Art. 367. Il n'y a pas de différence au fond, entre la répétition d'un payement indû et celle des prestations faites sans cause, pour fausse cause, pour cause illicite, ou pour une cause prévue qui ne s'est pas réalisée ou qui a cessé d'exister ; ce n'était pas une raison, cependant, pour ne pas les régler dans la loi ; il faut justement consacrer cette similitude dans les effets, laquelle, d'ailleurs, comportera une exception.
Le payement indû est, dans la réalité des choses, une prestation faite sans cause ; on pourrait dire aussi qu'il est fait pour une cause illicite, quand il est fait en exécution d'une convention prohibée ; de même, si le payement indû s'applique à une dette dont la condition est défaillie ou non accomplie ou dont la cause a cessé d'exister, on peut dire qu'il y a un “payement indû," chaque fois que la prestation a été faite à titre de payement, sous le nom de payement, et l'on réserve les autres expressions aux prestations faites à tout autre titre illégitime.
La loi ayant énuméré ces prestations au 2e alinéa de l'article 361, il a suffi dans le présent article, d'un simple rappel de cette disposition, et pour le règlement des effets, c'est l'article 364 que la loi applique, parce que c'est celui qui prévoit le payement le plus indû de tous. En conséquence, la nullité de la prestation sera aussi complète, aussi absolue que possible : il n'y aura à distinguer, ni chez celui qui a reçu, ni chez celui qui a donné, s'il y avait, ou non, connaissance de l'illégalité de la prestation ; dans un seul cas, la répétition est refusé, c'est lorsque la prestation a une cause illicite ou contraire, soit à l'ordre public, soit aux bonnes mœurs, et encore faut-il, pour cela, que l'immoralité se rencontre chez celui qui a fait la prestation autant que chez celui qui l'a reçue. Ainsi, une somme ou valeur a été donnée à une femme de mauvaise vie pour obtenir ses faveurs, à un homme hardi pour opérer un enlèvement, à un témoin pour faire une fausse déclaration : assurément, dans ces divers cas, et dans une foule d'autres cas analogues, celui qui a reçu n'a pas de cause légitime de garder la valeur qu'il a reçue ; mais il y aurait un scandale et une sorte d'offense à la justice, si celui qui a donné des sommes ou valeurs pour une telle cause venait au tribunal se faire un titre de sa malhonnêteté pour se les faire restituer ; il y a, à cet égard, un axiome célèbre et souvent appliqué par les tribunaux, en tous pays, “personne n'est écouté, alléguant sa turpitude.”
Au contraire, si la malhonnêteté, “la turpitude,” ne se rencontre que chez celui qui a reçu, alors la répétition est admise : par exemple, j'ai donné à quelqu'un une somme d'argent pour qu'il s'abstînt d'un crime, d'un délit ou d'une autre mauvaise action ; la prestation n'a une cause malhonnête que de son côté, car il ne doit pas accepter une récompense pour ne pas avoir commis une mauvaise action; pour ma part, j'ai fait un acte utile et honnête, en prévenant un mal ; c'est au point qu'il a semblé à certains auteurs que, dans un but d'utilité publique, il vaudrait peut-être mieux interdire la répétition des choses données pour empêcher une mauvaise action : on se bornerait à refuser action au stipulant, s'il n'y avait eu que promesse sans prestation actuelle. Mais il serait très-dangereux d'entrer dans cette voie, et on serait amené à refuser la répétition à celui qui aurait remis, à des brigands ou à des pirates, des sommes ou valeurs à titre de rançon ou de rachat d'un captif, ce qui est inadmissible.
On peut encore citer comme cas d'application de la répétition fondée sur une cause illégale du seul côté de celui qui a reçu : le cas d'intérêts usuraires, le cas d'un prix payé au-delà du tarif légal, pour les choses taxées par l'autorité, ou même d'un prix quelconque payé pour un service qui aurait dû être fourni gratuitement ; dans ces cas, il n'y pas immoralité de la part de celui qui a fait la prestation, parce qu'il est présumé avoir agi sous l'empire de nécessités qui l'ont contraint de subir les conditions injustes qu'on voulait lui faire.
Ce qui a été donné en vertu de jeu ou de pari ne peut être répété, pas plus que ce qui aurait été promis au même titre ne pourrait être exigé : la cause est injuste ou immorale des deux côtés.