Art. 1026. — 71. C'est une théorie toujours d'une application délicate que celle de l'autorité de la chose jugée, quand l'affaire sur laquelle le jugement est intervenu intéresse plusieurs personnes.
Sans doute, il y a un principe dominant d'après lequel "la chose jugée ne peut ni nuire ni profiter à ceux qui n'ont pas été partie dans l'instance" (res inter alios acta aliis neque nocere lIeque yrodesse potest). Le principe est proclamé au Livre Ve, au sujet des Preuves par présomption légale (art. 1414 et s.).
Mais il faut reconnaître qu'une- personne peut être représentée en justice par une autre, ce qui étend l'autorité de la chose jugée activement et passivement.
Quand la représentation a lieu en vertu d'un mandat conventionnel, soit général, soit spécial, son effet sur l'autorité de la chose jugée est assez facile à déterminer, d'après les règles générales du contrat de mandat (v. art. 929); mais lorsque cette représentation est un effet légal du lien existant entre les divers intéressés, il peut s'élever de sérieuses difficultés sur son étendue, à moins que la loi ne s'en explique. C'est ce que fait le,Projet, pour prévenir les doutes et les embarras auxquels on est livré dans l'interprétation de la loi française.
72. Il est certain que le débiteur représente la caution dans les jugements rendus sur l'obligation principale: s'il triomphe, la caution est déchargée; s'il succombe, la caution est tenue; en supposant, bien entendu, dans ce dernier cas, qu'il n'y a pas eu dol concerté contre elle avec le créancier, cas auquel elle ferait tomber le jugement, en ce qui la concerne, par la tierceopposition (v. art. 361, 2e al.).
Mais la caution représente-t-elle de même le débiteur principal ? On ne pourrait le soutenir: elle est autorisée à payer la dette reconnue, non à la reconnaître, soit expressément, soit tacitement, en se laissant condamner. D'un autre côté, il n'y a pas besoin qu'elle soit autorisée à prendre les intérêts du débiteur; si donc elle a pu faire juger mal fondée la prétention du créancier, non sur le cautionnement seul, mais sur la dette même, on ne voit pas de raison sérieuse de refuser de voir là un acte de gestion d'affaires pour le débiteur, permettant il celui-ci d'invoquer le jugement contre le créancier. C'est ce que déclare notre article.
Remarquons que la loi ne fait pas ici la distinction, pourtant fréquente, entre la caution-mandataire et la ca-Lition-uér,int d'affaires: le mandat donné à la caution o est de payer, s'il y a lieu, mais non de plaider; c'est pourquoi, à l'article 1032, elle sera déclarée responsable d'avoir plaidé sans avoir appelé le débiteur en cause.
Nous n'hésiterions pas à donner la même solution en droit français, en l'absence de texte à ce sujet, par la seule force des principes généraux de la gestion d'affaires; mais il est plus sûr de l'écrire dans la loi, parce qu'elle pourrait, au Japon comme en France, rencontrer des doutes dans la doctrine et la pratique.
Ce n'est pas d'ailleurs la première disposition de ce genre que nous offre le Projet: déjà, en matière d'usufruit, on a vu que le jugement intervenu entre un tiers et l'usufruitier ne peut nuire au nu-propriétaire mais peut lui profiter et, de même, que le jugement concernant le nu-propriétaire peut profiter à l'usufruitier mais non lui nuire (v. art. 101).
73. La loi a soin de dire, en terminant, que les divers chefs du jugement intervenu en faveur de la caution ne peuvent être divisés, lorsqu'ils sont connexes entre eux. Par exemple, un chef du jugement aurait annulé l'obligation principale pour incapacité du débiteur, mais un autre chef aurait reconnu que celui-ci était tenu dans une certaine mesure comme enrichi par la convention (v. art. 574): le débiteur ne pourrait se prévaloir du premier chef sans se soumettre au second; même solution, si le jugement avait reconnu que la convention principale était entachée d'un vice de consentement du débiteur, mais aurait reconnu aussi qu'il y a eu une confirmation ou ratification postérieure réparant ce vice (v. art. 577 et s.).