Art. 387. — 264. Il n'y a pas de différence, au fond, entre la répétition d'un payement indu et celle des prestations faites sans cause, pour fausse cause, pour cause illicite, ou pour une cause prévue qui ne s'est pas réalisée ou qui a cessé d'exister; ce n'était pas une raison, cependant, pour ne pas les régler dans la loi; il faut justement consacrer cette similitude dans les effets (laquelle, d'ailleurs, comportera une exception), et c'est une lacune regrettable des deux Codes français et italien.
Le droit romain était, au contraire, très développé à cet égard (h).
Le payement indu est, dans la réalité des choses, une prestation faite sans cause; on pourrait dire aussi qu'il est fait pour une cause illicite, quand il est fait en exécution d'une convention prohibée; de même, si le payement indu s'applique Ù, une dette dont la COIldition est défaillie ou non accomplie ou dont la cause a cessé d'exister, on peut dire qu'il y a un " payement indû," chaque fois que la prestation a été faite à titre de payement, sous le nom de payement (nomine solutionis), et l'on réserve les autres expressions aux prestations faites à tout autre titre illégitime..
265. La loi ayant énuméré ces prestations au 2" alinéa de l'article 381, il a suffi dans le présent article, d'un simple rappel de cette disposition, et pour le règlement des effets, c'est l'article 384 que la loi applique, parce que c'est celui qui prévoit le payement le plus indû de tous. En conséquence, la nullité de la prestation sera aussi complète, aussi absolue que possible: il n'y aura à distinguer, ni chez celui qui a reçu, ni chez celui qui a donné, s'il y avait, ou non, connaissance de l'illégalité de la prestation. Dans un seul cas, la répétition est refusée, c'est lorsque la prestation a une cause illicite ou contraire, soit à l'ordre public, soit aux bonnes mœurs, et encore faut-il, pour cela, que l'immoralité se rencontre chez celui qui a fait la prestation autant que chez celui qui l'a reçue. Ainsi, une somme ou valeur a été donnée à une femme de mauvaise vie pour obtenir ses faveurs, à un homme hardi pour opérer l'enlèvement d'une jeune fille, à un témoin pour faire une fausse déclaration: assurément, dans ces divers cas, et dans une foule d'autres cas analogues qu'on pourrait citer, celui qui a reçu n'a pas de cause légitime de garder la valeur qu'il a reçue; mais il y aurait un scandale et une sorte d'offense à la justice, si celui qui a donné des sommes ou valeurs pour une telle cause venait au tribunal se faire un titre de sa malhonnêteté pour se les faire restituer; il y a, à cet égard, un axiome célèbre et souvent appliqué par les tribunaux " personne n'est écouté, alléguant sa turpitude " (i).
Au contraire, si la malhonnêteté, "la turpitude," ne se rencontre que chez celui qui a reçu, alors la répétition est admise > par exemple, j'ai donné à quelqu'un une somme d'argent pour qu'il s'abstînt d'un crime, d"un délit ou d'une autre mauvaise action; la prestation n'a une cause malhonnête que de son côté, car il ne doit pas accepter une récompense pour ne pas avoir commis une mauvaise action; pour ma part, j'ai fait un acte utile et honnête, en prévenant un mal; c'est au point qu'il a semblé à certains auteurs que, dans un but d'utilité publique, il vaudrait peut-être mieux interdire la répétition des choses données pour empêcher une mauvaise action: on se bornerait à refuser action au stipulant, s'il n'y avait eu que promesse sans prestation actuelle. Mais il sérait très dangereux d'entrer dans cette voie, et on serait amené à refuser la répétition à celui qui aurait remis, à des brigands ou à des pirates, des sommes ou valeurs, à titre de rançon ou de rachat d'un captif, ce qui est inadmissible.
On peut encore citer comme cas d'application de la répétition fondée sur une cause illégale du seul côté de celui qui a reçu: le cas d'intérêts usuraires, le cas d'un prix payé au delà du tarif légal, pour les choses taxées par l'autorité, ou même d'un prix quelconque payé pour un service qui aurait dû être fourni gratuitement: dans ces cas, il n'y a pas immoralité de la part de celui qui a fait la prestation, parce qu'il est présumé avoir agi sous l'empire de nécessités qui l'ont contraint de subir les conditions inJustes qu'on voulait lui faire (j).
Ce qui a été donné en vertu de jeu ou de pari prohibé ne peut être répété, pas plus que ce qui aurait été promis au même titre ne pourrait être exigé: la cause est injuste eu immorale des deux côtés (v. art 811).
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(h) Les Romains appelaient condictio l'action en répétition et ils donnaient un nom particulier à chacune de ses applications: condictio /Hdebiti, condictio dati sine causa, ob falsam cansam, ob turpem causam, ob injustam causam, ob causam non secutam vel finitam; c'est-à-dire: " répétition de ce qui a été donné indûment, ou sans cause, ou pour une " cause fausse, honteuse, injuste, défaillie ou finie."
(i) Nemo auditur turpitudinem suam allegans. On dit aussi: In pari causa turpitudinis, cessat repetitio: " dans le cas d'une turpitude égale des deux cotés, la répétition n'a pas lieu."
(j) Ces cas sont plus spécialement ceux oil les Romains donnaient la condictio o b i n j U 8 t a m causam.