Art. 204. En général, la loi laisse les particuliers ou leurs représentants pourvoir eux-mêmes à leurs intérêts ; lorsqu'elle y pourvoit pour eux, c'est qu'elle veut protéger des incapables, soit contre leur propre faiblesse, soit contre la négligence ou l'intérêt contraire de leurs représentants.
Cette raison s'applique évidemment aux deux premières hypothèques légales : à celle des femmes mariées sur les immeubles de leur mari et à celle des mineurs et interdits sur les immeubles de leur tuteur.
Pour la troisième, celle de l'Etat et des autres personnes morales, l'hypothèque légale sur les immeubles des comptables a un double but : d'abord, de dispenser les chefs des comptables de stipuler une hypothèque conventionnelle, non-seulement au moment de l'entrée en fonction du comptable, mais encore chaque fois que celui-ci acquerrait de nouveaux immeubles, ce qui souvent pourrait n'être pas su en temps utile ; ensuite, de pourvoir à la garantie de l'Etat, au cas où les chefs manqueraient eux-mêmes à leur devoir de surveillance sur les comptables. Cette hypothèque appartenant au droit fiscal est et sera établie par deslois administratives spéciales auxquelles le Code se borne à renvoyer.
La quatrième et dernière hypothèque légale est celle qui résulte d'un privilège dégénéré, faute d'avoir été publié dans le délai fixé et sous les conditions prescrites aux articles 181 et 184. Ici l'hypothèque a la même cause que le privilège, toujours reconnue par la loi, seulement elle est affaiblie.
Il convient de revenir, pour un instant, à l'hypothèque légale des femmes mariées et à celle des mineurs et interdits, lesquelles sont tout-à-fait nouvelles au Japon.
Quand une fille aura des biens propres, avant ou après son mariage, le mari aura, le plus souvent l'administration de ses biens, il devra faire des restitutions à la dissolution du mariage, et il se trouvera ainsi débiteur de sa femme ou de l'héritier de celle-ci.
Si la femme, en tant que créancière de son mari, était quant à l'hypothèque, laissée, sous l'empire du droit commun, elle devrait pourvoir elle-même à ses sûretés ou garanties contre l'insolvabilité possible de son mari : elle n'aurait d'hypothèque que si elle en avait obtenu la constitution, soit au moment du mariage, soit depuis. Mais on comprend aisément que ses sentiments naturels d'effection et de déférence la portent à des ménagements qui, gênant sa liberté, compromettraient ses intérêts, et cela, non-seulement pendant le mariage, alors qu'elle est vraiment sous la puissance maritale, mais même au moment du mariage et dès qu'il est arrêté entre les familles.
Cette situation, dangereuse pour les intérêts de la femme, a préoccupé de tout temps les législateurs civils et l'on trouve déjà dans le droit romain des privilèges légaux pour la garantie de la dot des femmes.
L'hypothèque légale de la femme mariée sera générale: elle portera sur tous les immeubles présents et à venir du mari, aussi bien s'ils sont acquis à titre gratuit que s'ils le sont à titre onéreux, et elle garantira indistinctement toutes les créances de la femme contre son mari.
L'hypothèque légale des mineurs et des interdits est générale également ; elle est également nouvelle au Japon.
L'intervention de la loi en faveur du mineur est encore plus nécessaire qu'en faveur de la femme : en effet, celle-ci ou ses parents peuvent, à la rigueur, et sauf les obstacles de convenance dont on a parlé, stipuler et obtenir du mari qu'il consente à donner à la femme une hypothèque ou autre sûreté pour la garantie de sa dot et de ses reprises, et comme le mariage projeté est dans les vœux du mari, il n'est pas probable que cette exigence l'y fasse renoncer.
Il en est tout autrement des rapports d'intérêts du mineur avec son tuteur, et ce que nous dirons du mineur s'appliquera, par identité de motifs, à l'interdit pour démence : d'abord le mineur ne peut stipuler lui-même ; quant à scs parents, toujours plus ou moins éloignés en degré, ou ils manqueront du zèle nécessaire pour stipuler une hypothèque, ou ils seront arrêtés par des scrupules et des ménagements, au moins si le tuteur est lui-même très proche parent; enfin, et c'est là la grande différence entre le tuteur et le mari, le tuteur refusera l'hypothèque conventionnelle pour qu'on ne lui confie pas la tutelle, ce qui serait un autre dommage pour le mineur.
Tous ces inconvénients sont évités et la situation se trouve bien simplifiée par la création d'une hypothèque légale.
Quant aux interdits, la loi n'exprime pas que l'hypothèque légal protège également ceux dont l'interdiction provient de la loi, à titre de peine civile et comme complément d'une peine criminelle : cette peine accessoire, en effet, a pour but d'empêcher les condamnés de chercher dans la disposition de leurs biens des moyens de satisfactions personnelles incompatibles avec la peine principale, et surtout des moyens d'évasion, le tout, en provoquant la complaisance des gardiens. Mais, du moment qu'ils ne peuvent gérer eux-mêmes leurs biens, la loi leur donne un tuteur pour que ces biens ne soient pas la proie de parents avides, et du moment aussi qu'il y a un tuteur, celui-ci doit être lui-même soumis à la garantie ordinaire exigée des tuteurs§ II__DE L'HYPOTHÈQUE CONVENTIONNELLE.