Art. 464. Voici, au contraire, une large part faite par le Code à la liberté des conventions. On pourra, par une convention originaire ou au moins antérieure, soit à l'échéance, soit au payement, corriger les fluctuations commerciales du change, du cours respectif des deux métaux entre eux et de tous deux par rapport au papier-monnaie ; on pourra empêcher que le profit soit tout entier pour l'une des parties et la perte entière pour l'autre; on les compensera et on les répartira également on inégalement entre les parties.
Plusieurs moyens se concevraient pour arriver à ce résultat. Après les avoir étudiés et vérifiés, le Code s'est arrêté à celui qui présente le moins de difficultés de calcul. Les parties pourront en adopter d'autres: notamment, faire inégalement entre elles la répartition du profit et de la perte. Mais la loi ne devrait proposer que le système le plus simple qui est en même temps le plus équitable.
Ce moyen consiste à ramener les deux ou trois monnaies à une valeur moyenne que payera le débiteur, et, comme celui-ci doit conserver le choix de la monnaie qu'il payera, c'est dans la monnaie par lui choisie que sera cherchée cette valeur moyenne.
Assurément, si, dans un temps où il n'y a que les deux monnaies métalliques, les parties convenaient que le débiteur payera moitié en or et moitié en argent, en nature, elles feraient une chose manifestement équitable : le débiteur n'aurait pas seul le profit résultant du cours respectif des deux monnaies et le créancier n'en subirait pas seul la perte ; ce que l'un des métaux perdrait par rapport à l'autre serait compensé par ce que celui-ci gagnerait par rapport à celui-là. Si, dans le pays, il y avait en outre, une troisième monnaie, le papier d'Etat, la convention pourrait porter, aussi équitablement, que le débiteur payera un tiers en papier, un tiers en argent et un tiers en or.
Mais, si cette convention ne rencontre pas d'objection du côté de l'équité naturelle, elle rencontre un obstacle dans le principe d'ordre public qui défend aux parties de déroger au cours forcé des deux ou trois monnaies (art. 463, 3e al.) : le débiteur ne peut renoncer au droit de se libérer dans celle de ces trois monnaies qu'il lui convient de donner.
Heureusement, il est facile de concilier l'ordre public avec l'équité : on conviendra que les deux ou trois monnaies légales seront ramenées à une seule, celle dans laquelle le débiteur veut payer, d'après le cours du jour et du lieu du payement, et le total sera divisé par moitié ou par tiers suivant le cas; le débiteur, en ayant cette moitié ou ce tiers, aura payé la valeur moyenne, ce qui est équitable, et il aura conservé le choix de la monnaie, ce qui est de respect de l'ordre public.
On pourrait faire une autre objection à cet usage de la liberté des conventions : on dira peut-être que, le législateur ayant établi un rapport fixe de valeur entre les monnaies légales, l'ordre public s'oppose à ce que les parties reconnaissent, admettent entre elles, un autre rapport légal et, par conséquent, qu'il est aussi troublé par la convention, dans un cas que dans l'autre.
Mais l'objection a le tort d'assimiler deux choses profondément différentes : quand le législateur établit le cours forcé des monnaies, il fait acte d'autorité dans son domaine qui est d'ordonner ce qu'il croit utile et de défendre ce qu'il croit mauvais : il ordonne au créancier de recevoir la monnaie légale que le débiteur lai offre, ou il défend au créancier de la refuser ; ce qu'il ordonne encore, impérativement, c'est de respecter les changements qu'il pourra apporter aux dénominations numériques des monnaies, c'est-à-dire, à leur valeur nominale, sans changement de valeur intrinsèque, ou à leur composition intrinsèque, sans changement de valeur nominale. Voilà les deux dispositions auxquelles il est interdit de déroger par convention ; ainsi, pour ne plus parler que de la dernière, le débiteur ne pourrait renoncer an droit de se libérer au moyen des monnaies altérées, en défalquant l'augmentation légale de valeur qu'elles ont reçue. L'article 463, 3e alinéa, est formel en ce sens, et il ne reçoit même pas un tempérament analogue à celui qu'apporte à la première prohibition l'article 465, 1er alinéa.
En somme, ce sont là les deux seules dispositions de la loi, en cette matière, auxquelles il est défendu de déroger par convention.
Quant à cette autre disposition de la loi qui établit un rapport de valeur entre les deux métaux, il faut reconnaître quelle n'est plus dans le domaine souverain du législateur ; ici, il propose plutôt qu'il ne dispose : s'il entendait être obéi sur ce point comme sur les deux autres, ia logique l'obligerait à défendre et à punir le commerce des métaux précieux, surtout le change des monnaies et le change dit “de place,” avec perte ou profit pour le changeur ou le banquier; or, il n'a jamais songé à défendre de pareils commerces qui sont, au contraire, jugés utiles, et même nécessaires et dignes de protection.