Art. 7. — 15. Cette division des choses en mobilières ou immobilières, mobiles ou immobiles, ou, plus simplement, en meubles ou immeubles, est certainement celle qui a le plus d'importance pratique en Europe et qui en aura le plus aussi au Japon. Elle y est déjà consacrée par l'usage.
Au premier abord, on peut s'étonner qu'un caractère aussi matériel des choses exerce une influence si notable sur le droit, mais cela s'explique assez facilement.
On ne s'étonnerait pas, en effet, si le droit variait avec la valeur des choses: notamment, si l'aliénation ou la transmission des choses était entourée de plus de garanties ou de précautions, quand elles ont une grande valeur que quand elles en ont une faible. 01', c'est là l'idée que les lois anciennes ont voulu réaliser, lorsqu'elles ont, pour la première fois, établi la division des choses en mobilières ou immobilières: autrefois, on considérait les choses mobilières comme de peu de valeur (j); tout l'intérêt se portait sur les immeubles.
Plus tard, avec le développement du luxe, les objets de métal précieux, les pierreries, les objets d'art, ont acquis de l'importance dans les sociétés; mais les immeubles aussi ont augmenté d'importance par les progrès de l'agriculture, par le luxe des constructions et par l'accroissement de la population, de sorte que la valeur proportionnelle ou relative des choses est restée en faveur des immeubles.
Sans doute, il y a souvent de bien petits bâtiments, des terrains bien limités et de très-peu de valeur; mais la même observation peut se faire pour les meubles, lesquels peuvent descendre à la valeur la plus infime où ne descendra jamais un immeuble.
16. Plusieurs autres considérations, qui sont de tous les temps et de tous les pays, ont fait maintenir une différence profonde entre les meubles et les immeubles.
Les premiers sont, naturellement, l'objet de fréquentes aliénations: ces aliénations ne doivent donc pas être entravées par des formalités légales; tandis que l'aliénation des immeubles, étant plus rare, peut être entourée de formes qui sont des garanties pour les intéressés et d'une certaine publicité qui est une garantie pour les tiers contre les surprises.
En outre, ceux qui aliènent les meubles ne justifient guère de leur droit de propriété que par le fait même de leur possession et, généralement, la tradition en est faite immédiatement à l'acquéreur; pour les immeubles, au contraire, la tradition est souvent ajournée assez loin de l'aliénation; il est donc nécessaire que celui qui aliène justifie de ses droits, pour que son engage- ment soit sérieux.
Enfin, les choses mobilières changent souvent de mains, et leur identité est difficile à distinguer des choses de même nature; tandis que les immeubles ont une assiette fixe et ils ne peuvent jamais être confondus avec d'autres immeubles.
Ces considérations, et d'autres que les dispositions de la loi donneront occasion de signaler, justifient suffisamment qu'il y ait une distinction législative entre les meubles et les immeubles.
Les différences se rencontreront dans toutes les parties du droit: notamment, dans l'administration des tutelles, dans les moyens d'acquérir la propriété, dans la matière de l'usufruit, dans celle du nantissement, des priviléges et des hypothèques, clans l'application de la prescription, dans la compétence des juridictions et dans la saisie des biens.
L'article 7 indique les trois causes déjà connues (v. n° 13) qui donnent aux choses le caractère de meubles ou d'immeubles; chacune de ces causes sera reprise dans un article séparé; d'abord pour les immeubles, ensuite pour les meubles (2).
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(j) T'ilis mobilium possessio: " la possession des meubles est vile."
(2) C'est avec intention que le nouveau texte fait ici à "la détermination de la loi" une place à part, au lieu de la comprendre dans une triple énonciation comme elle se trouve dans l'article 5. En effet, on peut bien dire que c'est par la nature de la chose ou par la destination du propriétaire qu'une chose est ou non susceptible de déplacement; mais quand le caractère meuble ou immeuble est attribué à une chose par la loi, ce n'est plus une idée de déplacement réel, possible ou non, qu'il faut envisager, mais une assimilation légale à une chose mobilière ou immobilière, fondée sur l'utilité générale ou particulière.