Art. 136. La détermination des droits de chaque associé sur le fonds social est, pour ainsi dire, le point capital de cette matfère, car elle tend à atteindre le but de la société qui est de procurer des avantages communs à tous ses membres Il est naturel que la loi reconnaisse d'abord aux parties le droit de régler elles-mêmes leurs parts respectives et que ce droit soit absolu, en principe : d'où les mots du texte “à leur gré ;” mais, cette liberté reçoit plus loin deux exceptions (v. art. 138).
La détermination des parts peut se faire soit par l'acte de société, ce qui sera évidemment le plus sage et le plus fréquent, soit par un acte postérieur.
Si les parties, voulant fixer les parts par l'acte de société, ne parviennent pas à se mettre d'accord, elles ne signeront pas le contrat et la société ne se formera pas. Si, au contraire, elles ont signé, en réservant de fixer des parts ultérieurement, la société existe immédiatement et elle peut fonctionner comme il est dit plus haut.
Quand les parties s'occuperont ensuite de fixer les parts, si elles ne parviennent pas encore à tomber d'accord, à l'unanimité, pour ce règlement, il pourra arriver de deux choses l'une : ou qu'elles remettent à une autre époque une nouvelle tantative d'arrangement, et la société continuera à fonctionner, ou qu'elles y mettent fin, soit d'un commun accord, soit même sur la demande d'un seul des associés, comme on le verra possible à la Section suivante (art. 145).
Voyons maintenant, toujours avec le texte, ce qu'il faut entendre par ces “parts d'associés,” c'est à-dire sur quoi elles portent.
A cet égard, on a soin d'exprimer qu'il s'agit surtout “du fonds social,” et non pas seulement “des bénéfices et des pertes :”
Dans le langage ordinaire, on est porté à donner au mot “bénéfices” le sens d'une augmentation du fonds social, résultant du succès d'une ou plusieurs opérations. Ainsi, si une société formée avec des apports montant à 10,000 yens, a fait des achats et ventes qui ont porté son actif total à 12,000 yens au bout d'un an : on dira généralement qu'elle a 2000 yens de bénéfices ; cela est exact ; mais ce ne sont pas seulement ces 2000 yens sur lesquels il y a à fixer les droits des associés, ce sont encore les 10,000 yens provenant des apports primitifs. En réalité, on doit dire, avec le texte de notre article, que les associés ont droit à des parts du “fonds social,” en comprenant dans cette expression les profits qui le grossissent, ou en le considérant dans ce qui en reste, déduction faite des pertes éprouvées.
On pent être étonné, au premier abord, qu'il soit question de confondre les bénéfices avec les apports et de donner aux associés, par convention spéciale, des parts égales ou inégales dans cette masse : il semble qu'il serait plus naturel et plus juste que chacun, lors de la dissolution de la société, reprit ses apports, les prélevât avant le partage, soit en nature, soit en valeur, et que les dénefices seuls, les profits résultant des opérations fussent partagés, également ou inégalement, suivant l'importance respective des apports de chacun ou les diverses coopérations fournies à la gestion.
Assurément, ce mode de procéder serait généralement très-satisfaisant et il sera sans doute observé fréquemment, par les parties faisant usage de leur liberté à cet effet, ou par les arbitres choisis par elles dans le même but ; ce sera même, an fond, le mode de règlement des parts que la loi établira, avec une différence en la forme, lorsque les parties auront négligé de le faire (v. art. 141).
Mais il s'agit ici du règlement par les parties, et la loi leur laisse une entière liberté de fixer leurs parts respectives dans le fonds social : c'est à elles qu'il appartient d'abord d'évaluer l'importance respective des apports, pour en faire dépendre la part qui reviendra à chacun dans le fonds commun.
Sans doute, si tous les apports consistent directement en argent ou en objets mobiliers ou immobiliers estimés en argent, il est naturel que les droits de tous les associés sur le fonds social soient mesurés sur l'importance respective des apports et qu'ils soient égaux ou inégaux suivant les cas ; mais, même dans ces cas, ils auront dû tenir compte des soins donnés ou à donner par les uns ou les autres aux affaires sociales, ce qui déjà motivera un abandon de la proportionnalité des parts aux apports originaires ; il peut arriver aussi que certains apports soient difficiles à évaluer en argent, comme une industrie, agricole ou manufacturière, une clientèle ou un achalandage, un outillage dont l'usage seul serait apporté à la société.
On conçoit donc que les parties aient une liberté, sinon absolue, au moins considérable, pour le règlement des parts respectives.
Nous verrons à l'article 138 deux restrictions à cette liberté.
La loi ne va pas jusqu'à supposer que le fonds social ait été complètement épuisé par les pertes et qu'en fin de compte il n'y ait à supporter que des pertes ou un passif. La règle est la même : il n'y a pas de raison de différence entre les pertes qui épuisent le capital et celles qui l'excèdent. Du reste, l'article suivant suffît à lever les doutes à cet égard.
Cet article ne prévoit que le partage final du fonds social, augmenté des bénéfices ou diminué des pertes ; mais il faut l'étendre, naturellement, aux partages de bénéfices ou de pertes qui a lieu au cours de la société à des époques plus ou moins périodiques.