Art. 267. Le 1er alinéa de cet article consacre le principe développé à l'article précédent, à savoir, que le droit de servitude foncière est doublement réel en ce sens que, non seulement il porte sur une chose et reste opposable à tous ceux qui la détiendront, mais encore qu'il appartient à une chose et, par là, profite à tous ceux auxquels cette chose appartiendra successivement.
La loi leur reconnaît, en même temps, le caractère de droit accessoire déjà annoncé à l'article 2.
Du reste, quand la loi nous dit (2e al.) que les servitudes ne peuvent être cédées, louées ni hypothéquées séparément du fonds et peuvent l'être seulement avec lui, ce n'est pas seulement à raison de ce caractère accessoire; en effet, il y a d'autres accessoires des fonds qui pourraient en être détachés et cédés ou loués séparément comme les objets mobiliers attachés aux fonds pour leur exploitation ou leur agrément, lesquels pourraient aussi être, sinon hypothéqués, au moins donnés en gage et livrés au créancier, comme meubles.
La raison de cette prohibition n'est pas non plus que le droit de servitude a pu être constitué en vue de la personne du voisin et que la cession du droit en changerait indûment le titulaire; on a vu, en effet, que la servitude, comme telle, doit être établie en faveur du fonds et non en faveur du propriétaire, et d'ailleurs, le constituant est toujours exposé à un changement de titulaire avec le changement de propriétaire du fonds dominant lui-même.
La véritable raison de la présente prohibition, c'est que la servitude foncière, outre les limites qui peuvent avoir été mises à son exercice par l'acte constitutif, en reçoit encore d'autres dans les besoins mêmes du fonds dominant: celui qui aurait le droit de prendre sur le fonds d'autrui de l'eau, du sable, des pierres, des bois, en une quantité déterminée, pour les besoins agricoles, industriels ou domestiques de son fonds, n'épuisera pas toujours son droit, car la quantité stipulée peut, à certaines époques, excéder les besoins du fonds. Si donc, il était permis de céder, soit le droit même, tout entier, aux matières stipulées, soit ce qui en excède les besoins du fonds dominant, la condition du fonds servant se trouverait aggravée. Cette raison s'applique autant à l'hypothèque qu'au bail ou à la cession, car l'hypothèque mène généralement à la vente du bien pour satisfaire le créancier.
La seconde disposition est encore commandée par le même principe; ainsi le propriétaire d'un fonds auquel appartient un droit de passage sur le fonds voisin ne pourrait en permettre l'usage à un autre voisin, même en s'abstenant d'en user personnellement.
On a vu, cependant, à l'article 57, que l'usufruit, qui est une servitude personnelle, peut être grevé d'un autre usufruit. Cela s'explique par la cessibilité du droit lui-même d'usufruit; car il est susceptible d'être cédé, loué et hypothéqué (art. 68), et cette faculté, reconnue à l'usufruitier, de changer le bénéficiaire de son droit, se justifie elle-même par la considération qu'il a tout l'usage et tous les fruits de la chose, ce qui ôte au nu-propriétaire tout intérêt à s'opposer à une cession. Par la raison inverse, l'usager, dont les droits sont limités à ses besoins personnels, ne peut céder son droit (art. 113). Toutes ces dispositions sont donc en complète harmonie.