Art. 6. La loi ne pouvait déclarer le véritable propriétaire du trésor déchu de son droit de revendication, s'il ne réclamait la chose aussitôt après la découverte : c'eût été, en réalité, rendre impossible l'exercice de son droit ; car, lors même qu'il serait, en même temps, le propriétaire du fonds, il serait bien extraordinaire qu'il fût présent juste au moment de la découverte et, le fût-il, il n'aurait pas le moyen de faire reconnaître immédiatement son droit.
Si, aucun délai spécial n'était assigné au propriétaire du trésor pour faire valoir son droit, on devrait décider qu'il a pour cela le délai ordinaire des actions réelles et personnelles, ce qui est évidemment trop long. C'est à tort qu'on prétendrait que, s'agissant ici de la revendication d'un meuble, il y aurait lieu à cette sorte de “prescription instantanée” qui empêche la revendication des meubles. Cette règle serait sans application ici. D'abord, si elle était applicable, elle serait la négation absolue du droit du propriétaire ; on ne pourrait plus dire que le trésor n'est acquis à l'inventeur que si la propriété n'en est pas justifiée ; elle ne serait jamais justifiée ni justifiable en temps utile. Ensuite, pour que le possesseur soit admis, en règle générale, à repousser la revendication d'un meuble, en vertu de la maxime “en fait de meubles, la possession vaut titre,” il ne suffit pas qu'il ait la possession civile, c'est-à-dire qu'il possède de fait et d'intention, il faut encore qu'il ait une juste cause de posséder, ce qu'on appelle aussi un “juste titre ,” or, l'invention d'un trésor, si l'on fait abstraction des dispositions spéciales de la loi, n'est pas un juste titre ; elle est plus ou elle est moins : on elle est un titre parfait qui rendra l'inventeur propriétaire immédiatement, si la chose n'a plus de maître ; ou elle n'est plus qu'une usurpation, dans le cas contraire, lors même que l'inventeur croirait à l'absence de droit d'un tiers ; son ignorance de ce droit pourrait être qualifiée “bonne foi s'il s'agissait de la responsabilité de ses fautes dans la garde de l'objet ; mais cette bonne foi, n'étant pas fondée sur un acte passé avec un tiers et “de nature à lui transférer la propriété” (Liv. des Biens, art. 181), ne lui assurerait pas le bénéfice de la prescription instantanée.
Cependant, dans ce Code, on n'a pas cru devoir laisser subsister l'action en revendication du vrai propriétaire pendant trente ans, ou au moins pendant la durée ordinaire de la prescription. On a déterminé un délai assez court, au moins en faveur des inventeurs de bonne foi et encore, avec une distinction : en principe, l'action du vrai propriétaire du trésor durera trois ans depuis la découverte ; mais, si c'est le propriétaire même de la chose principale qui se prétend propriétaire du trésor, le temps est réduit à un an, parce qu'il est naturel que celui-ci se préoccupe davantage d'établir son droit sur une chose découverte dans sa propriété et, en même temps, il en aura plus de facilité ; mais le point de départ est différent: ce n'est plus la découverte du trésor, c'est la connaissance qu'il en a eue, et elle pourrait lui avoir été cachée.
Pour que le délai de la prescription soit ainsi réduit à 3 ans ou 1 an, il faut, avons-nous dit, que ceux qui ont bénéficié du trésor aient été de bonne foi, c'est-à dire aient ignoré quel en était le véritable propriétaire ; dans le cas contraire, ils ne méritent plus de faveur et la prescription civile ordinaire leur est applicable.
Le présent article ne règle la prescription des droits du propriétaire du trésor qu'à l'égard de l'inventeur même ; mais si celui-ci avait cédé sa part du trésor à un tiers de bonne foi, c'est-à-dire ignorant l'origine de cette chose aux mains de son cédant, alors la prescription des meubles retrouverait son application en faveur du cessionnaire.
Enfin, notre article ne règle pas la prescription à l'égard du propriétaire de la chose dans laquelle le trésor est trouvé : elle sera de même durée, mais c'est l'article 23 qui le dira.