Art. 52. On retrouve ici la division habituelle : il est naturel de présenter séparément les causes, les effets et la cessation de chacune des sûretés ou garanties.
Bien qu'il ne faille pas anticiper sur les effets de la solidarité, la loi doit cependant indiquer sa nature qui fait ressortir son effet principal : autrement, on ne verrait pas nettement quel est le droit dont on va énoncer les causes.
Le caractère le plus saillant de la solidarité passive est, comme le dit le texte, “ une représentation mutuelle (un mandat réciproque) entre les débiteurs, dans l'intérêt du créancier.” Cette idée de représentation, de mandat, universellement admise dans la doctrine a paru devoir être exprimée dans la loi, car tous les effets de lasolidarité s'en déduisent, tant ceux que la loi exprime que ceux qu'elle sous-entend : ces derniers seront dès lors faciles à suppléer par déduction du principe.
Pour le moment, on ne s'y arrête pas davantage.
Ajoutons pourtant que cette représentation mutuelle des débiteurs n'est pas seulement de sa nature : elle est même de son essence, car on ne pourrait pas la supprimer par convention sans changer la modalité même de l'obligation, laquelle se trouverait alors réduite à la simple obligation intégrale ou pour le tout dont on parlera à l'article 73.
Comme la solidarité passive est une modalité des obligations, ses causes ne peuvent être autres que celle des obligations elles-mêmes ; seulement, elles paraissent moins nombreuses, car le texte n'indique à cet égard que la convention et la loi (nous réservons un instant ce qui est dit du testament) : il n'est pas fait mention de l'enrichissement indu ni du dommage injuste ; mais cette omission est plus apparente que réelle.
Sans doute, tous les cas où plusieurs personnes sonindûment enrichies du bien d'autrui ne réclament pas la solidarité entre elles pour la restitution ou l'indemnité, même quand on ignore la part de profit de chacune d'elles, car on peut alors diviser l'obligation par portions viriles; mais lorsqu'il est juste qu'il y ait solidarité, la loi l'ordonne ; on se trouve alors on présence d'un cas de solidarité légale : par exemple, entre co-mandants (v. art. 24,3 du Livre précédent).
De même, dans les cas de dommage causé injustet ment par plusieurs personnes, au moyen d'un seul et même fait, il peut être juste que chacun en soit responsable solidairement, surtout quand on ne peut déetrminer le degré de participation de chacun au mal entre causé ; mais c'est encore la loi qui établit la solidarité les auteurs du fait pour la réparation du préjudice : par exemple, entre co-auteurs d'un crime, d'un délit ou d'une contravention (v. C. pénal, art. 57). Dans ces cas, la loi a pu, sans exagération de sévérité, décider que ceux qui se sont associés pour le mal seraient associés pour la réparation. Elle décide de même pour ceux qui ont commis de concert un simple délit civil (v. Liv, des Biens, art. 378)
Lorsque le dommage causé injustement par plusieurs ne résulte pas d'une association ou d'un concert, mais d'une sorte de conjonction de fait et que la part de responsabilité individuelle ne peut être connue, la loi impose encore à chacun une responsabilité intégrale, mais sans solidarité, à cause de l'absence de mandat mutuel (même art.).
A côté de la convention et de la loi, comme causes ou sources de la solidarité passive, notre article place encore le testament.
On pourrait s'étonner de voir figurer le testament comme cause d'une modalité de l'obligation, quand il ne figure pas parmi les sources des obligations elles-mêmes (v. Livre des Biens, art. 295). Mais l'objection serait plus spécieuse que fondée. Le testament ne suffit pas à imposer une obligation à l'héritier légitime : il faut encore que la succession suffise à acquitter les legs : l'héritier est donc moins tenu par le testament que par son enrichissement des biens héréditaires; aussi l'obligation d'acquitter les legs et autres charges testamentaires figure-t-elle parmi celles qui naissent des quasi-contrats ou de l'enrichissement indû (v. art. 361-8°), elle ne peut dès lors être rattachée à une autre cause qui serait le testament.
Si le testateur a plusieurs successers (son héritier et un ou plusieurs légataires à titre universel,) ils ne seront que débiteurs conjoints des legs, chacun d'eux n'en devra que sa part héréditaire, au moins si la chose est divisible (art. 488, 1er al. et 440).
Mais si le testateur veut qu'il en soit autrement, s'il craint pour son légataire l'insolvabilité ultérieure d'un ou plusieurs de ses successeurs, ou s'il veut lui épargner la peine de faire plusieurs demandes, il a le droit de leur imposer la solidarité : ce sera prudent quand il s'agit du legs d'une rente viagère ou d'un capital payable à long terme. Evidemment, il ne pourrait espérer une convention entre le légataire et les successeurs, à l'effet d'imposer la solidarité à la charge de ceux-ci, et il n'y a pas de raison suffisante pour que la loi intervienne dans le même but ; il ne reste donc que la volonté du défunt ou le testament.
La solidarité étant une rigueur contre les débiteurs, par cela même qu'elle est favorable au créancier, est évidemment une exception au droit commun ; de là la règle qu'elle “ ne se présume pas et doit être expresse.
Bien entendu, comme on l'a déjà remarqué en pareil cas, cela ne signifie pas que la disposition doive employer l'un des mots solidarité, solidaire ou solidairement : ce qui est nécessaire c'est qu'il n'y ait aucun doute sur la volonté, à cet égard, des contractants, du testateur ou de loi. Nous ajoutons “ de la loi ” et notre article dit “ dans tous les cas,” pour prévenir une difficulté, sur le point de savoir si la disposition de notre article s'applique à la solidarité légale.
Une différence toutefois doit être admise à cet égard entre les dispositions de loi et celles de l'homme. On verra à l'article 73 que lorsque la loi déclare qu'une obligation conjointe est “ intégrale ou pour le tout, cela ne suffit pas pour qu'il y ait solidarité, s'il n'y a d'ailleurs entre les débiteurs aucune relation antérieure impliquant mandat réciproque ou représentation mutuelle. Mais cette disposition ne concerne pas le cas où les mêmes expressions auraient été employées dans une convention ou un testament. La loi, ailleurs, aposé en principe que, “ dans l'interprétation des conventions, les j uges doivent rechercher l'intention commune des parties plutôt que s'attacher au sens littéral des termes par elles employés ” (art. 356 ). Or, quand les parties auront dit que l'obligation de chaque débiteur sera ” intégrale ou pour toute la dette,” ou qu'ils “ payeront l'un pour l'autre,” il est bien naturel de croire qu'elles ont entendu établir entre les débiteurs le lien le plus étroit et le plus rigoureux : leur intention se révèle bien mieux par la désignation directe de cette rigueur que par l'emploi d'un mot juridique (solidaire, solidarité, solidairement) dont elles peuvent ne pas connaître toute la portée ou le sens exact. D'ailleurs, dans un pareil cas, il y aura nécessairement entre les débiteurs un lien antérieur impliquant mandat réciproque.
La même observation s'applique au cas d'un testateur qui aurait imposé à chacun de ses successeurs une obligation intégrale au sujet de l'acquittement des legs.
Notre texte paraît, dans sa dernière disposition, viser une exception à la règle que la solidarité doit être expresse. Mais c'est à peine si l'on peut dire qu'il y a là une exception : quand on se réfère à l'article 88 visé ici, on remarque que l'indivisibilité volontaire implique solidarité, soit activement, soit passivement ; mais, si la seconde modalité est établie tacitement, la première est expresse (v. art. 108G, 2e al.); en outre, la loi interprète expressément l'intention des parties, en sorte qu'on ne peut pas dire qu'il y ait là une véritable exception à la règle.