Art. 107. Quoique l'échange soit toujours placé, dans les lois civiles, à la suite de la Vente et qu'il y puise presque toutes ses règles, par forme de renvoi, ce qui ne lui donne qu'une importance secondaire (v. art. 109), il n'en est pas moins plus ancien que la vente, si l'on se reporte à l'origine des sociétés.
La vente n'est autre chose que l'échange d'une chose contre de l'argent monnayé. Mais il peut arriver que les particuliers recourent encore aujourd'hui à l'échange véritable, au troc direct : il se peut que l'une d'elles, désirant acquérir la chose de l'autre, par exemple sa maison ou son terrain, puisse en même temps disposer d'une chose qui plaît à celle-ci ; dans ce cas, il est inutile de recourir à la vente, car il faudrait deux ventes réciproques : on fait alors un échange direct des deux choses.
La définition de l'échange par notre premier article indique que l'échange n'opère pas toujours réciproquement d a t i o n ou translation de propriété : il y a également échange dans une promesse réciproque appliquée à des choses fongibles ou de quantité dont la propriété ne serait acquise par la livraison, jusqu'à laquelle il n'y a “qu'obligation de donner.”
Au surplus, ce contrat ne se limite pas à l'échange de propriété, il s'étend à tous autres droits ; ainsi, on peut échanger la propriété d'une chose avec un usufruit ou avec une servitude et même un de ces trois droits réels contre un droit personnel ou de créance déjà créé vis-à-vis d'un tiers.
Mais il ne faudrait pas aller jusqu'à considérer comme échange la translation d'un droit réel contre une promesse de services, contre une obligation de faire ou de ne pas faire, encore moins la promesse de services d'une nature contre des services d'une autre nature : quand on parle le langage de l'économie politique, on emploie beaucoup l'expression “échange de services” ; mais, en droit, le mot é c h an ge est technique et il ne s'applique, même dans le sens le plus large que les modernes puissent lui donner, que lorsque les droits conférés respectivement existent déjà dans le patrimoine de chaque partie : c'est alors seulement qu'ils sont transmis, cédés.
C'est pourquoi lorsque nous avons supposé plus haut que l'une des contre-valeurs fournies est une créance, cette créance existe déjà contre un tiers : elle est alors dans le patrimoine de la partie qui la fournit, ce qui ne serait plus exact si elle promettait de fournir ses services futurs, lesquels n'existent encore que comme puissance ou faculté d'agir. De même, si l'avantage fourni en contre-valeur était la libération d une dette accordée à celui qui transfère un droit réel, il n'y aurait pas échange, parce que celui qui libère son débiteur ne transfère pas à celui-ci le droit personnel auquel il était soumis : il se dépouille et ne transfère rien.
Mais dans ces divers cas, s'il n'y a pas échange proprement dit, il y a toujours un contrat licite auquel il ne manque qu'un nom, et c'est justement pourquoi on l'appelle contrat innommé (voy. Liv. des Biens, art. 363).
Lorsque l'échange se fait purement et simplement, d'un droit pour un autre, c'est que les parties considèrent les deux droits comme ayant pour chacune d'elles une égale valeur ou une égale utilité, et il faut reconnaître que les parties sont les meilleurs juges de ce qui leur est utile, agréable ou avantageux.
Mais quelquefois, les parties reconnaissent, d'un commun accord, que l'un des droits est inférieur à l'autre en valeur, et l'inégalité est alors compensée en argent ou autrement. Lorsque la compensation est en argent, on l'appelle soulte. Si elle consistait en autres objets mobiliers ou immobiliers, ces objets seraient eux-mêmes échangés et il n'y aurait à les considérer comme un complément de l'échange que parce qu'ils auraient un caractère accessoire, leur faisant suivre le sort du principal .
Si la valeur complémentaire de l'échange consistait dans des services à fournir ou dans la libération d'une dette antérieure, bien qu'on ne puisse plus dire, à proprement parler, que ces divers avantages sont échangés (ce qui serait, comme on vient de le faire remarquer, forcer le sens du mot), cependant, comme ils ne sont que les accessoires d'un échange véritable, le contrat conserverait ce nom; de même que, si la soulte en argent était inférieure aux objets fournis en échange, le contrat ne deviendrait pas une vente, même pour partie.
Au contraire, si ces services ou la soulte en numéraire sont eux-même la partie principale, le contrat est innommé dans le premier cas et une vente dans le second. Telle est la disposition finale de notre présent article.
C'est surtout le dernier article de la matière qui indiquera l'intérêt qu'il y a à ne pas confondre l'échange avec la vente.