Art. 26. C'est une théorie toujours d'une application délicate que celle de l'autorité de la chose jugée, quand l'affaire sur laquelle le jugement est intervenu, intéresse plusieurs personnes.
Sans doute, il y a un principe dominant d'après lequel “ la chose jugée ne peut ni nuire ni profiter à ceux qui n'ont pas été parties dans l'instance.” Le principe est proclamé et appliqué au Livre des Preuves, comme présomption légale (art. 78 et s ).
Mais il faut reconnaître qu'une personne peut être représentée en justice par une autre, ce qui étend 1 autorité de la chose jugée activement et passivement.
Quand la représentation a lieu en vertu d'un mandat conventionnel, soit général, soit spécial, son effet sur l'autorité de la chose jugée est assez facile à déterminer, d'après les règles générales du contrat de mandat : mais lorsque cette représentation est un effet légal du lien existant entre les divers intéressés, il peut s'élever de sérieuses difficultés sur son étendue, à moins que la loi ne s'en explique. C'est ce que fait ici le texte.
Il est certain que le débiteur représente la caution dans les jugements rendus sur l'obligation principale; s'il triomphe, la caution est déchargée ; s'il succombe, la caution est tenue ; en supposant, bien entendu, dans ce dernier cas, qu'il n'y a pas eu dol concerté contre elle avec le créancier, autrement elle ferait tomber le jugement, en ce qui la concerne, par la révision (v. art. 341, 2e al).
Mais la caution représente-t-elle de même le débiteur principal ? On ne pourrait le soutenir : elle est autorisée à payer la dette reconnue, non à la reconnaître, soit expressément, soit tacitement en se laissant condamner. D'un autre côté, il n'y a pas besoin qu'elle soit autorisée à prendre les intérêts du débiteur ; si donc elle a pu faire juger mal fondée la prétention du créancier, non sur le cautionnement seul, mais sur la dette même, on ne voit pas de raison de refuser de voir là un acte de gestion d'affaires pour le débiteur, permettant à celui-ci d'invoquer le jugement contre le créancier. C'est ce que déclare notre article.
Ce n'est pas d'ailleurs la première disposition de ce genre que nous offre le Code : déjà, en matière d'usufruit, on a vu que le jugement intervenu entre un tiers et l'usufruitier ne peut nuire au nu-propriétaire, mais peut lui profiter et, de même, que le jugement concernant le nu-propriétaire peut profiter à l'usufruitier mais non lui nuire (v. Liv. des Biens, art. 98).
Remarquons que la loi ne fait pas ici la distinction, pourtant fréquente, entre la caution-mandataire et la caution-gérant d'affaires : le mandat donné a la caution est de payer, s'il y a lieu, mais non de plaider; c'est pourquoi, à l'article 32, elle sera déclarée responsable d'avoir plaidé sans avoir appelé le débiteur en cause.
La loi a soin de dire, en terminant, que les divers chefs du jugement intervenu en faveur de la caution ne peuvent être divisés, lorsqu'ils sont connexes entre eux. Par exemple, un chef du jugement aurait annulé l'obligation principale pour incapacité du débiteur, mais un autre chef aurait reconnu que celui-ci était tenu dans une certaine mesure comme enrichi par la convention : le débiteur ne pourrait se prévaloir du premier chef sans se soumettre au second ; même solution si le jugement avait reconnu que la convention'principale était entachée d'un vice de consentement du débiteur, mais aurait reconnu aussi qu'il y a eu une confirmation ou ratification postérieure réparant ce vice.