Art. 68. Le 1er alinéa applique à la cession de créances le droit commun de la garantie : les limites que la loi apporte à la garantie de la solvabilité, dans les deux alinéas qui suivent, n'ont d'autre but que de prévenir une extension abusive qu'on pourrait être porté à lui donner.
D'abord, le vendeur d'une Créance est garant de l'existence de la créance ; il est donc responsable de son inexistence : par exemple, si la prétendue créance était radicalement nulle, faute de cause licite ou d'objet suffisamment déterminé, ou si, ayant existé elle avait été ensuite éteinte par un payement ou une compensation.
Sous ce rapport, le vendeur d'une créance ne diffère pas de celui qui vendrait une chose corporelle ayant péri avant la vente (v. art. 43).
Le vendeur garantit aussi que la créance lui appartient: elle pourrait exister et appartenir à autrui ; une pareille vente serait nulle comme toute vente de la chose d'autrui.
La loi ajoute que le vendeur est garant aussi de lu validité de la créance, c'est-à-dire que si elle était sujette à une action en nullité ou en rescision, il en serait responsable.
On voit que, jusqu'ici, il n'y a pas de défaveur pour l'acheteur d'une créance, et déjà on peut dire qu il a droit à la même garantie qu'un acheteur de chose corporelle auquel on ne doit que la garantie d'existence physique de la chose, la garantie du droit de propriété chez le vendeur, enfin, la garantie que la chose n'a pas de vices cachés la rendant impropre à sa destination (ce dont il sera parlé à la Section III).
La loi nous dit ensuite que le cédant u'est pas garant de la solvabilité du débiteur, et là encore on ne doit pas voir une défaveur pour l'acheteur; si le vendeur garantissait la solvabilité ce serait, au contraire, une faveur exceptionnelle pour le cessionnaire. Le risque d'insolvabilité du débiteur est inhérent à la nature du droit cédé et en rendre le cédant garant de droit serait presque aussi exorbitant que rendre le vendeur d'un champ garant de la réussite des récoltes et le vendeur d'une maison garant d'une location continue : il peut y avoir la matière à une garantie conventionnelle, mais non à une garantie légale.
Législativement, on pourrait distinguer, à la rigueur, si la cession a eu lieu avant ou après l'échéance: dans le cas où la cession précède l'échéance, il est tout naturel que le cessionnaire coure le risque de l'insolvabilité future du cédé ; quand, au contraire, la cession n'a lieu qu'après l'échéance, on comprendrait que le cédant fût garant de la solvabilité actuelle, car, si le cédé n'est pas actuellement solvable, il est bien douteux qu'il le devienne plus tard. Mais on n'a pas admis une telle disposition législative, parce que, le seul fait que le créancier vend une créance échue fait présumer qu'il la considère comme étant d'un recouvrement difficile.
Mais si la loi ne croit pas devoir imposer au vendeur la garantie de la solvabilité du cédé, elle admet qu'il puisse s'y soumettre volontairement et par convention ; on peut dire alors qu'il y a garantie de fait, par opposition à la garantie de droit, c'est-à-dire à celle qui a lieu en vertu de la loi et dont l'objet est l'existence de la créance.
La promesse de garantie de la solvabilité doit être expresse ; ainsi, il ne suffirait pas que l'acte de vente portât que le vendeur cède telle créance “avec garantie,” parce que peut-être il n'aurait entendu garantir que l'existence de la créance. Il est vrai qu'on pourrait dire que “les clauses susceptibles de deux sens doivent s'entendre dans le sens qui leur donne un effet, plutôt que dans celui qui ne leur en donne aucun or, la clause “de garantie” ne produira pas d'effet, si elle n'ajoute rien à la garantie légale ; mais on ne doit pas non plus admettre facilement, s'il y a doute, une extension aussi considérable des obligations du cédant : “dans le doute, la clause obscure s'interprète contre le stipulant, en faveur du promettant” (Liv. des Biens, art. 360) ; or, dans la garantie, le stipulant est le cessionnaire, et le promettant est le cédant.
En supposant une promesse expresse de garantie de solvabilité, il restait encore des difficultés.
La créance peut n'être pas encore échue au moment de la cession, ou elle peut l'être.
A quel moment doit-on se placer pour déterminer la responsabilité de l'insolvabilité du cédé ?
La loi s'en tient ici à la solvabilité actuelle, parce que, s'il est certain, dans ce cas, que le cédant n'a pas eu pour but de se soustraire à tout danger de l'insolvabilité du cédé, il n'est pas à croire pour cela qu'il ait entendu courir des risques pour l'avenir.
Si la créance n'est pas échue, le cédant qui a promis la garantie est responsable de 1 insolvabilité survenue avant l'échéance ou dans l'année qui la suit.
Enfin, on a cru qu'il fallait prévoir le cas d'une créance de rente perpétuelle, quoique ces rentes soint encore peu usitées au Japon et ne doivent sans doute 1 etre jamais beaucoup entre particuliers. Dans ce cas, comme il n'y a pas d'exigibilité du capital, niais seulement des arrérages annuels, la responsabilité du cédant, sans devenir perpétuelle comme la créance, doit être plus longue : le délai de dix ans n'a pas semblé exagéré.
Remarquons bien que ce délai d'un an ou de dix ans est celui pendant lequel la responsabilité du cédant est encourue et non celui pendant lequel il peut être actionné en garantie : une fois que l'obligation de garantie est née dans le délai précité, l'action est soumise au délai ordinaire de la prescription.
Il reste à savoir quel est, en matière de cession de créance, l'effet de l'obligation de garantie lorsqu'elle est encourue.
Il faut distinguer, à cet égard, entre la garantie légale ou d e d r o i t et la garantie conventionnelle ou d e fait.
La loi ne s'est expliqué sur la première garantie, parce qu'il faut lui appliquer le droit commun : soit que la créance n'existe pas, soit qu'elle n'appartienne pas au cédant ou qu'elle soit seulement annulable, le cédant, doit certainement rembourser au cessionnaire le prix de cession et les frais du contrat, et ceux du procès dans lequel le cédé a triomphé, parce que ces frais ont été payés par le cessionnaire ; le cédant doit aussi les dommages-intérêts ; or, ici ils consisteront dans le gain que le cessionnaire a pu espérer de la cession, et ce gain est la différence entre le montant intégral de la créance et le prix de cession : c'est comme une plus-value de la chose vendue, dont le cessionnaire a été frustré. On voit donc que 1 article 58 reçoit ici son application naturelle.
Par exemple, le cessionnaire a acheté pour 800 yens une créance de 1000 yens; mais la créance n'existe pas : le cessionnaire a accepté le risque de l'insolvabilité actuelle et future du débiteur, mais il n'a pas entendu courir celui de l'inexistence de la créance (comme on le verra, au contraire, dans la cession de droit litigieux), il est donc juste qu'il recouvre le montant intégral de la créance (1000 yens) ou, si l'on aime mieux, 800 yens, son prix d'acquisition, et 200 yens, le profit espéré de l'opération.
Mais on peut supposer, en même temps, que le prétendu débiteur de cette dette qui n'existe pas est une personne insolvable. Dans ce cas, le cédant ne sera garant que de la somme que le cessionnaire aurait effectivement obtenue du cédé, si la créance avait existé : le cédant, en effet, peut dire au cessionnaire que, lors même que la créance aurait existé, il n'en aurait pas obtenu le montant intégral ; la réparation ne doit pas excéder le préjudice réellement éprouvé. Mais si l'indemnité ne doit pas atteindre le prix de cession, c'est ce prix que le cédant devra restituer : autrement, il en serait enrichi sans cause, ce qui est une autre source d'obligation.
Supposons maintenant qu'il y ait eu garantie conventionnelle de la solvabilité actuelle ou future du débiteur et que l'obligation du cédant soit encourue, parce que le débiteur est insolvable : la loi ici n'oblige le cédant qu'à rembourser le prix de cession, comme constituant un enrichissement indû.
Il ne faudrait pas croire que cette limite de la garantie tienne à une défaveur qui atteindrait les cessionnaires de créances; il n'y a pas besoin d'imaginer un pareil motif : la loi interprète la clause de garantie de la façon la plus favorable au débiteur, c'est-à-dire, ici au cédant.
Ces limites mises à l'obligation de garantie de solvabilité du cédé cessent lorsqu'il s'agit de la cession par endossement des créances dites “effets de commerce. Le Code de commerce règle cette dernière garantie. Elles cessent encore, s'il y a convention de garantie de la solvabilité future ; mais, dans ce cas, la loi y apporte une limite de temps, un an ou dix ans, suivant la nature de la dette, afin que le garant ne soit pas tenu indéfiniment au delà de ses prévisions.