Art. 56. La seconde obligation du vendeur, celle de garantir l'aclieteur de tous troubles et évictions, a reçu dans toutes les législations, depuis celle des Romains, des développements assez étendus, à cause des nombreuses distinctions qu'elle comporte.
Déjà, dans la matière des Obligations en général, on a parlé de la Garantie due dans les divers contrats (Liv. des Biens, art. 395 à 402).
Avant d'aborder les particularités qu'elle présente en matière de vente et ses principales applications, au cas d'évicition, nous croyons devoir, à cause de l'extrême importance de la matière, rappeler les principales règles de la garantie :
1° Celui qui a cédé ou prétendu céder des droits, comme lui appartenant, doit en assurer la jouissance et l'exercice contre les prétentions des tiers qui soutiendraient avoir des droits antérieurs incompatibles avec ceux qui ont été cédés ; si cette première obligation ne peut être remplie, parce que les prétentions des tiers sont justifiées, le cédant doit indemniser son cessionnaire du préjudice qu'il éprouve. En une forme abrégée, garantir d'un danger ou d'un dommage, c'est faire tout ce qui est possible le prévenir et, subsidiairement, pour le réparer.
2° L'obligation de garantie est légale ou naturelle dans les contrats à titre onéreux, c'est-à-dire qu'elle y a lieu de plein droit ou sans stipulation. Elle est conventionnelle ou accidentelle dans les actes à titre gratuit, c'est-à-dire qu'elle n'y a lieu qu'autant qu'elle a été stipulée.
3° Dans tous les contrats, soit onéreux, soit gratuits, on peut, par des conventions particulières, régler d'avance les effets de la garantie : on peut les étendre ou les modérer, on peut même les exclure entièrement; mais on ne peut affranchir le cédant de la garantie des dommages qui résulteraient de son fait personnel, soit postérieur au contrat, soit même antérieur ; cette garantie est dite essentielle.
4° La bonne ou la mauvaise foi de l'une ou de l'autre partie influe sur le mode de règlement de l'indemnité, conformément au droit commun (v. Liv. des Biens, art. 38.).
La vente étant un contrat onéreux, le garantie y est due de plein droit.
Gomme elle a pour objet de transférer la propriété ou un de ses démembrements, la garantie est due si la propriété ou le droit réel cédé appartenait antérieurement à un tiers.
Lorsque le tiers a justifié de son droit en justice et dépossédé l'acheteur, on dit qu'il y a éviction de celui-ci, on dit qu'il est évincé, c'est-à-dire qu'il est vaincu et, mis dehors, de là le nom de garantie d'éviction spécialement employé dans la vente.
La garantie d'éviction suppose donc qu'il y a eu vente de la chose d'autrui.
Mais la vente de la chose d'autrui est nulle faute de cause (art. 42), On peut dès lors s'étonner qu'une vente nulle produise une obligation, surtout une obligation aussi étendu que celle de la garantie.
La vérité est que l'obligation de garantie, dans ce cas, ne naît pas de la vente, mais de la faute commise par le vendeur ; elle naît du dommage injuste qu'il a causé (délit civil ou quasi-délit, suivant qu'il a été de mauvaise foi ou bonne foi), et c'est par l'effet d'une abréviation de langage qu'on dit que l'obligation de garantie est née de la vente ; elle est née de l'acte que les parties ont qualifié “vente” et auquel la loi elle-même ne peut guère donner un autre nom.
Il y a aussi une part à faire à l'enrichissement indû, quand le prix a été payé par l'acheteur évincé.
Le Code japonais, adoptant les principes très-rationnels,doit en accepter aussi et en déduire les conséquences logiques.
La première de ces conséquences est proclamée par notre article 56 : l'acheteur n'est pas obligé d'attendre que le vrai propriétaire l'ait évincé, ni même menacé d'éviction, pour agir contre son vendeur en déclaration de la nullité de la vente et en garantie : il peut le faire dès qu'il est en mesure de prouver que la chose vendue appartenait à autrui. Il le peut, lors même qu'il aurait connu à l'origine cette cause de nullité de la vente et lors même que le vendeur l'aurait ignorée. Cette double circonstance le rend pourtant moins digne d'intérêt, en même temps que le vendeur l'est davantage ; elle aura certainement une grande influence sur le règlement des diverses indemnités qui forment l'objet de la garantie ; mais, comme il y a ici une question d'existence du contrat ou de nullité radicale, faute de cause, la mauvaise foi de l'acheteur n'empêche pas que la cause manque et la bonne foi du vendeur ne peut pas la suppléer.