Art. 262. Lors même que, dans sa durée, l'engagement n'excède d'aucun côté les limites légales, il est encore possible qu'il prenne fin auparavant ; la loi en indique les causes.
La première c'est, tout naturellement, l'inexécution des obligations par l'une des parties. La loi pourrait, à la rigueur, ne pas exprimer un principe aussi général et aussi connu ; mais, comme on l'a déjà remarqué pour d'autres contrats, il serait singulier et d'un mauvais effet de voir ici d'autres causes de dissolution de l'engagement sans rencontrer la plus certaine: on pourrait croire à une exception qui n'existe pas.
La nature des relations personnelles qui naissent du contrat de services demande qu'elles ne subsistent plus lorsqu'elles seraient une charge trop lourde pour l'une des parties ou qu'elles lui créeraient des embarras graves et imprévus. La loi ne peut prétendre prévoir et déterminer toutes les causes qui devraient équitablement amener la fin anticipée, la résiliation de ce contrat : elle se borne à exiger “une cause légitime et impérieuse” et c'est au tribunal à apprécier si la cause invoquée présente ou non ce double caractère.
Il n'est pas douteux que si le domestique ou l'employé se trouve appelé au service militaire, il y aura forcément résiliation du contrat ; il en serait autrement s'il y avait engagement volontaire : dans ce cas, on pourrait craindre que le serviteur ou l'employé, ayant déjà du goût pour l'armée ou la marine, ne se décidât à un engagement volontaire, pour se soustraire sans indemnité à un contrat qui lui donne des regrets.
Une maladie ou une infirmité rendant difficiles les services promis serait encore une cause légitime et impérieuse ; il n'en serait pas de même du cas où le domestique ou employé trouverait un emploi plus avantageux. Ces faits, honnêtes et légitimes en eux-mêmes, ne justifieraient pas une résiliation, au moins sans indemnité.
C'est dire que celui que a promis ses services peut toujours cesser de les fournir, lorsqu'il en a la volonté, parce que “nul ne peut être contraint juridiquement (ni même physiquement) à accomplir un fait auquel il se refuse,” mais ce sera à charge d'indemnité, quand le refus n'aura pas de cause “légitime et impérieuse.”
La résiliation peut venir aussi bien de celui auquel sont dus les services que de celui qui les doit; mais les causes n'en sont pas nécessairement les mêmes : assurément, on peut encore citer le service militaire forcé ; mais on ne peut plus citer la maladie, car elle n'empêche pas de recevoir des soins comme elle empêche d'en fournir; tout au contraire, elle en réclame davantage, au moins des soins personnels. Mais si le maître d'un coureur, d'un cocher ou d'un traîneur éprouvait un accident ou tombait malade, de façon à ne pouvoir, de longtemps, aller à cheval ou en voiture, on pourrait y voir une cause suffisante de résilier l'engagement du serviteur ; sauf l'indemnité prévue à l'article suivant, parce qu'on ne peut faire souffrir le serviteur des accidents survenus à son maître : la cause ne serait pas légitime à son égard.
Si le maître ou patron tombe en faillite ou en déconfiture, il sera dans l'impossibilité de garder le même nombre de serviteurs ou employés, et ceux-ci sortiront forcément de son service ; mais comme il est impossible de voir là une cause légitime de résiliation, il sera pay é aux serviteurs ou employés une indemnité égale, en principe, à ce qui leur serait dû de gages ou salaire pour le temps restant à courir ; sauf une certaine déduction, à raison du droit qu'ils recouvrent d'engager leurs services ailleurs.
La mort du maître est une cause légitime et impérieuse de cessation du contrat de services envers sa personne ; les services d'un commis ou employé ne cesseraient que si le commerce ou 1 industrie du maître prenait fin par sa mort.
Comme les serviteurs de la maison plus ou moins attachés au service de la famille, il y aura souvent quelque difficulté de savoir si la mort du chef de famille met fin au louage ; la question se résoudra en fait, d'après les circonstances : il n'est pas douteux que la mort du chef de la famille résiliera le contrat de services de son valet de chambre et qu'elle sera sans effet légal sur le contrat de services de la femme de chambre de sa veuve ; mais pour le cuisinier, le cocher, le coureur, ce sera à décider par le tribunal, en cas de contestation, et il sera généralement juste d'admettre la résiliation, d'autant plus que l'article suivant préserve le serviteur d'un préjudice immérité.
La disposition qui concerne la mort du maître n'est pas, comme les précédentes, limitée au contrat à durée fixe, elle s'applique dans tous les cas, même au contrat qui finit par le congé : il n'y aura pas nécessité de le donner, ni d'en attendre l'époque usitée.
C'est l'article 264 qui prévoit la mort du serviteur ou de l'employé.