Art. 465. La loi réunit ici trois conventions qui ont un but analogue à celui de la précédente : à savoir, corriger le droit exorbitant qu'a le débiteur de payer la plus dépréciée des valeurs monétaires ; on y va trouver aussi une part faite à la liberté des stipulations, en même temps que le respect du principe d'ordre public d'après lequel le débiteur peut payer en la monnaie qu'il lui plaît de choisir.
Ier Cas. Le créancier n'a pas consenti à partager le risque résultant de la variation du cours respectif des deux monnaies, il n'a voulu s'y exposer que pour l'une d'elles, comme aussi il a entendu s'en réserver exclusivement le profit possible : pour cela, il a stipulé que le payement serait fait, non pas en espèces d'or ou d'argent (ce qui ne peut être stipulé), mais d'une valeur de tant de yens d'or ou d'argent: par exemple, de 100 yens d'or ou 100 yens d'argent. La convention aura son effet, en ce sens que le débiteur ne payera pas, à son gré, 100 yens d'argent, ou 100 yens d'or, ni la moyenne des deux valeurs, comme dans la convention précédente: il payera la raleur que représentent 100 yens de la monnaie promise ; seulement, comme il conserve le choix de la monnaie à donner effectivement en payement, il ramènera à cette monnaie la valeur qu'il a promise.
IIe Cas. Le créancier a fait la stipulation défendue par la loi (art. 463, 3e al.) : celle du payement réel en espèces d'or ou d'argent. Il n'eût pas été déraisonnable de soutenir que la stipulation était nulle pour le tout ; mais c'eût été donner à la loi une interprétation trop rigoureuse : sans doute, le débiteur ne peut renoncer au droit de payer en telle monnaie qu'il lui plaît ; cette renonciation serait contraire à l'ordre public, puisqu'elle exposerait le débiteur à ne trouver la monnaie promise qu'au prix de sacrifices qu'on ferait peser d'autant plus lourdement sur lui qu'il n'aurait aucun moyen de se passer des espèces promises ; mais du moment qu'il pourrait se libérer en donnant, en une autre monnaie, l'équivalent des espèces promises, d'après le cours commercial commun et officiellement constaté, il n'y a aucun inconvénient à donner à la convention l'effet raisonnable qu'elle peut recevoir. Il serait d'ailleurs ridicule que la convention, qui peut être valable avec cet effet, lorsqu'elle a la forme permise au 1er alinéa, fût sans effet parce que les parties, par imprévoyance, lui auraient donné une autre forme.
Enfin, l'interprétation que la loi elle-même donne ici de la convention n'est que l'application de deux principes généraux dictés aux tribunaux pour l'interprétation des conventions : 1° il faut, avant tout, rechercher quelle a été la commune intention des parties ; 2° il faut interpréter la convention de la manière qui lui donne un effet utile, plutôt que de celle qui ne lui en donne aucun (art. 356 et 358) ; il faut pourtant que cet effet soit licite, mais le 1er alinéa prouve qu'il n'est pas illicite.
IIIe Cas. Le créancier a stipulé une somme payable en monnaie étrangère. Dans beaucoup de pays, on admet la pleine validité de cette stipulation.
Le Code japonais ne croit pas devoir suivre ce précédent.
D'abord, il paraît tout-à-fait illogique de permettre d'exiger le payement réel en monnaie étrangère, quand on ne permet pas de l'exiger en une monnaie nationale déterminée, à l'exclusion des autres ayant également cours légal forcé. Ensuite, au Japon, il pourrait être, le plus souvent, fort difficile de se procurer des monnaies de la plupart des pays étrangers ; le débiteur serait forcé d'en faire venir par les banques, avec beaucoup de frais et de lenteurs. La loi donnera un effet suffisant à la convention, en obligeant le débiteur à payer, en espèces ayant cours au Japon, l'équivalent des monnaies étrangères, d'après le cours commercial de celles-ci comparé à celui des monnaies japonaises. C'est le même mode de payement que dans le ler cas ci-dessus exposé.
Les trois conventions prévues par notre article 465 présentent une particularité très-notable, quant à la forme, si on les compare a celle que prévoit l'article précédent : dans le cas de l'article 463, la stipulation avait expressément divisé entre les parties les risques et le profit éventuel résultant du cours des monnaies ; dans les cas du présent article, la stipulation est bien moins formelle pour laisser, soit au créancier, soit au débiteur les bonnes et les mauvaises chances: il a suffi au créancier de stipuler une somme en or ou en argent, ou en monnaie étrangère, pour avoir droit à l'équivalent de cette somme au cours réel du commerce. La loi s'est faite l'interprète de la pensée commune des parties : il lui a paru, avec raison, que, quand le créancier désigne ainsi une monnaie spéciale, soit pour être effectivement payée (ce qui dépasse son pouvoir), soit, au moins, pour déterminer la valeur à payer, il entendait spécialement se soustraire aux fluctuations des diverses monnaies et n'accepter le risque que pour une seule, en s'en réservant aussi le cours favorable.
Il est d'ailleurs très-légitime qu'un créancier, stipulant une somme en yens, détermine la valeur monétaire qui lui paraît moins sujette aux variations du commerce. Par exemple, un vendeur à terme est parfaitement en droit d'estimer que la chose qu'il vend vaut 1000 yens d'or ou 1200 yens d'argent; il en est de même du louage et de tous les contrats onéreux où il y a échange de valeurs. Assurément, une pareille opération pourrait se faire très-valablement, au comptant, c'est-à-dire sans terme, avec payement immédiat exigé en monnaie réelle d'or ou d'argent ; avec le terme, le débiteur y trouve encore l'avantage de pouvoir payer l'équivalent en une autre monnaie. Si la loi ne permettait pas la convention dont il s'agit, elle mettrait obstacle à beaucoup d'affaires utiles que les parties ne pourraient faire au comptant et qu'elles trouveraient trop périlleux de faire à terme, avec le danger de variation des cours.