Art. 164. La loi suppose maintenant qu'il n'y a pas eu de privilèges généraux, ou qu'ils ont été payés; il reste alors à régler le conflit des privilèges spéciaux entre eux. Ici, il n'est pas possible de faire, comme à l'article précédent, une énumération des privilèges d'après leur rang de priorité, car plusieurs distinctions sont à faire :
Certains créanciers ont-ils connu ou non l'existence du privilège qui pouvait les primer (ce qu'on pourrait appeler leur mauvaise foi ou leur bonne foi) ?
S'agit-il d'objets mobiliers en général, ou, spécialement, de récoltes, de produits industriels, ou enfin du cautionnement des officiers publics ?
C'est sur ces diverses sortes d'objets que la loi fixe les rangs séparément.
Les quatre premiers alinéas, après le préambule, sont relatifs aux objets mobiliers en général; les 5e et 6e alinéas, à la bonne et à la mauvaise foi respectives; les 7e, 8e et 9e, aux trois objets spéciaux : récoltes, produits industriels et cautionnement La loi met en première ligne le privilège de ceux qui ont conservé le meuble soumis à un ou plusieurs autres privilèges (v. art. 155) : il est clair que, sans les frais faits pour la conservation de l'objet, les autres créanciers (par exemple, un créancier gagiste, ou le vendeur), n'auraient pu être satisfaits, il est donc juste qu'ils ne le soient qu 'après le conservateur.
Comme il peut y avoir eu des actes successifs de conservation faits par des créanciers différents, ce sont les actes les plus récents qui donnent la préférence sur les plus anciens ; et cela, par le même raisonnement, à savoir que si les derniers actes de conservation n'avaient pas eu lieu, la chose n'aurait pas subsisté pour satisfaire les créanciers antérieurs.
La loi appelle au second rang le créancier nanti, expressément ou tacitement, et au troisième rang le vendeur, comme ayant mis la chose dans le patrimoine du débiteur, sous condition d'un prix qui n'a pas été payé.
Mais ici intervient une distinction annoncée : le gage, comme droit réel mobilier, ne peut être diminué par les frais de conservation antérieurs au gage, au préjudice du créancier nanti de bonne foi ; par conséquent, ces frais ne primeront pas le créancier qui les a ignorés lors de la constitution du gage.
En sens inverse, le créancier nanti est primé par le vendeur lui-même, lorsqu'il a su que le prix de vente lui était encore dû.
S'il s'agit spécialement de récoltes, les ouvriers agricoles occupent le premier rang, comme conservateurs de la chose ; le second rang est pour les fournisseurs de semences et engrais, comme ayant mis dans le patrimoine du débiteur la source première de l'objet du gage, et le troisième rang est pour le bailleur du fonds, comme créancier tacitement nanti.
La loi ne mentionne pas ici le rang des fournisseurs de graines de vers-à-soie et des fournisseurs de feuilles de mûrier : il va sans dire que sur la récolte de la soie, le premier rang sera pour eux, avant les créanciers nantis, sauf la bonne foi de ceux-ci.
S il s'agit de produits industriels, les ouvriers ont le premier rang et le bailleur du fonds exploité a le second.
Enfin sur le cautionnement des officiers publics il n'y a que deux rangs : au premier, tous les créanciers pour faits de charge, ‘‘ ensemble et proportionnellement à leurs créances respectives ” ; au second rang, le prêteur des deniers du cautionnement.
Remarquons que, sur le cautionnement, il n'est pas question de frais de conservation ; en effet, lors même que la caisse publique qui le détient l'administre aurait quelque droit de ce chef, cela se trouverait compensé avec le profit qu'elle tire des fonds reçus en dépôt ; il arrivera même, sans doute que la caisse publique payera elle même un certain intérêt pour le cautionnement.