Art. 67. Les actions en justice portent, en général une qualification qui correspond à leur objet, c'est-à-dire au droit qu'elles tendent à faire reconnaître et à faire valoir. C'est ainsi qu'il y a des actions réelles et des actions personnelles correspondant aux droits réels et aux droits personnels.
Toutes les actions que le présent article reconnaît à l'usufruitier sont des actions réelles, puisque son droit est réel: elles lui permettent de faire valoir son droit non seulement contre le nu-propriétaire, mais encore contre tout autre qui y mettrait obstacle; cela n'exclut pas d'ailleurs une action personnelle qui compèterait à l'usufruitier, contre le nu-propriétaire exclusivement, en vertu du contrat ou du testament qui aurait constitué l'usufruit.
Les actions réelles reconnues ici comme appartenant à l'usufruitier ont les mêmes noms et le même objet que celles qui appartiennent au propriétaire d'après l'article 36, avec les seules différences qui résultent de la nature du droit. Ainsi, l'action pétitoire tend toujours à faire juger le fond du droit (ici, que le demandeur a vraiment le droit d'usufruit); les action possessoires tendent seulement à faire juger que le demandeur, en fait, possède ou a possédé récemment le droit d'usufruit, c'est-à-dire, l'exerce ou l'a exercé comme lui appartenant et doit y être maintenu ou rétabli: s'il le possède encore et est troublé par un tiers, c'est le cas de l'action en complainte; s'il a été dépossédé, soit par ruse, soit par violence, c'est le cas de l'action en réintégrande. Ces action se retrouveront dans leur application général au Chapitre de la Possession (art. 199 et suiv.).
Nous ne mentionnons pas ici deux autres actions possessoires qui ne sont que des variétés de celles-ci, pour des cas spéciaux: la dénonciation de nouvel œuvre et la dénonciation de dommage imminent (v. art. 201 et 202, 214 et s.). Le texte les accorde implicitement à l'usufruitier, en lui donnant “les actions possessoires,” sans distinction.
Indépendamment des actions réelles relatives à son droit d'usufruit, l'usufruitier a aussi des actions relatives aux servitudes. Elles sont de deux espèces: l'une qui affirme, soutient, que le fonds voisin est grevé d'une servitude active au profit du fonds usufructuaire: c'est l'action confessoire; l'autre, qui conteste, qui nie, que ledit fonds usufructuaire soit grevé d'une servitude passive au profit du fonds voisin: c'est l'action négatoire.
Le deux actions ainsi données à l'usufruitier au sujet des servitudes, étant réelles toutes deux, peuvent être considérées aussi comme pétitoires ou possessoires, suivant que l'usufruitier y soulève la question DE DROIT ou du fond, ou la question DE FAIT ou de possession.
Ces dernières peuvent être aussi en complainte ou en réintégrande.
Ainsi, si l'usufruitier a déjà exercé une servitude sur le fonds voisin et se trouve menacé ou troublé dans la possession de la servitude, il exercera seulement l'action POSSESSOIRE en complainte; s'il a été dépossédé de la servitude depuis moins d'un an, il exercera l'action POSSESSOIRE en réintégrande.
Si le temps dans lequel devait être exercé la réintégrande est passé, il exercera l'action PÉTITOIRE ou en revendication de la servitude active.
Ces trois actions sont toutes CONFESSOIRES, car l'usufruitier y affirme son droit.
Si, au contraire, c'est le voisin qui exerce à tort une servitude sur le fonds usufructuaire, l'action NÉGATOIRE de l'usufruitier pourra être pétitoire, s'il veut faire juger le fond de son droit contre le voisin, ou possessoire, s'il ne veut faire juger que le fait de sa possession; et, dans ce dernier cas, elle aura le caractère de complainte, si le voisin n'a encore fait que le troubler par des entreprises sur le fonds; elle aura le caractère de réintégrande, si déjà le voisin est en pleine possession de sa prétendue servitude, mais depuis moins d'un an.
On pourrait, enfin, supposer toutes les mêmes actions dirigées contre l'usufruitier, alors défendeur, par un tiers qui réclamerait l'usufruit (action confessoire) ou contesterait une servitude (action négatoire), soit au fond et comme droit, soit en fait et comme possession. L'objet, les noms et les caractères en seraient les mêmes; les rôles seuls des parties y seraient changés. Si la loi n'en dit rien, c'est qu'elle ne traite ici que des droits de l'usufruitier; elle aura occasion d'y revenir au sujet de ses obligations.
Remarquons, avec le 3e alinéa, que lorsqu'il s'agit des servitudes, actives ou passives, relatives au fond usufructuaire, bien que l'usufruitier ait qualité pour plaider à ce sujet, comme demandeur ou défendeur, il fera sagement d'appeler en cause le nu-propriétaire qui pourra le mieux défendre qu'il ne le pourrait seul.