Art. 59. La position la plus favorable à l'acheteur, dans la demande en garantie, est celle où il était de bonne foi et le vendeur de mauvaise foi. L'article précédent est applicable à cette hypothèse.
Le présent article suppose que le vendeur était lui-même de bonne foi lors du contrat, et comme la mauvaise foi ne se présume pas, elle doit être prouvée (Liv. des Biens, art. 187).
Mais la bonne foi du vendeur n'exclut pas l'idée de faute et les divers chefs d'indemnité prévus à l'article précédent recevront tous leur application ; c'est seulement quant au mode de fixation du montant de l'indemnité qu'il y aura une différence : au cas de bonne foi, les dommages-intérêts alloués n'excèderont pas l'étendue qui a pu être prévue lors du contrat (et la loi ajoute “raisonnablement,” parce qu'il ne faut pas exiger des prévisions exagérées et invraisemblables) ; au cas de mauvaise foi, les dommages-intérêts pourront excéder les prévisions, et n'avoir d'autres limites que le préjudice réellement éprouvé ou le gain manqué (voy. Liv. des Biens, art. 385).
Cette application à la vente du droit commun des dommages-intérêts ne doit pas faire croire qu il soit nécessaire pour les faire encourir que l'acheteur ait mis le vendeur en demeure, conformément à l'article 384 du Livre des Biens.
D'abord, on ne comprendrait pas bien quel serait l'objet de cette injonction de l'acheteur : que demanderait-il au vendeur ? Dans le cas des dommages-intérêts prévus audit article 384 du Livre des Biens, il s'agit d'une convention non exécutée, le créancier somme le débiteur de remplir son obligation ; celui-ci pourrait n'y pas songer, il faut le lui rappeler, et, si après un avertissement en forme, il continue à manquer à son devoir, il est juste qu'il soit responsable du dommage qui suit cet avertissement. Mais ici, il s'agit de la réparation d'une faute originaire commise lors de la formation du contrat et non de la simple inexécution d'une convention : un avertissement au vendeur n'aurait aucun sens ni aucune portée ; l'acheteur ne pourrait raisonnablement sommer le vendeur d'avoir à le rendre propriétaire d'une chose qui est à autrui.
Du reste, le même article 384 contient la dispense de sommation qui nous occupe, car il excepte le cas où le débiteur est tenu par suite d'un délit ou d'un quasi-délit et est toujours en demeure.