Art. 7. La division des choses en meubles et immeubles est certainement celle qui a le plus d'importance pratique dans les législations étrangères, et c'est elle aussi qui en aura le plus au Japon: elle y est déjà consacrée par l'usage.
Au premier abord, on peut s'étonner qu'un caractère aussi matériel des choses exerce une influence aussi notable sur le droit dont elles sont l'objet; mais cela se justifie assez facilement.
On ne s'étonnerait pas, en effet, si le droit variait avec la valeur des choses: notamment, si l'administration, l'aliénation ou la transmission des choses était entourée de plus de garanties ou de précautions, quand elles ont une grande valeur que quand elles en ont une faible, Or, c'est là, au fond, l'idée que les lois ont voulu réaliser, quand elles ont, pour la première fois, établi la division des choses en mobilières ou immobilières: autrefois, on considérait les choses mobilières comme étant de peu de valeur; tout l'intérêt se portait sur les immeubles.
Plus tard, avec le développement du luxe, les objets de métal précieux, les pierreries, les objets d'art, quoique meubles, ont acquis de l'importance dans les sociétés; mais les immeubles aussi ont augmenté d'importance par les progrès de l'agriculture, par le luxe des constructions et par l'accroissement de la population, de sorte que la valeur relative des choses est restée en faveur des immeubles. Sans doute, il y a souvent de bien petits bâtiments, des terrains bien limités et de très peu de valeur; mais la même observation peut se faire pour les meubles qui peuvent descendre à une valeur infime à laquelle ne descendra jamais le moindre des immeubles.
Plusieurs autres considérations, qui sont de tous les temps et de tous les pays, ont fait maintenir une différence profonde entre les meubles et les immeubles, au point de vue juridique. Les premiers sont, naturellement, l'objet de fréquentes aliénations; ces aliénations ne doivent donc pas être entravées par des formalités légales, tandis que l'aliénation des immeubles, étant plus rare, peut être entourée de formes qui sont des garanties pour les intéressés et d'une certaine publicité qui est une garantie pour les tiers contre les surprises.
En outre, ceux qui aliènent des meubles ne peuvent guère justifier de leur droit de propriété que par le fait même de leur possession, et généralement, la tradition ou délivrance en est faite immédiatement à l'acquéreur; pour les immeubles, au contraire, la tradition est souvent ajournée à une époque assez éloignée de l'aliénation; il est donc nécessaire que celui qui aliène justifie de l'existence de son droit par des actes antérieurs, publics ou sous seing privé, pour que son engagement soit sérieux.
Les choses mobilières changeant souvent de mains et de lieu, leur identité est difficile à distinguer des choses de même nature; tandis que les immeubles ont une assiette fixe et ne peuvent jamais être confondus avec d'autres immeubles, si l'on prend soin, en contractant, d'en désigner les tenants et aboutissants.
Ces considérations, et d'autres que les dispositions de la loi donneront occasion de signaler, justifient suffisamment qu'il y ait une distinction législative entre les meubles et les immeubles.
Les différences se rencontreront dans toutes les parties du droit: notamment, dans l'administration des tutelles, dans les moyens d'acquérir la propriété, dans la matière de l'usufruit et du louage, dans celle du nantissement, des priviléges et des hypothèques, dans l'application de la prescription, dans la compétence des juridictions et dans la saisie des biens.
L'article 7 indique les trois causes déjà connues qui donnent aux choses le caractère de meubles ou d'immeubles; chacune de ces causes est reprise dans un article séparé, d'abord pour les immeubles, ensuite pour les meubles.
C'est avec intention que le texte fait ici à la détermination de la loi une place à part, au lieu de la comprendre dans une triple énumération comme elle se trouve à l'article 5. En effet, on peut bien dire que c'est par la nature de la chose au par la destination du propriétaire qu'une chose est ou non susceptible de déplacement; mais quand le caractère meuble ou immeuble est attribué à une chose par la loi, ce n'est plus une idée de déplacement réel, possible ou non, qu'il faut envisager, mais une assimilation légale à une chose mobilière ou immobilière d'une chose incorporelle laquelle, par sa nature serait tout à fait étrangère à cette distinction.