SECTION II.
DE L'ACQUISITION DE LA POSSESSION.
Art. 189 et 190. L'article 189 consacre une règle déjà impliquée dans la définition donnée par l'article 180, à savoir que la possession civile a deux éléments essentiels: l'un de fait et, pour ainsi dire matériel ou corporel, l'autre d'intention et purement intellectuel. Il n'y a pas besoin d'y insister davantage: la loi devait présenter cette double condition comme nécessaire à l'acquisition de la possession.
La différence établie par l'article 190 entre le fait et l'intention se justifie aisément.
Les éléments de fait qui constituent la possession ne pourraient raisonnablement être exigés de celui même qui doit bénéficier de la possession: les moyens d'action d'un seul individu sont forcément très limités; chacun a besoin de confier à autrui une partie de ses intérêts, pour la surveillance, la conservation et même l'amélioration de ses biens.
Mais, il y a un élément de la possession qu'il est inutile et on pourrait dire défendu de déléguer, c'est l'intention, la volonté d'avoir le droit; car cette volonté, cette intention, n'est pas plus difficile à avoir pour une chose que pour une autre; elle peut embrasser un nombre indéfini d'objets; il est donc inutile de la déléguer à autrui, du moment d'ailleurs que la loi n'exige pas qu'elle se manifeste d'une manière déterminée.
L'exception à cette deuxième règle ne commence qu'avec la nécessité, et, cette nécessité, la loi ne la voit que dans deux cas: celui des personnes incapables et celui des personnes dites “morales,” lesquelles ne peuvent avoir de volonté que par l'organe de leurs représentants légaux.
Il ne faut pourtant pas exagérer le sens restrictif de la seconde règle, à savoir que l'intention de posséder ne peut se déléguer et doit toujours se trouver chez le bénéficiaire. Ainsi, on peut valablement donner mandat à un serviteur, à un préposé ou à un ami de se rendre acquéreur et de prendre possession d'une ou plusieurs choses incomplètement déterminées, à l'égard desquelles on lui laisse une plus ou moins grande liberté de choix; mais on ne doit pas hésiter à dire qu'en pareil cas l'intention de posséder se trouve suffisamment chez le mandant: il a voulu d'avance posséder ce qui serait choisi et acheté par son mandataire. Il n'est pas nécessaire non plus que le mandant connaisse le moment précis auquel son mandat a été exécuté: son intention existe, dès que le mandat est donné; l'effet seul en est retardé. Il en serait autrement, si la possession avait été prise pour autrui, sans mandat, mais par le bon office spontané d'un gérant d'affaires; dans ce cas, celui dont les affaires ont été gérées n'acquerrait la possession que lorsqu'il aurait connu et ratifié la prise de possession.