Art. 13. On a établi, ci-cessus que les poissons des étangs privés ne sont pas sans maître, comme ceux des rivières et de la mer. qu'ils ne peuvent donc être acquis par la pêche, sans le consentement du propriétaire de 1 étang et, de même, que les pigeons vivant dans des colombiers construits et entretenus à leur intention ne sont pas des oiseaux sauvages, que dès lors, il n'est pas permis de les chasser, même quand ils sont hors du colombier et chez le voision, si d'ailleurs le voisin en connaît la provenance ou le caractère.
Mais les uns et les autres, les pigeons surtout, ayant une certaine liberté, peuvent quelquefois passer dans un étang ou dans un colombier voisin. Pour les poissons, ce sera plus rare, parce que les étangs, sont généralement séparés avec soin ; mais il peut y avoir une rupture des cloisons, ou un débordement des eaux.
Lorsque la migration de ces animaux a eu lieu, la propriété en est acquise à celui chez lequel ils sont parvenus, mais à deux conditions : la première c'est que celui-ci n'ait pratiqué aucune ruse ou artifice, pour les faire pénétrer chez lui, encore moins une soustraction, autrement, il serait toujours exposé à la revendication et aux dommages-intérêts ; la seconde, c'est que la revendication ne soit pas exercée dans la semaine.
Les sept jours doivent se compter non depuis le départ des animaux, mais depuis leur entrée chez le voisin, ce qui a de l'intérêt pour les pigeons qui peuvent avoir erré pendant quelques jours dans le voisinage sans se fixer. Si donc les pigeons s'étaient arrêtés plus d'une semaine sur un fonds, sans s'y fixer dans un colombier ou dans une partie de bâtiment pouvant leur servir de refuge, la revendication pourrait encore s'exercer, parce que le voisin ne les posséderait pas encore, à proprement parler.
Dans tous les cas, il va de soi (et d'ailleurs le texte a soin de l'exprimer) que la revendiquant doit justifier de son droit, c'est-à-dire de l'identité des animaux qu'il réclame : ce sera plus difficile pour les poissons, moins pour les pigeons qui peuvent être d'une espèce et d'un plumage différents de ceux du voisin. La réclamation sera encore plus facile, si le voisin n'avait pas lui-même de pigeons dans son colombier ou sous ses toits au moment de l'émigration de ceux dont il s agit.
Le cas des poissons présentera, pratiquement, plus de difficultés, non seulement au sujet de la reconnaissance d'identité, mais encore sur le point de savoir si le revendiquant pourrait faire vider l'étang du voisin pour reprendre ses poissons. Il faudra généralement lui refuser ce droit qui serait gênant et même préjudiciable pour le voisin. Mais si celui-ci était convaincu d'avoir pratiqué une fraude pour faire entrer les poissons dans son étang, le revendiquant obtiendrait aisément que l'étang fût vidé, pour la facilité des recherches et de la reprise des poissons détournés.
Quelques Codes étrangers ont une disposition plus simple, mais qui paraît moins juste : la propriété des poissons et pigeons est acquise immédiatement au voisin chez lequel les animaux sont passés spontanément ; par conséquent, aucun délai n'est donné pour la revendication.
On n'a pas adopté cette disposition : il n'est pas juste que l'un des voisins profite d'un accident qui arrive à l'autre : ces animaux ne sont pas sauvages, aux yeux de la loi elle-même, puisqu'elle ne permet pas de les attirer par fraude ou artifice ; la loi ne permet pas non plus de les retenir par force ou par ruse. Or, si la loi entend faire dépendre le droit nouveau du voisin d'une sorte de volonté des animaux, au moins de leur attache au fonds qu'ils ont choisi, il est naturel d'attendre un certain temps. Le délai d'une semaine, d ailleurs assez court, a encore une double raison d'être : il indique chez le propriétaire des animaux une sorte d abandon ou d'indifférence et, en même temps, il constitue pour le voisin une possession digne d'égards.
Le 2 alinéa de notre article donne au sujet des abeilles une solution analogue.
Le Code italien (art. 713) n'autorise la poursuite que pendant deux jours ; passe ce délai, “le propriétaire du fonds peut les prendre et les retenir." On peut conclure de cette rédaction que la poursuite pourrait durer plus de deux jours, si le propriétaire du fonds n'avait pas fait acte de possession sur ledit essaim, et alors la poursuite ne serait plus limitée qu'au délai de 20 jours, par argument de l'article suivant du même Code qui donne ce délai pour poursuivre dans les mains d'autrui les animaux apprivoisés qui n'auraient pas été attirés par fraude.
Il n'a pas semblé nécessaire d'ajouter au texte, que le propriétaire de l'essaim devrait réparer le dommage causé par la poursuite : cela va de soi, et même il est certain que la poursuite devrait être empêchée ou suspendue dans les cas où elle causerait des dommages difficiles à réparer.
Le dernier alinéa concerne des animaux tenant le milieu entre les animaux sauvages et les animaux domestiques : ce sont les animaux apprivoisés ; ils sont, comme dit le texte, “de nature sauvage,” mais ils sont devenus familiers avec l'homme. On suppose qu'ils sont “fugitifs” c'est-à-dire qu'ils ont cessé de revenir chez leur propriétaire.
S'ils étaient tout-à-fait sauvages, ils ne pourraient pas être revendiqués, parce qu'ils n'auraient pas de maître.
S'ils étaient domestiques, ils pourraient être revendiqués, sans autre limite de temps que la prescription ordinaire des meubles possédés sans droit.
Etant dans cette condition intermédiaire, la loi adopte elle-même à leur égard une disposition intermédiaire : ils peuvent être revendiqués dans un délai modéré mais suffisant ; ce délai est d'un mois, à partir non de leur fuite, mais du moment où un tiers les a recueillis et par conséquent les possède. La loi suppose même qu'il les a recueillis “de bonne foi,” ce qui implique, 1" qu'il n'a employé aucune ruse pour les faire venir ou les retenir, 2° qu'il ignore quel est leur véritable propriétaire. Dans le cas contraire, la revendication ne serait soumise qu à la prescription ordinaire des meubles de mauvaise foi.
La loi n'a pas de disposition sur les animaux sauvages, mais captifs, qui se seraient échappés. Au point de vue de la revendication, ils devraient être assimiles a tous autres objets mobiliers qui auraient été perdus par hasard ou accident.