Art. 413. La condition tout en étant nécessairement suspensive ou résolutoire, peut avoir d'autres caractères qui influent plus ou moins sur la validité de la convention qui en dépend. C'est ainsi qu'on peut distinguer les conditions : 1° en casuelles, potestatives et mixtes, suivant qu'elles dépendent, ou du pur hasard, ou de la volonté d'une seule des parties, ou, tout à la fois, de la volonté d'une des parties et de celle d'un tiers ou du hasard ; 2° en licites et illicites ; 3° en possibles et impossibles ; 4° enfin, en positives et négatives, suivant qu'on a prévu qu'un événement arrivera ou n'arrivera pas.
Le présent Code ne mentionne ces caractères particuliers des conditions qu'en en réglant l'influence sur la convention, et il ne définit que la condition illicite, la seule où la définition était nécessaire.
Et d'abord, pour la condition impossible il n'y a pas de difficulté réelle. Si elle est en même temps positive ou affirmative, elle rend nulle la convention qui en dépend ; par exemple, on a vendu ou donné un fonds à quelqu'un, s'il faisait l'ascension du Fusiyama au mois de Janvier ; il est évident qu'une pareille convention n'est pas sérieuse et que les deux parties, si elles sont saines d'esprit, savent, dès l'abord, que la condition suspensive ne se réalisera pas et que, par conséquent, la convention ne peut produire d'effet. Il en serait de même, si le fait impossible était pris comme condition résolutoire ; par exemple : “je vous vends mon fonds présentement, mais la vente sera résolue, si je fais l'ascension....etc. ;” ici, ce n'est plus la vente qui est nulle, c'est la clause stipulant la résolution : il est clair que celui qui ne s'est réservé qu'une résolution impossible a fait une vente pure et simple.
Supposons maintenant que le même fait impossible, au lieu d'être envisagé positivement ou affirmativement, l'ait été négativement, la solution sera différente ; par exemple : “je vous vends ma maison, sous cette condition suspensive :” si vous ne faites pas l'ascension du Fusiyama, etc. ;” comme il est bien certain, dès aujourd'hui, que vous ne la ferez pas, vente est pure et simple ; ou bien encore, vous ayant vendu ma maison antérieurement, sans condition, j'ai stipulé, plus tard, que la vente serait résolue, si vous ne faisiez pas ladite ascension ; comme il est certain que vous ne la ferez pas, la vente est résolue immédiatement, purement et simplement. On a dû supposer ici que la vente était antérieure à la stipulation de résolution, car, si les deux clauses se trouvaient dans une même convention, la vente se trouvaient résolue en même temps qu'elle se formerait, ce qui serait dérisoire.
La convention ne sera illicite, au point de vue qui nous occupe, elle ne rendra la convention nulle, que si elle doit tendre à un résultat mauvais, moralement ou socialement ; or, ce résultat est à prévoir et à redouter dans deux cas que le texte du présent article détermine avec soin :
1° Si l'une des parties doit bénéficier, soit de l'accomplissement d'un acte que la loi ou la morale défend, soit de l'abstention d'un devoir que la loi ou la morale impose ;
2° Si l'une des parties doit souffrir, soit de s'être abstenue d'un acte défendu, soit d'avoir accompli un acte ordonné.
Dans le premier cas, les parties se seraient proposé de récompenser le mal et, dans le second cas, de punir le lien.
Il n'y a pas à distinguer, du reste, si le profit du mal ou la peine du bien doit être pour le stipulant ou pour le promettant, ni si la condition illicite est suspensivə ou résolutoire ; seulement, il est bien entendu que si la condition est suspensive, il n'y a pas de convention du tout, tandis que si la condition est résolutoire, c'est celle-ci qui est seule non avenue, la convention restant pure et simple.
Il est nécessaire de donner des exemples de ces diverses situations qui sont régies par le même principe.
1° Quelqu'un promet sa maison, si on lui procure des documents secrets du Gouvernement : " la condition illicite est suspensive ; elle est positive ; elle est dans l'intérêt du stipulant de la maison : la promsse est nulle.
2° “Quelqu'un promet sa maison, si on ne remet pas au Gouvernement les documents qu'on a reçus pour lui :” la condition illicite est encore suspensive et dans l'intérêt du stpulant ; elle est négative, en ce qu'elle a pour objet le non-accomplissement d'un devoir : la promesse est encore nulle.
3° Quelqu'un donne sa maison présentement, mais la donation sera résolue, s'il remet an donataire les documents secrets du Gouvernement, ou si le donataire ne lui remet pas ceux qui sont adressés au gouvernement :” dans les deux cas, la condition est dans l'intérêt de celui qui stipue la résolution ; au premier cas, la condition est positive et la faute serait récompensée ; au second cas, la condition est négative et le mérite du promettant serait puni : la condition résolutoire est nulle et la donation reste pure et simple.
Voici encore les cas qui se trouvent implicitement réglés par les limites précises que le Projet a mises à la nullité.
Les parties ont établi comme condition suspensive de la convention le cas où l'une d'elles s'abstiendrait de tel acte illicite ou accomplirait tel devoir dans des circonstances ou dans un temps déterminé ; ou, en sens inverse, elles sont convenues que la convention actuellement formée serait résolue, si la partie intéressée à son maintien commettait un acte illicite déterminé ou manquait à accomplir tel devoir. Il ne faudrait pas penser que la condition doit, ici encore, être considérée comme nulle et entraîner la nullité de la convention qui en dépend : sous prétexte qu'il serait immoral qu'une partie stipulât un avantage (l'acquisition ou la conservation d'un droit), comme prix de l'observation de la loi et de l'accomplissement d'un de ses devoirs. On doit admettre, au contraire, que tout moyen qui assure ce double résultat est utile à la société et doit être autorisé.
Toutefois, dans le cas de la condition suspensive, on pourra faire la distinction suivante : si le stipulant s'est fait promettre un avantage pour le cas où il ne comme -trait pas un acte punissable par la loi, ou accomplirait un devoir dont la violation a aussi une sanction pénale, la condition viciera la convention comme immorale ; il y a cause honteuse, et, par suite, refus d'action et droit de répétition contre le stipulant, s'il y avait eu exécution (voy. art. 367) ; d'ailleurs, il semblerait que la condition implique une menace, laquelle vicie également la convention. Mais, si la condition est de ne pas faire un acte que la morale seule réprouve et non la loi pénale, ou d'accomplir un devoir que la morale seule impose et non la loi, la convention qui en dépend devra être maintenue. Ainsi, une promesse a été faite à une fille de mauvaise vie, pour le cas où elle rentrerait dans sa famille et s'y conduirait honnêtement, ou à un homme vivant irrégulièrement avec une femme, pour le cas où il l'épouserait légalement ; dans ces cas, il n'y a pas immoralité à obtenir une pareille promesse et à la faire valoir, même en justice, si la condition est remplie.
Le rapprochement du 1er et du 3e alinéas de notre article 413 donne lieu à une observation importante. Tout ce qui a été dit de la condition illicite ou impossible, comme viciant et annulant la convention qui en dépend, ne s'applique qu'au cas où c'est l'effet principal de la convention qui aurait été rattaché à la condition : alors la condition joue le rôle de cause déterminante de la convention et, comme cause illicite ou fausse, elle empêche la convention de se former (voy. art. 304). Ainsi, dans une vente conditionnelle, si c'est la translation de propriété même qui a été subordonnée à la condition, la nullité de la condition entraînera celle de toute la convention ; mais, si la condition n'affecte qu'un accesoire, de la vente, un objet complémentaire aliéné, un terme pour la délivrance de la chose ou pour le payement du prix, alors, l'accessoire, le terme, seront seuls frappés de nullité.