287. Les servitudes foncières restent attachées accessoirement aux fonds, tant activement que passivement, en quelques mains qu'ils passent.
Elles sont indivisibles, en ce sens que si les fonds appartiennent à plusieurs par indivis, l'un d'eux ne peut, pour sa part, priver le fonds dominant de la servitude, ni en affranchir le fonds servant.
De même, en cas de partage ou de cession partielle des fonds, elles affectent indivisiblement chaque partie du fonds servant ou profitent à chaque partie du fonds dominant; sauf le cas où elles ne pourraient s'exercer utilement que sur une partie du fonds servant ou ne procureraient d'avantage qu'à une partie du fonds dominant.
Le premier alinéa consacre le principe développé à l'article précédent, à savoir, que le droit de servitude foncière est doublement réel, en ce sens que, non seulement il porte sur une chose et reste opposable à tous ceux qui la détiendront, mais encore qu'il appartient à une chose et profite à tous ceux auxquels cette chose appartiendra successivement.(b)
Le 2e alinéa reconnaît, en principe, aux servitudes le caractère d'indivisibilité déjà signalé par l'article 19; mais le 3e alinéa y apporte des exceptions qui, en fait, se rencontreront plus souvent que la règle.
Les auteurs ont presque toujours exagéré le principe et trop négligé les exceptions.
Il est certain, comme l'explique le 2e alinéa, (que s'il y a plusieurs propriétaires de l'un des fonds, du fonds dominant par exemple, et que ces co-propriétaires soient en état d'indivision, l'un d'entre eux ne peut, sans le concours des autres, renoncer à la servitude active et en priver le fonds dominant: il ne peut le faire pour le tout, parce qu'il n'a pas qualité pour diminuer le droit de ses co-propriétaires (v. art. 38 et 39); il ne le peut, non plus, pour sa part indivise, pour une moitié, un tiers ou un quart, parce que la nature des avantages que procure une servitude foncière ne permet pas d'en concevoir des fractions: la vue, le passage des personnes ou des eaux, la prohibition de bâtir ou de planter sur des points déterminés, ne comportent pas de parties.
Réciproquement, si l'indivision existe entre co-propriétaires du fonds servant, la convention que ferait l'und'eux avec le propriétaire du fonds dominant pour l'extinction de la servitude ne profiterait pas aux autres, s'il n'était pas autorisé à stipuler pour eux, et elle ne. lui profiterait pas à lui-même pour sa part indivise du fonds, car la servitude ne pourra toujours être exercée qu'intégralement ou indivisiblement, pour le motif donné plus haut.
Le 3e alinéa nous dit que l'indivisibilité des servitudes pourra même persister après le partage du fonds dominant ou du fonds servant. Par exemple le fonds A, appartenant à plusieurs, avait, sur le fonds B, le droit de passage ou d'aqueduc ou le droit d'empêcher certaines constructions ou plantations; il est partagé entre les co-propriétaires, chacun aura, pour le lot de terrain qui lui est échu, le droit intégral de vue, de passage, d'aqueduc, etc. Même solution, si, au lieu d'un partage du fonds dominant, il en était cédé une partie à un tiers: celui-ci jouirait intégralement de la servitude.
Réciproquement, si le fonds servant était partagé ou cédé partiellement, chaque lot se trouverait soumis à la servitude, au moins, en principe, et en tant que ce résultat serait nécessaire à la plénitude du droit du fonds dominant.
Mais c'est ici que se rencontrent le plus souvent les exceptions réservées par le 3e alinéa et auxquelles il faut s'arrêter un instant. Elles se rencontreront aussi, quoique peut-être plus rarement dans le cas de division du fonds dominant.
Soit un fonds servant grevé d'un droit de passage ou d'aqueduc, dans une direction déterminée. Bien qu'on puisse dire que le fonds tout entier est grevé, en ce sens qu'il s'en trouve amoindri dans sa valeur, par la diminution de liberté du propriétaire, cependant, en fait, le passage des personnes ou des eaux ne s'exerce pas sur toutes les parties du fonds, lequel est traversé dans un sens ou dans un autre, peut-être sur une faible étendue. Si, dans la division du fonds, la partie consacrée au passage se trouve contenue toute entière dans un lot, les autres se trouveront à l'avenir, affranchis entièrement de la servitude.
De même, s'il existe une servitude défendant de construire ou de planter, ce ne sera généralement que sur une partie du fonds faisant face aux bâtiments du voisin auxquels on a voulu conserver la vue de la mer, de la campagne ou du Fusiyama; lorsque le fonds servant sera divisé, cette portion de terrain qui doit rester libre de bâtiments ou de plantations ne se trouvera pas dans tous les lots: il y en aura toujours quelques uns qui seront affranchis de la servitude.
Si nous supposons le fonds dominant divisé en plusieurs lots, le même résultat pourra se produire; moins souvent, peut-être, pour le passage ou l'aqueduc, lesquels pourront quelquefois rester nécessaires à tous les lots, mais presque toujours pour la défense de planter ou de bâtir, qui no profitera plus qu'au lot où se trouvent les bâtiments dont on a voulu conserver la vue à distance (le prospect).
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(b) C'est par inadvertance que les servitudes foncières ont été énoncées dans l'article 2, comme droits réels principaux; l'article 15 leur reconnaît formellement le caractère d'accessoire des fonds. Les Servitudes ne devront figurer dans l'article 2 qu'au n° 5, après la Possession qui est un droit principal et c'est aussi la place qui leur est assignée dans l'ordre des Chapitres.