Art. 109. La vente et l'échange ayant le même but et ne différant au fond que par le moyen de l'atteindre, c'est-à-dire par la nature de l'une des deux valeurs fournies respectivement, il est naturel que les deux contrats suivent, en principe, les mêmes règles générales. La loi n'a eu qu'à déterminer les exceptions; nous aurons à les justifier.
1. Indiquons d'abord, sans développements, sinon toutes les règles communes à ces deux contrats, au moins les principales :
1° L'échange se forme, comme la vente, par le seul consentement.
2° La promesse d'échange suit les règles de la promesse de vente et comporte les mêmes distinctions ainsi que le dédit avec sacrifice des arrhes (v. art. 26 et suiv.) ;
3° Les frais de l'acte se partagent par moitié entre les deux parties (v. art. 34).
4° Les incapacités d'acheter prononcées par la loi contre les mandataires et officiers publics chargés de la vente et contre les juges et officiers de justice à l'égard des biens ou droits susceptibles d'être l'objet d'un litige porté devant eux (v. art. 37 à 40) s'appliquent à l'échange, par identité de motifs ; mais il n'en est pas de même de l'incapacité respective des époux : on justifiera plus loin cette sérieuse différence avec la vente ;
5° De même que la vente de la chose d'autrui est nulle (v. art. 42), ainsi est nul l'échange de la chose d'autrui, si la propriété manque chez les deux co-échangistes, si elle ne manque que d'un côté, il y a lieu seulement à résolution au profit de l'autre partie, avec réserve des droits des tiers, comme il est dit à l'article 108, 3e al.
6° Les règles de la vente sur la perte fortuite de la chose ou sur les risques (v. art. 44), sur les soins dus à la chose par le vendeur et sur la délivrance elle-même (v. art. 46 et s.), étant déjà le droit commun des contrats onéreux, sont évidemment applicables à l'échange ;
7° Il faut appliquer à l'échange les règles de la vente relatives au déficit ou à l'excédant de contenance et à l'indemnité ou à la résiliation qui en résultent, ainsi que le délai de l'action pour les obtentir (art. 48 et suiv );
8° La garantie d'éviction, conséquence de la nullité de la vente de la chose d'autrui (v. art. 56 et s.), s'applique à l'échange, pour ce qui n'est pas contraire à l'article précédent ;
9° Comme on peut, contre tout objet reçu ou promis, donner en échange une créance, des droits litigieux, les règles relatives à la vente de ces objets s'appliqueront a l'échange, spécialement en ce qui concerne la garantie avec ses particularités (voy. art. 68 à 70).
II. Au contraire, tout ce qui concerne les obligations de l'acheteur, se rapportant plus ou moins directement au payement d'un prix en argent, est sans application à l'échange (sauf lorsqu'il y a une soulte en argent, comme on l'a dit plus liant) : les deux parties, en effet, peuvent être assimilées à des vendeurs, mais non à des acheteurs.
Parmi les causes de destruction du contrat de vente, c'est-à-dire de résolution, de rescision ou de rédhibition, les unes s'appliquent à l'échange et les autres non.
S'appliquent à l'échange : la résolution pour inexécution des obligations par une partie, la rescision pour incapacité et pour vice de consentement, enfin la rédhibition pour vices cachés rendant la chose impropre à l'usage auquel elle est destinée.
Ne s'appliquent pas à l'échange ; la prohibition de la vente entre époux, la résolution par l'effet d'une convention analogue à la faculté de rachat.
Il nous reste à justifier ces différences.
I. L'échange n'est pas, comme la vente, interdit entre époux.
Ce qui fait prohiber la vente entre époux, c'est la crainte qu'elle ne serve à déguiser une donation : le prix serait fixé égal à la valeur réelle de la chose, mais il ne serait pas payé ; cependant, le vendeur en donnerait quittance, dans l'acte ou par acte séparé et ainsi il serait, en réalité, donateur de toute la valeur de la chose; comme il semblerait vendeur, il serait privé du droit de révocation, car on ne révoque pas une vente, et ses successeurs ne pourraient exercer le droit de réduction, car on ne réduit pas les actes onéreux.
L'échange, au contraire, peut bien contenir un avantage indirect pour l'une des parties, mais il ne peut déguiser une donation. En effet, les valeurs fournies de part et d'autre peuvent être inégales en valeur, et celui des deux co-échangistes qui recevra moins qu'il ne donne pourra être considéré comme donateur de la différence ; mais, cette différence étant facile à constater, la donation n'a rien de déguisé. Et ici, il n'y a pas à craindre, comme dans la vente, que la transmission de l'une des deux valeurs ne soit simulée comme le payement d'un prix dont on donne une quittance mensongère.
Il n'y a donc aucune raison de défendre l'échange entre époux.
Pour qu'il n'y ait aucun doute, sur la permission de l'échange entre époux, le texte prend soin d'exclure ici une des règles de la vente. Cependant, comme il pourrait résulter un avantage indirect de l'inégalité des biens fournis respectivement en contre-échange, la loi réserve l'observation des règles des donations, non pour ce qui concerne leur forme qui, nécessairement, ne pourra être exigée ici, mais pour le fond, c'est-à-dire pour les limites ou prohibitions qu'elles pourront recevoir entre époux.
II. On a vu que la vente peut être soumise à une résolution facultative de la part du vendeur, sous le nom de retrait. C'est pour lui un moyen de recouvrer une chose dont il ne s'est séparé peut-être qu'à regret et par un besoin momentané d'argent. Il est alors obligé à rendre le prix, et cette restitution n'est pas purement potestative, ce qui, sans en faire une condition prohibée, en restreindrait l'usage (v. Liv. des Biens, art. 415), car il est souvent difficile de trouver de l'argent à une époque fixe.
An contraire, dans l'échange, si les deux parties ou l'une d'elles stipulaient la faculté de reprendre ce qu'elles ont donné, en rendant ce qu'elles ont reçu, les deux motifs de cette faculté manqueraient entièrement : 1° aucune partie n'a pu être contrainte d'échanger, elle n'a pu agir que par des motifs de convenance personnelle ou d'intérêt ; 2° la restitution de ce qu'elle a reçu serait si facile qu'elle pourrait dépendre d'un caprice.
Toutefois, la loi ne va pas jusqu'à une prohibition absolue : la convention dont il s'agit vaudra entre les parties comme promesse réciproque d'un nouvel échange, d'un échange inverse du précédent qui remettra les choses aux mains des anciens propriétaires, par la volonté d'un seul et quand il l'exigera ; mais elle ne sera opposable aux tiers qui auraient acquis des droits réels sur l'une des choses échangées que si cette faculté de résolution leur a été révélée par l'inscription, comme il est dit pour la promesse de vente par l'article 27 auquel renvoie notre texte ; cela rend moins considérable la différence avec le retrait qui n'est également opposable aux tiers que s'il est révélé par l'inscription.