Art. 2. La loi énumère maintenant les deux sortes de sûretés ou garanties spéciales que peuvent obtenir les créances.
La distinction qui sert ici de division principale n'est pas tirée de la source ou cause directe des sûretés, c'est-à-dire de la volonté du débiteur ou de la disposition de la loi: c'est sur chacune, en particulier, qu'on verra quelle est sa cause, et même, pour quelques-unes, on trouvera que les deux causes réunies sont possibles : la volonté de l'homme et la loi ; la distinction est tirée ici de la nature réelle ou personnelle de la sûreté.
La sûreté est relie, lorsqu'elle consiste dans l'affectation directe et exclusive d'une chose à l'acquittement d'une obligation déterminée ; cette chose peut d'ailleurs appartenir au débiteur lui-même ou à un tiers qui lui rend un bon office.
La sûreté est personnelle, lorsqu'elle résulte, soit de l'engagement accessoire d'un tiers appelé caution, soit d'une modalité aggravant la position de plusieurs codébiteurs principaux dont l'obligation, au lieu d'être simplement conjointe, devient solidaire ou même indivisible. Il y a même une autre modalité constituant une garantie personnelle que la loi n'énonce pas ici, parce qu'elle est très voisine de la solidarité, c'est le cas de l'obligation intégrale.
Il ne faudrait pas affirmer que de ces deux sortes de sûretés l'une vaille nécessairement mieux que l'autre, en règle générale : la solution dépendra toujours des circonstances du fait; sans doute, les sûretés personnelles présentent elles-mêmes le danger de l'insolvabilité du débiteur accessoire comme du débiteur principal, et des débiteurs solidaires comme des débiteurs conjoints, car ceux-ci peuvent de même multiplier leurs engagements et aliéner leurs biens sans fraude; tandis que les sûretés réelles empêchent l'aliénation, comme le nantissement ou suivent le bien dans les mains des tiers, comme l'hypothèque. Mais ces mêmes sûretés peuvent, à leur tour, devenir insuffisantes par la dépréciation ou la perte fortuite des choses, et, clans ces cas, le débiteur n'est pas tenu de fournir une nouvelle sûreté. C'est donc au créancier, au moment où il traite, à mettre en balance les risques qu'il court et les avantages qu'il attend du contrat.
Chacune des deux sortes de garanties formera l'objet d'une Partie distincte de ce Livre.
Comme il est bon, lorsqu'on a une longue route a parcourir, d'en connaître d'avance l'étendue et les diverses étapes, le présent article donne immédiatement l'énumération des unes et des autres, lesquelles, seront l'objet d'autant de Chapitres.
Pour les sûretés personnelles, on commence par la plus faible, afin d'en accentuer la progression.
En ce qui concerne les sûretés réelles, on peut dire que la première, le droit de rétention, en est aussi la plus faible ; quant aux autres, elles sont plutôt différentes que véritablement progressives.
Il est un droit des créanciers qu'on pourrait s'attendre à rencontrer ici, car il s'exerce, en général, comme une garantie, en cas d'insolvabilité du débiteur, et sa conservation est quelquefois soumise à la même publicité que le privilège, par exemple pour l'aliénateur: c'est le droit de demander la résolution pour inexécution des obligations ; mais ce serait se méprendre sur sa nature intime que d'y voir une garantie, dans le sens qui nous occupe : loin de garantir l'exécution d'une obligation conventionnel, le droit de résolution tend, au contraire, à anéantir la convention et à remettre les parties dans leur situation respective antérieure.
Il a été déjà traité de la résolution, d'une façon générale, au sujet des contrats synallagmatiques (Liv. des Biens, art. 421 et s.) ; on en a rencontré plusieurs applications aux contrats spéciaux, objets du Livre de l'acquisition des Biens, notamment à la vente, où elle comportait quelques développements (v. art. 720 et s.) ; enfin, on la retrouvera à l'occasion de la publicité à laquelle elle est soumise pour être opposable aux tiers (art. 182, 263, 266 et 279 du présent Livre).