Art. 1002. — 7. La loi énumère maintenant les deux sortes de sûretés ou garanties spéciales que peuvent obtenir les créances.
La distinction qui sert ici de division principale n'est pas tirée de la source ou cause directe des sûretés, c'està-dire de la volonté du débiteur ou de la disposition de la loi: c'est sur chacune, en particulier, qu'on verra quelle est sa cause, et même, pour quelques-unes, on trouvera que les deux causes réunies sont possibles; la distinction est tirée ici de la nature réelle ou personnelle de la sûreté.
La sûreté est réelle, lorsqu'elle consiste daus l'affectation directe et exclusive d'une chose (res) à l'acquittement d'une obligation déterminée; cette chose peut d'ailleurs appartenir au débiteur lui-même ou à un tiers qui lui rend un bon office.
La sûreté est personnelle, lorsqu'elle résulte, soit de l'engagement accessoire d'un tiers appelé caution, soit d'une modalité aggravant la position de plusieurs codébiteurs principaux dont l'obligation, au lieu d'être simplement conjointe, devient solidaire ou même indivisible.
8. Il ne faudrait pas affirmer que de ces deux sortes de sûretés l'ume vaille nécessairement mieux que l'autre, en règle générale (a): la solutiou dépendra toujours des circonstances du fait; sans doute, les sûretés personnelles présentent elles-mêmes le danger de l'insolvabilité du débiteur accessoire comme du débiteur principal, et des débiteurs solidaires comme des débiteurs conjoints, car ceux-ci peuvent de même multiplier leurs engagements et aliéner leurs biens sans fraude; tandis que les suretés réelles empêchent l'aliénation, coaime le gage, ou suivent le bien dans les mains des tiers, coinme l'hypothèque. Mais ces mêmes sûretés peuvent, à leur tour, devenir insuffisantes par la dépréciation ou la perte fortuite des choses, et, dans ces cas, le débiteur n'est pas tenu de fournir une nouvelle sûreté (b). C'est donc au créancier, au moment où il traite, à mettre en balance les risques qu'il court et les avantages qu'il attend du contrat.
C'est parce qu'il n'est pas possible d'affirmer que les sûretés réelles valent mieux par elles-mêmes que les sûretés personnelles que l'article 1016 nous dira que les unes ne peuvent être substituées aux autres sans l'autorisation du tribunal.
9. Chacune des deux sortes de garanties formera l'objet d'une Partie distincte de ce Livro.
Comme il est bon, lorsqu'on a une longue route à parcourir, d'en connaître d'avance l'étendue et les diverses étapes, le présent article donne immédiatement l'énumération des unes et des autres, lesquelles, seront l'objet d'autant de Chapitres.
Pour les sûretés personnelles, on commence par la plus faible, afin d'en accentuer la progression.
En ce qui concerne les sûretés réelles, on peut dire que la première, le droit de rétention, en est aussi la plus faible (c); quant aux autres, elles sont plutôt différentes que véritablement progressives.
10. Il est un droit des créanciers qu'on pourrait s'attendre à rencontrer ici, car il s'exerce, en général, comme une garantie, en cas d'insolvabilité du débiteur, et sa conservation est quelquefois soumise à la même publicité que le privilége, par exemple pour l'aliénateur: c'est le droit de demander la résolution pour inexécution des obligations; mais ce serait se méprendre sur sa nature intime que d'y voir une sûreté ou garantie, dans le sens qui nous occupe: loin de garantir l'exécution d'une obligation conventionnelle, le droit de résolution tend, au contraire, à anéantir la convention et à remettre les parties dans leur situation respective antérieure.
Il a été déjà traité de la résolution, d'une façon générale, au sujet des contrats synallagmatiques (art. 441 et suiv.); on en a rencontré plusieurs applications aux contrats spéciaux, objets du Livre III', notamment à la vente, où elle comportait quelques développements (v. art. 720 et s.); enfin, on la retrouvera à l'occasion de la publicité à laquelle elle est soumise pour être opposable aux tiers (art. 1188).
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(a) Les Romains (lisaient pourtant: "il y a plus de garantie dans une chose que dans une personne," plus est cautionis in re quim in personi.
(b) Sous ce rapport, le Projet s'écarte du Coile français (comp. C. civ. fr., art. 2131 et Proj. jap, art. 1207).
(c) Le droit de rétention n'est placé qu'au troisième rang dans l'énumération de l'article 2; mais il sera ultérieurement placé au premier, pour être d'accord avec les présentes dispositions.