Art. 151. Il ne faillait pas enfermer les pouvoirs du liquidateur dans des limites trop étroites, mais il ne fallait pas non plus leur donner une dangereuse étendue.
La loi commence, non par autoriser, mais par obliger le liquidateur à aliéner les objets susceptibles d'un dépérissement “rapide ce mot est nécessaire, car tous les objets en général dépérissent avec le temps. Si donc, dans une société agricole en liquidation, il y a des fruits non vendus, le liquidateur devra aliéner ceux qui peuvent se détériorer matériellement ou se déprécier en valeur : il en sera de même des animaux qui souvent pourraient dépérir faute des soins qu'ils recevaient pendant l'exploitation de la société.
Les autres objets mobiliers doivent être conservés, en principe, pour être partagés ; mais, s'il y a insuffisance de sommes d'argent pour payer les dettes, le liquidateur pourra aliéner des meubles, jusqu'à concurrence de ce qui est nécessaire. C'est lui, naturellement qui aura le choix de ces meubles.
La loi ne lui donne ce pouvoir que pour les dettes “échues”; il ne devrait donc pas vendre pour payer des dettes non échues, car cette renonciation au bénéfice du terme, déjà onéreuse aux intérêts communs, pourrait le devenir davantage si elle entraînait une vente inopportune de meubles.
L'aliénation des immeubles peut être encore plus nuisible que celle des meubles par son inopportunité, aussi la loi ne la permet-elle pas au liquidateur; il lui faut, à cet effet, une autorisation spéciale des associés, donnée à la majorité, et même, s'il n'est pas autorisé à traiter à l'amiable, il doit vendre aux enchères publiques.
Quant à l'hypothèque, elle n'est permise aussi qu'en vertu d'une autorisation spéciale. Si donc le liquidateur a besoin de fonds pour acquitter des dettes échues et s'il ne trouve pas à en emprunter sans hypothèque sur les biens de la société en liquidation, il doit présenter une demande aux ex-associés, à l'effet de se faire autoriser à hypothéquer.
Il arrivera souvent que les créances à faire valoir contre les tiers, au nom de l'ancienne société ou contre celle-ci par les tiers, donneront lieu à des difficultés. Il n'y a que trois manières de les résoudre : plaider devant les tribunaux, transiger ou s'en rapporter a des arbitres.
On pouvait hésiter sur le point de savoir s'il convient de laisser au liquidateur le pouvoir de plaider, comme demandeur ou défendeur, sans autorisation spéciale ; de même, si on doit lui permettre de transiger, c'est-à-dire d'éviter le procès par des sacrifices ; enfin, s'il doit pouvoir s'en rapporter à des arbitres (compromettre, faire un compromis). Ce sont les solutions affirmatives qu'on a adoptées ici.
Il n'y a pas beaucoup à craindre l'abus des procès par le liquidateur, parce que ce sera pour lui un surcroît de peines et d'embarras ; toutefois, si le liquidateur recevait une indemnité ou rétribution mensuelle, il y aurait danger qu'il ne cherchât à prolonger sa fonction pour le profit qu'il en tire. Le remède sera dans la vigilance des associés qui pourront toujours demander au liquidateur des explications sur ce qu'il compte faire, et provoquer telles mesures qu'ils jugeront à propos.
La transaction présente le danger opposé : il serait à craindre qu'un liquidateur non rétribué désirât hâter ses opérations et fût porté à consentir trop facilement à des sacrifices, à des arrangements contraires aux intérêts dont il est chargé.
Le danger serait à peu près le même dans le compromis ou recours à des arbitres ; pour éviter les lenteurs et les embarras d'un procès devant les tribunaux ordinaires, le liquidateur pourrait consentir trop facilement à confier à des arbitres la décision du litige.
Ici, la loi indique un remède contre l'abus : comme il s'agit d'actes pour ainsi dire instantanés que les associés pourraient ne connaître qu'après leur accomplissement, la loi leur donne le pouvoir d'attaquer la transaction et le compromis, lorsqu'il y a eu dol concerté entre le liquidateur et les tiers intéressés.