Art. 248. On a déjà annoncé que l'hypothèque, étant une des sûretés les plus efficaces, ne préserve pas seulement celui qui en est muni du concours des autres créanciers, par le droit de préférence, mais encore le met à l'abri, par le droit de suite, des aliénations, même non frauduleuses, de la chose hypothéquée.
C'est ce second droit qui va nous occuper dans la présente Section.
Si l'immeuble restait toujours dans les mains du débiteur et n'était grevé par lui d'aucun droit réel ou démembrement de la propriété, c'est sur le débiteur lui-même que le créancier poursuivrait la vente, pour l'exercice de son droit de préférence; alors on ne parlerait pas do droit de suite : ce droit suppose, comme le porte notre premier article, que le débiteur a aliéné l'immeuble, en tout ou en partie, ou qu'il l'a démembré par la constitution d'un usufruit ou grevé d'un autre droit réel.
Le principal effet du droit de suite est, comme le porte encore notre article, d'autoriser le créancier hypothécaire “ à demander contre le tiers détenteur le payement de la dette : ” la poursuite en expropriation de l'immeuble hypothéqué n'est que “ subsidiaire ” et à défaut de payement volontaire ; cet immeuble est d'ailleurs le seul bien du tiers détenteur qui puisse être saisi du chef de cette dette, car il n'en est tenu que sur cette chose et à cause de cette chose, réellement, ce qui le sépare profondément du débiteur tenu personnellement et sur tous ses biens (v. art. 1er).
Le but final de l'expropriation sera encore, l'exercice du droit de préférence, par l'ouverture d'un ordre et le payement au rang déterminé par l'inscription; mais la présence d'un tiers acquéreur modifie considérablement l'exercice do ce droit.
Notre article contient une autre disposition très importante, c'est que la condition essentielle du droit de suite est “ que le créancier ait pris inscription avant l'inscription, faite par le tiers détenteur, de l'aliénation ou du démembrement de la propriété. En effet, le tiers détenteur n'a pas moins d'intérêt à connaître le droit de suite auquel il est exposé que les créanciers n'en ont à connaître le droit de préférence qu'ils doivent subir : peut-être le tiers détenteur n'aurait-il pas traite s'il avait su être exposé aux poursuites de créanciers hypothécaires, ou, assurément, il aurait pris certaines précautions pour le payement de son prix ou l'acquittement des autres charges de son acquisition.
Cette règle ne comporte pas d'exception, pas plus que celle qui subordonne le droit de préférence à l'inscription et fait dépendre la priorité de rang de l'antériorité d'inscription : les femmes mariées, les mineurs et interdits ne pourraient exercer le droit de suite sans que leur hypothèque eût été inscrite avant l'aliénation.
Par exception les baux ayant par leur durée modérée, un caractère d'actes d'administration seront respectés. II ne faut pas, en effet, que les biens manquent d'être loués, parce que les preneurs traitant avec le débiteur, craindraient l'éviction par l'effet du droit de suite.
Si un bail avait été fait par le débiteur pour une durée plus longue que celle qui a un caractère d'administration, il ne serait pas nul, mais réductible à la durée permise, sur la demande des créanciers hypothécaires (v. art. 259.)