Art. 2 et 3. L'ancien droit japonais n'avait pas aussi nettement reconnu la différence de nature des droits qualifiés ici réels et personnels. Cette différence cependant existait autrefois comme aujourd'hui, parce qu'elle est dans la nature des choses: on n'a jamais confondu un propriétaire avec un créancier, ni une chose déjà acquise avec une chose seulement due. Mais la loi nouvelle, en séparant nettement les deux sortes de droits, rendra plus facile aux tribunaux de déduire les conséquences de la différence des deux droits.
C'est également pour la facilité de l'interprétation judiciaire, et aussi pour rendre l'intelligence de la loi accessible à tous, que chacun des deux droits est incidemment, caractérisé dans sa nature et son principal effet.
Ainsi, par sa nature, le droit réel est exercé directement sur une chose, par celui auquel il appartient, sans que celui-ci ait besoin de s'adresser à une autre personne pour en jouir; au contraire, le droit personnel ou de créance s'exerce d'abord contre une personne déterminée (le débiteur); il permet au créancier d'exiger de celle-ci des faits ou des abstentions, suivant qu'elle est obligée à faire ou à ne pas faire quelque chose; ce n'est qu'indirectement et après coup, par l'exécution de l'obligation, que le droit personnel peut mener le créancier à l'acquisition d'un droit.
Par son effet principal, le droit réel diffère du droit personnel, en ce qu'il est opposable à tous, c'est-à-dire à quiconque y fait obstacle ou en trouble l'exercice, par une entreprise ou une prétention sur la chose qui en est l'objet; le droit personnel, au contraire, ne peut se faire valoir que contre la personne qui est spécialement obligée, soit par contrat, soit par une autre cause légalement reconnue.
Une autre différence entre les deux droits, tenant à la fois à leur nature et à leur effet, est que le droit réel est généralement exclusif de tout droit semblable sur la même chose en faveur d'une autre personne; tandis que le droit personnel d'une personne contre une autre n'empêche pas que d'autres personnes, d'autres créanciers, aient des droits de même nature contre le même débiteur. La conséquence est importante au cas où celui contre lequel le droit est exercé se trouve insolvable: s'il s'agit d'un droit réel, l'insolvabilité de celui qui aurait usurpé la chose d'autrui n'empêcherait pas que la chose fût restituée en entier à l'ayant-droit; si, au contraire, il s'agit d'un-droit personnel exercé contre un insolvable par plusieurs créanciers, tous concourront pour la distribution de ses biens, à moins qu'il n'y ait entre eux des causes de préférence, comme un gage ou une hypothèque, lesquels sont précisément des droits réels.
L'objet principal et direct de l'article 2, sa disposition, n'est pas de définir les droits réels, mais d'en donner l'énumération, en les divisant en deux classes: droits principaux et droits accessoires. Les premiers peuvent exister seuls et sont l'objet de la Ire Partie du présent Livre. Les autres, n'étant que la garantie ou sûreté des créances, ne peuvent être utilement placés qu'après les droits personnels: ils forment l'objet d'un Livre spécial.
Mais il existe des droits réels accessoires qui ne sont pas des garanties; ce sont les servitudes réelles ou foncières: elles prennent place dans la Ire Partie du présent Livre, après les droits réels principaux.
Les lois étrangères ne prennent pas toujours le soin d'énumérer et de régler les droits réels principaux. Ainsi, il en est qui laissent du doute sur le point de savoir si le droit qui résulte du bail est réel ou personnel; d'autres, ne se prononçant pas sur les droits d'emphytéose et de superficie, laissent douter que ces droits soient admis et reconnus par elles.
Au Japon, on ne pouvait négliger de régler avec soin ces deux derniers droits qui y ont été reconnus de temps immémorial. Quant au bail, la loi a affirmé son caractère réel: on expliquera, en sa place, comment cette déclaration est favorable à l'agriculture pour le bail des terres et à l'intérêt général et économique pour le bail des maisons et même des meubles.
On ne trouve pas et on ne pouvait pas trouver dans l'article 3 une énumération des droits personnels, quoiqu'il y en ait aussi de principaux et d'accessoires; le motif est que les droits personnels ne différent les uns des autres que par leurs causes ou leurs sources, mais non par leur nature, par leurs effets, ni par leur extinction: entre la créance ou l'obligation née d'un contrat et celle née d'un dommage causé injustement, il peut y avoir quelque différence quant à la manière de prouver l'obligation et d'en apprécier l'étendue, mais les voies d'exécution forcée et les modes d'extinction seront les mêmes; aussi un créancier a-t-il suffisamment désigné son droit personnel, lorsqu'il a nommé son débiteur et indiqué l'objet ou le montant de l'obligation.
Quant au pouvoir des particuliers pour créer le droit personnel, il est plus considérable que pour créer le droit réel, parce que le droit personnel et l'obligation qui y est corrélative n'ont d'effet qu'entre les parties et ne peuvent être opposés aux tiers.
Les parties ne peuvent, il est vrai, créer d'autres causes d'obligations que celles que la loi détermine; mais elles peuvent tirer des causes reconnues, au moins de la convention qui est leur œuvre, un nombre pour ainsi dire indéfini d'obligations: celui qui ne peut aliéner qu'une fois sa propriété peut s'obliger successivement à donner, à faire ou à ne pas faire des choses semblables ou différentes, soit envers le même créancier, soit envers des créanciers différents. Quant aux effets des créances ou obligations, les parties peuvent, à leur gré, les modifier, les étendre ou les restreindre, suivant leur intérêt respectif et leurs convenances personnelles; il leur serait seulement interdit de stipuler des effets contraires à l'ordre public ou aux bonnes mœurs.