Art. 458. Il est plus fréquent de rencontrer chez le débiteur la capacité de payer que chez le créancier la capacité de recevoir le payement : le mineur émancipé peut payer valablement ses dettes, quand celles-ci n'ont pas pour objet des choses qu'il est incapable d'aliéner ; au contraire, il ne peut valablement recevoir des capitaux, surtout en argent, parce qu'il y a trop de facilité pour lui de les dissiper ou de les perdre. Ce n'est pas ici que la loi détermine qui est capable ou incapable de recevoir un payement ; elle suppose seulement que le créancier était incapable, et elle lui permet de faire annuler le payement, c'est-à-dire, en principe, d'en demander un nouveau, quand il sera devenu capable ou sera dûment représenté ou assisté. Mais l'équité la plus vulgaire ne permettrait pas que le créancier s'enrichît au détriment d'un débiteur imprudent : le payement sera donc maintenu, dans la mesure où il a profité au créancier.
Deux questions peuvent se présenter à ce sujet :
A. quel moment devra-t-on apprécier le profit du créancier ?
Le débiteur ne peut-il prendre quelque mesure pour éviter de payer une seconde fois ?
Sur la première question, il est clair que l'on ne peut se placer au moment où le payement a été effectué ; car, à ce moment, il y a toujours eu profit pour le créancier. Il ne faudrait pas non plus se placer, toujours et absolument, au moment où l'incapable demande la nullité du payement ; car il a pu, avec les valeurs reçues, acquérir des objets mobiliers ou immobiliers qui, plus tard, ont péri par cas fortuit, et il ne serait pas juste que cette perte retombât sur le débiteur. On devra donc distinguer si l'incapable a acquis, soit des choses nécessaires ou utiles, soit des choses de pur agrément : dans le premier cas, il y a eu profit, par le fait même de cette acquisition, et la perte ultérieure devra retomber sur le créancier ; dans le second cas, si le profit n'existe plus ou a diminué au jour de la demande en nullité du payement, la perte retombera sur le débiteur.
La seconde question est déjà éclaircie par la solution de la première : il serait injuste que le débiteur restât indéfiniment dans l'incertitude et à la discrétion du créancier : il pourra donc, aussitôt qu'il reconnaîtra la nullité de son payement, alors que les valeurs payées sont encore aux mains de l'incapable et, à plus forte raison, dès qu'il y aura profit réalisé par quelque acquisition, lui demander soit de ratifier le payement, en se faisant autoriser ou représenter à cet effet, soit d'invoquer immédiatement la nullité du payement, en déduisant ce dont il a profité.
La loi n'a pas, dans le présent article, mis sur la même ligne, comme validant le payement, la ratification et le profit, ainsi qu'elle l'a fait dans le cas de l'article 456 : il n'y. avait pas à douter pourtant que la ratification fût possible ; mais elle est soumise, pour les incapables, à des conditions qui ne seront exposées qu'à la Section VIIe (art. 554 et s.).