (art. 646) (b), et le Code italien se contente de le reproduire (art. 441).
On s'est efforcé, dans le Projet japonais, de combler les lacunes qui pourraient embarrasser la jurisprudence nouvelle.
396. Le présent article pose le principe du droit de demander le bornage; les deux articles qui le suivent y apportent des exceptions et des limites.
La loi ne détermine pas d'une façon rigoureuse la nature des signes qui serviront à reconnaître les bornes: les parties pourront, soit y inscrire leurs noms, soit y mettre l'indication de la contenance; mais toujours de façon à ce que les pierres ou poteaux révèlent au premier aspect leur caractère, car, il y a dans le nouveau Code pénal (art. 420) une punition pour ceux qui déplacent les limites des propriétés et il faut chercher à prévenir le délit avant d'avoir à le réprimer.
La loi ne limite pas la nature des matériaux à employer pour le signe des limites: les pierres, arbres ou poteaux sont les plus naturels et les plus durables; elle se réfère d'ailleurs à l'usage des lieux (1).
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(a) C'est à tort que le Code français a rangé dans les Obligations nées de la loi "les engagements entre propriétaires voisins" (art. 1370): il leur avait déjà lui-môme reconnu la nature de droits réels, en les plaçant sous le titre des Servitudes. De plus, il serait incorrect d'appeler engagements des obligations qui ne proviendraient pas de la volonté de l'homme.
(b) La loi précitée du 20 août 1881 n'a rien ajouté à cet article 646 (v. n° 376, h).
(1) L'ancien texte avait une forme trop limitative et il omettait de se référer à l'usage des lieux.
Art. 258. — 397. La loi affranchit ici du bornage trois sortes de fonds:
1° Les bâtiments: ils se présentent, en effet, dans des conditions de fixité qui rendent le bornage inutile. Si donc un des propriétaires prétendait que l'autre a construit sur le terrain qui ne lui appartient pas, il ne pourrait qu'agir en réintégrande ou en revendication de la portion de sol qu'il prétend usurpée. Il se présenterait ensuite une question d'accession et d'indemnité à régler; car, les constructions suivent le sol, même celles faites par un autre que le propriétaire (voy. Livre IIIe, art. 613). Si les bâtiments étaient séparés par un terrain libre, non clos, dont chacun des voisins eût une partie, il y aurait lieu à demander le bornage de ce terrain.
2° Les terrains enclos de la manière indiquée au texte ne sont pas non plus sujets au bornage.
Pour que la clôture ait ainsi pour effet d'exclure le bornage, la loi veut que cette clôture ait un caractère stable et définitif, et elle ne reconnaît comme tels que les murs en maçonnerie (pierres, briques, tuiles), dits néri-beï ou ceux en charpentes (heï, yaraï). La loi considère que si l'un des voisins a laissé l'autre établir de pareilles clôtures sans protestations, c'est qu'il en a reconnu la légalité. Si, pourtant, ce voisin croit découvrir qu'il y a eu usurpation, il lui reste deux actions: l'action possessoire (en complainte ou en réintégrande), si la clôture et la possession qui en résulte pour celui qui l'a faite ne remontent pas à plus d'un an (voy. art. 217), et l'action en revendication, lorsque la première n'est plus recevable.
3° Les terrains séparés par un chemin public ou par un cours d'eau également public ne présentent pas non plus l'incertitude de limites qui motive l'action en bornage. Bien entendu, le bornage reste exigible, si la séparation est un chemin ou un cours d'eau privé.
Art. 259. — 398. Bien que tous les droits réels se perdent, en général, par la prescription, c'est-à-dire quand celui auquel ils appartiennent a laissé s'écouler un certain temps sans les exercer, et qu'ils ont été exercés par un autre comme siens, il en est cependant que le temps n'éteint pas et celui, qui nous occupe est du nombre.
On en peut donner une première raison, qui est la plus frappante et la plus simple, c'est que la prescription n'a pas lieu pour les droits qui sont d'intérêt public autant ou plus que d'intérêt privé, et l'on a vu plus haut que le but du bornage est de prévenir les contestations et les procès.
On peut encore donner cette raison que lorsqu'un droit est accessoire d'un autre il ne se prescrit qu'avec le droit principal; or, le droit au bornage est l'accessoire du droit de propriété; donc, tant que la propriété n'est pas perdue elle-même par la prescription, le droit au bornage subsiste.
On peut dire encore que le droit au bornage naît du défaut de limites et qu'il renaît pour ainsi dire chaque jour, tant que les fonds contigus ne sont pas délimités. C'est exactement la même théorie que pour la demande en partage entre copropriétaires indivis (v. art. 40): elle est imprescriptible tant que dure l'indivision.
Enfin, on peut encore fonder l'imprescriptibilité de l'action en bornage sur le principe que Il le défaut d'exercice des actes de pure faculté ne peut fonder ni possession ni prescription " (voy. c. civ. fr., art. 2232: Proj., art. 1432).
399. Mais, l'action en bornage ne serait plus rece- vable, si l'un des voisins invoquait la prescription ac- quisitive de tout ou partie du fonds de son adversaire, ou seulement une possession civile ayant déjà un an de durée, soit pour tout le fonds, soit pour une portion déterminée. Ici, il n'y aura pas à distinguer la nature des clôtures qui ont pu modifier les limites primitives: quelle que soit leur faible consistance, elles peuvent suffire à déterminer la portion possédée si, d'ailleurs, il y a eu d'autres actes constituant la possession, conformément au Chapitre précédent.
Si, dans ce cas, le bornage était demandé d'après les titres de propriété, le possesseur serait privé du bénéfice de sa possession; or, il ne peut l'être que par une action possessoire, s'il est prouvé que sa possession n'avait pas encore un an de durée et, dans le cas contraire, par l'action en revendication, si la prescription acquisitive n'était pas accomplie. C'est donc par l'une ou l'autre de ces deux actions que le demandeur en bornage devra procéder préalablement: s'il y triomphe, le bornage sera exécuté d'après les contenances et les limites établies tant par les titres que par les autres preuves reconnues et déclarées par le jugement; s'il y succombe, les bornes seront placées de façon à consacrer la possession ou la prescription du défendeur.
Cette combinaison de l'action en bornage avec l'action possessoire et l'action pétitoire ou en revendication est complétement passée sous silence par les lois étrangères et elle pourrait créer de grands embarras aux tribunaux, si elle n'était pas réglée au Japon.
Art. 260. — 400. Lorsque les limites ne résultent pas de la prescription acquisitive ou de la possession annale, on doit les rechercher dans les titres de propriété, et s'ils sont perdus ou détruits, on les supplée par témoins ou par les autres preuves admises en droit civil ordinaire.
Mais, ici, comme dans le cas de prescription prévu à l'article précédent, il peut y avoir contestation sur les contenances déclarées aux titres ou sur la validité des titres eux-mêmes; le débat ne portera plus alors sur les limites seulement, mais, sur le droit même de propriété, et comme, vraisemblablement, le juge du bornage sera un juge inférieur, le juge de paix, il ne lui appartiendra pas de statuer incidemment sur le droit de propriété; il devra donc surseoir à statuer sur le bornage, jusqu'à ce que le droit de propriété ait été reconnu et déclaré par le tribunal de district. C'est une solution différente et même inverse de celle du concours de l'action possessoire avec l'action pétitoire (voy. art. 219); mais ce n'est pas une exception à cette disposition, car l'action en bornage n'est pas une action possessoire, mais pétitoire.
Art. 261. — 401. La disposition de cet article était nécessaire pour ne pas créer une nouvelle difficulté aux tribunaux: l'article 258 ne soumet pas au bornage les bâtiments, ni certains enclos; mais, si un domaine contient, avec des terrains ouverts, un enclos et des bâtiments, il pourrait arriver que la réduction dût porter sur le côté bâti ou enclos; dans ce cas, pour respecter l'article 258, le retranchement sera remplacé par une indemnité en argent.
Art. 262. — 402. Il arrive fréquemment que l'action en bornage ne s'arrête pas aux deux voisins entre lesquels elle a commencé, car celui qui aura subi un retranchement pourra prétendre se faire compléter son étendue en réclamant le bornage contre son autre voisin, et tous les voisins peuvent ainsi se trouver appelés au bornage de proche en proche, en s'arrêtant cependant à ceux qui se trouvent compris dans 'un même ilôt, c'est- à-dire, sans franchir les voies ou cours d'eau publics, ni les enclos ou bâtiments faisant obstacle au bornage, d'après l'article 258. Ceux que la loi appelle ici, d'après l'usage, arrière-voisins, sont en même temps voisins immédiats pour les fonds qui leur sont contigus.
A cause de ces derniers, ils ne peuvent se refuser à entrer en cause pour le bornage.
Les fonds seront alors tous mesurés ou arpentés séparément, par un expert choisi par les parties ou désigné par le tribunal, et il arrivera souvent que la contenance totale de tout le périmètre en question donnera plus ou donnera moins que le total des contenances portées à tous les titres.
Si elle donne plus, ceux qui ont plus que la contenance à eux assignée par leur titre subiront un retranchement, de manière à parfaire la contenance de ceux qui ont moins. Si elle donne moins et s'il est impossible de découvrir à l'égard de quels fonds spécialement l'erreur originaire a été commise, il est naturel et juste de procéder à une répartition proportionnelle entre tous les fonds soumis au bornage: la proportion est préférable à l'égalité, car rien ne serait plus choquant que d'ôter autant à un champ exigu qu'à un immense domaine.
Ces opérations seront donc quelquefois délicates, surtout lorsque les mesures primitives remonteront à une époque où les opérations d'arpentage étaient faites moins exactement qu'aujourd'hui.
La loi a soin de limiter le recours contre les arrière- voisins au cas où ils ne sont pas eux-mêmes bornés légalement, c'est-à-dire contradictoirement; il ne faudrait pas, en effet, que le défaut de bornes d'un côté fût une occasion de revenir sur le bornage valablement fait d'un autre côté (2).
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(2) La Commission de révision a désiré exclure tout recours contre les arrière-voisins: cette prohibition nous paraît trop absolue et nous croyons suffisant de limiter le recours comme il est dit au 26 alinéa.
Les anciens articles 261 et 262 ont été interposés et le nouvel article 262 se rapproche, par son 26 alinéa, de ce qu'a demandé la Commission.
Art. 263. — 403. Il est toujours désirable que les parties s'accordent pour le bornage; la loi leur laisse alors le soin de rédiger l'acte qui constatera l'opération: leur intérêt est de le faire clairement.
S'il faut recourir à la justice, le bornage sera déterminé par un jugement, précédé ordinairement d'un arpentage et d'un rapport par un géomètre-expert. La loi exige aussi qu'il soit annexé au jugement un plan figuratif des parcelles, présentant l'indication des bornes 'qui seront nécessairement placées à tous les angles.
Pour dispenser de faire le plan à une échelle de réduction géométriquement exacte, il suffira que les distances entre les bornes soient notées, lors même que la proportion exacte de ces distances ne serait pas observée sur le plan; on notera aussi la distance des principales bornes par rapport à quelque point local fixe qu'il ne dépend pas des parties de déplacer; de cette façon, en cas de contestation ultérieure ou de déplacement des bornes, il sera facile de retrouver leur place véritable, sans nouvel arpentage.
Art. 264. — 404. Le Projet corrige ici les Codes français et italien qui, tous deux, mettent les frais de bornage à la charge commune des voisins, sans distinction, ce qui serait une injustice, si la jurisprudence n'y remédiait par une sage interprétation de l'esprit de la loi.
Il est naturel que la dépense des bornes, assez minime d'ailleurs, soit supportée également par les deux voisins auxquels elles servent de limites, parce que chacun y trouve le même avantage, quelle que soit l'étendue de son fonds. Mais, il est évident que l'arpentage d'un domaine plus ou moins considérable coûtera beaucoup plus que celui d'un champ exigu, et la charge doit en être proportionnelle à l'étendue et même aux difficultés du terrain. En fait, le géomètre- expert se fera payer directement par chaque propriétaire le travail qu'il a fait pour lui, et, s'il a été commis par le juge, il présentera un compte séparé pour chaque fonds; ce sera le moyen le plus simple d'observer la proportionnalité des frais d'arpentage.
Pour les autres frais, ceux d'actes et de procédure, la proportionnalité semblerait aussi plus juste au premier abord (3). Mais si l'on considère que ces frais ne sont pas proportionnels à l'importance des terrains, on arrive encore à reconnaître que le fonds le moins important n'en profite pas moins que le fonds le plus considérable.
L'exception portée par le 4e alinéa recevra son application dans plusieurs cas qui sont supposés plus haut: un des voisins a contesté le sens ou la portée d'un titre de propriété, ou bien il s'est prétendu possesseur annal d'une portion du terrain à borner, ou, enfin, il a élevé une prétention à la propriété ou contesté celle de son voisin; celui qui aura succombé dans l'un ou l'autre de ces cas, supportera seul les frais de cette partie de la procédure. C'est l'application du droit commun des procès.
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(3) C'était la décision de l'ancien texte.
Art. 265. — 405. Il est désirable que les procès ou actions en bornage, ne touchant pas au fond du droit de propriété, soient jugés promptement et avec peu de frais.
Le premier avantage sera obtenu si la loi donne la compétence au juge le plus rapproché des justiciables, c'est-à-dire au juge de paix. Le second avantage sera la conséquence toute naturelle du premier: devant les juges inférieurs, les formes sont toujours plus simples et les frais moins élevés.
En France, les actions en bornage sont jugées par les juges de paix (C. pr. civ., art. 3 et 38; Loi du 25 mai 1838, art. 6, 2e al). La nouvelle Loi organique des Cours et Tribunaux vient aussi, au Japon, de donner la même compétence aux juges de paix dits "juges locaux " (art. 14, n° 2).
SOMMAIRE.
Art. 266. — N° 406. Le droit de se clôre est un des at tributs de la propriété: exception, s'il doit faire obstacle aux servitudes du voisin.
267. —407. Cas où la clôture est obligatoire: distinction des fonds, non des lieux; motifs. -407 bis. Mode de clôture; hauteur; cas d'une terrasse.
268. —408. Clôture de luxe.
269. —409. Cas où la clôture a été faite par un seul des voisins: distinction.
COMMENTAIRE.
Art. 266. — 406. La faculté de se clore est, pour le propriétaire, une conséquence naturelle du droit de propriété. Si la loi s'en explique, c'est surtout à cause de l'exception portée au second alinéa.
Le Code français, en proclamant le droit de se clore (art. 647) n'y a apporté qu'une exception, celle relative au passage en cas d'enclave; mais cette exception n'est pas la seule; il est clair que celui qui a obtenu un passage sur le fonds d'autrui, bien qu'il ne soit pas enclavé, ou qui a le droit d'y aller puiser de l'eau, d'y prendre du sable ou d'autres objets utiles, a nécessairement le droit d'accès sur le fonds servant; s'il y a une porte, il devra en avoir une clef ou en obtenir l'ouverture à première demande, au moins pendant le jour, et sans troubler le propriétaire du fonds servant.
Une autre raison justifie encore ici la proclamation du droit de clôture: on aurait pu douter que le voisin pût, par des clôtures très élevées, gêner la vue du propriétaire voisin; dans certains lieux, la vue à distance peut avoir un grand cl)arme et même donner une plus-value à une habitation, comme la vue de la mer, du l^usiyama ou même de la voie publique, et il pourrait arriver que l'un des voisins, par malice ou vengeance, élevât une clôture pour masquer la vue de l'autre. Assurément, il y aurait là un mauvais sentiment; mais, comme la clôture peut avoir un autre motif, par exemple, celui d'arrêter des regards indiscrets, la loi préfère proclamer le droit absolu à la clôture, sans qu'il y ait lieu d'en rechercher les motifs.
Art. 267. — 407. La clôture des héritages con- tigus est, comme le bornage et plus encore, un moyen de prévenir les contestations entre voisins.
Si les terrains ne sont pas clos, il naît souvent des querelles entre les voisins, par suite des troubles ou dommages causés par les enfants, par les domestiques ou par les animaux; ces querelles s'enveniment en se répétant et il n'est pas rare que des violences en soient la conséquence. La loi fait sagement d'autoriser le plus sage ou le plus défiant des voisins à demander la clôture.
La clôture peut être exigée, par les voisins respectivement, " en tout lieu." On aurait pu, comme en France et ailleurs, distinguer entre les villes ayant une population plus ou moins considérable et les autres villes, communes ou hameaux moins peuplés. Dans le premier cas, il y a, en général, plus d'aisance et les terrains ont plus de valeur avec moins d'étendue, la charge serait donc proportionnellement moins lourde que dans le second cas.
Mais on a pensé qu'il fallait moins se préoccuper de la dépense que de l'utilité de la clôture, et dans les campagnes, autant que dans les grandes villes, le contact des voisins, des ouvriers agricoles, des domestiques et des animaux peut aisément amener des conflits qu'il est toujours bon d'éviter (1).
La loi ne demande pas la clôture de tout terrain; du moment qu'elle ne distingue pas les localités, elle doit chercher la distinction dans la nature et la situation de ces terrains: elle ne soumet à la clôture que les tèrrains qui séparent " les habitations, magasins et bâtiments d'exploitation agricole ou industrielle," c'est-à-dire les lieux qui motivent constamment la présence des hommes et qui en même temps contiennent des objets d'une plus ou moins grande valeur.
407 bis. La loi n'a pas voulu exiger une clôture trop coûteuse, en maçonnerie, par exemple: les bambous suffiront; mais pour qu'il n'y ait pas d'abus, dans une prétention ou dans une autre, quant à l'ouverture des mailles, la loi demande que les bambous soient juxtaposés, c'est-à-dire rapprochés sans intervalle. Il en résultera deux avantages: un obstacle aux regards indiscrets et la nécessité de mettre une plus grande solidité dans les poteaux de soutien.
Lorsque la clôture sera en planches, les poteaux de soutien ou arcs-boutants (hikaï) devront être placés alternativement sur chaque fonds, car ils sont une gêne pour les propriétaires.
La loi a dû fixer également la hauteur de la clôture: une hauteur de six pieds a paru suffisante.
Il fallait prévoir aussi le cas où les deux terrains ne seraient pas de même niveau: en principe la clôture sera toujours posée sur la ligne séparative elle-même; mais si le terrain le plus élevé "forme terrasse au- dessus de l'autre," au moyen d'un mur de soutènement, en pierre, en bois ou en gazon, la clôture sera placée au sommet dudit mur, et comme la hauteur est déjà un obstacle à la communication des personnes et des animaux, il suffira que la clôture complète les six pieds de hauteur requis.
Toutefois, si la terrasse avait déjà 3 ou 4 pieds de hauteur, il ne suffira pas d'y ajouter une clôture de 3 ou 2 pieds: celle-ci devra toujours en avoir 4 au moins, ce qui laissera encore au propriétaire le bénéfice de la vue à distance.
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(1) L'ancien texte faisait la distinction des localités, d'après la population: la Commission en a demandé la suppression, pour le motif indiqué, et nous nous sommes rallié sans difficulté à cette opinion.
Art. 268. — 408. Il est naturel que la clôture, objet d'une obligation semblable de la part des deux voisins et leur procurant à chacun le même avantage soit à la charge de chacun par égale portion, quant à son établissement, son entretien et sa réparation. Il n'y a même pas à faire d'exception pour le cas où la clôture est placée sur le fonds supérieur formant terrasse: quoiqu'elle ne soit pas alors placée sur la ligne séparative même, elle est cependant utile au propriétaire inférieur et on peut la supposer réclamée par lui.
La loi, du reste, en n'exigeant qu'une clôture simple et peu coûteuse, pour ne pas trop charger la propriété foncière, ne pouvait pas défendre à un propriétaire de faire une clôture plus forte, plus élégante ou plus haute. Mais, il est naturel aussi qu'il n'en résulte, dans ce cas, aucune charge supplémentaire pour le voisin plus modeste dans ses goûts ou plus limité dans ses moyens; l'entretien même et la réparation seront exclusivement à la charge de celui qui a fait la clôture de luxe. Il serait impossible d'ailleurs de savoir si une clôture en planches ou en bambous, qui n'existe pas, aurait besoin de réparations, lorsque le mur en aura besoin.
La seule difficulté pourrait naître de l'épaisseur d'un mur toujours bien plus considérable que celle d'une clôture en bois. Dans ce cas, l'excédant de largeur devra être pris sur le fonds du constructeur, et si, à cause de la différence de niveau des terrains, il fallait la prendre sur le fonds inférieur, il y aurait lieu à indemnité ou à faire la construction sur le sol supérieur, au moyen de fondations aussi profondes que le sol inférieur.
Art. 269. — 409. (2). Lorsque la clôture a été faite par l'un des voisins, à ses frais exclusivement, le vœu de la loi est satisfait, le danger de conflits est conjuré: il n'y a plus lieu d'exiger la participation de l'autre à la dépense, lors même que ladite clôture serait en planches ou en bambous. Mais cette déchéance du constructeur le plus diligent n'aurait plus lieu elle- même, s'il avait mis le voisin " en demeure " de contribuer à la clôture:" cela constituerait pour lui une réserve suffisante de son droit, et il ne serait pas tenu d'attendre la solution du litige pour procéder à la clôture.
Dans tous les cas, si le voisin est libéré de la participation à la construction, " aux frais de premier établissement," il ne l'est pas de la contribution à l'entretien et à la réparation de la clôture, lorsqu'elle a été faite commé le prescrit la loi: cette obligation naît au fur à mesure que la clôture'vieillit.
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(2) Cet article, détaché de l'ancien art. 267, a été placé le dernier, comme réglant un cas exceptionnel.
SOMMAIRE.
Art 270. -N° 410. Fondement du droit de mitoyenneté; nature de cette copropriété particulière.
271. —411. Présomption de mitoyenneté; quatre modes de preuve contraire: la possession annale ne suffit pas à la démentir.
272. -412. Signes de non-mitoyenneté: quatre sortes.
273. —413. Limite et exclusion de la présomption pour certains murs.
274. —414. Cas de divers signes en sens contraires.
275. -415. Charges de la mitoyenneté: faculté de s'y soustraire; double limite de cette faculté.
276. —416. Droits résultant de la mitoyenneté dans ses diverses applications.
277. —417. Cession forcée de la mitoyenneté: justification économique. -418. Trois limites au droit de l'exiger. -419. Calcul de l'indemnité.
277 bis. -419 bis. Cas où il y a lieu de bâtir en retraite de la ligne séparative.
COMMENTAIRE.
Art. 270. — 410. Cette matière se trouve réglée avec assez de soin et assez complétement dans le Code français (art. 653 et suiv.) pour qu'on ait eu peu à s'en écarter ici; cependant, on s'est efforcé d'y mettre encore plus de précision et on y a introduit quelques améliorations nécessaires conciliables avec les usages du pays.
Ainsi d'abord, le Code français omet de donner à la mitoyenneté (a) sa véritable base qui est la participation réelle de chacun des voisins à la construction, c'est-à- dire, à la fourniture du sol sur lequel la clôture ou séparation est assise, à l'achat des matériaux et au payement de la main-d'œuvre. Le présent article s'en explique clairement, et il a soin de généraliser la dis position, en y faisant rentrer la clôture forcée, avec ses conditions légales, et la clôture volontaire, avec ses variétés infinies (1).
Le présent texte nous apprend encore que la mitoyenneté est une copropriété indivise; ce qui empêchera de soutenir au Japon, comme on l'a essayé en France, que le mur mitoyen appartient aux voisins par moitiés dicise.';, c'est-à-dire à chacun, de son côté, jusqu'au centre du mur. Enfin, le texte ne néglige pas de dire que le sol appartient indivisément aux deux voisins comme le mur lui-même.
L'indivision que nous rencontrons ici a une nature propre déjà annoncée à l'article 40: nul ne peut la faire cesser par un partage force; on ne peut s'y soustraire qu'en renonçant au droit lui-même, ce qui alors donne la propriété entière au voisin (voy. art. 274).
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(a) Mitoyenneté, mitoyen, c'est le fait, pour un bien, d'être, tout à la fois, mien et tien.
Art. 271. — 411. Lorsque le Code français (art. G53) base la mitoyenneté sur une présomption, il ne fait pas sentir quel est le fondement de cette présomption. Le présent texte s'en explique formellement: il y a présomption que chacun des voisins a fait les sacrifices de sol et de travaux qui sont la véritable base du droit de copropriété.
Toutefois, au cas d'une clôture placée sur un fonds formant terrasse sur l'autre (v. art. 267, 4e al.) la présomption de mitoyenneté ne s'appliquerait pas au sol, mais seulement à la clôture elle-même.
La présomption ici établie n'est pas invincible et ne devait pas l'être, parce qu'il est possible et fréquent même que la séparation ait été construite par un seul des voisins.
Le texte indique ici quatre moyens de combattre la présomption légale (2); le Code français n'en indique que deux: il omet la prescription. Sans doute, en France, on ne nierait pas que si l'un des voisins a eu, pendant trente ans, une possession exclusive du mur de séparation, cette prescription équivaille à un titre écrit; mais la loi a le devoir de faire une énumération exacte et complète, lorsqu'elle, n'adopte pas une formule générale ou qu'elle ne prccède pas par voie d'exemples (aa).
Quant à la possession annale, elle ne suffirait pas ici à démentir la présomption de la loi, parce que la possession annale n'est elle-même qu'une présomption. Or, lorsqu'il s'agit de combattre une présomption simple par une autre présomption n'ayant pas un caractère différent, il faut que la loi s'en explique avec soin, ce dont elle s'est gardée ici. La présomption résultant d'une possession annale n'est pas suffisante pour détruire la présomption de mitoyenneté, parce que la nature de la chose se prête si facilement à des actes de possession plus ou moins légitimes qu'il y aurait toujours une grande incertitude sur l'existence ou le caractère de ces actes. Il y aurait danger aussi à donner à ces actes une importance sérieuse: ce serait obliger les voisins à une surveillance, à une défiance continuelles, qui dégénèreraient facilement en querelles, en rixes ou en procès, suivant le caractère des personnes.
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(1) C'était par inadvertance que l'ancien texte supposait " en pierre ou en maçonnerie " les murs séparant deux bâtiments: ils peuvent tout aussi bien avoir été construits en charpente, à frais commun. La distinction de la maçonnerie et des charpentes sera, au contraire, essentielle quand il s'agira de la cession forcée de la mitoyenneté (v. art. 277).
(2) L'ancien texte ne mentionnait pas la preuve testimoniale comme moyen de combattre la présomption de mitoyenneté, parce que cette présomption a surtout pour but de prévenir les procès sur la preuve de la copropriété et que la preuve par témoins pourrait, au contraire, les favoriser. Mais cette preuve doit rester applicable ici, conformément au droit commun, dans les cas exceptionnels où elle est recevable, soit parce que l'intérêt engagé n'excède pas 50 yens, soit parce que le titre écrit a été perdu, etc. (v. art. 1396 et 1405).
On a donc ajouté cette preuve au présent article.
(aa) Cependant l'article 670, au sujet de la haie présumée mitoyenne, réserve " la possession suffisante au contraire." Nous sommes porté à croire qu'il s'agit là de la longue prescription et non de la possession annale (v. ci-après); mais alors il fallait la généraliser pour tous les cas de mitoyenneté.
Art. 272. — 412. La loi n'a pas besoin de reprendre l'idée que le titre écrit et la prescription trentenaire peuvent combattre la présomption de mitoyenneté: les titres sont la preuve normale du droit de propriété exclusive, et la prescription trentenaire, quoique constituant elle-même une présomption de droit, est une présomption absolue et invincible.
Les autres présomptions que la loi admet ici comme preuves contraires de la présomption de mitoyenneté ont, à la différence de la possession annale, un caractère précis, indiscutable et permanent.
Il n'est pas nécessaire de reprendre ici en détail, chacun des quatre cas réglés par la loi. Il suffira d'une observation sur chacun.
1er al. Nul ne pouvant envoyer les eaux pluviales de ses bâtiments sur le fonds voisin (art. 239), la circonstance que les eaux du mur tombent sur un seul fonds prouve suffisamment que le mur appartient exclusivement à celai sur le fonds duquel tombent les eaux. De même, on verra plus loin que si le mur est mitoyen, aucun des voisins n'y peut pratiquer d'ouverture ou d'enfoncement; si donc de pareilles dispositions existent dans un mur de séparation, c'est qu'il n'est pas mitoyen.
2e al. Les poteaux de soutien étant une gêne que le propriétaire n'a pas le droit de rejeter sur le voisin, il est clair que s'ils se trouvent d'un seul côté, c'est que de ce côté seul aussi est le droit de propriété.
3e al. Nul ne pouvant, en vertu du principe élémentaire de la propriété, empiéter, usurper sur le fonds voisin, de quelque façon que ce soit, si ce n'est en vertu d'un droit de servitude, il est naturel d'en conclure que si la terre tirée du fossé est tout entière déposée sur un seul fonds, c'est que le fossé a été pris exclusivement sur ce fonds.
4e al. Quant aux haies, il était difficile d'y chercher un signe matériel qui indiquât par qui et sur quel terrain elles ont été plantées. La loi en trouve, non plus dans la haie même, mais dans la circonstance qu'un des fonds est seul enclos de tous côtés: il n'est pas vraisemblable que le propriétaire qui n'est pas clos de tous côtés ait consenti à faire d'un seul côté le sacrifice d'une portion de son sol et la dépense de la haie.
Le dernier alinéa de l'article tire la conséquence de la présomption, en désignant quel est celui des voisins qui est présumé propriétaire exclusif. Il se trouve expliqué par les quatre observations ci-dessus.
Art. 273. — 413. Le fondement de la présomption de mitoyenneté établie par l'article 271 est l'utilité que chacun des voisins tire de la séparation du fonds, laquelle autorise à supposer que chacun a contribué à son établissement. Mais, dans le cas prévu ici, lorsqu'il n'y a qu'un bâtiment, ou même lorsqu'il y en a deux et que l'un excède l'autre en hauteur, il n'y a aucune raison de croire que le mur ait été fait à frais communs, soit pour un seul bâtiment, soit pour cet excédant; on pourrait même ajouter que ce mur n'est plus une séparation, puisque, d'un côté, il n'est contigu qu'au vide (b).
Mais, s'il n'y a plus ici de preuve de la mitoyenneté par présomption, il y a toujours droit de la prouver par titre. Le titre jouera donc un rôle inverse de celui qu'il jouait précédemment: au lieu de servir à démentir une présomption, il la suppléera; au lieu d'établir la propriété exclusive d'un seul, if établira la copropriété indivise.
Il n'est pas question ici de la preuve par prescription de 30 ans: on ne concevrait guère, en fait, la possession, par le voisin, d'un mur ou d'une partie de mur qui ne soutiendrait pas un bâtiment à lui appartenant.
Quant à la preuve testimoniale, elle pourrait toujours être admise ici pour prouver la mitoyenneté; il n'y a pas, en effet, les mêmes motifs de la restreindre lorsqu'elle tend à replacer les voisins dans le droit commun que lorsqu'elle tend à les en priver. Ainsi, l'un des propriétaires aurait obtenu que les poteaux de soutien de la clôture fussent tous placés sur le fonds voisin, parce que celui-ci avait plus d'espace, mais il aurait cependant fourni la moitié des matériaux et de la main- d'œuvre: rien ne serait plus juste que de lui permettre d'user de la preuve testimoniale pour établir ces circonstances, quel que fût l'intérêt du litige.
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(b) Le Code français (art. 653) nomme héberge la ligne séparative de la hauteur de deux bâtiments Inégaux; on peut même appeler héberge toute la partie dont le bâtiment le plus élevé excède le plus bas.
Art. 274. — 414. On se retrouve ici dans un cas qui est assez fréquent en matière litigieuse: à savoir, lorsqu'il est fourni des preuves de deux droits opposés; ce qui est fréquent pour les preuves testimoniales n'est pas rare pour les présomptions de fait. Ici, les présomptions sont légales, il est vrai, mais, elles reposent sur des faits matériels assez variés pour n'être pas toujours concordants.
Le juge fera donc ici comme dans les autres cas de preuves contradictoires: il appréciera, dans sa raison, de quel côté paraît être la vérité.
Le Code français n'a aucune disposition à cet égard et le Code italien (art. 547, 3e al.) a cru devoir établir la prépondérance respective de quelques-unes des présomptions, mais sans qu'on puisse dire que, par là, toutes les difficultés seront prévenues; en sorte qu'il faudra toujours s'en remettre aux tribunaux pour les résoudre.
Art. 275. — 415. Du moment que les voisins sont copropriétaires de la séparation, il est naturel que la réparation et l'entretien en soient à la charge commune (1er al.). Le 2e alinéa fait l'application d'un principe fondamental des servitudes, déjà énoncé sous l'article 254, à savoir, que " les servitudes n'obligent pas à faire, mais à souffrir." Ici, l'obligation d'entretien est corrélative, moins au profit que le fonds tire de la clôture ou de la séparation qu'à la propriété même des matériaux qui la composent et du sol qui la supporte; il est donc naturel que le voisin s'affranchisse de l'entretien en abandonnant la propriété du sol et des matériaux.
En renonçant à la copropriété, l'un des voisins conservera souvent le bénéfice de la séparation, car, elle ne sera pas, sans doute, supprimée par l'autre voisin; mais il perdra le droit d'appui, s'il s'agit d'un mur, et les autres avantages énumérés sous l'article suivant; enfin, il perdra la propriété du sol indivis qui porte la clôture; tout cela préviendra les renonciations abusives.
Cette faculté d'abandon cesse dans les cas où la clôture est obligatoire (v. art. 267). Cela est d'une nécessité évidente; car, en abandonnant la clôture, le voisin n'aurait pas moins un fonds contigu à l'autre, et, dans les cas où la clôture est obligatoire, on pourrait toujours la lui demander.
Le Projet s'explique sur ce point, parce qu'il fait doute, en France, pour quelques personnes.
Quant aux deux autres conditions de cette faculté d'abandon, on pourrait les suppléer, d'après les principes généraux; mais déjà la première a paru utile à énoncer aux rédacteurs du Code français (art. 656) et, pour la seconde, le Projet n'a pas encore eu tellement d'occasion d'appliquer le principe que " tout dommage causé à tort doit être réparé " qu'il y ait surabondance à, le noter ici.
Art. 276. — 416. La loi pose, au premier alinéa, un principe qu'elle applique dans les alinéas suivants.
On pourrait contester l'utilité de ces déductions légales d'un principe posé: c'est, en général, une tâche laissée à la jurisprudence; mais, outre qu'il y a de pareilles déductions, en cette matière même, dans le Code français (art. 657 à 659, 662 et 675) et dans le Code italien (art. 551 à 554, 557, 558 et 583), on peut remarquer encore que les quatre alinéas qui développent notre article n'ont pas seulement le caractère de conséquences du principe, ils contiennent aussi des dispositions que les tribunaux n'auraient pas qualité pour suppléer; elles doivent ctre formellement écrites.
Au contraire, la loi ne croit pas nécessaire de dire, comme le Code italien, que " les voisins ne peuvent appuyer contre le mur mitoyen des amas de terre ou fumier qui pourraient le dégrader par la poussée ou par l'humidité (art. 558): " c'est là une conséquence pure et simple du 1 el'- alinéa.
Au surplus, les quatre alinéas dont il s'agit sont assez précis dans leurs détails pour n'avoir besoin d'aucun développement (3).
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(3) Nous avons cependant ajouté au 3e alinéa le cas de "reconstruction," en indiquant que, même dans ce cas, la partie exhaussée est seule mitoyenne: autrement, le voisin y perdrait la mitoyenneté d'un mur qui lui suffisait.
Art. 277. — 417. La loi applique encore ici un principe économique déjà rencontré plusieurs fois, à savoir, qu'il vaut mieux diminuer dans une certaine mesure l'indépendance des propriétaires que de faire des constructions inutiles.
Le propriétaire qui a construit seul un mur ou qui l'a acquis avec le fonds, lorsqu'il est de construction antérieure à son acquisition, n'éprouvera aucun préjudice sérieux en se trouvant obligé d'en céder la copropriété au voisin. Le seul inconvénient qui pourra en résulter pour lui, c'est qu'il n'aura plus sur ce mur des droits aussi étendus que s'il en était propriétaire exclusif; notamment, il ne pourra plus le changer ou le détruire; mais, ce sont là des droits dont on use peu A, l'égard des séparations en pierre ou briques. Le propriétaire sera d'ailleurs équitablement indemnisé. Au contraire, l'avantage sera très considérable pour le voisin et, par suite, pour la propriété foncière qui sera ainsi allégée d'une dépense inutile.
Ce droit d'acquérir h mitoyenneté est consacré par les deux Codes étrangers constamment cités ici (C. fr., art. 660 et 661; C. ital., art. 555, 556 et 571).
Le Code italien présente d'ailleurs ici par rapport au Code français, une grave innovation que le Projet imite, sans aller toutefois aussi loin.
Le Code français ne permet la réquisition de la mitoyenneté qu'au propriétaire Il joignant un mur " (art. 661), ce qui suppose que le mur est placé sur la ligne séparative même; il suffit donc à celui qui veut d'avance se soustraire à la mitoyenneté, de bâtir en retraite de quelques pouces, d'une distance appréciable avec certitude.
Le Code italien, au contraire (art. 571), permet au voisin de requérir la mitoyenneté lorsque le mur n'est pas distant de plus d'un mètre et demi de la ligne séparative.
Le Projet s'est tenu entre ces deux extrêmes et il ne permet de requérir la mitoyenneté que si le mur (le bâtiment) n'est pas en retraite de plus d'un pied. S'il y a plus d'un pied de distance, celui qui bâtira le second, devra placer lui-même son bâtiment en retraite de la ligne séparative, de manière à ce qu'il y ait deux pieds au moins entre le:; deux bâtiments, pour permettre les réparations (v. art. suiv.) (4).
418. On remarquera, dans le texte, trois limites apportées à ce droit d'exiger la cession de la mitoyenneté:
1° Il n'a lieu que pour les murs en pierre ou en briques (1er al.): il n'a pas lieu pour les séparations en charpente ou en maçonnerie, même pour celles qui forment les parois d'une maison. Pour les charpentes, on a craint que les maisons ne fussent exposées à un plus grand danger d'incendie par leur réunion trop intime au moyen d'un mur commun; les propriétaires répugneraient à une connexion forcée; il suffit qu'ils aient la faculté de l'établir d'un commun accord, ce que la loi ne veut et ne doit pas empêcher (v. 5e al.). Pour les murs en maçonnerie qui, au Japon, ne seraient que de tuiles et terre, ils ne présentent pas assez de solidité pour motiver une cession forcée (5).
2° Dans le Code français, celui qui obtient la mitoyenneté par cession forcée, acquiert non seulement la copropriété du mur, mais encore celle du sol qui le supporte.
Dans le Code italien, cette acquisition est bien plus grave, lorsque le bâtiment voisin est en retraite de moins d'un mètre et demi; car, non seulement l'espace ainsi enlevé au premier constructeur est bien plus considérable, mais encore il est difficile de dire que ce sol reste - mitoyen: il semble plutôt devenir la propriété exclusive de celui qui y asseoit son bâtiment.
Quoique le Projet ait réduit cette étendue à un pied, on n'a pas cru devoir permettre que celui qui requiert la mitoyenneté acquît ainsi un pied de la terre du voisin, même en le payant à sa valeur: la loi déclare qu'il n est que " superficiail-e " et qu'il n'a l'usage du sol que tant que dure son bâtiment, en payant pour ce sol une redevance annuelle (3° al.) (6).
3° La cession forcée n'a pas lieu non plus pour les clôtures en maçonnerie ou en bois, pour les fossés, ni pour les haies (5e al.); il n'y a pas là assez d'utilité pour diminuer la liberté des propriétaires; d'ailleurs, ces séparations sont toujours plus ou moins provisoires: si elles devenaient forcément mitoyennes, aucun des propriétaires ne pourrait plus les remplacer à son gré en en changeant la nature.
La mitoyenneté de ces sortes de clôtures aura encore deux causes que la loi croit devoir indiquer (pour être comprise quand elle parle de clôtures, haies et fossés mitoyens): c'est la construction originaire à frais communs (v. art. 270) et la cession volontaire.
Enfin, la loi s'exprime formellement sur le droit de fermer les ouvertures pratiquées dans le mur avant qu'il fût devenu mitoyen: ce droit existe, en principe, mais il cesse si les ouvertures sont établies avec le caractère de " servitudes du fait de l'homme," comme on le verra plus loin (4e al.).
419. A l'égard de l'indemnité due au cédant, le Projet paraît s'écarter un peu des deux Codes étrangers, en n'exigeant pas le payement de ce qu'a coûté le mur, lors de la construction, mais seulement la moitié de ce qzt'il vaut lors de la demande (1er al.). Il n'est pas certain, d'ailleurs, que les Codes étrangers aient absolument voulu qu'on se reportât à la valeur primitive des matériaux et de la main-d'œuvre; tandis que pour le terrain, le prix doit certainement être le prix actuel: ce dernier peut être augmenté, tandis que la construction elle-même a toujours perdu de sa valeur avec le temps.
La solution du Projet est, au moins, plus nette, et il est facile de reconnaître qu'elle est juste.
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(4) Cette disposition a été demandée par la Commission.
(5) L'ancien texte, au contraire, assimilait ces murs à ceux en pierre ou en briques; mais la Commission a désiré qu'ils fussent soustraits à la cession de mitoyenneté. Au contraire, la Commission a cru devoir permettre la réquisition de la mitoyenneté à l'égard des Jcoura ou dozÓ, ce que ne permettait pas l'ancien texte; mais, sans doute, cette faculté n'existera qu'à l'égard des koura en pierre ou briques, et non pour ceux en terre, quelle que soit leur épaisseur (v. nos 129 et 352).
(6) Cette solution nous a paru s'imposer comme conséquence de l'innovation de la Commission.
Art. 277 bis. -419 bis. La disposition du 1er alinéa de ce nouvel article est déjà à peu près expliquée par ce qui a été dit plus haut, au sujet de la 2e limitation au droit de requérir la cession de la mitoyenneté; cependant elle nous paraît exiger quelques développements, à cause du 3e alinéa qui en est la sanction.
Supposons d'abord que le premier constructeur ait placé son bâtiment à un pied de la ligne séparative des deux terrains: il est à l'abri de la réquisition de la mitoyenneté; si le voisin veut à son tour construire un bâtiment, il sera forcé, par la nécessité même du travail, de placer son bâtiment en retraite d'un pied au moins de la même ligne, et ainsi il existera entre les deux bâtiments un intervalle de deux pieds qui permettra plus tard la réparation des deux bâtiments: c'est l'ancien tour d'échelle français qui rendra souvent inutile le droit d'accès (v. n° 350).
Mais si, au contraire, le premier constructeur n'a pas observé la distance d'un pied, il arrivera de deux choses l'une: ou le voisin acquerra la mitoyenneté (on appliquera alors l'article précédent), ou il ne voudra pas l'acquérir, soit pour avoir plus de liberté dans sa construction, soit parce que le premier bâtiment n'est pas assez solide, ou assez haut, ou assez large pour y appuyer son bâtiment sans complications: dans ce cas, il devra nécessairement se reculer de plus d'un pied, de manière à ce qu'il y ait entre les deux bâtiments la distance de deux pieds, jugée le minimum nécessaire pour le travail (7).
Mais ce sacrifice de terrain étant rendu nécessaire par la faute du premier constructeur, il est juste que celui-ci en doive une indemnité au voisin. Tel est l'objet du 3e alinéa.
Comme il vaut toujours mieux prévenir un dommage que le réparer, la loi permet au voisin de faire la dénonciation de nouvel œuvre au cours des travaux du premier bâtiment; cela n'empêchera pas nécessairement la continuation des travaux: le tribunal pourra se borner à exiger du constructeur qu'il " fournisse caution pour le montant des dommages éventuels qu'il arbitrera " (v. art. 223, 2e al.).
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(7) La Commission a considéré cette distance comme suffisante.
SOMMAIRE.
Art. 278. — N° 420. Vues droites: leurs inconvénients; vues obliques: inconvénients moindres. -421. Leur détermination géométrique: insuffisance du Code français sur ce point. —422. Système du Projet japonais; explication par deux figures.
279. -423. Fenêtres masquées par un auvent; jours de tolérance.
280. —424. Exception: chemin public.
COMMENTAIRE.
Art. 278. — 420. Il y a ici une nouvelle restriction à la liberté des propriétaires, toujours dans l'intérêt des bons rapports entre voisins et pour éviter les vexations et les troubles. Le propriétaire peut construire sur la limite de son fonds et, par conséquent, son bâtiment peut être en contact immédiat avec le fonds voisin; celui-ci ne pourrait pas se plaindre de perdre ainsi la vue à distance, les rayons du soleil et l'air libre; mais, le propriétaire ne peut avoir sur la limite des vues droites ou fenêtres d'aspect qui pourraient favoriser une curiosité indiscrète et seraient un moyen de jeter des corps durs ou de répandre des liquides sur le fonds voisin. La loi veut, pour que de pareilles ouvertures soient permises, que la distance soit de trois pieds; cette distance n'exclut pas tout danger de ce genre, mais elle n'aurait pu être augmentée sans devenir une cause, soit de perte de terrain utile, surtout dans les villes, soit de dépréciation des bâtiments; car, souvent, le côté où il s'agit d'ouvrir ces vues sera le plus favorable pour le soleil.
En France, la loi (art. 678) exige un mètre et neuf dixièmes, qui font un peu plus de 6 pieds japonais et, en Italie (art. 587) un mètre et demi, qui font 5 pieds japonais (a).
Au Japon, où cette restriction aux droits du propriétaire n'est pas encore formellement établie, même par l'usage, bien qu'elle soit souvent observée par un accord tacite des voisins, on a cru devoir adopter une distance encore moindre: trois pieds.
Pour les vues obliques ou latérales dont le préjudice est moindre et pour lesquelles la loi française demande deux pieds de distance et la loi italienne un pied et demi, le Projet japonais n'exige qu'un pied.
421. Il restait à déterminer légalement la différence entre la vue droite et la vue oblique.
Géométriquement, on doit dire qu'une vue droite est " celle qui tombe perpendiculairement sur la ligne séparative des deux fonds," ce qui suppose que le plan du bâtiment d'où part la vue est lui-même parallèle à cette ligne (voy. Fig. 1), et une vue oblique, " celle qui ne rencontre la ligne séparative qu'en faisant un angle plus ou moins obtus (ouvert) avec elle, un angle de plus de 90 degrés ou de plus d'un quart du cercle," ce qui suppose que le plan du bâtiment forme, au contraire, un angle aigu, un angle de moins de 90 degrés avec la ligne séparative (voy. Fig. 2); que si le plan du bâtiment est lui-même perpendiculaire à la ligne séparative, c'est-à-dire forme avec lui un angle de 90 degrés (ibid.), la vue qui s'en échappe marche parallèlement à la ligne séparative et ne la rencontrera jamais, elle porte alors sur un terrain qui doit être supposé attenant au bâtiment: autrement, il y aurait une vue droite prohibée à l'égard d'un autre voisin; on peut dire alors qu'il n'y a aucune vue sur le fonds latéral.
Mais, en droit, à cause du but que la loi poursuit dans cette restriction aux facultés du propriétaire, on a dû s'écarter un peu des règles et des dénominations de la géométrie: ainsi, on appelle vue droite non seulement celle qui tombe perpendiculairement sur le fonds voisin, mais encore celle qui, partant du bord interne de l'ouverture, le plus rapproché de la ligne séparative, rencontre cette ligne avant d'avoir parcouru la distance légale assignée aux vues perpendiculaires; en effet, dans ce cas, le danger d'indiscrétions que la loi a voulu écarter est le même que dans les vues géométriquement droites (v. Fig. 2). En même temps, on a considéré que les vues géométriquement parallèles à la ligne séparative pouvaient facilement devenir des vues obliques ou latérales, si la personne qui regarde s'incline à gauche ou à droite; de là encore, une restriction à la liberté de pratiquer les ouvertures, mais moindre que la précédente.
Le Code français n'a pas mis une précision suffisante dans ses dispositions sur cette matière, aussi y a-t-il des désaccords assez sérieux entre les auteurs et dans la jurisprudence sur ce qu'il faut entendre au juste par vue droite et vue oblique.
422. Le Projet japonais, considérant que les règles géométriques ne peuvent être suivies absolument en cette matière, a cherché à s'en écarter le moins possible, tout en adoptant un système simple de mesurage, et le résultat se trouve encore favorable à la liberté des bâtiments.
Dans les quatre hypothèses réglées par la loi (la dernière l'est implicitement), le plan du bâtiment du côté duquel il est question d'ouvrir des vùes est comparé à la ligne séparative des terrains.
Au premier cas, le bâtiment est exactement parallèle à la ligne séparative: il ne pourra y avoir de vues droites que si l'écartement est de 3 pieds dans toute sa longueur (Fig. 1).
Au second cas, le plan du bâtiment d'où part la vue ne s'écarte de la ligne séparative que d'un angle de 45 degrés ou moins: l'ouverture la plus rapprochée du sommet dudit angle devra en être assez éloignée pour que le rayon visuel partant du bord interne de cette ouverture ne tombe sur la ligne séparative qu'après avoir parcouru un espace de trois pieds, ce qui obligera toujours à laisser au inoins trois pieds entre le sommet de l'angle et l'ouverture, et même davantage, si l'angle est plus fermé que 45 degrés.
Au troisième cas, le plan du bâtiment s'écarte de la ligne séparative d'un angle de plus de 45 degrés: la vue qui s'en échappera sera considérée comme oblique, et la distance requise ne sera plus que d'un pied à partir du sommet de l'angle; dans ce cas, l'incidence de la vue sur la ligne séparative aura lieu au-delà ou en-deçà des trois pieds requis, suivant l'ouverture de l'angle (b).
Au quatrième cas, le bâtiment fait avec la ligne séparative un angle obtus, ou de plus de 90 degrés: la vue sera libre, car elle ne peut plus rencontrer cette ligne que si le spectateur avance son corps hors de l'ouverture.
Les deux figures ci-après rendront faciles à saisir les explications qui précèdent.
FiG. 1.
Soit une ligne séparative L S et un bâtiment parallèle B P,"; si la distance entre eux est de trois pieds (), le bâtiment pourra avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, en/, dans toute sa longueur.
Si le bâtiment avait été construit à moins de trois pieds de la ligne séparative, et toujours parallèlement, il ne pourrait plus y avoir aucune fenêtre d'aspect, mais seulement des fenêtres masquées ou des jours de tolérance, comme il est dit à l'article suivant.
FIG. 2.
Soit toujours une ligne séparative L S et un bâtiment qu'on suppose, successivement, touchant la ligne séparative dans toute sa longueur, B B', ou s'en écartant à l'une de ses extrémités, B C, B D, B E, B F, B G.
Si le bâtiment est en B B', il ne peut y avoir aucune fenêtre d'aspect. S'il est en B C ou B D, les fenêtres d'aspect seront placées en /, de manière à ne pas rencontrer la ligne L S avant d'avoir franchi une distance de trois pieds (- - -); or, on remarquera que plus l'angle d'écartement est ouvert, plus la fenêtre peut se trouver rapprochée de l'angle B: c'est une loi géométrique des lignes. Il en serait de même, si l'angle du bâtiment, au lieu de partir de la ligne séparative même, en était déjà à une certaine distance: il y aurait d'autant moins à reculer l'ouverture par rapport au sommet de l'angle que ledit angle serait plus éloigné de la ligne séparative.
A partir de l'angle de 4ù degrés B D, jusqu'à 90 degrés, quand le bâtiment forme l'angle B E ou B F, la fenêtre peut être placée à un pied (-) du point B; c'est la vue oblique. Si le bâtiment formait un angle obtus, B G, avec la ligne L S, les fenêtres pourraient être encore plus rapprochées du point B; il pourrait n'y avoir que l'intervalle de la poutre de soutènement, parce que la vue, loin de se rapprocher de la ligne séparative, en se prolongeant, s'en écarterait davantage.
Le dernier alinéa, sur la manière de calculer les distances, a déjà été appliqué et ne présente pas de difficultés: la distance ne se calcule pas du milieu de l'ouverture, mais de la partie qui en est la plus proche de la ligne séparative.
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(a) Le pied japonais (shakou) a 30 centimètres et 3 millim.
(b) C'est vers l'angle de 70 degrés que la vue partant de la distance d'un pied du sommet de l'angle atteint la ligne séparative.
Art. 279. — 423. Le cas prévu au premier alinéa de cet article se présentera, soit lorsque l'exiguïté des terrains ne permettra pas d'observer les distances prescrites, soit lorsque le bâtiment aura été construit et les ouvertures pratiquées avant la publication de la présente loi, ce qui ne sera pas un obstacle à son application auxdits bâtiments, car les propriétaires ne pourront arguer d'un droit acquis à l'ancien état de choses, s'il est reconnu contraire à l'intérêt général: le principe de la non-rétroactivité des lois ne fait aucun obstacle à ce que les droits - de propriété déjà existants soient restreints ou modifiés pour l'avenir.
Quand les fenêtres seront maRqlléi!.S par un auvent, elles ne pourront plus être qualifiées fenêtres d'af',pect (c), puisque la vue est obstruée; cependant, ce ne sont pas non plus des jours de tolérance ou de souffrance, puisque le voisin n'y met aucune complaisance et n'en éprouve aucun trouble.
Les jours sont, au contraire, de tolérance, dans le cas du second alinéa, puisqu'ils ne sont pas masqués ou obstrués. La loi prend encore dans ce cas, deux précautions dans l'intérêt du voisin: 1° la hauteur des ouvertures, par rapport au plancher, afin qu'il ne soit pas possible de voir chez le voisin, sans quelque gêne; 2° l'application d'un châssis grillagé, dont les mailles, en fil de fer ou en bois, seront assez rapprochées pour empêcher que les enfants ou les domestiques puissent jeter des objets nuisibles chez le voisin.
Le Projet n'exige pas une troisième condition qui se trouve dans le Code français (art. 676) et dans le Code italien (art. 584): à savoir, que le châssis soit Ù verre dormant, ce qui veut dire qu'il y ait un vitrage non susceptible de s'ouvrir. Cette condition a paru exagérée, avec celle d'un grillage, et la circulation de l'air est trop nécessaire à l'hygiène pour que la loi puisse en priver les habitants des maisons.
La dernière disposition est également sage: comme c'est par respect pour les droits du voisin que la loi ne permet pas de placer les auvents en saillie sur la ligne séparative, celui-ci doit pouvoir renoncer à son droit, s'il préfère supporter la saillie de l'auvent plutôt que le danger des regards indiscrets à travers le grillage; mais, il ne fallait pas non plus qu'il exigeât un auvent très peu large et obstruant trop la lumière; de là, le minimum d'un pied d'écartement.
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(c) Aspect, du latin aspicere, aspectus: CC voir, vue, de face."
Art. 280. — 424. La loi croit devoir ajouter, comme le Code italien (art. 587), un cas où les distances cessent d'être exigibles, à savoir, celui où les deux fonds sont séparés par un chemin public: alors il n'y a plus entre les voisins la contiguïté immédiate qui motive ces restrictions à la liberté des propriétaires. Il sera rare, du reste, qu'un chemin public n'ait pas plus de trois pieds de largeur (1).
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(1) L'ancien texte ne mentionnait pas ce cas, comme allant de soi; il en mentionnait un autre dont nous proposons la suppression: c'était le cas où le fonds voisin était bâti sans ouvertures. Mais nous voyons deux inconvénients à cette disposition: 1° il faudrait supposer une faible distance entre le bâtiment voisin et la ligne séparative, car si elle était un peu considérable, il y aurait un terrain intermédiaire sur lequel la vue ne devrait pas s'exercer librement; 2° il faudrait réserver le droit du voisin d'ouvrir cbez lui des fenêtres d'aspect et de faire fermer celles du voisin. Mieux vaut ne pas admettre un droit aussi précaire.
SOMMAIRE.
Art. 281. —N°s 425 et 426. Distances pour les excavations: distinctions d'après leur objet et leur profondeur.
282. —427. Distances pour les plantations: distinction d'après la hauteur des arbres.
283. -428. Respect, à ce sujet, des usages locaux, anciens et non contestas. - 429. Observation sur la mitoyenneté.
284. —430. Renvoi aux lois administratives pour les établissements industriels.
COMMENTAIRE.
Art. 281. — 425. Il s'agit encore, dans ce paragraphe, d'une de ces charges réciproques entre voisins qui, tout en restreignant un peu leur liberté comme propriétaires, les préservent de dommages mutuels qui diminueraient davantage la valeur des fonds et troubleraient les rapports de bon voisinage.
La première disposition concerne les puits et citernes
Les puits sont des cavités circulaires creusées jusqu'à l'eau souterraine; le danger qu'ils présentent n'es. pas celui des infiltrations, car l'eau qui existait déjà en nappes se trouvera plutôt diminuée: c'est le danger des éboulements qui pourraient faire fléchir le sol voisin; généralement, les puits sont revêtus d'un tube en bois, à moins qu'ils ne soient creusés dans un sol très dur; c'est pourquoi la loi n'exige qu'une distance relativement faible de la ligne séparative (6 pieds).
Les citernes sont des cavités plus ou moins considérables destinées à recueillir les eaux pluviales ou de source dans les lieux où les nappes d'eau souterraine manquent ou bien sont à une trop grande profondeur.
Les citernes présentent plus de danger d'infiltration que les puits, à cause de la hauteur de l'eau qui peut monter jusqu'au niveau du sol, et aussi plus de danger d'éboulement, à cause de leurs plus grandes dimensions: la loi, cependant, n'exige pas une plus grande distance, parce que l'étendue des terrains ne pourrait pas toujours la permettre; mais on y suppléera par la solidité du revêtement. En France, l'usage des citernes est très répandu dans les contrées où le sol est aride et les pluies rares; on construit généralement les citernes en forme circulaire, avec revêtement et voûte en pierre; l'eau s'y conserve fraîche et pure, n'étant pas en contact avec l'air extérieur.
Au Japon, l'abondance des eaux ne paraît pas rendre aussi nécessaire ce mode de leur conservation; mais la loi fait sagement de le mentionner, à tout événement.
426. La deuxième disposition du 1er alinéa concerne des cavités destinées à recevoir des matières impures, soit pour qu'elles s'absorbent lentement, comme les eaux ménagères que la disposition des lieux ne permettrait pas de conduire à la voie publique, soit pour les employer ultérieurement à l'engraissement des terres, comme le fumier animal ou l'engrais humain (a). Ici, les infiltrations seraient plus nuisibles au voisin; mais il y sera paré au moyen d'un revêtement convenablement enduit de son côté.
Pour les caves sèches, la distance est réduite de moitié, puisqu'il n'y a pas à craindre d'infiltrations, mais seulement des éboulements.
Le 3e alinéa concerne de menues excavations, à ciel ouvert, dont la profondeur peut varier à l'infini; la loi pare au danger de l'infiltration, par la distance qui est proportionnelle à la profondeur (la moitié) (b), et au danger de l'éboulement, par le talus ou le revêtement.
S'il y avait contestation sur l'inclinaison du talus, les tribunaux pourraient exiger qu'il ne formât pas un angle inférieur à 45 degrés, ce qui est la pente naturelle des terres rejetées d'un fossé.
Bien entendu, la distance doit se calculer à partir du bord supérieur du fossé.
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(a) Le Code français (art. 674) dit " une fosse d'aisance," le Code italien (art. 573) ajoute " un cloaque; " le Projet japonais, par matières fécales, entend l'engrais humain, très employé en agriculture dans ce pays, et, par matières stercorales, l'engrais animal (du latin sterctis, " fumier)."
(b) Le Code italien (art. 575) est plus exigeant: il vent que la distance des fossés par rapport à la ligne séparative soit égale à leur profondeur.
Art. 282. — 427. La trop grande proximité des arbres cause aux voisins une autre nature de dommage que les excavations: c'est la privation d'air et de lumière, laquelle nuit aux habitations autant qu'à la culture. La loi, ici encore, peut, sans scrupules, restreindre la liberté des propriétaires; car, dans les villes, les arbres sont plutôt pour l'agrément que pour l'utilité et, dans les campagnes, l'espace permet d'observer aisément les distances prescrites.
Il est naturel que la distance légale soit déterminée d'après la hauteur des arbres. Bien entendu, il s'agit ici de la hauteur effectivement obtenue par les arbres et non de celle à laquelle ils peuvent atteindre d'après leur nature; seulement, les propriétaires qui n'auront pas eu la prudence de tenir compte de cet accroissement, pourront être tenus, quand il sera atteint, soit de supprimer leurs arbres, soit de les êtêter à la hauteur voulue (1).
Les hauteurs et distances adoptées ici ne sont pas tout à fait celles de la loi française, même avec la modification apportée par le Code rural (art. 671 nouveau), ni celles du Code italien (art. 579): le Projet japonais est un peu plus libéral pour les propriétaires des arbres, en leur accordant, soit une distance moindre, soit une plus grande hauteur pour une même distance (c).
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(1) Aux 1er et 26 alinéa on a ajouté " les bambous," parce que le mot japonais Ici, désignant les arbres, ne comprend pas les bambous, také.
(c) Le ken japonais, mesure de longueur, a 6 pieds ou 1 m., 81 c., 8 mill.
Art. 283. — 428. La loi, désirant seulement pourvoir à la sécurité et aux bons rapports des voisins, se contente ici des usages qui y auront pourvu autrement: ces usages, en effet, nés des besoins locaux, sont généralement sages, modérés et suffisants dans leurs exigences. La loi veut seulement qu'ils soient " anciens et non contestés s'ils étaient trop nouveaux, s'ils n'avaient pas la consécration du temps, ils ne pourraient remplacer la loi; de même, s'ils n'étaient pas généralement reconnus.
La loi française et la loi italienne, en toute cette matière des servitudes, se réfèrent aussi aux usages locaux; mais elles mettent sur la même ligne que les usages les "règlements locaux." On ne le propose pas au Japon, parce que les règlements administratifs anciens n'ont pas toujours été faits avec le soin qu'on y apporte aujourd'hui et il y aurait quelque danger à les consacrer ici d'une façon générale. D'ailleurs, si ces règlements ont répondu sagement aux besoins locaux, ils ont été consacrés par l'usage, et c'est comme " usages locaux " qu'ils seront observés.
429. Le 2e alinéa ne présente pas de difficulté: la circonstance que chacun des voisins est copropriétaire de la séparation (mur, clôture ou haie) ne justifierait pas le défaut des précautions prescrites ci-dessus, car le copropriétaire ne doit pas, par son fait, compromettre la sécurité de la chose commune; en outre, lorsqu'il y a danger d'infiltrations ou d'éboulement, le dommage pourrait dépasser la séparation mitoyenne.
Il va sans dire que, sur ce point des distances à observer, on pourra toujours y déroger au moyen de conventions particulières, lesquelles constitueront alors des servitudes du fait de l'homme, opérant en sens inverse des servitudes légales, ainsi qu'on va les rencontrer à la Section suivante.
Cette faculté de modifier par convention les rapports des voisins aura d'autres applications, mais elle ne doit pas non plus être considérée comme absolue.
Art. 284. — 430. Les progrès de l'industrie, tout en améliorant les conditions de la vie sociale, entraÎnent aussi des dangers pour la vie ou la santé des hommes, non seulement des personnes directement employées à ces industries, mais encore de celles qui se trouvent dans le voisinage des établissements industriels.
Dans les pays où l'industrie est très développée, les règlements sur les manufactures et ateliers dangereux, insalubres ou seulement incommodes sont très nombreux et augmentent chaque jour avec les nouvelles découvertes. Ce n'est pas à la loi civile qu'il appartient de faire ces règlements, parce que l'intérêt général y est bien plus en jeu que l'intérêt privé. D'ailleurs, la loi civile doit avoir, de sa nature, une certaine fixité qui serait tout à fait mauvaise en une matière aussi variable et aussi progressive que l'industrie et ses procédés.
Il en doit être de même au Japon.
SOMMAIRE.
Art. 285. — N° 431. Application générale, active et passive, des règles précédentes aux biens du domaine privé de l'Etat, des départements et des communes; application partielle aux biens du domaine public.
285 bis. -431 bis. Application restreinte à la présente Section des règles de la Section suivante.
COMMENTAIRE.
Art. 285. — 431. On a vu, aux articles 22, 23 et 24, que le domaine de l'Etat, des départements et des communes se divise en domaine publie et domaine privé.
Pour leur domaine privé, ces " personnes morales " sont et doivent être traitées par la loi comme des particuliers et soumises aux mêmes obligations, comme aussi être appelées aux mêmes droits et avantages; c'est ce que le texte qualifie " d'application active et passive de la présente Section."
Mais, pour ce qui concerne les biens du domaine public, l'intérêt général doit primer ici l'intérêt privé. Ce principe, sans être formellement proclamé par les Codes étrangers, a été souvent reconnu par les jurisconsultes et appliqué par les tribunaux. On propose de l'adopter au Japon et de le proclamer formellement.
Ainsi, les établissements publics pourront avoir des vues et des plantations d'arbres, sans observer les distances légales; leurs murs et clôtures ne seront pas soumis à la cession forcée de la mitoyenneté; on ne pourra exercer le droit d'aqueduc à travers les fonds (ln domaine public; ils se trouvent donc affranchis des plus lourdes charges légales établies par les sept paragraphes qui composent cette Section. Mais ils seront soumis aux droits d'accès pour les réparations de bâtiments voisins et de passage en cas d'enclave; ils devront recevoir l'écoulement naturel des eaux pluviales et de source, enfin subir la clôture et le bornage.
Activement, ces fonds auront tous les bénéfices de la loi: l'administration pourra requérir le passage des eaux, le bornage, la clôture, la cession de la mitoyenneté,. l'observation des distances, etc. Il n'y a pas d'ailleurs, à craindre de sa part les abus et vexations qui peuvent se rencontrer entre voisins particuliers.
Il va sans dire que chaque fois que l'administration requerra pour un bien du domaine public l'exercice d'une servitude active, elle en subira les charges et conditions passives: sous ce rapport, les effets de la loi sont indivisibles.
Art. 285 bis. -431 bis. Cette disposition manque aux lois étrangères et ce n'est pas sans difficulté que les jurisconsultes et les tribunaux arrivent à la suppléer.
Elle consacre d'une façon formelle le caractère de servitudes dont le nom est déjà attribué par cette Section aux charges, limites et conditions restrictives auxquelles le droit de propriété est soumis par la loi.
La théorie de ces servitudes se trouve ainsi complétée par la déclaration qu'un certain nombre des règles des servitudes du fait de l'homme leur sont applicables.
La loi, du reste, s'abstient d'une énumération limitative qui aurait pu être incomplète (1).
Pour laisser aux tribunaux une certaine latitude, sans pourtant les exposer à s'égarer, la loi leur indique deux limites dans cette extension des principes de la seconde Section à la première: ils ne devront pas emprunter aux servitudes du fait de l'homme les règles qui se trouveraient contraires au but des servitudes légales: notamment, plusieurs de celles relatives à l'extinction, comme la renonciation, au moins pour quelques- unes, et le non-usage pour aucune, ni celles qui sont des conséquences du mode d'établissement par le fait de l'homme: notamment, la publicité à donner à leur acquisition, pas même pour le droit d'aqueduc obtenu en vertu des articles 250 et suivants, parce que ce droit se révèle suffisamment par les ouvrages auxquels il a donné lieu.
Mais les servitudes légales, comme celles établies par le fait de l'homme, sont attachées aux immeubles, activement et passivement; elles sont donc doublement réelles et foncières par leur objet et leur sujet; elles sont indivisibles également, tant au point de vue actif qu'au point de vue passif; elles ne peuvent être cédées, louées ni hypothéquées séparément du fonds dominant, ni grevées d'autres servitudes; elles sont garanties par les mêmes actions: action confessoire pour faire reconnaître la servitude, action nêgatoire pour la contester; en sous-distinguant: l'action possessoire, pour faire respecter ou rétablir le fait actuel de la possession, et l'action pétitoire pour faire juger le fond du droit, c'est- à-dire si les immeubles voisins sont, ou non, dans la situation respective d'où naît la servitude légale; enfin, la plupart des règles sur le mode d'exercice de la servitude, établies par les articles 300 et suivants, sont applicables aux servitudes légales.
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(1) Précédemment, cette disposition était placée dans la Section suivante (art. 290) et elle y avait un caractère limitatif qui la rendait insuffisante: notamment, elle ne comprenait pas ce qui concerne le mode d'exercice des servitudes (v. art. 300 et s.).
Le présent article entraîne nécessairement la suppression de cet article 290.
SOMMAIRE.
Art. 286. — N° 432. Liberté pour l'établissement des servitudes. -433. Cas où on peut, par convention, déroger aux servitudes légales. -434. Cas où on ne le peut: effets de la convention, même dans ces cas, à l'égard de l'indemnité. —435. Renonciation au droit d'acquérir la mitoyenneté. -43G. Caractère particulier de certaines cbarges, valables comme droits personnels. —437. Idem de certains droits, valables comme droits réels d'usage -438. Cas où la charge personnelle n'est qu'accessoire de la servitude ?'éelle. —439. Cas inverse où l'avantage personnel n'est aussi qu'accessoire de l'amélioration du fonds. -440. Caractère perpétuel ou temporaire de la servitude, suivant ces circonstances.
287. -441. Caractère 'réel, activement et passivement, des servitudes foncières. -442 et 443. Motif de la prohibition de céder, louer ou hypothéquer les servitudes et de les grever d'une autre servitude.
288. -444. Actions relatives aux servitudes: leur indépendance des actions relatives au droit de propriété et à la possession du fonds; actions confessoÍ-re et néga- toire. —445. Suite moyen de les distinguer: intérêt. - 446. Actions possessoire et jjétitoire.
289. -447. Renvoi à l'usufruit et au bail.
290. -448. Indivisibilité des servitudes: ses conséquences principales; renvoi pour la chose jugée. -449. Suite. - 450. Exceptions à l'indivisibilité.
291. -451. Trois divisions des servitudes. -452. Pourquoi le Projet n'a pas reproduit la division en urbaines et rurales du Droit romain et du Code français.
292. -453. Servitudes continues. -454. Servitudes discontinues.
293. —455. Servitudes apparentes et non apparentes.
294. -456. Servitudes positives et négatives. -457. COlllbinaison de ces divers caractères entre eux.
COMMENTAIRE.
Art. 286. — 482. La loi arrive ici aux Servitudes proprement dites, à celles qui, à la différence des servitudes dites légale, ne sont pins le droit commun de la propriété, mais sont établies, exceptionnellement, par l'accord exprès ou tacite des propriétaires, pour l'amélioration économique d'un fonds.
On a déjà expliqué, sous l'article 227 (n° 342), que leur nom de foncières ne vient pas de ce qu'elles portent sur des fonds, mais de ce qu'elles appartiennent, figu- rativement, à des fonds dont elles deviennent des accessoires et, en quelque sorte, des qualités actives, comme disaient les jurisconsultes romains.
De même, lorsqu'on les qualifie de servitudes réelles, ce n'est pas pour dire qu'elles sont des droits réels, ce (plÎ est incontestable d'ailleurs, c'est pour exprimer que le droit appartient a une chose et qu'on ne peut avoir un droit de servitude sans avoir d'abord sur un fonds la propriété ou un de ses démembrements.
Le premier alinéa pose en principe la pleine liberté des propriétaires voisins pour établir entre leurs fonds ces rapports qui, vraisemblablement, apporteront plus d'avantages au fonds dominant qu'ils n'en enlèveront au fonds servant; d'ailleurs, leur intérêt est leur meilleur guide et si le fonds servant devait souffrir plus que le fonds dominant profiter, il est naturel de croire que les conditions plus onéreuses de l'arrangement en détourneraient l'un ou l'autre des voisins.
433. Parmi les servitudes du fait de l'homme, il y en a qui sont la contre-partie des servitudes légales et qui ont justement pour but de lever des entraves que la loi a cru devoir mettre à la liberté des voisins, mais que ceux-ci peuvent, d'un commun accord, juger inutiles, ou même nuisibles à leurs intérêts particuliers.
Ainsi, on peut, par convention:
1° Donner à l'un des voisins le droit d'envoyer chez l'autre, en dehors des conditions imposées par la loi, des eaux pluviales ou de source, ou même des eaux ménagères ou industrielles;
2° Affranchir un des voisins de la nécessité de payer une indemnité pour le passage d'un aqueduc, dans les cas où la loi ne l'autorise qu'à charge d'indemnité;
3° Affranchir un des voisins des distances légales à observer pour les puits, citernes ou caniveaux, pour les vues et pour les plantations d'arbres;
4° Supprimer, pour l'un des voisins l'obligation de contribuer aux frais du bornage ou de la clôture, dans les cas où la loi permet d'exiger celle-ci, ou même supprimer l'obligation de céder la mitoyenneté.
434. Mais il ne faudrait pas croire que les voisins pussent, par convention, s'affranchir de toutes les servitudes légales: le principe de la liberté des conventions reçoit ici une exception générale qui est de n'établir aucune servitude " contraire à l'ordre public." Or, quand la servitude légale est fondée sur un principe d'ordre public et sur un intérêt général de premier ordre (car il y a toujours un intérêt général dans la cause des servitudes légales), les parties ne peuvent s'en affranchir par une convention dont l'imprévoyance pourrait, plus tard, causer des troubles sérieux.
Ainsi on ne pourrait, par convention:
1° Supprimer le droit d'accès sur la propriété voisine pour la réparation des bâtiments, ni le droit de passage en cas d'enclave; car, dans le premier cas, on aurait ôté presque toute valeur au bâtiment qui viendrait à avoir besoin de réparations, et, dans le second, sa valeur tout entière au fonds enclavé;
2° Affranchir le voisin inférieur de l'obligation de recevoir les eaux qui découlent naturellement du fonds supérieur;
3° Affranchir le voisin supérieur ou inférieur de l'obligation de livrer passage, par aqueduc, aux eaux ménagères, industrielles ou agricoles, dans les cas où la, loi l'y soumet;
4° Affranchir les voisins de l'obligation de subir respectivement le bornage ou la clôture.
Toutefois, comme les conventions doivent recevoir tout l'effet possible, en tant qu'il n'est pas contraire à l'ordre public, on pourrait leur donner ici quelque effet quant à l'indemnité, an moins dans les trois derniers cas: ainsi, au 2e cas, celui qui aurait stipulé son affranchissement des eaux naturelles devrait recevoir une indemnité, si le propriétaire supérieur, pour échapper à l'inondation, était forcé de se prévaloir de la servitude légale; de même, au 8e cas, une indemnité spéciale et supplémentaire 'serait due par le voisin qui requerrait le passage d'un aqueduc après y avoir renoncé; au 4e cas, le bornage et la clôture, toujours possibles, seraient aux frais exclusifs de la partie qui les requerrait, après avoir pris un engagement contraire. On pourrait même, au 1er cas, mais par exception, donner effet à la convention qui tendrait à affranchir un fonds du droit d'accès du voisin, c'est lorsque la convention serait intervenue avant la construction en faveur de laquelle le droit d'accès est plus tard réclamé: cette convention, en effet, tendait indirectement à obliger le voisin à réserver le tour d'échelle (v. n° 350 et 419 bis): le constructeur) pour n'avoir pas tenu compte de cette indication, pourrait être tenu d'une indemnité plus forte que si elle était fixée par la seule application de l'article 230; il pourrait même, au cours de sa construction, être arrêté par la dénonciation de nouvel œuvre.
435. On a, plus haut, présenté comme valable la convention par laquelle un voisin renoncerait à user du droit que lui donne la loi d'acquérir la mitoyenneté d'un mur. La question n'est pas sans difficulté et peut-être quelques personnes hésiteraient-elles à admettre notre solution, à cause de l'intérêt économique qu'il y a à ne pas faire deux murs entre deux bâtiments; mais nous ne voyons pas là cet intérêt public " de premier ordre" qui nous semble la raison de prohiber certaines conventions contraires aux servitudes légales: une pareille convention sera trop peu fréquente et la propriété qui sera privée du droit de mitoyenneté ne sera pas assez dépréciée pour qu'il y ait lieu de déroger au principe général et essentiel de la liberté des conventions. Ce qui doit lever tous les doutes c'est que le propriétaire pourrait toujours se soustraire à l'obligation de céder la mitoyenneté en bâtissant en retraite de plus d'un pied de la ligne séparative (v. art. 277 bis).
Les cas qui précèdent paraissent êtue les seuls où 1ft servitude du fait de l'homme ne serait pas valablement établie, comme contraire à l'ordre public; car on ne conçoit guère quelle autre faculté illégale on pourrait stipuler sur le fonds d'autrui; en tout cas, l'acte serait défendu, non comme exercice illégal d'une servitude, mais comme acte interdit à toute personne.
436. Le second alinéa demande plus d'attention. Il rappelle, en paraissant y déroger, l'article G86 du Code français qui défend d'établir des charges " imposées à la personne ou en faveur de la personne."
Il est reconnu que cette double prohibition a été introduite dans la loi pour abolir tout vestige du système féodal, dans lequel les seigneurs avaient le droit d'exiger de leurs vassaux des prestations de travaux et de services personnels pour leurs terres et quelquefois pour leur personne. C'est dans le même ordre d'idées qu'a été écrit l'article 638 dudit Code, portant que " la servitude n'établit aucune prééminence d'un fonds sur l'autre."
Mais, quoique les mêmes abus ne paraissent pas avoir existé au Japon, au moins avec la même gravité, et qu'il n'y ait pas à en craindre un retour, il n'y a pas moins quelque utilité à régler des stipulations analogues, surtout pour ce qu'elles ont de valable.
La loi ne les prohibe pas, mais elle leur assigne leur véritable caractère.
Ainsi, l'ordre public ne s'oppose nullement à ce que deux voisins conviennent que l'un d'eux fera certains travaux sur le fonds de l'autre, soit par lui-même, soit par des hommes de journée payés par lui: par exemple, qu'il plantera le riz et le récoltera, qu'il réparera les bâtiments, qu'il curera les étangs, le tout avec ou sans rétribution, suivant les accords; mais cette convention ne vaudrait que comme promesse de services gratuits ou onéreux: le texte dit qu'elle donnerait une créance ou ”un droit personnel" et ne constituerait pas une servitude.
La conséquence en est fort importante: les services ne seraient pas dus par tout propriétaire qui succèderait sur le fonds au promettant, ils ne seraient dus que par le promettant lui-même, qu'il ait ou non gardé le fonds; ils ne seraient même pas dus par ses héritiers, car la promesse de service est personnelle, dans le sens le plus étroit du mot, elle ne passe même pas aux héritiers passivement; de même, l'obligation serait éteinte par la mort du stipulant et ne profiterait pas à ses héritiers; car les conventions de services, même faites à titre onéreux, sont généralement faites en considération des personnes, respectivement (voy. art. 331 et 358, 958 et 960).
Si le fonds sur lequel les travaux devaient être faits, venait à être aliéné, le changement de propriétaire devrait être, en principe et par le même motif, considéré comme mettant fin au contrat, à moins que le cédant n'ait expressément transféré sa créance de services en même temps que le fonds.
437. En sens inverse, si l'on suppose une stipulation donnant à un propriétaire le droit de se promener sur le fonds voisin, d'y chasser, d'y pêcher, de s'y baigner, il n'y aura là aucune charge pour la personne du propriétaire voisin; mais on n'y trouvera pas non plus un avantage pour tout propriétaire du fonds prétendu dominant, par conséquent, point de plus-value donnée au fonds lui-même; en effet, tous les propriétaires ne sont pas chasseurs ou pêcheurs: l 'âge, la santé, les occupations, pourraient rendre inutiles les facultés dont il s'agit; on ne se trouve donc pas dans les conditions qui font le mérite économique des servitudes: il n'y aura pas servitude foncière.
Mais une pareille stipulation n'a rien de contraire à l'ordre public et elle ne sera pas nulle; elle donnera même un droit réel, c'est-à-dire un droit affectant la propriété de la chose et la démembrant: ce sera, suivant qu'il sera établi à titre gratuit ou à titre onéreux et d'après les autres circonstances du fait, soit un droit d'usage spécial, soit un droit de bail, avec un objet plus limité que d'ordinaire; ce pourrait être aussi le droit personnel né d'un prêt à usage (1).
Quant à sa durée, elle sera, au maximum, celle de la vie du stipulant, et même elle sera moindre, si un délai avait été stipulé et qu'il se trouvât écoulé avant la mort du stipulant.
438. Il ne fallait pas cependant enlever le caractère de servitude foncière à toute charge établie entre voisins, par cela seul qu'elle imposerait à l'un d'eux quelque prestation de travail, personnel ou procuré, ou qu'elle aurait pour résultat un avantage au profit de la personne de l'autre ou des personnes de sa famille ou de sa maison.
Ainsi, dans le cas d'un droit de passage accordé à l'un des voisins sur le fonds de l'autre, on peut convenir que le chemin sera entretenu par ce dernier et, dans le cas d'un droit d'aqueduc, que le propriétaire du fonds servant entretiendra la construction et fera le curage, soit périodiquement, soit quand il sera nécessaire; dans ces deux cas et autres analogues, on ne devrait pas hésiter à reconnaître une servitude foncière: les travaux à exécuter par le propriétaire du fonds servant ne sont qu'une charge accessoire qui ne peut changer la nature de la charge principale; il ne restera plus qu'à la concilier avec le principe déjà énoncé que "la servitude n'oblige pas à faire mais seulement à souffrir y on donnera la conciliation en son lieu (voy. art. 305).
439. Ainsi encore, et en sens inverse, il est très fréquent que les mêmes servitudes de passage et d'aqueduc procurent au propriétaire ou aux siens des avantages personnels, comme la facilité ou la brièveté de la communication avec la voie publique, ou comme l'usage d'une eau plus abondante ou plus salubre pour les usages personnels et domestiques. Mais, ce qu'il y a de profit personnel est encore secondaire et accessoire; l'effet principal du droit de passage ou du droit d'aqueduc est toujours l'amélioration économique du fonds dominant; car tout propriétaire du fonds sera sensible à l'abréviation des distances ou à la qualité et il, la quantité de l'eau.
C'est pour répondre à cette distinction entre ce qui est accessoire et ce qui est principal que le texte ne refuse le caractère de servitudes foncières qu'aux charges qui ont "principalement" pour effet un travail personnel pour l'un des voisins ou un profit personnel pour l'autre.
440. On a dit (n° 345) que la perpétuité n'est pas de l'essence des servitudes foncières, cependant elle est de leur nature, et quand une servitude aura été établie pour un temps un peu court, il sera nécessaire d'examiner si, dans l'intention des parties, elle n'a pas été établie en faveur du propriétaire actuel, comme il est expliqué plus haut, plutôt qu'en faveur de son fonds; la question dépendra de l'ensemble des circonstances: spécialement, de la nature du service à tirer de la chose et des relations de parenté ou d'amitié des parties.
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(1) Cette dernière hypothèse est ajoutée dans cette nouvelle édition.
Art. 287. — 441. Le 1er alinéa de cet article consacre le principe développé à l'article précédent, à savoir, que le droit de servitude foncière est doublement réel en ce sens que, non seulement il porte sur une chose et reste opposable à tous ceux qui la détiendront, mais encore qu'il appartient à une chose et, par là, profite à tous ceux auxquels cette chose appartiendra successivement.
La loi leur reconnaît, en même temps, le caractère de droit accessoire déjà annoncé à l'article 2.
442. Du reste, quand la loi nous dit (2e al.) que les servitudes ne peuvent être cédées, louées ni hypothéquées séparément du fonds et peuvent l'être seulement avec lui, ce n'est pas seulement à raison de ce caractère accessoire; en effet, il y a d'autres accessoires des fonds qui pourraient en être détachés et cédés eu loués séparément, comme les objets mobiliers attachés aux fonds pour leur exploitation ou leur agrément, lesquels pourraient aussi être, sinon hypothéqués, au moins donnés en gage et livrés au créancier, comme meubles.
La raison de cette prohibition n'est pas non plus que le droit de servitude a pu être constitué en vue de la personne du voisin et que la cession du droit en changerait indûment le titulaire; on a vu, en effet, que la servitude, comme telle, doit être établie en faveur du fonds et non en faveur du propriétaire, et d'ailleurs, le constituant est toujours exposé à un changement de titulaire avec le changement de propriétaire du fonds dominant lui-même.
La véritable raison de la présente prohibition, c'est que la servitude' foncière, outre les limites qui peuvent avoir été mises à son exercice par l'acte constitutif, en reçoit encore d'autres dans les besoins mêmes du fonds dominant: celui qui aurait le droit de prendre sur le fonds d'autrui de l'eau, du sable, des pierres, des bois, en une quantité déterminée, pour les besoins agricoles, industriels ou domestiques de son fonds, n'épuisera pas toujours son droit, car la quantité stipulée peut, à certaines époques, excéder les besoins du fonds. Si donc, il était permis de céder, soit le droit même, tout entier, aux matières stipulées, soit ce qui en excède les besoins du fonds dominant, la condition du fonds servant se trouverait aggravée. Cette raison s'applique autant à l'hypothèque qu'au bail ou à la cession; car l'hypothèque mène généralement à la vente du bien pour satisfaire le créancier.
443. La seconde disposition est encore commandée par le même principe; ainsi le propriétaire d'un fonds auquel appartient un droit de passage sur le fonds voisin ne pourrait en permettre l'usage à un autre voisin, même en s'abstenant d'en user personnellement.
On a vu cependant, à l'article 59, que l'usufruit, qui. est une servitude personnelle, peut être grevé d'un autre usufruit. Cela s'explique par la cessibilité du droit lui-même d'usufruit; car il est. susceptible d'être cédé, loué et hypothéqué (art. 71), et cette faculté, reconnue à l'usufruitier, de changer le bénéficiaire de son droit, se justifie elle-même par la considération - qu'il a tout l'usage et tous les fruits de la chose, ce qui ôte au nu-propriétaire tout intérêt à s'opposer à une cession. Par la raison inverse, l'usager, dont les droits sont limités à ses besoins personnels, ne peut céder son droit (art. 116). Toutes ces dispositions sont donc en complète harmonie.
Cette défense, de constituer une servitude sur une autre, remonte au droit romain: les jurisconsultes l'y ont souvent proclamée comme un axiome, sans prendre la peine de la justifier (a).
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(a) Servitus servitutis esse non potest: "il ne peut y avoir une servitude sur une servitude.
Art. 288. — 444. Le caractère particulier des servitudes qui motive la prohibition de les aliéner séparément du fonds dominant ne commande pas une prohibition analogue pour l'exercice des actions judiciaires par lesquelles on les réclame ou on les conteste: chacun des deux propriétaires pourra donc plaider pour ou contre la servitude, sans être tenu de prouver son droit de propriété ni même son droit de possession, lorsqu'il ne sera pas en question. Il serait, en effet, bien inutile toujours, et dangereux souvent, de réunir dans le procès deux questions qui ne sont pas nécessairement connexes. Telle est au moins la règle.
Mais, si la propriété ou la possession du fonds même était contestée au demandeur ou au défendeur, le droit d'invoquer la servitude ou de la dénier serait contesté aussi, par cela même, et les deux questions devraient être réunies, avec la priorité donnée à celle de propriété ou de possession du fonds, comme question préalable ou préjudicielle (b).
Hors ce cas, qui sera rare sans doute, la question de la servitude se présentera seule et sera jugée de même.
Déjà, l'article 37, 2e al., nous a dit que le propriétaire peut exercer l'action négatoire pour contester que son fonds soit assujetti à un autre par une servitude. Le même article ne nous a pas dit qu'il eût l'action confessoire pour faire reconnaître une servitude au profit de son fonds. Ce n'est pas une omission, dans cet article où l'on n'avait à parler que des actions qui garantissent la propriété; or, celui qui conteste que son fonds soit asservi ne fait autre chose, en réalité, qu'affirmer son droit de propriété plein, entier, normal; celui qui, au contraire, soutient que son fonds est dominant à l'égard d'un autre, invoque un droit distinct de la propriété, un droit qui l'augmente d'une façon anormale; il ne dit pas seulement qu'il est plein propriétaire de sa chose, mais, de plus, qu'il a un démembrement de la propriété d'autrui. C'était donc dans le présent Chapitre que ce droit d'action devait lui être reconnu.
Les noms, un peu nouveaux, au Japon, d'action CONFESSOIRE opposée à l'action NÉGATOIRE, avec subdivision, pour chacune, en action poxsessoire et action péti- toire, ont déjà été rencontrés plus haut (art. 37 et 70) et expliqués assez longuement, au sujet de la propriété (nos 66 et 67), de l'usufruit (nos 100 à 102), et surtout de la possession (art. 212 et s.; nos 316 et s.). On se bornera donc 'à en rappeler brièvement les caractères.
445. Dans l'action confessoire, le demandeur soutient, affirme son droit de servitude sur le fonds d'au- trui; dans l'action négatoire, le demandeur conteste, nie que son fonds doive une servitude au fonds d'au- trui. Il faut bien avoir soin, d'ailleurs, d'éviter ici une confusion à laquelle on est exposé par la nature du sujet et par les habitudes du langage. Ainsi on a déjà dit qu'il y a des servitudes qui assujétissent le fonds servant à ne pas planter, à ne pas bâtir dans un lieu déterminé. Or, lorsque le propriétaire du fonds dominant soutient que celui du fonds servant ne peut bâtir, il n'intente pas une action négataire, mais une action co?îfessoig-e: c'est, en réalité, comme s'il soutenuit qu'il a le droit d'empêcher le voisin de bâtir; c'est bien " affirmer son propre droit sur le fonds d'autrui," conformément à la définition donnée plus haut.
En sens inverse, si le demandeur soutient qu'il a le droit de faire boucher chez le voisin des fenêtres d'aspect ouvertes à moins de trois pieds de la ligne sépa- rativc en vertu d'une prétendue servitude qu'il conteste, son action est négatoire, parce que la négation ne doit pas être cherchée dans les mots, mais dans la prétention; en effet, le demandeur " nie que le voisin ait sur son fonds un droit de vue ou de prospect," ce qui est bien conforme aussi à la définition de l'action négatoire.
Du reste, la question de savoir si une action relative aux servitudes est confessoire ou négatoire n'a pas seulement un intérêt de théorie et de doctrine, elle a aussi un intérêt pratique sur lequel on reviendra au sujet des preuves: dans l'action confessoire le demandeur a, comme tel et d'après le droit commun, toute la charge de la preuve de ce qu'il affirme; dans l'action négatoire, le demandeur ne pouvant, par la nature des choses, prouver pleinement une négation indéfinie, sommera le défendeur d'alléguer la cause directe et positive de son prétendu droit de servitude, et c'est seulement cette cause déterminée dont il aura à démontrer l'inexistence, ce qui sera encore fort difficile (comp. art. 347 et 1314).
446. Rappelons maintenant ce qui distingue, dans chacune de ces deux actions, le caractère possessoire et le caractère pétitoire.
Quand le demandeur se trouve, en fait, dans la situation qu'il prétend avoir aussi en droit, il peut se borner à demander le maintien du fait, de l'état actuel (du statu quo), sans soulever la question du droit, la question d1t fond.
Ainsi celui qui prétend avoir un droit de passage ou de vue, était en possession de ce droit, c'est-à-dire l'exerçait, en fait, depuis un certain temps, lorsque le voisin fait brusquement fermer le passage ou obstruer la vue; dans ce cas, le prétendant à la servitude pourra agir en complainte pour faire rétablir le passage et même en réintégrante, si la fermeture a été faite par surprise ou avec menaces (v. art. 216). Enfin, il agira en dénonciation de nouvel œuvre, si le voisin commence des travaux qui peuvent bientôt constituer un trouble ou une dépossession. L'avantage d'agir ainsi au possessoire plutôt qu'au pétitoire, c'est que le demandeur, pour triompher, n'aura qu'à prouver Vexercice actuel de la servitude par lui prétendue, tandis que, s'il agissait au pétitoire, il lui faudrait prouver son droit au fond, c'est- à-dire produire un acte constitutif de la servitude (bb).
Lorsqu'il aura triomphé, le voisin pourra, il est vrai, intenter, à son tour, une action iiégatoii-e; mais les rôles y seront renversés et le premier y sera défendeur avec tous les avantages attachés à cette qualité; en outre, cette action négatoire ne pourra pas être possessoire, par exemple, en réintégrande, car la possession a déjà été jugée en faveur du premier demandeur: l'action négatoire sera alors pétitoire, c'est-à-dire tendra à faire juger, au fond, que le voisin n'a pas de servitude de vue ou de passage. C'est ainsi qu'on a vu (art. 224, 225) que lorsqu'il s'agit, non plus d'une servitude, mais du droit de propriété tout entier, celui qui a succombé au possessoire peut encore utilement agir au pétitoire, tandis que la réciproque n'est pas permise.
Ceci implique que l'action négatoire pourrait avoir elle-même le caractère possessoire, lorsque c'est elle qui est intentée la première. Ainsi, un propriétaire voit son voisin construire un bâtiment sur la ligne séparative, avec des ouvertures d'aspect, il peut faire la dénonciation de nouvel œuvre; si le bâtiment est terminé, il intentera l'action en réintégrande pour faire supprimer les ouvertures; s'il s'agit d'un passage déjà exercé par intervalles, il intentera l'action en complainte: comme son voisin ne possédait pas encore la servitude, il possédait lui-même la liberté de son fonds: il conserve ou recouvre la possession de cette liberté, un instant troublée ou usurpée. Toutes ces actions possessoires sont en même temps nêgatoires, car elles nient le droit du voisin. Si le demandeur y triomphe, il sera désormais défendeur à l'action du voisin qui se croirait le droit d'agir ait fond; cette action du voisin sera confessoire, puisqu'elle affirmera son droit et, en même temps, pêtitoire, puisqu'elle tendra à faire juger non plus la possession, mais le fond du droit.
Le renvoi fait par le se alinéa au Chapitre de la Possession a trait, surtout, aux caractères que doit avoir la possession des servitudes pour être garantie par des actions: notamment, d'être paisible, publique, non précaire et quelquefois annale (art. 196, 197, et 214 bis); il a trait aussi au délai dans lequel les actions posses- soires doivent être intentées (art. 217) et à la défense de cumuler le possessoire et le pétitoire (art. 218) (c).
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(b) Les questions préjudicielles sont celles qui doivent être jugées avant le jugement de la question principale (prœ judiciumj; elles peuvent avoir plus d'importance que celle-ci; mais elles ont toujours, dans la procédure, un caractère incident.
(bb) S'il s'agissait d'une servitude légale, l'action pêtitoire tendrait à prouver que le fonds du demandeur se trouve dans les conditions ma.térielles d'où résulte la servitude établie par la loi.
(c) Cette théorie des actions relatives aux servitudes paraîtra peuti être compliquée; mais la difficulté ne cesserait pas parce que la logarderait le silence: le législateur aggraverait la tâche déjà difficile des nouveaux magistrats, s'il ne remplissait pas lui-même la sienne.
On a cherché à donner ici au Projet japonais une précision que ne présente aucune législation étrangère.
Art. 289. — 447. Cet article, de simple renvoi, a pour but de faciliter aux tribunaux et aux jurisconsultes le rapprochement des théories qui se complètent les unes par les autres (2).
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(2) Cet article formait le 46 alinéa de l'ancien article 289 (maintenant 288): on en fait un article séparé pour remplacer l'ancien article 290, remplacé lui-même par l'article 285 bis.
Art. 290. — 448. La loi reconnaît, en principe, aux servitudes le caractère d'indivisibilité déjà signalé par l'article 20; mais elle y apporte des exceptions qui, en fait, se rencontreront peut-être plus souvent que la règle.
Les auteurs ont presque toujours exagéré le principe, en négligeant trop les exceptions.
Il est certain, comme l'explique le 1er alinéa, que s'il y a plusieurs propriétaires de l'un des fonds, du fonds dominant, par exemple, et que ces copropriétaires soient en état d'indivision, l'un d'entre eux ne peut, sans le concours des autres, renoncer à la servitude active et en priver le fonds dominant: il ne peut le faire pour le tout, parce qu'il n'a pas qualité pour diminuer le droit de ses copropriétaires (voy. art. 38 et 39); il ne le peut, non plus, pour sa part indivise, pour une moitié, un tiers ou un quart, parce que la nature des avantages que procure une servitude foncière ne permet pas d'en concevoir des fractions: la vue, le passage des personnes ou des eaux, la prohibition de bâtir ou de planter sur des points déterminés, ne comportent pas de parties.
Réciproquement, si l'indivision existe entre copropriétaires du fonds servant, la convention que ferait l'un d'eux av(C le propriétaire du fonds dominant pour l'extinction de la servitude ne profiterait pas aux autres, s'il n'était pas autorisé à stipuler pour eux, et elle ne lui profiterait pas à lui-même pour sa part indivise du fonds, car la servitude ne pourra toujours être exercée qu'intégralement ou indivisiblement, pour le motif donné plus haut.
On retrouvera l'indivisibilité des servitudes, au sujet de leur extinction (v. art. 311). Elle présente aussi de l'intérêt et même quelque difficulté au sujet de l'autorité de la cliose jugée, lorsque tous les intéressés n'ont pas été en cause comme demandeurs ou défendeurs; mais comme cet ordre d'idées se retrouvera mieux à sa place à l'occasion des autres droits réels ou personnels indivisibles, la loi ne s'y arrête pas ici (v. art. 466, 1092 et 1420).
449. Le 28 alinéa nous dit que l'indivisibilité des servitudes pourra même persister après le partage du fonds dominant ou du fonds servant. Par exemple, le fonds A, appartenant à plusieurs, avait, sur le fonds B, le droit de passage ou d'aqueduc ou le droit d'empêcher certaines constructions ou plantations; s'il est partagé entre les copropriétaires, chacun aura, pour le lot de terrain qui lui est échu, le droit intégral de vue, de passage, d'aqueduc, etc. Même solution, si, au lieu d'un partage du fonds dominant, il en était cédé une partie à un tiers: celui-ci jouirait intégralement de la servitude, sans qu'elle cessât d'appartenir en entier au cédant pour la partie conservée par lui. Réciproquement, si le fonds servant était partagé ou cédé partiellement, chaque lot se trouverait soumis à la servitude, au moins, en principe, et en tant que ce résultat serait nécessaire à la plénitude du droit du fonds dominant.
450. Mais c'est ici que se rencontrent, le plus souvent, les exceptions réservées par le 28 alinéa et auxquelles il faut s'arrêter un instant. Elles se rencontreront aussi, quoique peut-être plus rarement, dans le cas de division du fonds dominant.
Soit un fonds servant grevé d'un droit de passage ou d'aqueduc dans une direction déterminée. Bien qu'on puisse dire que le fonds tout entier est grevé, en ce sens qu'il s'en trouve amoindri dans sa valeur totale, par la diminution de liberté du propriétaire, cependant, en fait, le passage des personnes ou des eaux ne s'exerce pas sur toutes les parties du fonds, lequel est traversé dans un sens ou dans un autre, peut-être sur une faible étendue. Si, dans la division du fonds, la partie consacrée au passage se trouve contenue tout entière dans un lot, les autres se trouveront à l'avenir, affranchis de la servitude (d).
De même, s'il existe une servitude défendant de construire ou de planter, ce ne sera généralement que sur une partie du fonds faisant face aux bâtiments du voisin auxquels on a voulu conserver la vue de là mer, de la campagne ou du Fusiyama; lorsque le fonds servant sera divisé, cette portion de terrain qui doit rester libre de bâtiments ou de plantations ne se trouvera pas dans tous les lots: il y en aura toujours quelques-uns qui seront affranchis de la servitude.
Si nous supposons le fonds dominant divisé en plusieurs lots, le même résultat pourra se produire; moins souvent, peut-être, pour le passage ou l'aqueduc, lesquels pourront quelquefois rester nécessaires à tous les lots, mais presque toujours pour la défense de planter ou de bâtir, qui ne profitera plus qu'au lot où se trouvent les bâtiments dont on a voulu conserver le prospect, la vue à distance (e).
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(d) Il faut toutefois reconnaître qu'il n'y a pas extinction complète de la servitude pour ces lots, car si le passage des personnes ou des eaux devient impossible sur le lot qui était primitivement affecté, il pourra être établi sur un ou plusieurs des autres.
(e) Le mot prospect employé dans le Code italien est peu usité en français; mais il est très expressif; il vient du latin prospicere, qui lui. même est composé de pro, " en avant" et spectare, " regarder, voir."
Art. 291. — 451. Les dispositions précédentes correspondent à la première partie de l'intitulé du présent paragraphe, à la nature des servitudes; la loi arrive maintenant à leurs diverses espèces. En réalité, on pourrait dire que les précédents articles se rapportent à leur nature commune, et ceux qui vont suivre, à la nature 'particulière de chacune. En effet, par cela même que la liberté des parties est très grande, presque absolue, pour l'établissement des servitudes, comme aussi les avantages que chacune d'elles peut procurer sont très variés, il faut s'attendre à ne pas leur trouver à toutes les mêmes caractères particuliers; les différences qu'elles vont présenter exerceront même une grande influence sur leur établissement, sur le mode de leur exercice et sur leur extinction, ainsi qu'on le verra aux paragraphes suivants.
Les trois divisions des servitudes ici présentées peuvent être considérées comme résultant de la nature des choses, aussi les trouve-t-on, plus ou moins explicitement, dans toutes les législations modernes et ne doit- on pas hésiter à les reconnaître au Japon; on ne pourrait varier que sur les conséquences légales à attacher à leurs différences.
La loi se borne ici à présenter les trois divisions réunies, en indiquant que leurs conséquences sont considérables; pour éviter de dogmatiser, la loi n'ajoute pas ce qu'on verra suffisamment plus loin, à savoir que chacune des divisions peut se combiner avec les deux autres; ainsi, une servitude continue est, nécessairement, soit apparente, soit non apparente; elle est, en même temps, soit positive, soit négative; il en est de même de la servitude discontinue: elle a, en même temps, l'un des caractères de chacune des deux autres divisions. Par cela même, encore, les deux autres divisions se combinent entre elles et avec la première. On en verra la preuve dans les exemples donnés sous les articles suivants.
452. Le Projet ne mentionne pas une autre division dès servitudes, en urbaines en rurales, qu'on trouve dans le Code français (art. 687) et qu'il n'y avait aucune utilité à conserver; d'abord, parce qu'elle est théoriquement inexacte dans ce Code, ensuite parce que, même en la rectifiant, elle serait sans intérêt pratique.
Les Romains, n'ayant pas législativement reconnu ni consacré la division des servitudes en continues et discontinues, au moins dans les termes, en avaient implicitement consacré l'idée et reconnu le caractère dans une division capitale, en servitudes de fonds urbains et servitudes de fonds Tlwall,ü. Les mots eux-mêmes étaient mal choisis, car ils éveillaient dans l'esprit une fausse idée de situation des lieux, une idée de ville et de campagne (/). En réalité, les servitudes urbaines (ou de fonds urbains) étaient relatives ait se bâtiments, et les servitudes rurales relatives aux terrains, quelle que fût d'ailleurs leur situation; c'était, sans doute, parce que les bâtiments sont plus fréquents à la ville qu'à la campagne et les terrains plus fréquents à la campagne qu'à la ville, que ces expressions avaient été adoptées.
Reste à savoir quand la servitude avait l'un ou l'autre caractère. C'est un point très discuté aujourd'hui.
Si les deux fonds, dominant et servant, étaient deux bâtiments, la servitude, sans aucun doute, était urbaine; il n'en était déjà plus de même, si c'étaient deux terrains non bâtis; la servitude n'était pas nécessairement rurale: par exemple, la servitude défendant de bâtir; et si l'un des fonds était bâti et l'autre non, était-ce le fonds dominant ou le fonds servant qui imprimait à la servitude son caractère et lui donnait son nom, suivant qu'il était bâti ou non bâti ? Ce n'était ni l'un ni l'autre, en cette qualité de fonds dominant ou de fonds servant. Ainsi, la servitude de vue était urbaine; mais la servitude de ne pas élever plus haut un bâtiment était urbaine également, comme celle de ne pas bâtir du tout; cependant, le bâtiment, qui était le fonds dominant, dans le premier cas, était le fonds servant, dans le second. De même, la servitude de passage ou de puisage d'eau était toujours rurale, sans distinguer si elle était établie au profit d'une maison ou d'un champ.
Le vrai principe servant de base à cette distinction paraît avoir été celui-ci: la servitude tirait son nom et son caractère urbain ou rural de la nature du fonds nécessaire à son exercice; ainsi, il n'y a pas de vue sans un bâtiment: la servitude de vue était donc toujours urbaine; il n'y a pas de passage des personnes ou des eaux sans un sol (même quand il y aurait une galerie pour élever le niveau): la servitude de passage ou d'aqueduc était donc toujours rurale; quant à la servitude de ne pas bâtir, elle implique l'idée de bâtiment, bien que négativement: elle était toujours urbaine, même entre deux fonds non bâtis (g).
L'erreur du Code français serait donc de faire dépendre de la nature du fonds dominant le caractère de la servitude et de dire que la servitude est urbaine quand elle est établie en faveur d'un bâtiment et rurale quand elle est en faveur d'un fonds de terre; ce qui donnerait ce résultat singulier et inadmissible que la même servitude pourrait être urbaine ou rurale, suivant la nature du fonds dominant: ainsi, la servitude de passage n'aurait pas le même caractère quand elle serait établie en faveur d'une maison que lorsqu'elle le serait en faveur d'un fonds de terre ! Ce qui prouve l'inutilité de cette division dans le Code français c'est qu'il n'en reparle pas davantage. Chez les Romains, elle tenait lieu de la division en servitudes continues et discontinues qui n'existait pas. Aujourd'hui, même en rectifiant la définition, la division ferait double emploi avec cette dernière.
Le Code italien, pour le même motif, sans doute, n'a pas reproduit la division des servitudes en urbaines et rurales.
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(f) Urbaine vient de urbs, " ville," rurale, de rua, "campagne."
(g) On donne ici l'opinion la plus généralement admise sur le sens des expressions latines: servitutes prcediorum urbanorum vel rusticorum, " servitudes de fonds urbains ou ruraux;" cependant, les textes latins laissent des doutes: si l'un d'eux, notamment, dit que Il parmi les servitudes, les unes consistent dans le sol, les autres dans un bâtiment, (in solo, in œdificio consistunt)" ce qui est favorable à l'opinion émise plus haut, un autre y est contraire, lorsqu'il dit que " les servitudes urbaines sont celles qui sont attachées aux édifices " (quœ œdificiis inhærent).
Art. 292. — 458. La division des servitudes en continues et discontinues est d'une importance considérable; le Projet japonais, sans s'écarter de la définition qu'en donne le Code français (art. 688), s'est efforcé d'être plus précis encore; mais il a supprimé les exemples, qui appartiennent plutôt à un commentaire doctrinal.
Les principales servitudes continues sont: les vues droites ou obliques, sur la propriété d'autrui, à une distance moindre que celle qui constitue la servitude légale; les plantations et excavations, également plus rapprochées que ne le permet le droit commun; l'égoût des toits au-delà de la ligne séparative; l'aqueduc à travers le fonds d'autrui, pour amener de l'eau ou pour en évacuer, en dehors des conditions de la servitude légale du même nom. Sont encore continues, les prohibitions de bâtir ou de planter, contrairement à la liberté légale des propriétaires.
Dans ces divers cas, il est évident qu'une fois les lieux disposés pour la servitude, celle-ci s'exerce d'elle- même, activement et passivement, sans le fait actuel de l'homme, c'est-à-dire, non-seulement sans que le propriétaire du fonds servant ait à accomplir quelque acte, puisque " la servitude n'oblige pas à faire, mais souffrir," mais même sans que le propriétaire du fonds dominant, ou quelqu'un pour lui, ait besoin d'accomplir un fait actif d'usage.
Quelques auteurs ont pourtant hésité à admettre comme continues les servitudes d'égoût des toits ou d'aqueduc, mous le prétexte que la pluie et les eaux naturelles ou artificielles présentent des intermittences; mais c'est un doute mal fondé: l'avantage du fonds dominant et l'assujettissement du fonds servant sont permanents, dès que, par la disposition des lieux, l'égoût de la pluie ou l'écoulement des eaux peuvent se produire aussi souvent que la nature le permettra.
454. Au contraire, il y a discontinuité de la servitude lorsque la disposition des lieux, une fois appropriée, ne suffit pas à son exercice, mais qu'il faut encore un fait actif du propriétaire du fonds dominant, comme dans la servitude de passage sur le fonds d'autrui, dans celle qui permet d'y puiser ou d'y faire puiser de l'eau portative (non conduite), d'y faire paître des animaux (pacage), d'y prendre ou d'y faire prendre des matériaux, tels que bois, pierres, sables, etc.; or, l'homme, d'après sa nature, ne peut accomplir, d'une façon continue, aucun acte volontaire.
Le Code italien (art. 619) classe parmi les servitudes continues, " les prises d'eau, au moyen d'un ca- " nal ou orifice, lors même que l'écoulement ne serait " permis que par intervalles fixes ou par tours de jours " ou d'heure."
Cette disposition, que le législateur est toujours le maître d'adopter, n'est pas conforme aux principes: il faut nécessairement un fait de l'homme pour ouvrir ou fermer l'orifice ou la bouche d'eau; la servitude n'est donc pas continue de sa nature; c'est à peine si on pourrait lui reconnaître ce caractère dans le cas, sans doute sans exemple, où l'ouverture et la fermeture de l'orifice se feraient automatiquement, à intervalles réguliers, par le moyen d'une machine; car il faudrait, au moins, qu'elle fût chauffée, si elle était à vapeur, ou remontée, si elle était purement mécanique. Il y aurait toujours là, pour l'exercice de la servitude, " un fait de l'homme" avant le mouvement automatique.
On pourrait éprouver ici, à l'égard du pacage un doute pareil au précédent: si la servitude permettait de laisser les animaux placés sur le fonds dominant, passer et paître en liberté sur le fonds servant, non clos d'ailleurs, il semblerait qu'aucun fait de l'homme n'étant ici nécessaire, la servitude serait continue; mais ce serait encore une illusion: il y aurait toujours le fait, par le propriétaire du fonds dominant, d'avoir et d'entretenir des animaux sur son fonds, fait qui n'est pas permanent de sa nature, qui peut cesser, puis recommencer, qui peut donc être et sera souvent intermittent.
Art. 293. — 455. Cet article ne diffère de l'article 689 du Code français que par la suppression des exemples qui s'y trouvent et ainsi par une plus grande concision.
On peut remarquer, en outre, que tandis que le Code français a employé l'expression d'ouvrages dans le 1er alinéa et celle de signes extérieurs dans le 2e, sans qu'on puisse voir une intention particulière dans cette forme différente, on a réuni ici les deux caractères distinctifs de la servitude apparente; ils ne sont pas d'ailleurs identiques: un ouvrage est un travail de l'homme destiné à faciliter l'exercice de la servitude; un signe n'est pas toujours un ouvrage: si par exemple, pour le passage des personnes, on a laissé, depuis la limite du fonds dominant, un espace libre de plantations et de cultures, alors qu'il en existe de chaque côté, il n'y a là aucun ouvrage de l'homme, mais il y a un signe visible du droit de passage, surtout si le chemin, étant fréquenté, est battu et n'est pas envahi par les herbes; de même, si des eaux, sortant d'un fonds ou y entrant, se sont creusé un lit naturel.
Comme exemples de servitudes apparentes, on peut citer encore: une fenêtre d'aspect ou des plantations plus rapprochées que la distance prescrite par la loi, des toits avançant au-delà de la ligne séparative, un aqueduc non souterrain.
Comme servitudes non apparentes, il y a: l'aqueduc souterrain, les droits de puisage, de pacage, de prise de matériaux sur le fonds d'autrui et toutes les servitudes négative/?, objet de l'article suivant, consistant dans des prohibitions ou restrictions à la liberté légale des propriétaires.
Art. 294. — 456. La division des servitudes en positives et négatives n'est pas annoncée dans le Code français, mais elle se trouve indiquée incidemment, non sous sa dénomination propre, mais sous celle de prohibition, comme exemple de servitudes non apparentes.
Elle mérite cependant une grande attention, comme on l'a déjà fait remarquer, au sujet de l'emploi des actions confessoires et négatoires (n° 445) et comme l'étendue du présent texte le fait immédiatement reconnaître.
Le Code italien la consacre formellement (art. 631). Une servitude est positive ou affirmative, quand son effet immédiat et direct est d'étendre pour le propriétaire du fonds dominant le droit d'agir que la loi lui donne normalement, soit sur son propre fonds, soit sur le fonds voisin. Elle est négative ou prohibitive, lorsqu'elle donne au propriétaire du fonds dominant le droit de défendre au voisin des actes que le droit commun permet à chacun d'accomplir, soit sur son propre fonds, soit sur le fonds contigu.
Comme exemples de servitudes ]JO.'?ifive,'!, on peut citer, dans l'ordre du texte:
1° Sur le fonds servant: l'aqueduc, l'égoût des toits, le passage, le puisage, le pacage, la prise de matériaux.;
2° Sur le fonds dominant lui-même: les fenêtres d'aspect ou obliques, les plantations ou excavations à (les distances moindres que celles que la loi prescrit.
Comme servitudes négatives, on trouve:
1° Sur le fonds servant: les prohibitions de bâtir, de planter, d'ouvrir des excavations, soit d'une manière absolue, soit à moins d'observer une distance plus grande ou des conditions plus onéreuses que celles prescrites par le droit commun;
2° Sur le fonds dominant: l'affranchissement de la contribution au bornage ou à la clôture, ou celui de l'obligation même de céder la mitoyenneté (h).
457. On a dit plus haut que ces divisions des servitudes, tirées de leur nature envisagée à des points de vue différents, peuvent se combiner ensemble.
Ainsi, une servitude peut être continue et apparente, comme la servitude de vue et d'aqueduc avec un canal extérieur; elle peut être continue et non apparente, comme celle d'aqueduc avec canal souterrain, et comme toutes les servitudes négatives ou prohibitives.
La servitude peut être discontinue et apparente, comme le droit de passage avec une porte et un chemin frayé sur le fonds servant; elle peut être discontinue et non apparente, comme le droit de prendre sur le fonds voisin de l'eau ou des matériaux.
Il est évident aussi que les servitudes positives sont les unes apparentes, comme l'égoût des toits, et les autres non apparentes, comme l'aqueduc souterrain, et qu'elles peuvent être continues, comme tout aqueduc, ou discontinues, comme le passage; tandis que les servitudes négatives sont toutes non apparentes et continues.
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(h) On a vu, au n° 431, que l'affranchissement de recevoir les eaux naturelles serait sans effet, que celui de recevoir les eaux artificielles ne vaudrait que pour faire augmenter l'indemnité, que l'affranchissement du bornage et de la clôture ne vaudrait que comme affranchissement des frais; au contraire, l'affranchissement de l'obligation de céder la mitoyenneté vaudrait pour le tout (n° 435).
SOMMAIRE.
Art. 295. — N° 458. Etablissement par titre: convention ou testament.
296. -459. Etablissement par prescription: conditions particulières. -460. Application du droit commun, quant à la durée. -461. Acquisition par prescription de l'usage de l'eau du voisin. -462. Observation critique sur une disposition du Code italien.
297. —463. Etablissement par la destination du proprié- taire; difficulté, en France, résultant du rapprochement des articles 692 et 694: solution du Code italien et du Projet japonais,
298. —464. Application du titre seul aux servitudes discontinues ou non apparentes.
299. -465. Titre récognitif: extension de son emploi dans le Projet; critique des Codes français et italien.
COMMENTAIRE.
Art. 295. — 458. Cet article, au lieu de dire que toutes les servitudes peuvent s'établir par titre, selon l'expression un peu vague du Code français (art. 690 et 691) et du Code italien (art. 629 et 630), préfère indiquer directement de quels titres il s'agit; or, en cette matière, il n'y en a et il ne peut y en avoir que deux: la convention et le testament.
Ce mode d'établissement est commun à toutes les servitudes, continues et discontinues, apparentes et non apparentes, positives et négatives, et lors même que la raison en concevrait un plus grand nombre d'espèces, on comprendrait aussi que toutes s'établissent encore par titre, car il s'agit ici des servitudes " établies par le fait de l'homme"; or, le titre n'est autre chose que la volonté de l'homme, dans sa manifestation la plus directe.
Le 2e alinéa lappele l'article 47, 48 alinéa, en disant que les servitudes peuvent être constituées non seulement directement, mais encore par voie de rétention: dans le premier cas, le fonds servant reste la propriété du constituant; dans le second cas, le constituant a deux fonds, il en aliène un et il le grève d'une servitude au profit d'un autre fonds qu'il conserve. Si la constitution est faite par testament, c'est l'héritier qui est propriétaire du fonds servant dans le premier cas et du fonds dominant dans le second (1).
La loi n'a d'ailleurs, à entrer ici dans aucun détail sur la forme et les conditions de validité des conventions et du testament, lesquelles n'ont pas lieu d'être modifiées par cet objet particulier: les servitudes sont des droits réels, des démembrements de la propriété; elles se constitueront donc par convention ou par testament, comme les autres droits réels et comme se transfère la propriété; mais elles sont des droits immobiliers: la capacité du constituant y est plus limitée que s'il s'agissait de droits mobiliers; enfin, certaines mesures de publicité sont requises pour mettre les tiers à l'abri de surprises, s'ils acquéraient le fonds servant sans savoir qu'il est grevé de servitudes.
C'est dans la IIe Partie du présent Livre que 1'ou trouvera les règles qui concernent la capacité des contractants et les moyens de publicité prescrits dans l'intérêt des tiers, pour les aliénations d'immeubles.
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(1) Ce 2e alinéa, ajouté seulement à l'impression, n'a pu être soumis à la Commission.
Art. 296. — 459. La prescription dite acquisitive est toujours un " fait de l'homme," mais elle ne constitue pas un titre; on peut dire seulement qu'elle en fait présumer l'existence antérieure, c'est-à-dire qu'elle en constitue la preuve par présomption légale (voy. nos 75 et 265).
Il est naturel que la prescription soit admise en matière de servitudes, comme en matière d'usufruit et de propriété; mais la loi ne l'admet que pour les servitudes qui présentent le double caractère de continuité et d'apparence. En effet, la prescription a pour base et pour justification la possession, c'est-à- dire l'exercice prolongé du droit prétendu, comme s'il appartenait au possesseur; or, la loi exige, pour la prescription de la propriété, que la possession soit, entre autres qualités, continue et publique: elle ne fait ici qu'appuyer davantage sur ces deux conditions. Sans doute, quand il s'agit de la possession de la propriété ou de l'usufruit, la continuité est compatible avec des intermittences dans les actes: celui qui possède comme un propriétaire ou un usufruitier ne peut, à tout moment, labourer, semer, planter, récolter, ni même se promener sur le fonds ou occuper les bâtiments; il suflira que l'ensemble de ses actes présente la régularité de ceux d'un véritable propriétaire ou d'un véritable usufruitier; quant it la publicité, elle sera suffisante quand les actes pourront être vus ou connus au dehors, de sorte que celui contre lequel court la prescription puisse en être informé et y mettre obstacle, s'il le juge à propos.
En matière de servitudes, la loi est plus exigeante: la continuité doit être absolue, l'exercice doit être de tous les instants, et comme, ainsi qu'on l'a déjà observé (n° 454), l'homme ne peut accomplir aucun acte sans repos ni intermittences, il n'y a que les servitudes " s'exerçant sans le fait de l'homme " qui aient une continuité suffisante pour s'acquérir par prescription; dans les autres cas, s'il s'agissait d'un passage, par exemple, il pourrait n'avoir lieu qu'à des intervalles plus ou moins éloignés et le propriétaire du fonds prétendu servant ne manquerait pas d'alléguer qu'il n'a laissé exercer le passage qu'à titre précaire ou de simple tolé1'llnce.
De même, la loi aggrave la condition de publicité, en exigeant que l'exercice continu de la servitude se révèle par des " ouvrages ou signes extérieurs " (art. 293) qui, parlant constamment aux yeux du propriétaire dont le fonds est grevé, le provoqueront à mettre obstacle à la servitude, si elle est illégalement exercée, ou feront présumer son acquiescement, s'il garde le silence pendant le temps de la prescription.
460. La loi se réfère ici, implicitement, aux conditions générales requises pour que la possession conduise à la prescription acquisitive; il va donc sans dire qu'elle ne doit être ni précaire, ni violente; il faut aussi tenir compte de l'influence du juste titre ou de l'absence de titre, de la bonne foi ou de la mauvaise foi (voy. art. 194 à 197).
Il y avait à trancher ici une question souvent débattue en B'rance, à savoir, si la prescription acquisitive des servitudes exigerait une possession uniforme de 30 ans, comme paraissent l'exiger, absolument et sans distinction, le Code français (art. 690) et le Code italien (art. 629), ou si, d'après le droit commun de la prescription immobilière, le délai se trouverait réduit à 10 ou 20 ans, lorsque le possesseur aurait juste titre et bonne foi. En admettant que les deux Codes précités aient entendu s'écarter ici du droit commun et exigent toujours 30 ans de possession, ce qui n'est pas certain, les raisons de cette exception ne sont ni assez solides, ni assez démontrées, pour obliger à s'écarter du droit commun. Le Projet s'y réfère donc pour la durée de la possession autant que pour ses autres conditions (1).
461. Le 2e alinéa résout une question réservée par l'article 240: à savoir, comment s'accomplit la prescription qui prive un propriétaire du droit de disposer librement de l'eau qui prend naissance sur son fonds et la fait acquérir au voisin.
Le Code français (art 642) est équivoque sur ce point: il exige des ouvrages apparents faits par le propriétaire du fonds inférieur, mais on n'est pas d'accord sur le point de savoir si ces ouvrages doivent être faits sur le fonds supérieur, ou s'il suffit qu'ils soient faits sur le fonds inférieur.
Le Code italien (art. 627) exige, en principe, que les ouvrages soient faits sur le fonds servant, c'est-à-dire sur le fonds supérieur qui deviendra servant quand la prescription sera accomplie; mais il admet implicitement que des ouvrages faits sur le fonds dominant ou inférieur auraient le même effet, si ces ouvrages avaient donné lieu à une protestation ou opposition de la part du propriétaire des eaux et que l'usage en eût été continué nonobstant cette opposition.
Le Projet japonais se contente d'ouvrages faits sur le fonds inférieur, pourvu qu'ils soient apparents, c'est à-dire visibles pour celui qu'ils tendent à dépouiller. Si l'on objecte qu'il est injuste d'attacher la prescription à des travaux que le propriétaire supérieur ne peut empêcher et que ce système ne lui laisse d'autre moyen d'empêcher la prescription que de détourner ses eaux, nous répondons qu'il a toujours le moyen bien simple d'une protestation ou opposition prévue par le Code italien et, en la renouvelant tous les 30 ans, il échappera à la prescription.
C'est d'ailleurs l'interprétation que nous donnerions de l'article 642 du Code français lui-même, tel qu'il est rédigé.
462. Au sujet de la prescription acquisitive des servitudes et de cette protestation, le Code italien (art. 631) a une autre disposition qui paraît bien moins justifiable: il permet la prescription des servitudes,négatii-e.,:, à partir " d'un acte formel de prohibition fait par le propriétaire du fonds dominant à celui du fonds servant, pour lui en contester la libre disposition." Or, les servitudes négatives, comme la défense de bâtir, de planter, d'ouvrir des vues, sont toujours non apparentes et, comme telles, elles ne sont pas susceptibles de s'acquérir par prescription, même d'après le Code italien (art. 630); il est donc bien difficile de concilier les deux articles juxtaposés de ce Code.
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(1) On a déjà eu occasion d'annoncer qu'au cas de possession avec juste titre et bonne foi la prescription, dans le Projet, sera uniformément de 15 ans (v. art. 1476).
Art. 297. — 463. Ce cas particulier de constitution tacite de la servitude porte en Europe le nom assez heureux de destination du père de famille (voy. C. fr., art. 692 à 694; C. ital., art. 632 et 633); si on ne le conserve pas dans le texte japonais, c'est que l'expression n'y aurait pas la même valeur traditionnelle (a); d'ailleurs, l'intérêt n'est pas ici dans les mots, mais dans l'idée, c'est-à-dire dans l'intention tacite du propriétaire révélée par les circonstances du fait.
Mais on se trouve ici en présence d'une bien grosse difficulté à laquelle donne lieu la rédaction obscure de l'article 694 du Code français rapproché de l'article 692 du même Code.
D'après l'article 692, l'établissement de la servitude par destination du père de famille n'aurait lieu que si, avant la séparation des deux fonds, l'état respectif des lieux avait été disposé- convenablement par le propriétaire unique, de manière à être constitutif " d'une servitude tout à la fois continue et apparente; " tandis que l'article 694 paraît se contenter du second caractère, " d'un signe apparent de servitude." Pour concilier ces deux articles, il n'existe pas moins de cinq systèmes qui ont, chacun en leur faveur, des auteurs recommandables et des décisions judiciaires.
Le Code italien ne présente pas la même difficulté: il est formel pour n'admettre la destination du. père de famille que pour les servitudes " continues et apparentes" (art. 620), et il n'a pas reproduit la disposition équivoque de l'article 694 du Code français.
Le Projet japonais ne pouvait négliger de se prononcer et il exige également la continuité et l'apparence pour que la servitude soit tacitement établie par la destination du propriétaire rapprochée de la circonstance que rien n'a été changé lors de la séparation des fonds.
Un exemple fera bien comprendre la situation. Un propriétaire a bâti sur un terrain lui appartenant; il a mis les ouvertures à son gré, parce que le terrain lui appartenait tout autour, à une distance suffisante pour n'être pas sujet aux réclamations des voisins; à ce moment, on ne peut pas dire qu'il jouisse d'une servitude de vue droite ou directe; car " on ne peut avoir un droit de servitude sur sa propre chose" (nernini res sua servit). Plus tard, il vend, soit le bâtiment, soit le terrain contigu au bâtiment, et les ouvertures ne sont pas supprimées au moment du contrat, et rien non plus n'y est stipulé pour la suppressicn ultérieure des vues. Dans ce cas, l'origine de la disposition des lieux rapprochée de l'inaction et du silence des parties, prouve leur intention évidente, quoique tacite, de maintenir l'état de choses préexistant, lequel devient une servitude véritable pour l'avenir. Il serait donc exact de dire qu'ici la servitude est " établie par une convention tacite" et le Code français n'est pas éloigné de cette idée, lorsqu'il dit: " la destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes continues et apparentes" (art. 692).
Dans l'exemple ci-dessus, on a supposé que le fonds sur lequel ont été faits les travaux était unique et a été ensuite divisé; on pourrait supposer aussi que primitivement, il y avait deux fonds distincts, un terrain et un bâtiment appartenant à différents propriétaires, qu'ils ont été ensuite réunis dans les mêmes mains et que les ouvertures ont été alors pratiquées dans le bâtiment; on peut supposer encore que les ouvertures étaient déjà pratiquées dans le bâtiment avant la réunion des fonds et qu'elles auraient pu être supprimées comme illégalement pratiquées, mais que le propriétaire, désormais unique, des deux fonds, n'ayant plus d'intérêt à leur suppression, les a laissées subsister; c'est comme s'il les avait établies lui-même; enfin, on pourrait supposer qu'avant la réunion des deux fonds dans les mêmes mains, la vue sur la propriété voisine était valablement établie comme servitude; la réunion des fonds a opéré l'extinction de la servitude par confusion (comme on le verra au § iv); plus tard, quand les fonds ont été de nouveau séparés, la servitude a repris naissance par la double circonstance que la disposition des lieux n'a pas été changée et que le contrat n'a pas déclaré qu'elle serait supprimée (b).
On a supposé aussi, dans l'exemple précité, que le propriétaire des deux fonds a aliéné l'un et gardé l'autre, sans distinguer d'ailleurs, s'il a vendu celui qui va se trouver le fonds dominant, ou celui qui sera le fonds servant; on peut supposer aussi qu'il les aliène tous deux à des acquéreurs différents, ou même qu'à sa mort, les fonds sont attribués divisément à ses différents héritiers. Toutes ces hypothèses rentrent dans " la destination du propriétaire."
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(a) Déjà, en matière d'usufruit, on a dû remplacer l'expression "jouir en bon père de famille " par celle de " jouir en bon administrateur (voy. art. 46).
(b) Certains auteurs croient que c'est là l'hypothèse prévue par l'article 694 du Code français, et que, dans ce cas, il suffirait que la servitude fût appàrente, sans être continue, comme un passage avec porte ou chemin tracé. C'est là un des cinq systèmes de conciliation proposés.
Art. 298. — 464. La prescription et la destination du propriétaire ayant été limitées aux servitudes continues et apparentes, il ne reste plus que le litre qui soit applicable à celles qui ne réunissent pas ces deux caractères.
Cet article pourrait, à la rigueur, être considéré comme une conséquence assez évidente de deux articles précédents pour qu'il ne soit pas nécessaire de l'insérer dans le texte. Toutefois, plusieurs raisons ont fait préférer son insertion.
D'abord, on avait le double précédent des Codes français et italien qui, n'ayant pas de motifs plus impérieux de s'expliquer sur ce point, n'ont pas craint de le faire (C. fr., art. 691; C. ital., art. 630). Ensuite, il paraît bon que chaque classe de servitudes ait ici sa part directe et déterminée dans les moyens d'établissement. Enfin, cet article sert de transition à l'article suivant qui nous ramène au titre.
Art. 299. — 165. Cet article présente une assez large extension de la disposition de l'article 605 du Code français, reproduit lui-même par l'article 634 du Code italien.
Ces deux Codes paraissent restreindre l'admission du titre récognitif destiné à suppléer le titre originaire ou primordial, au cas où la servitude ne s'établit que par titre, ce qui est limiter ce bénéfice aux servitudes discontinues ou non apparentes. Le Code italien est formel en ce sens. Quant au Code français, il a bien dit que " la destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes continues et apparentes " (art. 692), et la rédaction équivoque de l'article 694 ferait croire qu'elle vaut titre également pour les servitudes simplement apparentes; d'où l'on semblerait autorisé à conclure que ce titre fictif peut être suppléé aussi par un titre récognitif; mais cette extension est difficile, en face des termes mêmes de l'article 695 qui n'admet le titre récognitif " que pour les servitudes qui ne peuvent s'acquérir par prescription," ce qui est arriver, par une autre voie, à limiter le bénéfice de l'acte récognitif aux servitudes discontinues ou non apparentes. Or, ce résultat de la loi, prise à la lettre, est tout à fait déraisonnable, car on arriverait à dire que si la servitude continue et apparente avait été établie, en fait, par un titre, au lieu de l'être par prescription ou par destination du père de famille, ce titre primordial ne pourrait être remplacé par un titre récognitif; il est permis de croire que la loi n'a pas entendu exclure le titre récognitif dans ce cas.
Quoiqu'il en soit, le Projet japonais est plus large que les deux Codes européens précités: il ne distingue pas si la servitude a été, en fait, établie par titre (ce qui peut être le cas de toutes les servitudes, d'après l'art. 295), ni si, en droit, elle ne pouvait l'être que par ce seul moyen; dans tous les cas, il permet de remplacer la preuve directe d'une constitution de la servitude, par un titre récognitif ou " portant reconnaissance de la constitution antérieure par l'un des modes légaux." Le seul cas où le titre récognitif serait sans, valeur, est celui où il reconnaîtrait un mode antérieur de constitution inapplicable au genre de servitude dont il s'agirait: par exemple, s'il reconnaissait qu'il y a eu prescription, pour une servitude qui ne serait pas continue et apparente, ou même destination du propriétaire, pour une servitude qui n'aurait pas ces deux mêmes caractères.
L'utilité de l'acte récognitif se présente dans chacun des trois cas de constitution de la servitude. Quelques mots la rendront facile à saisir.
Dans le cas d'un titre primordial, il peut être obscur et les parties veulent prévenir un procès entre leurs héritiers respectivement, en le rédigeant mieux; ou il a été perdu et elles veulent le remplacer.
Dans le cas de la prescription, elles veulent constater, sans recourir à un jugement, qu'elle a été régulièrement acquise.
Enfin, dans le cas de la destination du propriétaire, elles veulent constater que les circonstances particulières qui la constituent ont réellement existé.
L'acte récognitif interrompt toujours le non-usage. On retrouvera le titre récognitif aux Preuves (Livre Ve), dans ses autres applications (voy. art. 1389 à 1391).
Le Code français, dans l'article 695 précité, s'il a trop limité l'emploi de l'acte récognitif en matière de servitudes, a cru, au moins, devoir l'affranchir de certaines conditions de forme qu'il lui impose, pour les autres cas, par l'article 1337.
SOMMAIRE.
Art. 300. — N° 466. Droits accessoires des servitudes. - 467. Interprétation ordinaire des titres d'après l'intention des parties et les circonstances du fait; procédé analogue au cas de prescription et de destination du propriétaire.
301. —468 et 469. Pouvoir des tribunaux, pour déterminer l'étendue, le temps, le mode d'exercice de la servitude.
302. —470. Manque d'eau; cas où il donne lieu à la garantie ou à la responsabilité du constituant. - 471. Insuffisance de l'eau: répartition ou ordre de préférence entre le fonds servant et le fonds dominant. - 472. Cas où il y a plusieurs fonds dominants.
303. —473. Changements à l'exercice de la servitude.
304. —474. Charge des travaux nécessaires à l'établissement.
305. —475. Entretien des ouvrages; dérogation au principe " que les servitudes n'obligent pas à faire:" part laissée au principe; réponse aux objections.
306. —476. Droits restant intacts au fonds servant; droit d'utiliser les travaux faits sur ledit fonds dans l'intérêt du fonds dominant.
COMMENTAIRE.
Art. 300. — 466. La distinction des droits principaux et des droits accessoires est déjà connue par l'article 16, et l'on a vu, plus haut, à plusieurs reprises, que les servitudes sont des droits accessoires de la propriété du fonds dominant; mais elles présentent cette singularité que si elles sont accessoires, d'un côté, elles sont, d'un autre côté, des droits principaux et elles ont, à leur tour, comme corollaires, des droits accessoires qui n'existent et ne subsistent que par elles et pour elles. Ainsi, le droit de puiser de l'eau chez autrui entraîne virtuellement le droit de passage pour prendre l'eau (a); il en est de même des autres servitudes qui permettent de prendre des matériaux sur le fonds d'autrui. Mais, bien entendu, le passage sera limité, quant au temps et quant au lieu, à ce qui est nécessaire pour l'exercice de la servitude. Ainsi encore, le droit de faire des charrois de matériaux ou de récoltes à travers le fonds d'autrui emporte celui de faire accompagner les chevaux et voitures par un conducteur et celui de ramener les voitures vides. Mais les personnes ne pourraient passer seules, si ce n'est au retour d'un charroi effectué.
Dans la pratique, il pourra y avoir une certaine tolérance, surtout si les voisins sont en bonnes relations, mais la loi statue toujours pour le cas où il n'y a pas accord des parties.
467. Indépendamment des droits et facultés accessoirement attachés aux servitudes, il pourra se présenter des difficultés sur l'étendue que doit avoir la servitude. La loi se borne à poser les règles générales qui devront guider les tribunaux. Le texte suppose successivement les trois modes d'établissement des servitudes.
1° Au cas de constitution par titre, c'est-à-dire par convention ou par testament, on appliquera les règles ordinaires d'interprétation en ces matières: elles se trouveront dans ce Code à leur place naturelle. Il suffit de dire ici que les tribunaux doivent, dans l'interprétation des conventions, rechercher la commune intention des parties, plutôt que de s'attacher au sens littéral des termes employés (voy. art. 376); dans l'interprétation des testaments, ils doivent rechercher l'intention probable du testateur et s'attacher encore moins aux termes mêmes du testament, puisqu'ils n'ont pas été adoptés après discussion ou contradiction du légataire.
S'il reste des doutes aux juges, ils doivent adopter le sens le moins défavorable au fonds servant (comp. art. 380), car la liberté respective des fonds est le droit commun et l'assujettissement de l'un vis-à-vis de l'autre est l'exception.
2° Au cas d'acquisition par la prescription, l'étendue de la servitude sera, dit le texte, " mesurée sur la possession effective."
La loi consacre par ces mots un principe traditionnel en matière de prescription, à savoir que " autant il y a eu possession, autant il y a prescription " (aa). Ainsi, celui qui a possédé, pendant le temps voulu pour prescrire, une ou deux ouvertures donnant des vues droites à une distance moindre que la distance légale, ne pourra, plus tard, une fois son droit acquis à une ou deux fenêtres d'aspect, en ouvrir une troisième, parce qu'il n'en a pas possédé trois; de même, si les fenêtres d'aspect ont ét6 possédées à deux pieds de la ligne séparative, elles ne pourront, en cas de reconstruction du bâtiment, être placées à une distance plus rapprochée; enfin, tout en gardant le même nombre d'ouvertures et la même distance, leur position correspondant au front du fonds voisin ne pourrait être changée, par exemple, portée plus à gauche ou plus à droite: dans ces divers cas, la prescription n'a donné que les avan.tages même qui ont été possédés, que les droits qui ont d'abord été exercés en fait.
3° Au cas de destination du propriétaire (ou du père de famille), c'est dans l'intention probable du propriétaire qui a établi la situation des lieux que l'on recherchera l'étendue que doit avoir la servitude après la séparation. Or, cette intention se verra dans l'exercice même que l'ancien propriétaire a pratiqué, en fait, pendant que les deux fonds étaient réunis dans ses mains; elle se verra aussi dans le but qu'il pa- raissait vouloir atteindre et dans les circonstances où il se trouvait. Ainsi, le propriétaire a établi un aqueduc conduisant l'eau d'une partie de son fonds sur l'autre, pour les usages domestiques ou pour l'irrigation; après la séparation des fonds, le propriétaire du fonds dominant ne pourrait employer l'eau pour une industrie.
Ce qui a été dit ci-dessus, pour les vues droites acquises par prescription, s'appliquerait aussi aux mêmes vues établies par destination du propriétaire.
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(a) Le Code français a donné cet exemple dans l'article 696, ce qui n'est pas d'un bon système législatif. L'article 696 n'est d'ailleurs pas à sa place: il devrait figurer en tête de la Section 11 ou relative aux " Droits résultant des servitudes."
(aa) Quantum possessum tantùm prœscriptum.
Art. 301. — 468. L'imprévoyance des parties contractantes, et encore plus celle des testateurs, laissera bien souvent des points à régler pour l'exercice de la servitude. On aura, par exemple, établi une servitude de passage, sans dire s'il s'appliquerait seulement aux personnes ou s'il s'étendrait même aux chevaux, aux voitures et aux matériaux (b): le tribunal prendra en considération la nature des deux fonds, principalement celle du fonds dominant, et l'étendue de la servitude, son mode d'exercice, seront plus larges pour un fonds exploité en culture ou en manufacture que pour une habitation d'agrément.
Pour le puisage discontinu, la quantité d'eau à prendre sera plus ou moins considérable, suivant les mêmes' distinctions; quant au temps, il sera presque toujours limité au jour, sauf les cas urgents et imprévus où l'eau pourrait être nécessaire la nuit: notamment, s'il y avait danger d'incendie.
S'il s'agit de pacage, et que le propriétaire du fonds dominant n'ait eu qu'une ou deux vaches, une chèvre ou deux, pour le lait et le beurre nécessaires à sa famille, ou un ou deux bœufs pour le labourage ou le transport, le tribunal pourra autoriser le pacage de quelques bêtes de plus, surtout si elles sont nées des premières, mais il ne permettra pas de faire paître un troupeau, si le voisin était devenu éleveur de bétail.
Pour la prise de matériaux (argile, sable, pierres, bois\ la question de quantité sera la plus importante; il faudra également la régler d'après la condition du fonds dominant, au moment de la constitution de la servitude. Ainsi, le fonds dominant était, à cette époque, la résidence d'un haut personnage: la prise de matériaux avait été évidemment stipulée pour les services du fonds, avec cette destination; ce qui pouvait donner droit à du sable pour les allées du parc, à des pierres pour la réparation ou la réfection des murs et à du bois pour le soutien des arbres, tout au plus pour le chauffage des personnes, et vraisemblablement non pour la réfection des bâtiments; si le fonds est vendu et passe dans les mains d'un potier ou d'un fabricant de briques, celui-ci ne pourra prendre l'argile et le sable pour son industrie, ni le bois pour ses fours.
Au contraire, le fonds fonds--servant -poLLrrait profiter du changement de destination du fonds dominant: si ce fonds passait des mains d'un potier ou d'un briquetier dans celle d'un rentier ou d'un fonctionnaire: celui-ci ne pourrait continuer à prendre la même quantité de matériaux; car, ce ne pourrait être que pour les vendre et la servitude ne donne pas ce droit (voy. n° 442).
469. Le dernier alinéa complète ces idées, qui sont encore des règles d'interprétation, en disant: 1° que le tribunal tiendra compte des besoins respectifs des deux fonds; ce qui veut dire surtout, après ce qui précède, que lors même que les droits et besoins du fonds domi.nant seraient considérables, il ne faudrait pas refuser au fonds servant le droit de subvenir aux siens propres; 2° que l'exercice de la servitude avant le règlement aura pu révéler des abus auxquels il faut mettre fin, ou, au contraire, aura donné aux parties une satisfaction convenable qu'il y a lieu de consacrer ou de ne modifier que légèrement.
Cette disposition ne se trouve pas dans les Codes français et italien.
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(b) Le droit romain, très complet sur la matière des servitudes, avait trois noms différents pour désigner les variétés du passage sur le fonds d'autrui: iter, donnant le droit de passer à pied et à cheval; actus, donnant, en outre, le droit de faire passer des voitures et des animaux rustiques; via, ajoutant le droit de faire passer des matériaux.
La largeur du chemin était réglée pour chacun de ces droits.
Art. 302. — 470. Si la prise d'eau était accordée à un voisin par l'effet d'un louage, le manque d'eau, même indépendant du fait du bailleur, engagerait sa responsabilité, en ce sens qu'ayant contracté personnellement l'obligation d'en fournir la jouissance, il n'aurait pas droit au prix de location pendant le temps où l'eau manquerait; mais le droit de servitude n'est pas identique au droit résultant du bail, et lors même que la servitude aurait été constituée par vente, c'est-à-dire par un contrat qui oblige à la garantie de l'existence de la chose vendue, au moment où la vente a eu lieu, il n'en résulterait pas une garantie de sa durée indéfinie. Enfin, même si le vendeur s'était engagé à garantir la durée de l'eau pendant un temps plus ou moins long, le droit à la garantie pourrait bien passer, activement, à tout cessionnaire du fonds dominant, mais il ne passerait pas, passivement, à la charge du cessionnaire du fonds servant: l'obligation de garantie serait personnelle au vendeur et à ses héritiers.
Au contraire, quand la prise d'eau étant constituée à l'état de servitude, la privation de l'eau résulte de travaux faits par le propriétaire du fonds servant, celui-ci est toujours responsable, sans distinguer s'il est, ou non, vendeur de la prise d'eau ou héritier du vendeur: sa responsabilité résulte de son fait personnel (1).
Un cas pourrait faire doute: l'eau sur laquelle la servitude a été concédée n'était pas une eau naturelle, mais elle résultait elle-même d'une concession faite au fonds servant, moyennant une somme à payer annuellement, comme sont, par exemple, les concessions d'eau faites par les municipalités sur leurs réservoirs; le propriétaire du fonds servant a cessé de payer l'annuité et l'eau lui a été retirée; par suite, le fonds dominant en a été privé également. Dans ce cas, la responsabilité du manque d'eau est-elle encourue par le propriétaire du fonds servant? Il faut décider négativement, en principe, car " les servitudes n'obligent pas et faire mais seulement à souffrir pour qu'il en fût autrement, il faudrait que le constituant de la servitude se fût engagé à continuer le payement de l'annuité et ce serait là une obligation personnelle n'obligeant que lui et ses héritiers et non une charge réelle imposée à tout propriétaire du fonds servant. On pourrait seulement admettre, par interprétation du contrat, que cet engagement a été pris tacitement, au moins quand l'origine de l'eau a été déclarée.
471. Les deux derniers alinéas prévoient le cas où l'eau, sans manquer entièrement, serait insuffisante pour le fonds dominant et le fonds servant réunis; la loi prévoit même le cas de deux fonds dominants.
Dans le cas où le débat n'intéresse que le fonds dominant et le fonds servant, on ne pouvait songer à donner la préférence à un fonds sur l'autre: il serait bien difficile, en raison, de justifier une pareille solution. Il a paru plus juste de distinguer entre les usages auxquels l'eau est nécessaire. En première ligne, la loi place les usages personnels et domestiques; on a déjà fait remarquer, au sujet de l'article 241, que l'eau étant, dans une. certaine mesure, nécessaire à la vie et à la santé de l'homme, la loi doit lui en assurer l'usage, quand elle le peut. Les usages agricoles viennent ensuite, parce qu'ils favorisent la production des denrées alimentaires ou autres de première nécessité; les usages industriels viennent en dernier lieu, parce que, lors même que les usines ou manufactures cesseraient de fonctionner pendant un certain temps, le dommage général qui en résulterait serait moindre que la privation de récoltes faute d'irrigation.
Le Code français est tout à fait muet sur ces difficuItés; aussi, dans les localités où l'eau est rare à certaines époques, y a-t-il souvent des contestations, des querelles et quelquefois des rixes, au sujet de l'usage des eaux privées et même publiques. Le Code italien paraît s'être préoccupé davantage de ces questions; il en a même prévu d'autres, mais qui ne semblent pas devoir se présenter au Japon; il a malheureusement fait une certaine confusion entre les concessions d'eau par bail et éelles constituant des servitudes foncières (voy. art. 649 à 652), de sorte que ses solutions n'ont pas paru pouvoir être, en général, adoptées dans le Projet japonais; une seule l'a été, c'est celle donnée par le 3e alinéa du présent article, à savoir, la préférence accordée entre plusieurs fonds dominants, à celui dont le titre est antérieur en date.
472. L'hypothèse la plus fréquente où il y a plusieurs fonds dominants est évidemment celle où un fonds dominant, d'abord unique, aura été ensuite divisé par un partage entre copropriétaires ou cohéritiers; dans ce cas, ils n'auront droit, en totalité, qu'à la même quantité d'eau que celle qui était due primitivement au fonds unique; mais, le partage ayant la même date pour tous, ce ne sera donc pas le cas où la préférence appartiendra au fonds dont le titre est antérieur en date. Il faut supposer des ventes partielles et successives du fonds unique, ou une concession d'eau faite successivement à divers fonds voisins du fonds servant.
L'ordre des droits à l'usage de l'eau sera alors le suivant: d'abord, un droit égal ou proportionnel à l'eau nécessaire aux usages domestiques, sans distinction de la date des titres; ensuite, le droit exclusif et successif à l'usage agricole, suivant les dates; enfin, s'il y a lieu, le droit à l'usage industriel, suivant les mêmes dates.
On pourra trouver ces détails minutieux et compliqués mais la réponse a déjà été donnée ailleurs: mieux vaut que le législateur prenne la peine de résoudre des difficultés possibles et probables que d'en laisser le soin et la responsabilité aux tribunaux.
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(1) L'ancien texte parlait seulement dtt fait du propriétaire: on propose d'ajouter illégitime, afin de ne pas rendre le propriétaire responsable d'un épuisement de l'eau par son usage personnel, s'il n'y avait que peu d'eau et. qu'il n'en fît pas un usage abusif.
Art. 303. — 473. En général, les conventions particulières ne peuveut être changées que de l'accord commun des parties; de même, les décisions des tribunaux forment pour ceux entre lesquels elles sont intervenues un lien qu'on assimile, avec quelque raison, à une convention et qu'on appelle souvent quasi- contrat judiciaire. La loi permet cependant ici que la volonté d'une des parties change quelque chose à la situation établie, pourvu que l'autre partie n'en éprouve pas un préjudice appréciable. Le motif de cette dérogation au droit commun est toujours le désir, de la part de la loi, d'éviter les animosités entre voisins; or, il est probable que si l'un des voisins pouvait, par simple mauvais vouloir et sans intérêt légitime, s'opposer à la modification demandée à l'exercice de la servitude, il en résulterait des rancunes, peut-être des haines qu'il est nécessaire de prévenir.
Au surplus, comme le dit la loi, il ne s'agit que de modifier "le mode, le temps ou le lieu de l'exercice de la servitude," non son étendue; ainsi, l'une des parties ne pourrait obtenir, par sa seule volonté, l'augmentation ou la diminution de la quantité d'eau ou d'autres substances à prendre sur le fonds servant, ni du' nombre de fenêtres d'aspect acquises sur ce fond; en pareil cas, d'ailleurs, lors même que la faculté de demander le changement serait ouverte, ce serait sans * utilité réelle, parce qu'il serait toujours facile à celui qui résisterait au changement d'établir qu'il en éprouverait un préjudice.
Art. 304. — 474. Il est naturel que les travaux nécessaires à l'établissement de la servitude soient à la charge de celui qui profite de celle-ci; la loi a déjà appliqué ce principe aux servitudes légales relatives au droit d'aqueduc (voy. art 254 et 256). Les parties peuvent, du reste, y déroger par des conventions particulières et mettre ces travaux à la charge du propriétaire du fonds servant; mais il faut remarquer que celui-ci n'en serait pas tenu en cette qualité et à titre de servitude, à la différence de la convention prévue à l'article suivant, au sujet des travaux d'entretien: il serait tenu personnellement, comme constituant, et sans qu'on ait à voir ici une dérogation à la règle que "les servitudes obligent à souffrir et non à faire." Il s'agit ici, en effet, de travaux à exécuter une seule fois; ils pourraient être accomplis par le constituant après les premiers accords au sujet de la servitude et avant la convention définitive, cas auquel on n'hésiterait pas à dire que le propriétaire du fonds servant ne les a pas accomplis en cette qualité; or, ces travaux ne changent pas de nature par le moment auquel ils sont exécutés.
Au contraire, pour les travaux d'entretien qui ont un caractère périodique ou continu, il est clair qu'ils ne pourraient être accomplis avant la constitution de la servitude et que, s'ils ont été imposés au constituant, c'est en sa qualité de propriétaire du fonds servant; aussi va-t-on rencontrer ci-après un tempérament à cette charge réelle, contraire au principe qui veut que " la servitude n'oblige pas à faire."
Art. 305. — 475. Le 1er alinéa se justifie comme la disposition de l'article précédent: c'est le propriétaire du fonds dominant qui a le bénéfice de la servitude, il use d'un droit qui lui appartient; il est donc naturel que les frais résultant de l'exercice de son droit soient à sa charge; il n'est pas moins naturel que si certaines réparations sont nécessitées par la faute du propriétaire du fonds servant, celui-ci les supporte.
Le 2e alinéa permet de déroger au principe, souvent cité et rappelé plus haut, que " la servitude n'oblige pas à faire, mais seulement à souffrir." L'exception se justifie déjà par la considération que cette charge est un simple accessoire de la servitude. De plus, et par respect pour le principe, la loi permet au proprié- taire de s'affranchir de cette charge en abandonnant son droit de propriété sur la portion du fonds grevée de la servitude.
Deux remarques sont à faire sur cet abandon.
En premier lieu, ce n'est pas un abandon par et simple qui devra être fait, lequel permettrait à l'Etat de s'emparer de la partie abandonnée, comme " immeuble vacant et sans maître" (art. 637 bis): l'abandon devra être fait " au propriétaire du fonds dominant ce sera, en réalité, une cession et elle sera plutôt onéreuse que gratuite, puisqu'elle aura pour compensation l'affranchissement d'une charge.
En second lieu, l'abandon ne devra pas nécessairement porter sur tout le fonds assujetti, mais seulement sur " la portion du fonds sur laquelle porte la servitude." Le Projet tranche ainsi une question encore débattue en France, sur l'article 699, et il la tranche dans le sens le plus favorable au fonds servant, contrairement à l'opinion la plus répandue. Ainsi, s'il s'agissait d'un droit de passage et que l'entretien du chemin eût été imposé au fonds servant, il suffirait d'abandonner le chemin, de même s'il s'agissait d'un aqueduc: en pareil cas, il serait trop dur et sans raison d'exiger l'abandon du fonds tout entier. C'est d'ailleurs la solution déjà admise plus haut (art. 275) et par le Code français lui-même (art 656) pour l'affranchissement de l'entretien du mur mitoyen, où il suffit d'abandonner la mitoyenneté.
On objectera peut-être que cet abandon qui, d'une part, décharge le propriétaire du fonds servant de l'obligation d'entretenir le chemin ou d'aqueduc, ne lui cause, d'autre part, aucun préjudice, car l'emplacement du chemin ou de l'aqueduc ne lui procurait déjà plus aucune utilité; en même temps, on dira qu'il ne procure au fonds dominant aucune compensation sérieuse; mais c'est une double erreur: le fonds dominant n'aura plus le chemin ou l'aqueduc à titre de servitude, mais à titre de propriété; le chemin pourra être transformé en aqueduc ou l'aqueduc en chemin; le terrain pourra même être affecté à un autre usage, autant que sa largeur le permettra; le droit de passage, pour les personnes ou pour l'eau, ne sera plus soumis aux conditions plus ou moins gênantes de la servitude; enfin, il ne sera plus exposé à être perdu par le non-usage dont il sera question plus loin et c'est là le côté défavorable au propriétaire du fonds servant qui perd toute chance de' recouvrer la plénitude de son droit. Il y a donc compensation suffisante, pour les deux parties, entre les avantages gagnés et ceux qui sont perdus.
Au surplus, il y aura quelquefois lieu à l'abandon entier du fonds assujetti, c'est lorsque l'assujettissement frappera lui-même le fonds tout entier. On ne peut guère citer le cas du droit de vue, ou de prospect qui pourtant assujettit le fond servant en entier, ou, tout au moins, pour la partie commandée par la vue, parce que, dans ce cas, il ne peut être raisonnablement question de la stipulation d'entretien du bâtiment dominant à la charge du fonds servant; mais on citerait le cas de la charge d'entretenir une digue destinée à préserver le fonds inférieur du débordement des eaux supérieures, ou celui de la charge d'entretenir le mur de soutènement d'une haute terrasse du fonds supérieur. Dans le premier cas, l'abandon de la digue elle- même placée sur le fonds assujetti n'aurait aucune utilité pour le fonds dominant, et dans le second cas, le mur à entretenir appartenant, en général, au fonds dominant et supérieur, l'abandon ne pourrait lui en être fait; il faudrait bien abandonner le fonds assujetti tout entier; seulement le remède ne serait jamais raisonnablement employé.
Art. 306. — 476. La disposition du 1er alinéa est un principe très important dont l'application peut être infiniment variée. Il suffit d'en donner quelques exemples.
Ainsi, le propriétaire dont le fonds est assujetti à un droit de passage, n'est pas moins en droit de se clore et même d'exiger la contribution du fonds dominant à la clôture commune, conformément aux articles 266 et 267, pourvu qu'il laisse une porte de communication convenable entre les deux fonds.
De même, celui qui est soumis au droit de puisage ou de pacage ne perd pas pour lui-même le droit de se servir de son eau ou de faire paître ses animaux sur son fonds, pourvu qu'il n'épuise pas ou ne réduise pas abusivement l'eau ou les pâturages.
De même encore, celui qui est assujetti à un droit de vue ne perd pas le droit de planter des arbres à haute tige à la distance légale de six pieds (art. 282), quoique la vue doive par là être bornée, car le droit de vue n'est pas le prospect ou le droit de voir à distance et librement sur le fonds d'autrui (c), c'est seulement celui d'avoir l'air et la lumière plus libres que ne le permettent les jours de tolérance.
Au contraire, le droit de vue interdirait au fonds servant d'établir une construction, même sans ouvertures, sur la ligne séparative; car, si le bâtiment du fonds dominant était lui-même sur cette ligne, il y aurait obstruction complète de la vue, et s'il était moins éloigné que de trois pieds de la ligne séparative, le bâtiment du fonds servant, placé sur cette ligne même, diminuerait considérablement le bénéfice de la servitude. Dans le premier cas, le bâtiment du fonds servant ne devrait être placé qu'à trois pieds de la ligne séparative et, dans le second, à trois pieds du bâtiment du fond dominant (v. art. 278).
Le Code italien (art. 590) veut, dans ce cas, que le bâtiment soit placé à une distance double de la distance légale (3. mètres); malheureusement, il n'explique pas si cette distance se calcule à partir de la ligne sépa- rative ou à partir du bâtiment auquel appartient la vue: il semble qu'il faille l'entendre dans ce dernier sens.
Le 2e alinéa rappelle une disposition analogue établie pour les servitudes légales (voy. art. 255 et 256); il y a même motif d'utiliser pour les deux fonds les dépenses primitivement faites pour un seul; la conséquence en sera une économie pour les deux propriétaires, résultat que la loi doit toujours favoriser.
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(c) La servitude de prospect ou de vue à distance (v. n° 450, c) doit être considérée, en général, comme entraînant celle de ne pas bâtir ou planter: autrement, elle ne diffèrerait pas de la servitude de vue.
Comme elle n'est pas une servitude légale, mais du fait de l'homme, les parties feront bien d'en déterminer l'étendue.
SOMMAIRE.
Art. 307. — N° 477. Six modes d'extinction des servitudes: développement des trois premiers.
308. -478. Prescription faisant présumer l'extinction.
309. —479. Renonciation expresse.
310. —480. Confusion; sa résolution: renaissance de la servitude.
311. -481. Non-usage: motif de son effet extinctif. - 482. Point de départ du non-usage. -483. Destruction partielle des ouvrages nécessaires à l'usage. -484. Examen de la question de savoir si les servitudes légales s'éteignent par le non-usage ou la renonciation.
312. —485. Effets, sur le non-usage, de la combinaison de l'indivisibilité des servitudes avec l'indivision entre les copropriétaires du fonds dominant: la conservation du droit par les uns profite aux autres.
313. —486. Modification, par le non-usage ou par la prescription, de l'étendue, du mode, du temps ou du lieu de l'exercice de la servitude. -487. Observation sur l'abus de jouissance de la servitude.
COMMENTAIRE.
Art. 370. — 477. Des six modes d'extinction des servitudes ici énumérés, les trois derniers étant l'objet de développements dans les articles ci-après, les trois premiers seuls réclament ici quelques explications.
Ier mode. On a déjà fait remarquer (nos 345 et 358) que la perpétuité n'est pas essentielle aux servitudes; sans doute, quand aucune limite de temps ne leur est assignée et quand elles n'ont pas une destination particulière que le temps ou les circonstances peuvent rendre inutile, elles seront perpétuelles dans l'intention des parties; mais le contraire peut arriver: la servitude est alors à terme; l'article 251 en a donné déjà une application pour la servitude légale d'aqueduc, et les servitudes résultant du. fait de l'homme en peuvent donner beaucoup d'autres exemples.
IIe mode. C'est au sujet des droits personnels, et des moyens tant de les acquérir que de les perdre, que la loi déterminera le caractère spécial de chacun des trois modes d'extinction des droits réels et person-. nels, connus sous les noms de révocation, résolution et rescision. Il suffit de donner ici, comme exemples: de la révocation, le cas d'un acte fait en fraude des créanciers; de la résolution, le cas d'inexécution des obligations mises à la charge d'une des parties; de la rescision, le cas d'incapacité de contracter. Leur caractère commun est la destruction ou annulation de ce qui a été fait; elle est ordinairement prononcée en justice, sauf quelques cas où elle a lieu de plein droit; elle rétroagit, de sorte que l'acte détruit est censé n'avoir jamais existé.
L'annulation peut porter ici, soit sur le titre constitutif même de la servitude, soit sur les droits que celui qui l'a constituée prétendait avoir sur le fonds servant; or, il est de principe qu'on ne peut conférer sur une chose plus de droits qu'on n'en a soi-même (a).
IIIe mode. L'article 285 nous a déjà dit que les servitudes légales ne peuvent, en général, grever les biens du domaine public; il en est de même, et à plus forte raison, des servitudes du fait de l'homme: il serait contraire à la nature et à la destination de ces biens d'être soumis à un droit exclusif, même minime, de la pari d'un particulier. C'est par application de ce principe que si un fonds servant est exproprié pour cause d'utilité publique ou générale, il se trouve par cela même affranchi de la servitude; seulement, le propriétaire du fonds dominant recevra une indemnité, comme toute autre personne ayant un droit réel sur la chose expropriée (voy. art. 32).
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(a) Il y a, à cet égard, deux axiomes souvent cités dans leur forme latine: resoluto jure dantis resolvitur jus aec;pientis, "le droit de celui qui a donné étant résolu le droit de celui qui a reçu est également résolu;" nemo dat quod non ipse kabet, " personne lie peut donner ce qu'il n'a pas lui-même" (comp. c. civ. fr., art. 2125).
Art. 308. — 478. Par respect pour le principe déjà signalé, que la prescription n'est pas un moyen direct d'acquérir les droits réels mais plutôt une présomption légale d'acquisition légitime, la loi consacre un article spécial au bénéfice de la possession de la liberté du fonds faisant présumer qu'il est affranchi de la servitude (1).
Le cas de la prescription diffère de celui du non- usage, dont il va être parlé, en ce que dans le non- usage le fonds servant est resté dans les mains du propriétaire qui a constitué la servitude ou dans celles de son héritier; tandis que la prescription suppose que, en même temps qu'il y a eu non-usage de la part du propriétaire du fonds dominant, il y a eu, par un tiers, acquéreur à titre particulier, possession du fonds servant comme libre de la servitude. Le résultat sera que le délai de trente ans ne sera plus nécessaire: s'il y a, au profit du tiers acquéreur, juste titre et bonne foi, ce qui est le cas le plus favorable pour la prescription (voy. nos 265, 282 et s.), le délai sera réduit à 15 ans (v. art. 1476).
Il n'est pas nécessaire, pour l'application du présent article, que le tiers-acquéreur ait acquis le fonds lui- même par prescription, il suffit, et il arrivera le plus souvent, sans doute, qu'il ait acquis le fonds servant par un titre régulier émané du vrai propriétaire. Mais il faut supposer qu'il n'a pas acheté la liberté du fonds, en traitant avec le titulaire de la servitude: autrement, la servitude serait éteinte par renonciation expresse;il a reçu comme libre le fonds vendu et, s'il a ignoré l'existence de la servitude (ce qui ne sera admissible que si elle est non apparente), il s'en trouvera affranchi après quinze ans de possession de cette liberté.
Tous les auteurs n'admettent pas cette solution, en droit français, et elle n'est même pas celle de la jurisprudence française; mais cela tient à l'absence d'un texte précis qui manque au Code français et qu'il ne fallait pas négliger d'introduire dans le Projet. Il y aura, de cette manière, une parfaite harmonie, quant au délai de la prescription, entre l'établissement et l'extinction des Servitudes (voy. art. 296).
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(1) Dans l'ancien article 307, la prescription était présentée comme le 76 mode d'extinction de la servitude et elle était reprise par l'article 312.
On trouve plus conforme à la théorie de la présomption légale de l'énoncer séparément, bien qu'à la suite des six modes d'extinction proprement dits.
En conséquence, l'ancien article 312 est supprimé, à cause de ce nouvel article 308, et les anciens articles 308 à 311 deviennent 309 à 312.
Art. 309. — 479. Quoique la loi soit plus favorable à l'extinction des servitudes qu'à leur établissement, elle ne veut pas cependant que le titulaire d'une servitude régulièrement établie soit facilement considéré comme y ayant renoncé: ici, comme pour l'usufruit (voy. art. 102-3°), la loi n'admet, en principe, que la renonciation expresse et formelle, celle qui ne peut pas laisser de doutes sur l'intention du renonçant.
Le cas particulier prévu ensuite est moins une exception qu'une application de la règle, par une présomption légale de volonté chez le renonçant: s'il n'a pas expressément renoncé au droit de servitude, il a renoncé expressément a1¿X ouvrages qui constituaient par eux-mêmes l'exercice de la servitude, puisque la loi la suppose continue et, comme telle, n'exigeant pas le fait actuel de l'homme.
Quant à la capacité requise pour la valididé de la renonciation, il est clair qu'elle doit être celle d'aliéner des droits immobiliers, puisque les servitudes foncières ont ce caractère. On trou vera ce qui concerne la capacité au Livre 1er, des Personnes, et les conséquences de l'incapacité dans la IIe partie du présent Livre (voy. art. 566 et s.).
Le Code français n'a pas fait mention de ce mode d'extinction des servitudes, pas plus que des trois premiers énoncés par l'article 307.
Art. 310. — 480. L'extinction de la servitude par confusion est la conséquence naturelle du principe déjà mentionné, sous les articles 227 et 297, à savoir " qu'une personne ne peut avoir une servitude sur sa propre chose; " c'est aussi l'effet d'un principe plus général, bien qu'on le suive moins rigoureusement aujourd'hui que chez les Romains, à savoir que " les droits s'éteignent quand la situation devient telle que si ces droits n'existaient pas ils ne pourraient commencer" (aa).
Le 2e alinéa confirme cette règle, quoiqu'il paraisse y déroger: on a vu que la servitude continue et apparente peut être établie par le fait d'un seul propriétaire, lorsqu'ayant disposé diverses parties de son fonds de manière à améliorer l'une par l'autre, il sépare ensuite ces diverses parties par une aliénation; or, lorsque deux fonds sur lesquels une servitude continue et apparente était antérieurement établie se trouvent réunis dans la même main, si les ouvrages établis ne sont pas détruits, les fonds restent dans une situation où la servitude de cette nature pourrait commencer; l'extinction n'est donc pas définitive et elle se résout par la nouvelle séparation des fonds.
Il en sera de même dans les cas prévus à la fin du ] Cl' alinéa, où l'acquisition qui a opéré la confusion est révoquée, résolue ou rescindée: il est clair qu'alors les choses sont remises dans l'état qui a précédé l'acquisition, et ici, sans distinguer si la servitude est continue ou discontinue, ni si les ouvrages ont été détruits ou non.
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(aa) Jura extinguuntur cum in eam conditionem perveniunt in qua incipere non possent.
Art. 311. — 481. Si les servitudes méritent quelque protection de la part de la loi, c'est, comme on l'a dit au début de ce Chapitre et répété plusieurs fois, chemin faisant, parce qu'elles procurent ordinairement plus d'avantages au fonds dominant qu'elles ne causent de préjudice au fonds servant; mais du moment que cette utilité a cessé, du moment qu'elles ne sont plus exercées, il n'y a pas de raison suffisante de laisser subsister l'assujettissement d'un fonds envers l'autre: la liberté respective des fonds doit être rétablie; c'est ce que fait la loi, lorsqu'il y a trente ans de non-usage.
On a déjà rencontré une semblable disposition au sujet de l'usufruit (art. 102-4°).
La loi ne permet pas de distinguer si l'usage a été volontairement négligé ou s'il a été empêché par des circonstances majeures ou fortuites; le délai de trente ans est assez long pour que, dans ce dernier cas même, le titulaire de la servitude ait pu faire remettre les choses dans un état qui permette d'exercer la servitude. On peut donc, sans exagération, voir dans le non-usage une renonciation tacite à la servitude, ce qui serait une exception à la règle posée par l'article 309; mais, du moment que ce mode d'extinction reçoit une autre qualification légale, il n'y a pas à insister sur son caractère de renonciation tacite.
482. Le 28 alinéa nous indique le point de départ du non-usage, suivant les diverses espèces de servitudes. Ainsi, s'il s'agit d'une servitude discontinue, comme celles de passage, de pacage ou de puisage, les trente ans commencent à courir depuis le dernier acte accompli en conformité à la servitude; s'il s'agit d'une servitude continue, comme elle s'exerce sans le fait de l'homme, il faut, pour concevoir le non-usage, " qu'il ait été fait un acte contraire à la servitude," comme disent le Code français (art. 607) et le Code italien (art. 667): telle serait la suppression d'une fenêtre d'aspect ou la destruction d'une conduite d'eau.
Le présent article est plus exact, lorsqu'il exige " qu'il soit survenu un obstacle matériel au fonctionnement spontané de la servitude;" or, cet obstacle n'est pas toujours l'œuvre de l'homme, il peut aussi provenir de quelque accident, comme le suppose le 3c alinéa enfin, s'il s'agit d'une servitude négative, nécessairement continue, le non-usage commencera du moment où le propriétaire du fonds servant aura contrevenu à la prohibition, en faisant l'acte que la servitude lui interdisait. Ce cas particulier est peut-être celui qu'ont en vue les deux Codes précités: il est compris lui-même dans la formule plus large du Projet.
Le 3e alinéa ne présente pas de difficulté: la distinction qu'il présente quant aux frais de rétablissement de l'ancien état de choses est d'une équité évidente.
483. Le Projet n'a pas cru devoir s'expliquer sur un point que cependant le Code italien a réglé (art. 669) et sur lequel il y a des doutes, en France: à savoir, s'il y a non-nsage suffisant pour l'extinction d'une servitude continue, lorsque la destruction des ouvrages n'est pas complète, et qu'il en reste " des vestiges." " Rationnellement, si ces vestiges sont suffisants pour procurer un usage, même incomplet, de la servitude, celle-ci n'est pas éteinte mais seulement réduite (v. art. 313); elle sera éteinte dans le cas contraire; déjà l'article 309, ci-dessus, donne une solution analogue au sujet de la destruction volontaire des ouvrages ou de leur " mise hors d'usage."
484. Il est nécessaire d'examiner ici une question trop négligée en France et qui pourtant présente un grand intérêt: à savoir, si les servitudes légales s'éteignent par le non-usage, comme celles du fait de l'homme; la question est la même pour la renonciation, et c'est peut-être même à ce sujet qu'on aurait dû l'examiner, car le non-usage n'est autre chose, comme on l'a dit plus haut, qu'une renonciation tacite présumée.
L'article 285 bis a déclaré certaines règles communes aux deux sortes de servitudes, elles nç le sont donc pas toutes.
Pour résoudre la difficulté, il faut se reporter à ce qui a été dit plus haut (nos 431 bis et 434) de la faculté de déroger, par le fait de l'homme, aux servitudes légales; or, on a vu que cette faculté doit être reconnue dans certains cas et déniée dans d'autres.
Les principes seront les mêmes pour la renonciation, soit expresse, soit tacite par non-usage.
De même qu'on ne pourrait, par convention, affranchir son voisin de l'accès, ou du passage en cas d'enclave, de l'obligation de recevoir les eaux qui découlent naturellement dui sol supérieur, de l'obligation de subir le bornage, ou la clôture dans certains cas, de même, on ne pourrait l'en affranchir par une renonciation expresse ou par le non-usage.
Au contraire, comme on pourrait, par convention, affranchir son voisin de l'obligation d'observer les distances légales pour les vues ou pour certains ouvrages susceptibles de causer dommage, on a perdu le droit de faire boucher les vues ou supprimer les ouvrages, lorsqu'on y a renoncé formellement ou lorsqu'on a laissé s'écouler le temps du non-usage sans exercer ce droit. On perdrait de même le droit légal d'aqueduc, si, l'aqueduc étant une fois établi, on avait laissé s'écouler trente ans sans qu'il fût en état de servir. On aurait bien encore le droit de demander un nouveau passage pour les eaux, mais ce' serait à charge d'une nouvelle indemnité, comme s'il s'agissait d'un premier exercice du droit. Mais celui qui serait resté trente ans sans demander l'accès, le bornage ou la clôture, le passage des eaux, la cession de la mitoyenneté, n'aurait pas plus perdu la faculté légale qui lui appartient que ne l'aurait perdue un propriétaire qui serait resté trente ans sans bâtir ou sans planter sur son terrain. Les actes de pure faculté ne se perdent pas par le non- usage (comp. c. civ. fr., art. 2232; Proj., art. 1432).
S'il en est autrement lorsqu'il s'agit de faire boucher, après trente ans, des vues irrégulière^, ce qui était, non plus une simple faciillé, mais un droit proprement dit (b), c'est qu'il y avait, en même temps, possession d'ouvrages extérieurs et, par suite, prescription acquisitive du droit de vue, comme servitude du fait de l'homme.
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(b) On reviendra plus au long, au sujet de l'article 359, sur la distinction entre les droits et les simples facultés.
Art. 312. — 485. L'indivisibilité des servitudes signalée par l'article 288 produit ici un effet très saillant: l'exercice de la servitude par un des copropriétaires indivis du fonds dominant préserve les autres de la perte par le non-usage. Il n'en serait plus de même, si le fonds dominant avait été partagé entre les copropriétaires: il y aurait alors plusieurs fonds dominants et l'un pourrait conserver son droit pendant que les autres perdraient le leur.
Le non-usage a plus d'analogie avec la prescription dite libératoire des obligations qu'avec la prescription dite acquisitive des droits réels, quoique les Romains et, après eux, les modernes l'aient quelquefois qualifié " usu- capion de la liberté du fonds." Ce qui le rapproche de la prescription libératoire, c'est qu'il n'est pas nécessaire que le propriétaire du fond servant fasse aucun acte de possession contraire à la servitude, avec les caractères de la possession requise pour la prescription acquisitive; ce serait forcer les mots que de dire que pendant le non-usage, le propriétaire du fonds servant possède sa liberté: la possession exige l'intention d'avoir à soi la chose possédée et le fait de se comporter, par des actes d'usage, comme si l'on avait réellement le droit qu'on exerce; or, on ne rencontre pas nécessairement, on rencontrera même rarement chez le propriétaire du fonds servant ces deux conditions de la possession utile pour prescrire: le fait et l'intention.
Le cas où il serait plus plausible de dire qu'il y a " usucapion de la liberté du fonds " serait celui où la servitude était négative, consistait, par exemple, dans une prohibition de bâtir, et où le propriétaire du fonds servant a bâti; cependant, il pourrait arriver qu'il eût cessé de posséder ses bâtiments, par absence ou autre cause, et, malgré cela, l'extinction de la servitude par non-usage n'aurait pas moins lieu. Il faut donc reconnaître qu'en réalité le fonds servant est libéré par la seule négligence du propriétaire du fonds dominant, par sa renonciation tacite; comme, dans le cas d'une obligation purement personnelle, le débiteur est libéré par la seule négligence du créancier, laquelle fait présumer, soit un abandon par et simple de son droit, soit une transaction ou un arrangement dont la preuve est perdue.
Le 2e alinéa établit donc, comme principe général, l'assimilation qui précède entre le non-usage et la prescription libératoire; il en laisse les conséquences à déduire à la sagacité des magistrats: notamment, le non- usage serait interrompu, comme la prescription, par l'acte récognitif dont parle l'article 299 (v. art. 1391).
Le Projet aurait pu, comme le Code français (art. 710) et le Code italien (art. 668), ajouter que " si, parmi les " copropriétaires du fonds dominant, il se trouve une " personne contre laquelle la prescription n'ait pu courir, " comme un mineur, il aura conservé le droit des autres," ce qui est encore un effet de l'indivisibilité des servitudes; mais la question de savoir si, au Japon, la prescription courra, ou non, contre les mineurs ne devait pas être tranchée ni même préjugée ici: si le système qui suspend la prescription à l'égard des mineurs et des interdits est admis ultérieurement, le présent article, restant dans la généralité des principes, n'y fera pas obstacle (2).
Art. 313. — 486. Cet article répond à l'article 708 du Code français qui n'est pas sans quelque obscurité.
Il pourrait arriver que le propriétaire du fonds dominant, sans négliger entièrement l'usage de la servitude, ne l'eût pas exercée dans toute sa plénitude: en pareil cas, il ne l'aurait ni perdue ni conservée tout entière, elle se trouverait diminuée dans ses avantages, quant au mode, quant au temps, quant au lieu.
Ainsi, quant au mode: celui qui avait le droit de passage à pied et avec voitures serait resté trente ans sans faire passer de voitures; ou bien, ayant le droit d'ouvrir deux ou plusieurs vues droites, à moins de trois pieds de la ligne. séparative, il n'en aurait ouvert qu'une seule; ayant le droit d'empêcher toute construction ou plantation dans une direction déterminée, il y aurait laissé établir un bâtiment ou des plantations plus ou moins élevées.
Quant au temps: pouvant puiser de l'eau à toute heure du jour et de la nuit, on serait resté trente ans sans en puiser pendant la nuit; de même pour le passage.
Quant au lieu: pouvant envoyer des animaux paître dans toute les parties du fonds voisin, on n'aurait usé du droit que pour une portion déterminée dudit fonds: par exemple, le fonds servant ayant été partagé en plusieurs lots, on aurait négligé d'exercer le pâturage sur l'un des lots.
Dans ces divers cas, qu'il s'agît du non-usage ou de la prescription, la perte serait la même, par application du principe déjà posé (n° 461): "autant on a possédé autant on a prescrit" (quantum possessum tantum prœscriptum).
La réciproque ne serait pas toujours vraie: si le propriétaire du fonds dominant avait changé le mode, le temps ou le lieu de l'exercice de la servitude, il ne pourrait pas nécessairement se prévaloir du changement, s'il y trouvait avantage; il faudrait, pour cela, que la servitude fût continue et apparente, c'eat-à-dire susceptible de prescription.
487. Parmi les modes d'extinction des servitudes, on n'a pas rencontré, comme pour l'usufruit, l'abus de jouissance.
En France, où cette cause d'extinction n'est pas non plus formellement énoncée dans la loi, quelques auteurs ont pensé qu'elle pouvait y être suppléée.
On n'a pas cru devoir adopter cette opinion et la consacrer dans le Projet; il n'y a pas d'ailleurs identité de motifs: l'usufruitier, ayant la possession entière et exclusive de la chose soumise à son droit, se trouve, par cela même, en situation de la compromettre plus gravement que le titulaire d'une servitude; par la même raison, sa possession et ses actes n'ont pas le contrôle continu du nu-propriétaire, lequel n'occupe, ni par lui- même ni par un représentant, aucune partie du fonds soumis à l'usufruit; au contraire, ce contrôle peut être exercé facilement et à chaque instant par le propriétaire du fonds servant. Il suffit donc de soumettre le titulaire de la servitude au droit commun de la responsabilité de ses actes.
Au surplus, on pourrait, dans quelque cas, admettre la révocation pour abus de jouissance, d'après les principes généraux; ce serait dans le cas où, la servitude ayant été constituée à titre onéreux et synallagmatique, avec des charges et conditions protectrices des intérêts du fonds servant, le titulaire aurait manqué à remplir ces conditions; il y aurait lieu alors à la résolution pour inexécution des conditions; mais ce cas d'extinction rentre dans celui, plus général, qui a été prévu et expliqué à l'article 307-2° et que l'on retrouvera, avec les développements nécessaires, au Tome suivant, dans la matière des Obligations.
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(2) Lorsque le Projet est arrivé aux causes qui suspendent la prescription, il a adopté pour la minorité une solution nouvelle: la prescription n'est suspendue que pendant la dernière année (v. art. 1467).
FIN DE LA Ire PARTIE DU LIVRE IIe ET DU TOME PREMIER.