Projet de code civil pour l'Empire du Japon
参考原資料
- Projet de code civil pour l'Empire du Japon, accompagné d'un commentaire. Nouv. ed , TOME DEUXIÈME [国立国会図書館デジタルコレクション]
AVERTISSEEMENT.
Ce volume complète, avec le précédent, la matière des Biens, formant le Livre IIe du. Projet de Code civil.
Cette Deuxième Partie a plus d'importance encore que la première, non seulement par son étendue et par la variété des théories qui la composent, mais surtout par son application pratique considérable et par ses liens étroits avec toutes les autres parties du droit civil; aussi a-t-elle reçu ici des développements qu'elle n'a, ni dans le Code français, ni dans le Code italien (a).
On s'est, du reste, constamment inspiré du premier, lequel, de son côté, avait suivi, surtout en cette matière, le Traité célèbre et justement estimé des Obligations de Pothier, qui, lui-même, s'était principalement basé sur le droit romain auquel il faut encore reporter le principal honneur des meilleures théories modernes sur les Obligations.
Le nouveau Code civil italien a fourni ici l'exemple de quelques sages et utiles correctifs du Code français: pour ceux-là, d'abord, le présent Projet ne pourra être taxé de témérité. Quant aux autres innovations, on espère qu'elles seront trouvées suffisamment justifiées par ce qui en est dit au Cornmentaire.
La plus grande innovation du Projet est peut-être celle qui consiste à avoir introduit dans la loi positive une série de dispositions sur les Obligations naturelles (Appendice en 16 articles).
La nouvelle édition de ce volume, quoique moins augmentée que celle du Tome Ier, l'est encore de plus de 40 pages, sans y compter la' table analytique très développée. Du reste, les additions portent beaucoup plus sur le Commentaire que sur le Texte (b).
Quant aux changements les plus graves de solutions, au fond, on les a signalés en note et spécialement motivés au Commentaire.
Au surplus, cette matière des Obligations et des Droits personnels, en général, est celle où l'on remarquera le moins l'influence du pays pour lequel elle est proposée: s'il est une partie du Droit positif q ui doive rester à l'abri des influences de temps et de lieux, c'est assurément celle qui nous occupe. Le Japon n'a, sous ce rapport, ni plus ni moins de droits à protéger et de devoirs à sanctionner que les pays d'Occident; il n'a pas, non plus, à les protéger ou à les sanctionner autrement. Du reste, ce qui lui était nécessaire, c'était moins de réformer sa législation coutumière ou ses usages judiciaires, en matière d'Obligations, que de les compléter et les fixer. Les magistrats japonais qui, depuis la Restauration du Gouvernement impérial, appliquent déjà les principes du Code civil français, comme droit naturel, les retrouveront ici dans leur loi nationale elle-même.
Nous croyons, en effet, pouvoir affirmer qu'il n'y a aucune des solutions de ce Projet qui ne soit conforme au Droit naturel.
La plus sérieuse difficulté que nous ayons rencontrée dans ce travail de révision est qu'à côté de notre Projet il y a maintenant un Code civil promulgué. Il a deux Parties dont l'une, la plus considérable, correspondant à notre Projet, n'a pas toujours admis nos propositions; l'autre (c), élaborée exclusivement par des légistes japonais (parce qu'il fallait surtout y tenir compte des couturnes et traditions nationales), nous est imparfaitement connue, n'ayant encore été traduite, ni en français, ni en anglais.
Pour la première Partie, nous avons dû nous borner à signaler les principales modifications et surtout les suppressions qu'a subies notre travail et que nous n'avons pas cru pouvoir adopter, mais qu'il ne nous paraissait pas à propos de discuter et surtout de critiquer.
Quant à la seconde Partie, nous avions peu. d'occasions de la rencontrer. Mais sur plusieurs points où nous indiquions dans notre Projet comment nous comptions combiner la matière des Obligations avec la condition des Personnes et le droit héréditaire et matrimonial, nous avons eu le regret de voir que nos espérances n'étaient pas toujours réalisées. C'est ainsi que plusieurs de nos théories reposant sur la pluralité d'héritiers se trouvent en désaccord avec le droit d'aînesse qui a prévalu dans de Code officiel. Heureusement, il pourra y avoir des légataires d'une quote-part des biens (d'une moitié, au maximum), cela nous a permis de maintenir la divisibilité des créances et des dettes, au cas de décès du créancier et du débiteur.
Mais nous nous sommes permis ici d'exprimer notre dissentiment avec"[le Code officiel, au sujet du droit d'aînesse: nos travaux antérieurs nous y autorisaient et même nous en faisaient un devoir.
Nous ne sommes pas éloigné d'ailleurs de croire que, dans un temps plus ou moins prochain, la question du droit d'aînesse sera soulevée au Parlement, et que s'il n'est pas entièrement aboli, par respect pour une tradition séculaire, il sera réduit à un simple préciput légal.
Les idées d'égalité se sont fort répandues au, Japon, depuis l'abolition du régime féodal; les priviléges n'y sont plus vus par le peuple d'un œil indifférent; les cadets, bien que pouvant être, comme les aînés, électeurs et éligibles aux Assemblées représentatives, d'après la Constitution, se trouveront le plus souvent privés de l'exercice de leurs droits politiques, faute de payer le cens nécessaire: ils se plaindront alors du système successoral qui leur refuse le premier noyau d'une fortune personnelle et les condamne ainsi à une presque insurmontable infériorité.
Tokio, 25 mai 1891.
G. B.
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(a) Le Code français ne consacre que 231 articles aux Obligations en général et à leurs cinq Causes (art. 1101 à 1386, en séparant les Preuves) et le Code italien 215 seulement; le présent Projet n'en a pas moins de 281 et la plupart de ces articles ont dû être plus étendus que leurs modèles, quelque réserve qu'on ait apportée à ces extensions.
(b) Pour ne pas changer le numérotage des articles, à cause des nombreux renvois qui y sont fait, on a ajouté des alinéas aux anciens articles et quatre nos bis (330 bis, 331 bis, 403 bis et 500 bis); il y a toutefois un déplacement: l'article 522 est devenu l'article 525 et les anciens articles 523 à 525 sont devenus 522 à 524.
(c) Livre des Personnes et IIe Partie du Livre III; Moyens d'acquérir à titre universel (Successions, Donations et Testaments, Contrat de Mariage).
Cette promulgation du Code officiel en deux Parties a été cause qu'on n'a pu lui donner une seule série de numéros: chaque Livre recommence une nouvelle série. Les Livres eux-mêmes ne sont pas cotés 1 er, lie, etc.: chacun doit être désigné par sa rubrique. Ces deux méthodes rendront les citations fort laborieuses, si on n'y apporte un remède aussi facile que nécessaire, par une réunion analogue à celle de la loi française du 30 ventôse, an XII (1804), qui a réuni en un seul Code civil les 36 lois qui le composaient d'abord.
SOMMAIRE.
Art. 314. — N° 1. Nature différente des droits réels et des droits personnels. -2. Unité des droits personnels. - 3. Sens et étymologie du mot " créance."-4. Idem du mot " obligation."-5. Définition de l'obligation. -6. Objets de l'obligation.
315. -7 et 8. Obligations civiles ou de droit positif; obligations naturelles ou imparfaites. -9, 10 et 11. Obligations purement morales; devoirs religieux.: abstention du législateur dans ces deux cas. -12. Division de la matière des créances ou obligations civiles.
COMMENTAIRE.
Art. 314. — 1. Les droits personnel." forment, avec les droits réels, l'ensemble des Biens qui composent le patrimoine des Personnes (voy. art. 1er).
Déjà, sous les articles 2 et 3, on a indiqué la nature différente de ces deux droits: on a dit que les premiers mettent une personne en rapport direct avec une chose, (jus in re, "droit sur la chose "), permettent d'en tirer tout ou partie de l'utilité et des avantages qu'elle peut fournir et autorisent à revendiquer la possession de cette chose contre toute personne qui la détient injustement; tandis que le droit personnel n'établit pas de rapport direct avec la chose due, mais seulement avec la personne qui la doit; de là le nom même de droit personnel (j u s in p e r s o n a m, " droit contre une personne ").
Cette distinction qui se présente, au premier abord, comme purement dogmatique et théorique, a déjà reçu d'intéressantes applications pratiques, en ce qui concerne les droits réels, dans les divers Chapitres qui forment la Première Partie de ce Livre; on la trouvera appliquée ici également pour les droits personnels.
2. On rappelle aussi ce qui a déjà été dit (T. 1er, n° 7) au sujet de l'unité des droits personnels: quoiqu'on emploie habituellement la forme du pluriel, ce n'est pas à dire qu'il y ait, des droits personnels de plusieurs sortes, comme il y a plusieurs droits réels profondément différents; tout au plus, trouvera-t-on des droits personnels sanctionnés avec plus ou moins d'énergie par la loi; mais au fond, leur nature est identique. Si l'on parle ainsi au pluriel, c'est parce que quelqu'un peut avoir plusieurs droits personnels contre la même personne: il suffit que deux droits soient nés à des époques différentes, ou qu'ils n'aient pas la même cause ou n'aient pas le même objet, peur être considérés comme des droits personnels distincts; à plus forte raison, s'ils n'avaient pas le même sujet passif, le même débiteur.
3. Le 1er alinéa donne au droit personnel un nom équivalent, le nom de créance, qui exprime que celui qui a le droit personnel (le créancier) croit, a confiance en celui contre qui le droit existe (le débiteur). Quelquefois, cependant, cette coniiance est très limitée et le créancier exige des garanties particulières, telles qu'une caution, un gage, une hypothèque; mais les noms juridiques sont tirés des cas ordinaires et non des cas exceptionnels; de même, on ne peut dire, à proprement parler, que le créancier a cru au débiteur, quand la dette est née de la faute de celui-ci; c'est seulement au cas de convention ou contrat que l'expression de créance ou croyance est justifiée; mais comme les conventions sont, de beaucoup, les causes les plus nombreuses des droits personnels, c'est encore " à ce qui arrive le plus souvent " (de eo quod plerÚmque fit) que répond l'expression légale Ca).
4. Le 1er alinéa nous dit encore que la créance a pour corrélatif nécessaire une obligation. On dit, en général, qu'à tout droit d'une personne correspond un devoir d'une autre; mais ce devoir n'est pas toujours une obligation proprement dite. Ainsi, au droit réel d'une personne répond le devoir de toute autre de respecter ce droit; mais il serait ridicule de dire que le monde entier est obligé envers chaque propriétaire et autant de fois que celui-ci est propriétaire d'objets différents: comme il n'y a pas lieu d'intenter une action en justice pour faire déclarer ce devoir général tant qu'il n'y est pas manqué, il convient de dire qu'il y a là, pour les tiers, plutôt "absence de droit " qu'obligation; l'obligation proprement dite ne commence que pour l'usurpateur ou le possesseur de mauvaise foi qui est tenu, civilement et par voie d'action en justice, de rendre la chose à celui à qui elle appartient; c'est qu'alors un droit personnel est né, au profit du propriétaire, de l'acte injuste dont il a été victime (voy. art. 316).
Il n'y a donc que le devoir correspondant au droit personnel auquel convienne le nom " d'obligation; " il est plus étroit, plus rigoureux, en même temps qu'il est limité à une seule personne, et le mot obligation (du latin: ligare, " lier ") exprime bien l'idée d'un assujettissement individuel.
La corrélation de l'obligation à la créance est si naturelle, si intime, que l'usage juridique et même législatif est de traiter des droits personnels sous le titre des Obligations. On suivra ici le même usage: les divisions principales de cette IIe Partie se rapporteront aux obligations; c'est en déterminant leurs causes, leurs effets et leur extinction que le Projet présentera la théorie des droits personnels ou de créance.
5. Enfin, la loi, au lieu de définir ici le droit personnel, ce qui a déjà été fait dans l'article 3, définit son corollaire, l'obligation. L'expression lien de droit est consacrée depuis le droit romain (vinculum juris); certains jurisconsultes ont préféré celle de " nécessité juridique d'action ou d'inaction; " mais l'idée est moins claire et moins simple, et mieux vaut conserver la définition traditionnelle.
La définition nous dit encore que ce lien peut provenir du droit positif ou du droit naturel. On verra, sous l'article suivant, que la force coercitive de ces deux autorités n'est pas la même.
6. Vient ensuite l' effet de l'obligation qui se confond avec son objet; c'est une contrainte plus ou moins énergique ”à donner, à faire, ou à ne pas faire." Ce sont encore là des expressions consacrées.
Donner (dar e), c'est transférer la propriété ou un autre droit réel. Il ne faut pas confondre l'obligation de donner avec la dation effectuée: tant qu'il n'y a qu'obligation, il n'y a qu'un droit personnel; quand la dation est effectuée, l'obligation a cessé par l'exécution, le droit réel lui a succédé. On verra plus loin quand et comment la dation se trouve effectuée.
Faire (f a c e r e), c'est accomplir un acte utile ou profitable à autrui, autre qu'une dation, comme un travail manuel ou intellectuel, un service personnel, une entremise, un voyage, une prestation ou livraison de chose pour un usage déterminé.
Ne pas faire, c'est s'abstenir d'un acte, licite d'ailleurs, que le débiteur pourrait, en principe, accomplir, soit sur ses biens, soit sur les biens d'autrui, mais qu'il s'engage à ne pas accomplir, pour le plus grand avantage du créancier. Tel serait le cas où celui qui aurait loué sa maison ou cédé son fonds de commerce, s'interdirait, dans l'intérêt de son locataire ou de son cessionnaire, d'exercer une industrie ou un commerce qui pourrait faire concurrence à ce dernier. La garantie que doit le bailleur ou le vendeur, d'après la loi, impose déjà cette obligation dans une certaine mesure et sans convention spéciale (voy. art. 140); mais on peut l'étendre par convention; le preneur lui-même ou le cessionnaire pourrait aussi se soumettre à l'obligation de ne pas faire certains actes que le droit commun lui permettrait.
On peut supposer encore le cas où un propriétaire se serait interdit, dans l'intérêt de son voisin, quelquesuns des droits attachés à la propriété, sans, pour cela, qu'il y ait servitude foncière; comme de ne pas chasser chez lui, de ne pas couper des arbres qui préservent le fonds voisin des vents du nord (b). Enfin, on ] etifi s'interdire d'exercer sur les biens d'autrui certains actes qui d'ailleurs eussent été permis, soit en vertu du droit 'commÜn, soit par une convention spéciale; tel serait le cas où un prêteur d'argent s'engagerait à ne pas saisir certains biens de son débiteur: par exemple, son traitement de fonctionnaire, même pour la portion saifeïssable; celui où un propriétaire s'engagerait, pour un certain temps, à ne pas couper les branches des arbres du fonds voisin qui avancent au-dessus de la ligne séparative, ou à ne pas user d'un droit de servitude qui lui appartient (comp. T. Ier, n° 24, 3°): cette renonciation temporaire à son droit ne pouvant être considérée comme une extinction de la servitude légale ou du fait de l'homme, il faut lui reconnaître le caractère d'obligation de ne pas faire, d'engagement personnel, lequel ne serait pas opposable au cessionnaire du fonds dominant, et ne profiterait au cessionnaire du fonds servant que s'il avait été informé de cette créance temporaire et en avait été investi expressément ou tacitement.
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(a) Les Romains ont, les premiers, donné ce sens général à leur mot creditum, bien qu'il eût la même étymologie limitative, credere, " croire, avoir confiance," et que son emploi originaire fût le prêt, contrat fondé surtout sur la confiance.
[N.B. —On rappelle ici: 1° que les notes par lettres simples appartiennent à l'ancienne édition; 2° que les notes par lettres redoublées sont nouvelles, au moins en général; 3° que les notes par chiffres et en caractère plus gros sont nouvelles et, de plus, se rapportent aux changements demandés par la Commission ou introduits dans le Texte officiel promulgué. ]
(b) On peut rapprocher ces exemples d'obligations négatives de ceux d'obligations positives donnés sous l'article 2b6, 2° al. (T. lor, il0 436).
Art. 315. — 7. On a dit, plus haut, que l'unité qui caractérise les droits personnels ne va pas jusqu'à exclure des degrés dans la force d'exécution qu'ils comportent. Ces différences de sanction sont rattachées par la loi à deux sortes d'obligations corrélatives aux droits personnels: les plus énergiques sont munies d'une action qui permet au créancier d'obtenir en justice tous les moyens de contrainte que la loi autorise pour arriver à l'exécution forcée, à défaut d'exécution volontaire; on les appelle obligations civiles, dans les lois européennes qui suivent ici encore les traditions et les expressions romaines; le présent article les qualifie de même et aussi " obligations de droit positif," c'est-à-dire déterminées et sanctionnées par la loi du pays, pour mieux accentuer leur opposition avec les obligations naturelles ou " de droit naturel " qui n'ont qu'une sanction incomplète, qui ne comportent pas d'exécution forcée, mais seulement une exécution volontaire laissée à la conscience et à l'honnêteté du débiteur.
La détermination des cas d'obligations naturelles est très difficile: les lois étrangères ont laissé ce soin à la doctrine et à la jurisprudence; il en est résulté (les divergences assez sérieuses, tant parmi les auteurs que parmi les arrêts; les lois romaines n'ont pu être suivies ici qu'en partie, à cause de graves modifications produites avec le temps dans l'organisation de la société et de la famille (voy. n° 707). Le Projet japonais devra prévenir de pareilles difficultés, en déterminant les cas d'obligations naturelles; mais ces cas ne pouvant se comprendre que lorsque les obligations civiles seront réglées, c'est dans un Appendice qu'on les trouvera, à la fin de cette IIe Partie (v. art. 586 à 600).
8. Bien que les obligations civiles soient aussi qualifiées ici obligations "de droit positif," il n'en faudrait pas conclure que si, dans un pays, la matière des obligations privées n'était pas réglée par la loi, toutes les obligations seraient naturelles, c'est-à-dire imparfaites quant à leur sanction et dépourvues d'action en justice: on pourrait toujours en reconnaître de plus énergiques les unes que les autres; seulement, la détermination des unes et des autres serait plus difficile encore et les qualifications devraient être changées (c).
9. Le dernier alinéa du présent article vise deux autres sortes d'obligations, uniquement pour dire que la loi entend y rester étrangère.
C'est aujourd'hui un principe fondamental du droit public théorique que la loi doit se désintéresser de ce qui est du par domaine de la conscience. L'homme a trois sortes de devoirs ou obligations: des devoirs envers ses semblables, des devoirs envers lui-même et des devoirs envers la Divinité.
Les devoirs de l'homme envers ses semblables sont ceux dans l'observation desquels la loi doit intervenir, sinon toujours, au moins le plus souvent: si elle ne le faisait pas, dans la plupart des cas, les hommes seraient en lutte perpétuelle les uns avec les autres; la société périrait dans les discordes et les déchirements; c'est seulement dans l'ordre de ces devoirs entre les hommes que le Droit intervient; c'est là son véritable et seul domaine.
10. A l'égard des devoirs de l'homme envers luimême, comme sont ceux de mener une vie honnête et réglée, pour remplir sa destinée et être utile à ses semblables, ils ne sont plus des devoirs de droit, mais des devoirs de morale. Celui qui manque à ces devoirs est exposé à perdre l'estime publique et à sentir les reproches de sa conscience; mais si ses vices n'ont pas causé à autrui un dommage direct et appréciable, la loi n'a pas à intervenir; autrement, elle deviendrait inquisitoriale de la vie privée; elle aurait besoin de la délation pour auxiliaire; le remède au mal serait pire que le mal lui-même.
En rattachant ainsi à la morale les devoirs de l'homme envers lui-même, on n'entend pas dire ici que la morale n'ait pas une part et même une large part dans les devoirs de l'homme envers ses semblables. Assurément, la morale lui ordonne de leur faire le plus de bien possible et lui interdit de leur faire le mal qu'il peut éviter de leur faire; mais le législateur est impuissant à édicter toutes les règles impératives ou prohibitives dont l'observation constitue l'honnêteté, la bonté, la vertu; et, lors-même qu'il y parviendrait en s'aidant des lumières des philosophes, des moralistes et des religieux, ses préceptes de morale seraient presque toujours dépourvus d'une sanction effective et resteraient à l'état de pure théorie; car la violation de la loi morale n'est imputable que si elle est intentionnelle ou volontaire, et, le plus souvent, lorsque la question de fait serait portée devant les tribunaux, le défendeur allèguerait sa bonne foi ou des obstacles à l'accomplissement de son devoir, la preuve contraire ne pourrait être entièrement fournie et la loi serait sans effet.
Ce n'est pas à dire, non plus, que dans les matières qui sont l'objet du droit positif, il n'y ait jamais des points de morale à apprécier par les tribunaux: toutes les parties du droit où il est sévi contre le dol et la violence (et on en va rencontrer bientôt), celles où la loi exige la bonne foi, où elle établit la responsabilité des fautes par action ou par omission, obligent les juges à remonter aux principes de la morale, si non à ceux qui doivent régir la vie individuelle, au moins à ceux qui doivent être observés nécessairement dans les relations entre les hommes.
C'est à cause de ces affinités de la science du droit àvec la morale et avec la philosophie qu'elle rentre, au premier chef, dans l'ordre des sciences morales et philosophiques.
Il. Enfin l'homme a des devoirs envers la Divinité. Quelle que soit l'idée plus ou moins définie que les hommes puissent concevoir d'un Etre suprême, quelle que soit la diversité du culte que les hommes lui Tendent, suivant les temps et suivant les lieux, la croyance à un Etre supérieur, à Dieu, est universelle, elle exerce sur les sociétés humaines l'influence la plus salutaire, en agissant d'abord sur la conduite individuelle et, de proche en proche, sur les nations.
Une société dont les membres ne croiraient pas n la Divinité serait livrée à tous les désordres; le frein des lois serait impuissant à maintenir les hommes dans l'observation de leurs devoirs envers leurs semblables; la morale elle-même et la philosophie manqueraient de 'base, et les hommes, au lieu d'être plus libres seraient, 'pour la plupart, esclaves: les faibles le seraient des forts, les pauvres des riches, les bons des méchants, les simples des fourbes; tous seraient encore esclaves de leurs propres passions.
La croyance religieuse est donc pour le législateur un auxiliaire encore plus puissant que la morale, parce qu'elle rapproche davantage les hommes au milieu de titht d'intérêts qui les divisent (d).
Cependant, la loi proclame ici qu'elle n'intervient pas dans l'observation des devoirs religieux. C'est un principe du droit public des temps modernes qui figure dans quelques Constitutions de l'Europe et dont l'ab^ènce est regrettée dans plusieurs autres (e). L'Histoire nous montre quels ont été les malheurs des peuples où la théocratie (/) était le principe du gouvernement: l'autorité civile était débordée, usurpée, par celle des prêtres, et l'on peut dire sans témérité que les excès du despotisme religieux ont amené dans ces pays une réaction anti-religieuse extrême qui est un autre mal et que les sages ne peuvent que déplorer.
Confucius (chap. vu) conseille à ses disciples " de "ne pas chercher à approfondir les choses surnatu" relies, parce qu'elles excèdent les dernières limites " de la raison et qu'il n'est pas donné à l'homme de " les éclaircir." Il n'aurait pas tenu un autre langage, s'il avait parlé au législateur, et, si ce sage précepte avait été observé toujours en Europe, elle n'aurait pas été troublée par des guerres de religion d'autant plus acharnées que, de chaque côté, les combattants prétendaient être en possession de la vérité et se croyaient le devoir autant que le droit de l'imposer à leurs adversaires.
Le Japon est, aujourd'hui, plus qu'à toute autre époque, porté à la tolérance religieuse, et la loi répondra au sentiment public en se désintéressant formellement des questions de religion.
Ce n'est pas à dire pourtant que les adeptes d'une religion, nationale ou étrangère, puissent sans contrôle de l'autorité administrative, célébrer publiquement leur culte: du moment qu'il y a publicité, l'ordre général est intéressé, comme dans toute autre réunion publique; de même, la liberté religieuse de chacun se trouve limitée par la liberté religieuse d'autrui, et tout individu qui troublerait l'exercice d'un culte serait punissable par le nouveau Code pénal (art. 263).
Le texte du présent article ne contredit pas ces solutions: il n'exclut pas d'une façon absolue l'intervention de la loi dans les matières religieuses, il n'exclut que " la contrainte légale à l'observation des devoirs religieux les indifférents, les incrédules, les athées, pourront être privés d'un précieux appui dans l'accomplissement des devoirs sociaux, d'une grande force dans l'adversité, de grandes consolations dans la douleur, mais ils n'auront violé aucune loi humaine (1).
12. Après ces courtes Dispositions préliminaires, le Projet va présenter la théorie générale des Créances ou Obligations civiles, dans le même ordre que pour les Droits réels; on verra donc: 1° leurs causes, ou comment elles naissent, 2° leurs effets, 3° leur extinction.
Une remarque importante est à faire, dès à présent: il ne s'agit ici, comme le dit l'intitulé de cette IIe Partie, que des obligations en général et non de celles qui ont des causes, des effets et des extinctions propres; ces dernières se trouveront énumérées aux Livres IIIe et IVe. Ainsi, la vente, le louage, la société, le mandat, le prêt, le cautionnement, le nantissement, sont des contrats spéciaux dont la nature et les effets, c'est-à-dire les obligations qui en résultent, diffèrent profondément les uns des autres, à beaucoup d'égards: ce qu'ils ont de particulier ne se trouvera pas ici; mais ils ont aussi de nombreux caractères communs avec tous les contrats, et les obligations qu'ils produisent trouveront ici au moins leurs règles générales.
Le Code civil français a procédé de même: le Titre ine du Livre IIIe est consacré aux Contrats et aux Obligations en géiié)-al; mais, plus loin, des Titres particuliers sont consacrés à chacun des contrats qui présentent des dérogations au droit commun.
Malheureusement, à part cette similitude dans les grandes lignes, il ne sera pas toujours possible de suivre, dans le Projet japonais, la méthode du Code français où la théorie exacte a peut-être été trop souvent sacrifiée à une prétendue utilité pratique.
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(c) On peut, sans critique et comme simple observation de fait, reconnaître que telle a été jusqu'ici la situation du Japon, en cette matière: il est à peu près certain que ce que nous considérons comme obligations naturelles était confondu avec les obligations purement morales.
(d) Dans les langues européennes dérivées du latin, le mot religion et les mots analogues viennent du verbe reli.garn qui veut dire: " relier, rapprocher les hommes." Mais, dans le sens propre du mot, elle relie les hommes à Dieu, avant de les relier entre eux: une loi romaine, par laquelle s'ouvre le Digeste de Justinien, rapporte au droit naturel " Iq. religion envers Dieu ": veluti ergà Deum religio (1, i, 2).
(e) En France, c'est seulement en 1880 qu'a été abolie une loi de 1814, sur le repos forcé du Dimanche et des Fêtes religieuses; elle était d'ailleurs tombée elî désuétude.
(f) De deux mots grecs qui signifient " pouvoir de Dieu " sur la terre.
(1) Depuis la publication de l'édition précédente de ce Projet, une Constitution politique a été donnée au Japon par l'Empereur.
Elle proclame pour les Japonais " la liberté de croyance " religieuse, en tant qu'elle ne préjudicie pas à la paix, au " bon ordre et à leurs devoirs comme sujets" (art. 28).
Par suite de cette disposition constitutionnelle, la Commission a cru inutile de maintenir le dernier alinéa de notre article 315 et il ne figure pas au Texte officiel (v. art. 294).
SOMMAIRE.
Art. 316. —Nos 13, 14, 15 et 15 bis. Quatre Causes ou Sources des obligations civiles; différence de méthode et de nomenclature entre le Projet japonais et le, Code français. -16. Pourquoi les jugements ne sont pas des sources d'obligations; autrement, en droit romain.
COMMENTAIRE.
Art. 316. — 13. Toutes les obligations civiles, même celles qui seront l'objet de règles particulières, aux Livres lIre et IVe, ont l'une des quatre causes énoncées au texte.
Les obligations naturelles aussi ont les mêmes causes, mais affaiblies, comme on le verra à l'Appendice, en exceptant toutefois la quatrième qui est évidemment de droit positif; mais on en reconnaîtra une autre qui n'est pas sans rapport avec la loi, seulement, ce n'est pas ici le moment de s'y arrêter (v. nos 725 et s.); on signalera également d'autres causes ou sources d'obligations naturelles.
14. La lre cause d'obligations civiles est de beaucoup la plus fréquente et la plus riche dans ses effets: elle porte ici deux noms dont l'un est le genre, la convention, l'autre l'espèce, le contrat; l'article 31 7 en indiquera la différence.
15. La 26 et la 3e causes d'obligations apparaissent ici sous des noms moins usités que ceux que leur donnent les législations étrangères; mais on a cru devoir bannir de la loi japonaise un langage reconnu défectueux et qui n'avait en sa faveur qu'une longue tradition.
Le Code français et ceux qui l'ont imité (a) divisent les obligations en deux classes: les obligations conventionnelles et celles qui se forment sans convention; la seconde classe est l'objet d'un Titre spécial, ce qui est peu raisonnable, car les effets et les modes d'extinction de ces obligations étant les mêmes que pour les obligations conventionnelles, sauf quelques légères différences de détail, cette séparation tranchée pourrait faire douter de l'identité fondamentale de nature et d'effets de ces obligations. Il en résulte aussi un aspect bizarre de ces deux '1 itres: tandis que le premier a 269 articles, le second est réduit à n'en avoir que 15.
Le Projet a donc réuni en un Chapitre les causes diverses des obligations (b). Mais là n'est pas la seule dérogation au Code français: tandis que celui-ci mentionne comme causes d'obligations non conventionnelles, les qll((.';Í-cont1'at.'?, les délits et les quasi-délit s, le Projet emploie ici des expressions très différentes, mais qui ont l'avantage d'avoir un sens précis et connu.
L'expression consacrée de quasi-contrat (comme un contrat, presque un contrat) ferait croire que, dans le fait ainsi qualifié, il y a un accord de volonté, au moins tacite ou imparfait; or, il n'en est rien; on ne peut expliquer les obligations rattachées à cette dénomination équivoque que par l'idée d'un enrichissement indû, illégitime, sans toutefois qu'il y ait faute de celui qui est enrichi; or, il paraît bien plus simple d'introduire dans la loi le nom véritable de cette cause d'obligation.
Il y a moins d'objections à faire contre l'expression de qit(tsi-délit, parce que cette cause ressemble au délit, étant comme lui une faute dommageable, quoiqu'elle en diffère par l'absence d'intention de nuire; mais il est préférable encore de qualifier ces deux causes du nom commun de " dommage injuste," lequel n'a pas besoin de commentaire.
Les expressions de quasi-contrat et quasi-délit sont une imitation maladroite du droit romain: les Romains n'admettaient, à l'origine, que deux causes d'obligations civiles, le contrat et le délits plus tard, ils reconnurent que l'équité commandait la restitution de certains enrichissements mal fondés et la réparation de certains dommages qui n'étaient pas causés par de véritables délits; dès lors, sans ajouter aux deux causes fondamentales d'obligations, ils reconnurent qu'il y avait là " des images, des figures de ces deux causes " (varice causarum figurœ) et ils dirent que l'obligation naissait "comme d'un contrat, comme d'un délit" (quasi ex contractu, quasi ex delicto); ce sont les modernes qui, négligeant ces précautions de langage, ont introduit les noms inélégants et obscurs de quasi-contrat, quasidélit. Déjà, ils ont été introduits dans la langue juridique japonaise, et il ne faut pas le regretter, pour l'intelligence du Code français que l'on consultera toujours avec fruit; mais la loi nationale doit être claire et compréhensible pour tous; or, il n'y a pas besoin d'être légiste pour comprendre que celui qui s'est enrichi sans cause légitime du bien d'autrui doit restituer ce dont il est enrichi et que celui qui a causé, sans droit, un dommage à autrui, doit le réparer.
15 bis. La 48 cause d'obligations civiles, la loi, " les dispositions de la loi," est la moins féconde: il est rare que la loi impose directement une obligation aux personnes, à raison de certaines situations où elles se trouvent respectivement, sans avoir eu l'intention de s'obliger. On en trouvera trois exemples à l'article 400.
16. On pourrait s'étonner de ne pas trouver ici, comme dernière cause ou source d'obligations, les jugements. Il semble, en effet, que lorsqu'un jugement irrévocable est intervenu, condamnant une partie à payer ou à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose au profit de l'autre, il y ait dans cette décision judiciaire un principe nouveau d'obligation, quelle qu'ait pu être la cause première de la condamnation; le langage pratique favorise cette illusion, car l'exécution de l'obligation sera requise en vertu du jugement dûment signifié.
Mais ce n'est, disons-nous, qu'une illusion; les jugements ne créent pas de droits nouveaux, ils déclarent des droits préexistants: lorsqu'une personne est condamnée, comme on vient de le supposer, c'est parce qu'elle était antérieurement obligée par l'une des quatre causes ci-dessus énoncées; le jugement n'y ajoute rien; la condamnation aux frais, elle-même, a une cause antérieure au jugement: c'est la faute commise par la partie qui succombe, faute consistant dans la témérité de sa demande ou de sa défense. Quant à la circonstance que l'exécution est requise en vertu du jugement, elle n'est pas une objection sérieuse: le jugement n'est qu'une preuve du droit, preuve invincible, d'ailleurs, rentrant dans la classe des présomptions légales, comme on le verra au Livre Ve (art. 1414 et s.); mais il n'est pas plus la cause ou la source du droit que l'écrit ou le témoignage sur la foi duquel le jugement peut avoir été rendu.
Au reste, l'idée que les jugements sont des sources d'obligations, entièrement fausse aujourd'hui, était exacte en droit romain. Les Romains admettaient une novation judiciaire, à côté de la novation conventionnelle qui est une convention modificative d'une obligation antérieure (voy. art. 511 et s.). Ils avaient cette formule restée célèbre: " avant l'action en justice, " le débiteur doit donner ou faire ce qu'il a promis; (4 après l'action intentée, il doit subir condamnation; " après la condamnation prononcée, il doit exécuter le il jugé." Mais cette double novation était la conséquence d'un système de procédure, très savant, il est vrai, mais compliqué, dont il ne reste rien dans les législations contemporaines et que personne ne proposerait de rétablir. C'est cependant là ce qui explique que quelques auteurs modernes, influencés intempestivement par les souvenirs du droit romain, disent que des obligations " naissent du quasi-contrat judiciaire."
16 bis. On pourrait aussi être porté à voir dans le testament une cause spéciale d'obligations pour l'héritier; en effet, on rencontre toujours le testament à côté de la convention, comme source de droits réels; mais tandis que le legs on testament tranfère directement la propriété du défunt au légataire, sans intervention de l'héritier, il ne peut imposer d'obligations à celui-ci sans que, par un acte plus ou moins formel, il ait accepté la succession de son auteur: il n'acquiert la succession que grevée de ses charges et il est obligé aux legs par son enrichissement (v. art. 381, 3°).
La loi va consacrer une Section particulière à chacune des quatre causes d'obligations.
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(a) Le Code italien est de ce nombre: il reproduit, trop fidèlement peut-être, le Titre des Obligations du Code français; aussi aura-t-on moins d'occasions de le citer en cette matière qu'en celle des droits rceld. Cependant, on y signalera quelques améliorations de détail et de méthode.
(b) C'est à peu près ce qu'a fait le Code italien qui a, du moins, rapproché ces causes dans des Sections successives (v. art. 1098 et suiv., 1140 et suiv, 1151 et suiv.).
SOMMAIRE.
Art. 317. — N° 17. Différence entre la convention et le contrat: genre et espèce; étymologies différentes. —18. Division de la matière.
COMMENTAIRE.
Art. 317. — 17. Bien que les expressions de convention et de contrat, soient souvent employées l'une pour l'autre, dans l'usage et même dans les lois, il est bon cependant de reconnaître le sens propre de chacune; elles ne sont pas synonymes: la convention est plus large que le contrat; elle est le genre, celui-ci est l'espèce. Le sens propre ou étymologique n'est pas le même, dans les langues dérivées du latin: la convention (b) exprime l'idée de personnes qui, après avoir été dans des dispositions d'esprit différentes, arrivent à se réunir dans un même sentiment, dans une même volonté; le contrat (c) suppose aussi l'accord de deux volontés, mais, spécialement, dans le but de former un lien juridique, une obligation. Le contrat est donc toujours une convention, mais la convention n'est pas toujours un contrat.
Ainsi, soit une convention ayant pour but d'éteindre une obligation, par exemple, une remise de dette, il serait tout à fait impropre de dire qu'il y a contrat (d). De même, si l'on suppose une donation de meuble ou d'immeuble dont l'objet est déjà aux mains du donataire: comme alors le donateur, tout en se dépouillant du droit de propriété, ne contracte aucune obligation, pas même celle de livrer la chose, puisqu'elle est déjà possédée par le donataire, ni celle de garantir de l'éviction (à la différence du cas de vente), on ne doit pas dire qu'il y a contrat, mais qu'il y a convention. Si, au contraire, on suppose une vente ou un échange, bien que l'effet principal soit la transmission de la propriété, il y a aussi des obligations créées: l'acheteur doit. payer un prix; pour lui, la convention est un contrat; pour le vendeur et le coéchangiste, il y a aussi, outre l'obligation de livrer, celle de garantir le cessionnaire de tout trouble ou éviction fondé sur un droit antérieur prétendu par un tiers; la convention est donc, de ce chef, un contrat, et c'est ce qui explique que l'on dise bien plus souvent " le contrat de vente ou d'échange " que la convention de vente, la convention d'échange.
Quelquefois, la convention ne crée ni n'éteint entièrement une obligation: elle modifie, elle change quelque chose d'une obligation antérieurement formée, elle y ajoute, y substitue ou en retranche quelque chose; en pareil cas, on ne recherche guère s'il y a plus d'ajouté que de retranché, et l'on peut indistinctement employer l'expression générique de convention ou celle plus étroite de contrat: c'est ce que l'on fera ici, le plus souvent.
Mais ce qu'on ne doit jamais faire, ce que le Code français a fait trop souvent et ce qu'on ne trouvera pas dans le Projet japonais, c'est employer le mot obligation pour celui de contrat ou de convention; ce qui est confondre l'effet avec la cause et brouiller toutes les idées (e).
18. La loi va présenter successivement: 1° la classification des conventions; 2° leurs conditions d'existence et de validité: 3° leur force ou leurs effets, tant entre les parties qu'à l'égard des tiers; enfin, 4° les règles de leur interprétation.
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(b) Du latin: venire cum: "venir avec, venir ensemble, se rencontrer."
(c) Du latin: trahere cum: "tirer avec, tirer ensemble, serrer un lien.'
(d) C'est pourtant ce que fait le Code italien (art. 1098).
Les Romains, toujours scrupuleux dans la langue juridique, disaient que, dans'ia remise de dette, il y a moins contractus (lien, nœud) que distractus (dénoûment).
(e) Cette fâcheuse confusion se trouve, notamment, au Code français, dans le Chapitre II, Sections 39 et 4°, dans les rubriques du Chapitre III et de la Section 2e, et dans l'important article 1138.
SOMMAIRE.
N° 19. Sept classifications ou divisions des contrats envisagés sous des aspects différents.
Art. 318. — N° 20. Ir0 Division: contrats bilatéraux ou synallagmatiques et contrats unilatéraux. —21. Contrats dits "synanagmatiques imparfaits;" ils sont vraiment unilatéraux, mais ils donnent occasion à des obligations non contractuelles. -21 bis. L'obligation du prêteur à usage, de ne pas agir avant le terme, rend le contrat synallagmatique parfait. —22. Intérêts pratiques de cette lre division. —23. Quicl de ces intérêts dans les contrats dits "synallagmatiques imparfaits ?" -23 bis. Quicl dans le prêt à usage ?
319. —24. IIe Division: contrats onéreux et gratuits; inexactitudes du Code français dans les deux définitions. -25. Importance pratique de cette division.
320. —26. IIIe Division: contrats consensuels et réels. - 27. Cette division est fondée sur la nature des choses, sauf pour le gage. -28. Promesses de prêter, de donner en gage on de recevoir en dépôt: contrats innommés. 321. -29. IVe Division: contrats solennels et non solennels; solennités en droit romain. —30. Solennités quant à la preuve.
322. —31. Va Division: contrats fermes et aléatoires; raison de l'abandon du mot " commutatifs " du Code français. —32 et 32 bis. Contrats qui sont toujours aléatoires; contrats fermes de leur nature, mais que les parties peuvent rendre aléatoires, en les subordonnant à une condition. -33, 34 et 34 bis. Intérêt pratique de cette division.
323. —35. VIe Division: contrats principaux et accessoires; exemples de contrats qui sont toujours principaux, de ceux qui sont toujours accessoires, de ceux qui ont l'un ou l'autre caractère, suivant l'intention des parties. - 36. Intérêt de la division: influence du principal sur l'accessoire et réciproquement.
324. —37. VIre Division: contrats nommés et innommés; exemples de contrats innommés. —38. Pourquoi ils étaient plus nombreux en droit romain. —39. Double source de règles à appliquer aux contrats innommés.
COMMENTAIRE.
19. On doit faire remarquer, tout d'abord, que les sept divisions des conventions ici présentées ne constituent pas sept classes de conventions différentes et encore moins quatorze, quoique chaque division donne deux groupes ou deux branches: ce sont seulement des aspects différents des mêmes conventions. Sans doute, pour chaque division, la convention qui est dans une branche n'est pas dans l'autre; mais les conventions qui étaient dans la première division reparaissent dans la deuxième et dans toutes les autres. C'est ainsi que les divisions des Choses, objet des articles 1er à 30, nous ont présenté successivement les mêmes choses, sous des points de vue différents.
La même remarque pourra s'appliquer aux divisions des Personnes que loi envisagera, tour-à-tour, au point de vue de la nationalité, du sexe, de l'âge et des autres conditions légales ou juridiques dans lesquelles elles peuvent se trouver.
Chaque division des conventions a des conséquences importantes qu'on rencontrera, chemin faisant, mais qu'on indiquera déjà ici, sommairement (1).
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(1) Dans cette nouvelle édition, pour mettre ce § lor en harmonie avec les trois suivants, on a remplacé au Texte le mot contrat par celui de convention, l'espèce par le genre: on s'écarte ainsi du language traditionnel français, mais la logique et la raison y gagnent; au Japon où de nouvelles expressions juridiques sont à créer, il faut se garder d'introduire celles qui ne sont pas pleinement correctes. Mais on ne pourrait, sans heurter toutes les habitudes du langage français, faire la même substitution dans le Commentaire; nous reprendrons donc ici l'expression consacrée de contrats.
Art. 318. — 20. Cette division mérite le premier rang par son importance pratique.
Le contrat unilatéral, d'après l'étymologie latine (voy. T. 1er, n° 173, note c), est celui qui n'oblige que d'un seul côté; le contrat bilatéral oblige des deux côtés; ce dernier est encore appelé synallagmatique, de deux mots grecs qui veulent dire qu'il y a lien réciproque. La vente, l'échange, le louage, la société, sont des contrats bilatéraux ou synallagmatiques; le prêt dit de consommation, celui qui permet de consommer la chose prêtée, à la charge d'en rendre une semblable avec ou sans intérêts, est unilatéral.
21. Certains contrats sont d'une nature mixte et appelés, dans la doctrine, " synallagmatiques imparfaits, ou imparfaitement synallagmatiques:” ce sont: le dépôt, le gage, le mandat, auxquels presque tous les auteurs ajoutent le prêt à usage ou commodat. Ces contrats, au moment de leur formation, n'obligent qu'une des parties: le dépositaire et le créancier gagiste, qui doivent rendre la chose même qu'ils ont reçue, le mandataire qui doit accomplir le mandat et quelquefois aussi faire des restitutions. Mais il peut arriver, et il arrive souvent, que ces personnes deviennent créancières, à leur tour, soit parce que la chose à elles remise leur a causé un dommage, soit parce qu'elles ont fait des dépenses pour la conserver, ou parce que l'exécution du mandat a entraîné des avances ou des pertes.
Dans l'usage, on dit que ces contrats sont unilatéraux au moment de leur formation et peuvent devenir synallagmatiques postérieurement et accidentellement (ex post facto).
Si l'on s'attache à la théorie pure, on doit plutôt dire que ces contrats ne sont qu'unilatéraux. Quant aux obligations qui peuvent naître ultérieurement au profit du débiteur, elles ne naissent pas du contrat même, mais de l'une des deux autres causes d'obligations: l'enrichissement indu ou illégitime du propriétaire ou le dommage injuste qu'il a causé en livrant une chose nuisible. Cette dernière obligation incombe même au prêteur de choses de consommation (c. civ. fr., art. 1898; Proj., art. 877) et pourtant on n'a jamais songé à contester à ce contrat le caractère purement unilatéral.
Ce qui a fait négliger ce point de vue et adopter la dénomination de contrats synallagmatiques imparfaits, c'est que les obligations respectives des parties, bien qu'elles aient des causes différentes, se font valoir, en général, par la même action, où elles donnent lieu à des compensations, à un règlement unique; peut-être même pourrait-on dire que la réparation des dommages et le remboursement des dépenses sont entrés dans les prévisions des parties et ont formé l'objet d'une convention tacite; mais, au fond et en réalité, il y a ici concours de deux ou de trois causes différentes d'obligations.
21 bis. Nous avons dit que le plus grand nombre des auteurs considère également le contrat de prêt iL usage ou commodat comme synallagmatique imparfait (2).
Sans doute, s'il n'y avait pour le prêteur à usage d'autres obligations que celles de réparer les dommages causés par la chose prêtée et d'indemniser l'emprunteur des dépenses faites par lui pour la conservation de la chose, ces obligations s'expliqueraient, comme dans le dépôt, le gage et le mandat, par la double cause de dommage injuste et d'enrichissement indu.
Mais le prêteur a encore une autre obligation, c'est celle de ne pas réclamer sa chose avant le temps convenu, ou avant la fin de l'usage pour lequel elle a été prêtée.
On a nié pourtant qu'il y eût là une obligation proprement dite: on a dit qu'il y a seulement absence d'un droit, que celui qui a conféré un droit à autrui, soit temporaire, soit perpétuel, ne peut ensuite retirer ou réduire ce droit, ni en gêner l'exercice, de quelque manière que ce soit; on a prétendu que le prêteur à usage est, à cet égard, dans la situation commune, qu'il ne diffère pas, avant le terme ou la fin de l'usage, de celui qui, n'ayant pas prêté, n'a pas le droit d'agir en restitution.
Ce raisonnement serait exact si l'emprunteur à usage avait, comme le créancier gagiste, le preneur, l'usufruitier, l'usager, un droit réel d'usage (3). Il suffit par conséquent à expliquer que, dans ces cas, le propriétaire ne puisse reprendre sa chose avant l'épuisement du droit réel dont il l'a grevée. C'est pour le même motif que, dans le prêt de consommation, le prêteur ne peut agir en remboursement avant le terme: il a aliéné définitivement les choses prêtées, il ne peut qu'en réclamer de semblables; tant que le terme n'est pas échu, c'est bien par l'absence d'un droit qu'il est arrêté et non par une obligation de ne pas faire.
Mais l'emprunteur à usage n'a pas un droit réel d'usage, il n'a qu'une créance d'usage; donc le prêteur a une obligation de le laisser user, car, comme le dit l'article 314, "le droit personnel est toujours corrélatif à une obligation."
Nous n'irions pas, pour faire prévaloir la théorie opposée, jusqu'à proposer de reconnaître un droit réel d'usage à l'emprunteur, et cela pour plusieurs raisons.
D'abord, ce serait contraire aux traditions législatives les plus anciennes, les plus générales et les plus respectables.
Ensuite, ce serait choquant, quand on pense à la brièveté ordinaire du prêt à usage; et il ne faudrait pas objecter que cela n'a pas empêché de déclarer réel le droit du preneur à bail, lequel peut être très court quand il s'agit d'un objet mobilier: s'il y a des baux mobiliers de courte durée, il y en a aussi de longue durée et c'est surtout pour les baux d'immeubles, toujours plus ou moins longs, que l'innovation du Projet a été faite.
Enfin, l'intention du prêteur n'est jamais de conférer un droit réel à l'emprunteur et celui-ci n'a pas davantage la prétention de l'acquérir.
Le prêt à usage doit donc être compté au nombre des contrats vraiment synallagmatiques (voy. n° 23 bis).
22. Voici maintenant l'intérêt de la division des contrats en synallagmatiques (parfaits) et unilatéraux; il est double: tout contrat synallagmatique est soumis à la condition tacite que si l'une des parties n'exécute pas ses obligations, l'autre partie pourra s'affranchir des siennes, en demandant en justice la résolution du contrat. Ce n'est, du reste, qu'une faculté, à laquelle elle peut toujours renoncer, en se bornant à faire exécuter le contrat; mais la résolution sera souvent plus sûre et plus simple; elle peut, d'ailleurs, être accompagnée d'une condamnation à des dommages-intérêts.
Pour les contrats unilatéraux, il ne peut être question d'une semblable cause de résolution: si la partie qui est seule obligée n'exécute pas volontairement la convention, l'autre n'éprouverait de la résolution qu'une perte sans compensation; elle est donc réduite à demander l'exécution forcée sur les biens du débiteur, par les voies ordinaires.
Cette première différence entre les deux espèces de conventions qui nous occupent se trouve consacrée par le Code français (art. 1184); elle résulte de la nature même des choses et elle ne pouvait manquer d'être admise au Japon (v. art. 441 à 444).
La seconde différence, tout aussi juste, est peut-être moins nécessaire, aussi ne la trouve-t-on pas dans le Code italien; mais il nous semble qu'il y a lieu de le regretter. Le Code français l'établit dans l'article 1325; elle est relative à la preuve: si la convention est. synallagmatique et que l'acte qui la constate soit sous signature privée, il doit être rédigé en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct. Cette disposition sera proposée au Livre Ve (v. art. 1341 et 1342). On se borne ici à la justifier sommairement, par cette considération qu'il est juste et utile que chacune des parties ait aux mains la preuve de son droit, pour le faire, au besoin, valoir en justice; autrement, si un seul acte était dressé et que la partie qui en serait détenteur regrettât la conventicn, il serait en son pouvoir de l'anéantir; elle arriverait ainsi, contre toute raison et toute justice, à une sorte de résolution du contrat qui, au lieu d'être, comme la précédente, la peine de sa faute, en serait la récompense
23. On a dit plus haut que certains contrats sont unilatéraux au moment de leur formation et paraissent devenir synallagmatiques par des circonstances postérieures; tels sont (en excluant le prêt à usage), les contrats qui obligent à conserver une chose et à la rendre ensuite, savoir: le dépôt, le mandat, le gage. On a dit aussi qu'en réalité ces contrats sont vraiment unilatéraux et que ce n'est pas sans danger qu'on les appelle Il synallagmatiques imparfaits."
Examinons comment ces contrats doivent être traités, au point de vue des deux conséquences pratiques de cette grande division.
Donnent-ils lieu à résolution pour inexécution ? Doivent-ils être rédigés en double ?
Ire Question. 11 faut d'abord distinguer quelle partie manque à remplir ses obligations.
1° C'est celle dont l'obligation est normale, certaine, constante, c'est le dépositaire, le mandataire, le créancier gagiste; par exemple, ils manquent à conserver avec soin la chose objet du dépôt, du mandat ou du gage.
Assurément, le déposant, le mandant ou le fournisseur du gage pourront mettre fin au contrat; mais pour les deux premiers, il est inutile de se fonder sur l'inexécution de l'obligation principale, puisque le dépôt et le mandat sont toujours révocables à volonté par le déposant et le mandant (v. art. 901 et 947); au cas de gage, il y a bien révocation ou déchéance du droit de gage pour inexécution d'obligation (v. art. 1111, 3° al.); mais ce n'est pas parce que contrat a quelque chose de synallagmatique, puisqu'on appliquerait la même révocation au cas d'un contrat purement unilatéral; par exemple, au cas d'un prêt d'argent à intérêt: si l'emprunteur manquait à payer les intérêts, il serait déchu du bénéfice du terme et condamné au remboursement immédiat (v. art. 425-4°).
2° C'est la partie dont l'obligation est accidentelle, née ex post facto, qui n'exécute pas: le déposant, le mandant, le fournisseur du gage se refuse ou tarde, à rembourser les dépenses nécessaires faites pour la chose, ou à payer l'indemnité des dommages causés par la chose.
Ici encore, le dépôt et le mandat se séparent du contrat de gage: en admettant que le créancier gagiste ait le droit de faire résoudre le contrat pour inexécution des deux obligations accidentelles qui nous occupent, c'est un droit dont il n'usera pas, car la résolution du gage le priverait de sa garantie; il pourrait seulement faire prononcer contre le débiteur la déchéance du terme et faire vendre le gage immédiatement pour se rembourser de sa créance principale et des deux créances accessoires.
Quant au dépositaire et au mandataire, ils pourront certainement refuser de conserver plus longtemps un dépôt ou un mandat nuisible ou devenu dispendieux; mais ce sont précisément des contrats auxquels on peut renoncer, même dans les circonstances ordinaires (v. art. 915 bis et 947- 2°); il n'y a donc ici aucune application de la résolution propre aux contrats synallagmatiques.
IIe Question. Pour ce qui concerne la rédaction des actes, il est également nécessaire de distinguer entre les divers actes en question.
Pour le dépôt, il ne sera évidemment dressé qu'un original qui restera aux mains du déposant: lui seul a une créance certaine; et lors même que le dépositaire recevrait un double de l'acte, cela ne prouverait pas qu'il a fait des dépenses de conservation ou éprouvé un préjudice du dépôt.
Au contraire, le mandat exigera deux originaux: un d'abord pour le mandant, afin qu'il puisse réclamer une indemnité au cas d'inexécution et, le plus souvent, des restitutions; un autre pour le mandataire, afin qu'il puisse se prévaloir de sa qualité, tant vis-à-vis du mandant que vis-à-vis des tiers: autrement, il ne pourrait agir que comme gérant d'affaires, ce qui est fort différent (v. art. 382 et 383).
Enfin, au cas de contrat de gage, il faudra également deux originaux: l'un pour le débiteur qui fournit le gage, afin de lui assurer la restitution lorsqu'il payera et les indemnités au cas de négligence du créancier; l'autre pour le créancier gagiste, afin qu'il ait la preuve de son droit réel et soit ainsi à l'abri d'une revendication anticipée.
On voit par là qu'il n'est pas toujours nécessaire qu'un contrat soit synallagmatique pour nécessiter la rédaction en double original.
On peut dire cependant qu'il subsiste toujours une différence notable entre les contrats synallagmatiques parfaits et ceux qui ne le sont qu'imparfaitement: pour les premiers, la rédaction d'un double original a le caractère d'une condition d'existence fondée sur l'intention présumée des parties (v. c. fr., art. 1325; Proj., art. 1342), tandis que, pour les seconds, elle n'est qu'une sage précaution à prendre pour la preuve.
23 bis. Nous avons établi plus haut (n° 21 bis) que le prêt à usage est un contrat synallagmatique parfait. Il semblerait naturel, dès lors, de le faire entrer sous la double règle qui donne intérêt à cette distinction des contrats: action résolutoire pour inexécution des obligations, nécessité d'un double original.
Pour la nécessité du double, cela est certain: le prêteur devra avoir une preuve de son droit à la restitution de la chose et aux réparations au cas de négligence; l'emprunteur de son côté, aura besoin d'un titre pour se défendre contre une revendication anticipée.
Nous disons, avec intention, " contre la revendication," parce que si le prêteur voulait agir avant le terme, en vertu de son droit personnel, il serait obligé d'invoquer son titre de prêt et l'on y verrait le terme par lui consenti, car sans doute l'emprunteur l'aurait exprimé; mais si le prêteur agit en revendication, il peut prouver j son droit autrement que par l'acte de prêt et c'est alors # que l'emprunteur a besoin d'avoir un titre délivré par le prêteur.
A l'égard de la résolution pour inexécution des obligations respectives, le prêteur y a droit évidemment, si l'emprunteur mésuse de la chose; mais si le prêteur méconnait son obligation en agissant avant le terme, l'emprunteur le repoussera purement et simplement et il se gardera bien de demander la résolution qui le priverait du bénéfice du prêt; sous ce rapport, il est dans la même position que le créancier gagiste auquel le gage serait réclamé avant le terme et avant le remboursement de la dette (4).
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(2) C'est aussi l'opinion que nous avions adoptée dans les deux précédentes éditions. Mais une discussion approfondie au sein de la Commission nous a amené à changer d'avis sur ce point. Les motifs de ce changement ressortent de la réfutation que nous donnons de l'opinion contraire.
(3) C'est là surtout l'objection que nous a faite la Commission et à laquelle nous nous sommes rendu, ne pouvant aller jusqu'à reconnaître un droit réel à l'emprunteur à usage.
(4) Pour répondre au vœu de la Commission, nous avons fait valoir les puissantes raisons qui militent en faveur du caractère synallagmatique du prêt à usage et nous sommes arrivé à une conviction personnelle en ce sens. Il nous reste pourtant un dernier scrupule, c'est que nous avons là un contrat synallagmatique qui est en même temps gratuit ou de bienfaisance, deux caractères ordinairement incompatibles.
Art. 319. — 24. Le mot onéreux vient du latin omis, " charge: " dans le contrat à titre onéreux, il y a charge, sacrifice des deux côtés. La définition donnée ici n'est pas celle du Code français qui dit (art. 1106) que le contrat onéreux "est celui qui assujettit chacune des parties à donner ou à faire quelque chose." Cette définition tendrait à confondre le contrat onéreux avec le contrat synallagmatique, ce qui serait une erreur. Sans doute, le contrat synallagmatique est toujours onéreux (sauf le prêt à usage, voy. note 4), puisque chaque partie y est obligée; mais la réciproque n'est pas vraie. Ainsi, le contrat de prêt à intérêt est à titre onéreux et cependant il n'y a que l'emprunteur qui soit obligé: il doit rendre le capital et y ajouter les intérêts; le prêteur, il est vrai, supporte aussi une charge, il fait un sacrifice, car il se prive temporairement de son capital; mais ce n'est pas une obligation: il n'est pas assujetti, puisqu'avant de prêter, il n'y était pas tenu et qu'après avoir livré les espèces il n'a aucune obligation; c'est que ce contrat ne se forme que par la remise de la chose prêtée, et, de ce chef, on va le retrouver dans la division suivante. La nouvelle définition, par le mot de sacrifice, fait ou à faire, substitué à celui d'assujettissement, ne donne donc pas prise à la critique précédente.
Outre le prêt à intérêt on peut encore citer comme étant onéreux sans être synallagmatiques, les contrats qui opèrent novation d'une obligation, en en changeant l'objet ou un autre élément; chaque partie y fera "un sacrifice: " le créancier, en abandonnant son droit antérieur, le débiteur en contractant une nouvelle dette (voy. art. 511 et s.).
Le contrat à titre gratuit est aussi appelé " de bienfaisance;" le Code français (art. 1105) explique l'une de ces expressions par l'autre, ce qui est insuffisant; il a aussi le tort, plus grave, de considérer la partie " qui donne" et non celle " qui reçoit," ce qui dénature la physionomie du contrat. La définition ici proposée met bien en relief la gratuité du contrat qui consiste à recevoir sans rien donner."
La loi suppose que le sacrifice peut être fait " en faveur d'un tiers." Les stipulations faites dans un contrat en faveur de personnes qui n'y sont pas parties ne sont valables que sous certaines distinctions dont il serait prématuré de parler ici; on les trouvera ci-après (art. 344); mais celui qui reçoit à charge de donner à un tiers reçoit à titre onéreux.
Comme contrats de bienfaisance ou gratuits, on citera, en première ligne, la donation (a); puis le prêt de consommation sans intérêts et le prêt à usage, qui cons- * tituent, au profit de l'emprunteur, des services purement gratuits; le dépôt et le mandat, où le service est rendu par le dépositaire et le mandataire; le cautionnement où se présente cette singularité que la caution rend un service gratuit au débiteur, en s'obligeant avec lui et pour lui, tandis que le contrat est onéreux entre elle et le créancier, si, au moins, il a déjà ce caractère entre le créancier et le débiteur principal.
25. La distinction des contrats en gratuits et onéreux n'est pas, en droit français, moins importante que la précédente, mais dans d'autres ordres d'idées; ain:.;Í d'abord, les contrats à titre gratuit exigent une capacité plus grande que les contrats onéreux: par exemple, les personnes qui n'ont que le pouvoir d'administrer, soit les biens d'autrui, soit les leurs, peuvent faire des actes onéreux (et non pas tous encore), mais elles ne peuvent faire d'actes gratuits sur ces biens, parce que ce serait les diminuer sans compensation; ainsi encore, les créanciers d'une personne insolvable peuvent critiquer et faire révoquer ses actes gratuits plus facilement que ses actes onéreux; enfin, la donation, l'acte gratuit le plus important, est soumise à des formes solennelles qui tendent à protéger le donateur contre son propre entraînement et contre la captation des gens cupides.
Ces différences passeront sans doute, plus ou moins entières, dans le Projet japonais, parce qu'elles sonl justes et raisonnables.
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(a) On rencontre presque toujours le testament à côté de la donation; cependant, ici, il n'en peut être question; le testament est bien un acte de bienfaisance, une libéralité; mais il n'est pas l'œuvre de deux volontés, il n'est pas une convention.
Art. 320. — 26. Le consentement, dont il sera parlé longuement au § suivant, est de l'essence des contrats et conventions, c'est-à-dire qu'il est indispensable à leur formation et, en général, il y suffit, surtout dans les temps modernes, où la loi n'exige de formalités dans les actes juridiques que lorsqu'il y a pour cela quelque nécessité particulière, comme dans la donation précitée et la convention d'hypothèque (v. art. 121 1).
La vente, l'échange, le louage, la société, le mandat le cautionnement, sont des contrats purement consensuels. On doit y ajouter la donation, quoiqu'elle soit soumise justement à l'une de ces formalités déjà mentionnées plus haut, ce qui lui donne la première place dans la division suivante: comme la donation n'est pas un des contrats réels dont on va parler et comme cependant elle doit rentrer dans la présente division, elle est consensuelle au point de vue qui nous occupe.
27. Le contrat réel est celui qui exige que la chose (res), objet du contrat, soit remise ou livrée au moment de sa formation; tels sont: les deux sortes de prêts, le dépôt et le gage.
Cette condition de tradition n'est pas arbitraire: on la trouve dans toutes les législations, ou, tout au moins, la pratique l'y supplée, quand elle n'est pas écrite dans la loi, parce qu'elle est dans la nature des choses.
Ces quatre contrats, en effet, ont pour objet essentiel d'obliger quelqu'un et rendre une chose et même (le prêt de consommation excepté) à la conserver avec soin jusqu'à la restitution; or, on ne peut être tenu de conserver et de rendre que ce que l'on a préalablement reçu.
Le gage se concevrait, à la rigueur, sans tradition: la raison ne s'opposerait pas à ce qu'une chose mobilière fût affectée à la garantie d'une dette, tout en restant en la possession du débiteur, comme y reste un immeuble hypothéqué; mais ce serait alors une hypothèque véritable, une hypothèque mobilière, telle que le droit romain la permettait; ses dangers l'ont fait, du reste, abandonner dans les temps modernes et on ne proposera pas d'y revenir au Japon: le gage ne doit être valable " qu'autant que la chose a été remise et est restée aux mains du créancier " (voy. c. civ. fr., art. 2076; Proj., art. 1107).
On a dit que la tradition, dans les quatre contrats réels (le nombre est limitatif), doit précéder la convention ou l'accompagner: elle la précède, lorsque, la chose se trouvant déjà dans les mains du futur débiteur, à un autre titre, à titre de louage, par exemple, il est convenu qu'il la gardera en prêt à usage, en dépôt ou en gage; elle pourrait même être déjà dans ses mains en vertu d'un premier contrat réel, par exemple, d'un dépôt, et on lui permettrait d'en user comme étant prêtée, ou d'un prêt à usage et on la lui laisserait en gage. Dans ces cas, le débiteur est censé avoir rendu la chose en vertu du titre précédent et l'avoir immédiatement reçue en vertu du nouveau titre; c'est ce qu'on appelle la "tradition de brève main: " au lieu de deux livraisons successives et contraires, on n'en fait aucune; on laisse la chose aux mains où elle est (v. T. 1er, art. 203 et n° 298 note a).
Dans les autres cas, la chose est livrée au moment même du contrat.
L'utilité pratique de cette division des contrats se trouve expliquée par ce qui précède: elle revient à dire quand le contrat existe et quand il n'existe pas.
28. Au surplus, on pourrait concevoir que quelqu'un eût promis de prêter une chose (à usage ou à consommation) ou de la donner en gage, et n'eût pas encore fait la tradition; cette promesse ne serait pas encore un prêt ni un contrat de gage, mais elle serait obligatoire comme un des contrats innommés dont il sera parlé plus loin. Ce cas serait bien différent du prêt, puisque c'est le futur prêteur qui serait l'obligé et le futur emprunteur le créancier. S'il y avait eu promesse de gage pour une dette déjà née, ce serait le débiteur qui serait tenu de cette nouvelle obligation, tandis que, s'il avait déjà fourni le gage, il serait créancier de la restitution. Enfin, si quelqu'un avait promis de recevoir un dépôt, il aurait bien une obligation de faire, mais il n'aurait pas celles d'un dépositaire qui sont de conserver et de rendre.
Ces théories sont évidemment délicates, mais elles sont d'une grande importance, au moins pour les jurisconsultes exacts, et elles ont l'avantage, assez rare, d'être hors de discussion.
Art. 321. — 29. Dans le droit romain, il y avait beaucoup de contrats solennels; la solennité, il est vrai, ne consistait pas toujours dans l'intervention d'un officier public ou d'un magistrat: elle consistait, le plus souvent, dans des formules déterminées que prononçaient les parties, en présence de témoins; la précision de ces formules frappait l'esprit des contractants qui se rendaient ainsi un compte exact de leurs droits et de leurs devoirs, et le souvenir des témoins était aussi mieux assuré. Le progrès des temps a permis d'affranchir les contractants de ces entraves mises à leur liberté; les parties comprennent aisément quand elles s'obligent, et quand elles acquièrent un droit de propriété ou une créance, et les témoins qui comprendraient les actes juridiques s'ils y étaient parties, ne les comprennent pas moins lorsqu'il s'agit pour eux d'en témoigner.
Dans les temps modernes, la solennité des contrats, devenue d'ailleurs exceptionnelle, ne consiste plus dans des formules, mais dans l'intervention d'un officier public qui rédige l'acte conformément à ses règles propres, après avoir reçu les déclarations des parties, leur en donne lecture et signe avec elles, en mentionnant cette lecture faite ainsi que leur signature ou la cause qui les a empêchées de signer. Les témoins doivent être présents à la lecture de l'acte et le signer effectivement (v. L. fr. sur le notariat, du 25 ventôse an xi, art. 8 et s.; L. du 21 juin 1843).
Il n'y a actuellement en droit français que cinq contrats solennels; deux sont relatifs à l'état des personnes: le mariage et l'adoption; trois sont relatifs aux biens: la donation entre-vifs, les conventions matrimoniales, la constitution d'hypothèque. Tous les autres contrats sont non solennels et peuvent se faire hors la présence d'un officier public.
30. Il ne faut pas confondre d'ailleurs, comme on le fait quelquefois, les cas où la solennité est exigée pour la formation du contrat avec ceux où elle est exigée pour sa preuve. En France, il y a plusieurs cas où la loi exige que la preuve écrite soit authentique et où elle n'admet pas un acte sous signature privée (art. 1250-2° et 1690); mais comme il ne s'agit que de la preuve et non de l'existence du contrat, on doit admettre qu'à défaut d'acte authentique, la preuve peut se faire par l'aveu du débiteur ou par le serment du créancier, si le débiteur a déclaré s'y référer (v. art. 1356, 2' al., 1358 et 1361).
La distinction des contrats en solennels et non solennels a, comme la précédente, une importance qui se révèle dans la définition même; il n'y a donc pas à s'y arrêter davantage.
Le Projet japonais présentera aussi quelques cas de contrats solennels; ils ne sont pas encore tous déterminés (b).
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(b) Déjà 1ft convention d'hypothèque est soumise à la forme authentique (v. art. 1211); c'est au Livre 111°, XIe Partie, que l'on compte proposer la forme authentique pour la donation entre-vifs et le contrat de mariage.
Art. 322. — 31. Cette 58 division est celle que le Code français donne, dans l'article 1104, sous le nom de contrats commutatifs ou aléatoires. Le Projet remplace la dénomination de commutatifs par cellle de fermes.
Voici le motif de l'abandon de la première qualification et la raison du choix de la nouvelle.
Le mot "commutatif" (du latin mutare cum, "changer avec, échanger ") indiquerait les contrats où il y a échange de valeurs, soit de choses, soit de services; or, ous les contracts a titre onéreux présentent ce caractère; il n'y a que les contrats de bienfaisance ou à titre gratuit où il n'y ait pas cet échange de valeurs. Le mot commutatif devrait donc être considéré comme synonyme de onéreux et opposé à gratuit. Le Code français oppose les contrats commutatifs aux contrats dits aléatoires (du latin aie a, "dé à jouer, hasard"); or, dans les contrats aléatoires, les chances doivent être égales ou si elles sont inégales, il doit y avoir quelque autre compensation; il y a donc aussi échange de valeurs, fût-ce échange de chances et de risques, et les contrats aléatoires sont aussi bien commutatifs que les autres. On ne s'explique guère que cette expression de contrats commutatifs, qui ne paraît pas avoir été employée par les Romains dans ce sens impropre, se soit introduite dans le droit français et n'ait peut-être jamais été critiquée. Le Projet y substitue celle de contrats fermes.
Le mot ferme signifie stable, solide: il fait bien opposition à ce qui est fragile, incertain, soumis au hasard. D'ailleurs, le mot ferme a déjà un emploi consacré dans la pratique des opérations de Bourse, pour désigner les achats irrévocables, par opposition aux achats à prime dont on peut se dédire en sacrifiant une somme assez faible, mais proportionnelle au montant des valeurs achetées; ces. derniers achats sont bien aléatoires.
32. Dans cette division, on trouve des contrats qui, de le,ur nature, sont toujours altéatoires, les autres ne le sont que parce que les parties leur ont volontairement donné ce caractère.
Sont toujours aléatoires: 1° le jeu et le pari; mais ces contrats ne sont que très exceptionnellement permis par les lois (voy. art. 810 et s.); 2° le contrat de rente viagère (art. 814 et s.); 3° la constitution d'usufruit, toujours viagère (art. 56 et s); 4° le prêt maritime dit "prêta la grosse aventure;" 5° le contrat d'assurance contre les risques, soit maritimes, soit terrestres, avec les nombreuses applications qu'il reçoit dans les temps modernes et qui tendront toujours à se multiplier (v. art. 828 et s.).
Les autres contrats sont fermes, de leur nature; mais les parties peuvent leur donner le caractère aléatoire, en les faisant dépendre du hasard, soit pour leur existence, soit pour tout ou partie de leurs effets (v. art. 806 et 808). Ainsi, chaque fois qu'un contrat ou les obligations qui en résultent sont soumis à une condition, soit suspensive, soit résolutoire (v. art. 428 et s.), il prend un caractère aléatoire, et cela, non seulement quand la condition est purement easuelle ou fortuite, mais même lorsqu'elle dépend de la volonté du créancier, laquelle est un véritable hasard pour le débiteur. Ainsi encore, les contrats qui sont accompagnés d'une dation d'arrhes, permettant à, l'une des parties ou à chacune d'elles de se départir du contrat, moyennant la perte des arrhes ou leur restitution au double (v. c. civ. fr., art. 1590; Proj., art. 666), ont un caractère aléatoire: ce sont de véritables contrats à prime, comme les opérations de Bourse dont on parlait tout à l'heure. Il en est de même des ventes et l'essai ou des ventes de choses qu'il est dans l'usage de goûter avant de les agréer (v. c. civ. fr., art. 1587 et 1588; Proj., art. 668; v. aussi Comment, de l'art. 446 ci-après). Mais, habituellement, on ne donne guère le nom d'aléatoires qu'aux contrats qui sont tels par leur nature.
32 bis. Ce n'est donc pas seulement par la substitution du mot ferme au mot commutatif que le Projet s'écarte du Code français, dans cette division des contrats, c'est encore dans la détermination des contrats aléatoires: spécialement, en disposant que l'adjonction d'une condition, soit suspensive soit résolutoire, à une convention quelconque, la rend aléatoire quant à son existence (art. 322, 3e al., voy. aussi art. 808).
Le Code français, plus explicite dans son article 1964 que dans l'article 1104, ne paraît admettre comme aléatoire que le contrat dont " les effets, quant aux avantages et aux pertes, dépendent d'un événement incertain;" le Projet, en y ajoutent le contrat dont l'existence même dépend du hasard, croit que cela doit être a fortiori, à plus forte raison; car l'influence du hasard, heureuse ou non, n'y sera que plus considérable. Il ne serait même pas difficile de soutenir, en droit français, que la condition, par cela même qu'elle tient en suspend l'existence du contrat, en suspend aussi les effets, tous les effets.
On nous a objecté cependant, au moins quant à L'interprétation du Code français, que, lorsque le contrat est affecté d'une condition, il n'y a pas d'avantages ou de pertes qui dépendent de la condition, puisque, si elle s'accomplit, les avantages seront ceux qui ont été déterminés et prévus par la convention, et que si elle fait défaut, les parties se retrouveront dans la même situation que s'il n'y avait pas eu de convention.
Nous répondons que les stipulations subordonnées à une condition sont toujours différentes des stipulations pures et simples ou à terme; par exemple, celui qui vend sa maison sous condition suspensive ou sous condition résolutoire la vendra nécessairement pour un prix moindre que s'il conférait un droit certain et irrévocable: la perte du vendeur et l'avantage de l'acheteur dépendent donc d'un événement futur et incertain.
33. L'intérêt pratique de cette division des contrats ne passe pas pour être aussi considérable que celui des autres divisions; on n'en cite ordinairement qu'un: ces contrats ne sont pas sujets à la rescision pour lésion, dans les cas où les contrats fermes le seraient; or, la rescision pour lésion étant déjà très rare pour ces derniers, sa suppression dans les contrats aléatoires n'aurait pas une grande importance. Cette différence n'est même pas entière; car on pourrait trouver une lésion dans un contrat aléatoire où, tout en supposant que les chances seraient le plus favorables à l'une des parties, cel!e-ci serait encore lésée. Ainsi, la vente ferme d'immeuble est sujette à rescision pour lésion, si le vendeur est lésé de plus de moitié du prix véritable que vaut l'immeuble (v. art. 733) (c); or, si l'on suppose que le prix consiste dans une rente viagère, seulement égale ou à peine supérieure au revenu annuel de l'immeuble, il est clair que le vendeur est lésé, lors même qu'on lui supposerait les plus grandes chances de longévité.
Cette prétendue différence est donc à peine admissible (1).
On en peut présenter deux autres plus sérieuses et qui cependant sont généralement négligées.
34. Si un contrat aléatoire est résolu pour inexécution des conditions par l'une des parties, les choses ne devront pas être remises dans l'état primitif, comme dans la résolution des contrats fermes: ce résultat serait inique, puisque la partie qui manque à ses engagements a déjà couru des chances défavorables; on doit donc lui laisser une compensation correspondant aux chances favorables qui lui étaient dues et qu'elle va perdre. Ainsi, celui qui avait reçu un capital à charge de servir une rente viagère, a cessé de payer les arrérages après un certain temps; il ne serait pas juste, en prononçant la résolution, de se borner à lui restituer la portion des arrérages payés qui excédait le taux légal ou ordinaire: il faudrait lui rendre davantage, parce qu'il aurait eu la chance de voir cesser sa dette, d'un moment à l'autre, et de gagner irrévocablement le capital par le décès du rentier-viager. De même, si, dans le contrat d'assurance dit " sur la vie," l'assuré cesse de payer la prime annuelle, le contrat ne sera résolu que moyennant une indemnité calculée sur la durée du temps pendant lequel il a déjà payé ses primes (voy. art. 868).
34 bis. Une autre différence nous paraît devoir être signalée: soit que les effats seuls de la convention, soit que son existence même dépendent du hasard, une convention aléatoire ne doit pas, en général, être permise à ceux qui n'ont que l'administration de leurs biens ou des biens d'autrui; les administrateurs ne peuvent que conserver ou améliorer le patrimoine qu'ils gèrent et non le compromettre; 01', un contrat aléatoire peut améliorer, mais il peut aussi compromettre un patrimoine, à l'occasion d'un de ses biens. Il faut cependant excepter le contrat d'assurance, parce que, bien qu'aléatoire de sa nature, il est, du côté de l'assuré, un acte de très sage administration.
Par application du principe prohibitif énoncé plus haut, nous considérons comme interdite l'insertion d'une condition suspensive ou résolutoire dans une vente sur saisie ou sur poursuite hypothécaire et, généralement, dans toute vente pour laquelle la loi prescrit les enchères publiques comme moyen d'en obtenir le plus haut prix.
Remarquons enfin que, dans le Projet, la division des contrats en fermes et aléatoires est aussi large que les précédentes et comprend tous les contrats, aussi bien les contrats gratuits que les contrats onéreux; tandis que dans le Code français, la division correspondante n'est qu'une subdivision des contrats synallagmatiques et par conséquent onéreux, car l'article 1104 dit que dans ces contrats u chacune des parties n'engage à donner ou à faire quelque chose, etc."
Du moment que, d'après le Projet, l'adjonction d'une condition rend le contrat aléatoire, une donation conditionnelle sera aléatoire, et une donation pure et simple ou à terme sera ferme. Il n'y a là aucun inconvénient.
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(1) Elle ne pourra même pas être signalée sous le Code officiel, car on n'y a pas admis la rescision ponr lésion dans la vente, ni même dans le partage (v. n° 49, note 1).
(c) Cette lésion de plus de! moitié est empruntée au droit romain et à l'ancien droit français. En droit français actuel elle doit être de plus 7/12es de la valeur véritable (voy. c. civ., art. 1674).
Art. 323. — 35. Cette 68 division rappelle, dans une certaine mesure, celle de l'article 16 qui, de même, distingue les Choses en principales et accessoires.
Certains contrats sont toujours principaux, nécessairement et de leur nature, tandis que d'autres ne peuvent être qu accessoires; mais c'est le plus petit nombre: la plupart des contrats ou conventions ont l'un ou l'autre de ces caractères, suivant l'intention des parties, laquelle peut, ou être formellement exprimée, ou s'induire des circonstances.
Sont toujours principaux, les deux contrats solennels qui sont la base de la famile: le mariage et l'adoption; on ne comprendrait guère, en fait, que de pareils contrats fussent accessoires d'autres contrats, en tout cas, la loi ne le permettrait pas.
Sont toujours accessoires, le cautionnement, le nantissement, l'hypothèque, qui sont des contrats de garantie (voy. art. 2).
Mais la vente, le louage, la société, le prêt, qui sont le plus souvent principaux, peuvent aussi être accessoires. Par exemple, on vend une maison, pour un prix déterminé, et l'on vend aussi les meubles qui la garnissent, pour un prix spécial; il est naturel de croire que cette vente des meubles est accessoire de l'autre, et la conséquence, indiquée par le texte, est que, si la vente de la maison n'était pas valable, à cause d'un vice du contrat, la vente des meubles, même correcte en elle-même, serait entraînée dans la même nullité. Un louage pourrait être aussi l'accessoire d'une vente: par exemple, si l'on donnait à loyer un terrain contigu à une maison vendue, ou des instruments agricoles ou industriels dont l'acheteur aurait momentanément besoin. Le prêt de consommation pourrait aussi être l'accessoire d'un louage; si par exemple, un fermier avait besoin d'une avance de capitaux pour commencer l'exploitation du fond loué.
La question de savoir si un contrat est principal, ou accessoire d'un autre, est une question de fait que les tribunaux apprécieront d'après les circonstances. On verra au § iv quelques règles d'interprétation des conventions; mais pour ne pas revenir, à cette occasion, sur la présente division des contrats, on fera remarquer ici que si deux contrats dont il s'agirait d'apprécier le caractère respectif ont la même date, il sera naturel de considérer comme contrat principal celui qui se trouvera le plus important par les valeurs mises en mouvement; s'ils ont des dates différentes, le principal sera le premier en date, car il n'est pas admissible qu'après sa formation définitive, on l'ait subordonné au sort d'un contrat postérieur; ce résultat ne pourrait être admis que s'il y avait une déclaration formelle des parties en ce sens.
36. Le grand intérêt de la division des contrats en principaux et accessoires est dans l'influence que peut avoir la nullité de l'un sur l'existence de l'autre. A cet égard, le texte pose deux règles dont chacune reçoit une exception.
La première règle est que la nullité du contrat principal entraîne celle du contrat accessoire. L'exception s'applique aux contrats accessoires dits de garantie, qui peuvent avoir été consentis justement pour tenir lieu du contrat principal, au cas où il serait annulé. Ainsi, quelqu'un a cautionné un mineur; celui-ci, plus tard, fait annuler son engagement: la caution restera tenue (v. c. civ. fr., art. 2012; Proj., art. 1009). Un vendeur s'est formellement soumis à une obligation d'indemnité déterminée, pour le cas où l'acheteur serait évincé (c'est ce qu'on nomme la garantie de fait, par opposition à la garantie de droit qui est due en vertu de la loi et sans convention); l'acheteur est ensuite évincé, ce qui entraîne la nullité de la vente, car la vente de la chose d'autrui est nulle (voy. c. civ. fr., art. 1599; Proj., art. 679); mais l'obligation de garantie subsistera, car elle n'a pas eu d'autre but que de suppléer à la nullité de la vente.
Dans ces deux cas, on pourrait dire, en théorie pure, que la convention de garantie est moins une convention accessoire qu'une convention principale sous condition; mais la loi a préféré lui laisser le nom d'accessoire' qu'on lui donnera toujours en pratique, et lui appliquer une règle exceptionnelle. On peut encore citer, comme convention accessoire subsistant malgré la nullité de la convention principale, la stipulation d'une clause pénale, lorsqu'elle a pour objet justement de suppléer à cette nullité et que celle-ci n'est d'ailleurs pas fondée sur un principe d'ordre public, cas auquel la convention accessoire serait nulle également (v. art. 343,4 e al. et 344,28 aL).
La seconde règle est que la nullité du contrat accessoire ne porte pas atteinte à la validité du contrat principal; la loi ne l'exprime pas comme allant de soi; elle se borne à indiquer un cas qui y fait exception, celui où le lien des deux contrats est si intime qu'ils sont indivisibles dans l'intention des parties: par exemple, accessoirement à la vente d'un terrain, le vendeur a concédé sur un fonds contigu, une prise d'eau nécessaire à l'exploitation agricole ou industrielle que va entreprendre l'acheteur; si la constitution de la servitude ne peut produire d'effet, parce que le constituant n'est pas propriétaire de la source, la vente du terrain pourra être considérée elle-même comme nulle, parce que les deux contrats sont vraisemblablement indivisibles dans l'intention des parties.
On pourrait peut-être prétendre, en théorie, comme pour l'exception à la première règle, que, dans ce cas, les deux contrats sont principaux, c'est-à-dire égaux en importance, de sorte qu'il n'y ait réellement pas d'exception; mais, ici encore, la pratique considérera la vente de la servitude comme accessoire de la vente du fonds. D'ailleurs, ce qui importe, c'est d'adopter la solution même, plutôt que de rechercher si elle vient de la règle ou d'une exception.
Art. 324. — 37. Presque tous les contrats qui ont été pris pour exemples, au sujet des six divisions précédentes, sont des contrats nommés; aussi n'a-t-il pas été nécessaire d'en indiquer l'objet pour les faire connaître: quand on cite la vente, le louage, le prêt, etc., il n'est pas besoin, pour être compris, de les définir ni d'en rappeler le but.
Au contraire, quand nous avons pris pour exemple la novation, il a fallu en expliquer le but et le caractère; bien que ]a novation ait ce nom même et que la loi en pose les règles, il n'est pas d'usage de la considérer comme un contrat nommé: elle est moins envisagée dans la loi comme source d'obligation nouvelle, comme cuntrat, que comme cause d'extinction d'une obligation antérieure. Le contrat d'assurance terrestre, cité comme exemple de contrat aléatoire, est, en droit français, un contrat innommé (quoiqu'il n'y ait pas besoin d'une. périphrase pour le désigner), parce qu'il n'est pas réglé par la loi, mais seulement par la convention des parties
On doit encore considérer comme contrats innommés: l'échange de services, les promesses de prêt, de gage ou d'hypothèque, et celle de recevoir un dépôt, dont il a été parlé sous l'article 320.
La plupart des auteurs considèrent encore comme contrats innommés: la convention par laquelle on reçoit les soins d'un médecin, celle par laquelle on charge un avocat d'un procès, celle par laquelle on prend pour soi ou pour autrui les leçons d'un professeur de sciences, de lettres ou de beaux-arts, moyennant une rétribution en argent; d'autres les font rentrer dans le mandat; quelques-uns dans le louage de services; mais le Projet s'écartera de ces diverses solutions (voy. art. 962).
38. Chez les Romains, il y avait un peu moins de contrats nommés que dans les temps modernes; il v avait donc plus de contrats innommés. Ainsi, l'échange, aussi bien de propriété que de services, n'ayant pas été réglé d'une manière spéciale par la loi, n'était qu'un contrat innommé. Mais ce qui est bien plus important à signaler dans cette législation, comme différence entre les deux sortes de contrats, c'est que, chez les Romains, les contrats innommés ne se formaient pas, comme aujourd'hui, par le seul consentement des parties; ainsi, la promesse d'échange n'était pas obligatoire civilement, elle ne donnait pas d'action en justice à chaque partie respectivement: pour que l'action naquît, il fallait que l'une des parties eût exécuté sa promesse; alors seulement, celle-là pouvait poursuivre l'autre en exécution de la sienne. Il en était de même pour tous les autres contrats innommés: ils étaient appelés contrats réels, car ils naissaient moins du consentement que de la tradition d'une chose ou de l'exécution d'un fait. On les ramenait à quatre hypothèses dont la formule est restée célèbre et est souvent employée dans les temps modernes, avec une portée plus générale: "je donne pour que tu donnes (do ut des), je donne " pour que tu fasses (do ut facias), je fais pour que tu " donnes (facio ut des), je fais pour que tu fasses (facio " ut facias)." Le premier cas comprenait l'échange de propriété, le second et le troisième, l'échange de services pour une valeur autre qu'un prix en argent, le quatrième cas, l'échange de services contre des services. Si les services avaient été rendus pour une valeur en argent, le contrat eût été un louage, contrat nommé, purement consensuel, obligatoire des deux côtés avant l'exécution.
Aujourd'hui ces subtilités ont disparu: le contrat innommé est toujours obligatoire par le seul consentement: la promesse de services contre des services n'est pas plus un louage qu'elle ne l'était chez les Romains, parce qu'il n'y a pas de louage de services sans un prix en argent; mais elle est, pour chacune des parties, tout aussi obligatoire qu'un louage; la promesse de prêt n'est pas un prêt, mais celui auquel elle a été faite peut en exiger la réalisation immédiate ou au temps convenu.
39. Le texte du présent article nous indique, pour chacune de ces classes de contrats, deux sources de règles à y appliquer: aux contrats nommés, leurs règles propres, chaque fois qu'il en existe dans la loi, et pour les points non spécialement réglés, le droit commun des conventions, les Règles générales qui forment cette IIe Partie tout entière; aux contrats innommés: en principe, les présentes règles générales, et, par exception, les règles spéciales à celui des contrats nommés avec lequel ils ont le plus d'analogie.
Ce dernier point demande seul quelques observations.
Il faut chercher l'analogie dans les choses et non dans les mots. Ainsi l'échange de services devra se régler par analogie avec le louage de services et non avec l'échange de propriété; la promesse de prêt, soit à usage, soit de consommation, celle de gage, n'ont aucune analogie avec le prêt ou le gage effectué. On a déjà fait remarquer, sous l'article 320, que les rôles des parties y sont tout-à-fait inverses; de même, pour la promesse de recevoir un dépôt: il y a là des obligations de faire innommées et soumises uniquement aux présentes règles des conventions en général.
Quant au contrat d'assurances terrestres, sa frappante analogie avec l'assurance maritime ne suffit pas à le régler; aussi présente-t-il des difficultés sérieuses en droit français, en l'absence de textes spéciaux; le Projet japonais aura soin de les prévenir, en établissant des règles propres à cette convention, ce qui en fera un contrat nommé (voy. art. 828 et s.).
SOMMAIRE.
Art. 325 et 326. -N° 40. Distinctions entre l'existence et la validité, entre la nullité radicale ou absolue et la nullité relative ou l'annulabilité. - 41. Inexactitude et insuffisance du Code français, à cet égard.
I. -Conditions d'existence des conventions.
N° 42. - A. Consentement: étymologie. -13. B.
Objet: distinction entre les corps certains ou déterminés et les choses de genre ou de quantité (choses fongibles). -44. Choses " dans le commerce ou à la disposition des parties." -45. C. Cause*: dans les contrats nommés et innommés; cause vraie ou fausse, licite ou illicite; la condition est une cause additionnelle. - 46. D. Solennités: renvoi. -46 bis. E. Tradition.
II. -Conditions de validité des conditions.
N° 47. A. Absence de vices dans le consentement.
-48. B. Capacité des parties: influence de l'âge, de l'état mental, du mariage chez la femme. 49. C. Absence de lésion: exemples du Code français; renvoi. -50. Application et limites de la liberté des conventions particulières sur les conditions d'existence et de validité des conventions en général.
327. -51. Retour aux caractères du consentement; cas où manque celui d'une partie sur plusieurs.
328. -52. Formes et preuve du consentement: paroles, signes, signaux; précautions particulières pour les signes. -53. Consentement tacite.
329. -54. Offre et pollicitation: acceptation, rétractation.
-55. Distinction au sujet de l'assignation d'un délai. -56. Décès ou incapacité de l'une des parties: distinction. -56 bis. Retard ou perte de l'avis expédié: distinctions.
330 et 330 bis. -57. Défaut complet de consentement, par manque d'intelligence ou de volonté, ou par l'effet de certaines erreurs. -58. A. Erreur sur la nature de la convention. —59. B. Erreur sur l'objet. —60. C. Erreur sur la cause et sur le motif. -61. Différence profonde entre l'erreur sur la cause et l'erreur sur le motif. - 62. Exemples de causes et de motifs des conventions. - 63. D. Erreur sur la personne: distinctions dans les divers contrats. —64. Suite: applications de l'article. -64 bis. Erreur sur les qualités de la personne. 331. -65. Erreur sur les qualités de l'objet: distinction du Projet entre les qualités principales et les qualités secondaires. —66. Distinction du Code français entre lesqualités substantielles et les qualités non- substantielles. -67. Présomption que les qualités substantielles sont principales et déterminantes dans l'intention des parties; remarque sur les qualités métaphysiques. -68. Moyen de distinguer les qualités substantielles de celles qui ne le sont pas. -69. Influence, sur cette théorie, soit de la faute de la partie qui s'est trompée spontanément, soit du dol de l'autre partie.
331 bis. -70. Erreurs sur l'époque ou le lieu fixés pour l'exécution delà convention: distinction. -70 bis. Erreurs matérielles de calcul, de nom, de date de lieu, dans la rédaction de l'acte.
332. -71. Erreurs de droit: comparaison du Code français, du Code italien et du Projet japonais: cinq sortes d'erreurs de droit. -72. A. Erreur sur la nature de la convention. - 73. B. Erreur sur ses effets légaux. - 74. C. Erreur sur la cause. — 75. D. Erreur sur les qualités légales de l'objet. —76. E. Erreur sur les qualités légales de la personne. —77 et 78. De la règle que "nul n'est censé ignorer la loi: " sa conciliation avec la nullité pour erreur de droit.
333. —79. Le dol n'engendre pas, par lui-même, un vice du consentement: abandon, à ce sujet, de la théorie des Codes français et italien. -80. Il faut examiner la nature de l'erreur qu'il a causée. -81. Deux modes de réparation du préjudice causé: indemnité en argent, annulation du contrat. -82. En quoi diffère l'annulation à titre de réparation de celle fondée sur un vice du consentement.
334. —83. La violence ou la crainte peut exclure tout-à-fait le consentement; elle peut ne pas venir de l'homme; pouvoir d'appréciation des tribunaux. -84. Cas où elle vicie seulement le consentement. -84 bis. Menaces concernant la personne ou les biens d'autrui. -84 ter. Menace d'un danger légal.
335. -85. Violences ou menaces contre des tiers, parents, alliés ou étrangers aux parties: présomption légale; pouvoir d'appréciation des tribunaux.
336. —86. Violences ou menaces venant des tiers.
337. -87. Dommages-intérêts remplaçant ou accompagnant l'action en nullité.
338. -88. Pouvoirs des tribunaux pour l'appréciation des faits de violence; crainte révérentielle.
339. -89. Preuve des causes d'annulation qui précèdent.
-90. Différence, à ce sujet, entre l'inexistence des conventions et leur annulabilité. - 91 et 92. Des torts respectifs des parties: spécialement, du dol réciproque. 340. -93. A qui appartient l'action en nullité. -94. Anomalip. de l'incapacité pénale
341. -95. Confirmation expresse et tacite des conventions annulables: renvoi aux articles 577 à 583.
342. —96. Retour à l'objet des conventions. -97. Il doit être certain ou déterminé; cela n'exclut pas les choses futures; obligations du promettant, à cet égard. -98. Les contrats aléatoires ne doivent pas dégénérer en paris ou en jeux de hasard. -99. Exception relative aux successions non ouvertes: ses limites. -100. Cas réservés.
343. -101. Suite de l'objet: acte ou abstention illicite ou impossible. -102. Promesse du fait d'autrui: en quel sens elle est nulle; raison de cette nullité et ses limites. -103. Validité de la garantie du fait d'autrui: cautionnement. - 104. Influence favorable de la clause pénale. -104 bis.. Promesse ou garantie de la ratification du tiers.
344. -105. Retour à la cause: l'intérêt est la cause des conventions et des actions. -106. Stipulation pour autrui: en quel sens elle est nulle; raison de cette nullité; influence lavorable de la clause pénale. - 107 et 107 bis. —Cas exceptés de la nullité; sanction de la stipulation dans ces deux cas. -108. Stipulation par un gérant d'affaires i distinction.
345. —109. Les héritiers sont ayant-cause généraux des parties: conséquences, au point de vue actif et passif. -110 et 111. La stipulation et la promesse peuvent être, l'une faite au profit, l'autre mise à la charge d'un seul d'entre eux. Observation sur le droit d'aînesse au Japo',n.
346. -112. Révocation ou transfert de la stipulation faite pour autrui, avant l'acceptation.
347. -113. Preuve du défaut ou du vice de cause.
COMMENTAIRE.
Art. 325 et 326. —40. Le rapprochement des deux premiers-articles de ce § permet de saisir d'un seul coup d'œil les conditions d'existence et de validité des conventions et de distinguer immédiatement les conventions radicalement nulles ou inexistantes de celles qui ne sont que viciées, annulables ou rescindables.
Il y a plusieurs grandes différences entre une convention nulle et une convention annulable.
Lorsque la convention est nulle, la nullité, étant radicale, a lieu de plein droit: elle n'a pas besoin d'être obtenue en justice; en cas de contestation, elle y serait seulement déclarée, comme préexistante; chacune des parties peut s'en prévaloir contre l'autre (ce qui fait dire que la nullité est absolue et non pas seulement relative?), soit pour se soustraire à l'exécution, soit pour la faire réparer, si elle a déjà été accomplie; enfin, ni le temps, ni la volonté des parties ne peuvent valider la convention nulle: elle devrait être refaite (comp. c. civ. fr., art. 1339).
Au contraire, si la convention n'est qu'annulable, l'annulation doit être demandée et obtenue en justice; elle ne peut être demandée que par celle des parties dont le consentement a été vicié ou qui était en état d'incapacité, d'où son nom de nullité relative (a); ennn, le vice de la convention simplement annulable, peut être réparé couvert, par une ratification ou confirmation expresse ou tacite, et même le fait seul, par la partie intéressée, de laisser écouler, sans agir en nullité, le temps fixé par la loi pour l'exercice de l'action équivaut à une ratification tacite (voy. art. 577 à 579; comp. c. civ. fr., art. 1304 et s.).
Il est superflu d'insister sur une dernière différence que le texte de l'article 326 fait suffisamment ressortir: les conditions d'existence des conventions sont nécessaires à leur validité et la réciproque n'est pas vraie, c'est-à-dire que les conditions de leur validité ne font pas nécessaires à leur existence; de même, pour qu'une personne soit valide, il est nécessaire qu'elle vive, tandis que la vie et la santé ne sont pas toujours réunies.
41. Le Code français est loin d'être exact et complet sur cette distinction entre les conditions d'existence et de validité des conventions: dans l'article 1108, il présente comme conditions de simple validité le consentement, l'objet certain et la cause licite, lesquels sont des conditions de l'existence même de la convention, et il n'indique pas tous les caractères que doivent avoir le consentement, l'objet et la cause; on ne les trouve que plus loin (art. 1109 et s., 1126 et s., 1130 et s.).
Bien que la loi doive reprendre successivement chacune des conditions d'existence et de validité des conventions, elles ont un tel lien les unes avec les autres qu'il est nécessaire de donner ici une esquisse rapide de chacune d'elles, en suivant l'ordre indiqué par les deux articles 325 et 326.
I. -CONDITIONS D'EXISTENCE DES CONVENTIONS.
42. A. Consentement. Le consentement est l'accord des volontés; c'est un même sentiment des parties (b); il est tellement essentiel à l'existence de la convention que la définition de celle-ci (art. 317) est presque la même que celle du consentement (c). Le plus souvent, la convention a pour point de départ la proposition d'une des parties, une offre ou une demande, et quand l'autre partie adhère, acquiesce à la proposition, on dit qu'elle consent. Si les deux autres conditions sont remplies, la convention est formée.
Les articles suivants indiqueront comment l'accord des volontés peut être produit et manifesté, et aussi comment il peut manquer ou être vicié.
43. B. Objet. Le second élément essentiel à l'existence de la convention, c'est un objet. La définition même que nous donne l'article 317, dit que cet objet ne peut être que la création ou la translation, la modification ou l'extinction d'un droit, soit réel, soit personnel. Mais le droit à créer ou à transférer, comme objet de la convention, doit lui-même avoir un objet, ainsi qu'il a un sujet actif et un sujet passif; il en résulte que, le plus souvent, par abréviation, on dit de l' objet du droit qu'il est l'objet de la convention. C'est cet objet du droit qui doit, d'après notre article 325, être certain ou déterminé et tel que les parties en aient la disposition.
Si, par exemple, il s'agit d'une obligation à créer (objet de la convention) et qu'il s'agisse de faire ou de donner quelque chose (objet de l'obligation ou de la créance), il faut que le fait à accomplir soit assez déterminé pour que le créancier ne puisse pas exiger plus que le débiteur n'a entendu promettre, et pour que celui-ci ne puisse pas réduire son obligation audessous de ce que le créancier a entendu obtenir. De même, s'il s'agit d'une chose à transférer en propriété et que ce soit une chose individuelle, il faut qu'elle soit assez clairement désignée pour ne pouvoir être confondue avec d'autres de plus ou moins grande valeur, et s'il s'agit d'une quantité, il faut qu'elle soit nettement déterminée en poids, nombre ou mesure.
Outre les choses individuellement désignées, dites corps certains, et les choses de quantité (v. art. 17), il y a les choses qui seraient désignées seulement par leur genre ou par leur espèce. Il ne suffirait pas de désigner par le genre la chose à donner, comme un animal, un arbre, une pierre: placés ainsi en présence de l'un des " trois règnes de la nature " (d), le créancier serait à la discrétion du débiteur ou celui-ci à la discrétion du créancier: tandis que le créancier pourrait exiger une chose d'une très grande valeur, dans le genre indiqué, le débiteur ne manquerait pas d'en offrir une d'une valeur dérisoire. Il suffirait à peine de désigner la chose par son espèce, comme un cheval, un sapin, un pied cube de pierre ou de marbre; peut-être pourraiton, quelquefois, d'après les circonstances et le but que se proposait le créancier, connaître avec plus de précision l'objet compris dans la convention; mais, le plus souvent, la convention serait sans effet juridique ou obligatoire/parce que l'objet ne serait pas assez certain, pas assez déterminé.
44. L'objet doit aussi être de ceux dont les parties aient la disposition." Cette expression répond à celle de " chose dans le commerce " usitée en Europe, où on l'a tirée du droit romain. Le mot commerce, pris ici dans un sens très large, pourrait être équivoque, à cause de son autre sens étroit et spécial. On l'a remplacé par une expression qui serait, au besoin, la définition des " elioses.. dans le commerce." Il y a d'ailleurs ici une plus grande exactitude que dans l'expression usitée: lorsqu'on parle de choses qui sont ou ne sont pas dans le commerce, on parle d'une manière absolue, abstraction faite des personnes; ainsi, on dit qu'une chose " n'est pas dans le commerce," quand personne n'en peut disposer avec profit (v. art. 27); tels sont les objets dont la fabrication, la vente ou la possession sont prohibées; tels sont encore les actes illicites ou défendus, soit par les lois, soit par les bonnes moeurs. D'un autre côté, il y a des choses qui ne sont pas dans le commerce pour certaines personnes et qui y sont pour d'autres; l'obstacle à la convention, à l'égard de ces choses, n'est plus absolu * mais seulement relatif. Ainsi, les biens des particuliers sont, en général, dans le commerce, en ce. sens que le propriétaire en peut disposer; mais ils sont hors du commerce pour tout autre que lui; c'est ce qui expliquera, le plus naturellement, en son lieu, que ”la vente de la chose d'autrui est nulle " (voy. art. 679; comp. civ. fr., art. 1599): une chose n'est pas dans le commerce pour un vendeur non propriétaire; on pourrait seulement promettre de se procurer la chose d'autrui et de la céder ensuite: on aurait alors promis son propre fait, on aurait contracté une obligation de faire (e).
L'expression adoptée par le Projet tient compte du caractère relatif de la prohibition de disposer.
Il va sans dire que la convention serait radicalement nulle si la chose qu'il s'agirait de donner avait déjà péri au moment de la convention: cette nullité n'est écrite dans la loi française que pour la vente (art. 1601), mais il faut, évidemment, la généraliser pour tous les contrats, sans qu'il soit besoin de rien ajouter au texte) car une chose périe " n'est ni dans le commerce général ni à notre disposition."
45. C. Cause. La cause de la convention est la raison déterminante qui a décidé les parties à y consentir; c'est le but qu'elles ont voulu atteindre: on ne fait pas une convention par caprice, mais par raison; on y cherche, en général, une satisfaction pécuniaire, morale ou de simple convenance. La satisfaction est pécuniaire dans tous les contrats à titre onéreux ou intéressés; elle est purement morale dans la donation ou dans la réparation volontaire d'un tort; elle est de simple convenance, quand on prend certains engagements qui n'ont pas le caractère de bienfaisance et qui ne procurent aucun profit, mais qu'on doit à sa position sociale ou à ses rapports avec certaines personnes; par exemple, quand on souscrit pour quelque dépense locale, pour l'érection d'un monument, pour une société scientifique ou littéraire.
Il y a aussi des conventions ou engagements, et c'est peut-être le plus grand nombre, dont le mobile est la recherche d'un plaisir, d'une satisfaction de la vanité ou du luxe; elles n'en sont pas moins valables juridiquement. Voilà ce qu'on entend par la cause dans les conventions, et c'est cette cause qui doit être vraie et licite, par opposition à la cause fausse ou illicite.
Il y a des conventions où il n'y a pas à rechercher si elles ont une cause vraie, ni si la cause en est licite, parce qu'elle y est inhérente avec ces deux qualités; tels sont tous les contrats nommés qui, étant organisés par la loi, ont nécessairement une cause et une cause licite. Ainsi, dans la vente, la cause de la convention, chez le vendeur, n'est autre que le désir d'acquérir une somme d'argent, le prix ou la créance du prix, en compensation de l'aliénation; chez l'acheteur, la cause est le désir d'acquérir la propriété, en compensation du prix à fournir. Dans la société, la cause est, pour chaque partie, le désir de réaliser des profits qui devront être plus considérables si elle met en commun ses biens et son travail que si elle les utilise séparément. Dans la donation, la cause est, chez le donateur, le désir d'être utile à autrui, plus encore que celui d'en obtenir de la reconnaissance; chez le donataire, la cause est le désir naturel d'acquérir gratuitement.
Au contraire, dans les contrats innommés, qui ne sont pas proposés et réglés par la loi, la cause doit être cherchée, car elle pourrait manquer, être erronée ou simulée, c'est-à-dire fausse, ou même être illicite. Ainsi, dans la novation, une partie n'a pu contracter une dette nouvelle que dans le but d'en éteindre une précédente; voilà la cause qu'on doit trouver; si donc cette première dette n'avait jamais existé ou n'existait plus, la nouvelle dette serait sans cause; si les parties croyaient à une cause, il y aurait cause erronée; si elles savaient que la cause n'existait pas, il y aurait cause simulée et, dans ces deux cas, fausse cause.
La cause illicite est plus facile à concevoir et pourra se présenter plus souvent dans les contrats innommés. En voici les deux cas principaux: 1° l'une des parties s'est engagée à accomplir un acte illicite; cet acte ne peut, pour cette partie, être l'objet d'une obligation ni d'une convention, puisqu'elle1" n'en a pas la disposition," puisque'cet acte Il n'est pas dans le commerce en même temps, comme il est, pour l'autre partie, le résultat cherché, le but poursuivi, il se trouve être, pour elle, une cause illicite de la convention; 2° toutes les fois que les parties ont subordonné, soit l'existence même, soit tout ou partie des effets de la convention à une condition pTOhibée, la cause de la convention est illicite; car toute condition suspensive est une cause de la convention, une cause tantôt principale et tantôt accessoire, mais qui, dans les deux cas, doit, comme illicite, rendre la convention nulle; il n'y a aucune différence réelle entre promettre une somme d'argent à quelqu'un S'IL commet une délit, et la lui promettre PARCE QU'IL aura commis un délit.
La cause illicite peut se rencontrer même dans les contrats nommés: c'est précisément, quand on les a subordonnés à une condition prohibée.
Remarquons que la condition illicite n'empêche la formation de la convention que si elle est suspensive; la condition résolutoire illicite n'empêcherait que la résolution, et même pas toujours; car si la résolution avait été stipulée comme peine d'un acte illicite prévu, elle devrait être observée (v. art. 433 et n° 376).
Il ne faut pas confondre avec la cause les motifs de la convention. On en établira les profondes différences sous l'article 330 (nos 61 et 62).
46. D. Solennités. Il ne sera parlé des solennités requises pour l'existence de certaines conventions qu'à l'occasion de chacune d'elles en particulier. Elles ne sont mentionnées ici que pour ?nérno'irc, car elles n'appartiennent prs à la théorie des Conventions en général. Les conventions solennelles ont d'ailleurs été déjà signalées sous l'article 321.
46 bis. E. Tradition. On a déjà démontré (n° 34) comment certains contrats exigent pour leur formation, outre le consentement des parties, la tradition de la chose qui en est l'objet; ils sont seulement au nombre de quatre: le prêt de consommation, le prêt à usage, le dépôt et le nantissement. Ils seront expliqués au Livre IIIe, i" Partie (Chap. 17, 18 et 19) et au Livre IVe, ne Partie (Chap. 2 et 3).
II. -CONDITIONS DE VALIDITÉ DES CONVENTIONS.
47. A. Absence de vices dans le consentement. L'article 326 indique seulement deux vices du consentement: l'erreur et la violence; en cela, il s'écarte notablement du Code frança:s et de ceux qui l'ont imité, lesquels comptent aussi le dol comme un vice du consentement.
On démontrera, sous l'article 333, que le dol, suivant le degré d'erreur qu'il cause, ou bien se confond avec ce vice même, ou n'est plus qu'un fait simplement dommageable qui donne lieu à réparation: cette réparation, il est vrai, pourra être obtenue par l'annulation du contrat, mais avec un autre caractère et avec moins d'effets,.que lorsqu'il y a eu une erreur viciant le consentement, à proprement parler.
48. B. Capacité des parties. Certaines personnes sont, par suite de conditions particulières où elles se trouvent, légalement présumées et déclarées incapables de faire certains r.ctes concernant leur personne même et leurs biens. Le Projet n'a pas encore eu à déterminer ces personnes: c'est au Livre Ier qu'on les trouvera. Mais, vraisemblablement, la loi japonaise ne sera, à cet égard, ni plus ni moins exigeante que les lois européennes.
La raison et l'expérience générale des peuples, tant anciens que modernes, ont toujours refusé la capacité de faire des actes juridiques de quelque importance à ceux dont les facultés intellectuelles ne sont pas suffisantes, soit par l'effet du jeune âge, soit par un dérangement de l'esprit. Mais la loi positive doit intervenir pour déterminer l'âge jusqu'auquel se prolonge, chez l'adolescent, la présomption d'inaptitude aux affaires juridiques; de même, elle doit déterminer les moyens de constater chez l'insensé le dérangement des facultés mentales, d'en reconnaître la gravité et de lui interdire, s'il y a lieu et aussi longtemps qu'il sera nécessaire, l'exercice des droits civils.
Les lois des divers pays présentent quelques différences pour la fixation de l'âge de la capacité: l'influence des climats activant ou retardant le développement physique de l'homme, le développement de l'intelligence se trouve en même temps hâté ou retardé.
L'âge de la capacité varie, en Europe et en Amérique, de 18 à 25 ans; mais avec quelques différences entre les deux sexes et relativement à certains actes plus importants que d'autres. Le plus généralement, l'âge de la capacité est de 21 ans, pour les deux sexes.
Au Japon, il est maintenant de 20 ans, et, cet âge ne paraît ni prématuré ni trop retardé.
L'usage, en Europe, est d'appeler mineur celui qui n'a pas encore atteint l'âge de la capacité et majeur celui qui l'a dépassé: on suivra ici le même usage (f),
Il peut exister pour les mineurs une situation intermédiaire qui les prépare à la majorité et constitue pour eux une demi-capacité, c'est l'émancipation. Elle sera sans doute admise au Japon; il y a déjà été fait allusion au sujet des droits réels (v. art. 130, v. aussi art. 570 et 572) (ff).
Quant à ceux dont la démence, dont l'aliénation mentale a été dûment constatée, et dont l'incapacité a été prononcée en justice, on les appelle en France intei-dit,,;; on y donne le nom d'aliénés, à ceux qui sont temporairement placés dans un établissement de santé, sans avoir été judiciairement interdits, et le nom de prodigues à ceux que leur faiblesse d'esprit porte seulement à la dissipation. Les interdits sont, comme les mineurs, représentés par un tuteur placé lui-même sous le contrôle d'un conseil de famille; les aliénés sont représentés par un administrateur provisoire; les prodigues sont assistés d'un conseil judiciaire.
Quant à présent et jusqu'à ce que la loi ait réglé, au Japon, la condition juridique de ces personnes, on les désignera, dans le Projet, par le nom d"interdit.c; ou d'a l'iéné,';,
Ici encore, le Projet suit la tradition générale, en distinguant l'incapacité d'avec les vices du consentement, quoique, en allant plus au fond des choses, on puisse retrouver une présomption de vice du consentement, au moins d'erreur, chez l'adolescent ou chez le majeur frappé d'interdiction pour démence.
Il existe aussi en Europe l'incapacité des femmes mariées, fondée plutôt sur la soumission générale que la femme doit à son mari que sur la faiblesse du sexe féminin, puisque la femme non mariée ou veuve y peut exercer ses droits civils avec le même pouvoir que l'homme. La tendance est aujourd'hui, en Europe et en Amérique, d'étendre les droits des femmes plutôt que de les restreindre. Au Japon, ce sera déjà pour les femmes une extension de capacité que de n'être soumises qu'à l'incapacité où elles sont placées par la loi française.
49. C. Absence de lésion. On n'entrera, à présent, dans aucuns détails, ftu sujet de la lésion considérée comme cause tout exceptionnelle d'annulabilité des conventions. La lésion suppose que, dans un contrat à titre onéreux où chaque partie cherchait un avantage égal à celui qu'elle fournissait (c'est le contrat que le Code français appelle commutatif) l'une d'elles a trouvé un avantage beaucoup moindre. L'intérêt général qui demande que les conventions soient maintenues autant que possible ne permet pas que cette cause d'annulation soit facilement admise. Aussi, en droit français, ne rencontre-t-on que deux contrats annulables pour lésion proprement dite entre personnes majeures: le partage de biens indivis où l'un des copartageants est lésé de plus du quart de la part qu'il devrait avoir (art. 887 et 1872) et la vente d'immeuble où le vendeur est lésé, dans le prix fixé, de plus des 7/12es de la valeur véritable (art. 1674).
Le Projet admet ces deux causes de rescision. Il n'a pas encore eu à se prononcer sur le partage des successions, mais il admet la rescision pour lésion du partage des sociétés (v. art. 806); il l'admet aussi pour la vente d'immeubles, en faveur de l'acheteur, mais avec une légère différence dans le taux de la lésion, 6/12es au lieu de 7/12es (v. art. 733) (l).
Il ne serait peut-être pas téméraire de considérer comme des cas de rescision pour lésion, au fond et dans le principe, la résiliation pour éviction partielle (c. c. fr., art., 1636; Proj., art. 700) et celle par suite de vices cachés (ib" art. 1644; Proj., art. 741); on peut, au moins, sans hésiter, citer d'autres cas où la lésion, sans motiver l'annulation du contrat, donne lieu à une modification des obligations respectives des parties: par exemple, l'excédant ou l'insuffisance de la mesure dans la vente ou le louage d'immeuble (c. civ. fr., art. 1617 et s., 1765; Proj., art. 139 et 685 et s.).
La lésion est encore, en droit français, une cause de rescision, en faveur des mineurs, " contre toutes sortes "de conventions" (art. 1305), et ici, quelle que soit l'importance de la lésion, même la plus minime. Cette combinaison de la lésion avec l'incapacité a donné lieu, dans la jurisprudence et la doctrine françaises, à d'assez sérieuses difficultés que le Projet devra s'efforcer de prévenir (voy. art. 569 et s.).
50. On terminera par une observation importante ces généralités sur les diverses conditions d'existence et de validité des conventions.
Déjà, en plusieurs occasions, on a rencontré et appliqué le principe fondamental de la liberté des conventions; le § suivant va bientôt le proclamer, le justifier et en fixer les limites. Ce principe ne reçoit ici qu'une application très restreinte: les parties pourraient ajouter aux conditions d'existence de la convention, en la subordonnant à un événement plus ou moins casuel, et à celles de validité, en la subordonnant à l'absence de lésion, dans un cas où la loi n'admet pas la rescision pour lésion, ou en n'exigeant pour cette rescision qu'une lésion moindre que celle exigée par la loi; mais elles ne pourraient rien retrancher des conditions légales, soit d'existence, soit de validité de la convention: pour les premières, elles dépendent de la nature des choses, laquelle est ici la pure raison; pour les secondes, elles sont une protection pour les faibles, et le but de la loi qui est un but de justice ne serait pas atteint, si la partie intéressée pouvait se soustraire à cette protection, notamment au droit de faire rescinder son contrat pour incapacité, pour vice de consentement, ou même pour lésion (voy. c. civ. fr., art. 1674; Proj., art. 733).
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(a) L'exactitude du langage voudrait que le mot nullité fût réservé au cas d'inexistence de la convention (nul vient du latin: nihil, "rien"), et l'on devrait dire annulabilité dans le cas d'un simple vice du consentement, où une action en justice est nécessaire et constitue une simple faculté pour l'une des parties; mais on a pris l'habitude, en France, d'employer aussi, dans ce cas, le mot de nullité; peut-être est-ce parce que le contrat annulable à sa naissance devient nul après le succès de l'action en justice. On évitera ici, autant que possible, l'emploi impropre du mot nullité; malheureusement, le mot annulabilité, plus exact, est trop dogmatique et presque inusité: serait déplacé dans le Texte, à peine sied-il au Commentaire.
(b) Du latin: sentire cum, " sentir avec, penser ensemble."
(c) Pour que la définition de la convention fût complète, 011 devrait y faire entrer, outre la nécessité du consentement, celle de la cause et de l'objet; mais ce serait la trop compliquer.
(d) Au Japon, on trouve aussi cette division tripartite, mais un peu surannée, des choses principales que la terre met à la disposition de l'homme: les animaux (dô-loutsou ou lcin-Jû), les végétaux (shokou houtsou ou sô-molcou), les minéraux (ko-boutsou ou Jcin-séki).
(e) Au Japon, tant que les étrangers ne pourront être propriétaires d'immeubles que dans les concessions ou settlements, les immeubles seront "hors de leur commerce."
(f) Ces deux mots signifiant: moins agé, plus agé, sous-entendent un point de comparaison qui est l'âge de la capacité: 21 ans, en France, 20 ans, au Japon.
(ff) L'émancipation est, en effet, admise aujourd'hui par le Code officiel. „
(l) La Commission s'est refusée à admettre la rescision pour lésion dans la vente et elle ne figure pas au Texte officiel. Nous reviendrons sur ce dissentiment à l'occasion de l'article 733.
Quand à la rescision pour lésion dans le partage des sociétés, quoique bien plus justifiable encore que dans la vente, elle a subi le même sort. Nul doute qu'elle eût été exclue du partage des successions, si on eût admis la pluralité d'héritiers; mais celle-ci a été écartée en raison de la faveur persistante dont jouit encore le droit d'aînesse au Japon.
Art. 327. — 51. Il n'y a plus à revenir sur les caractères du consentement, déjà suffisamment expliqués. On remarquera seulement que le Projet s'écarte ici, avec raison, du Code français qui n'exige le consentement que "de la partie qui s'oblige" (art. 1108). Il est clair que le consentement, étant un accord de volontés, ne peut provenir d'une xeule personne. Le Projet prend soin d'exiger le consentement " de toutes les parties intéressées," activement autant que passivement; mais il n'exige pas le consentement de toutes les personnes qui figurent dans l'acte à un autre titre, par exemple, comme témoins. De même, si une personne intervient à l'acte comme garant ou caution, elle doit assurément consentir â prendre cette qualité, mais elle n'a pas à consentir à l'acte principal auquel elle n'est pas directement intéressée.
Le cas prévu au 2e alinéa sera rare, parce que si une personne ne voulait pas consentir à une convention, elle n'y assisterait pas, surtout elle n'y laisserait pas figurer son nom, s'il y avait un acte dressé pour la preuve. Cependant, il pourrait arriver que, dans les préliminaires d'une vente ou d'un louage, plusieurs personnes fussent disposées à y figurer comme acheteurs ou locataires, et qu'au dernier moment, l'une d'elles n'acceptât pas les conditions définitives, alors que les autres les ont déjà acceptées.
La loi pose en principe que si l'une des parties proposées ne consent pas, le contrat ne se forme pas, non seulement avec cette personne, mais même entre les autres: il y a présomption que le contrat devait être indivisible quant aux personnes. Mais la preuve d'une intention contraire sera permise et le contrat pourra être déclaré formé entre les divers adhérents.
Le cas serait peut-être assez fréquent, tant pour l'application du principe que pour l'exception, en matière de société projetée entre un grand nombre de personnes et à laquelle une ou plusieurs refuseraient ensuite d'adhérer.
Art. 328. — 52. Le consentement, en lui-même, est un fait purement interne, comme tout acte de la volonté; mais il ne peut avoir d'effet juridique qu'autant qu'il se manifeste; quand la loi veut, exceptionnellement, s'assurer que le consentement a été parfaitement libre et même éclairé, elle exige qu'il soit donné devant un officier public dont la présence et les conseils sont une précieuse garantie pour les parties; c'est le cas des contrats solennels; dans les autres cas, la loi admet toute manifestation de la volonté par les moyens dont l'homme dispose: l'écriture, la parole, même les signes.
Théoriquement, presque toutes les législations, depuis les Romains, admettent que le consentement puisse être donné par signe; mais, en fait, devant les tribunaux, on ne serait guère recevable à se prévaloir d'un consentement qu'on n'aurait obtenu que de cette façon, fût-ce d'un muet; encore faudrait-il qu'il ne sût pas écrire et qu'il y eût des témoins connaissant assez les signes du muet et son degré d'intelligence pour affirmer qu'il a donné à la convention une pleine adhésion. Aussi, le Projet prend-il, comme on le voit, de sages précautions pour éviter les abus à ce sujet. On peut d'ailleurs supposer des cas où les signes seraient le seul moyen de manifester le consentement; par exemple, si un blessé, incapable de parler et d'écrire, a besoin de changer de lieu ou d'acheter des choses nécessaires à son état, ou de faire un emprunt on un dépôt, ou tout autre contrat urgent: il faudra bien admettre que son consentement aux propositions qui lui seraient faites, en présence de parents, d'amis ou d'étrangers, puisse être donné par signe; et lors même qu'un officier public serait appelé pour plus de garanties de sa liberté, il faudrait toujours que son consentement au contrat fût donné en cette forme imparfaite.
Les signes d'adhésion ou de consentement à une proposition, comme ceux de dénégation ou de refus, sont à peu près les mêmes dans chaque pays. Les Romains appelaient le premier signe adnutus, et le second abnutus. En Europe, le signe d'adhésion se fait ordinairement par un abaissement vertical de la tête et le signe de refus par un double mouvement latéral; il n'en est pas autrement au Japon, ce qui mérite d'être noté, à côté de tant de différences dans les formes du langage écrit ou parlé. Mais il peut être nécessaire de recourir à des signes conventionnels. Ainsi, on voit souvent des blessés ou des paralytiques incapables de parler et même de faire un mouvement de la tête; en pareil cas, on devra commencer par leur proposer d'autres signes d'adhésion ou de refus; par exemple, de fermer les yeux pendant un certain temps, pour refuser une proposition, et de les tenir ouverts pour l'accepter. Si, plus tard, ces circonstances sont déclarées par des témoins, les parties seront arrivées par signes à un résultat aussi utile que s'il y avait eu consentement écrit ou verbal.
Il y a aussi des signes ou signaux conventionnels en matière de navigation maritime: par exemple, pour demander un pilote à l'approche d'un port ou pour demander des secours en cas de péril; ces signes d'appel, suivis du service ou du secours demandé, permettront de dire qu'il y a eu convention.
53. Il n'est pas d'usage d'appeler tacite, le consentement donné par signe, parce que les signes font alors l'office de langage; mais la loi admet aussi le consentement tout à fait tacite, ou consentement muet (qui se tait, d'après l'étymologie latine).
Le consentement tacite se révèle, soit par des faits extérieurs, soit par le silence. Les faits extérieurs sont, par exemple, l'exécution totale ou partielle d'un travail ou d'une fourniture demandés, ou, en sens inverse, l'admission de l'exécution d'une proposition reçue qui, par là, se trouve agréée. Le silence lui-même vaut consentement ou acceptation, quand, après des pourparlers dans le but de contracter, il a été entendu que si un refus n'était pas envoyé dans un délai fixe, le silence vaudrait consentement. Mais une partie ne pourrait imposer à l'autre la nécessité d'envoyer un refus dans un délai déterminé, faute de quoi celle-ci serait considérée comme acceptante: une pareille prétention serait évidemment absurde. Ce qui est permis c'est l'inverse: on peut faire une offre ou proposition avec assignation d'un délai pour l'acceptation, passé lequel, l'offre devra être considérée comme non avenue. L'article suivant contient cette disposition avec d'autres.
Art. 329. — 54. Cet article s'applique aux conventions qui se font par correspondance ou par intermédiaire.
Les ventes commerciales les plus importantes se font, presque toujours, par cette voie, à cause des distances entre les grands marchés. Quelquefois, c'est l'offre du vendeur qui commence: le contrat ne sera formé que quand l'acheteur l'aura acceptée; d'autres fois, l'acheteur demande la marchandise, en indiquant son prix: il faut alors l'acceptation du vendeur pour qu'il y ait vente.
Notre article peut recevoir aussi de fréquentes applications en matière civile et il ne s'appliquera aux matières commerciales que si le Code de Commerce n'y déroge pas (2).
Si la partie qui a écrit la première ne change pas d'intention, il n'y a pas d'intérêt, en général, à rechercher à quel moment l'acceptation de l'autre est intervenue pour former le contrat: tout au plus, cela seraitil à considérer, si le prix devait être déterminé par le cours public de la marchandise au jour de l'acceptation. Mais, si l'offre est rétractée ou si la demande est retirée, à une époque plus ou moins rapprochée de l'acceptation, il importe de savoir si celle-ci est utilement intervenue.
Le principe est qu'il faut, mais aussi qu'il suffit, qu'il y ait persistance de l'offre ou de la demande jusqu'au moment de l'acceptation, de sorte qu'elles aient existé en même temps, ce qui constitue le consentement; en effet, toute offre ou demande qui n'est pas retirée est censée soutenue, confirmée, à chaque moment, par la persistance d'une même volonté; mais aussi, elle peut être retirée tant qu'elle n'est pas acceptée, car, dans la manifestation d'une seule volonté, il n'y a encore, d'aucun côté, ni droit ni obligation; pour qu'il en fût autrement, il faudrait que celui qui a fait l'offre se fût engagé, comme on l'a déjà prévu plus haut (n° 53), à ne pas la retirer pendant un certain temps, ou jusqu'à ce qu'il y eût refus: l'offre prendrait alors le nom de pollicitation ou promesse.
55. Quand l'offre est acceptée, elle ne peut plus être retirée, parce que le contrat est formé. Mais il ne peut suffire, évidemment, d'une acceptation purement intentionnelle retenue dans la pensée de l'acceptant fin mente retenta).
Quelques auteurs, en France, peut-être même le plus grand nombre, soutiennent que l'offre peut être retirée tant que celui qui l'a faite n'a pas été informé de l'acceptation. Mais cette opinion doit être rejetée: autrement, on serait entraîné à dire qu'il faudrait encore que celui qui a adressé l'acceptation sût qu'elle est parvenue en temps utile, pour se considérer comme engagé, en même temps qu'à l'abri de la rétractation, et on ne voit pas où l'on s'arrêterait dans cette suite de missives réciproques.
Le Projet tranche la question en exigeant seulement pour la validité de l'acceptation, à l'effet d'empêcher la rétractation de l'offre, que ladite acceptation soit " expédiée " avant " l'arrivée " de la rétractation (1er al.).
Il en résulte que la situation est meilleure pour celui qui accepte que pour celui qui rétracte son offre: le premier est sûr de son droit et de ses obligations dès qu'il a expédié son acceptation avant d'avoir reçu la rétractation, tandis que le second reste dans l'incertitude tant qu'il n'a pas reçu l'acceptation ou le refus. Mais cette inégalité des situations respectives ne doit pas surprendre, quand on considère que c'est celui qui a fait l'offre qui doit subir la plus longue incertitude, puisqu'il a pris l'initiative (3).
Supposons maintenant, avec le 2e alinéa, qu'un délai pour l'acceptation a été assigné, soit en même temps que l'offre, soit postérieurement: il y a là un engagement tacite, de la part du proposant, de ne pas rétracter son offre pendant ce délai, à moins d'un refus formel avant son expiration.
Le délai peut d'ailleurs être accordé " tacitement aussi bien qu'expressément: " le texte a soin de l'exprimer.
On pourrait s'étonner cependant que cette pollicitation oblige celui qui l'a faite sans que l'autre partie lui en ait au moins donné acte, ce qui équivaudrait à dire qu'elle accepte son engagement, sans en prendre encore un de son propre côté: il semble que ce soit contraire au principe énoncé plus haut " qu'une seule volonté ne peut créer d'obligation." Mais il faut tenir compte d'un autre principe encore supérieur, d'après lequel toute personne qui cause un dommage à autrui devant le réparer doit, mieux encore, ne pas causer ce dommage par son fait; or, quand une pareille promesse a été faite, celui qui l'a reçue a pu se disposer à l'accepter et s'abstenir d'une autre opération pareille, de sorte que le pollicitant se trouverait responsable d'un dommage, s'il ne tenait pas sa promesse.
Le 3e alinéa, restant dans l'hypothèse où un délai a été assigné à l'acceptation, suppose que ce délai est expiré avant que l'acceptation ait été faite, c'est-à-dire toujours " expédiée: " dans ce cas, l'offre tombe d'ellemême, elle " prend fin " et celui qui l'a faite est dégagé.
Le 4e alinéa suppose un changement de volonté de la part de l'acceptant, comme le 2e l'a supposé de la part du pollicitant. Le principe est que ce changement peut intervenir utilement tant que l'autre partie n'a pas été en situation de compter sur l'avis qui lui a été expédié; par conséquent, si la rétractation arrive en même temps que l'acceptation, les deux avis se neutralisent; à plus forte raison en est-il ainsi si la rétractation arrive avant l'acceptation. Aujourd'hui que les moyens de communication sont si rapides et si nombreux, il est bien facile de concevoir que le démenti arrive avant le premier avis, quoiqu'expédié plus tard. La même solution s'appliquerait à la rétractation de l'offre arrivée en même temps que celle-ci, au cas du 1er alinéa.
56. Le 5e alinéa prévoit le cas où celui qui a fait l'offre ou la proposition est décédé ou devenu incapable avant que le contrat se soit formé par l'envoi de l'acceptation.
La solution varie suivant la distinction déjà faite au sujet du délai: s'il n'y a pas eu assignation d'un délai à l'autre partie pour se prononcer, elle cesse de pouvoir accepter des qu'elle a eu connaissance, par une voie quelconque, du décès ou de l'incapacité; si, au contraire, un délai a été assigné à l'acceptation, l'engagement contenu dans l'offre subsiste, avec le délai, à la charge de l'incapable ou des héritiers du décédé, et l'acceptation peut être valablement faite, c'est-à-dire expédiée, pendant ledit délai, lors même que l'acceptant aurait connaissance du décès ou de l'incapacité (4).
La loi n'a pas à prévoir le cas du décès ou de l'incapacité de celui auquel l'offre a été faite: s'il ne s'agit pas d'une proposition faite en considération de sa personne, son héritier ou son représentant légal ou judiciaire peut accepter à sa place (5).
56 bis. Les deux derniers alinéas réglent le cas où l'avis d'acceptation ou de rétractation n'est pas parvenu au destinataire ou est arrivé en retard. La loi distingue, quelle en est la cause, pour en déterminer la responsabilité.
1° Si l'expéditeur a mal dirigé son avis,-par erreur de nom ou de lieu, ou par l'emploi d'un mandataire négligent, il en subira le dommage; en conséquence, si c'est un avis d'acceptation qui est arrivé trop tard, la rétractation arrivée régulièrement produira son effet, et réciproquement, la rétractation pourra être inutile si elle a manqué à arriver avant l'expédition de l'acceptation. Et cela est juste, car les conventions préparées " à distance," objet de notre article, ne doivent souffrir que des retards et des incertitudes inévitables auxquels les parties se sont forcément soumises, mais non de celles imputables à la faute de l'une d'elles.
2° Si le retard provient d'une cause fortuite ou majeure, il était ou devait être raisonnablement accepté d'avance par le destinataire comme une éventualité de sa situation; or, la missive lui appartient dès qu'elle est expédiée, elle est donc à ses risques.
3° Enfin, quand une partie a eu recours à l'intermédiaire officiel et presque obligatoire des transmissions, si elle lui a fourni la désignation précise du destinataire, par son nom, sa qualité et sa résidence, le retard ou le défaut de remise de la dépêche est pour elle un cas fortuit et retombe encore sur le destinataire; sauf à celuici à se faire indemniser par l'administration des postes et télégraphes, après s'être fait fournir par l'expéditeur les documents et justifications nécessaires à cette réclamation (6).
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(2) Cet article 329 est plus complet que dans l'édition précédente et modifié sur plusieurs points signalés plus loin.
(3) Il y a là déjà une première innovation: l'ancien texte n'exigeait la connaissance, par aucune partie, de l'acceptation ni de la rétractation; il ne s'attachait "qu'à la priorité comparative de la date des deux actes; " on exige maintenant que la rétractation soit parvenue avant le départ de l'acceptation.
Il y aura bien quelque difficulté pour la preuve de l'arrivée d'un acte et de l'expédition de l'autre: mais cette difficulté, inévitable déjà dans l'ancienne solution, est encore moindre quand il s'agit de prouver des faits postaux que lorsqu'il s'agissait de faits individuels.
(4) Cette distinction quant à l'assignation d'un délai manquait à l'ancien texte.
(5) L'ancien texte donnait la même solution pour le décès ou l'incapacité de l'une ou de l'autre des parties.
(6) L'ancien texte de l'article 329 était muet sur l'objet de ces deux derniers alinéas.
Art. 330 et 330 bis (7). -57. La loi arrive aux cas de défaut complet et de vices du consentement.
Elle ne parle pas, comme allant de soi, d'un premier cas où il n'y a pas de consentement; c'est celui où l'une des parties n'aurait pas donné son adhésion extérieure au projet de convention et où cependant l'autre partie prétendrait qu'elle a consenti: il n'y a là qu'un point de fait à vérifier.
La loi ne parle pas non plus du cas où il y aurait défaut complet de volonté ou de consentement, par absence totale d'intelligence de l'acte juridique chez l'une des parties, comme chez un enfant en bas âge, chez un fou, hors d'un intervalle lucide, ou chez une personne atteinte d'une fièvre délirante: il est évident que le consentement de ces personnes n'est pas vicié, mais manque entièrement. D'un autre côté, la loi ne pouvant déterminer avec la précision nécessaire les cas où se rencontrera ce défaut absolu de consentement, c'est aux tribunaux qu'il appartiendra de le constater dans chaque affaire.
Mais le présent article croit devoir déclarer que certaines erreurs sont exclusives d'un consentement véritable, quoiqu'il soit apparent en la forme; cela est d'autant plus nécessaire que d'autres erreurs dont il est parlé ensuite ne produisent qu'un vice du consentement, (lequel rend le contrat simplement annulable), et que d'autres erreurs laissent même au consentement toute sa validité. En général, les lois abandonnent à la doctrine le soin de distinguer ces diverses sortes d'erreurs; mais ce système n'est pas sans danger; il ressemble d'ailleurs à une abdication du législateur, dans un ordre de difficultés qui n'est plus, comme le précédent, défait, mais de droit.
On trouve ici quatre erreurs dont la nature et la gravité sont telles qu'on ne peut pas dire qu'il y ait eu consentement de la part de celui qui les a commises.
58. A. Erreur sur la nature de la convention. Le contrat proposé par l'une des parties était une vente, l'autre partie a cru faire un échange; ou bien, l'une proposait un louage, l'autre a cru recevoir un prêt à usage (contrat gratuit); ainsi encore, l'une entendait avoir un débiteur solidaire, l'autre n'a voulu s'engager que comme caution. Sans doute, de pareilles erreurs ne seront pas fréquentes, mais elles ne sont pas invraisemblables, si l'on suppose que les pourparlers ont porté sur les deux conventions et que la réponse a été donnée par lettre, sans rédaction d'un acte en bonne forme. Dans tous les cas supposés, il est clair que chaque partie ayant eu en vue une convention différente, il n'y a pas eu même sentiment, consentement. Une réserve, toutefois, est à faire sur la dernière hypothèse: si le créancier qui a cru obtenir un engagement solidaire consentait, après coup, à recevoir comme caution la partie qui a entendu ne prendre que cette qualité, celle-ci ne pourrait se soustraire à son engagement
On a vu, au n° 28, que la promesse d'un contrat, même acceptée comme telle par celui auquel elle a été faite, n'est pas encore le contrat promis, mais qu'elle constitue seulement un contrat innommé. La loi nous avertit ici (2e al.) que si l'une des parties croyait que le contrat promis est déjà formé, lorsque l'autre croit avec raison le contraire, cette erreur ne suffirait pas pour empêcher la convention de se former; assurément, il n'y aura que contrat innommé, mais les effets sont si voisins de ceux du contrat nommé promis qu'il y aurait mauvaise foi de l'une des parties à se prétendre libre de tout engagement: il n'y a ici qu'une erreur de droit, et l'erreur de droit entraîne plus difficilement que l'erreur de fait la nullité absolue de la convention (voy. art. 332) (8).
59. B. Erreur sur l'objet de la convention. Les pourparlers préalables à la convention, par exemple à une vente, avaient porté sur plusieurs objets, successivement et disjonctivement; au dernier moment, l'acheteur a déclaré accepter, par correspondance toujours, et il entendait acheter un des objets propo es, quand le vendeur pensait qu'il s'agissait d'un autre; c'est là l'erreur dite " sur le corps même de la chose" (in ipso corpore ni), qu'il ne faut pas confondre avec l'erreur " sur les qualités de la chose" dont il sera parlé plus loin (art. 331). Ici encore il n'y a pas accord des volontés.
60. C. Erreur sur la cause et sur le motif de la convention. On réunit ici deux erreurs très différentes dans leur gravité, mais de natures très voisines.
L'erreur sur la cause semble, au premier abord, difficile à supposer. On a déjà dit que les contrats nommés ont toujours une cause qui est de leur essence et qui, par cela même qu'elle est reconnue par la loi, doit être toujours vraie, comme elle est toujours licite (g). On peut cependant citer des ventes nulles pour fausse cause; ce sont les ventes faites par un autre que le propriétaire ou "ventes de la chose d'autrui:" on a déjà dit (n° 44) qu'elles sont nulles par un vice de l' objet qui " n'est pas dans le commerce du vendeur;" elles sont aussi nulles faute de cause ou pour fausse cause, parce que l'acheteur avait pour but, en contractant, d'acquérir la propriété et que ce but est impossible à atteindre, en traitant avec un non-propriétaire; on pourrait même trouver un troisième principe de nullité de la vente de la chose d'autrui, ce serait l'erreur sur une qualité civile de la personne du vendeur (v. art. 330); mais cette explication ne suffirait pas toujours sans l'une des deux autres; car, lors même que l'acheteur saurait que le vendeur n'est pas propriétaire, la vente serait encore nulle.
L'erreur sur la cause est plus fréquente dans les contrats innommés auxquels la cause est donnée par les parties; d'où elle peut être erronée ou simulée, comme elle peut être illicite, ainsi qu'on l'a déjà remarqué (n° 45). Il ne s'agit ici que du cas où la cause est erronée, parce que c'est le seul cas où le consentement n'existe pas. Par exemple, dans la novation, l'une des parties, tenue de plusieurs obligations envers un même créancier, a entendu, en contractant l'obligation nouvelle, se libérer de l'une de ses obligations, alors que le créancier entendait la libérer d'une autre: il y a bien une cause à la novation, il aurait même pu y en avoir plusieurs, puisque le débiteur avait plusieurs dettes à éteindre; mais il n'y a pas eu accord sur la même cause, donc pas de consentement.
61. La loi tranche, dans le présent article, un point de doctrine fort important, en déclarant que l'erreur sur le motif n'entraîne jamais la nullité de la convention; la raison en est que cette erreur n'exclut ni ne vicie le consentement, et lors même qu'elle serait l'effet d'un dol de l'autre partie, il ne serait pas encore exact de dire, dans la théorie nouvelle du Projet, qu'il y a vice de consentement: il n'y aurait qu'un "dommage causé injustement," donnant lieu à réparation, comme 011 l'expliquera plus loin, au sujet du dol commis dans les conventions (v. art. 333).
Il est donc très important de bien distinguer le motif d'avec la cause.
On a vu, plus haut (n° 45), que la cause de la convention est la raison qui détermine, qui décide les parties à la faire; mais il faut l'entendre de la raison immédiatement et directement déterminante. Le motif est une raison médiate, indirecte, éloignée, qui nous porte à contracter: il est la cause première et, pour ainsi dire, la cause de la cause.
Dans le langage ordinaire, les mots cause et motif, appliqués aux actions des hommes, sont synonymes; mais dans le langage du droit, on a dû les distinguer et, tout en leur donnant le nom commun de raison d'agi'l', on les différencie par leur relation avec l'acte, laquelle est immédiate ou médiate, directe ou indirecte, prochaine ou éloignée. On doit aussi remarquer (et ce point est très important) que, tandis qu'il n'y a, en général, qu'une seule cause de la convention, il y a toujours 'plusieurs motifs que l'on trouve en remontant du plus proche au plus éloigné.
62. Cela étant admis, on va prendre des exemples de motifs; on verra ensuite pourquoi l'erreur sur le motif n'est pas une cause de nullité comme l'erreur sur la cause.
Si, dans le contrat de vente d'immeuble, on cherche la cause de la convention, on trouve, pour le vendeur, le désir d'acquérir un prix ou la créance du prix, et, pour l'acheteur, le désir d'acquérir la propriété. Mais pourquoi le vendeur et l'acheteur veulent-ils ainsi, chacun, transformer une valeur de leur patrimoine en une autre? Ce sont des raisons toutes personnelles, de convenance ou d'intérêt, dans lesquelles, ni la loi, ni même l'autre partie, n'ont à s'immiscer: le vendeur veut peut-être, avec ce prix, faire le commerce ou s'intéresser dans une industrie, ou seulemeut, par un emploi de son argent en prêt à intérêts, s'assurer un revenu plus fixe et plus facile à percevoir que celui d'un immeuble; l'acheteur, de son côté, veut peut-être, par l'emploi d'un capital en achat d'immeuble, éviter les risques de perte que présentent souvent les prêts, ou fonder un établissement industriel ou commercial dans les locaux achetés, ou simplement fixer sa demeure dans un lieu plus favorable. Ce sont les motifs.
Dans la donation, la cause, chez le donateur, est le désir de faire du bien au donataire, son parent ou son ami. Mais est-ce parce que celui-ci est pauvre ? Est-ce parce que le donateur a reçu des services antérieurs de lui ou de son auteur ? Voilà divers motifs possibles, et, au delà, il y en a d'autres, puis d'autres encore; chaque partie seule peut les connaître, pour ce qui la concerne.
Dans ces divers cas, si l'on suppose qu'il y a eu, de la part de l'une d'elles, erreur sur le motif, elle ne pourra se soustraire aux conséquences de la convention: autrement, ce serait faire souffrir l'autre partie d'une faute à laquelle elle n'a pas participé; on excepte seulement le cas où ce serait elle qui, par son dol, aurait fait croire le contractant à de faux motifs, et alors, la réparation du dommage pourrait aller jusqu'à l'annulation du contrat, comme on le verra bientôt (v. art. 333).
63. D. Erreur sur la personne. La considération de la personne avec laquelle on contracte joue presque toujours un rôle plus ou moins considérable dans la convention. Quelquefois, elle en est la cause principale et déterminante, comme dans la donation, dans le prêt à usage, dans le dépôt, dans le mandat, dans le cautionnement, en un mot, dans tous les con. trats de bienfaisance ou gratuits. Dans ces cas, s'il y a erreur d'une partie sur l'identité de l'autre, la convention est nulle, autant faute de consentement que pour fausse cause.
La considération de la personne peut aussi être déterminante dans certains contrats onéreux, dans ceux où l'une des parties recherche surtout les qualités personnelles ou les talents professionnels de l'autre: par exemple, dans les contrats où il y a prestation de services, soit pour la personne du créancier, comme les services d'un domestique, soit pour l'exécution d'une œuvre artistique ou littéraire.
D'autres fois, la considération de la personne n'est qu'un des éléments de détermination de la volonté, se joignant à d'autres, comme dans la vente à terme, dans le louage, dans le prêt à intérêt, où la personnalité du débiteur est à considérer, à raison du danger d'insolvabilité; comme aussi dans le louage de services industriels, où les qualités et le talent individuels sont moins exclusivement recherchés par le stipulant.
Enfin, dans certains cas, la personne du contractant est indifférente, comme dans la vente au comptant, le prêt à intérêt, sur gage ou sur hypothèque, et, généralement, dans les contrats où le profit exclut toute idée de bienfaisance, en même temps qu'il n'y a aucun risque à courir.
Par la même raison, on ne tient pas compte non plus, dans les contrats à titre onéreux, au moins en général, de l'erreur du débiteur sur la personne du créancier, parce que celui-ci ne peut, à raison de sa personnalité, exiger plus que son dû, quoiqu'il puisse mettre plus ou moins de rigueur dans la poursuite.
64. Pour revenir à l'application du présent article, on peut remarquer que dans les cas où la considération de la personne a été déterminante de la convention, elle a joué le rôle de cause, de sorte que l'erreur sur la personne n'est alors qu'une variété de l'erreur sur la cause; c'est à ce titre qu'elle exclut le consentement.
Ainsi, en reprenant les exemples donnés plus haut, le donateur a entendu gratifier un de ses parents éloignés ou le fils d'un ami, ne les connaissant pas individuellement; par l'effet d'une erreur commune, peut-être par un dol, une autre personne a reçu la donation: la donation est nulle, faute de consentement du donateur et par fausse cause. La solution serait la même si l'erreur existait chez le donataire, à l'égard de la personne du donateur, duquel il ne consentirait pas à recevoir une donation, soit parce qu'il le croirait lui-même peu honorable, soit parce qu'il craindrait que ses biens n'eussent pas une source honnête.
Mêmes solutions pour le prêt à usage et par les mêmes raisons.
Dans le mandat et le dépôt, la considération de la personne est déterminante des deux côtés: le mandant ne chargerait pas de ses intérêts toute personne indistinctement; le mandataire n'accepterait pas la peine et la responsabilité du mandat pour une personne inconnue.
Dans le cautionnement, où trois personnes sont en jeu, le créancier, le débiteur principal et la caution, il faut distinguer qui s'est trompé et sur quelle personne l'erreur a porté. Si l'erreur est chez le créancier, soit qu'elle porte sur la personne du débiteur ou sur celle de la caution, il n'y a guère que l'intérêt de la solvabilité qui soit en jeu et cette erreur appartient à la seconde classe déjà indiquée plus haut et dont s'occupe la dernière disposition de notre article 330 bis. Si l'erreur est chez le débiteur et porte sur la personne du créancier, elle est indifférente: c'est l'erreur de la troisième classe; si elle porte sur la caution qui intervient pour lui, comme il peut désirer ne pas recevoir un service d'une personne qu'il ne connaît pas ou qu'il n'estime pas, il sera admis à présenter une autre caution, et le créancier ne pourra la refuser, si elle est aussi solvable que la précédente. Mais le cas le plus sérieux est celui où l'erreur viendrait de la caution et où elle se serait trompée sur la personne du débiteur qu'elle a cautionné: en pareil cas, la considération de la personne est déterminante, comme dans tout contrat de bienfaisance, et le cautionnement sera nul, faute de consentement et pour fausse cause.
En somme, dans les contrats à titre onéreux, les cas où la considération de la personne du débiteur est déterminante sont plus rares que ceux où elle n'est que secondaire. On ne peut guère citer que les louages de services qui supposent, soit une science ou un art sérieux, comme la construction d'un navire, celle d'un palais, ou la fabrication d'une machine compliquée, soit une probité absolue, comme un emploi de comptable. Dans tous ces cas, les tribunaux tiendront grand compte aussi des circonstances du fait, spécialement de la nature des services à rendre, pour reconnaître l'intention des parties.
64 bis. On a supposé jusqu'ici, sans s'en expliquer spécialement, que l'erreur portait sur l'identité de la personne, ce qui peut résulter d'une similitude de nom ou de quelque autre cause de confusion entre les individus.
Mais les deux alinéas de l'article 330 bis mettent sur la même ligne l'erreur sur les qualités légales ou juricliques de la personne: par exemple, sur la parenté, sur la profession, la fonction. Nous n'ajoutons pas l'erreur sur l'âge, l'état mental, l'état de mariage chez la femme, en un mot sur l'état civil, parce que l'état civil des personnes peut être connu par des moyens légaux, et que la partie qui est tombée dans l'erreur à ce sujet doit, en général, l'attribuer à sa faute, sauf le cas où il aurait été pratiqué un dol à son égard.
Au sujet des qualités de la personne, on fera, avec le 2e alinéa, la même distinction qu'au sujet de Videntité: à savoir, si la considération de ces qualités a été déterminante, ou si elle n'a été qu'une cause secondaire de la convention: au premier cas, la convention sera nulle; au second cas, elle ne sera qu'annulable.
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(7) L'artide 330, ayant été augmenté du 26 alinéa actuel, a été divisé: de cette façon ce qui concerne l'erreur sur la personne se trouve former un article spécial, comme Vobjet de la convention.
(8) Ce 2e alinéa a été ajouté à l'ancien texte, pour prévenir un doute: ou aurait pu l'ajouter au texte de l'article 332, mais il parait mieux placé ici pour la suite des idées.
(g) On a toutefois noté (n° 45, in fine) qu'un contrat même nommé a une cause illicite quand il est subordonné à une condition suspensive illicite, car la condition est une cause ajoutée par les parties.
Art. 331. — 65. Il ne s'agit plus ici de l'erreur " sur le corps même de la chose," cas de l'article 330, 1er alinéa, mais de l'erreur sur ses qualités, laquelle, en fait, sera plus fréquente que la première.
Le Projet a cherché à être plus précis et plus complet que le Code français qui, dans une trop courte disposition de l'article 1110, ne distingue pas assez nettement les diverses erreurs dont la chose peut être l'objet. Le Projet reproduit ici les solutions les plus sûres qui se sont produites dans la doctrine et qui répondent, tout à la fois, à la raison et à l'utilité pratique.
L'idée qui domine est celle-ci: pour que le consentement et, par suite, le contrat, soit vicié par l'erreur, il faut que l'erreur ait porté sur une qualité de la chose qui a, dans une certaine mesure, joué le rôle de cause dans la convention: autrement, ce ne serait plus qu'une erreur sur le motif, et il a été établi qu'elle doit être sans influence sur la validité de la convention. Mais il ne faut pas non plus supposer que cette qualité était la causé unique et seule déterminante de la convention: autrement, la convention serait radicalement nulle. Il faut donc supposer, avec le texte, que la qualité sur laquelle l'erreur a porté était d'une importance suffisante pour contribuer à déterminer la convention, mais sans la déterminer seule; c'était, comme dit encore le texte, " une des qualités principales " que les parties recherchaient dans la convention.
66. Le Code français appelle ces qualités: la sul stance de la chose; mais le mot rî est pas sans înconvenients: à proprement parler, la substance d'une chose, c'est la matière qui la constitue (h); ainsi, c'est par la substance surtout que diffèrent profondément les métaux, les minéraux, les végétaux, et c'est par elle que, parmi eux, on sous-distingue les objets d'or, d'argent, de cuivre, de fer, de plomb; la pierre, le marbre; les divers bois, les diverses matières textiles, etc.
Assurément, l'erreur d'une des parties sur la substance de l'objet du contrat, peut être grave; mais c'est à la condition que cette substance a été prise en grande considération par la partie; or, le contraire peut souvent arriver et il serait mauvais qu'elle pût, par caprice et à la faveur d'une erreur de peu d'importance, se soustraire à la convention; en sens inverse, il y a d'autres qualités des choses, des qualités non-substantielles, qui peuvent avoir été considérées comme déterminantes dans le contrat et au sujet desquelles il serait fâcheux de laisser l'erreur sans remède.
Le Projet a donc présenté autrement que son modèle les règles de cette matière: on recherchera si les qualités sur lesquelles l'erreur d'une des parties a porté étaient, dans une certaine mesure, déterminantes de son consentement: elles sont alors dites principales, et, le consentement se trouvant vicié, la convention est annulable; si ces qualités n'ont eu qu'une importance secondaire pour la partie induite en erreur, la convention sera maintenue; sauf indemnité, si l'erreur provenait du dol ou de la faute de l'autre partie (9).
67. Le Projet n'a cependant pas ôté tout intérêt, dans le cas d'erreur, à distinguer les qualités substantielles de celles qui ne le sont pas, et, de cette façon, il se rattache aux traditions courantes: les qualités substantielles sont présumées principales et déterminantes pour les parties, sauf la preuve d'une intention différente; la présomption est inverse pour les qualités nonsubstantielles: elles sont présumées secondaires et de peu d'importance pour les parties, sauf aussi la preuve contraire.
Dans l'application du Code français, la jurisprudence, cherche à arriver au même résultat par une autre interprétation de l'intention des parties: on ne dit pas que les qualités substantielles des choses sont présumées principales et déterminantes pour les parties; on dit, au contraire, que les qualités déterminantes sont substantielles, ce qui a l'inconvénient de dénaturer le sens du mot substance. Dans ce système, on est amené à appeler substantielles les qualités purement abstraites et métaphysiques dont parle le dernier alinéa du présent article, ce qui est évidemment abusif; tandis qu'il est très naturel de considérer comme principales et déterminantes l'ancienneté d'une chose, son histoire, sa provenance régionale, l'usage auquel elle est propre ou destinée.
68. Une dernière observation reste à faire. Puisque, dans les deux systèmes, on reconnaît qu'il y a des qualités substantielles et d'autres qui ne le sont pas même en restant dans l'ordre des qualités physiques et matérielles des choses, il faut chercher le signe distinctif des unes et des autres.
Sans doute, comme on l'a dit déjà, la substance des métaux n'est pas la même que celle des autres minéraux; sans doute aussi, chaque métal, chaque minéral, chaque végétal, a sa substance propre; on peut même dire que la substance de l'acier n'est pas la même que celle du fer; mais il y a encore bien des qualités différentes, soit de fer, soit d'acier; dans les matières textiles, non seulement il y en a de végétales et d'animales, mais, en outre, la soie diffère profondément de la laine et le coton du chanvre; ces différences sont substantielles, assurément; mais il y a de même des différences entre les soies, entre les laines, entre les cotons, suivant leurs diverses provenances; on peut dire encore que ces différences sont substantielles; enfin, il y a, entre ces mêmes substances, des différences de solidité ou d'éclat qui proviennent du mode de fabrication; ces différences ne sont pas substantielles, pas plus que les degrés de résistance, soit du fer, soit de l'acier.
Parmi les animaux, la différence entre le bœuf et le cheval n'est pas seulement dans la forme et dans la force musculaire, elle est dans la substance même de tout l'être; parmi les chevaux même, entre le cheval japonais, le cheval anglais et le cheval arabe, la différence, dite de race, est substantielle; mais entre deux chevaux japonais ou deux chevaux anglais il n'y a plus que des différences individuelles, de force, d'agilité, d'élégance, lesquelles assurément ne sont pas substantielles.
Tout le monde peut être d'accord sur ces solutions; mais, ce qu'il faut, c'est un principe dirigeant, une formule applicable à tous les cas. La meilleure (ui ait été proposée, en France, est celle ci: chaque fois que, dans les objets de même espèce, une qualité est absolue, toujours identique dans les objets de même espèce et non susceptible de degrés, elle est SUBSTANTIELLE; lorsqu'au contraire, la qualité est relative, lorsqu'elle varie avec les objets individuels, lorsqu'elle est "susceptible de plus ou de moins," elle est NON-SUBSTANTIELLE. On peut ajouter que les qualités substantielles font, en général, donner aux choses un nom particulier qui les distingue des autres, tandis que les qualités non-subscantielles ne leur font guère donner qu'une qualification adjective.
69. On terminera toutes ces dispositions concernant l'erreur à ses divers degrés, par une observation importante. Soit que l'erreur, suivant son objet et sa gravité, entraîne la nullité radicale du contrat ou le rende simplement annulable, elle peut être et elle sera souvent imputable à la négligence de celui qui l'a commise. On verra, dans l'article 333; le cas où elle est l'effet du dol de l'autre partie; mais, quand elle est spontanée et résulte, dans une certaine mesure, de la faute de celui qui s'est trompé, il est naturel et juste qu'il indemnise l'autre partie: celle-ci, en effet, se voit privée des avantages d'une convention qu'elle a pu considérer comme stable et certaine, et elle peut avoir ainsi perdu l'opportunité de faire une pareille convention avec une autre personne. La réciproque pourrait avoir lieu, il pourrait y avoir eu faute, même sans dol, de la partie contre laquelle la nullité pour erreur est demandée: notamment, si, proposant un contrat par correspondance, elle n'a pas suffisamment désigné les qualités de l'objet proposé. Les tribunaux auront donc à rechercher si l'erreur est imputable à une faute ou à des circonstances toutes fortuites, et, s'il y a eu faute ou imprévoyance, de quel côté elle a eu lieu. Ils pourraient alors, si l'imprudence vient du demandeur en nullité, le soumettre à une indemnité pour le dommage causé à l'autre partie, et même, si la faute est très lourde et que le dommage de la nullité doive être très considérable, la refuser absolument; car il vaut mieux ne pas causer un dommage que d'avoir à le réparer.
Remarquons enfin que, pour l'erreur sur les qualités de l'objet, il y a moins encore que pour les autres erreurs, à faire de différence entre les parties: notamment, en cas d'aliénation, entre la partie qui aliène et celle qui acquiert, et, en cas d'obligation de faire ou de ne pas faire, entre celle qui promet et celle qui stipule.
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(9) Le Texte officiel est revenu aux expressions du Code français: qualités substantielles ou non substantielles; nous le regrettons; mais il a au moins maintenu la distinction relative à l'intention des parties.
(h) Du latin: quod stat sub modis, " ce qui est sous la forme," la nature intime de la chose.
Art. 331 bis. -70. Toutes les dispositions d'une convention et tous les objets qui y sont mentionnés sont susceptibles d'erreur. La loi prévoit ici quelques erreurs qui ne peuvent se rattacher à un seul ordre d'idées, ni à une seule dénomination, bien qu'elles semblent, au premier aspect, assez voisines les unes des autres.
Le 1er alinéa prévoit une erreur sur l'époque ou le lieu fixés pour l'exécution de la convention, le second alinéa, une erreur sur la date ou le lieu de la rédaction de l'acte instrumentaire destiné à prouver la convention.
La première erreur est évidemment plus grave que la seconde; il est possible, en effet, que la considération du temps ou du lieu de l'exécution ait eu une influence plus ou moins déterminante sur le consentement de l'une des parties, de 60rte que son erreur sur l'un de ces points exclut ou vicie son consentement; c'est une variété de l'erreur sur la cause principale ou secondaire; aussi la loi déclare t-elle qu'elle rend la convention nulle ou annulable, suivant que la partie y a attaché plus ou moins d'importance.
Il est évident qu'une partie qui aurait cru ne s'obliger que pour une époque éloignée pourrait se trouver exposée aux plus grands embarras, s'il lui fallait exécuter beaucoup plus tôt; de même un créancier qui aurait cru que l'échéance de la dette devait être rapprochée pourrait éprouver un dommage considérable d'un ajournement plus ou moins long. Il en est de même pour le lieu de l'exécution auquel chaque partie peut attacher un intérêt considérable et se trouver, par une erreur à ce sujet, exposée à de grandes difficultés ou à de sérieux dommages.
70 bis. Il en est tout autrement de l'erreur sur la date ou le lieu attribué à l'acte instrumentaire: il peut arriver qu'au commencement d'une nouvelle année, on date un acte de l'année précédente, par l'effet de l'habitude; de même, après un changement de résidence, on peut avoir daté de la ville qu'on a quittée récemment. Il n'est personne qui n'ait commis fréquemment l'une ou l'autre de ces erreurs dans les circonstances que nous indiquons.
On peut aussi avoir commis une erreur de calcul, lorsque d'ailleurs les éléments du compte sont certains, ou une erreur de nom, de prénoms ou d'orthographe des noms.
Ces erreurs, toutes matérielles, ne vicient pas la convention, mais elles doivent être réparées. L'article 582 nous dira plus tard que le droit d'en demander la rectification est imprescriptible.
Art. 332. — 7. 1. Le Projet tranche ici une question d'une grande importance, fort difficile de tout temps et dont le Code français ne s'est pas occupé, au moins comme principe général. On ne trouve dans ce Code que deux dispositions particulières sur l'erreur de droit: l'article 1356 qui ne permet pas de révoquer, de rétracter un aveu pour erreur de droit, et l'article 2052 qui défend d'attaquer une transaction pour erreur de droit. Ces deux solutions particulières fournissent un argument en sens contraire (a contrario), pour soutenir que les autres contrats ou actes juridiques pourraient être annulés pour ce genre d'erreur. En effet, les deux dispositions seraient inutiles si la règle générale n'était pas inverse.
Le Projet ne s'écartera pas du Code français à l'égard de ces deux dispositions faciles à justifier en leur lieu (voy. art. 759 et 1364); de plus, il se prononce ici sur le principe, comme a eu soin de le faire le Code italien (art. 1109) dont la disposition, beaucoup plus brève, trop brève peut-être, est ainsi conçue: " l'erreur de droit " produit la nullité du contrat, seulement lorsqu'elle en "a été la cause unique ou principale."
Ce texte ne dit pas s'il s'agit d'une nullité absolue et radicale ou seulement d'un cas d'annulation judiciaire; il semble que ce doive être la première, car, dans le cas prévu, la cause manque ou est fausse.
Le Projet japonais est plus large, il admet qu'il y aura tantôt nullité radicale pour défaut de consentement ou de cause, tantôt simple annulabilité pour vice du consentement, par l'effet de l'erreur de droit, et cela, suivant la distinction déjà établie, au sujet de l'erreur de fait, entre l'erreur principale et l'erreur secondaire, entre celle qui a déterminé la volonté et celle qui l'a seulement influencé.
En permettant d'attaquer les conventions pour erreur de droit, la loi montre qu'elle n'est pas arrêtée par un prétendu principe, trop souvent répété, en forme d'axiome, à savoir que "nul n'est censé ignorer la loi" (nemo jus ignorare censetur). Ce principe sera examiné et réduit à sa juste application, sous le 3e alinéa ci-après.
Le texte prévoit cinq sortes d'erreurs de droit: elles peuvent porter sur la nature de la convention, sur ses effets légaux, sur sa cause, sur les qualités légales de son objet^ou sur celles de la personne du co-contractant. On va les reprendre avec des exemples.
72. A. On a déjà expliqué (n° 58) comment il peut y avoir erreur de fa i t sur la nature de la convention.
L'erreur sera de d l' 0 i t, quand une partie se sera trompée sur la qualification donnée au contrat: par exemple, elle aura confondu un prêt à usage avec un prêt de consommation ou avec un louage, un louage avec une emphytéose, un cautionnement avec un engagement solidaire. Il est évident que, dans le cas d'une telle erreur, le contractant n'a pas donné un véritable consentement: les volontés ne se sont pas rencontrées.
73. B. Si l'erreur a porté sur les effets légaux du contrat, le résultat est le même et par la même raison; la seule différence c'est que la partie a bien compris qu'elle faisait tel ou tel contrat nomme, comme une vente ou un louage; mais elle en ignorait certains effets, tels, que si elle les avait connus, elle n'aurait pas contracté; par exemple, un vendeur ignorait qu'il était tenu, de droit ou par la force seule de la loi, à la garantie d'éviction ou à celle des défauts cachés de la chose, lors même qu'il ne connaissait pas lui-même ces défauts; ou bien un bailleur ignorait qu'il était tenu de garantir la possession paisible et de fournir la jouissance continue de la chose louée; or, il lui serait possible de démontrer que, s'il avait connu les obligations que le contrat lui imposait, il n'aurait pas contracté ou aurait stipulé un prix plus considérable, ou aurait, en diminuant le prix, stipulé l'affranchissement de ces obligations.
On pourrait supposer une erreur de droit en sens inverse, le vendeur ou le bailleur se croyait des droits que la loi ne lui donne pas sans stipulation particulière; par exemple, il se croyait un privilége sur la chose vendue que la loi ne lui accorde pas ou qu'elle subordonne à des conditions qu'il ignorait et qu'il n'a pas remplies; on peut supposer la même erreur chez un bailleur, au sujet du privilége sur la récolte et autres produits de la chose louée. La partie qui s'est ainsi trompée sur le droit peut établir qu'elle n'aurait pas traité si elle avait su être privée de ces avantages, ou qu'elle en aurait rempli les conditions si elle les avait connues.
74. C. L'erreur de droit sur la, cause du contrat nous est encore fournie par la novation dont il a été déjà parlé et qui sera développée en son lieu. Une partie se croyait tenue légalement d'une obligation antérieure et, pour s'en affranchir, elle a consenti une autre obligation; plus tard, elle découvre que la première obligation n'était pas valable dès l'origine ou était éteinte par une compensation légale ou par la confusion; l'erreur ne portait pas sur les faits, mais sur les dispositions de la loi qui les régissent, c'est donc une erreur de droit et la nouvelle obligation est nulle pour fausse cause ou pour absence de cause.
75. D. Le texte fait encore mention de l'erreur de droit qui porterait sur les qualités principales et déterminantes de la chose objet du contrat. On conçoit moins aisément, à ce sujet, une erreur de droit qu'une erreur de fait. Le cas le plus naturel qui pourrait se présenter est celui où l'une des parties aurait cru que la chose était dans le commerce, tandis qu'elle était dans le domaine public, ou l'avait crue aliénable, lorsqu'elle ne l'était pas; de même elle aurait pu croire qu'un droit était mobilier, quand il était immeuble par la détermination de la loi. Une pareille erreur peut être tout aussi préjudiciable à la partie qu'une erreur de fait.
76. E. Il y a enfin l'erreur de droit sur les qualités de la personne ayant déterminé la convention; ainsi, lorsqu'on a fait un partage de succession avec un parent qu'on croyait héritier, alors que la loi ne l'appelait pas à la succession; ou bien, lorsqu'on a fait une transaction avec une personne qu'on croyait héritier légitime du créancier ou du débiteur et qu'il se trouve ensuite que cette personne, n'ayant pas la qualité d'héritier, ne pouvait valablement transiger au sujet de cette obligation. On pourrait encore citer le cas où l'acheteur a cru, par une fause interprétation des titres à lui présentés, que le vendeur était propriétaire de la chose vendue, quand il ne l'était pas: il est clair que s'il avait connu la vérité, il n'aurait pas acheté, puisque vente de la chose d'autrui est nulle."
Dans ces divers cas, on revient toujours à reconnaître que l'erreur de droit est une erreur sur la cause principale de la convention, ou sur une des causes déterminantes du consentement et c'est ainsi, sans doute, que l'a entendue l'article 1109 précité du Code italien; la convention sera donc nulle ou annulable suivant la gravité de l'erreur.
77. Il reste à concilier ces secours accordés par le Projet à celui qui a commis une erreur de droit avec la prétendue règle que " nul n'est censé ignorer la loi," et tel est l'objet des deux derniers alinéas du présent article.
On a déjà remarqué (n° 69), au sujet de l'erreur de fait, que celui qui a commis ce genre d'erreur sera plus ou moins facilement admis à être relevé contre son erreur, suivant que celle-ci sera plus ou moins excusable; la même règle s'applique à l'erreur de droit et l'excuse sera d'autant plus difficilement accordée qu'il était plus facile de connaître, soit l'existence d'une loi sur un objet déterminé, soit le sens et la portée de ses dispositions; si la partie avait des doutes à cet égard, elle pouvait, en général, s'éclairer près de personnes plus compétentes ou plus expérimentées. C'est pourquoi, le texte dit que les tribunaux " n'admettront lanullité de la convention qu'avec une grande réserve." Ces recommandations de la loi aux tribunaux, sans être fréquentes, ne sont pas inusitées (comp. c. civ. fr., art 1244).
Mais il faut reconnaître aussi que les recueils de loi ne sont pas facilement accessibles à tous; lors même que les lois civiles seront codifiées, elles ne seront pas écrites dans la langue du peuple et, quelque soin qui ait été apporté à leur rédaction, on ne peut espérer qu'il n'y aura pas de points douteux, même pour les légistes; dans tous les pays, les légistes et les magistrats sont arrêtés par des difficultés de droit et divisés sur leur solution; le Japon ne peut prétendre échapper à cet inconvénient. 11 faudra donc, pour être j uste, admettre la partie qui s'est trompée sur le droit à prouver, non seulement sa bonne foi, mais encore les difficultés qui l'ont empêchée de connaître la loi, son sens ou sa portée. Les tribunaux tiendront compte, à cet égard, du caractère exceptionnel ou vulgaire de la convention, de la condition sociale de la partie demanderesse, des moyens qu'elle avait ou non de s'éclairer, et enfin du degré de protection dû à l'autre partie.
78. Quant au principe célèbre que le nul n'est censé ignorer la loi," le troisième alinéa en fait l'application aux matières pénales, aux déchéances et, généralement, aux matières d'ordre public.
Ces exceptions sont faciles à justifier.
Pour les pénalités, elles supposent des actes qui, par leur nature, doivent se présenter à l'esprit de chacun comme malhonnêtes et, par conséquent, interdits; dans le doute, il faut s'en abstenir.
Les déchéances de droits, résultant, soit du temps, soit de l'inobservation des formalités prescrites par la loi, sont établies dans un but de protection, tantôt pour l'autre partie contre laquelle un droit est prétendu, tantôt pour l'ordre public et la tranquillité générale; il est inadmissible que l'erreur d'une partie nuise à l'autre ou au bien de tous; tel est le cas de celui qui, par ignorance, aurait laissé son droit s'éteindre par prescription ou n'aurait pas suivi les formes de procédure établies pour la conservation de son droit.
La dernière formule de la loi est très large et c'est aux tribunaux qu'il appartiendra d'apprécier si l'ordre public s'oppose à ce que les particuliers soient relevés contre une erreur de droit. Nous citerons, comme exemples hors de doute, les erreurs de droit commises sur la forme à observer dans les contrats solennels, sur la publicité à donner aux constitutions ou transmissions de droits réels immobiliers, sur le taux légal de l'intérêt de l'argent, etc.
Rappelons, en terminant, un autre cas déjà expliqué (T. 1er, n° 285), où l'erreur de droit ne sera pas excusable: le possesseur de la chose d'autrui ne sera pas admis à invoquer son erreur de droit, comme base de sa bonne foi, soit pour profiter des fruits, soit pour acquérir par une prescription abrégée; le motif qu'on en a donné peut se résumer en un axiome qu'on retrouvera sous l'article 362, c'est que " celui qui lutte " pour acquérir le bien d'autrui est moins intéressant " que celui qui lutte pour conserver le sien propre." Ce point de vue devra même être pris en considération dans les autres cas, en vertu du 2e alinéa du présent article.
Art. 333. — 79. La disposition de cet article constitue une profonde innovation par rapport au Code français, au moins tel qu'il est interprété en généial: le dol ne figure plus, en lui-même et comme tel, parmi les vices du consentement: il n'est qu'un fait dommageable donnant lieu à la réparation du préjudice causé; si l'annulation est prononcée exceptionnellement, ce ne sera qu'à ce titre de réparation et sans que les tiers de bonne foi puissent en souffrir.
Pour justifier cette innovation du Projet, il faut d'abord se rendre compte des objections qu'on peut faire et qu'on a faites au Code français. L'article 1116 exige que le dol ait été pratiqué " par l'une des parties," pour être une cause de nullité au profit de l'autre: pratiqué par un tiers qui ne serait pas complice de la partie, il ne donnerait lieu qu'à une indemnité de la part de ce tiers. Or, la raison se refuse à comprendre qu'un fait dolosif, un acte frauduleux, change de nature et de gravité avec la personne de son auteur, qu'il produise un vice de consentement quand il est accompli par la partie et laisse au consentement toute sa validité quand il est accompli par un tiers; tel est pourtant le résultat singulier auquel paraît conduire l'article 1116 du Code français et contre lequel les auteurs n'ont pas assez protesté.
Quand il s'agit, au contraire, de l'erreur, soit sur la chose même, soit sur ses qualités principales, la loi ne distingue pas et elle ne pouvait distinguer quelle est l'origine ou la cause de l'erreur: si elle est spontanée, si elle provient de la faute de l'autre partie ou de celle d'un tiers, le consentement est toujours vicié; de même (on le verra bientôt), s'il y a eu violence, ou contrainte, le consentement est toujours vicié, quel que soit l'auteur de la violence. La distinction qu'a faite le Code français au sujet de l'auteur du dol n'a jamais pu être pleinement justifiée, si le dol doit être considéré comme un vice du consentement, et presque tous les auteurs luttent inutilement de subtilités et d'hypothèses complaisantes pour défendre contre la raison la loi ainsi interprétée.
80. Reprenant la question de plus haut, il faut d'abord se demander qu'est-ce, au juste, que le dol ? Les jurisconsultes romains, ici encore, nous fournissent des définitions satisfaisantes: l'un d'eux dit qu'il y a dol " lorsque l'on simule une chose, en en faisant une " autre un autre, plus précis, dit que le do] est " toute "ruse, toute supercherie, toute machination, employée "pour induire en erreur, circonvenir, tromper autrui." Cependant, ils n'interdisent pas, ils ne condamnent pas toute adresse, toute habileté consistant, pour chaque contractant, à défendre ses intérêts et à tirer le meilleur profit possible de la convention: à cet égard, ils admettent un dolus bonus, un dol permis, par opposition au dol malus ou dol illicite, le seul dont le droit ait à s'occuper pour le combattre ou le réprimer.
Dans le langage moderne, le mot dol se prend toujours en mauvaise part et on y attache le sens de " manœuvres frauduleuses tendant à induire un contractant en erreur et ayant eu ce résultat."
L'erreur est donc le mal immédiat qui résulte du dol, et avant de se prononcer sur le point de savoir si le dol est un vice de consentement, il faut examiner quelle nature, quelle gravité d'erreur il a produite.
Il est clair que si le dol a pro luit une des erreurs désignées à l'article 330, l'erreur sur la nature de la convention, sur l'objet même de la convention, sur sa cause ou sur la personne, quand celle-ci est la considération déterminante de la convention, alors, il n'y a pas de consentement: la convention est radicalement nulle; il est indifférent pour le résultat principal, pour la nullité, que l'erreur vienne du dol ou soit spontanée: la circonstance qu'il y a eu dol ne pourra guère avoir d'influence que pour les dommages-intérêts supplémentaires.
De même, si l'erreur produite par le dol a porté sur la personne, dans le cas prévu à l'article 330 bis, 2e al. ou sur ce que l'article 331 appelle les qualités principales (pour substantielles) de la chose, le consentement est vicié, non par le dol, mais par l'erreur.
Quelles autres erreurs le dol peut-il avoir causées ? Il ne reste que l'erreur sur la personne, quand celle-ci était sans influence sur la formation de la convention, l'erreur sur les qualités secondaires (non substantielles) de la chose, et l'erreur sur le motif de la convention. Or, il a été établi que ces erreurs n'ont pas, en ellesmêmes, assez de gravité pour vicier le consentement et pour entraîner l'annulation de la convention: elles ne peuvent pas changer de nature ni de gravité, parce qu'elles proviennent d'un dol, au lieu d'être spontanées. Seulement, si elles proviennent d'un dol, il y a là un fait dommageable qui doit être réparé par son auteur: il y a une obligation née non plus d'un contrat, mais d'un délit civil, d'un dommage injuste.
81. Voyons comment cette réparation sera obtenue. En général, dans ce cas comme dans les autres, les dommages causés injustement se répareront en argent; ce mode de réparation est le seul qui puisse être demandé à ] 'auteur du dol, lorsqu'il n'est pas la partie contractante, et il en sera de même lorsque le dol émanant de celle-ci n'aura pas eu d'influence sur la formation même de la convention, n'aura pas déterminé le consentement, mais aura seulement fait accepter des conditions moins avantageuses; tel serait la tromperie sur des qualités secondaires ou accessoires de la chose vendue; c'est le cas que les auteurs appellent dol incident, dol accessoire ou dol secondaire. Lorsqu'au contraire, le dol émanant de la partie contractante a été déterminant, cas où le dol est dit principal, comme serait le dol sur le motif, une indemnité en argent ne réparerait souvent que très imparfaitement le dommage causé: il est bien plus simple, et plus juste aussi, de rendre à la partie sa situation première, de l'affranchir de la convention qui lui porte préjudice.
82. Il reste à établir que cette annulation de la convention, prononcée à titre de réparation, n'a pas tous les caractères de l'annulation prononcée pour vice de consentement. On peut signaler trois différences par lesquelles elle s'en sépare.
1° Si la convention déterminée par dol était une aliénation, et que, par l'effet d'une autre convention, la chose eût passé dans les mains d'un tiers exempt de toute fraude ou collusion, la première aliénation, même immobilière, ne pourrait être annulée au préjudice du sous-acquéreur, tandis que, s'il y avait eu vice du consentement proprement dit, l'annulation de la convention pourrait être poursuivie contre les sous-acquéreurs, ainsi qu'il sera dit plus loin (art. 575). Cette première différence résulte formellement du dernier alinéa du présent article
2° S'il y avait plusieurs co-contractants dont un seul fût coupable de do], l'annulation ne pourrait être prononcée, parce qu'elle ne devrait pas nuire à ceux qui sont exempts de fraude. Cette différence, toute de justice et de raison, résulte suffisamment du texte du 3e alinéa qui, n'accordant l'annulation à titre de réparation que si l'auteur du dol est l'autre -partie, doit s'entendre de toutes les autres parties, si elles sont plusieurs.
3° Enfin, l'action en réparation du dol est purement personnelle, elle est une simple créance d'indemnité, dont l'annulation du contrat n'est qu'un mode particulier; par conséquent, elle n'entraîne aucune préférence pour la partie trompée dans une aliénation; si donc l'auteur du dol est devenu insolvable, quand bien même la chose aliénée serait encore sa propriété, elle est devenue le gage de tous ses créanciers et l'aliénateur trompé ne pourrait que venir en concours avec les autres créanciers, pour se faire indemniser proportionnellement à sa perte, sur la valeur de la chose qui serait vendue au profit commun. Si, au contraire, l'annulation avait lieu pour vice de consentement, elle aurait lieu à l'encontre des créanciers de l'acquéreur, parce que la partie demanderesse agirait en vertu d'un droit réel par elle conservé. Cette dernière différence résulte des principes généraux: une fois le système du Projet admis, elle n'a pas besoin d'être appuyée sur un texte.
Le 3e alinéa permet d'accorder à la partie lésée des dommages-intérêts, outre l'annulation; ceci est encore conforme aux principes; mais il est d'usage, dans les lois, de le rappeler souvent.
Art. 334. — 83. En général, la violence n'est considérée que comme un vice du consentement; c'est ainsi que le Code français lIa présente (art. 1111 et suiv.); c'est la théorie romaine, d'après laquelle "la volonté forcée est toujours une volonté dans le même sens, on dit aujourd'hui que celui qui cède à la violence ou à la menace préfère de deux maux le moindre, et, par conséquent, ayant délibéré, a consenti (hh).
Mais on doit admettre qu'il y a des cas où la violence est telle que la résistance est impossible, qu'il n'y a plus délibération, par conséquent, pas de volonté ni de consentement. Ce ne sera guère que le cas de menaces de mort et alors que le danger de la mise à exécution sera immédiat: par exemple, le cas où une partie serait sommée d'avoir à promettre ou à aliéner, alors qu'étant liée ou désarmée, on lui appliquerait sur la poitrine une arme meurtrière. On devrait admettre aussi le cas d'actes de barbarie ou de tortures physiques insupportables: l'assentiment purement extérieur, par la parole ou par les actes, n'impliquerait aucune volonté.
La loi met sur la même ligne un danger, un péril imminent, provenant d'un accident et contre lequel une personne implore un secours, en promettant ou en aliénant tout ou la plus grande partie de sa fortune. Le cas de pareils engagements, que le texte suppose " excessifs, téméraires et déraisonnables," s'est présentÓ de tous temps et en tous pays et il a souvent donné lieu à des difficultés sérieuses devant les tribunaux. Après le péril passé, ceux qui ont fait de telles promesses ou aliénations ne les veulent plus reconnaître, comme n'ayant pas été libres, ni même consentants. Il n'est pas possible d'autoriser les tribunaux à les réduire, parce que ce serait, de leur part, estimer en argent des services, des dévouements qui ne comportent pas une pareille estimation: ils ne peuvent donc que maintenir la convention en entier, si elle n'est pas déraisonnable, ou la déclarer nulle en entier, pour défaut complet de consentement, à cause de son exagération même. C'est ce qu'autorise le texte du deuxième alinéa.
Bien entendu, dans ce cas, les tribunaux pourraient allouer une indemnité à la personne qui a rendu le service demandé, en prenant pour base, moins le danger que cette personne a couru elle-même pour le sauvetage que le dommage qu'elle a pu en éprouver, soit dans sa personne, soit dans ses biens; le reste doit être laissé à la reconnaissance de la personne sauvée et ne constitue pour elle qu'une obligation naturelle ou de conscience (voy. art. 586 et s.).
84. Le cas où la violence vicie seulement le consentement est réglé au Se alinéa. Les deux mêmes hypothèses s'y retrouvent, les violences physiques ou voies de fait et le danger imminent, mais à un moindre degré; il s'y trouve aussi les menaces d'un mal assez considérable pour que la partie menacée ait préféré consentir à la convention qu'on lui demandait, plutôt que de subir ce mal. La loi suppose que ce mal doit être " immédiat ou prochain," parce que, s'il était éloigné, il serait difficile de croire que la partie l'a redouté plus encore que la convention et que sa crainte a été sérieuse. Mais ce qui, surtout, doit être présent, c'est la crainte et non le danger; sous ce rapport, le droit romain, disant crainte présente, était plus exact que le Code français qui parle de mal présent.
84 bis. Le texte nous dit encore (4e al.) que le danger auquel la partie a cherché à se soustraire par la convention peut avoir été " pour ses biens autant que pour sa personne," et qu'il peut avoir été aussi "pour la personne ou pour les biens d'autrui." Cette double assimilation d'intérêts de nature ordinairement différente, n'est pas absolue: elle ne défend pas aux tribunaux de tenir plus grand compte du danger des personnes que du danger des biens, et du danger du contractant plus que du danger d'autrui; du moment que les tribunaux doivent apprécier la gravité du danger et l'influence que la crainte a exercée sur la volonté, toutes les circonstances du fait sont à considérer par eux.
Les articles suivants confieront encore d'autres points à l'examen des tribunaux.
84 ter. ILva sans dire, et la loi n'a pas cru devoir l'exprimer, que des menaces légitimes qui auraient déterminé quelqu'un à contracter ou à aliéner, pour se soustraire à un danger légal, ne seraient pas considérées comme viciant le consentement: par exemple, si quelqu'un, menacé d'une poursuite civile ou d'une plainte au criminel (dans un des cas où l'action publique est subordonnée à la plainte de la partie lésée), faisait une transaction pour y échapper, il ne pourrait se plaindre que s'il y avait eu exagération mensongère du danger qu'il pouvait courir et, dans ce cas, ce serait plutôt un dol qu'une violence; mais il pourrait, d'après la distinction exposée sous l'article 333, faire annuler ou réduire son engagement.
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(hh) Coacla volulltas est voluntas. Qui mavult vult.
Art. 335. — 85. Cette disposition rappelle celle de l'article 1113 du Code français; mais elle est complétée avec l'article 1113 du Code italien. Lorsque la parenté ou l'alliance sont très proches, l'affection naturelle est présumée assez forte pour que le danger couru par la tierce personne soit assimilé par la loi à celui qu'aurait couru la partie contractante elle-même. Mais là s'arrête la présomption légale: pour les autres ordres de parenté ou d'alliance, la question d'affection et, par suite, d'influence sur la liberté du contractant, sera appréciée en fait par les tribuuaux. Ceux-ci pourront aussi tenir compte des simples liens d'amitié et même des sentiments naturels d'humanité qui auraient pu porter une personne à contracter un engagement, sous l'influence d'une menace dont un étranger serait l'objet et dans le seul but de le sauver du danger.
Quoique le présent article ne parle que des violences commises par les personnes, il ne faudrait pas hésiter à l'appliquer aux périls accidentels prévus au 2e alinéa de l'article précédent: par exemple, si quelqu'un avait promis une somme déraisonnable, eu égard à ses facultés, pour le sauvetage d'un parent ou d'un ami,
Art. 336. — 86. La même observation se trouve dans l'article 1111 du Code français, et c'est elle qui constitue la profonde différence entre la violence et le dol; c'est elle qui a permis de dire que le dol n'est pas, en lui-même, un vice du consentement, puisque son influence sur la convention varie avec la personne qui l'a commis.
Dans le présent Projet, il y a encore moins lieu de douter que la violence provenant d'un tiers vicie ou exclut le consentement, puisque la crainte d'un péril imminent provenant d'une force majeure ou d'un événement de la nature est assimilée à la crainte provenant de violences coupables.
L'idée de notre article s'exprimait, en droit romain, en disant que "la violence s'examine in rem, en ellemême, tandis que le dol s'examine in personam, quant à la personne qui l'a commis."
Art. 337. — 87. On verra, à l'article 340, que la partie dont le consentement a été vicié a seule le droit de demander l'annulation du contrat. Le présent article a pour but de nous dire que c'est là un secours extrême auquel elle n'est pas tenue.^de recourir: elle peut se contenter de dommages-intérêts. La même disposition se trouve déjà dans l'article 333 au sujet du dol. Mais il ne faudrait l'étendre ni au cas d'erreur, ni à celui d'incapacité, parce que, dans ces deux cas, il n'y a pas faute de l'autre partie contractante.
Art. 338. — 88. Le Projet réunit ici deux dispositions fort sages du Code français (art. 1112 et 1114), en y apportant toutefois deux corrections.
Le Code français exige que les violences aient été " de nature à faire impression sur une personne raisonnable; " par cela même, il semble ne pas accorder, de protection à une personne qui, par faiblesse d'esprit ou par l'effet de la maladie, aurait été impressionnée d'une manière exagérée par des menaces peu graves. Le Projet japonais corrige cette disposition: si cet état particulièrement faible où s'est trouvé le contractant a été connu de l'autre partie et surtout si c'est elle qui est l'auteur de la violence, il n'est pas juste qu'elle profite d'une convention qui n'a pas été pleinement libre.
La considération de l'âge s'appliquera plutôt à la vieillesse qu'à la trop grande jeunesse, puisque la minorité fournit déjà une autre protection.
Pour le sexe, il est clair qu'une femme sera, plus facilement qu'un homme, admise à alléguer la violence ou les menaces dont elle a été l'objet.
La condition respective des personnes concerne les rapports de maîtres ou patrons à serviteurs et ouvriers, de chefs à subordonnés, dans les services publics; enfin, les rapports de parents à enfants et de mari à femme.
Pour ces derniers, la loi met les tribunaux en garde contre un excès de protection pour les enfants et l'épouse (cette dernière n'est pas mentionnée dans le Code français): ils ne seraient pas recevables à dire qu'ils n'ont pu, par la raison de respect, résister à la convention qui leur était demandée.
Art. 339. — 89. La disposition du 1er alinéa ne se trouve dans le Code français que pour le dol (art. lllo); mais elle n'est pas moins vraie pour les deux'véritables vices de consentement, l'erreur et la violence, ni pour la lésion et même pour l'incapacité. A la rigueur, elle pourrait, sans grave inconvénient, ne pas figurer dans la loi et on ne la trouve pas dans le Code italien. Mais elle n'est pas inutile non plus, car elle accentue une différence, quant à la preuve, entre les conditions d'existence des conventions et les conditions de leur validité.
Les conditions d'existence des conventions ne se présument pas: c'est à celui qui prétend tirer avantage d'une convention à prouver qu'elle existe, c'est-à-dire, que toutes les conditions essentielles en sont remplies; au contraire, quand la convention existe, elle est présumée valable; c'est donc à celui qui la prétend viciée, par l'altération de son consentement ou par son incapacité, à prouver ces circonstances exceptionnelles.
90. Cette différence entre l'existence des conventions et leur validité, au sujet du fardeau de la preuve, n'est pas si évidente:qu'on doive se dispenser de l'indiquer dans la loi et de la justifier ici. Elle respose sur deux principes généraux qui eux-mêmes ne sont pas à écrire dans la loi, parce qu'ils sont dans la nature des choses: le premier, c'est que le droit commun des hommes est l'absence d'obligation civile entre eux; l'existence d'une obligation d'une personne envers une autre est toujours une exception, une situation anormale; la preuve de l'existence d'une obligation est donc à la charge de celui qui s'en prévaut. Le second principe est que ce qui existe est valide, est viable; or, les cas où la convention est viciée ou annulable impliquent toujours quelque faute; tantôt, c'est une faute de la partie même qui se plaint de la convention, comme le défaut d'attention dans l'erreur, l'imprudence dans la lésion et dans l'incapacité; tantôt, c'est une faute de l'adversaire, comme dans la violence et le dol; ce sont donc encore là des cas exceptionnels et qui doivent -être prouvés, car la raison, la prudence, l'honnêteté, se rencontrent le plus souvent dans les conventions.
91. La disposition du 2e alinéa vise surtout le cas où il y aurait dol réciproque ou incapacité des deux parties; car, il est plus difficile de supposer soit des violences réciproques, soit une double erreur ou une double lésion. Mais, réduite à deux applications, la disposition a encore une grande importance.
Si l'on suppose un contrat entre deux incapables, celui des deux qui demandera la nullité n'y sera pas moins recevable parce que l'autre partie y devra perdre le bénéfice du contrat: il est naturel qu'entre deux personnes également dignes de protection par leur qualité, la loi donne la préférence à celle qui cherche à éviter une perte sur celle qui cherche à conserver lin profit (v. n° 78); c'est ce que le Code français admet implicitement dans l'article 1125, 2e al., lorsqu'il refuse à la partie capable le droit d'agir en nullité contre l'incapable: il reconnaît, par là, que si toutes deux étaient incapables, chacune pourrait agir contre l'autre.
92. Le cas de dol réciproque est plus douteux. Le droit romain refusait formellement l'action de dol aux deux parties lorsqu'elles s'étaient trompées réciproquement: on disait que les deux dois " se compensaient." Cette solution est encore aujourd'hui prétendue applicable en droit français, en l'absence d'un texte formel; mais elle est loin d'être satisfaisante: pour que les dois réciproques pussent être compensés, il faudrait les supposer d'égale gravité, ce qui sera bien rare et, en tout cas, très difficile à apprécier, parce que les fraudes n'auront ni le même objet, ni le même caractère. Il paraît donc plus juste d'autoriser chaque partie à se plaindre de ce dont elle a soutfert. Si les deux parties désirent seulement la nullité du contrat, eHes s'abstiendront de plaider; mais, si l'une d'elles y résiste, en alléguant et en prouvant le dol réciproque du demandeur, le tribunal pourra, tout en prononçant la nullité du contrat, condamner le demandeur à des dommagesintérêts; enfin, si, de part et d'autre, on s'abstient de demander la nullité, pour s'en tenir à des dommagesintérêts, à raison du préjudice éprouvé dans le contrat, le tribunal arbitrera la gravité des fraudes réciproques et condamnera chaque partie à l'indemnité, et c'est seulement sur les sommes d'argent à payer qu'il y aura compensation jusqu'à concurrence de la plus faible (comp. art. 407).
Art. 340. — 93. Cette disposition, comme la précédente, ne se trouve qu'incomplètement dans le Code français (art. 1125, 2e al.); ici, ce sont les vices de consentment qu'il a négligés: il refuse l'action en nullité à ceux qui ont traité avec les incapables, lorsqu'ils étaient capables eux-mêmes, mais il ne dit pas que la même action soit refusée à ceux qui ont traité avec celui dont le consentement a été vicié. Le Code italien n'a pas non plus complété la disposition à cet égard (art. 1107); il a seulement ajouté une exception semblable à celle qui forme ici de second alinéa.
Il ne paraît pas nécessaire, après tout ce qui a été dit précédemment, de s'arrêter longtemps à justifier la disposition générale qui forme le 1er alinéa du présent article: l'action en nullité ne doit appartenir qu'à celui que la loi a voulu protéger en subordonnant la validité de la convention à la perfection du consentement comme à la capacité. -Au surplus, les interprètes du Code français et les tribunaux n'ont jamais hésité à refuser l'action à celui des deux contractants dont le consentement n'a pas été vicié, même quand il n'avait commis ni dol ni violence.
Personne ne pouvant se faire un titre de la faute qu'il a commise, il est clair que la nullité ne pourra jamais être invoquée par la partie coupable de dol ou de violence; elle ne pourra ainsi s'affranchir des charges ou obligations que la convention pouvait lui imposer, si elle était à titre onéreux. Lors même que la violence proviendrait d'un tiers dont le contractant n'aurait pas été complice, ce dernier ne pourrait non plus arguer de la violence dont l'autre partie aurait été victime. Mais, bien enteudu, si l'annulation était obtenue par la partie violentée, l'autre partie, coupable ou non, serait déliée de ses propres engagements corrélatifs.
Si le dol ou la violence avaient été tels qu'ils exclussent tout consentement, comme alors le contrat serait radicalement nul, la nullité pourrait être invoquée par les deux parties, même par celle qui serait coupable; mais le cas sera rare, car l'auteur d'une telle violence ou d'un tel dol n'aurait probablement pas contracté d'engagement corrélatif, ou du moins, cet engagement serait trop peu onéreux pour qu'il eût intérêt à se prévaloir de la nullité, en renonçant aux avantages qu'il espérait du contrat.
94. L'exception portée au 2e alinéa demande, au contraire, à être justifiée; elle tranche d'ailleurs une question qui n'est pas sans difficulté en France.
Ce n'est pas seulement à cause du principe précité de l'article 1125 que l'on peut hésiter à accorder l'action en nullité à ceux qui ont traité avec le condamné, c'est aussi parce que ce n'est évidemment pas dans leur intérêt que l'interdiction légale a été établie; elle est établie, sinon comme une peine proprement dite (i), au moins comme un moyen d'assurer. l'efficacité des peines criminelles, en ôtant au condamné les moyens de corrompre ses gardiens et, par là, de se-soustraire aux rigueurs du régime pénitentiaire, même de se procurer la fuite.
En même temps qu'on est porté à refuser l'action en nullité à ceux qui ont traité avec le condamné, on est tenté aussi de la lui refuser à lui-même, pour qu'il,ne puisse pas tirer avantage d'une disposition édictée contre lui.
Mais il ne faut pas que cette mesure qui est plutôt sage que rigoureuse demeure inefficace et dépourvue de sanction: le meilleur moyen de lui assurer les effets préventifs que la loi en attend, c'est de donner l'action à tous ceux qui y ont intérêt: si le condamné peut s'affranchir de ses engagements envers les tiers, ou recouvrer les biens qu'il a aliénés, il est presque certain que personne ne consentira à traiter avec lui, pas même ses gardiens; si les tiers peuvent également se soustraire à leurs conventions, le condamné n'aura aucun intérêt sérieux à traiter avec eux. L'exception se trouve donc entièrement justifiée; mais elle est assez notable pour avoir besoin d'être exprimée dans la loi: c'est aussi ce qu'a fait le Code italien (art. 1107).
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(i) C'est dans un but de simplification que le nouveau Code pénal qualifie l'interdiction légale du nom de peine accessoire (art. 10).
Art. 341. — 95. L'action en nullité reparaîtra dans la loi comme mode d'extinction des obligations; à ce titre, elle appartient au Chapitre III, et le Projet conservant, pour plus de simplicité, l'ordre des causes d'extinction des obligations, tel qu'il est présenté par les deux Codes français et italien, ce mode sera le 7e. On reparlera aussi, au même lieu, de cette action, comme moyen de recouvrer un droit réel aliéné.
On voit que l'annulation des conventions appelée aussi rescision, a une grande importance. Le Projet ne devait pas ici laisser croire qu'il n'en serait plus question et après avoir indiqué, dans l'article précédent, à qui l'action appartient, il se borne à annoncer, dès à présent, qu'elle doit être exercée dans un certain délai, passé lequel, la convention est présumée confirmée. En France, ce délai est de 10 ans (art. 1304); en Italie, il n'est que de 5 ans (art. 300), ce qui paraît bien suffisant: c'est le même délai qui sera proposé pour le Japon (art. 566 à 568).
Ce cas de confirmation tacite n'étant pas le seul et la confirmation pouvant aussi être expresse, la loi l'annonce par un renvoi (voy. art. 578 et s.).
Art. 342. — 96. Cet article correspond aux articles 1130 du Code français et 1118 du Code italien.
On pourrait s'étonner que la loi revienne à l'objet des conventions et, plus loin, à leur cause. Mais on remarquera que ce qui en a été dit jusqu'ici n'était relatif qu'aux principes, aux caractères généraux de l'objet et de la cause. Il restait à en faire l'application à des cas particuliers et à y apporter des exceptions. Les deux Codes précités, ayant un autre système de division, ont pu consacrer des Sections ou des paragraphes distincts au consentement, à l'objet et à la cause; cette méthode n'était pas praticable ici.
97. On a vu, dans l'article 325-2°, que la convention doit avoir un objet certain ou déterminé; la loi entendait, par là, prohiber une convention dont l'objet, imparfaitement désigné, pourrait être abusivement exagéré par le créancier ou réduit par le débiteur (voy. n° 43); mais la loi ne prétendait pas exiger que l'objet fût "certain dans son existence," puisqu'elle autorise les contrats aléatoires. Le présent article permet donc de contracter sur des choses y utures, comme les fruits à naître d'un fonds, le produit d'une pêche prochaine, ou ceux d'une entreprise commerciale, industrielle ou agricole. En même temps que ces choses sont futures, leur existence, et surtout leur étendue ou leur consistance, sont incertaines; mais, du moment qu'il ne sera pas au gré des parties de les réduire ou de les. exagérer abusivement, suivant leur intérêt, il n'y a pas de raison pour que la loi gêne leur liberté de contracter.
Souvent, la circonstance que l'objet du contrat est futur et incertain lui donnera le caractère aléaloii-(,; c'est ce que l'on n'hésitera pas à dire pour les deux premiers exemples, des fruits à naître ou du produit d'une pêche; mais, quand on considère que les sociétés civiles ou commerciales ont toujours pour objet des bénéfices futurs et incertains, à réaliser en commun, on est obligé d'y négliger ce caractère aléatoire qui existe en réalité, mais qu'il n'est pas d'usage de relever, par cela même qu'il est inséparable d'une société.
Le texte a dû s'expliquer sur un point qui a une grande importance, sur l'obligation tacite du promettant, laquelle est de ne pas gêner la réalisation de l'objet futur et est même de la favoriser. Ainsi, celui qui a vendu les fruits à naître de son fonds ne devrait pas abandonner la culture commencée; celui qui a vendu le produit futur de sa pêche en mer, ne devrait pas rester à terre ni manquer à jeter ses filets.
S'il s'agit d'une société, les obligations des divers associés, tendant à la réalisation de la plus grande somme de profits à partager, sont déterminées par la convention et, à son défaut, par la loi (v. Liv. iii, ire Part., Chap. 15.)
98. Il ne faudrait pas que les contrats aléatoires, ayant pour objet des choses encore incertaines, dégénérassent en paris, en jeux de hasard. Ainsi, on devra, en général, considérer comme nuls les contrats portant sur des choses existantes mais inconnues des parties; par exemple, l'achat d'une récolte déjà faite dans une autre contrée et dont la valeur est inconnue, l'achat d'une cargaison portée par un navire encore en mer et dont le connaissement n'est pas parvenu aux parties: il y aurait là un véritable jeu de hasard que la loi ne doit pas favoriser. On peut dire qu'en pareil cas, il n'y a pas chances ou risques égaux pour les deux parties: les faits sont accomplis, ils resteront ce qu'ils sont; on peut affirmer qu'au moment du contrat l'une des parties (on ne sait laquelle) a fait une bonne affaire, tandis que l'autre en a fait une mauvaise, qui peut être déplorable; la circonstance qu'elles ignorent ce qu'il en est peut éloigner tout soupçon de dol, mais ne saurait légitimer la perte de l'une et le gain de l'autre, lesquels seraient sans cause.
C'est donc avec raison que la loi ne parle que des choses futures, lorsque leur existence est incertaine, parce que, dans ce cas, les chances et les risques respectifs existent encore pour les parties.
Dans le même ordre d'idées, la loi ne reconnaîtra le caractère de condition casuelle qu'aux événements futurs et incertains, non à ceux qui sont actuellement arrivés, bien qu'inconnus des parties (voy. art. 428 et n° 363).
99. La loi introduit dans le 2e alinéa une exception considérable à la liberté de faire des conventions sur les choses futures.
Une succession non ouverte, la succession d'une personne encore vivante, n'existe pas légalement; mais ce n'est pas pour cette raison qu'elle ne peut être l'objet d'une convention, puisqu'elle est au moins une chose future; c'est d'abord parce que les objets qui la composeront sont encore soumis à bien des éventualités qui pourraient décevoir les parties: notamment, ils pourraient être réduits par tous les actes volontaires du propriétaire pendant sa vie; c'est aussi et surtout parce qu'une pareille convention pourrait inspirer un vœu de mort (votnm mortis) chez celui qui doit recueillir tout ou partie des biens du futur défunt. La loi ne permet même pas cette convention avec le consentement du de cujus (j), parce que celui-ci pourrait être capté ou circonvenu, et que d'ailleurs son autorisation ne diminuerait pas les deux dangers signalés.
Ainsi seront nulles: les ventes et achats, les dons, les legs, les partages de tout ou partie de droits successoraux éventuels, et les renonciations anticipées à ces mêmes droits.
Du reste, la présente prohibition est limitée par le texte aux conventions qui donnent ou retirent des droits auxdites successions non ouvertes; ainsi, elle ne s'appliquera pas à un mandat que donnerait l'héritier présomptif à un tiers de le représenter dans la succession, lorsqu'elle sera ouverte; elle ne s'appliquera pas non plus à la convention qui prendrait comme échéance d'une obligation l'ouverture d'une succession à laquelle le débiteur serait éventuellement appelé; on devra même admettre que l'ouverture d'une succession au profit de l'héritier présomptif ou éventuel soit attachée comme condition suspensive à la formation d'une obligation ou, en sens inverse, que l'inadmission de cet héritier opère comme condition résolutoire d'une obligation contratée.
Dans ces divers cas, la succession non ouverte n'est pas l'objet même de la convention, aucun des contractants n'acquiert ou n'abandonne de droits sur ladite succession, elle n'est qu'une considération plus ou moins importante dans une convention qui a un autre objet.
Un cas pourrait faire hésiter un instant, c'est celui où un héritier présomptif vendrait un bien appartenant à son auteur, sous la condition suspensive que ce bien lui appartiendra un jour par la succession. On pourrait croire que, ses droits légaux à la succession étant respectés par la convention, celle-ci est valable.
On remarquera cependant que, sans cette condition, la vente serait déjà nulle, comme portant sur la chose d'autrui (v. c. civ. fr., art. 1599; Proj., art. 679), et cette condition même " si la propriété arrive un jour au vendeur," qui validerait la vente dans toute autre circonstance, suffit ici à l'annuler; car l'héritier se trouve ainsi disposer par anticipation, quoique conditionnellement, d'une partie de ses droits de succession: il aliène son droit éventuel, pour le cas même où il lui appartiendrait.
100. Le texte termine en réservant des cas encore indéterminés où les conventions sur les conventions non ouvertes seront permises par des dispositions spéciales de la loi. En France, ces cas sont assez nombreux; ils ont surtout rapport aux conventions matrimoniales (voy. art. 1048 et s., 1082 et s., 1093 et s.). Ils ne sont pas encore réglés par le Projet. Mais on ne manquera pas d'y conserver les démissions de biens des ascendants en faveur de leurs descendants, lesquelles, très usitées au Japon, ont une grande analogie avec une ancienne pratique française du même nom; elles seront utilement rapprochées des partages d'ascendants (v. c. civ. fr., art. 1075 et s.) (10).
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(j) L'expression de cujus qui n'est que le commencement d'une phrase latine: de cujus successione agitur, "celui de la succession duquel il s'agit " (expressions mêmes du texte), est tout-à-fait consacrée en français; elle s'emploie quand le mot défunt ne serait pas admissible: notamment, comme ici, quand il est supposé avoir consenti de son vivant.
(10) Le Texte officiel est publié, mais ce n'est pas ici le lieu de faire remarquer en quoi il a répondu à nos vœux et en quoi il en diffère.
Art. 343. — 101. La loi commence par poser en principe que la promesse d'un acte ou d'une abstention illicite ou impossible est nulle. C'est évidemment ici une nullité radicale, car l'article 325 n'admet pas l'existence de la convention, si elle n'a pas pour objet une chose ou un fait dont le promettant ait " la disposition; or, un fait illicite n'est pas légalement à la disposition du promettant, pas plus qu'un fait impossible n'y est naturellement.
La loi ne croit pas nécessaire de dire, comme le Code Français, que le fait illicite est celui " qui est prohibé par la loi ou contraire, soit aux bonnes mœurs, soit à l'ordre public" (art. 1113); elle s'en expliquera d'ailleurs au sujet de la condition illicite (art. 433). Il est encore moins nécessaire de définir l'acte ou le fait impossible. Mais la loi déclare qu'il faut considérer comme promesse d'un fait impossible au promettant, la " promesse du fait ou de l'abstention d'autrui." C'est la théorie romaine, d'après laquelle " on ne peut promettre qu'un fait de soi-même" (de se quemque promittere opportet).
L'article du 1119 du Code civil français, célèbre par son obscurité et son laconisme, contient, à ce sujet, deux dispositions mélées et confondues, alors qu'elles auraient dû être tout à fait séparées: ” on ne peut, en général, s'engager ni stipuler, en son propre nom, que pour soimême; " ce qui revient à dire: 1° on ne peut, en son propre nom, promettre le fait d'autrui, 2° on ne peut se faire promettre qu'il sera donné ou fait quelque chose en faveur d'autrui.
Chacune des deux règles reçoit d'ailleurs des exceptions que la loi ajoute aussitôt (art. 1120-1121).
La première règle concerne bien l'objet des conventions, mais la seconde concerne la cause, et les Rédacteurs du Code français paraissent avoir complétement méconnu cette différence, en plaçant l'article 1119 avant les deux Sections relatives à l'Objet et à la Cause et sans s'y référer aucunement.
Le Code civil italien a séparé les deux dispositions (art. 1128 et 1129); déplus, il n'a laissé le caractère prohibitif qu'à l'une d'elles (la stipulation au profit d'autrui); mais, en les plaçant toutes deux après l'Objet et la Cause, dans les Effets des contrats, il paraît avoir commis une autre méprise.
Le Projet conserve ces deux prohibitions (v. art. suiv.) et il établit nettement le caractère de chacune.
102. On remarquera d'abord, tant pour l'interprétation de cet article du Projet que pour les articles précités des deux Codes étrangers, que, lorsque la promesse du fait d'autrui est déclarée nulle, ce n'est pas seulement à l'égard du tiers, mais aussi et surtout à l'égard du promettant lui-même: pour ce qui concerne le tiers, il n'est certainement pas tenu, mais c'est en vertu d'un autre principe qu'on posera bientôt, à savoir que " les conventions n'ont d'effet qu'à l'égard des " parties contractantes et de leurs héritiers ou ayant" cause" (v. art. 365). C'est donc à l'égard du promettant lui-même que la promesse du fait d'autrui est ici déclarée nulle. Mais, pour rester dans l'hypothèse de l'impossibilté d'accomplir la promesse, la loi suppose que " le promettant n'a pas d'autorité sur le tiers dont le " fait a été promis."
La promesse serait donc valable si quelqu'un avait promis le fait de son fils mineur, de son serviteur, de son ouvrier ou employé, et en supposant, bien entendu, qu'il s'agît d'un fait que le promettant pouvait exiger pour lui-même de ce tiers; en réalité, c'est comme s'il avait promis de donner les ordres et le temps nécessaires à son fils, à son serviteur ou employé, pour l'accomplissement du fait en question, et si, après la promesse, le maître refusait on négligeait de donner ce temps ou ces ordres, il serait tenu des dommages-intérêts; si c'était le tiers qui refusât absolument de faire le travail promis, l'obligation, qui n'aurait pas été nulle dès le principe (a priori), se trouvrait éteinte par force majeure, car le père, le maître ou le patron ne peuvent exercer de contrainte physique sur leur enfant ou leur subordonné.
103. Après avoir déclaré nulle la promesse du fait d'autrui, la loi apporte moins une exception qu'un tempérament à la règle: elle dit que l'on peut garantir l'accomplissement du fait d'autrui; c'est ce que le Code français appelle se porter fort pour autrui (art. 1120).
Ici, le Projet s'écarte notablement des deux Codes précités, en exigeant qu e la garantie soit expresse.
La jurisprudence française permet que, par interprétation de la volonté des parties, on puisse considérer comme s'étant tacitement porté fort ou garant celui qui a promis le fait d'autrui; or, comme on doit toujours, autant que possible, interpréter les conventions " de la façon qui doit leur faire produire un effet, plu" tôt que de celle qui ne leur en ferait produire aucun " (c. civ. fr., art. 1157; Proj., art. 378, 2e al.), on arrive à supprimer entièrement la prohibition de la promesse expresse dit fait d'autrui, pour y voir une promesse tacite de garantie, c'est-à-dire un fait personnel du promettant.
Le Code italien (art. 1129) remplace formellement la règle par l'exception: la promesse du fait d'autrui est toujours valable, non à la charge du tiers, bien entendu, puisqu'il n'a pas figuré dans l'acte, mais à la charge du promettant qui sera toujours garant et tenu de dommages-intérêts, si le tiers n'accomplit pas le fait promis.
Le Projet japonais ne va pas si loin: il n'oblige le promettent que "s'il s'est expressément porté garant " du fait ou de l'abstention du tiers: il a alors promis son propre fait, en sorte qu'on n'est pas dans une véritable exception; et, dans ce cas même, le promettant ne sera caution que " si le tiers a ratifié l'engagement pour luimême " (3e al.), car il ne peut y avoir de caution que s'il y a un débiteur principal.
104. Si le tiers ne ratifie pas l'engagement pris pour lui, le promettant n'est garant que s'il a promis une clause pénale (4e al.), laquelle est, comme le cautionnement une obligation conditionnelle ordinaire pour luimême. La clause pénale, loin d'être nulle, comme accessoire d'une convention nulle, rend celle-ci valable, comme il a été prévu sous l'article 323 (v. n° 36).
104 bis. Si le promettant a seulement promis de procurer la ratification, il est tenu d'une indemnité, à défaut de ratification, même en l'absence de clause pénale, parce qu'ici encore, en promettant de procurer la ratification, il a promis son propre fait.
Enfin, si, dans le même cas, la ratification a été obtenue, le promettant est libéré, même au cas où le tiers n'exécuterait pas son obligation, parce qu'il a, procuré tout ce qu'il a promis (5e al.). La ratification en effet, suivant un principe traditionnel, " équivaut à un mandat (k); " or, de même que le mandataire qui promet au nom de son mandant n'est pas personnellement responsable, ainsi celui qui a procuré la ratification est dégagé de son obligation.
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(k) Ratificatio mandato ceyuiparatur.
Art. 344. — 105. Cet article correspond à la deconde règle posée par l'article 1119 du Code français, aux exceptions qu'y apporte l'article 1121, et à l'article 1128 du Code italien; mais il y ajoute aussi les compléments nécessaires.
Il pose d'abord en principe que l'intérêt est la cause nécessaire des conventions; il indique seulement que cet intérêt doit être à la fois " légitime et appréciable." S'il n'était pas légitime, la cause serait nulle, comme illicite; s'il n'était pas appréciable, il serait, pour les tribunaux, comme n'existant pas: il y aurait défaut de cause. Ce principe n'est pas discutable et il est passé en axiome que "pas d'intérêt, pas d'action; " tous les jours, on voit les tribunaux rejeter une prétention, soit principale, soit accessoire à une action, parce que le demandeur ne justifie pas de son intérêt.
106. Le 2e alinéa rattache à ce principe du défaut de cause ou d'intérêt la nullité de la stipulation pour autrui qui, dans le Code français, se trouve égarée, en quelque sorte, et sans lien avec les principes, comme la nullité de la promesse du fait d'autrui que le Projet a rattachée à un défaut d'objet réalisable.
Lors donc que quelqu'un aura, par affection ou par un motif resté inconnu, stipulé un avantage pour autrui, l'exécution de la promesse ne pourra être poursuivi en justice, ni par le tiers, parce qu'il n'a pas figuré dans la convention et qu'elle ne peut lui donner d'action (v. art. 365), ni par le stipulant, parce qu'il ne peut justifier d'un intérêt pécuniairement appréciable.
Mais si le stipulant avait ajouté une clause pénale à la stipulation dont l'intérêt n'est pas autrement appréciable, la stipulation deviendrait valable, par cela seul que son intérêt serait déterminé par la convention; il n'y aurait pas à rechercher si la clause pénale excède ou non cet intérêt: la convention, ici comme toujours, " fait loi entre les parties," pourvu qu'il n'y ait pas eu dol ou surprise.
On objecterait vainement que si la convention principale est nulle, la clause pénale est entraînée dans la même nullité: on se trouve, ici encore et comme à l'article précédent, dans le cas de l'exception apportée au principe par l'article 323. On doit d'ailleurs admettre que si la clause pénale est le moyen le plus simple de reconnaître l'intérêt du stipulant, elle n'est pas le seul: c'est une question de fait laissée à l'appréciation des tribunaux, d'après les circonstances.
Bien que la loi n'ait mentionné ici l'effet utile de la clause pénale qu'au sujet de la stipulation pour autrui, il ne faut pas hésiter à l'admettre dans tous les cas où c'est le défaut d'intérêt appréciable qui forme l'obstacle à la validité de la stipulation; mais il ne faudrait pas admettre que la clause pénale pût légitimer l'intérêt d'ailleurs illégitime que vise aussi le 1er alinéa; aussi l'effet utile de la clause pénale ne figure-t-il qu'au 2e alinéa.
107. Le 3e alinéa apporte une double exception à la nullité de la stipulation pour autrui, même lorsqu'elle n'est pas accompagnée d'une clause pénale: elle est fondée, non seulement sur le caractère accessoire attribué à cette stipulation, mais aussi sur la présomption d'intérêt personnel du stipulant. Dans le premier cas, on peut supposer une vente ou un autre contrat intéressé, dans lequel le vendeur ou le créancier, outre ce qu'il s'est fait promettre pour lui-même, s'est fait promettre aussi quelque avantage pour autrui, comme une servitude pour son voisin sur le fonds vendu, ou un emploi pour un de ses anciens serviteurs. Dans le second cas, c'est un donateur qui, ne devant rien recevoir en retour de la donation, stipule pour autrui un avantage analogue au précédent ou tout autre, mais qui d'ailleurs n'est pas assez considérable pour détruire le caractère gratuit de la convention.
107 bis. Le 4e alinéa nous dit que, dans ces deux cas, si la promesse dans l'intérêt d'autrui n'est pas exécutée, le stipulant n'aura pas à justifier, en fait, quel est le montant de son intérêt personnel à l'exécution: ce serait le plus souvent impossible; il demandera la résolution de la convention pour inexécution: il rentrera dans le bien qu'il a aliéné, puisque la condition n'est pas remplie. Mais s'il y avait attaché une clause pénale, il en demanderait le payement comme dommages-intérêts stipulés, et c'est à lui qu'elle serait payée, toujours parce que le tiers n'a pas figuré dans la convention et n'y peut puiser un droit d'action.
108. Le dernier alinéa suppose que le stipulant pour autrui a agi comme gérant d'affaires (11).
Il était bon de faire remarquer, à ce sujet, qu'il ne suffirait pas que le stipulant prît la qualité de gérant d'affaires pour faire valablement une stipulation pour autrui: il lui manquerait toujours un intérêt à demander l'exécution de la promesse. Si au contraire, la gestion est déjà commencée antérieurement, et si la stipulation en est la suite, comme la responsabilité du gérant peut l'intéresser à l'exécution, il pourra l'exiger. Il en serait de même si, la stipulation ayant été le début de la gestion, le promettant en avait commencé l'exécution: le stipulant pourrait en exiger l'accomplissement total, si sa responsabilité se trouvait déjà encourue vis-à-vis du maître; par exemple, en l'absence d'un ami, j'ai stipulé d'un charpentier des réparations à la toiture de son bâtiment: si le charpentier ne commence pas, je ne puis l'y contraindre, faute d'intérêt personnel; mais s'il a déjà découvert une partie du bâtiment et néglige de continuer, je puis le contraindre à terminer le travail, parce que je me trouverais responsable d'une entreprise qui serait plus nuisible au bâtiment, restant inachevée, que si elle n'avait pas été commencée.
Si le maître ratifie la stipulation faite pour lui, même quand elle ne se rattache pas à une gestion d'affaires antérieure, l'exécution peut être exigée, soit par le stipulant, soit par le maître, parce que la ratification équivaut à un mandat (v. n° 104, in,f.); or la stipulation d'un mandataire donne une action à lui-même et au mandant.
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(11) Ce dernier alinéa est nouveau.
Art. 345. — 109. Les héritiers des parties ne sont pas des tiers, mais des ayant-cause, et, lorsqu'une partie stipule pour elle-même, le profit de la convention est éventuellement acquis à ses héritiers, sans même qu'elle ait besoin de s'en exprimer; de même, lorsqu'une partie promet, elle oblige aussi ses héritiers, pour le cas où la dette ne serait pas acquittée de son vivant. Le Code français a cru devoir poser ce principe (art. 1123); il ne l'a fait d'ailleurs qu'incomplètement et pour la stipulation, non pour la promesse; mais on le retrouve, entier cette fois, dans l'article 1220; c'est d'ailleurs le fonds même de la théorie des Successions autant que de celle des Obligations / ce seront deux occasions, pour le Projet, de poser le double principe, en réservant quelques exceptions qu'il comporte.
110. L'objet du présent article est différent, il suppose que le stipulant a voulu faire acquérir le bénéfice de la convention à un ou plusieurs de ses héritiers déterminés, en excluant les autres; c'est alors une donation qu'il a voulu faire à ceux qu'il a favorisés et la loi déclare la convention valable comme donation, en supposant que les conditions et limites des avantages entre héritiers soient observées. Ainsi, si la future loi japonaise des Successions établit une réserve héréditaire au profit des enfants, c'est-à-dire si elle ne permet pas au père de les dépouiller en entier (12), ou si elle subordonne ce dépouillement à des conditions particulières, ces limites et conditions du droit paternel devront être respectées ici. Mais les règles de forme des donations ne seraient pas obligatoires, l'acte étant supposé onéreux entre le stipulant et le promettant.
111. Le 2e alinéa suppose le cas inverse de celui-ci, le cas où le promettant mettrait l'exécution de son obligation à la charge d'un de ses héritiers déterminé, en en affranchissant les autres, lesquels se trouveraient ainsi gratifiés. Cette hypothèse suivrait les mêmes règles que la précédente. Elle retrouvera sa place au sujet de l'effet des obligations indivisibles (art. 463, 26 al.) (13).
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(12) La réserve héréditaire, d'après le Texte officiel, est de la moitié des biens, en faveur de l'aîné seul héritier légal.
(13) Ces deux dispositious présupposaient que la loi japonaise des Successions admettrait la pluralité d'héritiers, c'est-à-dire l'abolition du droit d'aînesse.
Au moment où nous avons proposé ce texte pour la première fois (en 1882), nous espérions cette grande réforme législative. Mais l'opinion officielle y est restée défavorable, plus peut-être que celle du pays.
La Commission a d'abord fait disparaître ces hypothèses de plusieurs héritiers qui préjugeaient la question le droit d'aînesse et, plus tard, ce droit a élé confirmé par le Texte officiel.
Le droit d'aînesse nous semble un vestige de la féodalité et il aurait dû disparaître avec elle; mais nous sommes convaincu qu'il ne résistera pas longtemps aux progrès économiques du pays.
Voir notre Histoire de la liéserve héréditaire et de non influence morale et économique (p. 404 et suiv.).
Art. 346. — 112. Cette disposition ne présente pas de difficulté. Une fois que le tiers a accepté le bénéfice de la stipulation, il est devenu partie à la convention et elle ne peut être modifiée à son préjudice, sans son consentement; mais, jusque-là, le stipulant peut en faire profiter une autre personne, ou en ramener à luimême le bénéfice. On ne devrait excepter que le cas où le promettant établirait qu'il n'a lui-même fait la promesse qu'en considération de la personne du tiers bénéficiaire de la première stipulation.
Art. 347. — 113. L'article 1132 du Code français a toujours paru obscur et les articles 1120 et 1121 du Co de italien ont cherché à être plus clairs (l); mais les deux Codes laissent subsister une difficulté quant à la preuve. En admettant, avec le Code italien, que la charge de la preuve incombe au défendeur, en admettant même qu'il puisse prouver que la cause alléguée est fausse ou qu'elle est illicite, comment prouvera-t-il, si aucune cause n'est exprimée, qu'il n'y en a pas en réalité ? Comment prouvera-t-il une négation ? Il est reconnu qu'une pareille preuve est bien difficile, pour ne pas dire impossible. Le défendeur ne peut d'ailleurs s'attaquer successivement à toutes les causes valables d'obligations et prouver qu'aucune d'elles n'a existé entre lui et le demandeur.
C'est pour remédier à cette difficulté que le présent article consacre un moyen qui a été proposé par les auteurs et qui permet au défendeur de limiter le champ de la preuve négative par une sommation au demandeur, de sorte qu'il n'aura plus à contester que la cause alléguée par celui-ci. Tout danger cependant n'aura pas disparu; car, si le demandeur allègue un prêt d'argent, comme cause d'une promesse à lui faite, il sera bien difficile au défendeur de prouver qu'il n'a pas emprunté au premier; le seul moyen peut-être qui lui restera sera la délation du serment (14).
On rappelle, à cette occasion, une observation qui a déjà trouvé t=a place (v. n° 45), à savoir que les difficultés sur la cause ne se présentent pas au sujet des contrats nommés dont la cause est toujours vraie et licite, mais seulement au sujet des contrats innommés.
On fait remarquer enfin que le présent article s'appliquera surtout aux billets, mandats de payement à faire, chèques, ou autres écritures portant promesses de somme d'argent, sans énonciation de la cause.
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(14) Le Projet n'admet pas le serment judiciaire (décisoire ou supplétoire), mais seulement le serment extrajudiciaire (v. Liv. Ve, art. 1372 et s.).
La Commission a repoussé même ce serment. Mais les parties pourront toujours y recourir, comme à une transaction, en vertu de la liberté des conventions.
(l) Le Code français (art. 1132) porte: "La convention n'est pas " moins valable, quoique la cause n'en soit pas exprimée." Le Code italien (art. 1121), après avoir reproduit la même disposition, ajoute: " la cause est présumée exister, tant que le contraire n'est pas exprimé."
SOMMAIRE.
Art. 348. — N° 114. La convention est une loi des parties: limites du principe. -115. La convention n'est pourtant qu'un fait qui échappe à l'interprétation de la cour de cassation. -116 et 117. Révocation par les deux parties, ou par une seule dans certains cas. - 118. Cas où un nouveau contrat est nécessaire -119. Respect des droits des tiers.
349. -120 et 121. Liberté des conventions et ses limites.
350. -122. Effets de la volonté expresse ou tacite: influence de l'équité, de l'usage et de la loi. -123. Exécution de bonne foi.
351. —124 et 125. De la translation de propriété dans le droit romain et dans l'ancien droit français: mancipation, tradition, dessaisine-saisine, insinuation-126. Système français de la loi de Brumaire, an VII de la République: consentement et transcription; note sur le calendrier républicain. -127. Réserve de la question du transfert de la propriété à l'égard des tiers. -128. Réserve du cas de condition suspensive; rappel qu'il ne peut y avoir de terme à la propriété, ni terme a qno, ni terme aGZ quem.
352. -129. Distinction entre les corps certains et les choses Prescription de l'action. fongibles ou de quantité; à quel moment la propriété de ces dernières est transférée.
353. -130. Obligation de faire la délivrance. -131. Frais de la délivrance et de l'enlèvement. -132. Délivrance des immeubles et des créances. -133. Frais de l'acte instrumentaire. -134. Temps et lieu de la délivrance. -135. De la délivrance en droit commercial.
354. -136 et 137. Obligation, pour le promettant, de conserver la chose: théorie des fautes, règle générale; réserves pour certains contrats particuliers.
355. —-138 et 139. Théorie des risques: perte ou détérioration par cas fortuit ou force majeure; indépendance de cette théorie par rapport à la translation de propriété: mêmes règles en droit romain et dans l'ancien droit français. -140. Danger de la règle i-es perit domino. —141. Convention modificative des risques. - 142. Réserve du cas de condition suspensive. -143. Effets de la mise en demeure sur la théorie des risques.
356. —144 et 145. De la mise en demeure. -146. Insuffisance, en général, de l'échéance du terme; cas exceptionnels où elle met en demeure.
357. —147. Dans l'obligation de ne pas faire, le débiteur est toujours en demeure.
358. -148 et 149. Effets des conventions pour et contre les ayant-cause particuliers: cas où ils sont considérés comme tiers par rapport aux actes de leur auteur. - 150. Réserve des cas autrement réglés par la loi ou la convention.
359. -151. Exercice des droits et actions d'un débiteur par ses créanciers: importance de cette théorie. -152. Voies et moyens à employer. -153. Nécessité d'une subrogation judiciaire. -154. Triple exception au droit des créanciers: 1° simples facultés légales dont l'exercice est refusé aux créanciers; moyen de les distinguer des droits proprement dits; 2° droits exclusivement réservés à la personne; 3° choses insaisissables.
360. —155. Obligation pour les créanciers de respecter les actes de leur débiteur: exception au cas de fraude à leurs droits; renvoi pour ce qui concerne la date certaine. — 156. Définition de la fraucle: en quoi elle diffère du simple préj'uclice. —157. Divers actes attaquables pour fraude: obligations, aliénations, renonciations; actes onéreux et gratuits. -158. Distinction entre les actes par lesquels le débiteur diminue son patrimoine et ceux par lesquels il manque à l'augmenter; aliénation de choses insaisissables.
361. -159. Action révocatoire ou paulienne: contre qui elle est dirigé; son caractère d'action personnelle, même contre les sous-acquéreurs. —160. Tierce-opposition. - 161. Action en dommages-intérêts.
362. -162. Preuve de la fraude. -163. Nécessité de la. complicité des tiers-acquéreurs dans les actes onéreux -164. Retour sur la personnalité de l'action: différence entre le Projet et le Code français; intérêt.
363. -165. Distinction, quant à l'exercice de l'action, entre les créanciers antérieurs et ceux postérieurs à l'acte frauduleux. -166. Concours entre eux sur le produit de l'action, sans contribution aux frais en cas de rejet.
364. -167. Prescription trentenaire ou biennale de l'action révocatoire: distinction.
COMMENTAIRE.
Art. 348. — 1. 14. Le principe posé par cet article est un des plus considérables du droit privé. Il forme l'article 1134 du Code français et l'article 1123 du Code italien. Il a déjà été fréquemment invoqué, et le sera encore, pour la justification d'un grand nombre des dispositions de la loi: il doit être justifié à son tour.
On sait que le droit civil ou privé est la partie du Droit qui ne concerne et n'intéresse que les particuliers: il règle la condition de leurs biens. C'est à tort que, dans les lois et les Codes, on fait rentrer habituellement le droit des personnes dans le droit civil ou privé: cette matière est de droit public, dans presque toutes ses dispositions; aussi ne peut-elle être modifiée par des conventions particulières, sauf de très rares exceptions où, justement, l'intérêt public est moindre que l'intérêt privé,
Si donc l'objet du droit privé est étranger à l'intérêt public, comme étant surtout pécuniaire et relatif aux biens, il est juste et naturel que la loi laisse aux particuliers le soin de régler à leur gré leurs intérêts de cette nature. Ils peuvent, quand et comme il leur plaît, aliéner ou acquérir, promettre ou stipuler, faire valoir leurs droits en justice ou y renoncer: leur volonté forme pour eux une véritable loi qui, pour être particulière et à eux limitée, n'en est pas moins impérative ou prohibitive. La Loi générale n'intervient que pour faire respecter la loi particulière, et lorsqu'elle nous dit que " les conventions privées font loi entre les parties," elle promet, par là, de leur donner la sanction obligatoire et juridique qui lui appartient à elle même.
Mais, pour que les conventions privées aient cet effet, il faut qu'elles soient légalement formées, c'est-à-dire qu'elles ne soient pas contraires à la Loi générale, qu'elles en aient suivi les prescriptions et respecté les limites. Déjà, on a vu que les conventions sont quelquefois soumises à des formes solennelles, qu'elles exigent une certaine capacité, que le consentement doit être exempt de vices, qu'elles doivent avoir une cause vraie et licite et que l'objet doit avoir certaines qualités; ce n'est que si elles remplissent ces conditions que les conventions font loi. C'est encore dans cette condition d'être " légalement formées " qu'on pourrait faire rentrer la limite signalée plus haut en ce qui concerne les droits de famille; mais l'article suivant consacre plus explicitement cette restriction, en prohibant certaines conventions, au nom de l'intérêt général.
115. Lorsque l'on dit que les conventions " tiennent lieu de loi," c'est pour exprimer simplement et brièvement leur degré de force; mais il ne faudrait pas pousser jusqu'à l'extrême cette assimilation de la convention à la Loi. Ainsi, l'interprétation des conventions (objet du. § suivant, art. 376 et s.) est faite souverainement par les juges d'appel: un pourvoi en cassation ne pourrait être fondé sur une prétendue erreur d'interprétation de la convention, comme lorsqu'il s'agit de la Loi proprement dite. Ce que les parties ont dit et voulu dans leur convention n'est toujours qu'un fait et c'est aux juges du fait seuls qu'il appartient de la déclarer.
Si l'on se reporte au. but du. pourvoi en cassation, on reconnaît aisément qu'il n'a rien à faire ici: le pourvoi a été institué pour assurer une interprétation exacte et uniforme de la loi commune, parce qu'il serait choquant qu'elle fût interprétée et appliquée tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, suivant les différences de lieux et la diversité de composition des cours et tribunaux; mais cette uniformité d'interprétation n'est pas à rechercher quand il s'agit de conventions particulières, ne fut-ce que pour cette seule raison qu'il s'en rencontrera rarement deux ou plusieurs qui soient exactement semblables.
Le rôle de la cour de cassation reviendra, au contraire, quand les tribunaux, ayant reconnu et déclaré que les parties ont fait telle ou telle convention, auront refusé de sanctionner les effets que la Loi y attache, ou auront voulu leur faire produire des effets que la Loi n'y attache pas; de même, s'ils ont sanctionné une convention illégalement formée ou, réciproquement, refusé de sanctionner une convention valable.
116. Le 2e alinéa applique le principe que les conventions font loi entre les parties, en exigeant leur consentement mutuel pour qu'elles puissent être révoquées; mais, immédiatement, il apporte une exception très large à cette seconde règle: il y a des cas où la révocation peut être valablement faite par une seule des parties.
L'exception a deux applications principales dont la première est déjà connue: chaque fois qu'une convention est viciée, soit par l'incapacité d'une des parties, soit par l'imperfection de son consentement, cette partie seule peut demander la révocation: l a convention ne fait pas loi pour elle; son droit de révocation est cependant limité quant au temps et quant aux formes de l'action en nullité; elle ne pourrait non plus maintenir la convention pour ce qui lui est favorable et la faire annuler pour le reste: la révocation doit être indivisible.
Il faut assimiler à l'action en nullité l'action en résolution pour inexécution de la convention par l'autre partie; cette théorie déjà annoncée reviendra en son lieu (voy. art. 441 et s.).
La deuxième application de l'exception à la règle que la révocation ne peut avoir lieu que du consentèment réciproque des parties se rencontre dans certains contrats qui, n'intéressant qu'une des parties, peuvent être révoqués par cette partie seule, sans condition. Tels sont: le dépôt, qui peut toujours être révoqué par le déposant, et le prêt à usage auquel l'emprunteur peut toujours renoncer. Dans ces deux contrats, l'inverse peut aussi avoir lieu: le dépositaire pourrait exiger la reprise du dépôt, s'il lui causait un embarras grave ou un danger imprévu; de même, le prêteur à usage pourrait redemander la chose prêtée, si la privation lui en était très dommageable. Le gage peut cesser par la seule volonté du créancier gagiste. Le mandat est révocable au plein gré du mandant; il peut prendre fin aussi par la renonciation du mandataire, si celui-ci ne peut plus le remplir sans difficultés imprévues. La société peut aussi être dissoute par la volonté d'une des parties, soit pour des causes légitimes, si elle a une durée fixée, soit sans aucune autre condition que la bonne foi, si sa durée est illimitée.
Ces exceptions, et d'autres, se rencontreront sur les contrats nommés auxquels elles s'appliquent et elles y seront justifiées plus au long.
Quelquefois enfin, c'est en vertu d'une clause particulière de la convention que l'une des parties peut la révoquer sans le consentement de l'autre; on peut dire alors que c'est toujours par l'effet de la volonté des deux parties, puisque cette volonté a été exprimée à l'origine. Ainsi, le louage est souvent soumis à cette révocation, au gré du bailleur ou du preneur (voy. art. 165); la vente peut être révoquée par la volonté du vendeur, lorsqu'il a stipulé à l'origine la faculté de rachat, par celle de l'acheteur, lorsqu'il a acheté à l'essai et par la volonté de l'une ou de l'autre des parties, lorsqu'il y a eu des arrhes données comme moyen de dédit.
117. Sur les points qui nous occupent, le Code français a employé une formule insuffisante: en dehors du consentement mutuel, il n'admet de révocation par la volonté d'un seul des contractants que " pour les causes que la loi autorise " (art. 1134). Cela vise évidemment la résolution pour inexécution par l'autre partie, l'annulation pour incapacité ou pour vice de consentement et plusieurs des autres cas énumérés plus haut; mais on ne pourrait y voir les cas, plus simples et presque aussi nombreux qu'on vient de voir ou l'une des parties peut mettre fin au contrat sans autre condition que sa volonté et sans avoir aucune justification à fournir.
118. Lorsque la loi permet aux parties de révoquer leurs conventions par consentement mutuel, ou même à l'une d'elles, dans les cas particuliers où, une seule partie étant intéressée, celle-ci peut renoncer au bénéfice de la convention, cela doit s'entendre du cas où la convention n'est pas encore exécutée ou n'a pas encore produit ses effets de droit; dans le cas contraire, il faudrait une convention inverse de la précédente pour remettre les choses dans l'état primitif. Ainsi, s'il s'agit d'une convention destinée à transférer la propriété, comme une vente, et qu'elle ait pour objet des choses de quantité dont la propriété ne peut être transférée que par la tradition ou, au moins, par le mesurage, une fois la tradition effectuée, on ne pourrait plus faire une simple révocation de la convention: il faudrait une revente ou rétrocession, avec tradition inverse de la précédente; s'il s'agit d'un objet individuellement déterminé ou corps certain, la propriété ayant été transférée par le seul consentement, la révocation n'est plus possible: il faudra encore une rétrocession et, si la transcription avait été faite, dans les cas qu'on va voir bientôt (art. 368 et suiv.), pour que le droit fût opposable aux tiers, une transcription inverse devrait être effectuée. Enfin, si le prix avait été payé, il devrait être restitué.
La révocation proprement dite, par un consentement inverse du premier, n'est donc possible, que pour empêcher les effets futurs de la convention, ce qui laisse encore une large application au principe: notamment, dans la vente des choses de quantité, avant la translation de propriété, dans le louage, dans la société, le cautionnement, la transaction, etc.
119. Il va sans dire, quoique la loi ne le dise pas, que la révocation ne peut avoir lieu au préjudice des tiers: on recontrera bientôt le principe d'après lequel " les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties con" tractantes et ne peuvent nuire aux tiers " (art. 365); or, si, à la suite d'une vente, l'acheteur avait consenti à un tiers des droits réels sur la chose vendue, la révocation consentie entre les deux premiers contractants ne pourrait nuire au second cessionnaire.
Art. 349. — 120. Cet article complète le précédent, en nous disant quand la convention est " légalement formée " et quand elle ne l'est pas. Il répond à l'article 6 du Code français qui ne contient que la prohibition finale et la présente comme une règle, tandis que c'est la liberté des conventions qui est la règle et que la prohibition n'est qu'une exception ou une limite.
On rencontrera dans le Projet, comme dans le Code français, de nombreuses applications tant de la règle que de l'exception, bien que, à la rigueur, la loi puisse se fier à la sagacité des juges pour faire observer l'une et l'autre. Cependant, il y a des cas où la loi fait sagement de se prononcer sur ces questions: quelquefois, elle attache à la convention certains effets ou elle lui en refuse d'autres, mais elle réserve formellement aux parties le droit de décider l'inverse; si elle ne s'expliquait pas, on serait exposé à prendre comme absolue la disposition qui n'est écrite que pour le cas de silence des parties.
D'autres fois, la loi exclut formellement la possibilité de faire une convention dérogatoire, parce que l'on aurait pu douter qu'il y eût un intérêt public ou moral en jeu dans la convention.
121. On ne croit pas nécessaire de donner ici des exemples de cas où la convention est libre, c'est la règle, et les applications en sont infinies; mais on donnera des exemples de ceux où la liberté est ôtée aux parties. De ces exemples, les uns seront mentionnés ultérieurement dans la loi, les autres y devront être suppléés par application de notre article.
Ainsi, se trouvent prohibées, comme on l'a dit déjà, les conventions qui prétendraient modifier l'organisation de la famille, la puissance paternelle et maritale, la capacité et, généralement, ce qu'on nomme ¡, l'état des personnes; " de même, les conventions qui tendraient à modifier les effets des droits réels, de manière à les rendre opposables aux tiers en dehors des conditions qui protégent ceux-ci contre les surprises et les revendications imprévues.
Seraient encore nulles les conventions qui porteraient atteinte à la liberté individuelle, comme celle par laquelle une personne engagerait ses services à une autre, sinon pour toute la vie de celle-ci, au moins pour la sienne propre, ou par laquelle un débiteur se soumettrait à l'emprisonnement pour dettes ou à la contrainte par corps aujourd'hui abolie, au Japon comme en France.
Dans un autre ordre d'intérêts seraient nulles: les conventions qui, au cas de coalitions ou grèves, soit entre patrons pour faire baisser les salaires, soit entre ouvriers pour les faire hausser, imposeraient des peines pécuniaires à ceux d'entre eux qui s'en retireraient; celles qui auraient pour objet la renonciation à la plainte d'une partie lésée par un crime ou un délit, soit contre les personnes, soit contre les biens; en exceptant toutefois les cas déterminés par le Code pénal, où la loi subordonne l'action publique à cette plainte, parce que, dans ces mêmes cas, la loi place au-dessus de l'intérêt public de la répression l'intérêt privé et les convenances personnelles de la partie lésée.
Serait nulle également la convention par laquelle le débiteur commerçant stipulerait qu'en cas d'insolvabilité son créancier ne pourrait le faire déclarer en faillite.
Parmi les conventions qui seraient directement contraires à la morale, on peut citer celles qui contiendraient une renonciation anticipée à l'action en nullité pour erreur, dol ou violence, ou qui soumettraient le demandeur en nullité à des dommages-intérêts pour le cas où il triompherait dans cette action; il en serait autrement de la même stipulation pour le cas où le demandeur succomberait.
C'est encore comme contraires à l'ordre public et aux bonnes mœurs que sont prohibées les conventions relatives aux successions non ouvertes dont il a déjà été traité (v. art. 342, 28 al.) et celles qui constituent un jeu ou un pari (v. art. 810 et s.).
Dans ces divers cas, on peut remarquer que la convention qui déroge aux lois d'ordre public et aux bonnes mœurs est toujours vicieuse par son objet ou par sa cause.
Ces théories ayant été déjà partiellement appliquées, il paraît inutile d'y insister davantage.
Art. 350. — 122. La principale force de la convention étant dans la volonté ou le consentement des parties, c'est à elle qu'il faut d'abord se référer pour en déterminer les effets: si cette volonté est exprimée, il faut s'y attacher, à condition toutefois qu'elle ne soit pas précisément celle que la loi réprouve, et pourvu que les parties ne se soient pas méprises sur la portée des expressions dont elles se sont servies; car on verra bientôt que l'interprétation des conventions ne doit pas se faire d'après le sens littéral des termes employés, mais d'après la commune intention des parties (v. art. 376). Si certains effets de la convention n'ont pas été exprimés, il peuvent cependant être tellement naturels qu'il n'y ait pas à hésiter sur leur admission tacite par les parties; par exemple, dans une vente, l'obligation de payer le prix au moment de la délivrance de la chose, et, s'il s'agit de la délivrance d'un immeuble habité par le vendeur, le délai convenable pour lui permettre de quitter les lieux et de transporter ailleurs son mobilier; s'il s'agit d'un louage d'ouvrage ou de services, et que le preneur sache que l'entrepreneur ou l'ouvrier est momentanément empêché de commencer, par un autre travail urgent ou par une maladie, il sera considéré comme ayant tacitement donné un délai, au moins, jusqu'au moment où lui-même se trouverait exposé à un dommage par un plus long retard.
Outre l'intention expresse ou tacite des parties, le texte indique encore "l'équité, l'usage ou la loi" comme pouvant faire produire des effets à la convention.
Le Projet japonais a suivi ici le texte du Code français (art. 1135), parce qu'il est traditionnel; mais, en réalité, on doit voir là encore des effets résultant de l'intention tacite des parties; ainsi, aucune d'elles ne serait recevable à dire qu'elle a entendu se soustraire aux règles de l'équité: par exemple, à la responsabilité du dol ou des fautes qu'elle pourrait commettre; tandis qu'après la faute ou le dol commis, une convention dérogatoire aux dommages-intérêts serait permise. De même, c'est par l'effet de l'intention tacite des parties que les usages locaux seront observés pour déterminer les conséquences de la convention (1).
Enfin, lorsque la convention produit des effets légaux qui auraient pu être modifiés par les parties, si elles n'y ont pas dérogé, c'est qu'elles les ont tacitement acceptés; ils ne resteraient purement légaux que si les parties avaient ignoré la loi, ce qui n'empêcherait pas, en général, ces effets de se produire, sauf ce qui a été dit au sujet de l'erreur de droit (art. 332).
123. La loi ajoute que "les conventions doivent être exécutées de bonne foi."
Cette disposition qui se trouve dans la loi française y a été mise pour consacrer l'abandon définitif d'une ancienne distinction que faisaient les Romains en contrats de droit strict ou de droit étroit et rigoureux, et contrats de bonne foi. Sans doute, il suffit que cette distinction ne se trouve pas reproduite dans la classification générale qui ouvre cette matière, pour qu'on n'ait pas à douter qu'elle soit abolie; mais il est bon aussi de consacrer le principe que la bonne foi, la sincérité, doivent présider à toutes les conventions, non seulement dans les clauses et stipulations qui les composent, mais encore dans l'exécution.
Ainsi, le bailleur qui doit livrer la chose louée en bon état de réparation ne doit pas se borner à faire les réparations qui ont rapport à la solidité des bâtiments, mais il doit encore faire celles qui se rapportent à l'agrément et à la propreté, et s'il faisait un marché à prix fait avec un entrepreneur pour l'exécution de ces travaux, sans les spécifier en détail, rrais en en indiquant le but, celui-ci devrait, de même, en raison de la bonne foi requise, faire toutes ces réparations. En sens inverse, s'il y avait exagération dans les prétentions du locataire vis-à-vis du bailleur ou dans celles du bailleur visà-vis de l'entrepreneur, elles seraient réduites par le tribunal à ce qu'exige la bonne foi.
De même, s'il y a eu vente de choses fongibles ou de choses de quantité, le vendeur n'a pas le droit de donner la qualité la plus mauvaise, ni l'acheteur d'exiger la qualité la meilleure: la bonne foi est satisfaite s'il est fourni une qualité moyenne (v. art. 481).
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(1) Cette réserve de l'observation des usages locaux sera très utile au Japon dans l'application du nouveau Code civil.
Art. 351. — 124. Le Projet consacre ici un des progrès du droit les plus considérables dans les temps modernes.
Dans toutes les législations primitives, on voit toujours que la propriété ne passe d'une personne à une autre que par un acte extérieur, plus ou moins matériel, destiné, non seulement à bien démontrer la volonté des parties, mais aussi à frapper les yeux de tous et à donner ainsi une sorte de publicité au changement de propriétaire.
Il en était ainsi chez les Romains notamment: la propriété ne se transférait que par la tradition ou délivrance de la chose à l'acquéreur; quelquefois même (par exemple, pour les immeubles d'Italie), il fallait une véritable cérémonie, une solennité, accomplie en présence de cinq témoins, avec des paroles consacrées, mancipatio (a): l'acquéreur, en prononçant ces paroles, prenait à la main un symbole de la chose, une tuile, pour une maison, une glèbe ou morceau de terre, pour un champ.
Plus tard, les formalités se simplifièrent: on admit que la prise de possession se fît fictivement et, en quelque sorte, par les yeux (oculis); par exemple, lorsqu'il s'agissait d'un vaste domaine, il suffisait que le vendeur le montrât d'un lieu élevé à l'acheteur: c'était la tradition dite "de longue main" (longâ manu). On admettait aussi une tradition dite " de brève main " (brevi manu), lorsque l'acheteur possédait déjà la chose à titre précaire, par exemple comme locataire, usufruitier, dépositaire, emprunteur à usage; dans ces cas, la rigueur des principes aurait exigé que l'acheteur restituât d'abord la chose, en vertu de son obligation antérieure, et la reçût ensuite à titre d'acheteur; mais, pour simplifier l'opération, au lieu d'une double tradition, on n'en faisait aucune (voy. T. 1er, n° 298).
On admit encore une autre tradition fictive ou abrégée, lorsque le vendeur désirait garder la chose pendant un certain temps, sans pourtant retarder la translation de propriété: il était censé livrer la chose à l'acheteur, en vertu du contrat de vente, et la recevoir de celui-ci à titre de prêt ou de dépôt, de louage ou de mandat; cette convention prenait le nom de constitut possessoire (b).
Tant que la tradition réelle ou feinte n'était pas effectuée, le vendeur ou le donateur restait propriétaire de la chose; en conséquence, ses créanciers pouvaient la saisir, comme ses autres biens; s'il la revendait et la livrait à un autre, celui-ci était propriétaire et le premier acheteur ou donataire n'avait qu'une action personnelle en indemnité.
125. L'ancien droit coutumier français adopta le droit romain sur ce point. Le principe fut toujours que la tradition seule opérait la translation de la propriété; mais la tradition fictive fut encore plus fréquemment appliquée: l'usage même s'établit d'insérer dans les actes destinés à transférer la propriété une clause expresse par laquelle le vendeur ou le donateur déclarait se dessaisir de la possession et en saisir l'acquéreur; cette clause, dite de dessaisine-saisine, était devenne de style dans les actes notariés et on la trouvait, le plus souvent aussi, dans les actes sous seing privé.
Dans certaines coutumes du nord de la France, on adopta pour le dessaisissement de la possession, appliqué anx immeubles, d'abord une sorte d'investiture, ou nantissement, donnée par le seigneur ou par ses officiers; plus tard, on remplaça l'investiture par une déclaration devant un officier de justice, avec une mention sur des registres publics, dite insinuation; on appelait pays de nantissement les provinces où cette forme de transmission de la possession, et, par suite, de la propriété, était observée.
126. C'est dans ces coutumes que fut puisé, avec quelques modifications, le système français moderne de la transmission de la propriété, tant mobilière qu'immobilière. Il apparaît d'abord dans une loi célèbre, du 11 brumaire an VII (1er nov. 1798), reproduite en grande partie dans le Code civil (c).
D'après ce nouveau système, la propriété se tranfère par le seul consentement, pour les immeubles comme pour les meubles; la raison ne fait aucun obstacle à ce qu'un droit réel soit constitué par la seule volonté, comme un droit personnel. Mais comme le droit réel est, de sa nature, opposable à toute personne, aux tiers comme aux contractants eux-mêmes, il est nécessaire de donner des garanties générales contre les surprises qui résulteraient de mutations secrètes ou difficiles à connaître. Ainsi, il ne faudrait pas que des créanciers d'un vendeur fussent exposés à le considérer comme étant encore propriétaire quand il a déjà aliéné, ni qu'un second acheteur fût exposé à donner un prix pour une chose qui est déjà aliénée à un autre.
On a remédié à ce danger, au moyen d'une publicité sérieuse donnée aux mutations de propriété et aux autres constitutions de droits réels sur les immeubles, par la transcription et l' inscription sur des registres publics que les intéressés peuvent consulter et dont ils peuvent obtenir des extraits. Ce système de publicité, très bien organisé en l'an VII, s'était trouvé altéré dans le Code civil; il a été rétabli et complété depuis, par une loi spéciale du 23 mars 1855 (v. ci-après, nos 183 et s.).
127. Aujourd'hui, on dit, généralement, que "la '{ propriété des immeubles se transfère entre les parties '(par le seul consentement et à l'égard des tiers par la " transcription cette formule n'est pas sans grave objection, mais elle est consacrée; on peut l'admettre provisoirement et pour simplifier cette théorie difficile; mais elle sera redressée (ci-après nos 215-216), quand le moment sera venu de traiter de l'effet des conventions à l'égard des tiers.
Le présent article s'abstient donc de la formule précédente: il déclare, d'une façon absolue, que la propriété est transférée par le seul consentement, au moins quand il s'agit d'un corps certain; un peu plus loin, on trouvera les garanties données aux tiers, tant au sujet des meubles qu'au sujet des immeubles (v. art. 366 s.).
128. La loi réserve, en terminant l'article 351, le cas où la convention serait affectée d'une condition suspensive; ce n'est pas pour dire que, dans ce cas, la tradition soit nécessaire à la translation de la propriété, mais pour faire comprendre que le seul consentement ne suffit pas et qu'il faut encore que la condition, que l'événement prévu soit accompli. Si la condition était résolutoire, la propriété serait transférée immédiatement, sauf à être résolue par l'événement. Ces deux conditions, déjà rencontrées, chemin faissant, seront étudiées ultérieurement dans leur entier (v. art. 428 et s.).
La loi ne réserve pas le cas d'un terme fixé pour la translation de propriété, comme elle réserve celui d'une condition suspensive. C'est qu'en effet, il n'est pas compatible avec la nature du droit de propriété d'être affecté d'un terme ou délai, soit d'un terme à partir duquel la propriété commence à appartenir au cessionnaire (terme a quo), soit d'un terme à l'expiration duquel la propriété doive le quitter pour revenir au cédant (terme ad quem).
Il a déjà été remarqué, sous l'article 31 et sous l'article 49 (v. T. Ier, n08 55 et 79), au sujet de l'usufruit qui comporte le terme autant que la condition, que la propriété ne peut ainsi être limitée quant au temps: une pareille modalité est, avons-nous dit, incompatible avec la nature de ce droit; en effet, si le propriétaire à temps ou à terme (ad tempus) pouvait disposer valablement, comme un propriétaire ordinaire, la limite de son droit serait dérisoire; si, au contraire, il ne pouvait pas disposer, par respect pour cette limite, il n'aurait pas l'avantage qui caractérise essentiellement la propriété. Il est étrange qu'en France beaucoup d'auteurs mettent le terme sur la même ligne que la condition, en matière de translation de propriété, sans même paraître se préoccuper de la difficulté (v. ci-dessous, n° 140).
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(a) De manus, main, et capere, prendre.
(b) La tradition de brève main et le constitut possessoire sont admis dans le Projet comme moyens de livraison (voy. ci-dess. art. 203); mais ils ne sont plus nécessaires pour opérer la translation de la propriété.
(c) Le calendrier de la lre République française n'étant pas bien connu au Japon, on en donne ici l'analyse.
Un décret de la Convention nationale (du 5 octobre 1793) créa une Ère nouvelle qui fut reportée à la fondation de la République, au 22 Septembre 1792; c'etait, en même temps, l'équinoxe d'automne.
L'année civile était divisée en 12 mois égaux, de 30 jours, plus 5 jours dits complémentaires (6 jours, pour les années bissextiles), placés à la fin de l'année.
Les mois étaient divisés en trois périodes de 10 jours, appelées décades. Les trois mois de chaque saison portaient le nom du phénomène naturel avec lequel ils se rencontraient le plus ordinairement. Ceux d'automne se nommaient: Vendémiaire (des vendanges), Brumaire (des brumes), Frimaire (de frimas); ceux d'hiver: Nivôse (des neiges), Pluviôse (des pluies), Ventôse (des vents); ceux de printemps: Germinal (de la germination), Floréal (des fleurs), Prairial (des prairies); enfin, ceux d'été: Messidor (qui donne les moissons), Thermidor (qui donne la chaleur), Fructidor (qui donne les fruits).
Les 5 ou 6 jours complémentaires étaient placés entre le 16 et le 22 Septembre.
Ce calendrier resta officiellement en vigueur jusqu'au 10 Nivôse an XIV (31 décembre 1805), époque à laquelle le 1er Empire rétablit le calendrier chrétien, dit Grégorien (du pape Grégoire XIII qui l'avait rectifié en 1582).
Beaucoup de lois importantes, encore applicables aujourd'hui ou utiles à consulter, portent une date de l'Ère républicaine: on la leur laisse dans les Recueils et dans les citations. La loi précitée du 11 brumaire an VII (1er BOV. 1798) est de ce nombre.
Art. 352. — 129. C'est dans l'article 1138 du Code français que se trouve posé le nouveau principe que la propriété se transfère sans tradition; malheureusement, la rédaction en est très défectueuse et si l'on ne connaissait pas les précédents historiques de la loi, on pourrait douter que l'innovation soit si considérable; il y a plus de précision dans l'article 938, au sujet de la donation et dans l'article 1583, au sujet de la vente.
Le Code italien est très formel dans le sens de l'innovation qui nous occupe (art. 1125); seulement, il néglige, comme le Code français, de la limiter au cas o à il s'agit d'un corps certain.
Il est évident, néanmoins, que si le contrat a pour objet la translation de propriété d'une chose qui n'est déterminée que par l'espèce et la quantité (au poids, au nombre ou à la mesure), la propriété n'en peut être transférée par le seul consentement: la nature des choses s'y oppose. Comment l'acheteur ou le donataire pourrait-il revendiquer, comme siennes, des choses qui sont en quantité indéfinie dans le monde et dont le vendeur ou le donateur possède peut-être lui-même une énorme quantité ? Il est clair que le stipulant ne peut être que créancier: il a droit d'être rendu propriétaire, mais cet effet ne sera produit que quand la chose aura passé du genre ou de l'espèce à l'état individuel, ce qui pourra se faire, toit par la livraison même, soit par une détermination conventionnelle qui en fera un corps certain; par exemple, on marquera les sacs de riz, ou les ballots de soie ou de papier: ce sera alors comme si, à l'origine, la convention avait porté sur ces objets individuellement déterminés.
La loi veut que la détermination soit faite "contradictoirement," c'est-à-dire que le choix ne soit pas laissé au gré unique de l'une des parties. C'est là qu'il faut observer la bonne foi, comme il a été dit plus haut, et que le promettant ne peut imposer les choses les plus inférieures, ni le stipulant exiger les meilleures (voy. art. 481).
Il y a encore une grande utilité à ce que la détermination des choses soit faite contradictoirement, c'est que, la propriété étant transférée à partir de ce moment, les choses sont aux risques du propriétaire; c'està-dire que si elles périssent par cas fortuit ou force majeure, la perte est pour celui-ci, ainsi qu'il sera établi plus loin; or, il serait inadmissible que le débiteur, après une perte, survenue chez lui, de choses de la nature de celles qu'il a promises, fût admis à dire que " c'étaient justement celles-là qu'il avait choisies et destinées au créancier."
Il va sans dire, mais l'article 476 l'exprimera, que pour que la propriété des choses fongibles soit transférée par la tradition ou la détermination, il faut que les choses livrées ou choisies et marquées appartiennent au promettant, comme lorsqu'à l'origine il s'agit d'un corps certain, car on ne peut transférer un droit qu'on n'a pas. Du reste, cette condition sera facilement sup. pléée par la prescription instantanée, quand il s'agira d'objets mobiliers et que le possesseur sera de bonne foi.
Art. 353. — 130. Des dispositions analogues à celles de cet article se trouvent éparses dans le Code français (art. 1136, 1247, 1593 et 1605 à 1609) et elles n'y sont pas toutes en parfaite harmonie: la loi semble y avoir fait une différence, difficile à justifier, entre la vente et les autres contrats onéreux destinés à transférer la propriété. Le Projet s'attache, au contraire, à poser des règles communes à toutes ces sortes de contrats, ce qui réduira beaucoup les dispositions propres à chacun d'eux en particulier (d).
Il n'y a pas lieu de s'arrêter à la définition de la délivrance; c'est assez inutilement que le Code français a cru devoir la donner en ces termes: "le transport de la chose en la puissance et possession de l'acquéreur (art. 1604); " nous dirions, à notre tour, qu'elle consiste à mettre l'acquéreur en situation d'user, de jouir et de disposer librement de la chose comme sienne.
Cette définition est commune à la tradition ou délivrance des choses fongibles, destinée à en transférer la propriété, et à celle des corps certains, servant à en donner seulement la possession, lorsqu'elle est déjà transférée par le consentememt (e).
D'abord, il est naturel que celui qui a transféré la propriété d'un corps certain, par le seul consentement, en fasse la délivrance ou livraison. Sans doute, à défaut de livraison, l'acquéreur pourrait toujours obtenir la chose par l'effet de la revendication; mais sa position serait plus difficile: dans cette action, il devrait faire la preuve, non seulement de la convention intervenue entre lui et l'aliénateur, mais encore du droit de propriété appartenant à celui-ci; si, au contraire, il a le droit d'agir seulement en délivrance, ce n'est qu'une action personnelle où il prouvera seulement la convention, et, après sa mise en possession, il sera défendeur aux revendications que prétendraient exercer les tiers. C'est certainement ce résultat qu'a eu en vue le Code français, quand il dit, dans l'article 1136: " l'obligation " de donner emporte celle de livrer; " quoiqu'il eût été plus exact de dire: la convention de donner emporte l'obligation de livrer.
131. Le présent article nous dit que la délivrance est faite par les soins et aux frais du promettant; l'article 1608 du Code français le dit également; ce qui suppcse, évidemment, qu'il y a quelques difficultés pour la faire. D'un autre côté, l'article 1606 du même Code déclare que la tradition des objets mobiliers vendus peut se faire par la remise des clefs des bâtiments qui les contiennent, ce qui exclut toute idée de soins et de frais pour le vendeur.
Le Projet n'a pas indiqué les divers modes de délivrance des choses mobilières, parce qu'ils sont plus nombreux que ne le dit le Code français et dépendent beaucoup des circonstances; s'il y fait figurer la tradition. de brève main et le constitut possessoire, déjà mentionnés (art. 203), c'est à cause de leur caractère plus exceptionnel; en outre, il n'est pas toujours vrai que la remise des clefs suffise pour opérer la délivrance; par exemple, si les marchandises vendues se trouvent d'un accès difficile, par la présence d'autres objets lourds ou volumineux: en pareil cas, le vendeur devrait certainement faire déplacer ces dermiers et il ne serait pas abusif d'exiger qu'il sortît des bâtiments les objets vendus et même qu'il les portât jusqu'aux limites de sa propriété, au moins quand la sortie présenterait des risques exceptionnels. Seront encore à la charge du vendeur ou aliénateur le pesage ou le mesurage qui sont quelquefois une opération difficile, longue et coûteuse. Au contraire, l'acquéreur, le stipulant, supporte les frais d'enlèvement, c'est-à-dire d'emballage, de chargement et de transport au lieu de destination (f).
132. La livraison des immeubles est incomplètement définie par l'article 1605 du Code français: il ne suffirait pas de remettre à l'acquéreur les clefs d'un bâtiment, il faudrait encore l'évacuer, c'est-à-dire, enlever tous les objets non vendus qui s'y trouvent. Quant aux titres à remettre à l'acquéreur, l'usage, en France, est de lui remettre, non seulement le titre nouveau portant translation de propriété, mais encore les titres des propriétaires antérieurs dont les plus anciens servent de base aux plus nouveaux, et en remontant le plus loin possible, au moins de trente ans, pour fonder, au profit de l'acquéreur, une prescription qui pourrait lui être nécessaire et pour laquello il joindrait à sa possession celle de ses prédécesseurs (voy. art. 204).
Au Japon, l'usage est différent: il est délivré à l'acquéreur, par le Préfet ou Gouverneur du Ken, un nouveau titre qui remplace le précédent; si le droit du cédant était contesté au cessionnaire, il serait nécessaire de demander au préfet un certificat des anciennes mutations. Peut-être y aurait-il lieu de laisser les anciens titres au nouvel acquéreur, afin qu'il ait toujours dans les mains la preuve de son droit avec celle du droit de ses auteurs.
Ce point de détail pourra être réglé ultérieurement (2). Les créances étant des choses incorporelles ne comportent pas de délivrance proprement dite; cependant, la loi veut que le cédant délivre au moins le titre qui sert de preuve au droit: de cette façon le cessionnaire pourra faire voloir le droit cédé et le cédant ne pourra plus en disposer.
133. La loi, après avoir réglé les frais de la délivrance et ceux de l'enlèvement, règle ceux de "l'acte instrumentaire " (g), pour n'avoir pas à revenir sur la question des frais. Les frais d'acte ne sont pas encore considérables au Japon; mais maintenant que les notaires sont institués et qu'on commence à percevoir des droits de mutations, la question prend de l'importance.
Le Code français, ne statuant toujours que pour la vente, met les frais d'acte à la charge de l'acheteur (art. 1593). Il est difficile de justifier cette disposition, et, pour les autres contrats, on doit décider comme le fait ici le Projet pour tous les cas: si le contrat profite aux deux parties, s'il est intéressé des deux côtés, s'il est onéreux, les frais se diviseront également, ou dans la proportion de l'intérêt de chacun; s'il est gratuit, ils seront à la charge du bénéficiaire seul. Le texte a soin de ne poser cette règle que pour l'acte instrumentaire, pour celui qui sert de preuve; il ne s'appliquerait pas à la transcription qui, étant faite surtout dans l'intérêt de l'acquéreur, doit être à sa charge exclusive (art. 369) (h).
Les frais d'une quittance, pour un payement postérieur à l'acte, seraient de même à la charge de l'acquéreur, parce que la quittance ne sert qu'à lui seul, en prouvant sa libération (comp. c. civ. fr., art. 1248).
134. La loi prévoit enfin le cas où, soit le temps., soit le lieu de la déli vrance, n'aurait pas été fixé par la convention.
Au premier cas, l'obligation, n'étant affectée ni d'un terme ni d'une condition, est pure et simple: la délivrance est exigible immédiatement; toutefois, s'il s'agissait d'une vente et que l'acheteur n'eût pas non plus de terme pour le payement du prix, il ne pourrait exiger la délivrance avant d'avoir payé le prix: le vendeur garderait, par le droit de rétention, une sorte de gage sur la chose (c. civ. fr., art. 1612; Proj., art. 684).
Au second cas, pour le lieu de la délivrance, la loi distingue: s'il s'agit d'un corps certain, il sera délivré au lieu où il se trouvait lors du contrat; cela s'observera même pour la délivrance du titre d'un immeuble, si les parties ne sont pas d'accord pour la remise au domicile de l'une d'elles; à l'égard d'un meuble, la même règle sera observée rigoureusement, s'il est pesant ou d'un déplacement dangereux; mais pour un objet portatif ou facilement mobile, comme une voiture, un cheval, on devra décider, en pratique, d'après l'intention probable des parties, qu'il pourrait être valablement délivré au domicile de l'aliénateur. S'il s'agit de choses de quantité, comme on ne peut pas dire qu'elles se trouvent dans un lieu déterminé au moment de la convention, il faut nécessairement se placer à une époque postérieure, à celle où elles ont été déterminées et où elles sont devenues corps certains.
Dans les cas non réglés par la convention, expressément ou tacitement, la délivrance se fait au domicile du débiteur: c'est une faveur naturelle à ajouter à d'autres qu'on a déjà rencontrées et qu'on rencontrera encore. Ainsi, lorsqu'il s'agira d'appeler le créancier à la détermination des choses fongibles, le débiteur pourra l'appeler à son domicile, si les objets s'y trouvent.
135. Comme les règles du droit civil s'appliquent aux conventions commerciales, chaque fois que les lois spéciales au commerce n'y dérogent pas, et comme ces dérogations doivent être le plus limitées qu'il est possible, on doit indiquer ici quand et comment s'effectue la délivrance de marchandises, lorsque le vendeur doit les expédier à l'acheteur, même aux frais de celui-ci, et qu'il y a à effectuer un transport plus ou moins long, par terre ou par eau.
Cette matière, tout-à-fait négligée dans les Codes français, civil et commercial, peut se résoudre par les principes généraux. Le vendeur, s'il n'y a pas de terme fixé, fera la délivrance sans autre délai que celui qui est nécessaire pour l'emballage et le transport. La délivrance ne sera pas considérée comme faite par la remise à l'entrepreneur de transport, même quand c'est une entreprise publique, parce que cet entrepreneur est le mandataire du vendeur seul. Il en serait autrement si l'entreprise avait le monopole de ce genre de transport, comme l'administration des postes, ou était la seule existant, en fait, entre les deux localités, parce que, dans les deux cas, cette entreprise devrait être considérée comme le mandataire tacite et nécessaire des deux parties. Sauf ces cas, la délivrance ne sera considérée comme faite que par la remise réelle au destinataire ou à son représentant.
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(d) C'est parce que les dispositions de toute cette Partie sont communes aux diverses conventions qu'on ne prend la Vente que comme exemple et que, le plus souvent, on y ajoute la Donation: ce sont là les contrats translatifs de propriété les plus fréquents, au Japon comme ailleurs.
(e) On emploie indistinctement les mots tradition, livraison ou délivrance (voy. c. civ. fr., art. 938, 1138, 1583, 1604 et s.); seulement, le mot tradition est plus doctrinal et les deux autres plus pratiques.
(f) Pour éviter la contradiction apparente des deux articles précités du Code français, on peut dire que la remise des clefs détermine les objets vendus comme étant désormais des corps certains et les met aux risques de l'acheteur, mais qu'elle ne dispense pas le vendeur de payer les frais de pesage, de mesurage et de sortie des bâtiments.
(2) Depuis que ces lignes ont été écrites pour la première fois, il a été fait un règlement sur les titres de propriété foncière: ils consistent surtout dans l'inscription dn propriétaire sur le registre foncier; les extraits délivrés aux parties intéressées ne dispensent pas de recourir aux registres (Loi 13, 22 mars, 226 année de Meiji, 1889).
(g) Le mot instrumentaire a été conservé de l'ancienne pratique française qui, elle-même, l'avait tiré du latin instrumentum, " preuve écrite.'
(h) On verra que la transcription est utile aussi au vendeur non payé, en révélant son privilége (v. art. 1184); mais comme ce privilége permet à l'acheteur de jouir d'un terme pour le payement, c'est toujours lui qui profite le plus de la transcription. Les frais d'inscription hypo- thécaire se partagent (art. 1232).
Art. 354. — 136. La disposition principale de cet article est reproduite des articles 1136 et 1137 du Code français: on y a remplacé, comme dans l'usufruit (art. 46), l'expression "bon père de famille'" un peu trop romaine, par celle de " bon administrateur " qui n'a pas besoin de commentaire.
Le droit français a encore innové en cette matière, par comparaison avec le droit romain qui imposait une responsabilité très différente, suivant la nature des conventions. A la responsabilité se rattachait une théorie des fautes, fort compliquée et sur laquelle de grandes controverses se sont élevées: dans certains contrats, le promettant devait garder la chose due avec les soins de l'administrateur le plus diligent, et il se trouvait ainsi responsable d'une faute très légère; dans quelques autres, il ne devait à la chose que les soins d'un administrateur ordinaire, et il répondait de la faute légère; enfin, dans les autres contrats, le débiteur ne devait apporter à la chose que les soins qu'il apportait à ses propres biens, et il ne répondait que de sa faute lourde. La difficulté était surtout, en présence de textes souvent contradictoires, de classer les divers contrats dans ces trois catégories.
Mais, ces subtilités ont été enfin abandonnées en France et il faut se garder de les introduire au Japon. La seule différence que paraissent demander la raison et l'équité, au moins lorsqu'il s'agit des contrats translatifs de propriété, c'est celle que fait ici la loi entre les contrats onéreux et les contrats gratuits ou de bienfaisance: il est naturel que le donateur ne soit tenu, jusqu'à la livraison, d'apporter à la chose donnée que les soins qu'il apporte à ses propres biens, et c'est seulement dans le cas où il aurait manqué à cette obligation, déjà adoucie, qu'il serait tenu de dommagesintérêts.
137. Lorsque le Projet traitera de certains contrats spéciaux qui, sans transférer la propriété, obligent à conserver la chose d'autrui ou une chose commune, on y verra encore entre eux quelques différences analogues à celle qui précède; ainsi, on demandera moins de soins au dépositaire qui rend un service qu'à l'emprunteur à usage qui en reçoit un; moins au mandataire, lorsqu'il rend service gratuitement, qu'au mandataire qui reçoit un salaire; enfin, moins à l'associé, qui gère la chose commune et souffre déjà de sa négligence, qu'au locataire dont la négligence, proverbiale, pour ainsi dire, en tous pays, nuit au propriétaire seul.
Art. 355. — 138. La loi présente ici ce qu'on nomme ordinairement la " théorie des risques," laquelle se trouve aussi réglée dans l'article 1138 du Code français, mêlée et confondue, mal à propos, dans la grande innovation, déjà expliquée, du transfert de la propriété par le seul consentement.
La théorie des risques se trouve d'ailleurs bien simplifiée aujourd'hui par cette innovation même: du moment que la propriété est transférée par le seul effet du consentement, il est naturel que les pertes, comme les augmentations dont la chose peut être l'objet, soient au détriment comme au profit de celui à qui elle appartient. Beaucoup de personnes semblent même voir là une conséquence du seul droit de propriété et elles sont portées à croire que si le stipulant n'était resté que créancier, comme autrefois, s'il n'avait eu qu'un droit personnel, les risques seraient restés au promettant; mais c'est là une erreur certaine.
D'abord, en droit romain et dans l'ancien droit français, où la propriété n'était transférée que par la tradition, les risques étaient à la charge du stipulant, resté simple créanuier, tout comme ils sont aujourd'hui à la charge du stipulant devenu propriétaire.
En outre, la raison de droit et celle de justice voulaient qu'il en fût ainsi.
139. En droit, lorsque le contrat n'avait produit qu'une obligation, celui-ci n'en avait pas moins un objet déterminé qui avait sa destinée, bonne ou mauvaise, qui pouvait se détériorer ou s'améliorer, périr en entier ou doubler, tripler de valeur; le débiteur avait toujours rempli son obligation de faire la tradition, en livrant l'objet dans l'état où il était, lorsque d'ailleurs les détériorations n'étaient pas imputables à sa négligence; réciproquement, si la chose avait augmenté de valeur, il eût été insoutenable qu'il pût en retrancher une partie ou se faire tenir compte en argent du montant de la plus-value.
Il semblerait toutefois qu'il y eût plus de doute quand la chose avait péri en entier; on concevait bien encore que le débiteur fût libéré par cette perte, dès qu'elle n'était point de son fait; mais, s'il avait droit à un avantage réciproque, parce que la convention était synallagmatique, on pouvait comprendre moins facilement qu'il le conservât: par exemple, qu'un vendeur pût exiger le prix d'une chose qu'il n'avait pu livrer et dont il n'avait pu transférer la propriété; on aurait été porté à dire qu'il recevait son prix sans cause. Mais il faut bien remarquer que le contrat, une fois formé, avait produit deux obligations distinctes quoique réciproques: l'une avait bien été la cause de l'autre, mais elles étaient désormais indépendantes; l'une pouvait se trouver éteinte par l'impossibilité de l'exécuter, l'autre pouvait subsister, si un pareil obstacle n'existait pas; or, un corps certain peut périr; au contraire, l'argent dû, chose de genre, ne périt pas (généra non pereunt). Voilà pour la raison de droit.
La raison de justice ou d'équité est encore plus évidente: si la chose avait doublé, triplé de valeur, dans l'intervalle de la convention à la livraison, ce qui n'est ni impossible ni sans exemple, le profit, assurément, en eût été pour le créancier, il était donc juste que, par compensation, le même créancier subît la perte fortuite.
140. Aujourd'hui, ces considérations ne sont plus nécessaires; il y a une raison plus simple et plus directe pour que les profits et les pertes soient pour le stipulant: il est propriétaire; c'est aujourd'hui seulement qu'on peut dire avec vérité ce qui était déjà un axiome autrefois, mais souvent mal appliqué: " la chose périt pour le propriétaire (res périt domino)."
Cependant, l'axiome cesserait d'être vrai, même aujourd'hui, si, dans une vente pure et simple, comme contrat, il avait été convenu que la propriété resterait au vendeur jusqu'à la tradition de la chose, comme cela avait lieu, de droit et sans stipulation, chez les Romains et dans l'ancienne jurisprudence française: dans ce cas, les risques ne seraient pas moins pour l'acheteur, quoiqu'il ne fût pas encore propriétaire.
On pourrait objecter que la tradition ne jouant pas ici le rôle d'un terme, lequel est incompatible avec le droit de propriété (n° 55): constitue une condition suspensive; or, on verra que, dans le cas d'obligation sous condition suspensive, les risques de la chose due sont supportés par celui qui la doit sous cette condition (voy. art. 4-39); il semblerait donc que, dans notre hypothèse, la chose devrait périr pour le débiteur resté propriétaire.
Mais, ici, la condition n'affecte pas la vente elle-même, ni les droits personnels réciproques qu'elle a eu surtout pour but de créer: elle n'affecte que le droit réel qui en doit résulter. La chose venant donc à périr par cas fortuit, avant la tradition, le vendeur serait libéré; mais l'acheteur ne le serait pas: il devrait toujours payer le prix, sauf la preuve d'une intention contraire des parties (voy. art. 376).
141. Il est permis de mettre les risques et périls à la charge du promettant (comp. c. civ. fr., art. 1302, 2e al.), ce qui donne à la convention un caractère aléatoire: le promettant est alors une sorte d'assureur contre les cas fortuits et la force majeure; en pareil cas, sans doute, ses avantages seront augmentés. L'utilité de cette clause de la convention est d'éviter les contestations sur la responsabilité qui pourrait être imputable au promettant.
142. La loi réserve, ici encore, le cas où la convention serait affectée d'une condition suspensive: en pareil cas, le droit réel du stipulant n'étant pas né par l'effet de la convention seule et ne devant naître qu'avec l'accomplissement de la condition, la chose ne peut périr pour lui; il en eût été de même si la convention n'avait produit qu'une créance conditionnelle, comme autrefois. On reviendra sur ce point, en son lieu; on y examinera aussi une difficulté particulière du risque, au cas de simple détérioration ou de perte partielle (voy. art. 439 et 440).
143. Le deuxième alinéa apporte une autre exception à la règle qui met la chose aux risques du stipulant, c'est le cas où la chose a péri ou s'est détériorée, même par cas fortuit ou force majeure, après que le promettant a été en retard (en demeure) de faire la tradition.
Mais encore faut-il, pour que les risques retombent alors sur ce dernier, que son retard soit la cause de la perte, c'est-à-dire, qu'elle n'ait pas dû arriver si la chose avait été livrée; ainsi, un meuble a été vendu, la livraison aurait dû être faite, et l'objet a péri dans l'incendie de la maison du vendeur; comme, sans doute, la maison de l'acheteur n'a pas brûlé, il est clair que la faute de vendeur est indirectement cause de la perte de la chose; si, au contraire, on suppose la vente d'une maison et qu'elle ait brûlé par le feu du ciel ou par la communication inévitable d'un grand incendie, comme elle n'aurait pas moins brûlé si elle eût été livrée, les risques restent à la charge de l'acheteur.
Cette disposition, incomplète dans l'article 1138 du Code français, se trouve complétée par l'article 1302, 2e al. (comp. Proj., art. 563).
Art. 356. — 144. L'expression française demeure (du latin mora) est synonyme de retard, avec l'idée de faute.
De ce qu'un délai a été déterminé pour l'exécution d'une obligation, il n'en résulte pas que le débiteur soit constitué en demeure par la seule échéance de ce terme; il faut, en général, qu'un avertissement lui soit donné par le créancier: la loi tient compte de la déplorable facilité avec laquelle les hommes laissent passer le temps sans s'en apercevoir, et pour que le but de la loi soit atteint, il faut nécessairement que l'avertissement ne soit donné qu'après l'échéance du terme (i).
145. Les trois premiers moyens par lesquels le débiteur peut être mis en demeure viennent du créancier; s'il fait une demande en justice, le premier acte de procédure, (la citation, l'assignation ou ajournement) sera un avertissement suffisant; s'il a déjà un titre exécutoire, comme un jugement ou un acte authentique, il en fera notifier copie, avec injonction d'exécuter, c'est le commandement; enfin, si le créancier, n'ayant pas de titre exécutoire, veut sauvegarder ses droits, sans user de rigueur, il fera une simple sommation, dont la loi n'indique pas la forme, laissant ce soin au Code de procédure civile. Ces deux derniers actes, bien que devant être faits par le ministère d'un officier public (au -Japon, maintenant, comme en France), s'appellent " actes extrajudiciaires," parce qu'ils sont faits en dehors d'un procès.
Un avertissement privé, mais exprès et formel et reconnu par le débiteur, pourrait être admis comme mise en demeure, la forme authentique n'étant nécessaire qu'à défaut de participation du débiteur à l'acte. A plus forte raison, une reconnaissance spontanée de sa faute, par le débiteur, le mettrait-elle en demeure.
146. Par exception, la seule échéance du terme peut constituer le débiteur en demeure; le texte en indique deux cas, suivis d'une hypothèse particulière qui pourrait être considérée comme formant un troisième cas:
1° Lorsque la loi, dans quelques cas particuliers, juge à propos de donner cette garantie au créancier: le cas le plus saillant est celui de l'obligation de restituer une chose obtenue par un délit civil ou pénal (v. c. civ. fr., art. 1302, 48 al.; Proj., art. 404, 38 al.); cette obligation est d'ailleurs pure et simple;
2° Lorsque la convention porte expressément que le débiteur sera constitue en demeure par la seule échéance du terme: il ne sera pas nécessaire qu'on ait ajouté Il et sans sommation," quoique ce soit préférable, pour écarter tous les doutes;
3° La troisième hypothèse où le débiteur est en demeure, sans autre avertissement que l'expiration du temps fixé pour l'exécution, tient à des circonstances particulières de la convention que la loi rfa pu réunir que dans une formule très générale: on peut citer, comme exemple, le cas où il y a eu convention de fournir, soit en vente, soit en location, des objets nécessaires pour une cérémonie publique ou même privée, comme un mariage ou des funérailles, dont l'époque est connue du promettant; il est clair que si, en pareil cas, le stipulant était obligé de faire une sommation avant la cérémonie, et au moment extrême où la fourniture devrait être faite, il serait déjà trop tard. En réalité, dans ce cas, c'est comme s'il y avait eu convention formelle entre les parties que le promettant sera en demeure par la seule échéance du terme.
On verra plus loin (art. 404, 2' al.) que dans l'obligation de ne pas faire le débiteur est considéré comme étant en demeure dès la convention, ou comme s'y constituant lui-même en contrevenant, ce qui est autre chose qu'être en demeure par la seule échéance du terme.
Les règles de la mise en demeure pour faire courir les intérêts moratoires, dans les obligations de sommes d'argent, ne seront pas tout-à-fait les mêmes qu'ici: on les trouvera plus loin (v. art. 413).
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(i) Autrefois, on admettait généralement la règle inverse: dies interpellat pro homine: "le terme interpelle à la place de l'homme j" aujourd'hui, ou dit: dies non interpellai......
Art. 357. — 147. Les conventions de faire et de ne pas faire sont aussi fréquentes que celles de donner; il semblerait naturel que la loi en traitât ici; mais l'intérêt étant bien plus dans l'obligation créée que dans la convention qui la produit, la loi renvoie au Chapitre suivant consacré aux Effets des Obligations (v. art. 402). On y redira quelque chose de l'obligation de donner et de livrer qui, à la rigueur, peut être rangée parmi les obligations de faire, car la livraison est un fait.
Art. 358. — 148. La règle posée ici a déjà été annoncée sous l'article 345, au sujet d'une modification qu'elle peut recevoir du fait des parties.
L'expression ayant-cause est consacrée et pourrait difficilement être remplacée par une autre qui fût aussi claire et aussi brève: elle désigne " les personnes qui ont les droits d'une autre," qui tiennent leurs droits de celle-ci, laquelle est leur auteur Ci).
Il y a deux classes d'ayant-cause, les uns généraux, les autres partieuliers.
Les ayant-cause généraux ont tous les droits et toutes les obligations de leur auteur, sauf quelques exceptions relatives aux droits et obligations qui, par leur nature, ne peuvent se transmettre ou se communiquer; les ayant-cause particuliers n'ont les droits de leur auteur que sur un ou plusieurs objets déterminés et n'ont aucune de ses obligations.
La première classe d'ayant-cause comprend: les héritiers légitimes, les légataires et donataires universels ou à titre universel (v. art. 17 et 48), enfin, les créanciers. La seconde classe comprend les acquéreurs ou cessionnaires, à titre onéreux ou gratuit, de choses déterminées.
149. La différence entre ces deux classes d'ayantcause, qu'on appelle souvent aussi successeurs, soit à titre universel, soit à titre particulier (k), est considérable et elle va se rencontrer dans le rapprochement des articles suivants. Elle peut se résumer ainsi: les ayant-cause généraux sont exposés à voir leur situation empirée par les actes maladroits ou malheureux de leur auteur, comme la sienne propre s'empire par les mêmes actes; mais aussi, en sens inverse, leur situation s'améliore avec la siennè, par ses actes habiles ou heureux. Cela est évident pour les héritiers qui recueilleront une succession plus ou moins opulente, suivant que leur auteur aura réussi ou non dans ses entreprises; il en est de même pour les créanciers qui, ayant pour gage général (indépendamment de leurs sûretés exceptionnelles) tous les biens de leur débiteur, peuvent voir ce gage augmenter ou diminuer journellement, par les modifications de son patrimoine.
Au contraire, les ayant-cause particuliers, les acheteurs, coéchangistes, donataires, ne sont exposés à aucune éventualité défavorable, ni appelés à aucun avantage imprévu: ils prennent la situation, bonne ou mauvaise, de leur auteur ou cédant, telle qu'elle était au jour de la convention, par rapport à la chose ou au droit cédé; ils sont ayant-cause pour le passé, parce qu'ils ont consenti à l'être; mais ils ne le sont pas pour l'avenir: ils sont étrangers à tout ce qui pourrait être fait, dans la suite, par leur cédant; ils sont des tiers à cet égard. C'est en cette qualité de tiers qu'ils seront envisagés dans la division suivante de ce paragraphe (v. art. 366 et s.). Mais on comprend, dès à présent, quelle est l'importance de la date des actes, puisque la priorité dans le temps donne la priorité dans les droits. Aussi la loi pourvoira-t-elle aux moyens d'assurer la date des actes (v. art. 1349).
150. Le présent article réserve d'une façon indéterminée les cas où, d'après la loi ou la convention, les ayant-cause généraux n'auront pas les droits de leur auteur ou ne souffriront pas de ses actes.
Déjà l'article 345 a indiqué le cas où le profit d'une stipulation pourait être attribué, ou la charge d'une promesse être imposée à l'un des héritiers présomptifs, à l'exclusion des autres.
Les cas où la loi n'autorise pas la transmission des droits aux héritiers sont -assez nombreux et se rencontreront, chemin faisant: on a déjà vu que l'usufruit, l'usage et l'habitation ne sont pas transmissibles aux héritiers; c'est encore ce qui arrive pour les rentes viagères, pour les pensions civiles ou militaires; certains contrats ne profitent ni ne nuisent aux héritiers: tel est le mandat qui s'éteint par la mort du mandant ou du mandataire; telles sont encore certaines sociétés qui se dissolvent par la mort de l'un des associés. Seulement, dans ces divers cas, les actes valablement faits avant la mort, en vertu du mandat ou de la société, profitent ou nuisent aux héritiers.
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(j) Ayant-canse est la traduction littérale de deux mots latins: kabentes causam, ceux qui ont la situation même d'une autre personne, la situation que celle-ci leur a faite. Le mot causa a bien des sens en latin: ici, il signifie proprement " l'état, la condition, la manière d'être du débiteur."
(k) Les créanciers des parties sont les seuls ayant-cause qu'on ne puisse appeler successeurs, parce que leurs droits co-existent avec ceux de leur débiteur, ainsi que cela résulte des dispositions qui vont suivre.
Art. 359. — 151. Cet article répond aux articles 1166 du Code français et 1234 du Code italien. La théorie qu'il présente est une des plus importantes du droit civil. Il n'est lui-même que la conséquence d'un principe plus large encore, déjà invoqué, et qui trouvera sa place ailleurs, à savoir que " tous les biens d'un " débiteur sont la garantie de ses dettes ou le gage com" mun de ses créanciers" (voy. c. civ. fr., art. 2092-2093; Proj. art. 1001).
Il peut arriver, il arrive même souvent, qu'un débiteur, embarrassé dans ses affaires, néglige de faire valoir ses droits contre ses propres débiteurs ou d'exercer les actions réelles qui pourraient lui appartenir pour recouvrer quelques-uns de ses biens, et cela, par le motif qu'ayant de nombreux créanciers, il ne lui en reviendrait ancun avantage. Cette inertie est blâmable et la loi doit donner aux créanciers le moyen de la combattre. Tel est l'objet de notre article.
Ce peu de mots suffit pour expliquer le 1er alinéa qui pose le principe du droit des créanciers; le 2e indique les principaux moyens par lesquels ils procéderont et le 3e présente quelques exceptions à la règle.
152. Le Code français a négligé d'indiquer les voies et moyens de l'exercice du droit des créanciers et la question y donne lieu à de sérieuses difficultés. Le Projet prend soin de s'en expliquer. Les trois moyens qu'indique le présent article ne sont pas limitatifs, mais ils seront les plus fréquents.
1° Saisies. Ce n'est pas ici le lieu d'expliquer les diverses sortes de saisies que peuvent exercer les créanciers: cette matière appartient au Code de Procédure. Il ne s'agit pas d'ailleurs ici des saisies que les créanciers feraient sur les biens de leur débiteur, en vertu d'un jugement qu'ils auraient obtenu contre lui: dans ce cas, ils n'exerceraient pas les droits de leur débiteur contre des tiers, mais leur propre droit contre le premier. Il s'agit de saisies que le débiteur pourrait faire pratiquer lui-même contre ses propres débiteurs et qu'il néglige de faire; ce seront: ou des saisies-exécutions (v. c. proc. civ. fr., art. 583 et s.), ou des saisies-revendications (ibid., art. 826 et s.), ou de simples saisiesconservatoires (ib., art. 819 et s.). Les créanciers pratiqueront souvent aussi la saisie-arrêt ou saisie-opposition contre les débiteurs de leur débiteur (ib., art. 557 et s.); mais on peut dire de cette saisie qu'ils l'exercent plutôt comme à eux appartenant que comme appartenant à leur débiteur, car celui-ci n'en a jamais besoin: c'est une saisie de la créance du débiteur, avec cette particularité qu'elle s'exerce contre un tiers, ce qui la rapproche des deux dernières voies ouvertes aux créanciers, et même pourrait leur donner occasion d'y recourir si la créance était contestée par le tiers-saisi.
2° Intervention. Le débiteur pourrait négliger de soutenir ses droits, comme demandeur ou défendeur, dans les procès pendants entre lui et des tiers: ses créanciers peuvent se joindre à lui, pour l'aider, soit dans l'attaque, soit dans la défense; cette participation se nomme, en procédure, " intervention," expression très claire, parce qu'elle est tirée du langage ordinaire (voy. c. pr. civ. fr., art. 339-341). L'intervention aura un avantage particulier, c'est qu'elle empêchera que le débiteur, par collusion ou fraude concertée avec l'adversaire, ne se laisse débouter comme demandeur ou condamner comme défendeur, ce qui laisserait encore un recours aux créanciers, mais d'un usage plus difficile, la tierce-opposition (v. ci-après, art. 361). La simple intervention sera particulièrement utile si le débiteur, ayant formé une demande, néglige ensuite de la suivre et d'y produire les preuves de son droit; ou bien, si, ayant été assigné comme défendeur, il néglige de répondre, fait défaut et s'expose à une condamnation mal fondée.
3° Action indirecte. Si l'expression " d'action indirecte ou oblique " n'était pas consacrée ici, on pourrait tout aussi bien employer celle, plus naturelle, d'action directe, par opposition à l'intervention. Mais on a adopté depuis longtemps l'une des deux autres expressions, pour indiquer que ce n'est pas une action à eux propre qu'exercent les créanciers, mais une action appartenant à, leur débiteur, dont le profit ne leur parviendra qu'en passant, sinon dans les mains mêmes de celui-ci, au moins dans son patrimoine. En effet, les créanciers qui ont exercé l'action contre le tiers pourront bien, après le succès, prendre des précautions pour éviter le détournement du profit de l'action, mais ils ne pourront s'opposer à ce que ce profit soit distribué à tous les créanciers indistinctement, sauf les causes ordinaires de préférence, parmi lesquelles ne figurera pas le fait d'avoir pris l'initiative de l'action.
A cette occasion, on remarquera qu'il n'est pas nécessaire que les créanciers se forment en syndicat ou en comité, ni agissent d'un commun accord, pour exercer les actions de leur débiteur: le droit appartient à un seul autant qu'à tous et il peut être exercé soit isolément par le plus diligent, soit collectivement, après entente préalable.
153. Le Projet tranche, au sujet de cette action indirecte, une question qui est très controversée en France et qu'il fallait résoudre au Japon. Les créanciers qui voudront exercer l'action ne se borneront pas à faire à leur débiteur une sommation d'avoir à exercer lui-même son droit, pour, en cas de refus, l'exercer à sa place: ils devront présenter requête au tribunal, en exposant la situation qui leur est faite et le danger qu'ils courent, afin, d'obtenir de la justice le droit de prendre le lieu et la place de leur débiteur dans l'action à intenter contre le tiers; le débiteur pourra toujours se joindre à eux, mais, une fois l'action intentée, il ne sera plus qu'un intervenant: il aura perdu, par sa résistance première, le rôle de partie principale.
Cette autorisation de justice, donnée aux créanciers, d'agir au lieu et place de leur débiteur et en son nom, est appelée ici "subrogation judiciaire: " c'est un nom qui lui est donné dans la pratique, en France, où elle est très usitée, sans être formellement exigée par la loi.
On peut soutenir pourtant, sous l'empire du Code français, que les créanciers peuvent agir d'emblée, de plein droit (de plano), au nom de leur débiteur, contre les tiers que celui-ci pourrait poursuivre lui-même; que, par conséquent, ils n'ont pas besoin de son autorisation ni de celle de la justice: on peut considérer cette autorisation comme donnée par la loi. Mais cette solution, en admettant qu'elle soit conforme à la loi, présente de sérieux dangers, tant pour les créanciers que pour le tiers actionné: pour les premiers, en ce que le débiteur conserve, pendant le procès, le droit de disposer de l'objet du litige, de transiger avec le tiers et d'anéantir ainsi leur droit; pour le tiers, il est exposé, après avoir triomphé d'un des créanciers, à subir une nouvelle action d'autres créanciers ou du débiteur lui-même; car il est difficile d'admettre que le premier créancier, en agissant seul, de son propre mouvement et sans un mandat spécial des autres créanciers et du débiteur, ait pu compromettre le droit de ceux-ci.
Le tiers, il est vrai, préviendrait ce danger, en ce qui le concerne, en exigeant la mise en cause du débiteur; mais cette mise en cause ne prévient pas le danger, pour le créancier poursuivant, d'une transaction ou d'un autre acte qui le dépouillerait et qu'il ne pourrait attaquer qu'en prouvant la fraude, conformément à l'article suivant, ce qui est toujours difficile.
On remédiera, tout à la fois, au double danger signalé, par la subrogation judiciaire du créancier, laquelle ne devra être accordée qu'après que le débiteur aura été sommé d'exercer son action et entraînera sa mise en cause, sans qu'il ait le droit de transiger ou de compromettre autrement ses droits devenus ceux des créanciers; en même temps, le créancier poursuivant devra être constitué représentant des autres, après qu'ils auront été dûment avertis et constitués en une sorte de syndicat. De cette façon, le jugement rendu en faveur du créancier demandeur profitera aux autres créanciers et au débiteur, et le jugement rendu en faveur du tiers sera opposable aux mêmes personnes.
154. Le 3e alinéa introduit trois exceptions ou tempéraments à la règle que les créanciers peuvent exercer les droits et actions de leur débiteur.
1° Ils ne peuvent exercer les simples facultés légales de leur débiteur. Avant de proposer la formule caractéristique des simples facultés opposées aux droits, on en donnera d'abord quelques exemples incontestables et frappants.
Il est évident que les créanciers ne pourraient bâtir sur un terrain de leur débiteur, donner ses immeubles à bail, exploiter ses terres ou modifier ses cultures; cependant, on pourrait dire que ce sont là des droits incontestables du débiteur: mais, en réalité, ce sont de simples facultés. De même, si le débiteur avait pris à bail un bien d'autrui, avec faculté de le renouveler ou de le prolonger, les créanciers ne pourraient exercer cette faculté à sa place. Enfin, si le débiteur avait vendu un de ses biens avec faculté de rachat, ses créanciers ne pourraient exercer ladite faculté qu'au cas de son insolvabilité, cas où leurs droits s'étendent par le dessaisissement du débiteur (v. ci-après).
Au contraire, il n'est pas douteux que les créanciers puissent exercer une action en nullité ou rescision de convention appartenant à leur débiteur, pour vice de consentement ou pour incapacité; de même, une action en résolution pour inexécution des conditions, une action en dommages-intérêts pour préjudice causé aux biens et une foule d'autres.
On reconnaît donc la nécessité d'une formule, d'un signe caractéristique (critérium) qui permette, dans chaque cas, de voir si l'on est en présence d'un droit ou d'une simple faculté.
La distinction nous paraît être celle-ci: chaque fois qu'il s'agit d'un avantage que le débiteur ne peut négliger de faire valoir sans éprouver une perte certaine, cet avantage est un droit; chaque fois, au contraire, que, pour obtenir l'avantage il y a à faire, un sacrifice volontaire correspondant, il y a simple faculté (3).
Ainsi, pour reprendre nos exemples de facultés, s'il s'agissait de construire sur un bien du débiteur, il faudrait commencer par débourser le prix des matériaux et de 1a main d'oeuvre; donner à bail les immeubles du débiteur serait en même temps démembrer son droit de propriété; exercer la faculté de rachat obligerait le débiteur à rembourser le prix de vente qu'il a reçu.
Cette différence relative au droit d'agir des créanciers est facile à justifier: du moment que le droit ne peut être négligé sans une perte certaine et directe, il est naturel que les créanciers conservent leur gage et se substituent au débiteur de mauvaise volonté; au contraire, quand il y a à délibérer si l'exercice de la faculté est avantageux ou non, les créanciers ne pourraient s'immiscer dans cette délibération et agir au lieu et place du débiteur, peut-être contre sa volonté: ce serait lui enlever l'administration de son patrimoine, ce qui dépasserait infiniment l'avantage que la loi a entendu leur accorder ici. D'ailleurs, s'il y a plusieurs créanciers, ce qui sera le plus fréquent, il y a presque certitude qu'ils seront en désaccord sur l'exercice d'une faculté, tandis que, pour l'exercice d'un droit, l'accord est tout naturel. C'est seulement au cas de faillite ou de déconfiture que le droit des créanciers peut aller jusqu'à exercer les facultés du débiteur; mais alors c'est qu'il y a pour lui dessaisissement de ses biens, et justement alors, les créanciers sont organisés en assemblée et délibèrent à une certaine majorité, pour le meilleur règlement de leurs intérêts (4).
Par exception, il est permis aux créanciers d'exercer la faculté de rachat, au lieu et place du débiteur; mais précisément, ce n'est qu'après discussion de ses biens, c'est-à-dire après que son insolvabilité a été constatée, ce qui est la déconfiture analogue à la faillite (voy. c. civ. fr., art. 1666; Proj., art. 725).
2e La deuxième exception concerne des droits proprement dits du débiteur dont l'exercice est refusé aux créanciers. Ce sont des droits qui présentent plus d'intérêt moral que d'intérêt pécuniaire, c'est pourquoi ils sont considérés comme "exclusivement attachés ou réservés à la personne même du débiteur." Il en serait de même, et à plus forte raison, des droits dont l'intérêt est purement moral et que d'ailleurs les créanciers n'auraient eux-mêmes aucun avantage à exercer. Cette formule aidera à faire distinguer ces droits d'avec les autres. Les exemples les plus fréquents et les plus saillants à citer sont: les droits relatifs à l'état des personnes, tels que la réclamation ou la contestation de légitimité, la demande en divorce ou en nullité de mariage ou d'adoption, le droit de demander la réparation d'une injure ou d'un autre délit contre la personne, celui de demander la révocation d'une donation pour ingratitude, etc.
Au contraire, on doit considérer comme rentrant (fans le droit des créanciers, les actions qui tendent à faire recouvrer à leur débiteur tout ou partie d'une succession, lors même qu'un intérêt moral serait en jeu et pourrait faire hésiter le débiteur; par exemple, la pétition d'hérédité (v. c. civ. fr., art. 137), même subordonnée à la contestation de légitimité d'un enfant, l'action en rapport à succession (ibid., 843 et s.), en réduction de donations ou de legs excessifs (ib., art. 920 et s.), en déclaration d'indignité contre un héritier (ib., art. 727 et s.) (5). Dans ces divers cas, l'intérêt pécuniaire à agir paraît excéder l'intérêt moral à ne pas agir et le droit des créanciers ne pourrait être exclu que par une renonciation formelle du débiteur faite sans fraude.
3e Enfin, la loi qui a compté le droit de saisie au nombre des garanties des créanciers le leur refuse sur certains biens qui ne sont pas leur gage et qui, pour des raisons de convenance ou d'humanité, sont aussi exclusivement réservés au débiteur, d'où leur nom d'insaisissables (v. art. 30); ces biens seront énumérés au Code de Procédure civile, au sujet des saisies (6).
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(3) Nous ajoutons à notre précédente formule que le sacrifice doit être volontaire; en effet, on aurait pu nous objecter, comme nous nous le sommes fait à nous-même, que dans l'exercice d'un droit né d'un contrat synallagmatique, le débiteur doit faire un sacrifice correspondant, lequel même peut souvent lui sembler tellement lourd qu'il préférerait, pour s'y soustraire, ne pas faire valoir son droit. Mais il n'est pas possible de confondre ce droit avec une simple faculté, puisque le débiteur a, en même temps, une obligation correspondante, à l'exécution de laquelle il peut toujours être contraint par la partie adverse, ce qu'on ne trouve pas dans le cas d'une simple faculté. Il y a là, en somme, une modification déjà accomplie du patrimoine du débiteur et du gage de ses créanciers; dès lors, il est naturel que ceux-ci s'en prévalent, même malgré lui, comme l'autre partie peut elle-même s'en prévaloir malgré eux.
(4) La déconfiture devait, dans le principe, être organisée par le Code de Procédure civile; mais elle a été réservée pour une loi spéciale aujourd'hui promulguée (Loi 69, des 20-21 août, 238 année de Meiji, 1890).
(5) Ces actions empruntées au Code français, avant que la matière des successions et donations fût réglée dans le Projet, n'ont pas toutes été admises dans le Texte officiel.
(6) A la rigueur, la loi pourrait ne pas prendre la peine de signaler cette exception: il suffit que la loi ait annoncé (art. 30) qu'il y a des biens insaisissables et que le Code de Procédure civile les détermine.
La Commission qui a supprimé tant de renvois plus utiles aurait pu, sans scrupules, supprimer celui-ci.
Art. 360. — 1. 55. Le droit des créanciers exposé dans l'article précédent a ici sa contre-partie: leur qualité d'ayant-cause qui les fait profiter de tous les actes avantageux de leur débiteur, les fait souffrir aussi de ses actes nuisibles: s'il diminue son actif, par des donations ou même par des aliénations à titre onéreux peu avantageuses, ils voient leur gage diminuer; de même, s'il augmente son passif (l), s'il contracte de nouveaux engagements, ils doivent subir le concours des nouveaux créanciers et, par là encore, leur gage est diminué.
Mais, de même que le précédent article a reçu des exceptions, celui-ci en reçoit également: il y a des aliénations et des engagements que les créanciers ne seront pas tenus de respecter, comme ayant eu lieu " en fraude de leurs droits." Dans ces cas, les créanciers ne sont plus des ayant-cause mais des tiers: le débiteur ne les a plus représentés, puisqu'il s'est fait leur adversaire.
On ne s'arrêtera pas ici au renvoi à l'article 1386 relatif aux contre-lettres: les contre-lettres ne sont pas toujours des actes frauduleux, mais comme elles sont destinées à rester secrètes, elles ne peuvent nuire aux tiers.
Le présent article correspond à l'article 1167 du Code français, reproduit, avec quelques améliorations déjà, par le Code italien (art. 1235); mais l'un et l'autre ont le tort de présenter comme règle le droit pour les créanciers d'attaquer les actes de leur débiteur, tandis qu'en réalité il n'est qu'une exception, comme la fraude sur laquelle il est fondé.
Le présent article pose la règle avant l'exception et il définit la fraude.
Les articles suivants tranchent plusieurs questions encore débattues en France à cause de l'insuffisance du texte.
156. La loi prend ici le soin de définir la fraude, parce qu'il ne faut, ni la confondre avec le simple préjudice, ni l'en séparer tout-à-fait, ni en exagérer la différence. Le préjudice est le dommage qui résulte pour les créanciers de l'acte de leur débiteur; il peut être causé de bonne foi, c'est-à-dire sans intention de nuire aux créanciers: alors l'acte ne peut être attaqué. Si cette intention de nuire existait chez le débiteur, mais que le dommage ne fût pas produit, il n'y aurait pas non plus lieu à la plainte des créanciers, parce qu'il n'y aurait pas d'intérêt pour eux et que l'intérêt est le mobile des actions (voy. art. 344). Pour qu'il y ait fraude dans le sens de notre article, et ouverture au droit des créanciers, il faut l'intention de nuire à ceux-ci et un préjudice réel, le fait et l'intention, ce que les latins appelaient eventus et consilium.
Cependant, comme il serait, le plus souvent, impossible aux créanciers de faire la preuve directe de l'intention de nuire que le débiteur aura toujours soin de dissimuler, la loi se contente de la preuve que le débiteur connaissait son insolvabilité actuelle ou savait qu'elle devait résulter de l'acte qu'il allait accomplir. Mais, si le débiteur était déjà insolvable à son insû, ou si. même le sachant, il y avait preuve qu'il croyait que son nouvel acte pouvait le relever, il n'y aurait pas fraude aux créanciers, quoique l'acte leur fût très préjudiciable
157. La loi est très générale dans cette disposition: elle permet d'attaquer, indistinctement, tous les actes frauduleux qui diminuent le patrimoine du débiteur et, par suite, le gage des créanciers, soit directement, comme les aliénations ou les renonciations à des droits acquis, soit indirectement, comme les engagements nouveaux dont parle le 1er alinéa. Il n'y a pas même à distinguer, comme le prétendent certains auteurs, en France, entre les actes à titre onéreux et les actes à titre gratuit, au moins en ce qui concerne la double condition du préjudice et de l'intention frauduleuse. C'est à tort que l'on soutiendrait que, dans la donation, l'acquéreur, cherchant à conserver un gain, est moins intéressant que les créanciers qui cherchent à éviter une perte; en effet, le fait, par le débiteur, d'avoir des créanciers ne doit pas lui enlever le droit de faire des libéralités, lorsqu'elles sont inspirées par la reconnaissance ou l'affection et non par l'animosité contre ses créanciers. Cette distinction entre les actes gratuits et les actes onéreux trouvera d'ailleurs sa place dans une autre question traitée à l'article suivant.
Ce qui a pu donner lieu à cette opinion défavorable aux donations, c'est: 1° que les legs ou donations testamentaires ne sont valables qu'autant que les dettes du défunt peuvent être payées sur les autres biens de la succession (v. c. civ. fr., art. 922, 1009 et 1012); 2° que le Gode français, dans les articles 622, 788 et 1053, permet d'annuler des renonciations faites ait préjudice des créanciers, sans paraître exiger la fraude. Mais on a répondu, au sujet de ces articles (qui d'ailleurs ne distinguent pas si la renonciation est gratuite ou onéreuse), qu'ayant été écrits avant l'article 1167, la théorie de la loi n'était pas encore bien arrêtée et qu'elle l'a été, plus tard, dans le sens qui exige la fraude (m). A l'objection tirée des legs, il est facile de répondre que si, au décès du débiteur, l'acquittement des legs n'était pas subordonné au payement préalable des dettes, les créanciers n'auraient plus aucune possibilité d'être payés; tandis que, du vivant de leur débiteur, le danger n'est plus le même.
Du reste, il restera toujours une différence défavorable aux donations, c'est 'que, si elles sont universelles, elles ne pourront avoir lieu qu'à charge du prélèvement des dettes; car, il est évident que le débiteur doit savoir qu'il se rend insolvable par ce genre de donation. Mais encore, ce n'est pas en invoquant la fraude que les créanciers demanderont leur payement, c'est en vertu du principe que la donation universelle est une sorte de succession (voy. art. 17 et T. 1er, n° 31).
158. Il faut, au contraire, distinguer, au sujet de l'application de notre article, entre les cas où le débiteur aliène un droit acquis et celui où il manque à acquérir un droit qui lui est offert. Cette distinction, déjà faite en droit romain, est très sage et doit être encore admise aujourd'hui. En effet, si les créanciers peuvent s'opposer à ce que le débiteur diminue leur gage, c'est qu'ils y ont eux-mêmes un droit acquis; mais ils ne peuvent exiger qu'il l'augmente: lors même qu'on offrirait une donation à leur débiteur, ils ne peuvent prétendre qu'il l'accepte, ni l'accepter pour lui, parce qu'il est seul juge de la convenance qu'il y a pour lui à recevoir une donation d'une personne quelconque, même honorable. En tout cas, lors même que les créanciers prétendraient un pareil droit, ce ne serait pas èn vertu de notre article, mais en vertu du précédent; or, il s'agit ici d'une de ces " simples facultés " dont l'exercice est exclusivement réservé au débiteur.
Au surplus, il y a un cas important où les créanciers peuvent aujourd'hui faire annuler un acte comme fait en fraude de leurs droits, tandis que le même acte n'aurait pu être annulé en droit romain, et cela, parce qu'aujourd'hui cet acte serait une " renonciation à un droit acquis," tandis qu'alors il n'eût été qu'un Il manquement à acquérir," c'est le cas où le débiteur renonce à une succession ouverte à son profit. En effet, aujourd'hui, en France (et il en est de même au Japon); l'héritier est saisi, investi de plein droit, de la succession de son auteur, même à son insû, dès le jour du décès (voy. c. civ. fr., art. 724); si donc il renonce plus tard à la succession, il ne manque pas à acquérir: il se dépouille, et les créanciers peuvent critiquer et faire annuler cette renonciation (art. 788 précité). Il en serait de même d'un legs universel ou particulier auquel le débiteur renoncerait: comme le legs lui est acquis de plein droit, au décès du testateur, la renonciation qu'il y fait est un dépouillement de droit acquis.
Malgré la généralité des termes de la loi, il va de soi que lés créanciers ne pourraient faire annuler comme frauduleux un acte d'aliénation portant sur des choses insaisissables: dans ce cas, les créanciers ne pourraient alléguer qu'il y a préjudice pour eux, puisque ce bien, en admettant qu'il fût aliénable, ne pourrait servir à les payer que par la pure volonté du débiteur.
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(l) Les expressions actif et passif sont consacrées pour exprimer les biens et les dettes s le Code civil et le Code de commerce français parlent plusieurs fois des dettes actives et passives (v. c. civ., art. 533; c. comm., art. 439, 444, 518).
(m) On peut même soutenir que les mots français " au préjudice des créanciers " sont la traduction des mots latins in prejudicium, qui se traduisent mieux: pour le préjudice que avec préjudice; or, "p 0 u r le préjudice" exprime suffisamment l'intention frauduleuse.
Art. 361. — 159. Cet article règle les voies et moyens par lesquels les créanciers obtiennent la réparation du préjudice à eux causé par les actes frauduleux du débiteur.
Le premier moyen, celui qu'on peut considérer comme général, est une action tendant à l'annulation de ce qui a été fait en fraude des créanciers. Pour distinguer cette action des autres actions en nullité, l'usage est de l'appeler if action révocatoire " et ce nom est consacré ici (mm).
Le 1er alinéa du présent article nous dit que cette action est donnée contre ceux qui ont traité avec le débiteur et, subsidiairement, c'est-à-dire, en tant qu'il est besoin et possible, contre les sous-acquéreurs. Il est clair que cette action ne peut être exercée contre le débiteur, au moins contre le débiteur seul, et cela pour deux raisons: la première, c'est qu'il ne dépend plus de lui d'anéantir l'acte qu'il a fait avec un tiers, la seconde c'est qu'il est insolvable et que l'action contre lui n'aurait aucune utilité pour les créanciers. Il faut donc que l'action soit dirigée contre ceux qui ont traité avec le débiteur; sauf à mettre celui-ci en cause, comme l'exige le Se alinéa, tant pour qu'il puisse soutenir la validité de l'acte que pour que le jugement lui soit opposable.
Quand il s'agit de faire annuler un engagement du débiteur envers un tiers, ou une renonciation du débiteur à une créance qu'il avait contre un tiers, c'est ce dernier seul qui peut être le défendeur: l'action est nécessairement 'personnelle contre lui; elle ne provient pas d'un contrat, car le tiers n'a pas contracté avec les créanciers, mais elle est née, soit de sa participation à la fraude, ce qui est un dommage injuste, un délit civil, soit de son enrichissement illégitime.
S'il s'agit de faire annuler une aliénation et que la chose aliénée soit encore la propriété de l'acquéreur, l'action est encore personnelle et elle s'explique de la même manière. Mais si l'acquéreur a lui-même cédé la chose, la loi permet et devait permettre la révocation contre le sous-acquéreur, au moins dans certains cas, autrement, la réparation du préjudice eût été le plus souvent impossible; mais il ne fallait pas non plus atteindre des tiers qui n'auraient eu aucune participation à la fraude; il a donc été nécessaire de faire des distinctions, indiquées aussitôt après: suivant ces distinctions, l'action révocatoire, même dirigée contre des sous-acquéreurs, est encore personnelle, car elle se trouve toujours fondée sur un délit civil.
160. Le 2° alinéa prévoit un acte frauduleux du débiteur, qui n'est pas un contrat, mais qui ne doit pas davantage échapper à la révocation. Le débiteur, avec intention frauduleuse contre ses créanciers, s'est laissé condamner dans une instance où il était défendeur, ou il a laissé rejeter une demande par lui faite, pour la forme seulement, mais dans laquelle il n'a pas soutenu son droit (on dit, en procédure, qu'il " s'est laissé débouter ")" les créanciers n'avaient pas usé du droit d'intervention que leur fournissait l'article 359, 26 al. (voy. c., pr. civ. fr., art. 339 et s.): dans ces deux cas, la, justice a été nécessairement trompée, et le respect dû à ses décisions ne sera nullement atteint parce que sa décision sera attaquée et même réformée. Il y a, à cet égard, une voie de recours spéciale et extraordinaire, appelée tierce-opposition, parce qu'elle est exercée par des personnes qui n'ont pas été parties au procès, par des tiers (voy. c. proc. civ. fr., art. 474 et s.).
Elle sera certainement admise au Japon (7).
161. Le dernier alinéa prévoit le cas où la révocation ne pourrait être obtenue directement, c'est-à-dire par annulation de l'acte frauduleux; dans ce cas, il sera pourvu à la réparation du préjudice des créanciers par une demande en dommages-intérêts. Voici les principaux de ces cas: l'aliénation frauduleuse a porté sur des objets mobiliers que l'acquéreur a détournés et qui ne peuvent être retrouvés; ou bien, ce sont des meubles ou même des immeubles que l'acquéreur a revendus à des tiers de bonne foi qui ne peuvent être atteints par l'action révocatoire, d'après l'article suivant.
Il faut admettre enfin que les créanciers fraudés pourront toujours se borner à une action en dommagesintérêts, lorsque la chose aura passé dans les mains d'un sous-acquéreur, s'ils préfèrent ne pas s'engager dans une poursuite devenue plus difficile contre celui-ci.
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(mm) On l'appelle aussi, en France, " action paulienne," du nom du Préteur romain Paul, qui l'inventa.
(7) Elle est admise sous le nom de demande en révision, lequel n'exprime pas que l'action appartient à des tiers et d'ailleurs pourrait s'appliquer aussi bien à la requête civile ou respectueuse.
Art. 362. — 162. La loi tranche ici trois questions que le Code français a laissées incertaines et sur lesquelles les légistes n'ont pu arriver à un parfait accord.
La première solution a déjà été annoncée par les observations faites sur l'article 360. La loi ne se contente pas du simple préj udice pour permettre l'annulation des actes gratuits du débiteur: que l'acte soit gratuit ou onéreux, le fondement nécessaire de l'action révocatoire est l'intention frauduleuse jointe au préjudice réel, et, comme la fraude ne peut se présumer, les créanciers devront la prouver. On rappelle seulement que l'intention frauduleuse est suffisamment établie par la preuve que le débiteur connaissait son insolvabilité (v. n° 156).
163. La deuxième solution présente la seule différence admise dans le Projet entre les actes gratuits et les actes onéreux: si l'acte est gratuit, le contractant ne sera pas à l'abri de la révocation, malgré sa bonne foi, tandis que celui qui a contracté à titre onéreux ne perdra le bénéfice de l'acte qu'autant qu'il aura colludé, c'est-à-dire participé à la fraude commise contre les créanciers, ce qui sera suffisamment établi par cela seul qu'il l'aura connue. Cette distinction entre les actes gratuits et onéreux a toujours été admise par les jurisconsultes, depuis les Romains: elle se fonde sur cette idée, très juste en elle même, mais qu'on a quelquefois poussée trop loin, que "le donataire qui " cherche à conserver un gain est moins intéressant " que les créanciers fraudés qui cherchent à éviter une "perte" (n). Au contraire, ceux qui ont traité à titre onéreux avec le débiteur cherchent aussi à éviter une perte, en contestant la révocation; or, lorsqùe le débat s'établit entre personnes également favorables, il est naturel de maintenir ce qui a été fait, de laisser à chacun sa position acquise, de sorte que " la préférence "reste à celui qui possède" (o).
Lorsqu'il s'agit, non d'un contrat frauduleux, mais d'un procès que le débiteur a laissé décider contre lui, en fraude de ses créanciers, il faut faire la même distinction: si le procès est fondé sur un acte onéreux, la tierce-opposition tendant à faire révoquer le jugemont erroné ne peut être admise que si l'adversaire a colludé avec le débiteur; si le procès, au contraire, est fondé sur une donation dont l'exécution est litigieuse, il suffit, pour le succès de la tierce-opposition, que le débiteur ait eu l'intention de frauder ses créanciers, sans collusion du donataire.
164. La troisième solution (28 alinéa) est différente, sur un point, de celle qu'on donne habituellement dans la jurisprudence française. On a dit, plus haut, que l'action révocatoire n'atteindrait pas suffisamment son but si elle ne pouvait être donnée que contre celui qui a traité avec le débiteur. Cependant, il est difficile de soutenir que les créanciers fraudés gardent un droit réel sur les choses aliénées en fraude de leur droit: on ne peut assimiler leur gage général au gage spécial dont ils seraient nantis ou à une hypothèque qui leur aurait été constituée; ils ne peuvent donc avoir un véritable droit de suite, lequel serait l'avantage distinctif du droit réel. Mais, si l'on trouve dans la situation des sous-acquéreurs les éléments d'une obligation, l'action peut être donnée contre eux, comme action personnelle.
Ainsi, tout le monde est d'accord pour donner l'action contre un sous-acquéreur de mauvaise foi, c'est-à(lire qui a connu la fraude originaire faite aux droits des créanciers: il y a alors le délit civil déjà mentionné. Mais, si le sous-acquéreur a ignoré cette fraude, s'il a été de bonne foi en recevant la chose, alors on fait généralement une distinction: on met à l'abri de la révocation le sous-acquéreur à titre onéreux et on y soumet le sous-acquéreur à titre gratuit, toujours sous le prétexte " qu'il cherche à retenir un gain, en face de ceux qui cherchent à éviter une perte." Là est l'exagération.
Le Projet se sépare ici de l'opinion commune: il protège également tous les sous-acquéreurs de bonne foi, quelle que soit la nature de leur titre d'acquisitionEn effet, il n'est pas exact de dire qu'un sous-acquéreur par donation qui a ignoré la fraude faite aux créanciers " ne cherche qu'à conserver un gaiÍl," il ne faut pas dire non plus qu'il est enrichi indûment du bien d'autrui, ce qui le soumettrait à l'obligation de rendre. Assurément, un donataire qui a pu considérer une libéralité comme valablement acquise et qu'on en dépouillerait ensuite, ne serait guère moins lésé qu'un acheteur: il a pu changer son mode d'existence, se marier, entreprendre un commerce ou une industrie et le dépouillement serait la ruine. Lorsqu'il s'agit d'un donataire direct du débiteur frauduleux, on peut lui imputer quelque imprudence, notamment, de ne pas s'être assuré de la situation du donateur; mais, quand le donataire est un sous-acquéreur, il ne connaît pas nécessairement l'auteur de la première aliénation: aucune faute ne lui est imputable.
On n'hésite pas à se séparer ici de l'opinion commune: on peut, d'ailleurs, invoquer le Code italien comme un précédent, car l'article 1235 de ce Code ne permet pas d'atteindre "les sous-acquéreurs qui n'ont pas participé à la fraude," et il ne distingue pas non plus si leur titre est onéreux ou gratuit.
Remarquons, en terminant que la conséquence la plus saillante de la personnalité de l'action révocatoire, même quand elle est donné contre les premiers acquéreurs ou contre les sous-acquéreurs, suivant les distinctions susénoncées entre le titre gratuit et le titre onéreux et la bonne ou la mauvais foi de l'acquéreur, c'est que s'ils sont eux-mêmes insolvables, les créanciers fraudés ne pourront se refuser à concourir avec les créanciers de l'acquéreur, défendeur à l'action révocatoire; en effet, les créances nées d'un dommage injuste ou d'un enrichissement indu ne sont pas privilégiées.
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(n) Cette formule est connue et vient des Romains: Potior est qui certat de damno vitando quàm qui certat de lucro captando, "celui qui lutte pour éviter une perte est préférable à celui qui cherche à faire un gain."
(o) Il y a encore, à cet égard, un axiome latin: In pari causa, melior est causa possidentis, " dans deux situations semblables, celle du possesseur est préférable."
Art. 363. — 165. La première des solutions de cet article est indiscutable. Il y a plus de difficulté sur la seconde.
Assurément, les créanciers qui n'ont traité avec le débiteur qu'après l'acte frauduleux ne peuvent dire qu'ils sont fraudés; ils ont du connaître la position du débiteur, l'état actuel de son actif et de son passif, ils ne sont pas trompés; l'action révocatoire ne peut donc appartenir qu'aux créanciers antérieurs aux actes frauduleux.
166. Mais ce serait exagérer leur avantage que de soutenir, comme on l'a fait, que le profit de la révocation ne doit aussi appartenir qu'à eux seuls: ce serait faire deux catégories de créanciers et deux masses de biens à distribuer, ce qui est contraire aux principes fondamentaux de la faillite et de la déconfiture.
L'effet de la révocation doit être de rétablir les choses dans l'état où elles auraient été si l'acte frauduleux n'avait pas eu lieu. Ainsi, s'il y a eu engagement fraùduleux envers un créancier, ce dernier sera seul écarté de la distribution des biens du débiteur et son exclusion devra profiter à tous les autres; s'il y a eu renonciation frauduleuse du débiteur à une créance, celui au profit duquel elle a été consentie devra payer sa dette et tous les créanciers en bénéficieront. Il n'en doit pas être autrement au cas d'aliénation révoquée, la chose rentrée dans les biens du débiteur sera vendue et le prix en sera distribué entre tous les créanciers. Toutefois, si celui contre lequel la révocation est prononcée avait lui-même fourni une contre-valeur, il figurerait avec les autres dans la distribution, pour la restitution qui lui est certainement due.
De ce que les créanciers postérieurs à l'acte fraudul-eux doivent participer au profit de l'action révocatoire, il ne faudrait pas conclure qu'au cas où la demande des créanciers antérieurs serait jugée téméraire et mal fondée, ils contribueraient aux frais, comme au cas de succès: c'est un cas à ajouter à ceux où une personne qui profiterait d'un jugement favorable ne souffre pas d'un jugement défavorable; on a déjà rencontré un de ces cas (voy. art. 101).
Le texte réserve, en terminant, le cas où il y aurait entre les créanciers des causes légitimes de préférence: c'est toujours l'application de l'idée que l'acte révoqué est censé non avenu. On ne peut supposer le cas d'un créancier ayant hypothèque sur l'immeuble aliéné en fraude, parce que le créancier hypothécaire peut faire valoir son droit contre les tiers-acquéreurs, même sans qu'il y ait eu fraude; mais il peut y avoir des priviléges sur les meubles qui se seraient évanouis avec l'aliénation; il pourra même arriver que la préférence soit née de la révocation elle-même: ainsi, le créancier qui a fait les poursuites sera remboursé par préférence aux autres, sur la valeur du bien recouvré, des avances et frais qu'il a faits pour le procès: c'est un cas de privilége fondé sur l'idée de service rendu à la masse, c'est-à-dire à tous les créanciers (v. art. 1143).
Art. 364. — 167. Le délai de trente ans sera admis ultérieurement comme étant la plus longue prescription des actions personnelles, ce qui est le cas de l'action révocatoire. Ce délai est considéré ici comme large ment suffisant pour que les créanciers puissent connaître la fraude dont ils ont été victimes. Mais, si la fraude est une fois connue, le délai de deux ans pour agir est suffisant aussi. Si la fraude n'avait été découverte qu'après vingt neuf ans depuis l'acte franduleux, il ne resterait plus. pour agir que ce qui resterait à courir des trente ans. Législativement, on pourrait ne donner qu'un délai unique plus court, de cinq ans, par exemple, on même d'un an, mais dont le point de départ serait toujours la découverte de la fraude; il y a des exemples analogues dans la loi française (voy. c. civ., art. 1304; c..pr. civ., art. 488).. Mais ce système a le grand inconvénient de laisser peser une trop longue incertitude sur les droits, car la fraude peut n'être décou verte que très tardivement et de pareils procès deviennent, avec le temps, fort difficiles à juger.
SOMMAIRE.
365. -N° 168. Effet actif et passif des conventions limité, en général, aux parties et à leurs ayant-cause. -169. Exceptions dans les deux sens. -170. Transition aux articles suivants: autres sortes d'exceptions à la règle. 366. -171. lre Exception: double aliénation d'un meuble: préférence donnée au possesseur. -172. Deux conditions de cette préférence. -173. Application de la théorie de la prescription instantanée des meubles. -174. mêmes solutions, au sujet des créances ou titres un porteur.
367. —175. 2e Exception: cession d'une créance nominative. -176. Deux moyens pour le cessionnaire de rester tiers à l'égard du cessionnaire et des futurs ayant-cause du cédant. -177. Comment ces moyens tiennent lieu du publicité. -178. Différence entre la signification faite au cédé et son acceptation. -179. Sanction de l'inobservation de la loi. —180. Présomption de bonne foi du cessionnaire et des ayant-cause du cédant; preuve de leur mauvaise foi, seulement par leur aveu. -181. Renvoi pour la cession des effets de commerce.
368. -182, 183 et 184. Se Exception; cession de droits réels immobiliers, historique de la difficulté: anciennes coutumes de France; loi de Brumaire an VII; Code civil: singulière inadvertance des Rédacteurs; loi de 1855: retour au système de l'an VII; Code italien. -185. Système du Projet. —186. Cinq classes d'actes soumis à la transcription. -187. 1er alinéa: aliénations entrevifs de droits réels immobiliers. -188. La règle ne comprend pas les testaments: renvoi. -189. Ni les successions légitimes: renvoi. -190. Ni le partage des immeubles: renvoi. -191 et 192. Ni l'occupation. -193. Ni l'accession. -194. Ni la prescription dite " acquisitive." -195. 2e alinéa: renonciation à des droits réels; la règle ne s'applique pas à leur extinction normale. -196. 38 alinéa: conventions verbales suivies de jugement ou de reconnaissance volontaire. - 197. 4e alinéa: adjudication sur saisie immobilière. -198. Application de la règle à tous les baux d'immeubles et aux cessions de baux ou sous-locations, quelle que soit leur durée. -199. La règle ne s'applique pas aux quittances ou remises anticipées de loyers. -200. 5e alinéa: expropriation pour cause d'utilité publique. -201. Renvoi pour la publicité des priviléges et hypothèques.
369. -202 et 203. Réquisition ou requête des intéressés. - 204. Renvoi pour les formes de la transcription.
370. -205. Défaut ou retard de la transcription: sanction du système de publicité; responsabilité du conservateur des registres. -206. Cas où aucun des intéressés n'a transcrit: objection; réponse. -207. Droits immobiliers compatibles ou incompatibles les uns avec les autres. -208. Cas où, l'acquéreur n'ayant pas fait la transcription, ses sous-acquéreurs l'ont faite. -209 à 213. Présomption de bonne foi des ayant-cause, en l'absence de transcription; preuve de leur mauvaise foi ou de leur collusion; réfutation de l'opinion commune qui rejette la preuve de la mauvaise foi; objection tirée de l'article 1071 du Code français; réfutation par les articles 1352, 1356 et 1358; Loi française de 1855; Loi belge de 1851. - 214. Cette preuve de la mauvaise foi n'est pas admissible en matière d'inscription de priviléges ou d'hypothèques. -215 et 216. Réfutation de l'idée commune que le droit de propriété peut être relatif et non absolu: droit romain, anciennes coutumes de France, Code civil, Loi de 1855.
371- -217 et 218. Cas où ceux qui doivent faire transcrire pour autrui l'ont omis et ont!fait transcrire pour euxmêmes. -219. Solution différente en matière d'inscription d'hypothèque.
372 et 373. —r-220 à 224. Actions en résolution, en rescision, en révocation; distinction fondamentale: si l'action peut atteindre, ou non, les sous-acquéreurs; mentions des demandes en marge de la transcription des actes; mentions marginales des jugements d'admission, de rejet ou de péremption; mention des désistements; sanctions diverses. -225. Résolutions, resci. sions, révocations consenties à l'amiable.
374. -226. Radiation ou rectification des transcriptions. -227. Mention marginale des demandes et des jugements. -228. Conventions amiables à ce sujet. -229. Effet relatif de la chose jugée et des conventions. - 230. Radiation ou rectification d'une précédente radiation ou rectification erronée.
375. -231. Responsabilité des conservateurs. -232. Envers qui elle a lieu: distinctions.
COMMENTAIRE.
Art. 365. — 168. -La disposition de cet article est encore une des plus. importantes du droit privé: elle est un de ces principes constamment invoqués dans les discussions d'espèces et qu'on doit toujours avoir présents à l'esprit; elle a déjà été citée ici plus d'une fois, à l'appui de certaines dispositions de la loi (v. notamment, nos 101 et 106). Elle forme l'objet de l'article 1165 du Code français et de l'article 1130 du Code italien (a).
Le principe est facile à justifier, surtout dans la seconde proposition qui met les tiers à l'abri des conséquences de conventions auxquelles ils n'ont pas participé: il est clair que nul ne peut voir diminuer ses droits ni augmenter ses charges par un fait auquel il est resté étranger; nul ne doit souffrir du fait d'autrui; quand un tel mal est produit par ztn fait d'autrui, il doit être réparé; mais il ne pourra pas être produit par W1. droit d'autrui: il suffit pour le prévenir que la loi s'y oppose.
La première proposition est moins commandée par la justice que par la raison: aucun intérêt ne serait lésé, si les conventions faites entre deux parties profitaient à un tiers qui n'y a pas participé, mais ce serait contraire à l'ordre naturel des choses: on a même vu (nO, 106) que le stipulant lui-même ne pourrait, au moins en règle générale, se prévaloir d'une stipulation qu'il aurait faite au profit d'un tiers.
169. Mais les deux propositions peuvent recevoir des exceptions et c'est à la loi à les déterminer.
Déjà, on a vu que la stipulation pour autrui est valable dans deux cas indiqués par l'article 344; mais, c'est à peine si l'on peut dire que, dans ces deux cas, il y a exception au principe, car, avant que le tiers ait déclaré accepter la stipulation, le bénéfice ne lui en est pas acquis irrévocablement, ce n'est même pas à lui qu'appartient l'action, mais au stipulant, et, après son acceptation, il n'est plus étranger à l'acte, il y est participant (v. art. 346).
Il y aura probablement d'autres exceptions et plus complètes: notamment, dans la matière du Contrat de mariage, où des avantages pourront, sans doute, être stipulés au profit des enfants à naître du mariage et leur donneront une action directe à l'abri de la révocation des contractants.
La loi admettra probablement aussi quelques exceptions à la règle inverse qu'une convention ne peut' être opposée qu'à ceux qui y ont pris part.
En France, on en rencontre quatre principales, dans les articles 826 du Code civil, 507 et 532 du Code de commerce et dans une loi du 21 juin 1865, art. 12, sur les associations syndicales. On y voit des co-intéressés (co-héritiers, co-créanciers, co-propriétaires) prenant, à une certaine majorité, des délibérations qui lient la minorité, quoiqu'elle n'y ait pas consenti et même y ait résisté.
Il faut, du reste, se garder de considérer comme exception au principe le cas où des associés prennent, à la majorité des voix, des décisions qui lient la minorité des associés: en pareil cas, si la force de la délibération est opposable à tous, c'est que les statuts de la société l'ont décidé et les statuts ont été préalablement votés à l'unanimité ou acceptés individuellement par chaque associé, au moment de son entrée dans la société.
Lors même que c'est en vertu de la loi qu'il suffit de la majorité des voix pour une décision entre associés (v. art. 772, 775, 776, 799, 800), c'est toujours par la volonté des parties qui, en contractant société, sont présumées avoir connu et accepté les conditions de la loi.
170. Les articles suivants vont présenter d'autres dispositions qui, dans une certaine mesure, ont aussi le caractère d'exceptions à la seconde règle, ce qui explique leur place dans ce §: on y verra des conventions nuisant aux tiers et ces tiers ne seront autres que des personnes ayant été parties dans une autre convention antérieure; mais il y aura à cela une raison particulière, c'est qu'ils n'auront pas fait tout ce que la loi leur prescrivait pour conserver leur droit.
Ces dispositions sont au nombre de trois: les deux premières sont l'objet des deux articles suivants; la troisième, infiniment plus difficile dans son application et ses détails, occupe les articles 368 à 375.
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(a) Le double principe énoncé en cet article se trouve formulé dans un célèbre axiome latin: Res inter alios acta alii.s neque nocere neque prodesse poiest l'acte passé entre les uns ne peut ni nuire ni profiter aux autres." En changeant le mot acta en judicata, on arrive à un autre axiome, non moins célèbre et juste: "la chose jugée entre les UliS, etc."
Art. 366. — 171. Cette disposition est empruntée à l'article 1141 du Code français et à l'article 1126 du Code italien qui a fourni spécialement le 2C alinéa.
Il faut bien se garder de voir dans l'avantage attribué ici à la possession un retour à l'ancienne théorie d'après laquelle la tradition était nécessaire pour la translation de la propriété. Lorsqu'il y a eu deux aliénations successives d'un meuble, il n'est pas douteux que la propriété soit acquise au premier contractant, et, d'après le droit commun, le cédant n'a pu conférer une seconde fois le même droit; le second cessionnaire, n'étant que l'ayant-cause du cédant, ne devrait pas avoir plus de droit que celui-ci, et spécialement, il ne devrait pouvoir, en aucun cas, évincer le premier cessionnaire qui est un tiers- par rapport à la seconde convention. Mais la loi considère que l'équité et l'intérêt général souffriraient également si un nouveau contractant était exposé lui-même à une éviction qu'il n'a pas prévue ni pu prévoir. Ne pouvant organiser une publicité proprement dite des aliénations de meubles, comme elle en institue une pour les aliénations d'immeubles, la loi la considère comme utilement remplacée par la tradition réelle, c'est-à-dire par la mise en possession matérielle de l'acquéreur. Dès lors, celui qui achète ou reçoit en donation un meuble déjà aliéné et qui n'est plus en possession du cédant, commet une imprudence dont il doit s'imputer les suites: il reste ayant-cause, avec les conséquences de cette qualité. Mais si, au contraire, le second acquéreur voit la chose dans les mains du cédant, ce n'est plus lui qui est en faute, mais le premier acquéreur qui n'a pas exigé la tradition. Les situations sont alors interverties par la loi, qui donne la qualité d'ayant-cause au premier acquéreur et celle de tiers au second: celui-ci n'est pas tenu de respecter une aliénation, même antérieure, qu'il n'a pu connaître; dès lors, la seconde Convention nuit à une personne qui n'y a pas figuré et le présent article devient une nouvelle exception à la règle de l'article précédent, c'est pourquoi la loi l'y rattache par le mot toutefois.
172. La loi subordonne cette préférence donnée au possesseur réel à deux conditions qui complètent l'équité de la disposition:
1° Il faut que le possesseur soit de bonne foi, c'està-dire qu'il ait ignoré la première cession. La loi a soin, à ce sujet, de se prononcer sur un point qui, sans cela, ferait difficulté, au Japon comme en France: fautil exiger la bonne foi, non-seulement au moment de la convention, mais encore au moment de la prise de possession? La loi ne l'exige qu'au moment de la convention; c'est là, en effet, que, les choses étant encore entières, le nouvel acquéreur doit s'abstenir de traiter, s'il connaît la première cession; mais, une fois ce moment passé, si la loi l'obligeait à s'abstenir de demander et de prendre la possession, parce qu'il a découvert une cession antérieure, elle lui imposerait le sacrifice d'un droit sur lequel il a raisonnablement compté.
2° H faut encore que le nouveau cessionnaire n'ait pas eu, au moment du contrat, l'administration des biens du premier acquéreur: autrement, il aurait eu l'obligation de prendre la possession pour celui-ci et surtout de ne pas la prendre pour lui-même; tel serait le cas d'un tuteur ou d'un mari qui acquerrait, même de bonne foi, un meuble déjà cédé à son pupille ou à sa femme (v. ci-après, art. 371 et n° 218).
173. Toute cette théorie, qui donne la préférence et la qualité de tiers à celui des deux cessionnaires qui possède effectivement, peut paraître, au premier aspect, hardie et singulière, et elle ne serait pas suffisamment justifiée comme quelques personnes le croiraient par la règle précitée: " dans deux situations également favorables, on préfère celle du possesseur: " ici les situations ne sont pas égales, puisqu'il y a la priorité de contrat en faveur de l'un des cessionnaires. Mais, outre que cette théorie est, comme on l'a fait remarquer, aussi juste qu'utile, elle est, de plus, en parfait accord avec une autre théorie non moins importante du droit nouveau, laquelle fait acquérir les meubles par la possession fondée, sur un juste titre avec bonne foi (voy. c. civ. fr., art. 2279; Proj., art. 1481), sans qu'elle ait besoin d'une durée déterminée, d'où son nom ordinaire de prescription instantanée."
Du moment que le présent article repose tout entier sur la prescription, il faut encore en surbordonner l'application à une troisième condition que la loi ne mentionne pas, pour ne pas anticiper sur la matière de la prescription, et parce que les règles n'en sont pas encore toutes adoptées en principe, c'est que la qualité respective des deux cessionnaires ne soit pas un obstacle à ce que l'un puisse prescrire contre l'autre (1). Ainsi, si le premier acquéreur était un mari et que le second acquéreur fût sa femme, celle-ci ne pourrait se prévaloir de sa possession contre le mari (voy. c. civ. fr., art. 2253), et ce n'est plus par la raison de l'administration des biens, laquelle suffirait, au contraire, si on supposait que le premier acquéreur fût la femme et le second le mari.
Si, maintenant, l'on suppose qu'aucun des cessionnaires n'a été mis en possession réelle, on retrouvera l'application de la règle que la propriété a été transférée au premier par le seul consentement: c'est lui qui triomphera dans l'action en revendication qui serait intentée par l'un ou par l'autre; si le cédant est insolvable, il ne subira pas le concours avec les créanciers et il se fera délivrer la chose, à l'exclusion de ceux-ci; enfin, les créanciers du cédant ne pourraient jamais critiquer la seconde cession comme faite en fraude de leurs droits, par application de l'article 360, car le bien n'appartenait plus à leur débiteur au moment de cette seconde cession: le plaignant ne pourrait être que le premier cessionnaire.
174. Le premier alinéa du présent article en restreint l'application aux meubles corporels, de manière à en exclure les créances ou droits personnels qui sont des choses incorporelles: ces choses, en effet, bien que susceptibles de possession (voy. T. Ier, nos 271 et 272), ne s'acquièrent pas par la prescription instantanée. Mais le 2e alinéa fait une exception en faveur des créances ou titres au porteur et y applique la disposition qui nous occupe. On sait, en effet, que les titres au porteur sont des actes constatant une obligation (généralement de l'Etat ou d'une grande corporation) au profit de quiconque possède, détient le titre, avec juste cause et bonne foi; il est donc naturel que la possession de ces titres produise le même avantage, pour un second cessionnaire au préjudice du premier, que s'il s'agissait d'une chose corporelle.
Les titres au porteur commencent à être répandus au Japon et il a paru bon d'insérer dans la loi une disposition les concernant, comme l'a fait le Code italien (art. 1126). En France, la jurisprudence supplée, dans le même sens, au silence de la loi.
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(1) Cette condition figure maintenant au Projet (art. 1470).
Art. 367. — 175. Le Code français et le Code italien n'ont traité de la cession ou transport des créances nominatives qu'au titre de la Vente, ce qui est un défaut de méthode, puisque les créances sont susceptibles aussi d'être données et que certaines particularités de'la cession des créances, justement celles qui sont l'objet du présent article, sont communes aux cessions à titre gratuit et à celles qui se font à titre onéreux; la vente d'ailleurs n'est pas le seul acte qui puisse opérer une cession de créance à titre onéreux: outre l'échange, on peut citer la dation en payement, la mise en société, la transaction, et il faut y assimiler, au point de vue qui va nous occuper, la dation en gage ou en garantie, laquelle, bien que n'opérant pas cession proprement dite, donne au créancier gagiste un droit de préférence qui demande les mêmes mesures de précaution que la cession.
Ce qui peut sans inconvénient être réservé au Chapitre de la Vente, c'est la garantie d'éviction et celle de la solvabilité du débiteur cédé, qui n'ont pas lieu dans les cessions gratuites (v. art. 705).
176. La cession de créance est d'une très grande importance pratique et les dispositions du Code français sur cette matière (voy, art. 1295 et 1689 à 1695) ne laissent pas que ne donner lieu à beaucoup de difficultés. On a essayé de les prévenir ici. Il ne s'agit, du reste, comme on le voit, à la lecture de l'article, que de la manière de donner à la cession une sorte de publicité, ou, au moins, de la porter à la connaissance des intéressés.
Le Code français (art. 1690) et le Code italien (art. 1539) disent que le cessionnaire n'est saisi, investi, du droit cédé, '« à l'égard des tiers," que par la signification ou l'acceptation. L'expression tiers est ici tout-à-fait impropre; elle est absolument le contraire de celle qu'il fallait employer: c'est surtout à l'égard des futurs o'!)ant-cause du cédant que le cessionnaire doit prendre certaines précautions de publicité; c'est pour leur imposer cette qualité et garder pour lui éelle de tiers qu'il doit les avertir, ou leur fournir le moyen d'information qui les préservera du danger de devenir ayant-cause d'un cédant qui n'a plus de droits à leur céder.
Supposons un instant que la cession de créance ne fût soumise à aucune publicité; voici comment les choses se passeraient: le cessionnaire opposerait son droit: 1° au débiteur lui-même, qui ne pourrait plus valablement payer au créancier cédant; 2° aux créanciers du cédant, lesquels ne pourraient plus faire de saisie-arrêt ou opposition sur cette créance qui n'appartient plus à leur débiteur; 3° aux cesssionnaires postérieurs, qui ne pourraient plus valablement acquérir une créance déjà aliénée. Ces personnes auxquelles le droit du premier cessionnaire serait opposable se trouveraient évidemment ayant-cause du cédant et tenues de respecter ses actes antérieurs; le cessionnaire lui-même serait ayant-cause pour les actes antérieurs au sien (par exemple, pour un payement partiel ou une transaction qui diminuerait la créance), mais il serait tiers pour les actes postérieurs.
Cependant, cette situation serait très défavorable à la confiance générale: elle exposerait les contractants à des surprises et à des déceptions qu'il ne dépendrait pas d'eux d'éviter. La loi, ne pouvant considérer ici la délivrance ou remise des titres comme une publicité suffisante, en a organisé une autre; mais, lorsqu'elle soumet la cession à une certaine publicité, elle ne fait autre chose que de subordonner le maintien de ces positions respectives à une condition facile à remplir par le cessionnaire et qui, justement, suffit à prévenir le danger signalé que courraient les ayant-cause.
177. Il faut maintenant expliquer comment les formalités prescrites tiennent lieu de publicité.
D'abord, il y en a deux: 1° la signification ou notification de la cession au cédé, laquelle peut être faite, soit par le cédant, soit par le cessionnaire, conjointement avec le cédant ou autorisé par lui, au moins quand la cession est sous seing privé (b); 2° l'acceptation du cédé, soit dans l'acte même de cession, auquel il consent à intervenir, soit dans un acte séparé; cette acceptation doit être authentique ou, au moins, si elle est sous seing privé, avoir date certaine, justement, parce que les difficultés à prévenir ne peuvent être que des questions de priorité sur l'époque respective des actes. Quant à la signification, elle aura aussi date certaine, devant être faite par un officier public. (Voir sur la date certaine, les articles 1349 et 1350) (2).
L'avertissement ainsi donné au cédé suffira pour tous les intéressés: d'abord, il suffira pour le cédé lui-même, qui ne doit plus payer au cédant, ni faire avec lui aucune transaction ou convention libératoire qui nuirait au cessionnaire; il suffira aussi pour les créanciers du cédant qui voudraient faire saisie-arrêt sur la créance, et pour les personnes qui seraient disposées à acquérir la créance; car, avant de saisir ou de traiter, ces personnes ne manqueront pas de s'assurer, près du prétendu débiteur, s'il l'est réellement encore et quel est le montant de la dette; suivant la réponse" qui leur sera faite (et dont ils feront bien de tirer une preuve écrite, en prévision d'une fraude ou d'une erreur), ils traiteront ou ne traiteront pas.
178. Le 3e alinéa indique une différence notable entre les deux formalités: la signification, étant un acte auquel le cédé ne participe pas, ne peut lui nuire (art. 365); en conséquence, elle lui laisse le droit d'opposer au cessionnaire tous les moyens de défense qu'il aurait pu avoir contre le cédant, tels que la nullité absolue de l'obligation pour défaut de consentement, de cause ou d'objet, l'annulabilité pour vice de consentement ou incapacité, ou toute cause extinctive de la dette, pour le tout ou pour partie; au contraire, l'acceptation, étant son œuvre, lui enlève ces moyens de défense, par une sorte de renonciation à ses droits ou de confirmation de la dette. Le Code français n'a indiqué cette différence entre les deux formalités que sur un point, celui de la compensation (voy. art. 1295); il faut nécessairement généraliser cette disposition. Le seul cas douteux serait celui de la nullité absolue, laquelle ne peut être couverte par une ratification; mais alors l'obligation commencerait avec le nouveau consentement, si d'ailleurs elle avait une cause et un objet valables.
179. Le 4e alinéa suppose que le cessionnaire a tardé à faire la signification ou à obtenir l'acceptation et il en indique les conséquences: si le débiteur cédé paye ou se libère autrement vis-à-vis du cédant, si des créanciers de celui-ci font une saisie-arrêt entre les mains du cédé, si un autre cessionnaire signifie une nouvelle cession, ce sont ces personnes qui sont préférées, ce sont elles qui se trouvent tiers par rapport à la cession qu'elles ont ignorée et c'est le cessionnaire qui se trouve ayant-cause du cédant par rapport aux actes qu'il est tenu de respecter.
180. La loi ne se borne pas à déduire les conséquences du défaut de signification ou d'acceptation en temps utile: elle tranche (5e al.) une question fort grave et elle le fait dans un sens éminemment équitable, mais que bien peu de personnes osent soutenir en droit français. On décide généralement que si la signification de la cession n'a pas eu lieu, celle-ci est présumée inconnue des intéressés et on voit là une présomption légale absolue, c'est-à-dire n'admettant aucune preuve contraire: on n'admet pas la recherche de la bonne ou mauvaise foi des tiers, c'est-à-dire de la connaissance qu'ils pourraient avoir eue autrement de la cession antérieure. Cette solution est évidemment contraire à la justice et elle ne se trouve pas suffisamment justifiée par la prétendue nécessité d'éviter des procès difficiles.
Le Projet concilie la justice avec l'utilité générale, en admettant la preuve de la mauvaise foi, comme démenti à la présomption légale, mais en la limitant à l'aveu même de celui qui se prévaudrait du défaut de signification; cet aveu doit d'ailleurs être fait en justice ou par écrit. Assurément, un débiteur qui avouerait qu'il connaissait la cession déjà faite, au moment où il a traité ou transigé avec le cédant, ne serait pas digne de la protection de la loi, pas plus qu'un second cessionnaire qui avouerait avoir connu une cession antérieure non encore signifiée.
Lorsque le Projet traitera des Preuves (Livre Va), on établira que l'aveu est une preuve toujours admissible, même contre les présomptions légales les plus fortes, chaque fois, du moins, que l'intérêt privé est seul en jeu, et cela, parce que, dans cette preuve, l'adversaire, se faisant juge dans sa propre cause, se condamne luimême (v. art. 1363).
Ce que le Projet ne permet pas, au moins en principe, ce serait de prouver la mauvaise foi par témoins ou par des présomptions de fait, et encore la prohibition cesse lorsqu'il y a fraude concertée, collusion entre le cédant et le nouveau cessionnaire, parce qu'alors il y a un délit civil caractérisé.
La même question et la même solution vont se représenter au sujet de la publicité à donner aux aliénations d'immeubles et, à cause de l'intérêt plus considérable de la matière, on s'y arrêtera davantage, en citant des textes à l'appui (v. nos 209 et s.).
181. La loi ayant, dans l'article précédent, assimilé les créances au porteur aux choses corporelles, le présent article reste limité aux créances ”nominatives;" mais quelques-unes encore sont régies par d'autres règles, ce sont les créances ou titres cessibles par voie d'endossement et connus généralement sous le nom d'effets de commerce. C'est au Code de Commerce qu'il en sera traité et l'on y verra que l'endossement, révélant, sur l'acte même, la cession de la créance, constitue pour les intéressés une publicité suffisante.
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(2). Le Texte officiel a supprimé la condition de date certaine, dans ce cas et dans les autres. Nous reviendrons sur cette regrettable suppression, sous l'article 1349.
(b) La loi française (art. 1691) ne fait pas de différence entre la signification faite par le cédant et celle faite par le cessionnaire; mais il y a un grave inconvénient à ne pas exiger la participation du cédant à la signification d'une cession sous seing privé: il pourrait y avoir faux par un prétendu cessionnaire, puis signification d'une cession imaginaire, d'où résulterait le dépouillement du vrai créancier, si l'on admet la validité du payement fait de bonne foi par le débiteur (voy. art. 479, ci-après; comp. c. civ. fr., art. 1240), ou un préjudice pour le débiteur, s'il devait payer une seconde fois au véritable créancier.
Le 2e alinéa du présent article est ajouté ici pour prévenir ce faux.
Art. 368. — 182. On a reconnu, dans les temps modernes, la nécessité de donner une véritable publicité aux aliénations d'immeubles et aux cessions ou constitutions de tous autres droits réels formant démembrement de la propriété immobilière. Il serait tout-àfait contraire à l'intérêt général que celui qui a cru acquérir un droit immobilier, en traitant avec celui qui paraissait investi du droit cédé, fût exposé à en être évincé par un cessionnaire antérieur dont il n'avait pu connaître les droits. Les observations présentées cidessus, au sujet des mesures prises par la loi, dans le but d'éviter ce danger à l'égard des cessions de meubles, corporels ou incorporels, dispensent d'insister sur ce point. On indiquera seulement par qu'elles phases successives a passé la législation française, sur les cessions d'immeubles.
On a déjà mentionné plus haut (n° 125) les dispositions de certaines coutumes du nord de la France qui exigeaient, pour la validité des mutations d'immeubles, une formalité appelée insinuation, laquelle avait beaucoup d'analogie avec la transcription moderne et en fut évidemment l'origine.
Une loi célèbre du 11 brumaire an VII (ler nov. 1798) a établi, avec un soin tout particulier, la transcription des aliénations d'immeubles et l'inscription des hypothèques.
183. Lors de la rédaction du Code civil, en l'an XII (1804), il se produisit quelque désaccord au sujet du maintien de la transcription: on l'admit bien sans difficulté pour les donations (voy. art. 939), mais on hésita pour la vente et les autres contrats à titre onéreux; de là l'article 1140 qui renvoie à statuer sur ce point aux titres de la Vente et des Hypothèques. Lorsqu'on rédigea le titre de la Vente, la question fut encore réservée, seulement on sembla la décider en faveur du maintien de la transcription, car l'article 1583, réglant l'effet du consentement, dit qu'il " rend la vente parfaite entre les parties et transfère la propriété à l'acheteur à l'égard du vendeur," ce qui semble bien dire, implicitement, qu'à l'égard des tiers (ou mieux des ayant-cause) il faudra quelque chose de plus que le consentement.
Lorsqu'on arriva au titre des Priviléges et Hypothèques, il fallut bien se prononcer définitivement; on suivait d'ailleurs, presque de point en point, la loi précitée de l'an VII, laquelle subordonnait la conservation du privilége du vendeur à la formalité de.la transcription.
Après une assez longue discussion, le maintien de la transcription fut formellement admis au Conseil d'Etat et l'article 91 qui la consacrait, en reproduisant l'article 26 de la loi de Brumaire, fut réservé pour un changement de rédaction. On conserva en même temps des dispositions de détail sur les effets de la transcription à l'égard du privilége du vendeur (art. 2108).
Mais quand, deux jours après, le Projet de loi revint au Conseil d'Etat, l'article principal consacrant la transcription ne s'y trouvait plus et personne ne parut le remarquer (c).
Toutefois, si cette formalité ne figura plus dans la loi comme essentielle à la translation de propriété, elle y resta comme moyen de conserver et de publier le privilége du vendeur (art. 2108) et comme préliminaire de la purge des hypothèques (art. 2181), c'est-à-dire d'une procédure assez compliquée qui tend à dégrever l'immeuble des priviléges et hypothèques, lorsqu'il est passé aux mains d'un tiers-détenteur.
La transcription resta également nécessaire au donataire d'immeuble, pour qu'il pût opposer son droit aux ayant-cause du donateur, même postérieurs à la donation, lesquels lui étaient préférés, s'ils avaient eux-mêmes transcrit ou inscrit leur droit les premiers (art, 939 à 942); comme aussi le donataire qui avait fait la transcription primait les autres donataires ou les créanciers privilégiés ou hypothécaires qui avaient négligé de publier leur droit sur l'immeuble (d).
Enfin la transcription fut maintenue en matière de substitutions, dans les rares cas où elles sont permise8 (art. 1069).
Cet abandon de la transcription dans les aliénations à titre onéreux, ce résultat d'une incroyable inadvertance, souleva bien des objections dans la pratique et les pouvoirs publics s'en émurent souvent. On voyait, en effet, des propriétaires malhonnêtes aliéner leur bien une première fois, d'une façon plus ou moins clandestine, puis l'aliéner une seconde fois ou l'hypothéquer. Comme ils n'avaient plus de droits à conférer par la seconde convention, les nouveaux ayant-cause étaient évincés par le premier qui était tiers à leur égard, si son titre avait date certaine (art. 1328); ils avaient bien, il est vrai, l'action en garantie contre leur cédant, mais, le plus souvent, ce recours était rendu illusoire par l'insolvabilité de celui-ci.
184. Cette situation dura jusqu'en 1855 (23 mars), époque où une loi, aussi célèbre par son importance que par les nouvelles difficultés qu'elle a fait naître, est venue rétablir, avec quelques améliorations, le système de Brumaire an VII. Cette loi, trop laconique (elle n'a que douze articles), a été l'objet deno mbreux et volumineux commentaires; mais elle est maintenant bien comprise: elle est entrée dans les habitudes de la pratique et il est à croire qu'elle restera désormais attachée au Code civil dont elle est devenue le complément.
Le Code italien en a adopté les principales dispositions (Liv. III, tit. xx ii); il a même profité des critiques faites à la loi française, dans l'intervalle de dix ans qui a précédé la rédaction de ce Code, pour éclaircir quelques points et combler plusieurs lacunes (voy. art. 1932 à 1947); mais il est entré dans des détails d'exécution trop minutieux pour un Code civil (e).
Le Projet actuel se borne à poser les principes et renvoie pour les détails d'application, à des lois et règlements spéciaux (3).
185. C'est au tribunal civil de district (chiho saïbansho) de la situation des biens objets de la convention qu'on a placé le registre destiné à recevoir les transcriptions et les inscriptions: on maintient par là, avec une légère modification, un usage déjà ancien (g).
186, L'article 368 indique cinq classes d'actes qui doivent être soumis à ]a transcription; il y a là, tout à la fois, plus et moins que dans la loi française de 1855: plus, par la généralité du 1er alinéa qui comprend tous les baux d'immeubles, quand la loi française n'y soumet que ceux de plus de 18 ans, plus aussi par le cas du 5e alinéa, emprunté à la loi du 3 mai 1841, art. 16; moins, en ce que l'on a écarté les quittances de loyers non échus, pour un motif donné plus loin.
187. Le 1er alinéa est très large, il soumet à la transcription tous les actes entre-vifs qui confèrent à autrui, qui aliènent ou constituent un droit réel immobilier; qu'il s'agisse de la propriété pleine, ou démembrée d'un de ses avantages, ou d'un de ces démembrements mêmes, comme l'usufruit, l'usage, l'habitation, comme les droits de louage, d'emphytéose ou de superficie. Quelques-uns de ces droits sont pourtant incessibles; mais la publicité conserve une grande utilité pour ceux qui traiteraient avec le constituant: ils sauront qu'il n'a plus la disposition de ces mêmes droits et que la propriété est déjà démembrée entre ses mains.
Il n'y a pas à distinguer si l'acte est authentique ou privé, parce que le but de la transcription est la publicité, laquelle n'est pas obtenue par la forme authentique. Il n'y a pas à distinguer non plus si l'acte est à titre onéreux ou gratuit j les actes gratuits, il est vrai, ont toujours paru nécessiter la publicité, plus encore que les actes à titre onéreux: sans doute, parce que souvent le donateur garde longtemps la possession de la chose donnée; mais, aujourd'hui qu'on ne considère pas la tradition comme une publicité sérieuse, si ce n'est en matière de meubles (voy. art. 366), son absence ou son retard ne motive pas de disposition exceptionnelle.
Les principaux contrats nommés et à titre onéreux qui se trouvent soumis à la transcription, comme pouvant conférer des droits réels immobiliers, sont, outre la vente, l'échange et le louage, qui seront toujours les plus fréquents, la société, le contrat de mariage, la transaction; comme contrats innommés, on peut supposer une dation en payement (art. 482), une novation (art. 511-1°).
188. La seule restriction apportée ici à la publicité des actes portant aliénation est qu'elle ne s'applique qu'aux actes entre-vif s; par conséquent, elle n'a pas lieu pour les dispositions testamentaires ou à came de mort. Si elle doit être admise, législativement, pour ces sortes d'actes (et nous le proposerons), ce n'est pas ici qu'elle aura sa place, car la loi ne traite présentement que des contrats ou conventions.
Il a longtemps paru difficile de soumettre les dispositions testamentaires à une formalité dont l'inobservation pourrait compromettre gravement les droits du légataire, sans qu'il y ait, le plus souvent, de faute à lui imputer, Ainsi, l'héritier qui connaît presque toujours le testament avant le légataire pourrait, en se hâtant d'aliéner la chose léguée, à un tiers de bonne foi qui transcrirait le premier, dépouiller le légataire de la propriété qui lui a été léguée. En France, le légataire est dispensé de la transcription et n'en peut pas moins opposer son droit aux tiers, même de bonne foi. Mais il faut reconnaître que cette seule dérogation au principe général de la publicité suffit à détruire en grande partie les avantages du système de publicité et à laisser peser une fâcheuse incertitude sur les droits de ceux qui traitent avec l'héritier (1).
189. Quant à l'héritier légitime, qui succède par la disposition de la loi et non par la volonté de l'homme, qui acquiert aussi à cause de mort et non entre-vifs, il peut plutôt être dispensé de la transcription: il est clair que, lors même qu'il ne connaîtrait son droit que longtemps après le décès (soit parce qu'il n'aurait connu que tardivement ce décès même, soit parce qu'il ignorait sa qualité d'héritier), il ne fait courir aucun danger à des acquéreurs dignes de protection: ceux qui, au lieu de traiter avec lui, ont traité avec un héritier apparent, avec une personne qu'ils ont crue héritier, lorsqu'elle ne l'était pas, sont en faute: ils sont victimes de leur imprudence. D'ailleurs, l'héritier représente le défunt et si l'on dit, au point de vue fiscal ou administratif, qu'il y a mutation, changement de propriétaire, on doit dire, au point de vue du droit civil, qu'il y a continuation de la personne juridique du défunt et que c'est le même droit de propriété et la même possession.
La tendance est cependant, en Europe, de soumettre à la transcription les transmissions héréditaires, surtout à cause des partages qui modifient rétroactivement la dévolution légale (2).
190. Mais, que décider du partage des immeubles effectué plus ou moins longtemps après le décès, lorsqu'il y a plusieurs héritiers ? Doit-il être transcrit ?
Même question, au sujet du partage entre associés, après la dissolution de la société, ou entre co-propriétaires, lorsqu'ils veulent sortir de l'indivision.
Pour résoudre la question, il faut se reporter à ce qui a été dit de la nature du partage, au sujet de l'article 15 (v. T. 1er, nos 25-2G): le partage n'attribue pas, ne confère pas de droits nouveaux, il déclare des droits antérieurs; lorsqu'un co-héritier, un ex-associé ou un co-propriétaire reçoit un immeuble dans son lot, il est censé en avoir eu la propriété exclusive depuis que l'indivision a commencé; il ne tient rien de ses co-propriétaires, mais de la cause première qui a créé l'indivision, qu'elle ait été ou non soumise à la transcription.
Cette dispense de transcription, conséquence rigoureusement logique de la nature du partage, n'est pas sans danger pour les tiers, qui pourraient, dans l'ignorance du partage, traiter avec un des autres cohéritiers ou co-propriétaires; mais ils pourront, avec quelque précaution, éviter ce danger et, dans le doute, exiger la participation de tous les co-propriétaires à leur contrat, ce qui les garantira contre l'éviction de celui qui a reçu l'immeuble dans son lot
Du reste, la transcription du partage d'immeubles aura presque toujours lieu à l'effet de conserver les créances privilégiées des copartageants les uns contre les autres (v. art. 1185 et suiv.). Enfin elle est exigée, par le 4e alinéa de notre article, lorsque le partage se fait par licitation (v. n° 197, note).
191. Il reste à examiner s'il y a lieu de faire la transcription pour trois moyens d'acquérir assez exceptionnels, l'occupation, l'accession et la prescription.
La négative paraît la seule solution raisonnable.
D'abord, le texte ne parle que " d'actes entre-vifs portant aliénation - " or, ces trois faits, l'occupation, l'accession, la prescription, ne sont pas des actes entrevifs, car ils ne sont pas passés, consentis, entre les intéressés; ce sont des faits purement individuels de la part de celui qui acquiert, dans l'occupation et dans la prescription, ou même de la nature seule dans certains cas d'accession, comme l'alluvion, et de la loi, dans l'acquisition d'une île aux riverains: il n'y aurait pas d'acte, qui pût être copié, tJ'an.;c,tit sur les registres.
Mais cette raison tirée du texte, qui serait impérative, s'il s'agissait d'interpréter et d'appliquer une loi promulguée, perd toute sa force quand il s'agit, comme ici, d'une loi à faire, d'un Projet de loi: il serait facile, en effet, d'élargir le texte et d'assigner une forme particulière à la publicité.
Mais législativement, la solution doit être la même.
192.. Et d'abord, pour l'occupation, la question même ne se présentera pas au Japon, pas plus qu'en France. L'occupation est l'acquisition de la propriété d'une chose sans maître, par la prise de possession première ou originaire; or, les immeubles, au Japon, ne sont jamais sans maître: ceux qui n'ont pas de propriétaire particulier appartiènnent à l'Etat (art. 637 bis); on ne peut donc les acquérir de l'Etat que par un contrat administratif en bonne forme, lequel sera, sans aucun doute, soumis à la transcription. Le seul cas qui pourrait faire doute est celui, fort rare, où un immeuble, étant abandonné par son propriétaire, devient la propriété de l'Etat, en vertu de la loi; mais on ne voit pas dans l'intérêt de qui la publicité serait exigée: ce ne pourrait - être en faveur de ceux qui traiteraient avec l'ancien propriétaire depuis qu'il a abandonné l'immeuble, ce cas serait trop invraisemblable. Ce ne pourrait plus être que 'pour affranchir l'immeuble des droits antérieurement conférés et non publiés; mais il est juste que ces droits soient respectés par l'Etat, lorsqu'ils lui seront révélés, par quelque voie que ce soit; en effet, l'abandon n'a pu être fait que de ce qui restait à l'abondonateur.
193. Pour l'accession, lorsqu'elle résulte de l'alluvion, c'est-à-dire de l'augmentation lente et progressive d'une rive fluviale ou maritime (Íncrementum laten s), on ne comprendrait pas qu'elle fût soumise à la publicité de la transcription, ni à quel moment elle commencerait à l'être: le fait est journalier et pour ainsi dire continu; il est d'ailleurs public par lui-même.
La raison, de décider est la même pour l'accession résultant de la naissance d'une île dans le voisinage d'un fonds riverain d'un cours d'eau Ch).
194. Enfin, en ce qui concerne la prescription acquisitive d'un immeuble, il n'y a pas lieu, non plus, de la soumettre à la transcription.
D'abord, il arrivera le plus souvent que l'acte qui a motivé la prise de possession aura été transcrit comme junte titre, comme acte de nature à transférer la propriété (art. 194); lorsque le vice de ce titre impuissant à transférer la propriété, parce qu'il émanait d'un autre que le propriétaire (a non domino), a été couvert par la prescription, la publicité primitive du titre se trouve avoir eu la même utilité que si le titre avait été parfait à l'origine.
Cette raison ne s'applique plus au cas d'usurpation ou de prescription sans titre; mais il ne faut pas oublier que l'une des conditions essentielles de la prescription acquisitive est une possession continue et publique (v. art. 1474); or, cette publicité continue de la possession peut raisonnablement être considérée comme équivalente à la transcription, si même elle ne lui est pas supérieure.
195. Le 2e alinéa de l'article 368 s'applique à des actes qui diffèrent plutôt par le nom que par le fond de ceux qui précèdent: si une convention modifie un droit précédemment acquis, elle y ajoute ou elle en retranche quelque chose; si elle ajoute au droit du cessionnaire, elle diminue ceux du cédant et, dès lors, ceux qui contracteront plus tard avec celui-ci ont intérêt à connaître la convention; si elle retranche quelque chose au droit du cessionnaire, ce sont ceux qui traiteront avec ce dernier qui ont intérêt à la publicité; il en est de même, et à plus forte raison, au cas de renonciation totale à un droit réel établi sur la chose d'autrui.
Les démembrements de la propriété sont les seuls droits réels auxquels s'applique le 26 alinéa, parce que ce sont aussi les seuls qui, par la simple renonciation, passent d'une personne à une autre, en retournant à la souche dont ils ont été détachés. Il est vrai que si quelqu'un renonçait à un droit de propriété immobilière, son droit passerait à l'Etat; mais, outre que le fait est bien rare, il serait difficile de voir là une transmission directe du particulier à l'Etat: le bien serait d'abord devenu sans maître (nullius), ensuite, l'Etat tiendrait son droit de la loi, et le présent article ne s'y appliquerait pas. Ce n'est pas à dire que, dans ce cas, la transcription n'aurait aucun intérêt: elle tendrait, comme on l'a déjà fait remarquer plus haut, à prévenir l'aliénation ultérieure du bien par celui qui l'avait abandonné; mais si l'hypothèse d'un abandon d'immeuble est déjà rare, celle d'une aliénation ultérieure le sera davantage encore, car si l'aliénation avait été possible, le propriétaire n'aurait pas manqué de la faire, au lieu d'abandonner son bien; d'ailleurs, cet abandon aura presque toujours été notoire, par sa singularité même.
Il ne faut pas, quant à la publicité, assimiler à la renonciation aux démembrements de propriété leurs causes naturelles d'extinction; ainsi l'extinction d'un bail par l'expiration du terme fixé on d'un usufruit par la mort de l'usufruitier, n'est pas soumise à la transcription: ceux qui traiteraient avec le locataire ou le fermier au sujet de son droit normalement éteint, seraient en faute, car la transcription du bail leur en a révélé le terme; à plus forte raison, seraient en faute ceux qui, après la mort de l'usufruitier, traiteraient avec son mandataire, ignorant sa mort, ou avec son héritier, ignorant que l'usufruit s'éteint par la mort. Mais le jugement prononçant l'extinction d'un usufruit pour abus de jouissance devrait être publié, conformément à l'article 372, parce que ce n'est pas une cause naturelle d'extinction du droit d'usufruit.
196. Le Se alinéa suppose qu'un droit réel a été conféré par une convention purement verbale, laquelle, on le sait, suffit entre les parties; or, on ne peut transcrire qu'un acte écrit, puisque transcrire c'est " copier une pièce écrite." Mais, si l'acquéreur a prouvé son droit en justice, par témoins ou par aveu, ce jugement, portant reconnaissance du droit, devient, à son tour, une preuve écrite et authentique de la convention et il pourra être soumis à la formalité de la transcription.
Si les parties, après une convention verbale, étaient d'accord pour ne pas recourir à la justice, afin d'éviter des lenteurs et des frais, elles pourraient rédiger un acte spécial portant reconnaissance de la convention antérieure, lequel serait transcrit; ce ne serait pas une nouvelle cession, ce ne serait qu'une preuve de la première. La loi n'a pas besoin de prévoir ce cas particulier qui rentre suffisamment dans la règle.
La formule des 2e et se alinéas est générale quant aux renonciations, pour plus de simplicité; mais il y en a qu'il sera inutile de transcrire, faute d'utilité, ce sont les renonciations au droit d'usage ou d'habitation et à ceux des baux qui ne sont pas susceptibles d'être cédés ou hypothéqués (voy. art. 116, 142 et 143); en effet, personne ne pouvant devenir ayant-cause particulier du titulaire de ces droits en traitant avec lui, il n'y a à prévenir aucune des surprises ou erreurs auxquelles pare ordinairement la publicité; à l'égard de ceux qui voudraient traiter avec le plein propriétaire, au sujet des mêmes droits, celui-ci aura tout intérêt, en même temps que toute facilité, à établir, par la production de l'acte mêmede renonciation, que les droits antérieurement transcrits comme grevant son fonds ont cessé d'exister.
197. Le 4e alinéa soumet à la transcription les adjudications d'immeubles sur saisie: ce sont des actes translatifs de propriété immobilière; si la loi en fait l'objet d'une disposition spéciale, c'est que ce ne sont pas à proprement parler "des actes" entre-vifs, ils ne sont pas passés ou consentis entre les parties intéressées, puisque l'une d'elles, le débiteur saisi, est considéré comme résistant et contestant. Le Code de Procédure civile japonais soumettra certainement à la transcription la saisie immobilière elle-même; alors, pour l'adjudication, il n'y aura plus qu'à en faire mention en marge de la saisie, comme cela a lieu en France (comp. c. pr. civ. fr., art. 678 et 716) (3).
198. La loi française de 1855 (art. 2, n° 4), soumet à la formalité de la transcription les baux immobiliers de plus de dix-huit ans, pour qu'ils soient opposables à ceux qui traiteront avec le bailleur; il en résulte que les baux de moindre duré,- sont opposables à ceux-ci sans transcription. Le Code italien (art. 1932, n° 5) a une pareille disposition, avec cette différence que la transcription est obligatoire même pour les baux de plus de neuf ans.
Le Projet n'ayant ici aucune règle particulière pour les baux d'immeubles, il en résulte que, quelle que soit leur durée, ils sont soumis à la transcription; il en est de même des cessions de bail et des sous-locations. La raison de cette différence est double: 1° dans le Projet, le bail donne un droit réel, tandis qu'il ne donne qu'un droit personnel en France et en Italie; 2° du moment que le bail, quelle que soit sa durée, doit être opposable aux ayant-cause du bailleur, il est nécessaire que ceuxci soient préalablement avertis de l'existence du droit; ou peut donc reprocher une inconséquence aux deux Codes précités, en ce qu'ils admettent que les baux de moins de 9 ou 18 ans, quoique ne constituant que des droits personnels, sont opposables aux tiers et cependant ne leur sont pas révélés par la transcription.
199. Les deux législations précitées soumettent aussi à la transcription les conventions qui enlèvent au bailleur trois années de loyers ou fermages non échus, telles que cession de la créance desdits loyers ou quittance anticipée donnée au preneur. Le motif de la publicité donnée à ces actes est que le cessionnaire du fonds loué, étant tenu de respecter le bail, doit être averti qu'il n'aura rien à recevoir de ce chef pendant trois ans.
Le Projet japonais n'a aucune disposition à cet égard; mais la conséquence est, en sens inverse de la solution précédente, qu'aucune libération anticipée du preneur ou aucune cession de la créance à un tiers n'est soumise à la transcription et est cependant opposable à l'acquéreur, sauf son recours en garantie contre le cédant, comme dans toute autre cession d'une créance déjà éteinte ou n'appartenant pas au cédant (voy. c. civ. fr., art. 1693). En effet, il ne s'agit plus ici d'un droit réel immobilier aliéné, mais d'une simple créance éteinte ou cédée; en outre, l'acquéreur du fonds loué, étant toujours averti de l'existence du bail par la transcription, pourra s'assurer près du preneur si les loyers ou fermages lui seront payables ou non, à partir du moment où il deviendra propriétaire, et il traitera en conséquence.
200. Bien que l'expropriation pour cause d'utilité publique doive être réglée par une loi spéciale, à la fois civile et administrative, il paraît bon de déclarer, dès à présent (5e alinéa), que ce genre d'acquisition est soumis à la publicité du droit commun: l'utilité est la même, c'est d'empêcher que des particuliers n'achètent de l'exproprié un bien qui désormais est du domaine public; la loi ne distingue pas, du reste, si l'expropriation a été consentie à l'amiable ou prononcée en justice (comp. Loi fr. du 3 mai 1841, art. 16).
201. La loi déclare enfin que la publicité des droits réels de privilége et d'hypothèque est réglée dans une autre partie du Code; ce ne sera pas une transcription à peu près intégrale du titre, mais une mention de sa substance, sous le nom d'inscription. C'est au Livre IVe qu'il en sera parlé, lorsque la loi traitera des droits réels accessoires formant la garantie des créances (v. art. 1183 et s., 1219 et s.) (4).
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(c) Il est à. noter, du reste, que ces discussions, qui furent ordinairement si lumineuses et si bien conduites, présentent ici une certaine confusion. On y mêle, sans paraître s'en apercevoir, deux questions qui sont voisines, il est vrai, mais différentes: celle qui nous occupe, à savoir si la transcription sera conservée pour rendre les droits réels opposables aux tiers et celle de savoir si la transcription affranchira, purgera, les immeubles cédés des droits réels antérieurs. Contre cette dernière solution, on répète plusieurs fois que que" personne ne peut transférer plus de " droits qu'il n'en a lui-même; que la simple transcription ne purge pas " les priviléges et hypothèques qui grèvent le bien vendu." Ces vérités incontestables prennent place dans la loi (art. 2125 et 2182); mais ce qu'il fallait décider, et ce qu'on négligea, ce fut justement le point principal en litige, à savoir si les droits réels antérieurs à la transcription d'une aliénation, mais non transcrits eux-mêmes, tomberaient ou subsisteraient devant la transcription d'un titre translatif de propriété émané du même cédant.
La question ainsi posée ne devait pas faire de doute dans le sens de la déchéance des droits non transcrits; du moment que l'on songeait à maintenir la transcription, il en devait résulter cette double conséquence: 1° que les droits transcrits seraient à l'abri de toute cession ultérieure, 2° que les droits non transcrits s'évanouiraient devant un titre transcrit, même postérieur en date. C'est ce que décidait l'article 91 du Projet et ce qui fut mis en relief par Treilhard, Jollivet et Tronchet, non sans regrets même de la part de ce dernier.
On ne saura jamais comment l'article 91 disparut du Projet définitif et on ne comprend pas aujourd'hui l'inadvertance de tant d'intéressés: il semble que, ce grand travail du Code civil touchant à sa fin, il y eût une lassitude générale et qu'on eût hâte d'en finir.
Ce qui prouve encore cette précipitation, c'est le Rapport de Grenier au Tribunat sur le Projet: l'article 91 n'y figurait plus et cependant il en déduit les conséquences énoncées plus haut; puis, il corrige son Rapport dans le sens opposé et distribue un Erratum imprimé à ses collègues, et cet incident n'éclaire personne ! Le même Rapport est ensuite lu au Corps législatif, avec la correction; les orateurs du Conseil d'Etat l'en. tendent, mais aucune objection n'est soulevée par ceux qui seuls pouvaient porter la parole devant cette Assemblée muette. On sait en effet, que, sous la Constitution de l'an VIII, le Corps législatif ne discutait pas la loi proposée, mais l'acceptait ou la rejetait, après avoir entendu les orateurs du Conseil d' Mat et ceux du Tribunat. Voir FENBT, Travaux préparatoires du Code civil. T. XV:
P. 316, pour la proposition de l'article 91;
PP. 386-390, pour la discussion de l'article et l'établissement de ses conséquences logiques, soutenues par Treilhard, Jollivet et Tronchet;
P. 391, pour le renvoi au comité de réduction;
P. 407, pour le retour du Projet où l'ancien article 91 ne figure plus; P. 505, pour la correction du Rapport de Grenier au Tribunat;
P. 524, pour la répétition de ce Rapport au Corps législatif.
(d) Il est singulier encore que ce résultat nécessaire du système de la transcription, qui rencontra tant de résistance quand il s'agissait de la vente, n'ait soulevé aucune objection au sujet de la donation.
(3) Loi n° 1 du 8e mois de la 1ge année de Meiji (août 1886) et Loi des ler-2 Sept. de la 23e année (1890).
Il existe, en outre, une loi assez récente du 22 mars 1889,
(e) On consultera aussi avec fruit la loi belge du 16 décembre 1851, qui a remplacé tout le Titre des Priviléges et Hypothèques et dont les Dispositions préliminaires sont consacrées à la Transcription.
(22e de Meiji) sur les titres de propriété foncière dressés et, conservés aux préfectures. Il y aurait peut-être quelques réserves à faire sur les avantages qu'on a cherché à obtenir, mais cela ne rentre pas dans la nature de ce travail.
(g) En France, les registres des transcriptions et inscriptions sont tenus aussi au chef-lieu de l'arrondissement (sous-préfecture); ils sont confiés à un officier public spécial appelé conservateur des hypothèques; celui-ci n'est pas rétribué par l'Etat qui pourtant le nomme: il perçoit un salaire, d'après un tarif, sur les transcriptions, inscriptions, radiations et certificats requis par les intéressés.
Jusqu'ici, au Japon, dans les grandes villes, les registres des mutations d'immeubles et des hypothèques étaient tenus dans les Tcou ya7cou sho qui ont le caractère de sous -pi-é fectures; dans les campagnes, ils étaient généralement tenus aux mairies (ko-tcho, yaJcou-la). En plaçant les registres dans les tribunaux de district, on les a éloignés un peu plus des parties, mais les dépôts seront plus centralisés, la tenue en sera plus correcte et la conservation mieux assurée que dans les mairies.
La lre édition du Projet plaçait les registres à la préfecture dujfow ou ken; dans la 2e, on a proposé de les rapprocher des parties: c'était, en même temps, conserver en partie l'usage actuel. Aujourd'hui on donne le résultat des deux lois précitées.
(1) On verra au Livre III, Ire Partie (art. 651 et s.) que le Projet, après avoir adopté à cet égard un moyen terme, est arrivé, dans cette nouvelle édition, à soumettre le légataire à la transcription, d'une manière absolue.
(2) Un Congrès international sur les registres fonciers, tenu à Paris, en septembre 1889, a émis un vœu en ce sens; le vœu était le même pour les transmissions par testament. Au Japon, la transcription est déjà imposée au légataire et à l'héritier, quoique unique, en général (Loi précitée du 86 mois de la 196 année de Meiji),
(h.) La théorie de l'accession et celle de l'occupation se rencontrent ici par anticipation: on sait que c'est au Livre Ille, lre Partie, qu'elles trouveront leur place naturelle, comme moyens d'acquérir la propriété (v. art. 31, 211 al.).
(3) L'ancien texte ne dispensait pas formellement de la transcription (comme le fait la loi française de 1855, art. 1er -4°) les jugements d'adjudication sur licitation rendus au profit d'un des copartageants; mais comme il n'y soumettait que l'adjudication " sur saisie," il est clair que l'adjudication sur licitation formant partage en était virtuellement dispensée.
Maintenant que le Projet adopte le système de publicité d'une manière absolne, cette exception ne paraît pas devoir être conservée et nous exprimons formellement ce nouveau cas de transcription obligatoire.
La nouvelle rédaction comprend aussi, implicitement, l'adjudication sur licitation au profit d'un étranger, laquelle ne rentrait pas dans l'ancien texte, sans qu'on eÚt assurément songé à la dispenser de la transcription.
(4) Le Texte officiel emploie pour les mutations le mot inscription, parce que l'acte n'est pas copié en entier sur les registres, mais mentionné seulement par extrait de ses parties essentielles.
Nous maintenons dans notre Projet la transcription en entier, le mot et la chose (v. art. 368), parce que les mutations comportent des clauses si variées que les tiers ont intérêt à pouvoir les examiner dans leur ensemble et dans leur contexte. Nous avions d'ailleurs proposé, pour diminuer le travail du conservateur et les frais des parties, d'admettre que la transcription fût suppléée par le dépôt de l'acte de mutation en double origiual; c'était l'objet d'un article 368 bis ainsi conçu:
Art. 368 bis. " La transcription peut être remplacée, " en vertu d'un Règlement, par le dépôt, au bureau des " transcriptions, de deux originaux semblables de l'acte à " publier, lesquels, après avoir été collationnés et trouvés " conformes, sont revêtus du timbre dudit bureau, à mi" marge, sur chaque feuillet."
"L'un des originaux est conservé au bureau des trans" criptions, et la substance en est mentionnée sur un re" gistre spécial; l'autre original est rendu à la partie re" quérante, avec mention marginale du lieu et du jour où " le dépôt a en lieu."
Nous n'avons pas inséré cet article additionnel qui n'a plus de chance d'être repris; mais nous le signalons comme complément de notre Projet.
Art. 369. — 202. L'article 369 laisse aux intéressés le soin de requérir la transcription, après avoir justifié de leur qualité, de leur intérêt et de la sincérité du titre dont ils demandent la transcription; cette justification se fera, soit par des moyens de droit commun, soit dans une forme qui sera ultérieurement fixée au Code de Procédure ou dans une loi spéciale, ainsi que l'annonce le dernier alinéa. Il ne faudrait pas laisser les propriétaires exposés à ce que des transcriptions mal fondées fussent faites sur leurs immeubles et diminuassent ainsi leur crédit. Sans doute, une transcription indûment faite pourra toujours être annulée (art. 374), mais il vaut mieux prévenir les abus, que les réprimer.
Avec ces précautions, il sera bon de donner au certificat de transcription un caractère de titre constatant le droit; mais il y aura là une difficulté: si la convention n'a été rédigée que sous seing-privé, il ne sera pas possible que le certificat de transcription ait une plus grande force probante que l'original: il n'y aura d'authentique que la déclaration de conformité. Ce sera encore un point à régler au Livre des Preuves.
203. Pour que la publicité résultant de la transcription soit efficace, il faut que toute personne puisse requérir un extrait des transcriptions ou inscriptions existant sur tel immeuble qu'elle désignera: le requérant pourra limiler sa demande aux mentions antérieures ou postérieures à une époque déterminée. Il y aura nécessairement à payer un droit, une taxe, suivant le nombre et l'étendue des extraits délivrés.
On pourrait, à la rigueur, autoriser les intéressés à examiner eux-mêmes les registres; mais ce procédé, s'il est moins dispendieux pour eux, présente des dangers d'altération des registres.
Ici, la loi n'exige pas que le requérant justifie de son intérêt, pour deux raisons: d'abord, aucun danger n'est à craindre pour le crédit légitime du propriétaire: il y perdrait, tout au plus, un crédit usurpé; ensuite, l'intérêt peut n'être pas encore né pour le requérant; par exemple, s'il s'informe avant de contracter.
204. Il devra être fait un Règlement ministériel sur la forme et la tenue des registres de transcriptions. Il rentrera dans les attributions du Ministre de la justice d'organiser et de surveiller cette publicité qui sera une application du Code civil. On aura alors à se prononcer entre deux systèmes dont l'un, suivi en France, en Italie et en Belgique, rattache la transcription et l'inscription aux noms des intéressés, tandis que l'autre, suivi en Allemagne, le rattache aux immeubles. La différence des deux systèmes se révèle surtout dans les recherches à faire sur les registres: dans le premier système, les répertoires portent les noms des intéressés, cédants et cessionnaires, créanciers hypothécaires et débiteurs: les biens ne sont indiqués que secondairement; dans le second système, la classification se fait d'après les parcelles de terre et les maisons objets des conventions, et, sous chaque désignation, on trouve le nom des ayant-droit. L'inconvénient, au premier cas, est que si une personne, avant de traiter avec un propriétaire, désire savoir s'il a bien et dûment cette qualité et si son immeuble est ou non grevé de dettes, la moindre erreur sur le nom, soit de la part du requérant, soit de la part du rédacteur du répertoire, peut rendre les recherches très difficiles; tandis que si les actes sont tous classés sous l'indication de l'immeuble, il est facile, au moyen d'un simple renvoi aux pages et articles du registre, de retrouver tous les noms des personnes intéressées et, par suite, tous les actes où. elles ont figuré.
On pourrait, en adoptant le second système, combiner la publicité des mutations d'immeubles avec le système cadastral qui nécessite un plan des parcelles de terre et une désignation des terrains bâtis. On pourrait aussi exiger que chaque propriété portât ostensiblement un numéro d'ordre répondant à celui qu'elle porte au plan cadastral et au registre des mutations (5).
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(5) Le système adopté définitivement au Japon est bien celui de la tenue des registres par propriété: il était déjà pratiqué dans les mairies avant la loi précitée du 1er septembre 1890.
Art. 370. — 205. Cet article présente les conséquences du système de publicité des mutations; elles sont, par ce qui précède, rendues faciles à comprendre et à justifier.
Si le premier acquéreur a fait transcrire son titre, il a fait tout ce qui dépendait de lui pour empêcher que d'autres personnes, ignorant la cession, traitassent avec l'ancien propriétaire, pour acquérir de lui, soit la propriété même, soit des démembrements de la propriété, soit des sûretés réelles: celles-ci ne peuvent imputer, qu'à elles-mêmes leur imprudence, si elles ont négligé de consulter les registres. On pourrait cependant supposer qu'elles ont demandé au conservateur du registre un état des transcriptions et inscriptions et que, par erreur, celui-ci a omis de mentionner une transcription que ces personnes avaient intérêt à connaître; le cas est prévu par le Code français (art. 2197 et 2198) et l'est aussi dans le Projet japonais; en pareil cas, la faute du conservateur ne peut retomber sur celui qui a transcrit son titre, elle retombe donc sur celui qui a requis le certificat, sauf son recours contre le conservateur négligent (voy. art. 375).
Si, au contraire, le premier acquéreur n'a pas fait faire la transcription, ceux qui ont, plus tard, traité avec le précédent propriétaire, étant fondés à lui croire encore cette qualité, conserveront leurs droits. Il en est de même de ceux qui ont traité avec un usufruitier ou un preneur à bail, au sujet de son droit déjà cédé, mais sans qu'il y ait eu transcription. Bien entendu, pour que les derniers contractants soient préférables au premier, il est nécessaire, comme le texte le dit, qu'ils aient eux-mêmes fait faire la transcription ou l'inscription de leur titre, à moins qu'ils ne soient dans un cas d'exception; mais le Projet n'en propose pas (i).
206. On pourrait faire une objection assez spécieuse (et elle a été faite, ici, tout récemment) à la condition que les nouveaux contractants "aient transcrit eux mêmes leur titre," pour se prévaloir du défaut de transcription: on pourrait dire, et on a dit, que du moment que le premier acquéreur n'a pas révélé son titre avant la formation du nouveau contrat, il a causé au second contractant le dommage même que la loi voulait prévenir et qu'elle lui fait réparer en le déclarant déchu vis-à-vis de ce dernier, et c'est ainsi d'ailleurs que le système général de la loi est justifié plus loin.
L'objection s'appliquerait de même, par identité de motif, au cas de cession de créance non signifiée avant une seconde cession par le même créancier, et aussi au cas de ventes successives d'un meuble corporel dont aucune n'aurait été suivie de tradition.
Nous répondrons, tout d'abord, que le cas ne se présentera jamais en pratique, car le second cessionnaire n'aura pas l'imprudence d'intenter l'action tendant à établir la préférence qui lui est due, avant d'avoir luimême fait la transcription (ou la signification); autrement, il courrait le risque certain d'être devancé dans la publication. Mais si l'on suppose deux plaideurs décidés à ne pas transcrire et à faire juger par les tribunaux la question de principe, ce qui ne serait pas sans intérêt, mais singulier, il faut alors réfuter l'objection au fond.
Or, la base de l'objection, à savoir que le premier acquéreur, en ne transcrivant pas, a exposé le second contractant au danger de faire un acte nul et à lui préjudiciable, est facile à renverser: ce dernier ne courra aucun risque, s'il fait faire la transcription après s'être assuré qu'il n'existe pas encore d'autre transcription ou inscription, au sujet du même droit, et en n'exécutant pas la convention avant d'avoir consolidé son droit par la publicité requise.
En outre, qu'y aurait-il de plus choquant que de voir le second contractant reprocher au premier de n'avoir pas observé la loi qui prescrit la transcription, alors qu'il ne l'aurait pas observée lui-même ?
Enfin, la meilleure preuve que l'objection n'est pas fondée, c'est qu'en la poussant à ses dernières conséquences, on arriverait à dire que, du moment que la transcription du premier acte n'aurait pas été faite avant la passation seule du second contrat, elle ne pourrait plus être faite utilement: les auteurs de l'objection n'oseraient sans doute pas soutenir ce singulier système, car cela reviendrait à dire que de deux contractants tenant leur droit du même auteur la loi préférerait toujours le second en date.
Il faut donc reconnaître que si les deux acquéreurs se présentaient devant le tribunal, sans qu'aucun eût transcrit un droit immobilier, ou signifié une cession de créance, ou reçu la tradition d'un meuble corporel, la décision devrait être en faveur du premier contractant: la priorité est l'avantage qui, avant la loi de transcription donnait la préférence; elle doit la donner encore, quand les parties négligent volontairement le secours que leur offre cette loi.
207. La loi, ici, ne parle pas seulement de ceux qui ont traité avec le propriétaire ou titulaire apparent des droits cédés: elle ajoute, ceux qui " ont acquis des droits du chef de celui-ci," ce qui comprend des créanciers ayant acquis une hypothèque légale ou judiciaire et des créanciers, même chirographaires, ayant transcrit une saisie immobilière, avant la transcription d'une acquisition. Enfin, on remarque que la loi ne se place pas uniquement dans le cas où ce sont identiquement les mêmes droits qui ont été l'objet des conventions successives: il suffit qu'ils soient " incompatibles si le premier droit cédé était la nue-propriété et le second l'usufruit, ou réciproquement, il n'y aurait pas incompatibilité et les deux droits seraient maintenus, quel que fût l'ordre des transcriptions; mais, si le premier droit cédé était la pleine propriété, tous les autres droits cédés sur le même immeuble étant incompatibles avec elle, la priorité de transcription serait essentielle à considérer.
208. Un autre cas qui divise beaucoup les auteurs, en France, et que la loi laisse ici sous l'empire des principes de la matière, comme suffisant à le régler, est celui où un acquéreur, n'ayant pas transcrit, a cédé des droits à des tiers qui ont transcrit leur titre et non celui de leur auteur; dans ce cas, si l'ancien propriétaire cède de nouveau sur l'immeuble des droits incompatibles avec le premier, ceux qui les ont publiés sont préférables aux sous-acquéreurs qui pourtant ont transcrit les premiers; c'est qu'en effet la première acquisition, n'ayant pas été publiée, n'a pas dessaisi l'ancien propriétaire de la faculté de faire de nouvelles cessions valables en faveur des tiers.
209. La disposition la plus notable de l'article 370 est celle qui limite le bénéfice de la loi aux ayant-cause " de bonne foi."
On trouve bien une pareille disposition dans la loi belge précitée (Loi du 16 déc. 1851), dont l'article 1er ne permet de se prévaloir du défaut de transcription d'une précédente acquisition qu'à ceux qui ont, postérieurement, " contracté sans fraude; " mais, ni la loi italienne, ni la loi française, n'ont cette condition de bonne foi ou d'absence de fraude et il s'en faut de beaucoup qu'on soit d'accord pour l'y suppléer.
Sans doute, on admet, comme un axiome général de droit, que "la fraude altère toutes les règles " (fraus omnia corTumpit), qu'elle ne peut être protégée par aucune des règles du droit; mais on ne veut pas ici appliquer l'axiome: on craint qu'il ne s'élève constamment des procès sur le point de savoir si le nouvel acquéreur connaissait ou non le premier contrat, et l'on soutient que le but de la loi serait alors complétement manqué, car il a été de donner de la stabilité aux conventions. On prétend donc qu'il y a, en cette matière, deux présomptions légales absolues, c'est-à-dire contre lesquelles aucune preuve contraire n'est admise.
Au premier cas, s'il y a eu transcription de la première acquisition, les ayant-cause qui ont traité postérieurement sont présumés avoir connu l'acte transcrit, ou s'ils ne l'ont pas connu, ils sont présumés négligents. Assurément, en pareil cas, personne n'admettrait la preuve contraire de cette présomption alternative, de ce dilemme Ci), pas même dans l'hypothèse déjà signalée, où, par la faute du conservateur, la transcription faite n'aurait pas été mentionnée dans le certificat requis par le second contractant.
Au second cas, s'il n'y a pas eu transcription, on dit que la présomption légale est l'ignorance des ayantcause et qu'il ne doit pas être permis de prouver qu'ils ont eu connaissance de la première convention par une autre voie que celle de la transcription; on invoque même, à ce sujet, un article topique (directement applicable) du Code français (art. 1071), d'après lequel "le défaut de transcription ne pourra être suppléé ni "regardé comme couvert par la connaissance que les "tiers-acquéreurs pourraient avoir eue de la disposition par d'autres voies que la transcription (k)." La présomption d'ignorance d'un acte non transcrit, serait donc aussi forte que la présomption de connaissance d'un acte transcrit.
210. Mais il n'y a pas parité entre les deux cas. Nul ne doit ignorer ce qui est régulièrement publié, cela est indiscutable; mais, au contraire, quelqu'un peut savoir, en fait, ce qui était tenu secret. Le premier acquéreur qui a transcrit son titre a nécessairement le bénéfice de sa diligence; mais, s'il?a été négligent, il peut aussi, par hasard, par un heureux concours de circonstances, avoir le même avantage; il n'y a, en cela, rien d'injuste ni d'illogique: tous les jours, les personnes négligent ce que la prudence exigerait qu'elles fissent pour la sauvegarde de leur corps ou de leurs biens et, cependant, elles ne sont pas toujours victimes de leur imprudence. La même chose se passe ici: la transcription n'a pas été faite, il y a eu imprudence, mais dès que le nouvel acquéreur est informé de la première convention, par hasard ou autrement, le vœu de la loi est satisfait.
Il s'est présenté en France plusieurs cas où l'équité et la raison défendaient que la mauvaise foi du nouveau contractant pût s'abriter derrière le défaut de transcription du premier acquéreur, et les tribunaux ont été divisés sur la solution: dans un cas, le nouvel acheteur avait été témoin à l'acte passé avec le premier acquéreur; dans un autre, il avait coopéré à l'acte comme rédacteur, en qualité de clerc du notaire; une autre fois, le premier acte avait été mentionné dans le second; dans un autre cas, le nouvel acquéreur avait été averti par le premier de l'existence du contrat antérieur; enfin, il s'est présenté un cas où nouvel acquéreur avait déjà acquis une servitude, en traitant avec le premier et l'avait, par cela même, reconnu comme propriétaire. Dans tous ces cas, le nouvel acquéreur, profitant de la négligence du premier, s'était hâté de faire transcrire son titre avant que celui-ci eût fait transcrire le sien et il prétendait l'évincer.
211. Evidemment, la loi qui organise la publicité des mutations n'est pas nécessaire pour celui qui connaissait déjà la première convention et ce n'est pas à lui qu'elle doit permettre de se prévaloir du défaut de transcription.
L'objection tirée de l'article 1071 revient à dire que la présomption d'ignorance d'une aliénation non transcrite est absolue, c'est-à-dire ne comporte pas de preuve contraire (l); c'est, dit-on, une des applications de l'article 1352, d'après lequel " nulle preuve n'est admise " contre la présomption de la loi, lorsque, sur fondement " de cette présomption, la loi annule un acte ou dénie " l'action en justice." Mais il faut remarquer que cet article se termine par les mots: " sauf ce qui sera dit sur le serment et l'aveu judiciaires." Or, l'aveu est justement la seule preuve qui soit admise par le Projet pour établir la mauvaise foi du second contractant, en l'absence de transcription du premier contrat (comp. 2C al. et art. 367) (II).
En effet, si l'on se reporte à ce que la loi française dit plus loin de l'aveu et du serment judiciaires, on voit que " l'aveu fait pleine foi contre celui qui le fait " (art, 1356), que " le serment peut être déféré sur quelque espèce de contestation que ce soit" (art. 1358); c(que celui auquel le serment est déféré, qui le refuse " et ne consent pas à le référer, doit succomber dans sa " demande ou dans son exception " (art. 1361). Si donc celui qui veut se prévaloir du défaut de transcription, avoue, soit dans la procédure d'interrogatoire sur faits et articles (voy. c. proc. civ. fr., art. 324 et suiv.), soit dans une comparution volontaire en justice, soit dans une correspondance non contestée, qu'il connaissait la première aliénation, quoique non transcrite, il devra sucomber dans sa prétention à la priorité. Il faudra même assimiler à l'aveu écrit, les cas précités où il aurait figuré comme témoin dans la première aliénation et celui où le nouvel acte, signé de lui, contiendrait une mention formelle du premier acte non transcrit.
Quant au serment, on peut supposer qu'il a été déféré au nouvel acquéreur sur l'ignorance réelle où il prétendait être de la première aliénation et qu'il a refusé de jurer.
Ceux qui contestent ici l'application de l'aveu et du serment, allèguent que ces preuves ne sont pas admises quand il s'agit de faire tomber une présomption d'ordre public, ce qui est exact d'ailleurs; or, selon eux, tout ce qui concerne la publicité des mutations de propriété est d'ordre public.
Il y a là une nouvelle méprise. Sans doute, lorsque la loi organise un système de publicité, elle se préoccupe de donner la sécurité aux contractants, en général; elle veut déjouer la mauvaise foi, protéger la bonne foi, fortifier le crédit; c'est en ce sens que dans le. but final de la loi il y a une idée d'ordre public ou d'intérêt général; mais, lorsqu'un conflit d'intérêts particuliers s'élève devant un tribunal, au sujet d'actes transcrits ou non transcrits, il n'y a plus en jeu que deux intérêts privés et le but de la loi sera d'autant mieux atteint qu'on ne la fera pas servir à protéger celui des deux adversaires qui est de mauvaise foi.
212. Quoique l'opinion énoncée ici et consacrée par le Projet n'ait pas cours en France, il est facile de reconnaître, quand on parcourt les travaux préparatoires de la loi de 1855 (l'Exposé des motifs, les Rapports des commissions et la discussion), que le but essentiel de cette loi a été de déjouer la mauvaise foi du premier acquéreur qui pouvait laisser ignorer son titre, par collusion avec le vendeur, et de protéger un nouveau contractant qui traitait de bonne foi avec le même vendeur et se trouvait ensuite évincé par le premier acheteur, sans avoir aucune imprudence à se reprocher; les idées " de bonne foi et de mauvaise foi " se trouvent constamment répétées: c'était là la seule préoccupation du législateur. Aujourd'hui, le même danger n'existe plus: si la première aliénation n'est pas transcrite, le nouveau contractant est présumé l'ignorer, et il traite valablement; mais la loi ne peut avoir voulu, en fermant une voie à la mauvaise foi, lui en ouvrir une autre, et, après avoir déjoué la mauvaise foi du premier contractant, favoriser celle du second; c'est pourtant ce qui arrive, si l'on n'admet pas que la présomption de bonne foi de celui-ci puisse être contredite par les deux preuves où il se juge et se condamne lui-même, par son aveu et par son refus de serment.
213. Ceux qui combattent en France le système exposé ci-dessus font déjà une concession très compromettante pour leur opinion: ils autorisent la preuve de la mauvaise foi du nouvel acquéreur, quand elle est concertée avec le vendeur, quand il y a collusion, et, dans ce cas, ce n'est pas seulement par l'aveu et le serment qu'ils permettent de prouver la collusion, c'est même par témoins et par de simples présomptions de fait (comp. c. civ., art. 1358-1° et 1353). Cette distinction, entre le cas où il y a deux dois et celui où il n'y en a qu'un, est importante et elle est faite aussi par le Projet (art. 367); mais il est singulier qu'on arrive ainsi à permettre toute preuve contraire à la présomption, après n'en avoir admis aucune quand il n'y a qu'un dol ou qu'une fraude. Dans le système que nous combattons, cette distinction est une brèche par laquelle, un jour, sans doute, passera tout entier le système ici exposé. Le cas où il y a fraude concertée ne doit produire qu'une seule différence indiquée à la fin de l'article, c'est que la fraude concertée pourra se prouver par tous les moyens ordinaires de preuve, même contre le nouvel acquéreur; en effet, le cédant n'est protégé par aucune présomption légale, et la fraude, dès lors, pouvant se prouver contre lui, par témoins et par simples présomptions de fait, doit pouvoir se prouver de même contre son complice.
Au surplus, lts adversaires reconnaissent que le système nouveau qu'ils contestent pour la loi française actuelle "serait très bon en législation." Cette législation qui a paru sage à la Belgique, que l'on peut sans témérité soutenir être celle de la France, sainement interprétée, est expressément proposée pour le Japon (lll).
214. Une observation importante reste à faire sur le présent article: il ne faudrait pas croire que la mauvaise foi du second cessionnaire, au sujet de la transcription, doive entraîner le législateur à donner la même solution lorsqu'il arrivera à la matière des priviléges et hypothèques et à l'inscription à laquelle sont soumises ces sûretés pour être opposables aux ayant-cause du débiteur; on devra alors décider que la priorité d'inscription donne la priorité pour le payement, même lorsque le premier créancier inscrit connaissait l'existence du privilége ou de l'hypothèque dont l'inscription avait été négligée.
En effet, entre la propriété et ses démembrements, d'une part, et les priviléges et hypothèques, d'autre ' part, il y a une profonde différence, au point de vue qui nous occupe: les premiers sont incompatibles les uns avec les autres, comme seraient deux droits de propriété sur la même chose; ou, tout au moins, les uns amoindrissent les autres, comme l'usufruit, le louage, le privilége et l'hypothèque amoindrissent la propriété: la priorité y a donc une importance essentielle; au contraire, les priviléges et hypothèques peuvent coexister, appartenir à des personnes différentes sur le même bien, sans s'exclure nécessairement, sans que l'un soit la destruction de l'autre; ainsi, un créancier, primé dans le rang d'hypothèque qu'il espérait, peut être payé avec d'autres biens du débiteur, ou par une caution; les biens hypothéqués même peuvent souvent suffire à payer plusieurs créanciers inscrits. Si donc on suppose que le second créancier hypothécaire connaît la première hypothèque, quoiqu'elle ne soit pas inscrite, la bonne foi ne l'oblige pas à s'abstenir de traiter, elle ne lui défend pas de se hâter de prendre inscription, car il a pu -croire que si le premier créancier était peu diligent, c'est qu'il avait d'autres garanties de payement.
215. Il reste, pour terminer ce qui concerne cette théorie importante, à réfuter une formule consacrée en France et sur laquelle on a promis plus haut' (n° 127) de revenir: elle est d'autant plus dangereuse qu'elle est la base du faux système qu'on vient de combattre.
Il n'est pas exact de dire, comme on le trouve dans presque tous les auteurs français, que " la propriété des " immeubles se transfère entre les parties par le seul " consentement et à l'égard des tiers (lisez: des ayant et cause) par la transcription." Cette formule, que semblent autoriser les articles 1140 et 1583 du Code français, est tout-à-fait contraire à la nature de droit de propriété et de tous les droits réels, en général. Un droit réel est un rapport immédiat et direct entre une personne et une chose, entre le sujet actif du droit et l'objet de ce droit; il n'y a pas de sujet passif du droit réel, ou bien, tout le monde en est sujet passif; quand quelqu'un dit " cette chose m'appartient, elle est à moi," il a énoncé une idée simple et claire; mais il serait bizarre de dire " cette chose m'appartient à l'égard " d'un tel (de mon vendeur) et ne n'appartient pas à " l'égard des autres (des ayant-cause de mon vendeur)." La propriété est, évidemment, de sa nature, un droit ab,,;olzt; le droit de créance seul est un droit relatif (voir T. 1er, n° 4).
Qu'est-ce, en effet, que le droit de propriété ? C'est le droit de disposer. Or, si je suis devenu propriétaire et si mon vendeur a cessé de l'être, c'est moi qui puis disposer désormais et non plus lui. Cependant, dans l'opinion qui accepte l'axiome précité, c'est mon vendeur qui seul peut disposer utilement tant que je n'ai pas transcrit; alors, comment peut-on dire que je suis propriétaire ?
216. Les Romains étaient plus logiques: jusqu'à la tradition, l'acheteur n'avait qu'un droit personnel, il n'était que créancier du vendeur; celui-ci, dès lors, pouvait aliéner valablement, en livrant à un autre, sauf indemnité au premier acheteur; après la tradition, l'acheteur avait un droit réel, mais il l'avait envers et contre tous fergà ovines).
Dans les coutumes françaises, dites de nantissement, qui remplaçaient la tradition réelle par la solennité de la dessaisine-saisine (voy. n° 125), le résultat était le même: avant la formalité, le vendeur restait propriétaire, même vis-à-vis de l'acheteur; mais on ne concevait pas une propriété relative.
Le Code civil, n'exigeant ni la tradition ni la transcription, donnait, évidemment, au seul consentement l'effet de transférer la propriété d'une manière absolue. Rien n'autorise à croire que le rétablissement de la transcription ait produit le singulier résultat d'une propriété relative, d'autant moins que, dans la présentation de la loi de 1855, on a dit plusieurs fois que " tous les principes du Code civil étaient maintenus "et qu'on se bornait à les compléter." Or, ce complément n'est qu'une précaution organisée pour prévenir la fraude ou l'erreur: celui qui ne s'y est pas conformé n'est pas moins acquéreur, mais il doit réparer le dommage que sa négligence a pu causer et surtout il ne doit pas contribuer à causer ce dommage en évinçant le nouvel acquéreur: c'est un principe célèbre de droit civil passé en axiome que " celui qui serait garant d'une éviction doit s'abstenir de l'opérer " (m).
Un dernier argument suffirait, à lui seul, à lever tous les doutes: supposons qu'après une vente non transcrite, un tiers se mette, sans titre, en possession du fonds acheté, ou même l'achète de bonne foi d'un autre que l'ancièn propriétaire et fasse transcrire son titre; personne ne conteste qu'en pareil cas le premier acquéreur puisse, même sans avoir transcrit, évincer le possesseur; la transcription n'est donc pas nécessaire pour devenir propriétaire à l'égard des tiers.
Toute cette explication, dont l'importance justifie les développements, va se trouver encore fortifiée par la disposition de l'article suivant qui existe en France et y peut servir, autant qu'ici, à prouver que ce n'est pas la transcription qui transfère la propriété, mais le seul consentement
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(i) En France, on peut citer comme exceptions: les legs et les baux de moins de dix-huit ans, dispensés de transcription, et les hypothèques légales des mineurs, des interdits et des femmes mariées, dispensées d'inscription. Mais la loi de 1855, art. 3, a le tort de ne pas réserver les ex" ceptions et de paraître ne protéger que " ceux qui ont conservé leurs droits en se conformant aux lois on ne peut pas dire que ceux que les lois dispensaient de toute publicité " se sont conformés aux lois on se conforme à une disposition impérative ou prohibitive, mais non à une dispense de tout devoir.
(j) Le dilemme est un argument à deux faces, à deux tranchants, par lequel l'adversaire doit toujours être vaincu: ici, le premier acquéreur qui a transcrit pourrait employer un dilemme contre le second contractant: il lui dirait " ou vous avez vu que j'ai transcrit mon acquisition, et alors vous avez eu tort de traiter avec l'ancien propriétaire, ou vous n'avez pas vu ma transcription et vous êtes encore en faute, car elle est publique." Ce genre d'argument s'emploie aussi au Japon (ni-ju.taï).
(k) L'art. 1071 appartient à la matière des Donations et des Substitutions; mais, ces actes étant soumis à la transcription, on peut très bien en argumenter pour la transcription des actes onéreux.
(I) L'expression de présomption absolue s'emploie ici par opposition aux présomptions simples; plus loin (n° 215), on parle de droit absolu, par opposition au droit relatif; ces formules peuvent présenter des difficultés de traduction en japonais, comme tout ce qui tient aux idées métaphysiques dont l'expression est toujours très différente dans les langues qui n'ont ni la même origine ni le même génie.
(II) Le Projet n'a pas admis le serment judiciaire au nombre des preuves générales (art. 1372), mais seulement le serment extrajudiciaire, en forme de transaction (art. 1372): le refus de serment extrajudiciaire sera assimilé à l'aveu (v. art. 1378).
(III) La théorie qui précède avait été déjà exposée plus au long, par nous, en 1871, dans la Revue pratique de droit français (Tomes 30 et 31), sous le titre de Essai d'une Explication nouvelle de la théorie de la transcription, à l'occasion de la mauvaise foi.
(m) L'axiome, quoiqu'il ne soit pas des Romains, est formulé en latin; on le connait déjà au Japon: quem de evictione tend actio eumdem agentem repellit exceptio; " celui qui est tenu de la garantie d'éviction, est repoussé par l'exception même de garantie, s'il agit lui-même en revendication" (voy. art. 416).
Art. 371. — 217. La disposition de cet article se trouve dans le Code civil français (art. 941), au sujet des donations entre-vifs qui, on l'a dit, ont été, dès le principe, soumises à la transcription, quand la vente ne l'était pas encore. Le Code italien (art. 1944) la présente également, avec une application générale aux actes gratuits et onéreux. Bien que la loi française de 1855 n'ait pas déclaré l'article 941 applicable aux actes onéreux, on n'a jamais mis en doute qu'il le fût, par identité de motifs.
Lorsque la première cession a été faite à un incapable dûment représenté ou autorisé, c'est au gardien de ses intérêts qu'incombe l'obligation de faire procéder à la transcription; le tuteur la fera faire pour le mineur ou l'interdit, le mari pour la femme; s'il s'agit d'une personne morale ou juridique qui a acquis, comme l'Etat, un département, une commune, un établissement public, une corporation, c'est au fonctionnaire public ou à l'agent qui représente cet être moral à procéder à la mesure conservatoire qui doit préserver l'acquéreur de l'éviction résultant d'une nouvelle cession; les administrateurs nommés par la justice, comme les syndics de faillite, ont le même devoir; il en est de même, enfin, d'un mandataire conventionnel chargé d'acheter un immeuble: il n'aura rempli complètement son mandat que lorsqu'il aura fait faire la transcription; on devrait même appliquer cette disposition aux mandataires conventionnels généraux, qui auraient connaissance qu'une acquisition d'immeuble faite par leur mandant n'a pas encore été transcrite.
Si, avant que la transcription ait été faite par les soins du mandataire légal, judiciaire ou conventionnel, une autre acquisition a été transcrite, la priorité appartient à celle-ci, en principe, et il n'y aura même pas, en faveur des mineurs ou des interdits, un de ces secours extraordinaires qu'on trouve dans les lois, même à l'encontre des tiers de bonne foi; le seul droit qui leur appartienne est un recours en indemnité contre leur tuteur; les mandants n'auront également qu'une action en dommages-intérêts contre leur mandataire négligent.
218. Mais, si c'était le tuteur, le mari, le représentant légal, judiciaire ou conventionnel, qui lui-même eût acquis le bien déjà cédé et eût fait transcrire le nouveau titre, alors, ce ne serait plus d'une indemnité en argent qu'il serait tenu: comme il devrait la réparation aussi complète qu'il peut la donner, il serait privé du droit d'évincer lui-même celui qu'il devait préserver de l'éviction d'autrui (comp. n° 216).
Rien n'est plus juste que cette solution et on voit quelle vive lumière elle jette sur la théorie précédente. Peut-être, cependant, ce représentant était-il de bonne foi au moment où il a acquis et transcrit, peut-être l'acquisition de l'incapable était-elle antérieure à son entrée en fonctions; mais, comme son devoir était de prendre une connaissance exacte des droits dont il avait la garde, sa faute, si légère qu'on la supposerait, suffirait encore à justifier cette sévérité de la loi. Il y aurait encore bonne foi, si le tuteur étant mort avant de faire la transcription pour le mineur, son héritier, ignorant la première cession, avait lui-même acheté le bien et fait transcrire le premier: sa qualité d'héritier le soumettant aux obligations de son auteur, lui enlèverait le droit d'évincer le mineur.
Si, par exception, il se trouvait un cas où le tuteur ou tout autre mandataire fût exempt de toute faute, même de la plus légère, le présent article np. s'appliquerait plus: en effet, la loi se place dans le cas où ces personnes " étaient chargées de faire la transcription," c'est donc qu'elles en avaient le devoir; or, ce devoir n'existait pas si elles n'avaient eu aucun moyen de connaître la première acquisition.
219. Pour le privilége, comme pour l'hypothèque, la décision sera différente, par la raison donnée à la fin de l'explication de l'article précédent: lorsqu'un tuteur ou un mandataire a négligé de prendre inscription d'une hypothèque pour son pupille ou pour son mandant, et a inscrit le premier sa propre hypothèque, on doit décider que la priorité de droit sera acquise à la priorité de date de l'inscription; il y a d'ailleurs des formalités et des procédures, dites de purge et d'ordre, qui seraient troublées et entravées si l'ordre et la priorité des inscriptions pouvaient être contestés par des allégations de faute ou de mauvaise foi chez le tuteur ou le mandataire le premier inscrit. En pareil cas, la faute du tuteur serait réparée par les voies ordinaires ouvertes au pupille; il serait même possible à celui-ci de se faire attribuer directement en justice le profit de la collocation du tuteur.
Art. 372. — 220. On a déjà rencontré plus hau les principales applications des actions qui tendent à détruire des conventions: on sait que la résolution est demandée par une partie pour l'inexécution des obligations de l'autre (n° 22), que la rescision est demandée pour vice de consentement ou pour incapacité (n° 40) enfin, que la révocation a pour but de détruire un acte fait en fraude des créanciers (n° 159). D'autres causes de résolution, de rescision ou de révocation pourront être admises par la loi (n° 704); mais ces applications déjà connues suffiront à l'intelligence des deux présents articles.
L'article 372 présente une distinction capitale qui est négligée par le Code français et par la loi de 1855 qui est à peine indiquée par la Loi belge de 1851 (art. 4) et qui, au contraire, est très nettement établie dans le Code italien (art. 1933-3°). Dans certains cas, les actions dont il s'agit ici ne sont pas tellement favorables qu'elles doivent être données contre des sousacquéreurs, c'est-à-dire contre des ayant-cause qui ont acquis de bonne foi des droits réels du chef de celui dont l'acquisition doit être annulée. Dans d'autres cas c'est le demandeur qui a droit à la préférence. Assurément, il est pénible pour le législateur de ne pouvoir toujours préserver de l'éviction un sous-acquéreur qui, voyant le titre de son auteur régulièrement transcrit en la forme, et ignorant d'ailleurs la cause de nullité de ce titre, ne peut être accusé ni de mauvaise foi ni d'imprudence. Mais le législateur ne. peut non plus sacrifier l'incapable ou celui dont le consentement a été vicié par. violence ou erreur, ni celui à l'égard duquel les conditions d'un contrat synallagmatique n'ont pas été remplies. Il ne reste à la loi qu'un moyen de se rapprocher ici de la justice idéale qu'elle poursuit toujours, c'est de rechercher quel est celui des intéressés qui est le plus digne d'intérêt, et les législations précitées ne se trouvent pas d'accord sur ce point.
221. Le Code français admet bien, en principe, que " celui qui n'a sur un immeuble qu'un droit soumis à une " condition suspensive ou résolutoire ou sujet à resci" sion ne peut consentir que des droits réels soumis aux " mêmes conditions ou à la même rescision" (art. 2125); il applique lui-même expressément le principe à la réduction des donations excédant la portion disponible (art. 929), à la stipulation du droit du retour des choses données (art. 952), à la révocation des donations pour inexécution des charges imposées au donataire (art. 954) ou pour survenance d'enfant (art. 963), à la condition résolutoire expresse ou tacite (art. 1183 et 1184).
Pour ce qui est de la rescision pour vice de consentement ou incapacité, la généralité de ses expressions la laisse sous l'empire du principe général, dont on retrouve encore l'application indirecte dans l'article 1338, 3° al. (n). Enfin, les articles 1664, 1673 et 1681 permettent formellement d'exercer contre les sous-acquéreurs la résolution par l'effet de la clause de réméré (faculté de rachat) et la rescision pour lésion.
Mais le Code français admet aussi des exceptions à la règle que les actions qui tendent à détruire les conventions atteignent les sous-acquéreurs, et ces exceptions confirment la règle, car elles la présupposent l'article 958 défend d'exercer contre les ayant-cause de: l'acquéreur la révocation des donations pour ingratitude; l'article 865 fait, au sujet de l'action en rapport it succession, une distinction entre les sous-acquéreurs, de la propriété et ceux qui n'en ont acquis que des démembrements: les premiers sont respectés, les seconds voient leurs droits s'évanouir; enfin, la loi du 23 mars 1855 (art. 7) restreint, par certaines limites et conditions, les effets contre les tiers de l'action en résolution de la vente faute de payement du prix.
Le Code belge, sur cette matière, ne diffère pas du Code français; mais le Code italien accorde moins largement contre les tiers la résolution, la rescision et la révocation; cependant, le principe est le même que dans, les deux autres Codes; les exceptions y sont seulement plus nombreuses et elles sont formellement écrites dans les articles 1080, 1088, 1235, 1308, 1511, 1553 et 1787, ce qui autorise à croire que l'énumération en est limitative.
222. Le Projet japonais n'a pas de motif dè s'écarter ici du principe général ci-dessus énoncé, et n'ayant pas encore eu à déterminer toutes les exceptions qu'il comporte, il se borne à statuer séparément sur la règle et sur les exceptions réservées.
Une nécessité de rédaction fait commencer l'article 372 'par les exceptions, c'est-à-dire par les cas dans lesquels l'action ne peut atteindre les sous-acquéreurs; tel est, par exemple, le cas de rescision pour dol (ar'. 333, 4e al.). Dans ce cas, il est de l'intérêt du demandeur d'avertir les tiers, au plus tôt, de son intention de faire tomber son aliénation transcrite et de recouvrer son immeuble; il devra donc faire mentionner sa demande en marge de la transcription de l'acte attaqué, et les tiers qui ont traité avec l'acquéreur postérieurement à cet avertissement ne peuvent imputer qu'à leur imprudence l'éviction à laquelle ils se sont exposés.
La sanction de la disposition de la loi est la préférence donné au plus diligent.
223. Si, au contraire, on est dans le cas de la règle, si l'action est de nature à détruire le droit des sousacquéreurs aussi bien que celui du contractant primitif, alors le demandeur n'a pas d'intérêt à les avertir de sa demande: peu lui importe que le nombre de ceux que son action dépouillera augmente jusqu'au jour où il rentrera dans son bien. Mais, la loi pourvoit autant que possible, à l'intérêt des tiers, en obligeant le demandeur à mentionner sa demande en marge de la transcription de l'acte: de cette façon, il ne se présentera pas de nouveaux acquéreurs; plus tard, quand le jugement sera rendu en sa faveur, il devra en faire une pareille mention (o).
Il fallait établir, ici encore, une sanction contre le demandeur négligent. On ne pouvait songer à le déclarer déchu du droit d'évincer les sous-acquéreurs qui auraient traité depuis la demande formée et avant qu'elle fût publiée: il y aurait eu 1\ une grave inconséquence de la loi; il eût été déraisonnable que les droits du demandeur fussent diminués par l'exercice même de son action (p). Il ne restait comme sanction qu'un moyen de procédure qu'on propose d'adopter, d'après la Loi belge (art. 3), c'est de déclarer l'action non recevable tant que la mention prescrite ne sera pas opérée.
Enfin, il fallait une sanction à l'obligation de mentionner le jugement à la suite de la demande. Elle ne pouvait plus être trouvée dans la procédure, puisque celleci est terminée; il ne restait plus guère qu'une amende, c'est la sanction adoptée par deux des législations précitées: l'amende est de 100 francs dans la loi française de 1855 (art. 4), et de 100 à 200 fr. dans le Code italien (art. 1934). La Loi belge a été plus sévère (art. 3): elle soumet le greffier aux dommages-intérêts envers les tiers qui auraient traité avant la publication du jugement; or, les dommages-intérêts peuvent être considérables.
Le Projet a adopté la. sanction d'une amende assez élevée, mais très divisible, 10 à 100 yens, contre la partie qui a obtenu le jugement (q).
224. Il fallait aussi fixer le délai dans lequel la publicité serait donnée au jugement: le délai d'un mois a paru suffisant, à partir du jour où le jugement est devenu inattaquable. Mais comme les jugements peuvent être déclarés exécutoires provisoirement, nonobstant appel ou opposition, comme ils seront peut-être même, comme en France, exécutoires, de droit, nonobstant le pourvoi en cassation, il a paru juste d'en ordonner la publicité avant l'exécution, même provisoire, sous la sanction de la susdite amende (r). En cas de rejet de la demande, la loi veut, pour simplifier la procédure, que le tribunal en ordonne d'office, sans qu'il soit besoin de conclusions spéciales à cet effet, la radiation sur le registre; seulement, cette radiation ne pouvant être définitive que quand le jugement qui a rejeté la demande ne sera plus attaquable, elle ne sera effectuée qu'après l'expiration des délais de recours, ou la confirmation du jugement, s'il y a eu des recours formés. Il en sera de même au cas de péremption de l'instance par l'effet de la discontinuité des poursuites (comp. c. pr. civ. fr., art. 397 et s.).
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(n) L'art. 1338 suppose la confirmation d'un acte annulable, par conséquent, la renonciation à l'action eu rescision; mais il réserve le droit des tiers, c'est-à-dire des ayant-cause auxquels ont été consentis, par le cédant, des droits subordonnés à l'exercice de son action; or, si les droits de ceux-ci doivent être respectés, c'est qu'ils sont, aux y eux de la loi, préférables à ceux de l'acquéreur et de ses ayant-cause.
(o) La loi française de 1855 (art. 4) et le Code italien (art. 1931) n'ordonnent pas de publier la demande, mais seulement le jugement dans les cas où l'action peut dépouiller les sous-acquéreurs. Il eût été préférable de faire publier la demande.
(p) Les Romains avaient un axiome célèbre à ce sujet: "en exerçant nos actions, nous améliorons notre situation, nous ne pouvons l'empirer" (meliorem causam nostram faeimus, actiones exercentes, non deferiorem).
(q) En France et en Italie, l'amende est prononcée contre l'avoué qui a obtenu le jugement; mais, les avoués n'étant pas encore institués au Japon, l'amende y est prononcée contre le demandeur lui-même.
Le yen japonais d'argent vaut un dollar américain, de 4 à 5 francs, suivant le cours.
(r) Au sujet de l'exécution d'un jugement objet d'un pourvoi en cassation, on pourrait, au Japon, adopter un terme moyen: ce serait de déclarer le jugement exécutoire jusqu'à ce qu'il y ait eu admission provisoire du pourvoi, après un examen préliminaire (en l'absence de Chambre des requêtes), ce qui constituerait alors une présomption favorable du bien fondé du pourvoi.
Art. 373. — 225. Cet article prévoit un cas qui aurait pu être une occasion de fraude entre les parties contre les sous-acquéreurs: elles auraient pu, sans le contrôle de la justice et par une convention amiable, ou par un acquiescement du défendeur sur les premières poursuites, opérer la destruction de la convention première, en la qualifiant de résolution, de rescision ou de révocation, sans pourtant se trouver dans l'un des cas où ces actions sont admises; il en serait résulté pour les sous-acquéreurs la perte de droits valablement acquis. La loi prévient cette fraude, cette collusion, en considérant toute pareille convention comme une rétrocession, comme une translation inverse de la propriété ou du droit réel précédemment cédé. La conséquence en est que les droits des sous-acquéreurs seront maintenus (bien entendu, en les supposant publiés eux-mêmes), et cela, "dans tous les cas," c'est-à-dire sans distinguer si la prétendue cause de résolution ou de rescision était de nature, ou non, à prévaloir contre les sous-acquéreurs.
La sanction de cette disposition est suffisamment indiquée au texte, c'est celle de l'article 370: tant que la transcription n'est pas faite, les droits concédés par le premier acquéreur et dûment publiés sont opposables à celui qui a obtenu la rétrocession.
L'obligation finale imposée au conservateur n'a pas de sanction pénale, parée que l'inobservation en sera rare sans doute et ne causerait pas un préjudice sérieux aux intéressés qui sont surtout avertis par la nouvelle transcription.
Art. 374. — 226. Le Projet a réservé à un Règlement spécial les règles à suivre par les conservateurs pour la tenue des registres et la détermination des pièces à fournir par celui qui requiert une transcription ou une inscription (s). Mais quelques précautions que puisse prendre la loi pour éviter les erreurs ou les fraudes, il pourra toujours arriver qu'une transcription soit indûment faite sur les registres ou qu'une mention soit mal à propos mise ou maintenue en marge de la transcription d'un acte. Dans le premier cas, la transcription nuit à celui qui prétend avoir un droit incompatible avec le titre transcrit: par exemple, au propriétaire qui nierait avoir vendu à celui qui a fait transcrire une vente. Dans le second cas, c'est à celui qui a fait la transcription que la mention est nuisible: par exemple, si quelqu'un a fait mentionner une demande en nullité ou rescision d'un acte transcrit et n'en porte pas la demande au tribunal, ce qui est l'inverse d'une demande qui serait portée au tribunal sans avoir été préalablement mentionnée sur le registre. Dans ces cas, il y a lieu à radiation (du latin radere, rayer).
Les transcriptions ou mentions pourraient aussi, sans être entièrement mal fondées, contenir des inexactitudes ou des omissions plus ou moins graves: par exemple, il aurait été porté dans la transcription d'une vente que le prix est encore dû, lorsqu'il est déjà payé en tout ou en partie, ce qui nuit au crédit de l'acheteur, tant par le privilége réservé au vendeur que par son droit de résolution; ou bien, il aurait été omis, à tort, de mentionner que le prix est encore dû ou que telle autre charge incombe à l'acheteur, ce qui nuit au vendeur, par la raison inverse, en l'exposant à se voir contester ses deux droits précités. C'est le cas de la rectification.
Il y aurait pour les intéressés un grave préjudice à laisser planer ainsi l'incertitude sur l'existence, la nature ou l'étendue de leurs droits: la loi leur donne une action en justice pour faire radier ou rectifier les transcriptions ou mentions indues ou inexactes (1er alinéa).
227. Mais, pour que les ayant-cause qui traitent avec les intéressés, sur le vu des transcriptions, ne soient pas exposés à des déceptions, la loi veut que les demandes et jugements de radiations ou de recti. fications soient eux-mêmes publiés (2e alinéa), et, pour ne pas reproduire les distinctions déjà faites au sujet des sanctions encourues par les contrevenants, elle se borne à renvoyer à l'article 372.
Ainsi, si la vente transcrite était nulle, comme n'émanant pas du vrai propriétaire, celui-ci n'encourrait que l'amende, pour avoir négligé de faire mentionner sa demande en marge de la transcription de cette vente: il serait impossible, en effet, de l'obliger à respecter les actes passés et transcrits par les ayant-cause du prétendu acquéreur. Au contraire, il aurait ce devoir si, la vente émanant bien de lui, la transcription avait présenté les inexactitudes ou omissions citées plus haut et concernant le prix et les charges de la vente: les ayant-cause de l'acheteur seraient fondés à croire la transcription exacte, tant que la demande en rectification ne leur aurait pas été annoncée; les transcriptions ou inscriptions par eux faites dans l'intervalle seraient maintenues, avec leur effet et leur rang.
228. La loi n'avait pas ici les mêmes raisons de suspecter les conventions amiables que lorsqu'il s'est agi de la résolution ou de la rescision volontaire d'actes transcrits; elle permet donc (3e al.) les radiations ou rectifications volontaires consenties par les intéressés, s'ils sont capables de disposer du droit immobilier dont il s'agit. Le remède à la fraude se trouve d'ailleurs dans le dernier alinéa auquel nous arrivons.
229. L'autorité de la chose jugée est une présomtion de vérité qui n'admet aucune preuve contraire, quand toutes les voies de recours ont été épuisées; mais ce n'est pas une vérité absolue, reconnue envers et contre tous (ergà omnes), c'est une vérité relative aux parties seulement qui ont figuré dans l'instance et à leurs ayant-cause (voy. c. civ. fr., art. 1351; Proj., art. 1414){t).
On aurait pu croire que lorsqu'un jugement a ordonné contre un acquéreur la radiation ou la rectification d'une transcription, il aurait effet également contre ceux de ses ayant-cause qui ont transcrit ou inscrit des droits qu'ils tiennent de lui; mais la loi prévient cette erreur qui a été souvent commise en France: ceux qui ont acquis des droits réels sur l'immeuble et les ont régulièrement publiés ne peuvent en être dépouillés par jugement sans avoir été appelés à les soutenir. Tel est l'objet du 4e alinéa. Il est d'ailleurs facile au demandeur de les mettre en cause, puisque la transcription ou l'inscription qu'ils ont effectuée les fait suffisamment connaître.
Le principe est identique pour les conventions amiables qui auraient le même objet: on sait, en effet, que les conventions ne peuvent nuire aux tiers (art. 365). Il y a toutefois une différence grave entre les jugements et les conventions, c'est que, pour donner effet à ces dernières, il faut une adhésion entière des intéressés, tandis que, pour les jugements, il suffit que les intéressés aient été mis en cause et appelés à contredire à la demande.
230. On fait remarquer, en terminant, que les radiations et rectifications pourraient être elles-mêmes contestées après avoir été effectuées, aussi bien quand elles ont été ordonnées en justice que quand elles ont été consenties à l'amiable. Lors même qu'on n'admettrait pas sans réserve, au Code de Procédure civile, le système français d'après lequel le pourvoi en cassation n'empêche pas l'exécution du jugement, il y aurait encore la tierce-opposition et la requête civile, en vertu desquelles la radiation ou rectification déjà effectuées sur le registre pourraient être elles-mêmes radiées ou rectifiées, par suite de la réformation ultérieure du jugement (voy. c. pr. civ. fr., art. 478 et 497).
Il en serait de même d'une radiation ou rectification conventionnelle qui aurait été viciée par erreur, violence ou incapacité. Ce sont là, heureusement, des complications rares.
Mais, pour que les erreurs restent toujours réparables, les radiations et rectifications ne consistent jamais dans une oblitération, dans une altération matérielle qui rendraient illisibles les transcriptions ou mentions: c'est toujours une aùtre mention faite à la suite ou en marge de la première, indiquant la modification apportée, la nature de l'acte (jugement ou convention) qui la justifie, la date, etc.; de cette façon, il est toujours possible de revenir à l'ancienne situation, s'il était établi qu'elle a été indûment modi-fi
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(s) Toute cette partie du Projet sur la Transcription est étrangère aux Privilèges et Hypothèques, ainsi qu'il est dit au dernier alinéa de l'article 368; mais les détails de forme en seront, à beaucoup d'égards, communs aux Inscriptions des garanties réelles.
(t) La règle et ses limites sont consacrées en deux célèbres formules latines: Res judicatapro veritate kabetur (ou accipitur), "la chose jugée est tenue (ou reçue) pour la vérité; " Res inter alios judicata, aliis neque nocet neque prodest, " la chose jugée entre les uns ne nuit ni ne profite aux autres (comp. n° 168, note a)."
Art. 375. — 231. Les intéressés qui requièrent une insertion sur les registres de transcriptions fournissent au conservateur les pièces nécessaires et justificatives, mais ils n'assistent pas à l'opération de la copie, ils ne peuvent en vérifier l'exactitude; ce n'est souvent que très tardivement que celle-ci leur est révélée, à l'occasion d'un autre acte donnant lieu à la demande d'un certificat des transcriptions et inscriptions. La faute du conservateur peut aussi avoir consisté dans la délivrance d'un certificat inexact, ou incomplet de l'état des transcriptions, inscriptions ou mentions diverses portées sur les registres. Il est clair que, dans ces deux cas, la responsabilité du conservateur est encourue, car il a, par sa faute, causé un dommage qui peut être très considérable.
232. Mais il faut ici déterminer avec soin envers qui le conservateur est responsable. Le texte se borne à indiquer, d'une façon générale, " les parties requérantes ou intéressées " comme ayant droit à la réparation du dommage Quelques exemples d'applications sont nécessaires.
Un acheteur a remis au conservateur un acte de vente pour être transcrit et il en a tiré un récépissé; la transcription n'a pas été faite ou elle l'a été tardivement; dans l'intervalle, une autre vente ou une constitution d'hypothèque, émanée du même vendeur, a été présentée à la transcription ou à l'inscription et elle prime le premier acheteur: s'il y a eu bonne foi de celui qui a obtenu la première transcription ou inscription (voy. art. 370), le dommage retombe sur le premier acquéreur et c'est lui qui actionnera le conservateur; car il pouvait s'assurer si la transcription avait été faite et le second acquéreur ne pouvait découvrir qu'elle ne l'avait pas été.
Si la transcription a été faite, mais inexactement, et qu'il ait été omis d'y mentionner que tout ou partie du prix est encore dû, et que l'acheteur ait revendu ou hypothéqué à des ayant-cause qui ont, de bonne foi, fait faire la transcription ou l'inscription, alors c'est le vendeur qui en souffre, en ce sens que son privilége et son droit de résolution sont perdus; car c'est lui qui est en faute, c'est donc envers lui que le conservateur est responsable.
Si une demande en résolution, en rescision ou en révocation a été formée contre un acte transcrit et que le conservateur, dûment requis, ne l'ait pas mentionnée en marge de l'acte transcrit, on doit se reporter à la distinction faite par l'article 372 pour savoir quelle est la partie qui souffrira de l'omission et recourra contre le conservateur: si la demande était nécessaire pour arrêter les transcriptions ou inscriptions opposables au demandeur, c'est celui-ci qui souffrirait de la faute du conservateur, si, dans l'intervalle, entre sa réquisition et la découverte de la faute, de nouvelles transcriptions ou inscriptions avaient eu lieu, car elles lui seraient opposables; dans le cas inverse, où la demande serait opposable aux ayant-cause du défendeur, quoiqu'ils ne l'eussent pas connue, ce sont ceux-ci qui souffriraient de la faute du conservateur.
La loi suppose aussi que les omissions ou inexactitudes du conservateur peuvent porter sur les certificats destinés à faire connaître les actes et mentions portés aux registres. Ici, le préjudice atteint toujours les requérants, car ceux qui ont une fois acquis le bénéfice des transcriptions ou mentions exactes, effectivement portées sur les registres, ne peuvent le perdre par la négligence du conservateur; ce sont donc les requérants qui auront action contre ce dernier.
SOMMAIRE.
Art. 376 à 380. -233. Pourquoi ces cinq articles sont réunis dans un seul commentaire. -234. Règle principale: recherche de l'intention des parties. - 235. Di verses sens d'une même expression, en différents lieux. -236. Expressions équivoques. -237. Interprétation des clauses les unes par les autres. -238. Il faut donner, autant que possible, un effet utile à chaque clause. -239. Limitation des termes trop généraux. -240. L'expression d'un cas d'application n'exclut pas les cas non exprimés. -241. Doute invincible: décision en faveur du débiteur. -242. Application de la règle au cas de contrat synallagmatique. --242 bis. Interprétation des Lois: analogie.
COMMENTAIRE.
Art. 376 à 380. -233. On réunit ici tous les articles de cette courte Section, à raison même de la disposition de l'un d'eux (art. 378) qui veut que " toutes les clauses de la convention s'interprètent les unes par les autres." Il en est de même de ces diverses dispositions de la loi: elles forment une série de conseils aux tribunaux, pour les aider à trouver l'intention des parties et le sens des conventions; il est donc préférable de les embrasser dans leur ensemble.
Cette section correspond aux articles 1156 à 1164 du Code français. On a cherché toutefois à y mettre un ordre plus logique et plus de précision dans la rédaction, ce qu'avait déjà tenté le Code italien (art. 1131 à 1139).
234. La première disposition est la plus importante: elle forme un principe général dont les autres ne sont que l'application; elle indique le but principal que les tribunaux doivent chercher à atteindre et les autres ne sont que les moyens d'y arriver.
Puisque, dans les conventions, c'est la volonté des parties qui fait loi, il est clair que c'est cette volonté qui, avant tout, doit être recherchée. Sans doute, c'est dans les expressions qu'elles ont employées qu'on trouvera, le plus souvent, cette volonté même; mais, outre que toutes les langues ont leurs imperfections, il arrive souvent aussi que les contractants en connaissent mal les ressources et parlent ou écrivent la leur incorrectement ou négligemment. De là, cette première règle "qu'il ne faut pas s'attacher exclusivement au sens littéral des termes employés par les parties " (art. 376) (a).
235. Au Japon, comme ailleurs, les mêmes mots n'ont pas toujours le même sens, en tous lieux: des habitudes locales différentes se forment sous l'influence de circonstances particulières et se conservent ensuite de génération en génération: le législateur peut bien établir, par voie d'autorité, l'uniformité des poids et mesures, des monnaies et de la législation même, mais il sortirait de son domaine, s'il voulait réglementer la langue, et il y échouerait presque toujours. Ce qu'il peut seulement, c'est établir des présomptions du sens que les parties ont attaché aux mots, et encore, ce ne doivent être que des présomptions simples, susceptibles d'être combattues par des preuves contraires. Les dispositions des articles 376 à 379 ont ce caractère de présomptions simples.
Pour ce qui concerne les expressions locales, le Projet (art. 377, 1er al.) s'écarte des Codes français et italien qui ne s'attachent qu'à l'usage du lieu où le contrat a été passé: il semble, au contraire, que la raison veuille que l'on s'attache d'abord au lieu où les deux parties ont leur domicile; car, si elles ont traité ailleurs, par exemple, en voyage, il est naturel de croire qu'elles ont parlé le langage qui leur est habituel et non celui d'une localité où elles ne se trouvent qu'accidentellement.
Mais la loi a dû prévoir le cas où les parties ne seraient pas domiciliées au même lieu; dans ce cas, il n'eût pas été déraisonnable peut-être de donner la préférence au sens reçu dans le lieu où le débiteur est domicilié; mais il y avait à craindre que le créancier ne fût privé de tout moyen de contrôle sur le sens de ce langage; tandis qu'en adoptant ici le sens usité dans le lieu du contrat, la loi suppose que le créancier a pu se le faire expliquer et certifier. Il fallait aussi prévoir le cas où les deux parties, n'ayant pas le même domicile, ont traité par correspondance: dans ce cas, il n'y a plus de lieu du contrat; suivre le sens du domicile de chaque débiteur pour ses obligations, serait toujours exposer le créancier à des méprises; il paraît préférable, dans ce cas, de suivre, pour chaque débiteur, le sens admis au lien où il doit exécuter: le créancier, en acceptant un lieu spécial pour l'exécution, a dû s'enquérir des usages de ce lieu, s'il ne les connaissait déjà (1).
236. Le 2e alinéa de l'article 377 veut encore que l'on cherche dans la nature et l'objet de la convention le sens d'une expression équivoque; cette règle recevra fréquemment son application aux mots jouissance et usage qui diffèrent plus ou moins de portée ou d'étendue, suivant qu'il s'agit de droits d'usufruit, d'usage, de louage, d'emphytéose, de superficie ou de servitudes.
237. L'article 378 ne s'occupe plus seulement d'une expression, d'un terme de la convention, mais d'une claitse, c'est-à-dire d'une des stipulations dont l'ensemble forme la convention. Il ne serait pas raisonnable d'interpréter chaque clause séparément des autres: le plus souvent, elles ne sont détachées que par des nécessités de rédaction; mais, pour les parties, elles forment un ensemble indivisible, en raison et en équité; il est bien rare que les unes soient complètement indépendantes des autres dans l'intention des parties; elles sont plutôt liées par le rapport de cause à effet; l'une n'existerait pas si l'autre n'avait pas été admise; la portée et l'étendue de l'une a dû être mesurée sur la portée et l'étendue de l'autre, et il ne serait même pas raisonnable de considérer comme les plus importantes celles qui occupent la priorité dans l'ordre des énonciations.
238. Le 2e alinéa de l'article 378 parait inutile, au premier abord, lorsqu'il dit qu'on doit interpréter une clause de la manière qui lui donne un effet, plutôt que de celle qui ne lui en donne aucun (2). Cependant, cette disposition se trouve dans toutes les législations qui ont réglé l'interprétation des conventions et elle reçoit souvent son application dans la pratique: par exemple, le débiteur alléguera qu'une clause n'est qu'une répétition d'une disposition de la loi et qu'elle a été insérée, soit par inadvertance, soit pour plus de clarté; il cherche ainsi à se soustraire à l'une de ses obligations; mais les tribunaux ne devront pas admettre facilement que les parties aient commis cette négligence de répéter la disposition de la loi. On peut citer, en ce sens, le cas d'une vente de créance "avec garantie:" si on entendait ici que le vendeur ne serait garant que de Vexistence de la créance et de sa qualité de créancier, la clause serait inutile, car cette garantie est déjà imposée par la loi: elle est de droit (c. civ. fr., art. 1693; Proj., art. 705); on devra donc présumer que le vendeur a entendu garantir, en outre, la solvabilité du cédé, laquelle garantie" n'est due que si le vendeur s'y est engagé" (c. f1'., art. 1694; Proj., ibid).
La présente règle d'interprétation est cependant tempérée par l'article suivant, 2e alinéa (v. n° 240, in fine).
239. Souvent, les parties, pour déterminer les effets de la convention ou les objets qu'elle embrasse, emploient des expressions très larges, très générales, qui, prises à la lettre, dépasseraient leur pensée; la loi veut que la plus grande extension de ces expressions ne soit pas portée au-delà des objets que les parties ont entendu comprendre dans leur convention ou des effets qu'elles ont vraisemblablement voulu lui faire produire (art. 379). Ainsi, dans la vente d'une maison " avec tous les meubles ou tous les objets mobiliers qui s'y trouvent," le vendeur ne serait pas présumé avoir entendu comprendre: son argent comptant, ses titres de créances 'ou d'autres droits, ses vêtements, bijoux, manuscrits, documents, instruments professionnels, portraits de famille, et, généralement, les objets d'utilité ou d'affection personnelle (comp. c. civ. fr., art. 533).
240. En sens inverse, il ne faudrait pas trop restreindre les effets de la convention, parce que les parties auraient prévu et réglé un ou plusieurs d'entre eux: l'énoncé d'un ou plusieurs effets peut avoir paru nécessaire pour plus de précision, ou pour quelque particularité qu'on a voulu y apporter; mais ce n'est pas une raison suffisante de croire que les parties aient voulu supprimer ou exclure les autres effets légaux du contrat (b). Ainsi, dans le contrat de bail d'une maison, le bailleur a expressément promis de mettre les locaux Joués en bon état de réparations " pour l'époque de l'entrée en jouissancecela ne le dispensera pas de faire les réparations d'entretien, au cours du bail; de même, dans un louage ou dans une vente, on a prévu et réglé la résolution du contrat, faute de payement du prix par le preneur ou par l'acheteur; ce n'est pas une raison suffisante de croire que l'on ait entendu supprimer les autres causes de résolution, faute par la même partie de remplir ses autres obligations ou, faute par l'autre partie, de remplir les siennes.
Cette décision constitue une exception à l'article 378, 28 alinéa, sans qu'on l'ait peut-être assez remarquée, même dans le Code français où les deux règles se trouvent également: en effet, ici, on préfère l'interprétation qui ne donne aucun effet utile à une clause, plutôt que de lui donner un effet exagéré.
241. La loi prévoit enfin que, malgré les indications qu'elle vient de donner et malgré la perspicacité des juges, ceux-ci pourraient conserver des doutes sur l'intention des parties. Ce doute peut d'ailleurs exister, soit au sujet d'un ou plusieurs points particuliers de la convention, soit sur sa nature propre, soit enfin sur son existence même; dans ces deux derniers cas, ce n'est plus une question d'interprétation, mais une question de preuve ordinaire des droits. Au reste, la règle est la même dans tous les cas et elle doit être généralisée.
Le principe qui domine toute la matière des preuves à faire en justice est que "la charge de la preuve incombe à celui qui allègue un fait pour en tirer avantage" (v. art. 1314); la conséquence en est que celui qui ne parvient pas à fournir une preuve complète de sa prétention doit succomber (art. 1315). En effet, les particuliers ne sont liés les uns envers les autres que par exception (n° 90), il faut donc que le prétendu créancier prouve qu'il est dans le cas exceptionnel; les obligations, une fois prouvées quant à leur existence, sont encore présumées le moins étendues possible; il faut donc encore que le créancier prouve jusqu'où va son droit.
Mais, l'existence et l'étendue de l'obligation une fois prouvées, c'est au débiteur à prouver sa libération et sa libération entière, s'il l'allègue.
Le Projet n'a pas encore à envisager la question de preuve d'une façon aussi générale: il ne s'agit ici que de la preuve du sens et de la portée de la convention, parce qu'il n'y a qu'une difficulté à!interprétation; mais le principe général est déjà appliqué: le stipulant souffrira de n'avoir pu lever les doutes résultant de l'obscurité de la convention; les effets de la convention se- ront bornés à ceux qui ont été pleinement prouvés contre le promettant.
242. Une difficulté pouvait s'élever au sujet des contrats synallagmatiques, où chaque partie est à la fois stipulant et promettant. Le, Projet la tranche, en faisant remarquer que la règle reçoit son application " dans chaque clause séparément." En effet, le contrat synallagmatique est une réunion de clauses où chaque partie joue alternativement le rôle de créancière et de débitrice: il y a, en quelque sorte, deux contrats unilatéraux juxta-posés; par exemple, le 'vendeur ou le bailleur confère un droit réel et s'engage à livrer et à garantir de tout trouble ou éviction; de son côté, l'acheteur ou le preneur s'engage à payer un prix unique ou périodique. Si donc il y a obscurité sur les obligations contractées par le vendeur ou par le bailleur, l'interprétation se fera en leur faveur, contre l'acheteur pu le preneur; s'il y a, au contraire, obscurité sur les obligations de l'acheteur ou du preneur, l'interprétation se fera contre le vendeur ou le bailleur, c'est-àdire, dans tous les cas, contre le stipulant et en faveur du promettant (c).
242. bis. Les règles ici posées pour l'interprétation des conventions devront être rendues applicables à l'interprétation de la Loi elle-même: il sera bon de le dire dans les Dispositions générales du Code, au Livre Ier. La seule différence sera dans le cas de doute, lequel ne se résoudra pas nécessairement contre le demandeur, mais sera éclairci par les précédents historiques et par l'équité et la raison naturelle.
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(a) Les présentes règles d'interprétation s'appliqueront surtout aux conventions écrites; mais elles s'appliqueraient aussi aux conventions verbales dont les termes principaux seraient reconnus par les parties ou prouvés par témoins.
(1) Cette dernière disposition est nouvelle dans le Projet.
(2) Le Texte officiel a supprimé cet alinéa.
(b) On a déjà cité souvent des axiomes latins à l'appui des solutions proposées. Ici, il y a, au contraire, un axiome à rejeter et universellement reconnu dangereux: qui dicil de uno negat de allero: " celui qu1 affirme, qui acquiesce, pour un cas) nie, conteste, pour les autres cas."
(c) Par une exception difficile à justifier, le Code français veut que " tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur " (art. 1602). Le Code italien n'a pas reproduit cette anomalie et le Projet japonais ne la reproduira pas davantage; les exemples donnés ci-dessus le présupposent: on ne doit pas, en effet, sans de puissantes raisons, admettre d'exceptions au droit commun, surtout à un principe aussi considérable que celui qui domine les preuves, tel qu'il est énoncé plus haut.
SOMMAIRE.
Art. 381. — N° 243. IIe Source d'obligations: inconvénient de l'expression usitée de quasi-contrat; insuffisance de la définition qu'en donnent les Codes français et italien. -244. L'enrichissement indû est ici la vraie source de l'obligation de restituer; action personnelle en répétition et action réelle en revendication. - 245. Cas principaux d'enrichissement. -246 et 247. Différence, quant à la cause ou source, entre l'obligation de l'héritier aux dettes du défunt et celle d'acquitter les legs. -248 et 249. Enrichissement par l'accession et par la perception des fruits.
382 et 383. -250. Gestion d'affaires; sa comparaison avec le mandat. -251. Ses applications ordinaires. -252 et 253. Extension qu'elle reçoit dans le Projet. -254. Qaatre obligations du gérant. -255. Deux obligations du maître. —^ -256. Intérêts des déboursés du gérant: application du principe de l'enrichissement. -257. Moment auquel s'apprécie l'enrichissement.
384, 385 et 386. -258 et 259. Payement ou réception de l'indu; deux premiers cas: la" répétition a lien, sans distinguer s'il y a eu ou non erreur de l'une ou de l'autre partie. -260. 3e cas: distinction de quel côté est l'erreur; suppression du titre. -261. Questions au sujet des preuves. -262. 46 cas: droit de rétention suspendant la répétition. -263. Refus de répétition dans trois cas de payement irrégulier: indemnité.
387. -264. Autres prestations indues ou sans cause, sur cause fausse, honteuse, injuste, défaillie ou finie. —265.' Cause illicite des deux côtés ou d'un seul.
388 et 389. -266 et 267. Différence entre la bonne et la mauvaise foi chez celui qui a reçu. -268 et 269. Aliénation de la chose reçue en payement: concours de l'action réelle en revendication et. de l'action personnelle en répétition.
COMMENTAIRE.
Art. 381. — 243. La loi arrive à la seconde cause ou source des obligations et des droits personnels ou de créance, annoncée dans l'article 316. On a déjà expliqué (n° 15) comment l'expression de quasi-contrats a été adoptée en Europe pour désigner cette cause d'obligations et pourquoi, sans la rejeter tout à fait, le Projet lui préfère celle d'enrichissement(wcM. Il serait d'ailleurs bien difficile de donner une bonne définition du quasi-contrat sans y faire entrer l'idée essentielle d'enrichissement indu ou' sans cause, et c'est pour ne l'avoir pas fait que le Code français (art. 1371) et le Code italien (art. 1140) n'ont donné du quasi-contrat aucune idée précise: l'un l'appelle " un fait purement volontaire de l'homme," l'autre, " un fait volontaire et licite; " mais, tous les jours et à tout instant, l'homme accomplit des faits volontaires et licites qui ne sont ni des contrats, ni des quasi-contrats, et qui n'engendrent pas d'obligations; il manque donc à cette définition un élément essentiel générateur de l'obligation; or, c'est l'enrichissement indû, et c'est uniquement à lui que s'attache le présent article pour caractériser cette seconde source d'obligations. La loi arrive ainsi à une formule aussi large que celle qui définira bientôt "les dommages injustes" ou délits et quasi-délits, et qui se rapprochera beaucoup du célèbre article 1382 du Code français (a).
Il faut reconnaître d'ailleurs, et la suite le confirmera bientôt, que, très souvent, les diverses sources d'obligations se réunissent et se combinent dans des faits complexes: l'enrichissement indu avec le dommage injuste et l'un ou l'autre avec le contrat (v. n° 254).
244. On remarquera, sur le premier alinéa, que la loi ne distingue pas si celui qui se trouve enrichi du bien d'autrui l'est devenu par un fait volontaire ou involontaire, ni s'il l'est devenu par erreur ou sciemment: sa bonne ou sa mauvaise foi pourra influer sur l' étendue de l'obligation, mais non sur le principe de son existence; il suffit, pour constituer la présente source d'obligation, que le fait d'enrichissement, volontaire ou involontaire, n'ait pas le caractère d'un délit ou d'un quasi-délit, d'un dommage injuste, tel qu'on le déterminera à la Section suivante.
L'obligation qui naît de l'enrichissement indû est de rendre le profit ainsi obtenu; mais la loi la présente sous une forme un peu différente: l'obligation de satisfaire " à la répétition," à la réclamation de la partie qui a souffert la perte; la loi introduit ainsi et adopte un mot tout à fait consacré depuis les Romains (b); c'est encore par souvenir des Romains, et par égard pour une expression conservée d'eux, qu'au lieu de parler "du profit " elle parle Il de ce qui a tourné au profit " (c); il y a d'ailleurs une bonne raison d'adopter cette expression, c'est qu'elle comprend non seulement le profit direct mais encore le profit indirect; par exemple, celui qui a reçu des denrées qui ne lui étaient pas dues les a consommées utilement et s'est ainsi épargné une dépense qu'il eût dû, sans cela, faire de ses propres deniers: " il est enrichi d'autant qu'il a moins dépensé" (d); ou Lien, il les a vendues et il est enrichi du prix qu'il en a tiré; réciproquement, si quelqu'un, ayant reçu de l'argent qui ne lui était pas dû, a einployé cet argent en achat de choses qui lui restent ou qu'il a utilement consommées, il est enrichi d'autant.
Notons, en passant, que l'enrichissement indû, au lieu de fonder une action personnelle en répétition, pourrait fonder une action réelle en revendication; c'est le cas où les choses indûment reçues se trouveraient encore en nature dans la possession de celui qui les a reçues: la propriété ne se transfère pas plus sans cause légitime que ne s'acquiert sans cause un droit de créance.
245. Le présent article ne se borne pas à poser le principe de cette seconde cause d'obligation, il en donne les " applications principales," ce qui prouve, en même temps, qu'elles ne sont qu'énonciatives et non limitatives. Il a paru nécessaire de donner ces applications; d'abord, parce que les deux premières, la gestion d'affaires et la réception de choses indues, sont traitées dans toutes les législations avec certains développements et les demandent encore davantage au Japon, comme y étant moins connues; ensuite, parce que les législations étrangères, n'ayant traité que de ces deux quasi-contrats, ont semblé méconnaître qu'il y en ait d'autres; ce n'est que par de simples allusions et d'une façon éparse qu'on trouve dans le Code français l'obligation de rendre les enrichissements indus (e); enfin, la loi devait annoncer d'avance les divers cas d'enrichissement, dès qu'elle se proposait de donner à quelquesuns les développements nécessaires. Les cas prévus aux trois derniers alinéas, appartenant à des matières spéciales, s'y trouveront naturellement réglés; il suffira d'en donner ici une idée sommaire.
246. Celui qui est appelé à recueillir une succession, soit légitime soit testamentaire, n'a pas seulement le droit d'en recueillir les biens, il a aussi l'obligation d'en acquitter les charges. Parmi ces charges se trouveront les dettes personnelles du défunt et les legs particuliers qu'il a pu laisser à des tiers. L'héritier ou le légataire universel est tenu des dettes du défunt au même titre que son auteur: les créanciers, une fois la qualité d'héritier fixée sur sa tête, ne le poursuivront pas en vertu de son enrichissement considéré comme cause nouvelle d'obligation, mais en vertu des contrats du défunt; l'enrichissement de l'héritier pourrait, tout au plus, indiquer la limite dans laquelle il serait poursuivi, s'il avait d'ailleurs eu soin de faire un inventaire fidèle et exact des biens de la succession; on peut dire, enfin, que " l'héritier ne reçoit les " biens que déduction faite des dettes, lesquelles dirriinuent de plein droit l'hérédité " (f).
247. Mais pour les legs et autres charges mises par le testateur à la charge de celui qui reçoit l'universalité de ses biens, il n'est plus possible de dire que celui ci les doit au même titre que le défunt, puisque le défunt ne les a jamais dus: le successeur universel les doit en vertu de son acceptation de la succession; c'est bien ce "fait volontaire" dont le Code français se contente, en général, pour qu'il y ait quasi-contrat, et il est surprenant qu'il ait omis de mentionner ici ce cas que les Romains n'avaient pas négligé; mais il faut dans ce cas, encore, donner la prééminence à l'enrichissement, car le successeur n'est tenu des legs que dans la mesure de ce qui reste de biens héréditaires après le payement des dettes.
C'est tellement l'enrichissement qui est le principe de cette obligation, plus encore que l'acceptation de la succession, que si l'on conserve au Japon le système d'après lequel les enfants ne peuvent refuser la succession paternelle, (ce qui peut les faire nommer héritiers nécessaires comme chez les Romains), ils n'en seront pas moins tenus d'acquitter les legs, jusqu'à concurrence d'une quotité qui sera dite disponible: ils ne seront donc pas tenus envers les légataires par un fait volontaire de leur part, mais par leur enrichissement. Jusqu'ici, le testament n'étant guère pratiqué au Japoni la question ne s'est pas encore présentée.
248. Il a déjà été fait mention, incidemment, de l'accession, moyen d'acquérir la propriété par la réunion d'une chose secondaire à une chose principale, lorsque la séparation est impossible en fait ou défendue par la loi; ce n'est pas encore ici qu'il en doit être traité; c'est au Livre lIre (ire Partie, Ullap. 2) qu'on en trouvera les principales applications en même temps que la,iu,-,ti 'fie,ttion. Il suffit de noter ici que le propriétaire de la chose principale ne profite de l'adjonction de la chose d'autrui ou du travail d'autrui qui a transformé la valeur de la chose principale qu'à la charge de payer la valeur dont il profite.
249. Lorsqu'un immeuble n'est pas en la possession du propriétaire, le possesseur actuel n'a pas toujours droit aux fruits et produits. Ainsi, le possesseur de mauvaise foi n'acquiert pas les fruits et produits périodiques; le possesseur, même de bonne foi, cesse de les acquérir dès que la revendication est' intentée (voy. art. 206, 4e al.); en outre, certains produits n'ont pas le caractère de fruits et sont considérés comme des parties dé la chose, tels que les arbres de futaie et les produits des mines et carrières non ouvertes. Dans tous ces cas, le possesseur est tenu de rendre ce qu'il a perçu, lorsqu'il ne pouvait légalement l'acquérir: le principe de cette obligation est encore l'enrichissement indû; toutefois, il pourra, dans le cas de possession de mauvaise foi, se combiner avec le principe qui oblige à réparer les dommages causés injustement; ainsi, le possesseur de mauvaise foi doit rendre non seulement les fruits par lui perçus, mais encore ceux qu'il a négligé de percevoir (voy. art. 207 et 388).
De son côté, le vrai propriétaire, ne devant pas s'enrichir au détriment du possesseur, devra rembourser, directement ou par déduction sur ce qui lui est dû, les frais de culture et de récolte et toutes les dépenses nécessaires ou utiles faites par le possesseur (voy. art. 208).
S'il s'agissait d'un meuble, il pourrait arriver que le possesseur de bonne foi l'eût vendu, et cela, dans un cas où il n'était pas devenu propriétaire par le seul fait de la possession: par exemple, si la chose avait été originairement volée; dans ce cas, si la chose ne peut être retrouvée dans les mains du nouveau possesseur, celui qui l'a vendue est tenu jusqu'à concurrence du prix qu'il en a tiré, parce que c'est un enrichissement qu'il ne peut légitimement garder (comp. art. 389 et 1483 bis).
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(a) La formule de l'article 381 rappelle une maxime célèbre du droit romain: " en droit naturel, il est juste que personne ne s'enrichisse au " préjudice d'autrui et sans droit (jure naturœ œquum est neminem cum " alteriwJ detrimento et injuria fieri locupletiorem)."
(b) Dn latin repetere, " redemander."
(c) C'est la traduction littérale du latin consacré en cette matière: actio de in rem verso, " action au sujet de ce qui a tourné à la chose, c'est-a-dire, au profit du patrimoine."
(d) Locuplelior factus est quatenus pecuniœ suœ pepercit.
(e) Voyez, notamment: art. 554, 555 et 566; 571 et 574; 643; 660 et 661; 1241; 1303; 1312; 1380 et 1381; 1632 et 1634; 1926.
(f) Tel est le sens de deux axiomes latins: Non sunt bona nisi deducto cere alieno; Débita ipso jure minuunt Jiereditatem.
Art. 382 et 383. —250. La gestion d'affaires a beaucoup d'analogie avec l'acceptation et l'accomplissement d'un mandat, tant dans son principe que dans ses effets: dans son principe, car elle est motivée, en général, par le désir d'être gratuitement utile à autrui; c'est un bon office; dans ses effets, car les obligations respectives qu'elle crée entre le gérant et le maître (ff') sont à peu près les mêmes qu'entre le mandataire et le mandant. Cependant, il y a une grande différence entre les deux faits: le mandat est un contrat, parce qu'il y a accord de deux volontés dans un but déterminé; la gestion d'affaires n'est l'effet que d'une seule volonté, elle est "spontanée," comme dit le texte (g), c'est un quasi-contrat, dans le langage reçu, et la plupart des obligations qui en résultent peuvent encore s'expliquer par l'idée d'enrichissement indû. Toutefois, un autre principe d'obligation vient s'y joindre, le plus souvent, au moins du côté du gérant (non du côté du maître), c'est la responsabilité des fautes. Il ne faut pas dire, à la vérité, comme une loi romaine: "c'est une faute que de s'immiscer aux affaires d'autrui sans mandat;" mais il y a faute, si, lorsqu'on s'y est immiscé par bon office, on abandonne la gestion prématurément ou si on la conduit mal.
251. Le texte de l'article 382 suppose que là gestion a été entreprise à cause de l'absence du maître ou par une nécessité analogue; évidemment, ces circonstances n'ont rien de limitatif, la loi les indique pour donner à la gestion d'affaires ses causes les plus ordinaires et sa physionomie la plus naturelle; mais, une maladie du maître serait une cause de gestion non moins fréquente et peut-être plus intéressante encore.
La loi n'exige pas, comme la loi romaine, que le mobile qui a fait agir le gérant soit nécessairement un bon office; ainsi, celui qui gérerait les biens de son débiteur absent, pour assurer son payement, aurait non seulement les devoirs d'un gérant d'affaires, mais il en aurait aussi les droits; on peut encore traiter comme gérant d'affaires celui qui, étant co-propriétaire avec un autre, a géré et administré la chose commune, plutôt dans son intérêt que dans celui de son co-propriétaire. Il en est autrement d'un associé: c'est en vertu du contrat de société qu'il a le devoir de gérer la chose commune.
252. Par la même raison que l'intention de remplir un bon office n'est pas nécessaire, on doit admettre, d'après le Projet, quoique ce ne soit pas l'opinion générale, en France, que celui qui, croyant gérer sa propre chose, a, par erreur, géré celle d'autrui, aurait droit aux indemnités dues au gérant ordinaire.
On hésite généralement aussi à appliquer les règles de la gestion d'affaires au cas où la gestion a eu lieu malgré la défense du maître; mais il est préférable de reconnaître que, dans ce cas même, il y a gestion d'affaires et qu'il n'est pas moins juste de faire rendre par le maître ce dont il est enrichi; seulement, dans ce cas, comme dans le précédent, l'enrichissement sera apprécié, non au moment de la gestion, mais au moment de l'action judiciaire intentée par le gérant; de sorte que s'il y a eu, dans l'intervalle, diminution du profit, la perte retombera sur le gérant parce qu'il est, dans ce cas, beaucoup moins digne d'intérêt (v. plus loin, art. 388).
253. Le texte ne dit pas, comme le Code français, qu'il y a gestion, " sans distinguer si le maître connaît ou non la gestion " (art. 1372). Chez les Romains, la connaissance que le maître avait de la gestion équivalait à un mandat. Le Code français déroge évidemment à cette règle. D'un autre côté, le mandat ne doit pas être nécessairement exprès: si un propriétaire sait que quelqu'un gère son bien, et, pouvant s'y opposer, ne le fait pas, si même il a déjà demandé des comptes de gestion, s'il a reçu des mains du gérant des loyers ou intérêts des biens et valeurs gérés, il est difficile de ne pas voir là un mandat tacite; il a ratifié la gestion, or, la ratification équivaut à un mandat (v. n° 104 bis); il semble donc plus sage de laisser aux tribunaux, en cas de contestation, le soin de décider s'il y a eu mandat tacite ou simple gestion d'affaires.
Dans le cas où un mandataire excéderait ses pouvoirs, Qn devrait le considérer comme gérant d'affaires pour tout ce qu'il aurait fait au delà de son mandat.
254.. L'article 382 indique quatre obligations du gérant, dont deux sont dans le 1er alinéa.
1° Il doit restituer, à première demande, et même spontanément, dès qu'il le peut, les sommes, valeurs, fruits et autres avantages qu'il a perçus en vertu de sa gestion. S'il avait employé tout ou partie de ces sommes à ses propres affaires, il en devrait les intérêts, comme profit tiré des biens du maître. Si, sans profiter ainsi des sommes reçues, il avait tardé à les restituer, il pourrait être encore tenu des iutérêts, à cause de sa négligence; ce serait une rigueur particulière,. car, en général, un débiteur de sommes d'argent ne doit les intérêts qu'à partir de la demande (voy. art. 413); mais on peut dire que le gérant s'est mis virtuellement et de lui-même en demeure, par le fait de son immixtion dans les affaires d'autrui (comp. art. 404, 2e al).
2° Le gérant a pu acquérir des droits et actions, en son propre nom, à l'occasion de ladite gestion; par exemple, ayant vendu des fruits et produits avec terme, pour le payement, il s'est fait souscrire des billets ou obligations, et comme les acheteurs ne connaissaient pas le maître, c'est au profit du gérant, nominativement, que les billets ont été souscrits; si les billets avaient été payés avant la reddition du compte de gestion, c'est la valeur, ce sont les sommes reçues qui seraient restituées au maître; mais, si les obligations subsistent encore, le gérant fera des cessions de créance, comme elles sont prévues à l'article 367, et ce ne seront pas des cessions gratuites, bien que le cédant n'en reçoive pas directement la contre-valeur: il reçoit sa libération en retour, il ne fait donc pas une donation au maître.
Ces deux premières obligations du gérant d'affaires résultent bien de l'enrichissement indu; les deux suivantes résultent de sa faute (dommage injuste); mais la loi doit les réunir aux premières pour compléter la théorie de la gestion d'affaires; elles ne sont d'ailleurs qu'éventuelles, tandis que les deux premières sont de l'essence de la gestion.
3° Le gérant n'était pas tenu d'entreprendre la gestion, puisqu'il n'y avait aucun mandat; il a pu agir par simple sentiment de bon office; mais, une fois la gestion commencée, il doit la continuer: autrement, il pourrait arriver qu'au lieu de rendre un service, il eÙt causé un dommage au maître; par exemple, voulant faire réparer une maison, il a commencé par la faire découvrir: s'il ne fait pas poser une nouvelle toîture, la condition du bâtiment sera pire que précédemment (v. n° 108); il en serait de même pour la plupart des travaux matériels à exécuter sur les biens immeubles, à l'égard desquels il est généralement plus sage de ne pas commencer des réparations que de les commencer sans les achever (gg)
Une raison encore pour laquelle le gérant doit continuer la gestion commencée, c'est que son intervention aura pu empêcher une autre personne, par exemple, un autre ami ou un voisin du maître, d'entreprendre ladite gestion et, à cet égard encore, mieux aurait valu ne pas commencer la gestion que de l'abandonner ensuite.
4° Enfin, le gérant doit gérer avec autant de soins qu'un mandataire conventionnel. Le droit romain lui demandait les soins les plus exacts, par le motif encore que si le gérant n'avait pas entrepris la gestion, une autre personne plus diligente aurait pu l'entreprendre. Le Code français se borne, suivant sa formule habituelle, à demander au gérant " les soins d'un bon père de famille " (art. 1374). Le présent article ne pose pas une règle aussi absolue: il laisse aux tribunaux le soin de déterminer s'il y a lieu à responsabilité, c'est-n-dire s'il y a faute ou négligence du gérant, en tenant compte des circonstances dans lesquelles il a entrepris la gestion. Par exemple, s'il y avait urgence et si personne n'était disposé à gérer les biens de l'absent, on devra être moins exigeant pour le gérant que si la gestion pouvait attendre sans inconvénients ou si un proche parent était disposé à l'entreprise; de même encore, si la gestion a eu lieu à la suite d'un incendie, d'un typhon ou d'une inondation qui ont causé des dégradations demandant une réparation urgente, on devra être moins sévère pour le gérant que si l'on se trouvait dans un cas ordinaire, surtout si le gérant a eu à faire, en même temps, des réparations à ses propres biens.
255. L'article 383 impose au maître deux obligations qui sont uniquement fondées sur son enrichissement, car, de son côté, il ne peut être question de fautes commises.
1° Si le gérant a fait des dépenses nécessaires ou de conservation, c'est-à-dire, sans lesquelles les biens gérés eussent péri ou perdu de leur valeur, il est juste que le maître les rembourse, car " il est enrichi de ce qu'il n'a pas perdu; " de même, si les dépenses ont été utiles ou d'amélioration, le maître les doit rembourser, par le même motif, encore plus évident; mais il ne devrait pas les dépenses dites voluptuaires ou de par agrément parce qu'elles ne constituent pas un enrichissement appréciable (comp. art. 208).
2° Il peut arriver que le gérant ait commandé des travaux ou des fournitures nécessaires ou utiles et pour lesquels il n'a pas encore effectué de payements, mais au sujet desquels les entrepreneurs ou les fournisseurs ont pu lui demander de s'engager personnellement et par écrit, justement, parce qu'il n'était pas le propriétaire des biens et n'avait pas de mandat; si les travaux ont été exécutés ou sont en cours de l'être, il est juste que le maître décharge le gérant des engagements, en les prenant pour son compte et en son nom. Pour cela, il fera novation avec le créancier, c'est-à-dire que celui-ci déclarera qu'il décharge ou libère le gérant, en acceptant le maître pour unique débiteur; mais comme le créancier ne pourrait être contraint à cette novation et s'y refusera quelquefois, le maître, dans ce cas, prendra l'engagement envers le gérant de le rembourser de ce qu'il aura payé, même de payer à sa place, à première réquisition du créancier; c'est ce que le texte entend par " garantir le gérant de ses engagements personnels."
Les règles de la gestion d'affaires étant applicables au mandataire qui aurait excédé son mandat (v. n° 253), si dans les dépenses qu'il a faites au delà de celles dont il était chargé il s'en trouve de nécessaires ou d'utiles, il en sera remboursé.
256. C'est une question débattue, en France, que celle de savoir si le maître doit les intérêts des sommes dépensées utilement pour lui; la loi l'a dit formellement pour les sommes dues par le mandant au m andataire (art. 2001); mais l'analogie des situations ne suffirait pas pour appliquer cet article entre le maître et le gérant. La question devra encore se résoudre ici par le principe de l'enrichissement indu: si le gérant a fait des dépenses nécessaires et n'a pas payé prématurément, il est juste que les intérêts lui soient remboursés, car le maître, s'il eût payé lui-même, y aurait perdu l'intérêt de son argent; si le payement a été anticipé, il faudra voir encore si le gérant n'a pas obtenu, à cause de cela, une réduction, un à-compte, comme cela se fait souvent en pareil cas: alors les intérêts lui seront alloués. Si les dépenses n'ont été qu'utiles, les intérêts ne seront dus que si, indépendamment de la plus-value donnée aux choses, en capital, il en est résulté un revenu pour le maître: par exemple, le gérant a fait agrandir des bâtiments et les a loués; dans ce cas, outre la plus-value du capital, il y a augmentation du revenu et le maître doit les intérêts des sommes payées,
Remarquons, à ce sujet, que le maître qui ne devra jamais plus que ton enrichissement, quoique la dépense y ait été supérieure, ne devra jamais, non plus, au delà de ce que le gérant a dépensé, lors même que la plusvalue y serait supérieure: dans le premier cas, il y a un excédant de perte qui doit retomber sur le gérant, parce qu'il a été plus ou moins imprudent; dans le second cas, il y a un excédant de profit qui ne peut appartenir qu'au propriétaire, car la gestion d'affaires peut bien être une cause de perte, mais jamais une cause de profit pour le gérant.
257. Une dernière question reste à résoudre: à quel moment doit-on se placer pour apprécier l'enrichissement qui détermine l'obligation du maître ? Est-ce au moment où les actes de gestion ont eu lieu, ou au moment où l'action en justice est intentée ? La question a un grand intérêt quand, dans l'intervalle de la gestion à l'action, il est survenu des circonstances fortuites qui ont diminué le profit déjà réalisé. On doit décider, en règle générale, qu'il faut se placer au moment des actes de gestion, s'ils sont suffisamment distincts les uns des autres, ou à la fin de la gestion, si elle est indivisible. La raison en est que le maître se trouvant, dès cette époque, débiteur d'une somme d'argent, chose de quantité, ne peut en être libéré par la perte de la chose due, comme s'il était débiteur d'un corps certain. La solution contraire n'est admissible que dans les cas d'une gestion d'affaires entreprise en dehors de toute idée de bon office: par exemple, quand on gère la chose d'autrui, la croyant sienne, ou quand on la gère sciemment malgré la défense du maître (voy. n° 252); dans ces deux cas, on est d'accord, depuis les Romains, pour apprécier l'enrichissement au moment de l'action; l'action prend alors un autre nom: ce n'est plus l'action " de gestion d'affaires," mais l'action " du profit actuel," actio de in rem verso (voy. n° 244 note c).
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(ff) I/expression maître (maître des affaires gérées) vient des Romains, qui disaient dominus negotiorum.
(g) Lors même que la gestion aurait été conseillée par un parent ou un ami du maître absent, ou pourrait encore dire qu'elle est spontanée, pour Indiquer que la demande ne vient pas du maître lui-même.
(gg). C'est en ce sens que les Romains (lisaient que " c'est une faute de s'immiscer dans les affaires d'autrui 1, Cul pu est se neffotiis alie ni s immixcere (v. lio 250, in fine).
Art. 384, 385 et 386. -258. La théorie du payement indû est incomplétement présentée par les Codes français et italien; c'est parce qu'ils n'ont pas fait toutes les distinctions nécessaires qu'il s'est produit des divergences d'opinions assez graves: notamment, au sujet de l'influence de l'erreur de l'une ou de l'autre partie.
Un payement peut être indû de plusieurs façons, lesquelles peuvent se trouver réunies ou séparées.
I. La dette peut ne pas exister du tout, soit parce qu'elle n'a pas été légalement créée, soit parce qu'elle est déjà éteinte; dans ce cas, il n'y a ni créancier, ni débiteur, ni chose due; le payement est aussi nul que la dette prétendue, et il devient lui-même le principe, la cause, d'une véritable dette née de la réception de l'indû ou de l'enrichissement de celui qui l'a reçu.L'article 384 s'applique à ce cas, en même temps qu'au cas suivant.
II. La dette existe, celui qui a payé est bien le débiteur, mais celui qui a reçu n'est pas le créancier; c'est encore le cas de l'article 384; le payement est aussi nul que le précédent, car, si le débiteur avait une cause de payer, celui qui a reçu n'en avait pas de recevoir; ce payement, d'ailleurs, n'a nullement libéré le débiteur envers son véritable créancier et, en même temps qu'il s'est dépouillé d'une somme ou valeur sans cause légitime, celui qui a reçu s'est indûment enrichi.
Dans ces deux premiers cas de payement indû, le texte a soin de dire qu'il n'y a pas à distinguer s'il y a eu erreur, ou non, de l'une ou de l'autre partie: il y a toujours lieu à répétition.
259. On a prétendu, en France, à cause de l'article 1377, que, si celui qui a payé ce qu'il ne devait pas, l'a fait sciemment, il n'y a pas lieu à la répétition; mais cette solution se trouve en opposition avec un autre article du même Code qui dit que " ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition" (art. 1235). On prétend que celui qui paye, sachant qu'il ne doit pas, entend, sans doute, faire une donation; mais cette explication est très défectueuse: d'abord, il pourrait arriver que l'intention de donner n'existât pas chez celui qui paye j par exemple, dans un temps de trouble, voulant mettre son argent en sûreté et ne trouvant pas facilement un dépositaire, il fait remettre des valeurs, à titre de payement, à une personne honnête et assez puissante pour que les valeurs ne courrent aucun risque dans ses mains; celle-ci qui, sans doute, n'aurait pas accepté un dépôt, reçoit le prétendu payement, sauf à vérifier plus tard; il serait injuste de refuser la répétition dans ce cas, sous prétexte qu'il y a eu surprise. Il y a encore une autre objection à l'admission d'une donation: les donations sont soumises à des formes protectrices du donateur et il serait dangereux de lui permettre de s'en affranchir aussi facilement; les donations manuelles, les donations déguisées, peuvent n'être pas absolument interdites, mais elles ne doivent pas être présumées.
La bonne foi de celui qui a reçu ce qui ne lui était pas dû ne le préserve pas non plus de la répétition; mais elle atténue son obligation, comme on le verra ultérieurement, au sujet de la mauvaise foi, dans une disposition qui comprendra toutes les réceptions sans cause et les répétitions qui s'y rapportent (voy. art. 288).
On remarquera que le texte de l'article 384 emploie l'expression de "prestation à titre de payement;" c'est afin de comprendre aussi bien l'accomplissement de faits que les dations de choses, de sommes ou valeurs; on y ferait rentrer, au besoin, les abstentions qui seraient l'exécution d'obligations de ne pas faire; mais le cas sera rare.
260. -III. Le payement a été fait au véritable créancier, mais par un autre que le débiteur et sans qu'il y ait mandat de celui-ci, ni sans que celui qui a payé ait entendu le faire en son nom ou pour son compte, ce qui serait une gestion d'affaires (voy. c. civ. fr., art. 1236). Ce cas est réglé par l'article 385.
Ici, la position de celui qui reçoit est bien plus digne d'intérêt, car il est vraiment créancier. Deux faveurs lui sont accordées: il est à l'abri de la répétition dans deux cas.
1er cas. Si celui qui a payé savait qu'il ne devait pas: en d'autres termes, la loi ne lui accorde la répétition que s'il a payé "par erreur"; en effet, il est juste que lorsqu'il a payé à celui qu'il savait créancier, alors qu'il savait n'être pas lui-même le débiteur, lorsqu'il a donné au créancier la satisfaction de recevoir ce qui lui est vraiment dû, il ne puisse plus, sous le prétexte qu'il a eu une autre intention restée secrète, lui causer une déception pénible et souvent préjudiciable; le créancier a d'ailleurs pu croire facilement à un mandat du débiteur, à une gestion d'affaires ou à un intérêt personnel que le tiers avait à payer cette dette, quoiqu'elle ne fût pas la sienne. Mais il ne faudrait pas ici, moins encore que dans le cas précédent, se fonder sur l'idée d'une donation que celui qui a payé aurait voulu faire à celui qui a reçu, puisque ce dernier, recevant son dû, ne profite en rien.
2e cas. Si celui qui a reçu a supprimé son titre et se trouve ainsi dans l'impossibilité de poursuivre le véritable débiteur: ici, le Projet, plus prévoyant que le Code français (art. 1377), exige "la bonne foi du créancier au moment" ou il à détruit son titre;" par conséquent, il faut qu'il ait cru avoir reçu du débiteur ou au moins de quelqu'un qui payait en son nom et pour son compte; autrement, et dans le doute, il aurait dû conserver son titre. En fait, le titre aura été le plus souvent remis au tiers qui a payé, comme il l'aurait été au débiteur lui-même.
Remarquons, au surplus, que lorsque le créancier a, de bonne foi, supprimé son titre, il n'y a plus à exiger, pour le refus de répétition, que le tiers ait payé sciemment: autrement, s'il fallait encore que le payement ait eu lieu sciemment, ce second cas ne serait plus une faveur pour le créancier; c'est précisément quand celu i qui a payé l'a fait par erreur que la suppression du titre met le créancier à l'abri du recours.
Il faut assimiler à la suppression du titre le cas où le créancier l'aurait laissé périmer par la prescription, toujours sur la foi du payement.
261. L'action en répétition, dans les divers cas déjà indiqués, présente des questions de preuve assez délicates.
Le demandeur devra prouver: 1° qu'il a effectivement payé ou fait une prestation à titre de payement, 2° que celui qui a reçu n'était pas créancier ou que celui qui a payé n'était pas débiteur, 3° dans ce dernier cas, que le payement a été fait par erreur.
Le défendeur, dans le cas où il était vraiment créancier et où il s'oppose à la répétition de l'indû, devra prouver: 1° la destruction ou la péremption de son titre, 2° sa bonne foi dans cette destruction.
La première preuve du demandeur se fera comme la preuve ordinaire d'un payement régulier, par écrit ou par témoins, suivant le droit commun.
La preuve que la dette n'existait pas sera plus difficile, parce que c'est la preuve d'un fait négatif; aussi admet-on, généralement, que si le défendeur à la répétition avait d'abord nié le fait de la réception du payement, il serait, après cette preuve faite contre lui, présumé avoir reçu l'indu; ce serait alors à lui de prouver que la dette existait.
La preuve de l'erreur de celui qui a payé, quand elle est requise, ne sera pas toujours facile; mais c'est le cas de toutes les erreurs; on admettra d'ailleurs la preuve d'une erreur de droit autant que celle d'une erreur de fait (voy. art. 332).
La preuve de la destruction du titre se fera par tous les moyens ordinaires, et elle sera difficile également, car ce n'est pas un acte qui se fasse, en général, devant témoins; les tribunaux décideraient d'après les présomptions de fait. Celle de la prescription du titre sera plus facile à faire, puisqu'elle revient à la preuve que le temps requis est écoulé lorsque l'exception est opposée par le débiteur sur les poursuites faites contre lui.
Enfin, la preuve de la bonne foi du créancier sera la plus facile: on pourra appliquer ici le principe de l'article 199, d'après lequel ” la bonne foi est toujours présumée; " mais la preuve contraire, celle de la mauvaise foi, se fera par tous les moyens possibles.
La loi termine les dispositions de l'article 385 en réservant, dans les deux cas, le recours de celui qui a payé contre le véritable débiteur: il a pour ce recours deux voies dont l'une est déjà connue, l'action de gestion d'affaires; l'autre, la subrogation, sera expliquée ultérieurement: on verra alors que le payement dit " avec subrogation " permet au tiers qui a payé la dette d'autrui d'exercer les droits, actions, priviléges et hypothèques qui appartenaient au créancier désintéressé avec les deniers d'autrui (v. art. 505).
262. -IV. Le payement a été fait par le véritable débiteur au véritable créancier; c'est le cas prévu par l'article 386.
Il faut bien, ici encore, qu'il y ait eu quelque irrégularité: autrement, il y aurait eu extinction pure et simple de l'obligation et il ne serait pas question d'en chercher une nouvelle. Ce n'est pas le cas d'une obligation conditionnelle payée avant l'accomplissement de la condition, car, dans ce cas, il n'y aurait encore ni créancier, ni débiteur, ni chose due; mais on supposera, avec le texte du premier alinéa, le payement d'une chose d'une autre nature que celle qui est due ou d'une chose qui n'appartenait pas au débiteur, et toujours un payement fait par erreur.
Le premier cas ne présente pas de difficulté: il y a erreur sur la substance de la chose payée (v. art. 331, 2e al.).
Dans le deuxième cas, le droit de répétition pourrait sembler contraire à la maxime déjà citée (n° 216, note rn) d'après laquelle celui qui doit la garantie d'éviction ne peut pas opérer lui-même cette éviction; mais c'est une illusion: la garantie n'est pas due quand la chose fournie n'était pas due elle-même.
Le seul tempérament que la loi apporte à la répétition, dans ce cas, c'est que le créancier puisse retenir la chose indûment reçue, jusqu'au payement de celle qui lui est due (voy. art. 476, 4e al.).
On doit même admettre le droit de rétention, au cas où la chose payée était autre, par sa nature, que la chose due, par application du principe général de cette sûreté (v. Livre Ive; art. 1096).
Du reste, ce n'est guère qu'au cas d'immeuble que cette répétition de la chose même pourrait être exercée; car, s'il s'agissait de meuble, le créancier de bonne foi pourrait invoquer la prescription instantanée ou la maxime " en fait de meubles, la possession vaut titre" et le payement se trouverait ainsi validé (v. art. 1479).
263. La loi refuse la répétition, au contraire, dans trois cas d'erreur où l'irrégularité est peu grave:
1° Un payement a été fait avant le terme: dans ce cas, la dette existe; sans doute, le créancier ne pouvait exiger le payement avant l'échéance; mais si le débiteur l'a offert, même par erreur, il serait trop dur de forcer le créancier à restituer des sommes ou valeurs qu'il a peut-être déjà employées et qui, un peu plus tard, seraient exigibles par lui; seulement, il tiendra compte au débiteur des fruits ou intérêts intérimaires dont il profite;
2° Un payement a été fait dans un lieu autre que celui où le débiteur devait payer: même solution et par le même motif; l'indemnité pourra consister dans le remboursement de frais de transport que le débiteur a épargnés au créancier, et peut-être même dans une différence de plus-value de la chose payée;
3° Le payement a été fait d'une chose, non d'une autre nature, mais d'une qualité, valeur ou bonté autre que celle qui était due: il suffira, dans ce cas, de tenir compte de la différence de valeur, en ayant soin, comme dit le texte, de ne pas faire rendre à celui qui a reçu plus qu'il n'a profité, ni plus que le débiteur n'a perdu.
Dans ces divers cas, on voit que si l'erreur n'est pas une cause de répétition, elle donne lieu à redressement de compte et, si l'erreur a eu lieu chez le créancier, il ne sera pas moins secouru que le débiteur, au moins dans les deux derniers cas, car dans le 1er cas, celui ou il n'aurait été payé qu'après le terme, il n'avait pas droit aux intérêts moratoires (v. art. 413).
S'il n'y a eu erreur d'aucun côté, les parties seront considérées comme ayant volontairement modifié leurs rapports de droit respectifs.
Art. 387. — 264. Il n'y a pas de différence, au fond, entre la répétition d'un payement indu et celle des prestations faites sans cause, pour fausse cause, pour cause illicite, ou pour une cause prévue qui ne s'est pas réalisée ou qui a cessé d'exister; ce n'était pas une raison, cependant, pour ne pas les régler dans la loi; il faut justement consacrer cette similitude dans les effets (laquelle, d'ailleurs, comportera une exception), et c'est une lacune regrettable des deux Codes français et italien.
Le droit romain était, au contraire, très développé à cet égard (h).
Le payement indu est, dans la réalité des choses, une prestation faite sans cause; on pourrait dire aussi qu'il est fait pour une cause illicite, quand il est fait en exécution d'une convention prohibée; de même, si le payement indu s'applique Ù, une dette dont la COIldition est défaillie ou non accomplie ou dont la cause a cessé d'exister, on peut dire qu'il y a un " payement indû," chaque fois que la prestation a été faite à titre de payement, sous le nom de payement (nomine solutionis), et l'on réserve les autres expressions aux prestations faites à tout autre titre illégitime..
265. La loi ayant énuméré ces prestations au 2" alinéa de l'article 381, il a suffi dans le présent article, d'un simple rappel de cette disposition, et pour le règlement des effets, c'est l'article 384 que la loi applique, parce que c'est celui qui prévoit le payement le plus indû de tous. En conséquence, la nullité de la prestation sera aussi complète, aussi absolue que possible: il n'y aura à distinguer, ni chez celui qui a reçu, ni chez celui qui a donné, s'il y avait, ou non, connaissance de l'illégalité de la prestation. Dans un seul cas, la répétition est refusée, c'est lorsque la prestation a une cause illicite ou contraire, soit à l'ordre public, soit aux bonnes mœurs, et encore faut-il, pour cela, que l'immoralité se rencontre chez celui qui a fait la prestation autant que chez celui qui l'a reçue. Ainsi, une somme ou valeur a été donnée à une femme de mauvaise vie pour obtenir ses faveurs, à un homme hardi pour opérer l'enlèvement d'une jeune fille, à un témoin pour faire une fausse déclaration: assurément, dans ces divers cas, et dans une foule d'autres cas analogues qu'on pourrait citer, celui qui a reçu n'a pas de cause légitime de garder la valeur qu'il a reçue; mais il y aurait un scandale et une sorte d'offense à la justice, si celui qui a donné des sommes ou valeurs pour une telle cause venait au tribunal se faire un titre de sa malhonnêteté pour se les faire restituer; il y a, à cet égard, un axiome célèbre et souvent appliqué par les tribunaux " personne n'est écouté, alléguant sa turpitude " (i).
Au contraire, si la malhonnêteté, "la turpitude," ne se rencontre que chez celui qui a reçu, alors la répétition est admise > par exemple, j'ai donné à quelqu'un une somme d'argent pour qu'il s'abstînt d'un crime, d"un délit ou d'une autre mauvaise action; la prestation n'a une cause malhonnête que de son côté, car il ne doit pas accepter une récompense pour ne pas avoir commis une mauvaise action; pour ma part, j'ai fait un acte utile et honnête, en prévenant un mal; c'est au point qu'il a semblé à certains auteurs que, dans un but d'utilité publique, il vaudrait peut-être mieux interdire la répétition des choses données pour empêcher une mauvaise action: on se bornerait à refuser action au stipulant, s'il n'y avait eu que promesse sans prestation actuelle. Mais il sérait très dangereux d'entrer dans cette voie, et on serait amené à refuser la répétition à celui qui aurait remis, à des brigands ou à des pirates, des sommes ou valeurs, à titre de rançon ou de rachat d'un captif, ce qui est inadmissible.
On peut encore citer comme cas d'application de la répétition fondée sur une cause illégale du seul côté de celui qui a reçu: le cas d'intérêts usuraires, le cas d'un prix payé au delà du tarif légal, pour les choses taxées par l'autorité, ou même d'un prix quelconque payé pour un service qui aurait dû être fourni gratuitement: dans ces cas, il n'y a pas immoralité de la part de celui qui a fait la prestation, parce qu'il est présumé avoir agi sous l'empire de nécessités qui l'ont contraint de subir les conditions inJustes qu'on voulait lui faire (j).
Ce qui a été donné en vertu de jeu ou de pari prohibé ne peut être répété, pas plus que ce qui aurait été promis au même titre ne pourrait être exigé: la cause est injuste eu immorale des deux côtés (v. art 811).
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(h) Les Romains appelaient condictio l'action en répétition et ils donnaient un nom particulier à chacune de ses applications: condictio /Hdebiti, condictio dati sine causa, ob falsam cansam, ob turpem causam, ob injustam causam, ob causam non secutam vel finitam; c'est-à-dire: " répétition de ce qui a été donné indûment, ou sans cause, ou pour une " cause fausse, honteuse, injuste, défaillie ou finie."
(i) Nemo auditur turpitudinem suam allegans. On dit aussi: In pari causa turpitudinis, cessat repetitio: " dans le cas d'une turpitude égale des deux cotés, la répétition n'a pas lieu."
(j) Ces cas sont plus spécialement ceux oil les Romains donnaient la condictio o b i n j U 8 t a m causam.
Art. 388 et 389. -266. Ces deux articles sont applicables, tout à la fois, aux diverses prestations dont il vient d'être parlé et aux divers payements indûs, tels qu'ils sont prévus par les articles 384, 385 et 386.
On a dit précédemment (n° 259) que la bonne foi de celui qui a reçu n'était pas un obstacle à la répétition dirigée contre lui, mais qu'elle rendait sa position meilleure. La différence entre la bonne et la mauvaise fpi est celle-ci: celui qui a reçu de bonne foi n'est tenu que de l'enrichissement qu'il a effectivement acquis et même qui a persisté jusqu'au jour de l'action en répétition; au contraire, celui qui a reçu de mauvaise foi, doit, outre cet enrichissement, les diverses indemnités déterminées par l'article 388: celles-ci sont fondées sur la faute commise; le principe de l'obligation n'est plus le même, c'est le délit civil, le dommage injuste.
267. Au surplus, ces cas ne demandent que peu d'explications.
1° Les intérêts des capitaux reçus sont dûs, de plein droit, du jour où ces capitaux ont été versés, et, en cela, il y a une rigueur particulière, car il n'y a pas besoin de demande en justice pour faire courir ces in térêts: le débiteur est constitué en demeure par sa seule mauvaise foi (v. art. 404). Ce qui prouve, au surplus, que ce n'est plus en vertu de l'enrichissement que les intérêts sont dûs, c'est que, peut-être, le débiteur n'a pas tiré profit de ces capitaux et qu'il n'en doit pas moins les intérêts.
2° Les fruits et produits de la chose indûment livrée sont dûs, lors même qu'ils n'auraient pas été effectivement perçus; c'est l'application d'un principe déjà rencontré à l'article 207.
3° Le débiteur des choses reçues, sachant qu'il devait les rendre, aurait dû apporter des soins suffisants pour leur conservation: sa faute originaire l'expose à des fautes consécutives, tandis qu'un possesseur de bonne foi, ayant cru que la chose lui appartenait, ne serait pas responsable de sa négligence (k). Bien plus, si la chose a péri ou a été détériorée par cas fortuit ou force majeure, il peut encore être tenu d'en rendre la valeur originaire, c'est lorsque la chose n'aurait pas nécessairement péri, si elle était restée aux mains de celui qui l'a indûment livrée: on a déjà rencontré cette juste sévérité au sujet de celui qui a manqué à restituer après sa mise en demeure (v art 355); or, ici, la mauvaise foi équivaut à une mise en demeure (art. 404).
268. L'article 389 suppose que la chose indûment reçue a été aliénée et il donne encore une différence entre la bonne et la mauvaise foi.
Observons d'abord que si la chose reçue est un corps certain, meuble ou immeuble, qui se retrouve dans les biens de celui qui l'a reçu, la restitution se fera en nature, avec indemnité, s'il y a lieu. Mais, si la chose a été aliénée par celui qui l'a reçue, on pourrait douter et quelques personnes doutent, en France, en présence de l'article 138 1, que la chose puisse être revendiquée contre les tiers acquéreurs, surtout s'ils sont de bonne foi. Cependant, le droit de revendication est certain: l'aliénation, étant sans cause, est radicalement nulle et celui qui a reçu la prestation indue n'a pas pu transférer des droits qu'il n'avait pas; lors même qu'il a transcrit son acte et le sous-acquéreur le sien propre, ces deux transcriptions, appliquées à des actes nuls, sont nulles elles-mêmes, et c'est le cas prévu par l'article 372, 2e al. (l). L'objection tirée de l'article 1381 du Code français perd toute sa force, si on considère que la loi a entendu régler seulement par cet article les rapports de celui qui a donné avec celui qui a reçu. Ce n'est que lorsqu'il s'agira de meubles aliénés à des sous-acquéreurs de bonne foi que la revendication en sera interdite (v. art. 2279; Proj., art. 1481).
269. Le présent article 389 tranche nettement la question à ce double point de vue, c'est-à-dire, tant iL l'égard des tiers qu'à l'égard de celui qui a reçu: la partie qui a livré l'immeuble, aliéné ensuite, a le choix entre la revendication contre le sous-acquéreur et l'action personnelle contre celui qui a reçu. Elle pourra même, quoique la loi ne le dise pas, cumuler les deux actions dans une certaine mesure, s'il y a eu mauvaise foi de celui qui a reçu et si l'action réelle ne trouve plus l'immeuble que détérioré: l'indemnité de la détérioration ne pouvant être demandée au tiers-possesseur, s'il est de bonne foi, sera obtenue de celui qui a reçu et aliéné de mauvaise foi.
Si celui qui a livré préfère intenter l'action personnelle en répétition contre celui qui a reçu et aliéné, il obtiendra la valeur estimative intégrale de l'immeuble contre le vendeur de mauvaise foi; mais contre le vendeur de bonne foi, il n'obtiendra que le prix de cession, et si ce prix n'a pas encore été payé, il pourra seulement se faire céder l'action en payement et l'action en résolution qui appartiennent au cédant.
Une difficulté subsiste, dans ce cas de cession faite de bonne foi à un sous-acquéreur: si la partie qui a livré l'immeuble exerce la revendication, l'acheteur évincé recourra en garantie contre son vendeur et celui-ci, malgré sa bonne foi, pourra être exposé à de lourdes indemnités, ce qui est incompatible avec la limite de responsabilité qui lui est accordée quand il est actionné directement par celui qui a payé l'indu (m). Pour concilier les deux droits, on doit admettre que le vendeur mettra en cause le revendiquant et fera retomber sur lui l'indemnité de garantie, de façon à ne supporter définitivement que la restitution du prix reçu. S'il a négligé cette précaution, il pourra, à son tour, exercer la répétition de ce qu'il aura, du chef de la garantie,; remboursé à son acheteur au delà du prix de vente.
Si la chose, au lieu d'être vendue, avait été donnée de bonne foi, le donateur ne serait tenu, ni envers celui qui a livré la chose indûment, puisqu'il n'est pas enrichi, ni envers le donataire évincé, puisqu'un donateur n'est pas garant de l'éviction.
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(k) Celui qui a négligé une chose qu'il croyait sienne n'est exposé à aucune réclamation:" Qui, quasi suam, rem neglexit, nullœ querelœ sub,iectus est.
(l) Chez les Romains, la tradition, avec volonté d'aliéner, même sans cause légitime, suffisait à transférer la propriété: l'absence de causedonnait seulement lieu à une action personnelle (condictio), pour obtenir la rétrocession on une indemnité; par conséquent, l'action réelle contre les tiers était impossible. Mais c'était donner à la volonté sans cause un effet que la raison ne saurait approuver.
(m) On regrette de ne pouvoir éviter, au Japon, ces périphrases si longues: " celui qui a donné ou livré, celui qui a reçu: " en France, on emploie des mots latins: le tradens ou le solvens pour le premier et l'accipiens pour le second.
SOMMAIRE.
Art. 390. — N° 270. lIre Source d'obligations: pourquoi l'expression " dommages injustes " est, préférée à celle de délits et quasi-délits. —271. Dommages causés aux personnes et aux biens; fautes positives et omissions. -272.. Assimilation, quant à l'indemnité, des fautes ici prévues à celles commises dans l'exécution des contrats: renvoi. -273. Comparaison des délits civils et des quasi-délits avec les délits correctionnels.
391. -274. Inexactitude, au fond, de l'expression consacrée: " responsabilité des faits d'autrui."
392. -275. Cercle vicieux de l'article 1384, 1er al. du Code français; l'autorité est la cause de la responsabilité: 1° ascendants. -276. 2° tuteur; 3° mari. -277. 4° gardiens des aliénés; 5° Instituteurs, maîtres d'apprentissage et chefs d'ateliers. -278. Cas d'exemption de ladite responsabilité.
393. —279. Responsabilité des maîtres, patrons, entrepreneurs, préposants, à l'égard des faits de leurs serviteurs, ouvriers, employés ou préposés; deux différences avec les autres cas de responsabilité; justification. - 280 et 281. Applications diverses. -282. Responsabilité de l'Etat et des administrations publiques.
394. -283. Responsabilité au sujet des animaux. -284.
Cas où les personnes menacées de dommages peuvent détruire les animaux d'autrui.
395. -285. Responsabilité au sujet des choses inanimées. - 286. Différence du droit moderne avec le droit romain.
396. -287. Responsabilité des mineurs.
397. -288 et 289. Condamnations principale et subsidiaire.
-290. Amendes. [teurs.
398. -291. Obligation intégrale et solidaire des codébi
399.' 292. Renvoi au Code de Procédure criminelle, pour les délits correctionnels.
COMMENTAIRE.
Art. 390. — 270. Cet article correspond au célèbre article 1382 du Code français, un de ceux qui ont le mérite de présenter, en peu de mots, un principe large et fécond de droit civil, et que, pour cette raison, on invoque et on applique constamment (comp. c. civ. ital., art. 1151).
L'expression " dommages causés injustement " et, par abréviation, " dommages injustes," nous a semblé devoir être adoptée dans le Projet, de préférence à celle, plus usitée, de " délits et quasi-délits," parce qu'elle exprime mieux l'idée dominante de cette troisième source des obligations: elle a d'ailleurs son origine dans le droit romain qui réglait avec soin la réparation des " dommages causés sans droit, à tort, injustement" (damnum injuria datitm, damnum injuriœ).
De même que, lorsqu'il s'agit de l'enrichissement à restituer, il faut qu'il ait été indû, de même, lorsqu'il s'agit de dommage à réparer, il est nécessaire qu'il ait été injuste ou causé " par une faute ou une négligence," ce qui exclut la réparation des dommages causés par l'exercice régulier d'un droit, par l'accomplissement d'un devoir ou même par l'effet d'un cas fortuit ou d'une force majeure. Ainsi, très souvent, les actes d'un propriétaire d'immeuble, accomplis dans les limites de son droit, nuisent au voisin, et cependant aucune, réparation n'est due pour cette sorte de dommage; ainsi encore, les officiers publics, dans l'exercice régulier de leurs fonctions, causent souvent des dommages aux particuliers, dans la liberté de leur personne ou dans leurs biens, et, ni eux, ni l'Etat, n'en sont responsables; enfin, quand, par exemple, un cavalier, dont le cheval est effrayé par une cause fortuite, renverse et blesse un passant, il n'est tenu d'aucune réparation, si d'ailleurs le cavalier était suffisamment habile pour monter ce cheval, eu égard au caractère habituel de l'animal; de même, si une maison incendiée par le feu du ciel communique le feu à une maison voisine, il n'y a lieu à aucune responsabilité: on ne saurait raisonnablement reprocher an premier propriétaire de n'avoir pas posé un paratonnerre sur sa maison.
Il faut donc, pour que la responsabilité soit encourue, pour que l'obligation de réparer se forme, qu'une faute ou une négligence soit imputable à l'auteur du dommage. Il importe peu, d'ailleurs, si le dommage est causé directement par la personne ou par ses biens seulement, ni s'il est causé à la personne d'autrui ou à ses biens: les exemples déjà donnés, même comme n'entraînant pas de responsabilité, prouvent que si le dommage était injuste, il serait réparable, sans distinguer s'il a été causé par une personne ou par ses biens, ni à une personne ou à ses biens. Cette observation n'est pas inutile, si on remarque que la législation romaine ne considérait, en principe, comme donnant lieu à réparation civile intégrale, que les dommages causés par une personne ait x b i e n s d'autrui; à l'égard des dommages causés par les choses, comme par un animal nuisible ou par la chute d'un bâtiment, la responsabilité se réduisait à l'abandon de l'animal ou des matériaux tombés (abandon noxal, voy. T. 1er, n° 323), et, pour les dommages causés à une personne, dans son corps ou dans sa considération, ils donnaient plutôt lieu à des sanctions pénales qu'à des sanctions civiles.
271. Au surplus, si l'on s'occupe plus de la réalité des choses que de l'expression, on reconnaît que l'idée non seulement la plus raisonnable, mais aussi la seule aujourd'hui véritablement appliquée, est encore celle qui attache la responsabilité civile et pécuniaire aux dommages qui viennent d'une personne et en atteignent une autre dans ses biens. En effet, quand nous répondons des dommages causés par nos biens, comme par nos animaux ou par nos bâtiments, c'est toujours parce que notre personne a été en faute, a manqué de prévoyance; de même, si nous sommes responsables des lésions corporelles causées à autrui, c'est parce qu'elles ont entraîné des frais de maladie et des pertes de profits légitimes, par suite de l'incapacité de travail. Si, en cas d'homicide par imprudence, nous devons une pension aux enfants, à la veuve ou aux ascendants de la victime, c'est parce que notre faute les a privés de leur soutien; c'est donc toujours la réparation d'un tort causé au patrimoine. Bien plus, lorsque le dommage semble purement moral, par exemple, par suite d'une diffamation, on ne peut obtenir d'indemnité pécuniaire qu'autant que la diffamation paraît avoir entraîné, indirectement, quelque dommage de fortune pour la victime.
Il n'y a pas à distinguer, non plus, si la faute est un fait positif, c'est-à-dire un acte accompli illégalement, ou une omission, un manquement au devoir ou à la prudence; la seule différence qui pourrait résulter de cette nuance, c'est que les tribunaux pourraient être, toutes choses égales d'ailleurs (c'est-à-dire, dans deux cas de pareille gravité par leurs conséquences), plus indulgents pour une omission que pour un acte positif, parce que l'omission est, pour ainsi dire, insensible et muette: elle ne porte pas en elle-même, comme l'acte positif, un avertissement qu'il y a une règle contraire à observer; mais il n'y a là qu'une différence de fait et non de droit. Au contraire, il y a à distinguer, au point de vue légal, si le dommage résultant de la faute ou de l'omission a été volontaire ou involontaire: non seulement le fait dommageable change alors de nom et de qualification légale, mais aussi, et surtout, la manière d'apprécier la responsabilité change notablement.
272. Le Projet comble ici une lacune des Codes français et italien, en renvoyant sur ce point à la responsabilité des fautes ou des omissions commises dans l'exécution des conventions.
En France, très peu d'auteurs ont cru pouvoir étendre aux délits et aux quasi-délits les articles 1150 et 1151 qui règlent l'indemnité du dol et de la simple faute commises au sujet des contrats; cependant, l'analogie est frappante, et comme il ne s'agit pas ici de peines, mais de réparation civile, on ne conçoit pas de pareils scrupules; il en résulte que les tribunaux ne sont soumis à aucune règle, ont un pouvoir illimité pour apprécier la responsabilité des dommages, en cas de délits et de quasi-délits, tandis qu'ils n'ont pas la même liberté lorsqu'il s'agit d'inexécution des conventions. Si la distinction que la loi a faite entre le dol et la simple faute est juste et raisonnable, quand il s'agit des conventions, on ne voit pas comment elle cesserait de l'être dans les autres cas, notamment, dans les quasi-contrats et dans les délits et quasi-délits. Au surplus, sans rechercher si l'assimilation de ces divers cas est suffisamment autorisée en droit français, en l'absence de texte formel, on peut, sans scrupules, la poser en règle dans le Projet japonais.
Comme cette matière sera réglée plus loin, au sujet de l'Effet des obligations, en général, on n'y insiste pas ici; il suffit d'annoncer que lorsqu'il y a dol ou dommage volontaire, la réparation comprend non seulement les dommages qui ont été prévus par son auteur ou qu'il lui était possible de prévoir, au moment de l'acte fautif, mais encore ceux qu'il ne pouvait prévoir; tandis que lorsqu'il n'y a que simple faute, imprudence ou négligence, la réparation n'excède pas les prévisions réelles ou raisonnablement possibles (v. art. 405). Ainsi, celui qui a, volontairement et dans l'intention de nuire, lancé des pierres dans une maison voisine qu'il croyait non habitée, sera responsable des blessures qu'il aura causées à une personne qui s'y trouvait à son insû, ou des dégâts causés à des objets précieux qui y étaient déposés; tandis que celui qui, voulant, par exemple, chasser un corbeau d'un arbre à lui appartenant, aura, par maladresse, dépassé le but et atteint la maison voisine qu'il croyait aussi inhabitée et y aura causé les mêmes dommages que le délinquant qui précède, ne sera tenu que du bris de vitres qu'il a commis, parce que c'est le seul dommage qu'il ait pu raisonnablement prévoir. Ainsi encore, celui qui a commis volontairement un homicide est tenu de l'indemnité des dommages qui en résultent pour toutes les personnes, même nombreuses, qui avaient un intérêt légitime à la vie de la victime; tandis que celui qui a causé un homicide par imprudence ne serait tenu que dans la limite des cas ordinaires, parce qu'ils peuvent avoir été prévus; enfin, si l'on suppose une diffamation calomnieuse ou simplement malicieuse, la réparation comprendra tous les dommages effectifs que la victime a pu en éprouver; tandis que s'il n'y a eu qu'imprudence, légèreté, dans la divulgation de faits déshonorants, la responsabilité ne s'appliquera qu'au préjudice qu'il était possible de prévoir.
Au sujet de la réparation des dommages causés à tort, il y aura encore à distinguer ceux qui sont une suite nécessaire ou inévitable de la faute et ceux qui n'en sont qu'une suite accidentelle; mais cette distinction, plus délicate que la précédente, demanderait des développements et des exemples qui seront mieux à leur place au Chapitre suivant, Section II, auxquels renvoie notre article (v. art. 405).
Au surplus, l'indemnité comprendra, comme en matière de contrats, la réparation du dommage éprouvé et la compensation du profit manqué (a); ce double élément de l'indemnité est contenu dans l'expression de dommages -iniêrêts (v. art. 405). Le plus souvent, l'indemnité sera fixée en argent; mais il ne serait pas contraire à la loi que les tribunaux ordonnassent une réparation en nature, dans les cas où elle serait possible et utile.
273. Il faut remarquer, en terminant sur ce point, que les délits civils, malgré la volonté de nuire qui s'y rencontre, ne constituent pas toujours des délits correctionnels, et que, réciproquement, des quasi-délits peuvent constituer des délits correctionnels. Ainsi, celui qui, par ruse et méchanceté, déterminerait un propriétaire à aliéner son immeuble, en lui inspirant la crainte d'un danger imaginaire ou en lui donnant une espérance chimérique, ne commettrait pas une escroquerie, du moment qu'il ne serait ni l'acheteur ni le complice de l'acheteur, il ne se trouverait coupable d'aucun délit pénal, mais il aurait commis un délit civil. Il en serait de même de celui qui, méchamment, aurait donné un conseil qui a causé la perte d'un immeuble ou de marchandises: la loi ne punit que les conseils nuisibles aux personnes (c. pénal jap., art. 297 et 308). En sens inverse, celui qui, par imprudence ou inobservation des règlements, aurait causé un homicide ou des lésions corporelles à autrui, aurait commis un délit correctionnel, mais il ne serait, civilement, auteur que d'un quasi-délit. Le seul point où les deux qualifications de délit se rencontrent est qu'un délit correctionnel dont l'intention coupable sera un élément constitutif (et c'est, de beaucoup, le plus grand nombre) sera toujours, en même temps, un délit civil (comp. art. 399).
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(a) Du latin: damnum emergens, lucrum cessans.
Art. 391. — 274. Le Projet suit ici une division consacrée: l'usage est de dire que l'on répond toujours de ses propres faits et même dans certains cas, " du fait d'autrui." Mais, si l'on va au fond des choses, on reconnaît facilement, comme on l'a déjà remarque, que, dans tous les cas, on n'est responsable que de son propre fait ou de sa propre négligence: il serait, en effet, contraire à toute justice que quelqu'un se trouvât obligé sans son fait ou sans sa volonté; il n'y a que dans les cas d'obligations imposées par la loi (et elles sont en très petit nombre, comine on le voit à la Section suivante) qu'une personne se trouve obligée sans son fait personnel. Dans les cas qu'annonce le présent article et que les articles suivants vont déterminer, il y a toujours négligence, défaut de soins ou de surveillance, de la part de celui que la loi déclare responsable et c'est là la cause et le principe de sa responsabilité. C'est aussi ce qui explique que la responsabilité s'étende aux dégâts ou dommages causés par des animaux ou même par des choses inanimées: assurément, en pareil cas, on ne peut parler de "fait d'autrui;" mais il y a toujours négligence de la part du propriétaire et comme il est rare qu'une négligence soit commise volontairement et avec intention de nuire à autrui, on ne trouve guère ici que des quasi-délits.
Art. 392. — 275. Pour qu'une personne soit dite responsable du fait d'une autre, il faut " qu'elle ait autorité " sur celle-ci; à cet égard, l'article précédent a posé le principe d'une façon plus précise que l'article 1384 du Code français qui, par une singulière négligence, dit " qu'on est responsable du fait des personnes dont on doit répondre: c'est un cercle vicieux." Le Code italien (art. 1153) présente la même négligence de langage.
Or, quand doit-on répondre du fait dommageable d'autrui? N'est-ce pas quand on pouvait l'empêcher, par conséquent, quand on a autorité sur la personne ?
Il restait à déterminer qu'elles personnes ont sur d'autres une autorité suffisante pour prévenir les délits ou quasi-délits de celles-ci: la loi le fait ici.
En première ligne se trouvent les ascendants. Comme la matière de la puissance paternelle n'est pas encore réglée par le Projet, la loi ne détermine pas ici quel est celui des ascendants qui est responsable des faits du descendant: elle ne désigne pas, comme le Code français, " le père et, à son défaut, la mère," elle se borne à indiquer, d'une façon indéterminée, " celui des ascendants qui exerce la puissance paternelle sur ses descendants mineurs." Indépendamment de cette autorité de droit résultant de la puissance paternelle, la loi veut encore la possibilité que cette puissance s'exerce en fait, à savoir " la communauté d'habitation: " autrement, il serait trop dur de rendre l'ascendant responsable des actes de l'enfant habitant séparément; d'ailleurs, si l'ascendant n'est pas responsable quand son descendant habite au dehors, il y aura presque toujours une autre personne responsable: par exemple, un instituteur ou un maître d'apprentissage, comme le prévoit le 4' alinéa du présent article.
Cependant, il ne faudrait pas prendre trop à la lettre la condition d'habitation commune: si, par exemple, l'enfant qui venait d'être, depuis peu de jours, placé comme élève interne dans une maison d'éducation y commettait quelque acte nuisible à autrui et qui ne fût pas dû au défaut de surveillance, comme un vol clandestin ou des violences contre ses condisciples, il serait impossible d'affranchir l'ascendant de la responsabilité et de la transporter sur l'instituteur: le premier a eu tort de mal élever son enfant et de le confier à un étranger sans l'avertir du danger, tandis que ce dernier ne peut être considéré comme fautif; mais s'il s'est déjà écoulé un temps assez long depuis l'entrée de l'enfant dans l'établissement, on n'est plus aussi sûr que les fautes de l'enfant soient le résultat de son éducation première; elles peuvent provenir du défaut de surveillance; en tout cas, l'instituteur, ayant pu connaître les mauvaises dispositions de l'enfant, doit s'imputer de ne pas l'avoir renvoyé à sa famile; d'ailleurs, le dernier alinéa du présent article protégera encore l'instituteur, quand il n'aura pu empêcher le dommage.
276. Le Code français n'a pas déclaré le tuteur responsable des fautes de son pupille, ni le mari de celles de sa femme. On n'hésite guère, dans la pratique, à suppléer au silence de la loi, au sujet du tuteur, parce qu'il exerce à peu près les pouvoirs paternels à l'égard de l'éducation du pupille; mais on ne peut étendre l'analogie jusqu'au mari, qui n'a pas sur sa femme une autorité égale à celle du tuteur, ni les mêmes moyens de coercition que celui-ci à l'égard du pupille.
Le Projet comble cette double lacune dans le sens d'une égale responsabilité. Pour le tuteur, il n'y avait pas à hésiter; pour le mari, on a considéré que la puissance maritale est plus forte au Japon qu'en France et dans la plupart des autres pays (1).
La loi exige la même condition d'habitation commune pour ces deux nouveaux cas de responsabilité du fait d'autrui; c'est, en effet, une condition essentielle pour la surveillance et l'influence continue. Il n'est rien dit de l'âge; la conséquence est que, pour la femme, lors même qu'elle sera devenue majeure, la responsabilité du mari continuera; quant au pupille, il doit nécessairement être mineur: la tutelle cesse avec la majorité.
277. Le Projet n'a pas encore réglé la tutelle et la garde des aliénés. Vraisemblablement, on admettra, comme en France, une distinction entre ceux dont la guérison est possible ou espérée et ceux qui peuvent être considérés comme incurables: les premiers pourront être placés temporairement dans un hospice spécial ou confiés à leur famille, les autres seront mis en tutelle. Sans faire ici une distinction qui a surtout trait à l'incapacité résultant de la démence, la loi déclare ceux qui ont la garde des aliénés responsables des dommages causés par ceux-ci, et, bien qu'elle n'exige pas qu'il y ait communauté d'habitation, le cas se rencontrera presque nécessairement, puisque la responsabilité est fondée sur la garde.
A l'égard des personnes désignées au 4" alinéa de notre article, la loi exige encore la minorité des délinquants pour qu'elles soient civilement responsables; c'est à cette condition seulement que ces personnes peuvent être considérées comme ayant reçu une délégation de l'autorité du père ou du tuteur. La loi n'exige pas l'habitation commune, mais elle s'en rapproche, en limitant la responsabilité des instituteurs et patrons aux actes commis pendant que les élèves, les apprentis ou ouvriers sont sous leur surveillance.
278. La dernière disposition de l'article 392. est importante: elle atténue la responsabilité qui nous occupe, en la maintenant dans les limites de là raison et de l'équité. On a dit, en effet, que cette responsabilité, est fondée sur une présomption de négligence des parents et des autres personnes ayant autorité sur les délinquants; or, cette présomption ne peut être absolue: elle doit admettre la preuve contraire. Si, par exemple, l'enfant est d'un caractère insoumis et si, malgré la vigilance de ses parents, il sort de lai maison paternelle et commet des larcins au dehors, ou s'il cause des dégâts aux propriétés voisines, il serait trop sévère de maintenir la responsabilité des parents. Il appartient aux tribunaux d'apprécier souverainement si, en fait, les parents ont fait tout ce qui dépen nit d'eux pour prévenir les écarts de l'enfant, et ils doivent considérer, à cet égard, non seulement la vigilance de ceux-ci dans le cas particulier dont il s'agit, mais les soins qu'ils ont donnés à l'éducation générale de l'enfant.
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(1) Le Texte officiel (art. 372) a supprimé la responsabilité du mari à l'égard des faits de sa femme.
Art. 393. — 279. La responsabilité des personnes désignées au présent article est, comme pour les précédentes, fondée sur une présomption de négligence; toutefois, elle présente avec la première des différences notables qui motivent cette disposition spéciale:
1° Les personnes ici désignées ne sont responsables que des actes dommageables commis à l'occasion ou par suite des fonctions qu'elles ont conférées; c'est, en effet, dans cette seule mesure que ces personnes ont autorité sur le délinquant; c'est dans cette mesure aussi qu'elles peuvent être blâmées d'avoir donné ou conservé leur confiance à un homme incapable ou peu méritant.
2° Ces mêmes personnes ne sont pas reçues, comme les précédentes, à prouver qu'elles n'ont pu empêcher les dommages; la raison en est que leur négligence s'apprécie moins au moment de l'acte qu'au moment où elles ont fait leur choix et pendant le temps qui a suivi; or, elles pouvaient librement choisir et faire cesser les services d'un employé incapable ou malhonnête, ce qu'on ne peut pas dire pour les ascendants qui, sauf dans le cas d'adoption, ne choisissent par leurs enfants et ne peuvent les renvoyer.
On pourrait peut-être prétendre que l'analogie des situations commanderait la même solution pour la responsabilité du mari à l'égard de sa femme, puisqu'il l'a dû choisir librement et qu'il peut la renvoyer par le divorce; mais, sur ce second point, l'analogie manque tout à fait: le divorce est un remède extrême aux unions mal assorties, il n'est pas dans le vœu de la loi, car il est lui-même un trouble pour les familles; on ne pourrait raisonnablement reprocher à un mari de n'avoir pas renvoyé sa femme pour quelques défauts de caractère qui seraient de nature à nuire à ses voisins.
A l'égard des instituteurs et maîtres d'apprentissage, ils peuvent aussi choisir leurs élèves et surtout les renvoyer, ce qui semblerait devoir leur interdire de se disculper de leur négligence; mais il est plus naturel de leur donner le même avantage qu'aux parents dont ils sont les délégués: le système contraire aurait d'ailleurs l'inconvénient grave d'exposer les élèves ou apprentis turbulents et indisciplinés à être rejetés de toutes les écoles ou ateliers, par crainte de la responsabilité qu'ils feraient encourir et ils deviendraient alors incorrigibles.
280. Ces deux différences étant données et justifiées entre la responsabilité des personnes désignées à l'article précédent et celle des maîtres et commettants, par rapport aux actes de leurs serviteurs et préposés, il faut en présenter quelques applications et elles demandent de la précaution.
Un cocher ou conducteur renverse et blesse un passant, en conduisant imprudemment ou maladroitement la voiture de son maître; le maître est civilement responsable, lors même qu'il n'est pas dans ladite voiture: il aurait dû prendre un cocher plus habile ou n'en pas garder un qui est incapable; l'ivresse du cocher, même accidentelle, n'excuserait pas le maître, car il est toujours évident qu'il a fait un mauvais choix. Les tribunaux auraient, cependant, dans des cas tout-à-fait favorables au maître, la ressource équitable de déclarer que les suites de l'ivresse du cocher sont, par rapport au maître, un cas fortuit ou une force majeure.
Le serviteur envoyé dans une maison par son maître y commet un vol: le maître est responsable d'avoir envoyé chez autrui un individu peu sûr; mais le serviteur, en allant au bain, commet un vol dans l'établissement: le maître n'est pas responsable, car, dans ce cas, le serviteur ne remplit pas une fonction pour son maître. Il y a plus de difficulté, si, en allant faire une commission pour son maître, il vole un objet au devant d'une boutique: il semble, dans ce cas, que le vol soit commis, sinon "dans l'exercice," au moins " à l'occasion" de la fonction, ce que le texte met sur la même ligne; mais il faut reconnaître que la fonction est ici tout-à-fait étrangère au vol, elle n'y a pas plus " donné occassion" que ne l'aurait fait une promenade du serviteur dans la même rue. Il en serait autrement si le serviteur, allant dans divers magasins pour y chercher l'objet demandé par son maître, a commis un larcin dans l'un de ces magasins.
Les cas d'application de cette responsabilité des maîtres sont très variés et souvent délicats.
281. Pour celle des entrepreneurs de travaux, les applications sont journalières aussi. Très souvent, les ouvriers, dans les travaux qu'ils exécutent, commettent des négligences qui causent des dommages aux personnes ou aux propriétés; quelquefois, des ouvriers du même patron sont blessés par l'imprudence d'un autre: le patron est encore responsable, parce qu'il y a tOlljours imprudence de sa part ou défaut de surveillance.
Les compagnies de chemin de fer, de bateaux, de transports de toute sorte, ont la même responsabilité des accidents causés par leurs employés. Et ici, il faut bien remarquer que si les dommages étaient causés aux personnes mêmes ou aux choses que la compagnie s'est engagée à transporter, ce ne serait plus par un quan-dêlit qu'elle serait tenue, mais par le contrat même qu'elle a fait, par le contrat de louage de services ou de transport.
282. La responsabilité des commettants à l'égard des faits de leurs préposés s'applique aussi bien aux administrations publiques qu'aux administrations pri,vées, ! l'Etàt, lés départements, les communes, sont, sous ce rapport, soumis au droit commun. La question n'a jamais fait doute, en France et dans les autres pays, et le principe ne paraît pas contesté non plus au Japon.
Ainsi d'abord, chaque fois que l'Etat se charge d'un service public salarié, comme du transport des lettres, des transmissions télégraphiques, des transports par chemins de fer, il est responsable des délits et des quasi-délits de ses employés; bien plus, si un accident est causé par la maladresse des marins de l'Etat, des soldats faisant l'exercice à feu, des cavaliers portant des dépêches, l'Etat est responsable; enfin, s'il y a abus de pouvoirs par un agent du Gouvernement, l'Etat est encore responsable. Il y a souvent des difficultés et des tempéraments dans l'application, mais le principe doit être proclamé pour la garantie des particuliers.
Bien entendu, pour les préposés des administrations publiques et privées, la responsabilité des commettants n'est encourue que si la faute a été commise " dans l'exercice ou à l'occasion des fonctions déléguées," comme cela a été expliqué au sujet de la faute des serviteurs.
Art. 394. — 283. La responsabilité établie par cet article et le suivant est la preuve, comme on l'a déjà annoncé (n° 274) qu'en réalité ce qu'on nomme habituellement " responsabilité du fait d'autrui " est la responsabilité d'une négligence personnelle: que le défaut de soins et de vigilance s'applique aux personnes ou aux choses, et aux choses animées ou inanimées, le principe est le même, la responsabilité est encourue.
Le texte ne distingue pas parmi les diverses espèces d'animaux; ce seront, presque toujours, des animaux domestiques ou attachés à la maison, tels que chevaux, bétail, chiens, coqs ou poules; mais la loi a dû se garder de mettre cette limite dans ses prévisions, car il peut arriver qu'une. personne ait, par curiosité ou par métier, quelque animal de nature sauvage ou même féroce qui, mal apprivoisé ou mal enfermé, commettrait des dégâts aux biens ou des dommages aux personnes. Le nouveau Code pénal (art. 426-80) punit d'ailleurs ceux qui ont laissé vaguer des animaux dangereux.
Les seuls animaux à l'égard desquels il n'y aurait pas de responsabilité seraient les animaux sauvages qui vivraient ordinairement en liberté dans une propriété -vaste et boisée et qui, de là, feraient des incursions sur les propriétés voisines, comme des loups, des renards pu des lièvres. En pareil cas, le propriétaire du terrain, ne pouvant être dit propriétaire de ces animaux, n'aurait aucune responsabilité des dégâts: la seule obligation qu'il aurait serait de laisser faire par les voisins, des battues, des chasses, pour la destruction de ces animaux et, en cas de refus, il pourrait être déclaré responsable des dégâts; lé refus de laisser détruire ces animaux pourrait même être réprimé par la police locale, s'il y avait danger pour les personnes.
La loi impose la responsabilité à celui qui a l'usage de l'animal domestique au moment du dommage. Ce pourra être un usufruitier ou un usager, un emprunteur à usage, un locataire; ce sont, en effet, ces personnes qui ont la garde de l'animal et le devoir de le surveiller.
284. La loi ne se prononce pas ici sur le droit que les personnes menacées pourraient avoir de tuer l'animal nuisible, lorsqu'il pénètre dans les propriétés d'autrui ou attaque un passant sur la voie publique: ce droit n'est pas douteux, s'il y a danger pour les personnes; mais pour les dommages aux biens, on ne peut guère l'admettre que pour les animaux sans grande valeur; ce sera aux lois de police à y pourvoir et, à leur défaut, à la sagesse des tribunaux.,
Art. 395. — 28. -k Le principe de cet article est le même que celui qui régit l'article précédent: la responsabilité du propriétaire n'a évidemment pas pour cause l'accident produit par sa maison, mais sa propre négligence à l'égard de ladite maison. Si la loi ne mentionne pas, comme à l'article précédent, la responsabilité de ceux qui ont l'usage de la maison ou des autres objets mentionnés au présent article, ce n'est pas parce que cette responsabilité est impossible, mais parce qu'elle sera plus rare; ainsi, l'usufruitier et le locataire ne devant pas faire les grosses réparations, il n'y aura pas à leur imputer la chute d'un bâtiment; mais les locataires pourraient être responsables des chûtes d'arbres, d'enseignes, d'auvents, et les locataires de navires seraient responsables des dommages causés par le défaut d'amarres ou d'attaches.
286. Le droit moderne de l'Europe, consacré ici, s'écarte beaucoup du droit romain, au sujet des dommages causés par les animaux et par les objets inanimés. Les Romains, n'admettant pas qu'une personne pût se trouver obligée par le fait d'autrui, ce qui est, en soi, très rationnel et très juste, l'admettaient encore bien moins lorsque le dommage était causé par une chose; mais la chose qui avait nui était en quelque sorte responsable; en conséquence, le propriétaire pouvait se libérer de toute indemnité en l'abandonnant à celui qui avait souffert du dommage; il faisait " l'abandon noxal (noxœ deditio) de l'animal ou des décombres de la maison tombée (voy. T. 1er, n° 323). Si le dommage avait été causé par un esclave, il y avait lieu au même abandon, parce que l'esclave était, à beaucoup d'égards, considéré comme une chose. Bien plus, à une époque où l'autorité paternelle était despotique, le père pouvait, de même, faire l'abandon noxal de son enfant, qui devait alors travailler comme un esclave jusqu'à ce qu'il eût réparé lui-même le dommage causé.
Tout ce système péchait par la base: on ne voyait pas que le principe de la responsabilité du maître ou du père est dans sa faute personnelle, dans son défaut de prévoyance. Aussi, arriva-t-on, au moins pour le cas des bâtiments menaçant ruine, à un moyen préventif qui se rapprochait déjà de la vraie théorie: le voisin menacé par la ruine d'un édifice chancelant pouvait actionner le propriétaire et lui demander de donner caution de réparer le dommage futur (cautio damni in- fecti); si celui-ci refusait de donner caution ou de faire la réparation, le demandeur obtenait l'envoi en possession des bâtiments; il pouvait alors les réparer à ses frais et il ne pouvait être tenu de les rendre que contre le remboursement de ses dépenses.
Aujourd'hui, l'indemnité étant de droit, il n'y a pas la même nécessité de demander cette caution; mais on l'a cependant permis (v. art. 215 et 223), par emprunt au Code italien. Le voisin menacé pourrait aussi provoquer un ordre de police pour faire soutenir les bâtiments, s'il y avait danger immédiat.
Comme les constructeurs de maisons sont, dans une certaine mesure, garants des vices de construction, en vertu du contrat de louage d'ouvrage (v. art. 982 et s.), la loi réserve le recours contre eux. Ceux qui ont éprouvé le dommage pourraient même, en cas d'insolvabilité du propriétaire, exercer contre lesdits construeteurs l'action indirecte ou oblique qui appartient aux créanciers en général, d'après l'article 359, 26 alinéa.
Art. 396. — 287. On a toujours admis qu'il n'est pas nécessaire d'avoir autant d'âge, de raison et d'expérience pour éviter de causer dommage à autrui que pour bien gérer et gouverner ses propres affaires civiles; aussi la loi pénale rend-elle les mineurs responsables de leurs infractions, mais avec des excuses graduées, depuis l'âge de 12 ans jusqu'à la majorité (voy. c. p. jap., art. 79 à 8]). Pour ce qui est de la responsabilité civile des délits, la loi ne fait pas les mêmes distinctions, sauf aux juges à mesurer l'étendue de la responsabilité au degré de raison et par suite de méchanceté ou d'imprévoyance du mineur; c'est pourquoi le texte laisse aux tribunaux un certain pouvoir discrétionnaire à cet égard, par les mots: " peu vent,... en tout ou en partie." Ils pourraient même déclarer responsable d'un dommage causé à tort un mineur de moins de 12 ans, quoiqu'à cet âge il échappe à toute responsabilité pénale; les Romains disaient, à ce sujet, et on répète encore aujourd'hui " la méchanceté supplée à l'âge" (malitia supplet œtatem).
Il n'y a pas de raison non plus de les affranchir absolument de la responsabilité du fait de leurs serviteurs ou préposés, ni des dommages causés par leurs animaux ou même par les choses inanimées qui leur appartiennent, comme par la rupture d'une digue, par la chûte d'un arbre ou d'une maison, lorsqu'il y a eu imprudence dans le choix du serviteur, dans le défaut de surveillance des animaux ou d'entretien des bâtiments et digues. Seulement, comme ce n'est pas, généralement, le mineur qui choisit ses serviteurs ou surveille ses bâtiments, il pourra avoir recours contre son tuteur ou contre celui qui est chargé de ces soins. Il faut donc, pour appliquer cette responsabilité au mineur, supposer qu'il est près de sa majorité et qu'en fait, c'est lui qui a choisi le serviteur fautif, qui a la garde des animaux nuisibles ou qui se sert des bâtiments mal entretenus, etc.
Art. 397. — 288. Cette disposition qui ne se trouve pas exprimée dans le Code français y est considérée comme sous-entendue. Si on la néglige ordinairement, c'est que, le plus souvent, les auteurs du dommage dont la minorité ou la dépendance entraîne la responsabilité d'autrui sont moins solvables que ceux qui ont autorité sur eux; mais le principe doit être posé néanmoins. Le texte, toutefois, subordonne la condamnation de l'auteur du dommage à une condition essentielle, c'est " qu'il puisse être considéré comme personnellement responsable de ses actes," ce qui exclut de cette responsabilité les fous et les enfants n'ayant pas encore le discernement exact de leurs devoirs; mais, les mineurs proches de la majorité et les serviteurs ou préposés, majeurs, pour la plupart, seront condamnés comme débiteurs principaux. Les personnes civilement responsables seront assimilées à des cautions, et c'est à raison de cette similitude qu'elles ont, de droit, un recours contre le débiteur principal, lorsqu'elles ont payé pour lui; l'auteur du dommage ne pourrait leur reprocher, comme le peut celui qui en a souffert, leur défaut de surveillance ou leur imprudence dans le choix dont ils ont été l'objet.
289. Remarquons, au surplus, que l'acte directement dommageable peut être un délit, civil ou pénal. quand il est volontaire, tandis que la faute de la personne civilement responsable, n'étant ordinairement qu'une imprudence ou une omission involontaire, ne constitue qu'un quasi-délit. La conséquence est importante pour l'appréciation de la responsabilité de chacun. Quand l'auteur du dommage volontaire a assez (l'âge et de raison pour que son acte lui soit imputable civilement, les tribunaux le condamneront à l'indemnité tout entière du dommage causé, même au delà de ce qu'il pouvait prévoir au moment de l'acte; tandis qu'ils ne condamneront les personnes civilement responsables que dans les limites du dommage qu'elles auraient pu et (hî prévoir (v. art. 390, 3° al. et n° 282).
290. Les amendes sont des peines qui, comme telles, sont personnelles et ne peuvent, en principe, être prononcées que contre les délinquants. Si les personnes qui ont autorité sur eux ou qui leur ont donné des fonctions étaient responsables des amendes, ce ne serait plus une responsabilité civile mais une responsabilité pénale et il n'y aurait plus de raison pour ne pas les soumettre aussi à l'emprisonnement, au lieu et place du délinquant, s'il s'échappait.
La loi réserve cependant des cas exceptionnels où. l'amende pourra être poursuivie contre ces personnes; on les trouvera dans des lois spéciales: par exemple, en matière de douanes, d'impôts indirects, de postes; dans ces cas, certaines fraudes ou contraventions sont punies d'amendes qui ont un caractère de réparation civile autant et plus que de peine; l'exception, comme on le voit, est plutôt dans les mots que dans la chose elle-même.
Art. 398. — 291. On trouve ici un règlement de la responsabilité analogue à celui qu'on a déjà rencontré au sujet de l'incendie d'une maison soumise à l'usufruit de plusieurs personnes ou louée à plusieurs (v. art. 88 et 153).
S'il était possible de connaître et de déterminer la part de faute, de négligence, de chacune des personnes que la loi présume en faute dans cette Section, il i.e serait pas équitable d'établir contre elles une responsabilité intégrale; mais cette constatation du degré de faute individuelle sera presque toujours impossible: la loi considère alors chacun comme coupable de la faute entière. C'est sous l'article 1074 qu'on trouvera les développements de cette modalité des obligations, voisine de la solidarité, mais avec laquelle il ne faut pas la confondre.
On pourrait hésiter dans le cas où le dommage a été causé par un animal ou par la chute d'un bâtiment appartenant à plusieurs personnes pour des parts déterminées, égales ou inégales: dans ce cas, on pourrait croire que l'équité n'admet de responsabilité pour chacun que dans la mesure de son droit de propriété sur la chose qui a causé le dommage; mais c'est une illusion: celui qui, par exemple, n'est copropriétaire d'un bâtiment que pour moitié, ne devait pas l'entretenir et le réparer pour moitié seulement, mais pour le tout; à plus forte raison, pour un animal dangereux, devait-il le garder pour le tout: on ne comprendrait même pas qu'il pût n'être gardé que pour une partie. L'opinion contraire qui divise la responsabilité dans la proportion des droits respectifs des copropriétaires subit, sans s'en rendre compte, l'influence de l'ancienne théorie romaine sur l'abandon ?tox(il: il esu clair que dans une législation qui permettait de se libérer de la responsabilité des dommages causés par une chose animée ou inanimée, en l'abandonnant à la victime du dommage, la responsabilité de chaque propriétaire ne pouvait excéder sa part de copropriété; mais ce n'est plus le système moderne, infiniment plus rationnel et équitable, où la responsabilité est fondée uniquement sur la négligence du propriétaire; or, la surveillance étant de sa nature indivisible, la responsibilité doit être intégrale.
Si la faute de plusieurs était volontaire et concertée, elle constituerait alors un délit civil et la loi déclare alors l'obligation solidaire, comme lorsqu'il s'agit du délit pénal de plusieurs. L'obligation solidaire, plus rigoureuse que l'obligation simplement intégrale, sera expliquée au Livre IVe, ire Partie (art. 1052 et s.) (1).
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(1) L'ancien texte établissait la responsabilité solidaire dans tous les cas; plus tard, nous avons proposé la distinction ici faite et elle a été admise au Texte ofliciel (art. 378).
Art. 399. — 292. On a déjà remarque (n° 273) que les fautes dommageables, même volontaires, ne constituent pas toujours une infraction d'après la loi pénale, et que, en sens inverse, une faute involontaire, une imprudence, un quasi-délit, peut constituer un délit correctionnel; elle constituera, plus souvent encore, une contravention.
La circonstance que la faute sera une infraction à la loi pénale n'influera pas sur l'étendue de la responsabilité civile; mais elle modifiera la compétence, puisqu'il est de principe que les tribunaux de répression sont compétents pour statuer sur la réparation civile due à la partie lésée (voy. c. pr. cr., art. 4); elle influera aussi sur la prescription de l'action en indemnité qui sera généralement plus courte que la prescription civile ordinaire, étant mesurée sur la durée de la prescription de l'action publique (1b, art. 10 et 11).
Ce n'est pas ici le lieu de justifier cette double dérogation au droit commun des matières civiles: cela a été fait, en temps et lieu, au sujet du Code de Procédure criminelle (b).
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(b) Voir notre Commentaire du Projet de Code de Procédure criminelle (nos 17 et s., 50 et s.).
SOMMAIRE.
Art. 400. — N° 293. Observation sur cette rubrique. -294.
Caractère des obligations légales. -295. Enonciation des principales: renvoi.
COMMENTAIRE.
Art. 400. — 293. On remarquera d'abord, au sujet de l'intitulé de cette Section, une addition qui ne se trouve pas aux trois autres; le motif en est que si les yeux rencontraient par hasard cette Section, sans qu'on se rendît compte de la place qu'elle occupe, on serait surpris de voir un article unique intitulé; de la Loi, alors que tout le Code est lui-même la Loi: avec cette addition, le lecteur sera aussitôt fixé sur le rôle tout spécial attribué ici à la loi.
294. Le 1er alinéa fait ressortir le caractère des obligations légales, en y signalant l'absence d'un fait actuel de l'homme; on aurait pu croire, en effet, que toute obligation reconnue, sanctionnée par la loi, pouvait être qualifiée " obligation légale mais, quand elle n'est pas directement l'œuvre de la loi, quand il v a un fait de l'homme, plus ou moins volontaire, comme une convention, un enrichissement indû ou une faute, il est plus logique et plus simple d'assigner ce fait comme cause directe et immédiate à l'obligation et de réserver le nom d'obligations légales à celles que la loi impose aux particuliers sans leur volonté et, en quelque sorte, sans leur participation.
On a cependant contesté ce point de vue: on fi soutenu que dans les prétendues obligations légales, il y a toujours un fait de l'homme qui pourrait être considéré comme base de l'obligation. Ainsi l'obligation alimentaire aurait pour base le mariage et la parenté, faits volontaires dans leur principe; l'obligation de gérer une tutelle reposerait de même sur un lien de parenté provenant toujours du mariage; les obligations entre copropriétaires ou entre voisins auraient pour base la propriété même qui est toujours acquise volontairement. Mais, ce sont là des subtilités abusives: il faut toujours donner un nom à ces nouvelles obligations, car il est impossible de les déclarer conventionelles, puisqu'on ne pourrait ni les supprimer, ni les restreindre par convention; il est encore moins possible de les rattacher à un enrichissement indû ou à une faute: il est bien plus simple et plus naturel de les rattacher à la Loi, qui, interprétant le droit naturel, les détermine et les consacre.
295. Les obligations légales ici énumérées le sont plutôt énonciativement que limitativement: il est possible que le développement du droit au Japon en fasse admettre d'autres que celles qui sont ici énoncées et qui sont les seules aussi qu'on trouve dans les principaux Codes étrangers. S'il s'agissait du droit administratif et non plus du droit privé, on en trouverait un très grand nombre, mais ce n'est pas ici le lieu d'en parler.
La loi ne donne ici aucun détail sur les obligations légales qu'elle mentionne: elle se borne à renvoyer aux matières auxquelles elles se rattachent, au moins, pour ce qu'elles ont de particulier, car, à beaucoup d'égards, elles suivent les règles des obligations conventionnelles: leurs effets, notamment, se trouveront traités ci-après.
L'obligation alimentaire sera expliquée aux Chapitres du Mariage et de la Paternité; celle de gérer une tutelle le sera au Chapitre de la Tutelle (ces trois matières seront au Livre 1er). Quant aux obligations entre copropriétaires, elles se trouvent déjà expliquées au présent Livre (art. 38 et suiv.); enfin, celles entre voisins, en dehors des cas qui constituent des charges réelles ou servitudes foncières, se trouvent plus ou moins mêlées avec ces dernières, par la nécessité de ne pas séparer des règles très voisines les unes des autres: ainsi, la nécessité de contribuer au bornage et à la clôture des propriétés contiguës (art. 264 et 267) et celle de céder la mitoyenneté au voisin qui la requiert (art. 277) sont plutôt des obligations personnelles que des charges réelles.
Ici se termine ce qui concerne les Causes ou Sources des Obligations.
La loi passe maintenant à leurs Effets.
CHAPITRE II.
DES EFFETS DES OBLIGATIONS.
DISPOSITION PRÉLIMINAIRE.
SOMMAIRE.
SOMMAIRE,
Art. 401. — N° 296. Effet distinctif de l'obligation civile: action en justice; renvoi pour l'obligation naturelle. - 297. Action principale pour l'exécution directe; action subsidiaire ou complémentaire, pour les dommagesintérêts; renvoi pour les diverses modalités des obligations.
COMMENTAIRE.
Art. 401. — 296. La définition de l'obligation, donnée par l'article 314, nous a déjà dit que " le débi" teur est astreint, envers le créancier, à donner, à faire " ou à ne pas faire quelque chose; " mais, si c'est là l'effet immédiat de l'obligation, ce n'en est adssi qu'un effet purement moral et métaphysique: il faut prévoir le cas où le débiteur manquerait à remplir son devoir juridique, il faut que la loi détermine les effets ultérieurs de l'obligation, c'est-à-dire les conséquences, la sanction de l'inexécution. Elles consistent dans des moyens de contrainte du créancier, et comme aucun trouble ne doit être apporté à la liberté civile des personnes sans le contrôle de la justice, le droit du créancier prend la forme d'une action en justice. C'est d'ailleurs " l'action en justice pour l'exécution " qui caractérise l'obligation " civile; quant à l'obligation naturelle, elle ne donne pas d'action au créancier: l'exécution, en principe, doit être volontaire (voir l'Appendice, art. 586 à 600).
297. Le créancier, comme l'annonce le présent article, a deux actions, l'une tendant à l'exécution directe de l'obligation, c'est-à-dire à la réalisation en nature de ce qui est dû (chose, fait, ou abstention), l'autre tendant à obtenir une indemnité pour l'inexécution, soit que le débiteur ne veuille pas exécuter ou se trouve, par sa faute, dans l'impossibilité de le faire, soit qu'il ait seulement tardé à exécuter; les deux actions peuvent être intentées séparément ou conjointement; la seconde peut, tantôt être subsidiaire à la première, tantôt en être un complément. Toutefois, pour plus de clarté, le Projet consacre à chacune de ces actions une Section séparée, et, pour la simplicité, ce qui concerne le retard dans l'éxécution n'est pas annoncé dans cette Disposition préliminaire.
Cet effet principal des obligations se trouve modifié, en plus ou en moins, suivant ce que les Codes étrangers appellent les "diverses espèces d'obligations" et ce que le présent article qualifie, plus juridiquement, leurs "diverses modalités" ou manière. —; d'être; elles sont l'objet d'une quatrième Section. L'une de ces modalités, la plus importante peut-être, la condition, donnera même au créancier une autre nature d'action, l'action en résolution déjà mentionnée souvent et qui sera bientôt expliquée plus au long.
Comme on l'a déjà observé, avec l'article 400, au sujet des obligations nées de la loi, les effets des obligations sont, en principe, les mêmes, quelle que soit leur cause (convention, enrichissement indu, dommage injuste, ou la loi); s'il y a quelque particularité tenant à la cause, elle sera signalée chemin faisant.
SOMMAIRE.
Art. 402. — N° 298. Obstacle de fait et de droit à la contrainte personnelle. -299. Cas spécial de l'obligation " de ne pas faire." -300. Obligation " de livrer obligation " de faire " exécutée par un tiers aux frais du débiteur; obligation " de ne pas faire:" destruction de ce qui a été fait en contravention. -301. Mesures préventives. -302. Cumul des dommages-intérêts avec l'exécution directe. -^02 bis. Renvoi au Code de Procédure civile pour les voies d'exécution forcée.
COMMENTAIRE.
Art. 402. — 298. Ce que la loi appelle " l'exécution directe" de l'obligation, et, en d'autres termes, " l'exécution de l'obligation suivant sa forme et teneur," c'est l'accomplissement en nature de ce qui a été promis, s'il s'agit d'une obligation conventionnelle, et de ce qui est imposé par la loi, s'il s'agit d'une obligation fondée sur une des autres causes légales traitées au Chapitre précédent.
Au premier abord, il semblerait que ce genre d'accomplissement de l'obligation pourrait toujours être exigé, mais le premier alinéa le subordonne à deux conditions dont la première va de soi, c'est'que le créancier la requière; la seconde seule demande quelque justification.
Si l'exécution directe de l'obligation ne pouvait être obtenue que par des moyens de contrainte sur la personne du débiteur, il faudrait l'abandonner; en effet, le débiteur, en s'engageant, même expressément et par contrat, à accomplir un acte licite, n'a pas eu l'intention ni même le droit d'aliéner tout ou partie de sa liberté individuelle; il reste maître de sa personne, maître de faire ou de ne pas faire, sauf la responsabilité du dommage qui peut résulter pour le créancier du parti qu'il a pris.
Du reste, on comprendrait très difficilement que la contrainte personnelle produisît un effet utile pour le créancier: la plupart des obligations de faire ne peuvent se réaliser que par un effet de la pleine volonté du débiteur, et son refus formel constituerait la force d'inertie, plus difficile à vaincre que la force active (a).
Voici pourtant un cas très pratique d'une obligation de faire qui ne pourra que se résoudre en dommagesintérêts, parce que l'exécution forcée, quoiqu'à peu près possible en fait, est défendue en droit: une personne a promis ses services à temps, pour un prix qui lui a été payé d'avance, en tout ou en partie; elle est déjà entrée dans la maison où elle doit servir; bientôt, elle veut se retirer, même sans cause légitime; celui auquel elle a loué ses services ne peut la retenir, lors même qu'elle ne serait pas en état de restituer les sommes reçues. Le cas s'est présenté souvent au Japon et l'on n'y a peut-être pas toujours observé le principe de droit naturel qui défend qu'une personne aliène sa liberté. Il ne faut pas qu'une maison privée soit transformée en une prison: ]e maître qui retiendrait ainsi une servante contre sa volonté, quoiqu'elle eût fait un contrat de louage de services personnels, serait coupable de séquestration, délit prévu par le nouveau Code pénal (art. 322).
299. La prohibition légale de toute contrainte sur la personne du débiteur s'applique surtout aux obligations de ne pas faire: justement, parce que c'est le cas où la contrainte serait possible en fait, et encore ne serait-ce que dans des circonstances très spéciales.
En France, un acteur célèbre engagé avec un directeur de théâtre, avait promis de ne pas jouer sur un autre théâtre pendant la durée de son engagement (b); il contrevint à sa promesse et le directeur demanda que l'acteur fût enlevé de la scène rivale pendant la représentation; il l'obtint du tribunal, mais ce fut une violation du principe et elle est restée célèbre comme telle; il convient de remarquer d'ailleurs que la décision émanait d'un tribunal de commeree dont les membres sont rarement des jurisconsultes.
300. Le présent article, après avoir posé le principe qu'on vient de justifier, indique des cas où le créancier obtiendra, avec le secours de la justice, une satisfaction égale ou presque égale à celle que lui donnerait une exécution volontaire.
Le premier cas recevra une très large et très fréquente application. Le débiteur est tenu de délivrer une chose corporelle, meuble ou immeuble, en vertu d'une vente, d'un échange, d'une société; il manque à remplir son obligation: le créancier fera saisir la chose et se la fera délivrer par les officiers de justice chargés de l'exécution des jugements. Cette disposition s'appliquera, non seulement dans les cas où, s'agissant d'un corps certain, la propriété aura été transférée par la convention (dans ce cas, le créancier obtiendrait, au besoin, la possession, par l'action en revendication), mais encore, lorsqu'il s'agirait de choses de quantité vendues uopromises: si le débiteur possédait des choses de la nature et de la quantité promises, le créancier en ferait saisir et s'en ferait délivrer la quantité due. En effet, tout cela peut se réaliser sans violence, sans contrainte sur la personne. du débiteur. La violence légale- ne serait employée que si le débiteur s'opposait lui-même, par la violence, à l'exécution du jugement; mais alors il commettrait un délit qui pourrait toujours être réprimé par la force publique.
Cette disposition s'appliquera non seulement aux cas où la délivrance se- rapportera à une translation de propriété ou de droit réel moins étendu, comme à un droit d'usufruit, de louage ou de gage, mais même au cas. où il ne s'agirait que d'un droit personnel, comme dans la promesse de prêt à usage ou commodat, si le promettant refusait d'opérer le prêt par la tradition.
Le deuxième cas est celui d'une obligation de faire. Ici, l'obstacle résultant de la mauvaise volonté du débiteur est le plus considérable, parce qu'il n'y a pas de saisie possible; mais la loi indique un moyen qui, bien souvent, suffira pour donner satisfaction au créancier: il fera accomplir le fait par un tiers, aux frais du débiteur. On conçoit que lorsqu'il s'agit de travaux agricoles ou manufacturiers, il sera peu important pour le créancier qu'ils soient faits par le débiteur lui-même ou par un autre. Mais, s'il s'agit d'une œuvre d'art à exécuter, d'un mandat ou d'une négociation à accomplir, le créancier aura pris en considération le talent, l'habileté du débiteur, et il ne trouverait pas toujours dans un tiers les mêmes garanties de succès. Il appartient donc au créancier, en pareil cas, de choisir entré l'exécution par un tiers et les dommages-intérêts pour inexécution; quand le texte dit que le tribunal autorisera l'exécution par un tiers, c'est bien entendu, en supposant, avec le premier alinéa, qu'elle est requise par le créancier.
Dans le troisième cas, l'obligation est de ne pas faire, l'inexécution de cette obligation est justement l'accomplissement du fait défendu; on dit alors qu'il y a contravention, que le débiteur a contrevenu à l'obligation. L'exécution tout-à-fait directe ne pourrait être obtenue que par des'moyens préventifs attentatoires à la liberté individuelle que la loi défend; d'ailleurs la prévention serait presque aussi impossible en fait qu'e?b droit, car le créancier ne pourrait exercer sur les actes de son débiteur une surveillance continuelle.
Le seul moyen d'assurer au créancier, autant que possible, le bénéfice de l'obligation, c'est de l'autoriser à faire détruire ce qui aura été fait en contravention à ladite obligation, et comme cette destruction sera ellemême un travail, elle sera accomplie aux frais du débiteur. Bien entendu, il faut supposer qu'il s'agit d'actes matériels susceptibles d'être détruits, comme des travaux, des constructions ou plantations nuisibles à un voisin, et encore faut-il supposer qu'ils ne sont pas faits en contravention à une servitude, car ce n'est pas alors en vertu d'une obligation de ne pas faire qu'ils seraient sujets à destruction, mais en vertu du droit réel de servitude.
Un cas pourrait faire doute, c'est celui où le débiteur, homme de lettres ou écrivain de profession, aurait promis de consacrer exclusivement ses travaux à un journal ou à une revue, et aurait contrevenu en donnant des articles à une feuille rivale. En pareil cas, le tribunal pourrait-il ordonner la destruction des travaux faits en contravention à l'obligation ? Il faut répondre négativement, parce que les œuvres de l'esprit ne peuvent être ainsi détruites, malgré leur auteur, que lorsqu'elles sont contraires à la morale ou à l'ordre public, ce qui n'est pas le cas. Il n'y aurait donc lieu qu'à des dommages-intérêts.
301. La loi autorise enfin des mesures préventives pour l'avenir, s'il y a lieu, c'est-à-dire, s'il est possible d'empêcher le retour de la contravention; mais toujours, il faudrait se garder de porter atteinte à l'indépendance de la personne et même au droit de propriété. Ainsi, si un forgeron avait promis de ne pas battre le fer pendant la maladie de son voisin et continuait cependant l'exercice de sa bruyante profession, le tribunal pourrait bien ordonner qu'il payera une forte somme d'argent, par chaque jour ou même chaque beure de contravention; mais il ne pourrait ôter au débiteur le libre accès à son atelier, ni même autoriser la saisie des fers, marteaux, enclumes.
302. L'avant-dernier alinéa de notre article réserve le cumul des dommages-intérêts avec la satisfaction principale autorisée par les alinéas précédents (comp. c. civ. fr., art. 1145; c. civ. ital., art 1222). En effet, cette satisfaction peut n'être pas complète, et, en tout cas, elle sera souvent tardive et le retard seul est presque toujours préjudiciable. Dans le cas de l'exécution par un tiers, le créancier pourra n'avoir pas les mêmes avantages que si l'exécution était venue du débiteur; enfin, dans le cas où il y a eu destruction de ce qui avait été fait en contravention à l'obligation, il sera rare que le préjudice soit complétement réparé par cette destruction. Mais il ne faudrait pas croire, prenant à la lettre l'article 1145 du Code français (reproduit textuellement par l'article 1221 du Code italien), que la destruction de ce qui a été fait ne suffira jamais et sera toujours accompagnée de dommages-intérêts: le véritable sens de cette disposition sera donné à la Section suivante (v. n° 304).
302 bis. La loi n'aurait pas suffisamment pourvu à la garantie des droits du créancier, en lui donnant une action directe pour l'exécution et une action subsidiaire ou même cumulative en dommages-intérêts, si elle ne lui assurait encore l'exécution des condamnations prononcées contre le débiteur: il faut recourir, comme dernière sanction, à la saisie et à la vente forcée des biens de celui-ci, et, par la distribution du prix, le créancier pourra arriver à une satisfaction plus ou moins complète. Mais ces voies d'exécution forcée, qui sont le complément et l'issue finale des poursuites, appartiennent évidemment à la procédure civile à laquelle renvoie le dernier alinéa de notre article.
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(a) De là l'axiome: " Personne ne peut être directement contraint à faire," nemo prcecisè cogi potest ad factum; ce qui est aussi vrai d'une contrainte de fait que d'une contrainte de droit.
(b) Cette convention est très fréquente au Japon.
SOMMAIRE.
Art. 403. — N° 303. Cas où il y a lieu à l'action en dommages-intérêts; inexécution volontaire, impossibilité d'exécuter, simplè retard.
403 bis. -303 bis. Fixation des dommages-intérêts par le tribunal.
404. -304. L'éèhéance d u terme ne constitue pas, eu généraI, le débiteur en demeure; dans l'obligation " de ne pas faire," le débiteur est toujours en demeure; de même dans l'obligation de restituer des choses obtenues par un délit. -304 bis. L'impossibilité d'exécuter par la faute du débiteur ne dispense pas de le mettre en demeure.
405. —305. Double élément des dommages-Intérêts: perte éprouvée, gain manqué; cas de simple faute du débiteur: dommages prévus. -306. Prévision de leur cause ou de leur montant. -307. Cas de dol du débiteur: dommages imprévus. -308. Suites " immédiates et directes " de l'inexécution, d'après le Code f¡'ançais,Exceptions.
309. Suites Il inévitables ou nécessaires " de l'inexécution, d'après le Projet.
406. -310. Fixation des dommages-intérêts en argent: expertise. -311. Liquidation réservée. -312. Indemnité conditionnelle, pour le retard. - 313. Droit pour le débiteur de demander la liquidation immédiate. 407. -314. Cas de torts réciproques des parties.
408 et 409. -315. Clause pénale. -316. Pouvoir restant aux tribunaux, en cas d'exécution partielle et de torts réciproques. -317. Cas de dol ou surprise de la part de l'une des parties. -318 et 319. Influence de la nullité de la convention principale sur la clause pénale; nullité particulière de la clause pénale.
410. -320 et 321. Persistance du droit de résolution; on peut y renoncer; il peut se cumuler avec les dommages-intérêts et avec la clause pénale. -322. Renvoi pour l'effet de la dation d'arrhes.
411, 412 et 413. -323. Dommages-intérêts dans les dettes d'argent. -324. Intérêts moratoires; leur taux maximum. -325. Suppression des distinctions sur la faute ou le dol du débiteur, sur les dommages prévus et imprévus, inévitables ou non. -326. Différence pour le mode de mise en demeure. -327, 328 et 329. Justification de ces trois différences.
414. -330 et 331. Anatocisme ou capitalisation des intérêts compensatoires et moratoires: ses dangers et ses limites. -332. Exception pour les prestations périodiques qui n'impliquent pas un capital dû. -333. Exception pour les intérêts payés par un tiers.
COMMENTAIRE.
Art. 403. — 303. La loi indique d'abord les cas où il y a lieu à la seconde action du créancier, à celle qui tend à l'obtention de dommages-intérêts: ces cas sont déjà pressentis par ce qui a été dit au sujet de l'action pour l'exécution directe.
1° Il y a refus plus ou moins explicite du débiteur; peut-être garde-t-il le silence sur les réclamations formelles du créancier; peut-être allègue-t-il que l'obligation est nulle ou éteinte; dans ce premier cas, il peut y avoir encore lieu à l'exécution directe: le tribunal, rejetant les exceptions ou moyens de défense du débiteur, pourra ordonner les mesures prescrites à l'article précédent, en réservant la condamnation subsidiaire aux dommages-intérêts, sur lesquels il statuera ensuite.
2° Il y a impossibilité d'exécuter et elle est imputable au débiteur, soit que, par imprévoyance, il ait promis plus qu'il ne pouvait tenir, soit que, par la mauvaise gestion de ses affaires, il soit arrivé à ne pas pouvoir remplir ses engagements. Ce cas implique la solution inverse dans l'hypothèse où l'inexécution proviendrait d'un cas fortuit ou d'une force majeure: par exemple, la chose due aurait péri par accident, ou elle serait retirée du commerce; bien entendu, ce serait au débiteur à prouver le cas fortuit ou la force majeure (v. art. 563). Au surplus, cette impossibilité d'exécution constituant un cas d'extinction de l'obligation, c'est au Chapitre IIP, Section vi, qu'il en sera reparlé avec quelques détails.
3° Il y a seulement retard à l'exécution. Ici, les deux actions se réunissent, comme on l'a déjà prévu: le créancier peut obtenir la satisfaction directe ou en nature qui lui est due; mais, en vertu de l'axiome que "celui qui paye tard, paye moins" (qui tardius solvit, minus solvit), ledit créancier pourra obtenir une indemnité à raison de ce préjudice.
Art. 403 bis. -3 03 bis. La fixation des dommagesintérêts est faite par la loi elle-même dans le cas d'obligation d'une somme d'argent: on rencontrera bientôt cette disposition et elle sera justifiée (v. art. 411).
Les parties peuvent aussi les régler d'avance, par une stipulation spéciale de la convention, appelée clause pénale dont il est traité ci-après (art. 408). A défaut de fixation légale ou conventionnelle, des dommages-in. térêts, elle appartient aux tribunaux qui statueront, d'après les circonstances du fait, sur les justifications fournies par le créancier et florès que le débiteur aura été appelé à y contredire.
Quoique le pouvoir du tribunal soit assez étendu en cette matière, il est cependant soumis à certaines conditions et distinctions qui sont l'objet des articles suivants.
Art. 404. — 304. On a déjà remarqué, sur l'article 356, que la loi. tenant compte de la facilité avec laquelle les hommes laissent s'écouler le temps sans s'apercevoir de sa rapidité, n'a pas admis, en principe, que la seule échéance du terme fixé pour l'exécution constituât le débiteur en demeure et le rendît responsable de l'inexécution. Cependant le Code italien l'a admis (art. 1223), mais c'est une grande rigueur qui ne semble pas devoir être suivie (a).
Aux cas exceptionnels, désignés déjà par l'article 356, où le débiteur est constitué en demeure par la seule échéance du terme, le présent article en ajoute deux où il y a moins échéance du terme qu'exigibilité immédiate et continue, qu'absence de terme.
Le 1cr cas est celui où 'l'obligation est de ne pas faire, celui où elle a pour objet l'abstention d'un acte, même licite. Il est clair qu'il serait déraisonnable d'exiger, dans ce cas, une mise en demeure formelle émanant du créancier: s'il devait, pour sauvegarder son droit, avertir le débiteur d'avoir à ne pas faire ce dont il a promis de s'abstenir, il faudrait qu'il réitérât cet avertissement chaque jour et, pour ainsi dire, à chaque moment. On est donc amené à reconnaître que le débiteur est " toujours en demeure:" d'ailleurs, il ne court pas ici le risque d'être surpris par le temps, d'être en faute à son insu, comme dans le cas d'une obligation de faire quelque chose à terme fixe, car sa faute n'est pas de manquer cf, faire ce qu'il a promis, mais de faire ce qu'il s'est interdit; or, l'accomplissement d'un acte, si facile et si prompt qu'il soit, n'est pas de nature à avoir lieu sans que l'attention du débiteur y soit arrêtée et cela suffit pour engager sa responsabilité (voy. n° 271).
La même disposition se trouve dans les Codes fran çai s (art. 1145) et italien (art. 1221); mais elle y est présentée dans des termes et à une place qui feraient croire à un tout autre sens: il semblerait que la loi a voulu dire que, dans le cas d'obligation de ne pas faire, il y a toujours un préjudice éprouvé par le créancier, au cas de contravention, ce qui peut souvent ne pas être.
Dans le Code français le véritable sens de l'article 1145 apparaît, si on lit d'abord l'article 1146 qui exige la mise en demeure: ce Code a eu seulement le tort de placer 'l'ex,ceptic-n avant al règle. Dans le Code italien, l'exception occupe deux articles (art. 1221 et 1222) et est également avant la règle (art. 1223).
Le Projet ne laisse aucun doute sur le rapport de l'exception avec la règle.
Ce qui est encore à noter sur cette première exception, c'est que le Projet ne dit pas que la, mise en demeure " résulte du seul fait de la contravention: " lé débiteur est " toujours de plein droit en demeure," sans même qu'il y ait contravention à son obligation: sans doute, les dommages intérêts ne seront dûs que s'il a contrevenu, mais il est illogique de dire que sa contravention le met en demeure. En demeure de quoi le mettrait elle ? De ne pas faire? Mais il ne peut plus être question de s'abstenir, puisqu'il a fait ce qu'il ne devait pas faire. Il est au contraire tout naturel de dire qu'il est en demeure dès que la convention de ne pas faire été conclue Le 2° cas est celui de l'obligation de restituer des objets appartenant à autrui et que le débiteur s'est appropriés par un vol ou par un abus de confiance, ou qu'il s'est fait livrer par un délit d'escroquerie: dans ces cas, il ne peut, comme un débiteur par contrat, se faire illusion sur l'intention plus ou moins bienveillante du créancier; une interpellation n'est donc pas nécessaire pour qu'il sache qu'il est en faute de ne pas rendre; d'ailleurs, en même temps que le débiteur par délit n'est pas digne d'intérêt comme le débiteur par contrat, le créancier est lui-même plus intéressant qu'un créancier par contrat, car il peut, soit ignorer le délit dont il a été victime, soit en ignorer l'auteur, ce qui rendrait impossible un acte de sa part constituant la mise en demeure du délinquant.
Au surplus, cette mise en demeure de plein droit n'a lieu que pour les corps certains ou les choses de quantité autres que l'argent: pour les sommes d'argent, la mise en demeure faisant courir les intérêts moratoires ne peut résulter que d'une demande en justice ou d'une reconnaissance spéciale du débiteur à cet effet: l'article 413, ci-après, ne fait pas d'exception pour les délits.
304 bis. On a quelquefois soutenu qu'au cas où le débiteur est, par sa faute, dans l'impossibilité d'exécuter, ce qui ne le libère pas des dommages-intérêts, il est inutile que le créancier le mette en demeure.
Nous ne proposons pas d'introduire cette exception dans la loi. D'abord l'impossibilité d'exécuter n'est pas toujours connue du créancier avant les poursuites; ensuite, le fût-elle, elle aura toujours pour effet de révéler chez le créancier la volonté d'être satisfait par les dommages-intérêts et, par conséquent, elle fixera le moment auquel on devra se placer pour apprécier le montant du préjudice éprouvé et du gain manqué.
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(a) Suivant que la loi admet ou n'admet pas que le terme vaille iuterpellation, au lieu et place d'une sommation, 011 dit: dies interpellât ou n o n interpellai pro Tiomine (v. lil 144, note i).
Art. 405. — 305. L'expression dommages-intérêts a, en français, un sens complexe: elle répond à la double idée de perte éprouvée (damnum emergens) et de gain manqué (lucrum cessans); il est, en effet, aussi nuisible au créancier, en principe, de manquer à acquérir de nouveaux biens que de perdre quelque chose des biens déjà acquis; cela est vrai surtout si ces profits étaient dans les prévisions du créancier; il y a toutefois cette différence entre les pertes éprouvées et les gains manqués que ceux-ci seront plus difficiles à prouver que celles-là, par la raison que les pertes sont un fait positif et les gains manqués un fait négatif; or, on a déjà eu occasion de signaler (ci-dess., n° 113) la difficulté de prouver une négation.
Malgré la généralité du principe posé par le premier alinéa, il a fallu y apporter quelque tempérament: il est de la nature des dommages ou pertes de se développer progressivement: une perte en entraîne souvent une autre; de même, un gain réalisé en amènerait d'autres successivement, et la cause qui le fait manquer fait aussi manquer les autres. La loi ne peut cependant suivre jusqu'au bout, ni même bien loin, cette succession de pertes éprouvées ou de gains manqués; elle est seulement plus sévère pour le débiteur de mauvaise foi que pour celui auquel il n'y a à imputer que sa négligence. Le débiteur qui n'a manqué à exécuter son engagement que par imprévoyance ne répond des pertes du créancier ou des gains par lui manqués que dans la mesure de ce qui était prévu ou à prévoir par les parties, lors de la convention. Cette prévision effective, ou au moins possible, est considérée comme une convention tacite, au sujet des dommages-intérêts.
306. Une difficulté s'élève cependant, en France, sur l'article 1150 qui a la même disposition: faut-il que les parties aient prévu le montant de l'indemnité qu'entraînerait l'inexécution, ou seulement qu'elles aient prévu la cause ou la nature du dommage ? La première opinion est la plus généralement admise et c'est elle aussi qui protège davantage le débiteur, car, si l'on se contente que la cause du dommage ait été seule prévue, les suites pourront en être ruineuses pour le débiteur. tl,'l-i exemple fera ressortir cette différence dans les résultats des deux systèmes Le débiteur avait promis (les marchandises qu'il savait destinées à. être vendues par le stipulant; par sa faute, il n'a pu les livrer au temps con venu; dans l'intervalle du contrat au temps fixé pour l'exécution, la valeur desdites marchandises a doublé ou triplé, contre toutes les prévisions, même les plus favorables: dans l'opinion commune, le débiteur ne devrait que la valeur la plus haute que les parties ont pu raisonnablement prévoir; dans l'autre opinion (assez nouvelle en France), le débiteur, ayant connu le but du stipulant, qui était de revendre, a prévu la cause de la perte et en doit subir toutes les suites. Le Code français paraît avoir adopté ce système rigoureux en matière de vente (v. art. 1633), où, supposant qu'un acheteur est évincé de la chose vendue, parce que le vendeur ne l'a pas rendu propriétaire, il lui fait rembourser, à titre de dommages-intérêts, toute la plus-value qu'a pu acquérir la chose, sans distinguer si cette plus-value a été ou non dans les prévisions des parties. Faut-il voir là une application du second système ? N'est-ce pas plutôt une exception au premier ? La question sera longtemps encore discutée en France.
Quoi qu'il en soit, le Projet ne croit pas devoir consacrer le nouveau système, comme trop rigoureux pour le débiteur: il ne parle pas de la prévision des causes de pertes mais de celle des pertes mêmes ou des privations de gains, ce qui doit s'entendre de leur montant..
307. Il y a plus de sévérité pour le débiteur qui n'a pas exécuté par dol ou mauvaise foi.
Il faut d'abord déterminer en quoi consiste ici le dol ou la mauvaise foi. Le dol ne sera pas, comme dans le cas de l'article 333, un ensemble de manœuvres tendant à induire en erreur la partie contractante: il est ici synonyme de la mauvaise foi, laquelle consistera, au peint de vue qui nous occupe, à manquer volontaire. ment à exécuter l'obligation, lorsqu'on en aurait la possibilité; il n'est même pas nécessaire que le débiteur ait eu, en n'exécutant pas, le but et l'intention de nuire, il suffit que le débiteur ait sit qu'il nuisait; ainsi, le débiteur a promis des marchandises ou des travaux pour une époque déterminée; ensuite, il en trouve un meilleur prix près d'une autre personne et il lui donne la préférence, sachant pourtant que le créancier sera dans l'èmb,arras-: on dira, dans ce cas, que l'inexécution n'est pas seulement l'effet d'une faute, mais qu'elle provient du dol ou de la mauvaise foi, quoique le mobile du débiteur n'ait pas été la méchanceté, mais seulement la recherche d'un gain illicite.
La conséquence sera que le - débiteur répondra non seulement du préjudice qui a pu être prévu par lui, lors de la convention ou même lors de l'inexécution, mais encore du préjudice qu'il ne lui était pas possible de prévoir; par exemple, le créancier avait, de son côté, pris des engagements auxquels il ne pouvait satisfaire que s'il avait obtenu lui-même ce qui lui était dû: le débiteur sera responsable des indemnités auxquelles le créancier pourra être condamné envers son propre créancier.
308. Mais, dans ce cas même, la loi craint l'exagération de la responsabilité du débiteur de mauvaise foi: c'est là surtout qu'elle défend de rechercher la génération des dommages les uns par les autres; le Code français (art. 1151) ne permet au tribunal de tenir compte que de ce qui est " une suite immédiate et directe de l'inexécution; " le Code italien a la même disposition (art. 1229).
Pour comprendre cette limite, on peut supposer que le débiteur qui avait promis des marchandises à livrer a manqué, de mauvaise foi, à l'exécution de sa promesse; il ignorait que le créancier avait fait lui-même un marché à livrer des mêmes marchandises: le prix ayant haussé, le créancier a été obligé de se pourvoir des mêmes marchandises au cours du jour et il a souffert une perte ou manqué à gagner; c'est là un dommage "imprévu" dont ne répondrait pas un débiteur simplement négligent; mais comme ce dommage est une " suite immédiate et directe " de l'inexécution, le débiteur de mauvaise foi en est tenu. Au contraire, le créancier ne serait pas recevable à demander l'indemnité de dommages " médiats et indirects; " par exemple, n'ayant pu remplir son engagement envers un tiers, il a été condamné, luimême, à une forte indemnité: il ne pourra se la faire rembourser par son débiteur de mauvaise foi, parce que ce dommage n'est pas la suite immédiate et directe de l'inexécution de la première obligation, mais de l'inexécution de la seconde; il ne pourrait, non plus, en alléguant la plus-value des marchandises et les bénéfices qu'il en aurait pu. réaliser, se faire tenir compte des bénéfices ultérieurs et successifs qui en auraient pu être la suite.
Cette limitation des dommages-intérêts, même au cas de mauvaise foi du débiteur, se justifie de deuxmanières: d'abord, lorsque les dommages ne résultent pas directement de l'inexécution, ils n'en sont pas la conséquence certaine: il est à craindre que le créancier, abusant de la situation peu intéressante du débiteur, n'attribue à l'inexécution des dommages ou des pertes de profits qui, en réalité, n'ont pas cette cause; en second lieu, le créancier pouvait ou est présumé avoir pu éviter les dommages ou les pertes de gains en se pourvoyant autrement pour remplir lui-même les engagements qu'il avait contractés.
309. C'est à raison de ce double motif de la limitation de la responsabilité du débiteur de mauvaise foi que le Projet a changé légèrement l'expression du Code français: au lieu de prendre pour base de l'indemnité ce qui est " une suite immédiate et directe de l'inexécution," il prend ce qui en est " une suite inévitable."
La différence n'est pas seulement dans les mots, mais elle est aussi dans les choses: la question de savoir si tel dommage ou telle privation de gain est une suite immédiate et directe de l'inexécution est une question de métaphysique, autant et plus que de droit; certainement, elle n'est pas une question de fait; elle peut donc créer de sérieux embarras pour les tribunaux, comme cela se voit en France; au contraire, c'est une simple question de fait et de circonstances que de savoir si le créancier pouvait, par quelque mesure prévoyante ou habile, prévenir telle ou telle suite de l'inexécution de la promesse qui lui a été faite. En conséquence, les tribunaux n'auront plus à rechercher si telle perte ou telle privation de gain est une suite immédiate ou médiate, directe ou indirecte, de l'inexécution: il leur suffira de rechercher si le créancier pouvait ou non l'éviter (b).
L'innovation du Projet aura encore une conséquence très importante dans le règlement des dommages-intérêts, au cas de bonne foi ou de simple faute du débiteur.
Dans le système français, on peut trouver des cas où la position du débiteur de bonne foi sera moins avantageuse que celle du débiteur de mauvaise foi: si l'on suppose que des dommages ou des privations de gains ont été prévues ou ont pu l'être, comme suite médiate ou indirecte de l'inexécution, le débiteur de bonne foi en est tenu, comme les ayant prévus et en ayant éventuellement accepté la responsabilité; tandis que le débiteur de mauvaise foi qui ne les aurait pas prévus n'en serait pas tenu. Avec la nouvelle formule, le débiteur de bonne foi ne devra réparer que les dommages " inévitables" qu'il a prévus, parce qu'il a toujours pu espérer aussi que le créancier ferait tout ce qui dépendrait de lui pour prévenir et limiter les dommages dans la mesure du possible.
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(b) Un ancien auteur français que les rédacteurs du Code ont constamment suivi dans la matière des Obligations, l'otliier, distinguait si les dommages éprouvés "étaient une suite nécessaire de l'inexécution ou pouvaient avoir une autre cause;" c'était la même idée que celle pro. posée dans ce Projet.
Art. 406. — 31. O. Le principe posé par le premier alinéa a pour but d'éviter que le tribunal n'ordonne des indemnités en nature dont la valeur pourrait être diflicile à apprécier et pourrait, dans sa réalisation, se trouver inférieure ou supérieure au dommage réel du créancier. Ainsi, si le débiteur a manqué à fournir un objet déterminé, le tribunal ne pourrait le condamner à en fournir un semblable: d'abord, la similitude parfaite pourrait être impossible à trouver; elle serait, en tout cas, contestable et le procès renaîtrait à ce sujet; ensuite, il pourrait arriver que la difficulté du remplacement fut extrême et que le débiteur en éprouvât un préjudice bien supérieur à celui du créancier: une condamnation immédiate à. une somme d'argent, arbitrée par le tribunal, d'après les distinctions qui précèdent, satisfera les intérêts respectifs des parties et terminera la contestation.
Le tribunal peut toujours nommer des experts, pour s'éclairer sur la nature ou l'étendue des dommages et sur la valeur des éléments de réparation.
311. La règle qui précède ne s'applique plus aussi rigoureusement lorsque les dommages-intérêts sont demandés, non par action principale, mais subsidiairement ou conjointement à une autre action, laquelle peut tendre, soit à l'exécution directe par le débiteur ou par un tiers à ses frais, soit à la résolution du contrat pour inexécution. Dans ce cas, la loi n'exige pas la liquidation immédiate des dommages-intérêts: il en pourrait résulter un retard préj udiciable au créancier; d'ailleurs, ils ne seront peut-être pas dûs, si le débiteur exécute. lia loi indique alors la marche que devra suivre le tribunal: s'il 'n'a pas les éléments nécessaires à la fixation du montant des dommages-intérêts, il se borne à les allouer, en principe, et il en réserve la liquidation, à laquelle il devra procéder, lorsqu'il sera certain que le débiteur ne peut ou ne veut exécuter et lorsque le créancier aura fourni les justifications nécessaires, lesquelles pourront être contredites par le débiteur. Ce prqcédé s'appelle, en France, "liquidation par état" (c. prôo. civ., art. 128 et 523, s.); parce que le créancier doit fournir ultérieurement des documents ou états des pertes qu'il a éprouvées et des gains qu'il a manqué à faire.
312. Le 3e alinéa indique un autre procédé que le tribunal pourra souvent employer utilement: quand l'exécution de l'obligation ne peut avoir lieu sans la pleine volonté du débiteur, sur laquelle aucune contrainte directe ne peut être exercée, le tribunal arrivera légalement à une contrainte indirecte, en ordonnant ladite exécution et en condamnant le débiteur, éventuellement ou conditionnellement, à une indemnité par chaque jour ou -chaque mois de retard, sans préjudice des dommages-intérêts, au principal, pour l'inexécution même. Généralement, ce délai ne commencera qu'à partir d'un certain temps, également fixé par le tribunal, car il y a des cas où l'exécution, même volontaire, exige un certain temps. Mais, comme il ne faudrait pas que cette prestation, à raison du retard, se continuât indéfiniment et arrivât ainsi à excéder la réparation du dommage total, même le plus rigoureusement estimé, le tribunal doit fixer un délai maximum après lequel il statuera définitivement; il lui restera alors à statuer sur les dommages-intérêts au principal qui n'ont pas été appréciés dans le jugement; mais il ne pourrait p"s restreindre la somme qu'il a déjà fixée pour le retard; on l'a cependant quelquefois prétendu, en France, et il y a des tribunaux qui ont cru pouvoir revenir sur cette fixation, mais cette solution est contraire à l'autorité de la chose jugée: la condamnation prononcée en prévision du retard n'a pas été simplement cornmÍnatoÍ'/'f, ou en forme de menace, elle a été et a dû être effective.
313. Le dernier alinéa consacre au profit du débiteur un droit qui peut étonner, au premier abord, parce qu'il semble contraire aussi à l'autorité de la chose jugée; mais il faut remarquer que la condamnation prononcée en prévision du retard est éventuelle ou conditionnelle; or, de même que le débiteur pourrait la faire tomber en exécutant, de même il le peut, en déclarant, immédiatement ou au cours du délai, qu'il ne peut ou ne veut exécuter; dès lors, il n'y a plus lieu de maintenir une mesure qui sera nécessairement sans résultat utile. On n'a pas oublié d'ailleurs que, dans les cas où l'exécution de l'obligation dépend de la volonté du débiteur, cette volonté doit rester libre, sauf la sanction, la peine civile de l'inexécution. Lors donc que le débiteur déclare formellement qu'il se refuse à exécuter ou ne le peut et demande le règlement immédiat des dommages-intérêts, il doit l'obtenir: il encourra le condamnation antérieure, à raison du retard, pour le temps déjà écoulé et la condamnation définitive au principal sera anticipée.
On doit remarquer, du reste, que, bien que son refus formel d'exécuter, quand il le pourrait, le constitue désormais non plus seulement en faute, mais en état de mauvaise foi, cela n'étendra pas responsabilité du dommage à raison du retard, parce qu'elle a déjà été fixée par le tribunal; les dommages-intérêts au principal, seuls, n'étant pas encore fixés, pourraient être aggravés par la mauvaise foi.
Art. 407. — 314. n'est pas rare que le créancier lui-même ait eu quelques torts qui ont eu une influence sur l'inexécution de l'obligation ou sur le retard qu'y a mis le débiteur: par exemple, il a indûment contesté le mode d'exécution du débiteur ou il a refusé une livraison proposée, sous le prétexte exagéré d'un défaut de conformité à l'obligation; évidemment, il est juste de tempérer la condamnation aux dommages-intérêts.
Cette prise en considération des torts réciproques sera d'une application plus fréquente encore lorsqu'il s'agira de fixer les dommages-intérêts en matière de délits ou de quasi-délits; ainsi, quand une personne est blessée par l'imprudence d'une autre, il n'est pas rare que la victime ait, elle-même, commis quelque imprudence en s'exposant au danger.
Dans tous les cas, qu'il s'agisse d'inexécution d'obligation ou de dommage causé injustement, la réciprocité des torts aura souvent pour effet d'exclure tout soupçon de mauvaise intention chez le débiteur.
On a déjà rencontré à l'article 330, 2c al., le cas de torts réciproques des parties (v. nos 91 et 92).
Art. 408 et 409. -315. Il y a avantage pour les parties à régler à l'avance les dommages-intérêts: le créancier est alors dispensé d'établir non-seulement l'étendue du dommage qu'il éprouve, mais l'existence même de ce dommage; le débiteur, de son côté, n'a pas à en craindre une évaluation judiciaire exagérée; c'est une sorte de forfait ou prix fait à l'avance.
Le nom de ” clause pénale " donné à cette convention n'est pas rigoureusement exact: l'indemnité, la réparation d'un dommage n'est pas une peine pour le débiteur, pas plus qu'elle n'est un profit pour le créancier; mais ce nom est consacré par l'usage, depuis les Romains, et il paraît naturel de l'adopter aussi au Japon (c).
La clause pénale n'aura pas, du reste, un effet aussi étendu que celui d'une transaction qui interviendrait entre les parties après le dommage causé, elle n'empêchera pas toujours le procès, certains points resteront à décider par le tribunal, si les parties n'ont pas poussé leurs prévisions jusqu'au bout.
Ainsi, la clause pénale a-t-elle été stipulée pour le cas d'inexécution ou pour celui de simple retard ? Ce sera une question à décider d'après les circonstances, et principalement, d'après le montant même de la somme stipulée: si elle est relativement faible, il sera vraisemblable qu'elle n'a été établie que pour le retard et, dans ce cas, le créancier pourra demander, en même temps, l'exécution et la somme pénale (comp. civ. fr., art. 1229).
Il pourra aussi y avoir procès sur le point de savoir si l'inexécution ou le retard est imputable au débiteur, ou s'il y a eu cas fortuit, force majeure, ou même négligence du créancier; car, la clause pénale, représentant les dommages-intérêts, n'est due que dans les mêmes cas et aux mêmes conditions que ceux-ci; c'est ainsi encore qu'elle n'est due que si l'inexécution ou le retard ont eu lieu après la mise en demeure. Au contraire, il n'y aura pas à distinguer si l'inexécution ou le retard provient de la mauvaise foi du débiteur ou seulement de sa négligence, ni, par suite, si les dommages éprouvés sont ou non " un effet inévitable" de l'inexécution ou du retard; en effet, la stipulation pénale, - qui ne modifie pas les cas dans lesquels les dommagesintérêts sont encourus, a justement pour but de prévenir les difficultés relatives à leur fixation.
316. Le pouvoir d'appréciation des tribunaux, même quant au montant des dommages-intérêts, conserve cependant encore une application importante prévue à l'article 409: s'ils ne peuvent, en principe, augmenter ni diminuer la clause pénale, c'est parce que les parties ont entendu pourvoir elles-mêmes à leurs intérêts; mais ils peuvent, par exception, la diminuer dans deux cas où des circonstances postérieures à la stipulation exigent que l'indemnité soit diminuée pour rester juste. Ces deux cas, indiqués au texte, n'ont pas besoin d'explication. On remarquera seulement que ce n'est pas un devoir que la loi impose au tribunal, mais un pouvoir qu'elle lui accorde: dans chacun des deux cas, il y a à faire une appréciation pour laquelle une grande latitude doit être laissée au tribunal. Ainsi, l'exécution partielle peut n'avoir procuré au créancier aucun avantage réel, comme on le verra dans les obligations indivisibles, il ne devra donc pas toujours y avoir diminution de la clause pénale; ainsi encore, la faute du débiteur peut avoir eu beaucoup plus d'influence sur l'inexécution ou le retard que le cas fortuit, la force majeure ou même la négligence du créancier.
317. Une autre sorte de contestation pourra s'élever sur la clause pénale, à savoir, sur sa validité même: l'une des parties pourra prétendre qu'elle n'a été amenée. à y consentir que par erreur, violence ou dol; le créancier se plaignant, à ce sujet, de son exiguité, le débiteur, de son exagération. La loi n'a pas à réserver ce genre de contestation qui peut s'élever au sujet de toute convention.
318. Il y a plus de difficulté au sujet de la clause pénale ajoutée à une convention qui serait nulle par elle-même, soit par son objet, soit par sa cause.
En principe, la nullité de la convention principale entraîne celle de la clause pénale (art. 323); ainsi, s'il y a eu convention de donner une chose placée hors du commerce, ou promesse d'un fait illicite, la stipulation d'une peine sera nulle comme la stipulation principale. Il en serait autrement, si la stipulation principale n'était nulle que faute d'un intérêt appréciable pour le stipulant: dans ce cas, la clause pénale, en donnant un intérêt déterminé au stipulant, validerait la stipulation principale (voy. n° 104). A cet égard, l'article 1227 du Code français est trop absolu, en ne réservant pas le cas particulier qui nous occupe.
Il faut encore citer comme cas où la clause pénale serait nulle, étant contraire à la loi, celle où elle aurait pour but d'éluder les limites du taux de l'intérêt d'une somme d'argent. Quand le taux des intérêts compensatoires n'est pas laissé à la liberté des conventions, celui des intérêts moratoires ne peut être libre non plus (d); si donc le créancier avait stipulé, pour le cas de retard dans le payement d'une somme d'argent, une somme fixe qui se trouvât supérieure au taux permis, eu égard au temps du retard, elle serait réduite à ce taux. Quelques personnes pourraient soutenir que la clause pénale est nulle pour le tout et que les intérêts moratoires seront alors fixés par le tribunal, d'après les articles qui suivent, comme s'il n'y avait pas de clause pénale; mais il paraît plus exact de dire que la clause pénale n'est nulle que pour ce qui excède le taux permis; et il n'est pas indifférent de le décider, parce que, si la clause était garantie par un cautionnement ou par une autre sûreté, cet avantage serait maintenu dans la mesure du taux permis, ce qui n'aurait pas lieu si la clause était annulée pour le tout.
319. Un cas assez fréquent où la validité de la clause pénale sera discutable est celui où elle aura été stipulée en vue de prévenir les procès sur la convention. Il faudrait la déclarer nulle, si elle avait pour but de priver l'une des parties du recours à la justice pour le redressement des torts qu'elle aurait subis, soit lors de la formation du contrat, soit lors de son exécution. Ainsi, une partie ne pourrait valablement se soumettre à une clause pénale pour le cas où elle demanderait la nullité de la convention, pour erreur, violence, dol ou incapacité: elle ne peut renoncer ainsi, d'une façon déguisée, à la protection des tribunaux, pas plus qu'elle n'y pourrait renoncer expressément; si donc, elle triomphait, sur une pareille demande, la clause pénale serait sans effet contre elle; au contraire, si la partie succombait, comme, en pareil cas, le tribunal pourrait la comdarnner aux dommages-intérêts, la clause pénale se trouverait encourue, comme fixant le montant des dommages-intérêts, sans préjudice des frais du procès.
En général, la clause pénale serait valable, si elle avait pour but de prévenir un appel contre une première sentence rendue ou à rendre, parce que les parties, autres que les incapables, peuvent renoncer à l'appel, soit avant le jugement de première instance, soit après.
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(c) Far un défaut de méthode, le Code français (art. 1152), après avoir seulement mentionné la clause pénale dans la Section des dommages-intérêts, Ott était pourtant sa place naturelle, lui consacre, beaucoup plus loin, une Section spéciale (art. 1226 à 1233), et il la considère, à tort, comme une modalité, une espèce particulière de l'obligation.
Le Code italien a reproduit presque textuellement les mêmes dispositions (voy. art. 1209 à 1216 et 1230).
(d) On appelle intérêts compensataires ceux que le débiteur doit en vertu et en retour de la jouissance d'une somme d'argent, jusqu'à l'échéance du terme, et intérêts moratoires ceux qu'il doit après sa mise en demeure (mora).
Art. 410. — 320. La question tranchée par cet article, entièrement négligée dans les Codes français et italien, est d'une grande importance et demande une solution législative.
On a annoncée déjà (n° 22) et l'on verra bientôt avec détails (art. 441) que tout contrat synallagmatique contient une condition résolutoire tacite au profit de chacune des parties, pour le cas où l'autre n'exécuterait pas; la partie non satisfaite a ainsi le choix entre deux voies: ou faire exécuter l'obligation, autant que faire se pourra, avec dommages-intérêts complémentaires, s'il subsiste pour elle un préjudice, ou faire détruire, résoudre le contrat, par la justice, c'est-à-dire se faire délier elle-même de ses engagements et recouvrer ce qu'elle a déjà fourni en vertu du contrat, avec dommages-intérêts également, tant pour le retard éprouvé que pour le manque de gain légitime et quelquefois pour insuffisance de la restitution.
321. On verra aussi que les parties ou l'une d'elles peuvent renoncer au droit de résolution, parce qu'il n'est pas d'ordre public. Mais la stipulation d'une clause pénale pour le cas d'inexécution par l'une des parties ne suffit pas pour enlever au stipulant le droit commun de la résolution: pour qu'il en fût autrement, il faudrait que la stipulation eût été accompagnée d'une renonciation expresse à la résolution; seulement, le demandeur en résolution ne pourrait cumuler les deux avantages, pas plus qu'il ne pourrait cumuler l'exécution réelle, même tardive, avec la clause pénale stipulée pour inexécution. Lors donc que le créancier demandera la résolution, il ne pourra obtenir comme dommages-intérêts que ceux qu'il aurait pu obtenir, dans le même cas, s'il n'y avait pas eu stipulation: la clause pénale sera complètement écartée; car le créancier qui obtient la résolution ne peut plus se plaindre de l'inexécution principale, laquelle est le résultat de sa volonté; les dommages-intérêts complémentaires qui lui sont dus pour les causes ci-dessus énoncées seront donc fixés par le tribunal.
Mais, si l'on suppose, avec le second alinéa de notre article, que la clause pénale a été stipulée pour le cas de simple retard, elle se cumule avec l'exercice de la résolution, comme elle se cumulerait avec l'exécution réelle ou directe, mais tardive.
322. Observons, en terminant, qu'il ne faut pas confondre la clause pénale avec la " dation d!arrhes,'" laquelle consiste dans la remise d'une somme d'argent ou autre valeur, avec convention expresse ou tacite que celui qui l'a donnée pourra se désister librement rlu; contrat en perdant cette valeur; dans ce cas, le cré-> ancier ne peut exiger l'exécution, si le débiteur déclare' se dédire ou se désister.", Il sera parlé de la dation d'arrhes, sous l'article 446 (n° 402), au sujet de la résolution volontaire des contrats, considérée comme cause d'extinction des obligations; il en sera aussi parlé, plus au long, au sujet de la vente (v. art. 666 et 667).
Art. 411, 412 et 413. -323. La loi présente ici quelques dispositions particulières aux dettes de sommes d'argent., en ce qui concerne les dommagesintérêts pour inexécution. Il faut remarquer tout d'abord qu'ici Vin exécution se confond avec le simple retard, car, tant que la dette d'argent n'est pas acquittée, elle est exigible en nature: il n'y a à cela aucun obstacle de droit ni de fait; la faute du débiteur consiste donc uniquement dans le retard.
Ces dispositions spéciales, qui ne sont pas toutes des faveurs pour le débiteur, sont au nombre de trois et forment l'objet d'autant d'articles distincts; elles sont d'ailleurs les marnes que dans le Code français (art. 1153).
Il convient d'abord de les préciser avec soin; on les justifiera ensuite.
324. -I. Le montant des dommages-intérêts ou des intérêts moratoires n'est pas laissé il l'appréciation du tribunal, même avec les limites prévues à l'article 405: il ne peut être ni supérieur, ni inférieur au taux que la loi fixe elle-même, lorsqu'elle alloue des intérêts compensatoires au créancier de sommes d'argent, à défaut de convention spéciale.
Ce taux, dit légal, se rencontre dans toutes les législations, même dans celles qui admettent la liberté de l'intérêt conventionnel: il a justement pour but de suppléer au défaut de convention à cet égard, dans les cas où le créancier a besoin de la protection de la loi; on conçoit dès lors qu'il ait une détermination fixe et que le taux en soit modéré.
Il existait un taux légal de l'intérêt sous l'empire du Code civil français, à côté de l'intérêt conventionnel qui était libre (art. 1907) et qui n'a été limité que par une loi postérieure du 3 septembre 1807 (e).
On trouve aussi dans le Code civil italien un intérêt légal, à côté de l'intérêt conventionnel qui est libre (art. 1838).
Enfin, même quand l'intérêt conventionnel est limité, les deux taux peuvent être inégaux; c'est ce qui existe actuellement au Japon, où l'intérêt légal est de 6 pour 100, tandis que l'intérêt conventionnel n'est limité qu'à 20, 15 et 12 pour 100, suivant le montant de la dette.
Ce n'est pas ici le lieu de discuter, au point de vue économique ni législatif, s'il ne vaut pas mieux que l'intérêt soit indépendant du montant des sommes dues, et. même s'il ne doit pas être entièrement libre. La question trouvera sa place toute naturelle à l'occasion du contrat de prêt de consommation.
De ce que les tribunaux ne peuvent allouer à titre d'intérêts moratoires que les intérêts dits légaux, il n'en faut pas conclure que ces intérêts moratoires deviennent eux-mêmes légaux: ce serait dire qu'ils sont dus de plein droit, en vertu de la loi et sans demande de la partie intéressée, ce qui est inexact, en présence de l'article 413 qui exige formellement une demande en justice, comme point de départ des intérêts moratoires.
Si les parties veulent régler elles-mêmes les intérêts moratoires par une clause pénale, elles n'ont pas non plus, à cet égard, une liberté illimitée: elles doivent rester dans la limite du taux de l'intérêt conventionnel, s'il est limité par la loi; mais elles peuvent toujours fixér un taux moindre, même inférieur à l'intérêt légal.
En France, où l'intérêt légal et l'intérêt conventionnel ont le même taux, la clause pénale est rare, car elle ne peut servir qu'à diminuer l'intérêt moratoire.
Au Japon, aujourd'hui, elle pourrait servir aussi à l'élever au-dessus du taux légal, tout en restant dans la limite du taux conventionnel maximum.
En Italie, la clause pénale est absolument libre pour la fixation des intérêts moratoires, comme pour celle des intérêts compensatoires (art. 1231).
Le Code français, après avoir posé le principe qui nous occupe (art. 1153), excepte les matières commerciales et le cautionnement (comp. art. 2028, 3e al.); la matière des sociétés se trouve aussi exceptée (art., 181G, 3e a].).
Le Code italien réserve formellement les trois mêmes exceptions (art. 1231, 1er al., 1710, 1915).
Le présent Projet n'a pas voulu limiter ainsi les exceptions: il se borne à les réserver d'une manière générale; on les rencontrera, chemin faisant.
325. -II. Le créancier, ne pouvant recevoir à titre de dommages-intérêts qu'une somme déterminée par la loi, pour tous les cas indistinctement, ne sera pas toujours indemnisé complétement du préjudice éprouvé; il est naturel alors que, par une sorte de compensation, il reçoive toujours la même somme, lors même qu'il n'aurait éprouvé aucun préjudice; le règlement de la loi est un forfait, comme 1:1 clause pénale (v. n° 315): le créancier peut y perdre, mais aussi il peut y gagner.
Comme on ne recherchera pas si c'est par la simple faute du débiteur ou par l'effet de sa mauvaise foi que la dette n'a pas été acquittée, il n'y a pas lieu non plus a la distinction entre les dommages prévus et les dommages imprévus, ni entre ceux qui sont une suite inévitable du retard à payer et ceux qui n'en sont que la suite accidentelle. Mais, par contre, le débiteur ne sera pas reçu à se disculper en prouvant le cas fortuit ou la force majeure.
326. -III. Tandis que la mise en demeure qui constitue le débiteur en faute peut résulter de moyens assez variés, lorsqu'il s'agit d'obligations autres que d'une somme d'argent (v. art. 356 et 404), ici, la mise en demeure ne peut résulter que d'une demande en justice: la loi n'admet pas même une convention orginaire par laquelle il aurait été stipulé que le débiteur serait en demeure par la seule échéance du terme, sans demande et même sans sommation. Sous ce rapport, le Projet suit la loi française et s'écarte du Code italien qui parait se contenter de toute mise en demeure, d'après le droit commun (art. 1231, 2e al.). Enfin, le Projet tranche contre le créancier une question restée discutable eri France, à savoir, si la demande dit capital suffit pour faire courir les intérêts moratoires, ou si elle doit porter, en même temps ou séparément, sur les intérêts moratoires eux-mêmes: c'est cette dernière solution que le Projet adopte comme plus favorable au débiteur.
La loi met sur la même ligne que la demande (les intérêts moratoires la reconnaissance spéciale qu'en ferait le débiteur: il est clair que, de tous les modes de constitution en demeure, c'est encore là celui qui donne le plus de garantie contre la surprise résultant de la rapidité du temps; il n'est d'ailleurs qu'une application du principe que " la convention fait loi entre les parties " (f).
La loi réserve encore ici, d'une façon générale, des cas exceptionnels où les intérêts moratoires courent de plein droit, c'est-à-dire, par la force de la loi et sans injonction du créancier, et des cas où cette injonction, moins énergique qu'une demande en justice, consistera dans une simple sommation (comp. c. civ. fr., art. 1652; Proj., art. 715).
327. Il faut maintenant justifier ces trois faveurs accordées au débiteur d'une somme d'argent: les deux premières sont fondées sur une idée commune, la troisième sur une raison spéciale.
1. Si la loi avait permis au créancier de prouver toute espèce de préjudice résultant pour lui du défaut de payement de la somme due, il aurait été très facile à celui-ci d'établir par (les témoins complaisants ou abusés qu'il aurait fait de son argent tel ou tel emploi très lucratif; il aurait naturellement allégué les emplois qui, par l'événement, se seraient trouvés avantageux, tandis que, peut-être, s'il avait eu la disposition de la somme, il en aurait fait un emploi ruineux; l'extrême variété des emplois possibles d'une somme d'argent, avec leurs résultats éventuels fort différents, aurait jeté les tribunaux dans un grand embarras, lequel ne se rencontre pas, au contraire, lorsqu'il s'agit, soit de dettes de toutes autres choses à donner, soit d'obligation de faire ou de ne pas faire: dans ces cas, le but que se proposait le créancier est facile à connaître et les conséquences de l'inexécution ou du retard ne sont pas très difficiles à apprécier.
La loi, ne croyant pas possible pour les tribunaux d'arriver à la certitude sur la nature et l'étendue de la perte du créancier, suppose volontiers qu'il aurait fait de son argent un emploi raisonnable, plutôt sûr qu'aléatoire, par conséquent, modérément lucratif; c'est par la même considération que, dans certains cas qu'on rencontre, chemin faisant, dans la loi, où elle accorde au créancier des intérêts compensatoires sans stipulation (v. art. 941-1°), ou des intérêts moratoires sans demande, elle les taxe à un taux uniforme et modéré qui devient ainsi le taux légal.
On agite quelquefois en France la question de savoir si les tribunaux ne pourraient pas allouer des dommages-intérêts supérieurs à l'intérêt légal, lorsque le stipulant d'une somme d'argent en a annoncé au promettant un emploi déterminé et lorsqu'il est prouvé que, faute d'avoir eu la somme au temps convenu, le créancier a éprouvé un préjudice considérable et prévu; par exemple, il avait stipulé une somme nécessaire pour exercer un rachat ou réméré, dans un délai déterminé, et, faute de la somme, il a été déchu de son droit (comp. c. civ., art. 1661-1662; Proj., art. 723). Mais il serait dangereux d'entrer dans cette voie: ce serait s'exposer aux abus et aux contestations que la loi a voulu éviter, et si des exceptions doivent être admises, il faudra qu'elles soient limitativement déterminées par la loi, comme il en existe quelques cas dans les Codes précités, même en l'absence de stipulations spéciales (v. n° 324, iii f.; Proj., art. 769, 1030-1°).
328. -II. Ce n'est point arbitrairement que la loi supprime, à l'égard de l'inexécution des dettes d'argent, la distinction entre la simple faute du débiteur et sa manvaise foi: c'est la conséquence de ce que l'in(lemnité du créancier est réglée par la loi, à forfait, avec des chances de gain comme avec des dangers de perte; et ce règlement légal est lui-même la suite de la difficulté de prouver tant l'étendue du dommage que ses causes.
De même, quand la loi refuse au débiteur la faculté de se disculper en prouvant le cas fortuit ou la force majeure, il n'y faut pas voir une rigueur spéciale, surtout dans la matière même où elle prétend le plus protéger le débiteur: il faut considérer que la nature de la dette, qui est une chose de quantité, ne comporte pas d'extinction par la perte de la chose ou par l'impossibilité de se la procurer: à cet égard, il n'y a guère de différence entre les dettes d'argent et les autres dettes de choses fongibles; si l'on en admettait une, elle serait encore contre le débiteur d'une somme d'argent; car, si l'on comparaît une dette de marchandises et une dette de somme d'argent, toutes deux portables, c'est-à-dire payables au domicile du créancier, et qu'on supposât les communications interrompues par force majeure (inondation, guerre, peste), le débiteur de marchandises serait exempt de dommages-intérêts pour le retard, tandis que le débiteur de somme d'argent devrait toujours les intérêts moratoires, puisqu'il aura pu profiter de son argent pendant tout le temps où il a été empêché de le payer. Encore bien moins le débiteur serait-il reçu à alléguer, comme empêchement majeur au payement, une faillite ou un vol dont il aurait été victime: ces moyens de défense n'appartiennent qu'au débiteur d'un corps certain.
329. -III. La dernière faveur accordée au débiteur d'une somme d'argent, celle relative au mode de mise en demeure se justifie autrement. Lorsqu'il s'agit de toute autre sorte d'obligation, la loi est déjà très favorable au débiteur, en exigeant qu'il reçoive un avertissement du créancier pour devenir responsable de l'inexécution ou du retard; mais il suffit que cet avertissement soit donné d'une façon précise pour que le débiteur doive se tenir pour informé que le créancier attend l'exécution et, sans doute, a besoin qu'elle ait lieu: il n'est pas nécessaire que la mise en demeure ait une forme menaçante. Au contraire, quand le débiteur doit une somme d'argent, il peut se faire illusion sur les besoins du créancier qu'il suppose peut-être moindres qu'ils ne sont; il peut ne pas croire que la privation de 'son argent causera à celui-ci, quant à présent, un dommage réel; il peut croire enfin que le créancier a d'autres moyens faciles, s'il en est besoin, de se procurer ailleurs une pareille somme d'argent. En fait, il est vrai qu'un créancier stipule souvent une somme d'argent en règlement de compte et pour une époque fixe, sans, pour cela, avoir en vue un emploi déterminé de cette somme; tandis que celui qui a stipulé des marchandises ou des travaux à faire a évidemment à satisfaire des besoins prochains. On conçoit donc que, dans le cas d'une somme d'argent, il faille plus d'énergie dans la réclamation du créancier pour révéler ses besoins et 'sa ferme intention d'arriver à l'exécution.
On peut ajouter une autre considération: le débiteur de marchandises ou de travaux n'a pris, en général, de pareils engagements que parce qu'il a, par sa profession ou par les circonstances, des facilités particulières pour l'exécution; au contraire, la promesse d'une somme "d'argent est une forme d'engagement que tout le monde peut prendre, mais dont l'accomplissement est souvent très difficile: un marchand, un entrepreneur, déjà gêné dans ses 'affaires, pourra encore fournir des marchandises Ôtl. des” travaux, mais il sera souvent embarrassé de trouver une somme d'argent pour acquitter une dette; il doit donc suffire de l'avertir par une simple sommation dans le premier cas, tandis qu'il est nécessaire, dans le second cas, de le menacer par une demande en justice.
Cette double considération servira encore à expliquer que la demande en justice du capital ne suffise pas pour faire courir les intérêts, et qu'elle doive porter spécialement sur lesdits intérêts: autrement, le débiteur pourrait ne pas se rendre compte de l'augmentation de sa dette pendant la durée du procès, et comme, en matière civile, les procès ne sont jugés promptement que si les parties mettent elles-mêmes de l'empressement à fournir aux juges les justifications nécessaires, le débiteur pourrait se trouver devoir six mois, peut-être un an d'intérêts, sans l'avoir prévu. Il doit donc en être averti formellement par la demande.
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(e) L'article 1907 du Code français ne mentionne l'intérêt légal que d'une manière générale, sans en déterminer le taux. Une loi de la Révo. lution, du 2 octobre 1789, en permettant de stipuler un intérêt pour le prêt d'argent (ce qui avait été défendu anciennement) limita l'intérêt conventionnel " au taux légal," sans le déterminer davantage: pour le connaître, il fallait remonter à un Edit de 1770 qui le fixait au denier vingt (1 pour 20, ou 5 pour 100).
La loi du 3 Septembre 1807, en limitant, pour l'avenir, l'intérêt conventionnel au même taux que l'intérét légal, fixa de nouveau celui-ci à 5 pour 100 en matière civile et à 6 pour 100 en matière commerciale.
(f) C'est parce que cette convention est évidemment licite qu'elle n'a pas été énoncée au nombre des moyens de mise en demeure éniuii'rés par l'article 356; mais elle est mentionnée au Commentaire (v. n° 145).
Art. 414. — 330. Voici une dernière protection accordée par la loi au débiteur contre les surprises qui résulteraient pour lui de la rapidité du temps et de l'accumulation progressive des intérêts.
De tout temps et en tous pays, les législateurs se sont préoccupes 9.1;1. danger que courent les débiteurs d'être ruinés par l'accumulation des intérêts: les limites Apportées par un grand nombre de lois à la liberté du taux de l'intérêt n'ont pas d'autre cause. Chez les Romains, indépendamment d'un taux maximum, qui était ordinairement d'un pour cent par mois (eentesima usura) ou 12 p. 100 par an, il était encore établi que le cours des intérêts, même compensatoires ou représentant la jouissance d'argent prêté, cessait lorsque le total des intérêts dus ou même payés doublait ce capital, c'està-dire atteignait une somme égale au prêt (g).
Dans l'ancien droit français et dans celui de presque toute l'Europe, sous l'influence d'un précepte religieux mal compris, en même temps que d'une fausse théorie économique, le prêt à intérêt fut absolument interdit; il n'y avait donc pas d'intérêts compensatoires; quant aux intérêts moratoires, ils étaient, par cela même. inadmissibles: mais, comme les décisions judiciaires devaient être sanctionnées, il y était pourvu par des dommages-intérêts diversement motivés.
Les lois modernes ont, avec raison, permis le prêt iL intérêt et ont considéré les dettes d'argent, en général, comme étant de nature à produire des intérêts, soit comme compensation de la jouissance du débiteur, soit comme indemnité de son retard à payer, ce profit ou cette faute coïncidant d'ailleurs, dans les deux cas, avec une perte de jouissance du créancier. Mais le législateur n'a pas abandonné toute idée de protection pour le débiteur, et c'est toujours en multipliant pour lui les avertissements, ce qui permet, en même temps, au créancier vigilant de garder ses droits (comp. c. civ. fr., art. 1154 et 1155; c. civ. ital., art. 1232 et 1233).
Le présent article a, de même, pour but, non de défendre, mais de limiter, d'entraver la production d'intérêts par les intérêts eux-mêmes, appelée anatocisme ou capitalisation des intérêts (h).
331. Dans les pays où l'intérêt, légal ou conventionnel, n'est que de 5 pour 100, on trouve que le capital est doublé en 14 ans par les intérêts, avec la capitalisation annuelle desdits intérêts; en effet, les intérêts principaux ou normaux, pendant 14 ans, font déjà 70 et les intérêts des intérêts, grossissant chaque année, forment 30, en sorte que le débiteur de 100 arrive, en quartorze ans, à devoir 200. Si l'intérêt est de 10, 15 ou 20 pour 100, comme cela est permis au Japon, suivant la somme due, c'est en 7 ans, 4 ans et 9 mois ou 3 ans et 6 mois que le capital serait doublé ! Si la capitalisation, au lieu d'être annuelle était faite par semestre, par trimestre ou par mois, la progression de la dette serait énorme et vraiment effrayante.
La première limite apportée ici par le Projet, comme par les Codes précités, est que la capitalisation ne peut être faite que d'année en année.
En second lieu, elle ne peut avoir lieu que par l'effet d'une convention spéciale entre les parties ou par une demande en justice du créancier: une sommation ne suffirait pas.
En troisième lieu, la convention, pas plus que la demande, ne peut avoir lieu avant l'échéance d'un an d'intérêt; la question est discutée en France, pour la convention, parce que le texte y est équivoque; le Projet s'en explique ici formellement: si l'on admettait une convention originaire et unique, d'après laquelle les intérêts se capitaliseraient chaque année, à l'échéance, le débiteur ne recevrait pas cet avertissement réitéré que la loi considère comme éminemment protecteur pour lui et comme préventif de sa négligence,
Le texte a soin d'ailleurs d'exprimer que, si les intérêts sont déjà dus pour une année et une fraction de l'année courante, la capitalisation peut avoir lieu pour tout ce qui est échu; mais elle ne pourra être renouvelée qu'après une autre année révolue en entier.
Le texte prend soin encore de dire que les intérêts primordiaux auxquels s'applique la présente règle sont aussi bien les intérêts compensatoires que les intérêts moratoires; il y a, en effet, même motif de protéger le débiteur contre l'accumulation progressive des uns et des autres. Quant aux intérêts nouveaux, nés de la capitalisation, ils seront compensatoire.", si la capitalisation est faite par convention, parce qu'alors il y a une sorte de prêt; ils seront, au contaire, moratoires, si la capitalisation résulte d'une demande en justice. La question de nom et de caràctère de ces intérêts n'est pas indifférente, quand le taux maximum des in-, térêts conventionnels peut être plus élevé que celui des intérêts légaux ou judiciaires, comme cela a lieu dans la loi japonaise actuelle.
Remarquons enfin que le 1er alinéa s'applique nonseulement aux intérêts des capitaux seulement dus^ mais même aux capitaux exigibles par l'arrivée de l'échéance, quoique le débiteur soit plus en faute pour ces derniers. Toutefois, il faut admettre, quoique la loi ne le dise pas, que si des intérêts, même de moins d'une année, étaient exigibles avec le capital, d'une manière finale, la somme totale porterait intérêts du jour de la demande ou d'une convention spéciale; de même s'il s'agissait d'un prêt ou d'un prix de vente remboursable ou payable avant une année: dans ces cas le débiteur ne court pas ce danger d'accumulation sur lequel la prohibition est fondée.
332. Le second alinéa établit, ici une différence entre les intérêts des capitaux et les revenus qui ne supposent pas de capital dû, comme les loyers et fermages, ou dont le capital est purement nominal et n'est jamais exigible, comme les arrérages des rentes, perpétuelles ou viagères.
Par cela même que le locataire ou le fermier ne doit que des prestations périodiques, pendant la durée du bail, et n'aura jamais de capital à payer, il n'y a pas grand inconvénient à permettre la capitalisation fréquente des loyers ou fermages arriérés, même pour une durée de moins d'un an. La raison est la même pour les arrérages d'une rente perpétuelle ou viagère dont le capital ne peut jamais être exigé (v. art. 886). Même raison, enfin, pour les restitutions de fruits que doit faire un possesseur de bonne ou de mauvaise foi. Bien entendu, il faut supposer que les fruits ont été évalués en argent par le jugement (comp. c. proc. civ., art. 129), car s'ils étaient dus en nature, il ne serait plus question de déroger à la première disposition de notre article devenu inapplicable, ni même de rentrer dans l'application de l'article 411 qui est déjà une dérogation au droit commun, par rapport aux dettes d'argent: on se retrouverait en présence du droit commun lui-même des dommagesintérêts (art. 405).
Dans les divers cas de prestations périodiques qui viennent d'être énoncés, il ne faut pas exagérer la fa'-, veur particulière qui est accordée au créancier: il ne pourra toujours pas stipuler les intérêts avant l'échéance des prestations, pas plus qu'il n'en pourrait faire la demande en justice; mais il pourrait faire la demande ou la stipulation à l'échéance de chaque période, bien qu'elle fût moindre d'une année.
333. Le dernier alinéa de notre article présente la même disposition, et elle se trouve, en réalité, constituer une plus grande faveur encore, car il s'agit bien, cette fois, " d'intérêts de capitaux;" mais, du moment qu'ils ont été payés par un tiers, au nom et en l'acquit du débiteur, ils sont considérés comme un capital distinct pour ce tiers: le débiteur aura bien le double fardeau d'intérêts des intérêts, mais ce n'est pas le même créancier qui recevra les uns et les autres.
Observons que, dans le cas où un tiers paye ainsi des intérêts en l'acquit d'un débiteur, il jouit souvent d'une autre faveur, comme mandataire ou comme caution - les intérêts compensatoires de ses déboursés courent de plein droit et sans demande; la loi, pour ne pas surcharger la rédaction, n'a pas cru nécessaire de réserver cette disposition qui se retrouvera en son lieu (v. art. 941-1o).
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(g) Cette disposition protectrice des débiteurs de sommes d'argent n'est pas d'origine romaine: elle a probablement été transmise de l'Inde aux Romains, à travers la Grèce, car on la trouve textuellement dans le très ancien Code indien de Manou (Liv. VIII, § 151). La même loi défend aussi l'anatocisme ou l'intérêt (II., § 153).
(h) Anatocisme vient de deux mots grecs: ana, de nouveau, et tokos fruit: " reproduction de fruits par des fruits."
SOMMAIRE.
N° 334. Idée générale de la garantie.
Art. 415 et 416. -N° 335. Distinction des troubles de droit et de fait. -336. Double objet de la garantie: défense en justice et indemnité. -337. Garantie naturelle, essentielle, accidentelle. -337 bis. Celui qui doit la garantie ne peut opérer lui-même l'éviction. -338. Obligation des héritiers à ce sujet.
417 et 418. -339. Renvoi pour la garantie en matière de Vente, de Louage et de Partage. -340. Double rôle de garant et de garanti chez la caution et chez les codébiteurs d'une dette solidaire ou indivisible; garantie entre les cocréanciers.
419 et 420 -341. Mise en cause du garant: exception dilatoire de garantie ou garantie incidente. - 342. Action en garantie principale: ses dangers.
COMMENTAIRE.
334. On ne trouve pas dans les Codes français, italien et autres, une théorie générale de la garantie, telle qu'elle est présentée ici: on la rencontre seulement appliquée dans divers cas particuliers, avec des variétés tenant à la différence des cas, comme dans la vente, le louage, le partage, le cautionnement, la solidarité; mais il est regrettable qu'elle n'ait pas sa place dans les effets généraux des conventions ou des obligations.
On croit nécessaire de combler cette lacune dans le Projet.
D'ailleurs, l'importance de la théorie de la garantie est si considérable qu'on la rencontre, chemin faisant, dans presque toutes les matières du droit privé et, déjà, il en a été fait mention plusieurs fois (voy. art. 97, 100, 137).
Le mot, "garantie " présente en français le sens large de " préservation, prévention d'un dommage " et il est désirable d'adopter au Japon un mot qui rende la même idée; cependant, la largeur même de cette signification n'est pas sans quelque inconvénient, parce qu'elle donne lieu à l'emploi du même mot pour des droits assez différents les uns des autres. Ainsi, on dit que les priviléges et hypothèques, le nantissement, la solidarité et le cautionnement, sont des garanties, des sûretés des créances (voy. art. 2); ce sont, en effet, des moyens de préserver le créancier de l'insolvabilité du débiteur; mais ce n'est pas dans ce sens limité que la garantie est entendue et présentée dans cette Section. En matière de cautionnement et de solidarité, l'emploi du mot "garantie" est particulièrement délicat et demande une plus grande attention, car il s'y rencontre dans les deux sens, ce qui peut donner lieu à des confusions: la caution garantit le payement vis-à-vis du créancier, en ce sens qu'elle assure le payement; mais elle est garantie par le débiteur principal contre les suites de son engagement, en ce sens qu'elle doit être préservée du danger des poursuites et, subsidiairement, en être indemnisée. Il en est de même des codébiteurs solidaires: vis-à-vis du créancier, ils sont garants les uns des autres, comme sûretés personnelles, et vis-à-vis les uns des autres, ils sont respectivement garants et garantis, pour que chacun ne supporte définitivement que sa part de la dette.
C'est dans ce second sens que la garantie est considérée dans la présente Section (a).
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(a) Au Japon, le nouveau langage juridique, est encore en voie de formation: pendant ces dernières années, on n'avait, comme en France, qu'un seul mot hô-sho, pour exprimer l'idée de garantie dans ses deux applications; mais, depuis quelque temps, on réserve le mot hÓ-sho à la garantie qui a le caractère de sûreté, et on a adopté le mot tam-po pour la garantie contre les poursuites et pour l'indemnité subsidiaire.
Art. 415 et 416. - -335. L'article 415 pose le principe d'après lequel la garantie est due et il en indique l'objet.
Lorsque quelqu'un a conféré un droit de propriété ou un démembrement de propriété, ou un simple droit de créance (par exemple, en cédant une créance dont il est titulaire), il ne lui suffit pas d'avoir fait la tradition ou remise de la possession et la délivrance des titres, il doit encore assurer, favoriser, par tous les moyens légaux qui lui appartiennent, l'exercice et la jouissance du droit cédé (b). C'est là l'application normale de la garantie qui va nous occuper.
Il peut arriver aussi que le prétendu cédant n'ait, en réalité, rien cédé, ou ait cédé moins de droits qu'il n'en avait promis, parce qu'il n'avait pas ces droits ou ne les avait qu'incomplets. De là, des troubles et des revendications de la part des tiers. Le texte prévoit les deux cas.
M ais le cédant n'est pas obligé de faire cesser des troubles de fait ou des actes d'usurpation qui seraient l'effet de la ruse ou de la violence: il faut que ces troubles soient fondés sur une prétention à un droit et que le droit allégué soit lui-même fondé sur une cause antérieure à la cession ou imputable au cédant. En effet, les troubles de fait ne relèvent que de la police locale et les troubles de. droit fondés sur une cause postérieure à la cession et qui ne peut être imputée au cédant sont, alors sans doute, imputables au cessionnaire lui-même.
336. Le 2e alinéa de l'article 415 assigne à la garantie deux objets ou deux applications qui se succéderont souvent, le second suppléant à l'insuffisance du premier. D'abord, le garant devra défendre le cessionnaire contre les prétentions élevées par les tiers; cette défense consistera à l'assister en justice, lorsqu'il y sera demandeur, défendeur ou intervenant (c), et cette assistance consistera dans la production de titres, pièces ou témoignages, de nature à fortifier les prétentions du cessionnaire et à affaiblir celles du tiers, en démontrant l'existence des droits cédés.
Mais, il pourrait arriver que le cédant ne vînt pas défendre le cessionnaire ou que sa défense fût sans résultat utile; alors, il devra indemniser le cessionnaire du dommage qu'a éprouvé celui-ci: généralement, s'il y a éviction entière, l'indemnité comprendra la valeur de la chose ou du droit cédé, déterminée au jour de l'éviction, et le remboursement des frais de l'acte (le' cession et de ceux du procès, et encore la réparation du préjudice personnel que la privation de cette chose peut causer au cessionnaire, par le dérangement apporté à ses affaires, par la nécessité de pourvoir au remplacement de la chose, etc.
Lorsque la garantie se résoudra en dommages-intérêts, on appliquera à ceux-ci les règles établies dans la Section précédente.
337. L'article 416 limite, dans une certaine mesure, ce qu'il y a d'un peu trop général dans l'article 415. L'intérêt de la distinction entre les actes à titre onéreux et les actes à titre gratuit a déjà été signalé sous l'article 319; il se représente ici dans une nouvelle application: la garantie est dite naturelle dans les contrats onéreux, parce qu'elle y a lieu, par l'effet du droit et de la loi, sans que les parties aient besoin de la stipuler, et elle n'y est pas e.swentielle, car les parties peuvent l'exclure par une convention expresse; au contraire, dans les contrats gratuits, elle n'est qu'accidentelle, car les parties doivent en convenir pour qu'elle soit due.
Cette différence est facile à justifier: dans le contrat onéreux, le cédant cherche un profit, il doit donc fournir, au moins par équivalent, tout ce qu'il a promis; tandis que, dans le contrat gratuit, le cédant se dépouille sans profit; s'il n'avait pas, en réalité, les droits qu'il a prétendu conférer, il serait injuste de lui demander d'en fournir l'équivalent sur d'autres biens, car il pourrait ainsi arriver que sa générosité tournât à sa ruine.
Les seuls cas où le donateur serait garant de l'éviction de droit et sans stipulation, sont celui où il aurait, par dol et dans l'intention de nuire, donné une chose qu'il savait ne pas lui appartenir, et celui où l'éviction du donataire serait l'effet d'une autre cession du même bien faite par le donateur, à titre onéreux ou même gratuit, soit avant, soit après la donation. Il en serait de même, et à plus forte raison, dans l'éviction survenant à la suite d'un acte à titre onéreux. Cette garantie est tellement fondée en équité et en raison qu'elle ne pourrait être exclue par convention expresse et, dès lors, elle devient essentielle (cc).
Il est nécessaire d'expliquer, par des exemples, comment l'éviction peut ainsi procéder d'un fait personnel au cédant, soit antérieur, soit postérieur à la cession.
Lorsque le cédant a fait l'acte gratuit ou onéreux (et, dans ce dernier cas, avec stipulation expresse de non garantie), il avait déjà cédé le même droit et le cessionnaire s'était conformé aux règles de publicité nécessaires à la conservation de son droit; ce dernier évincera le second cessionnaire et celui-ci aura le recours en garantie contre son cédant, nonobstant la gratuité de l'acte, ou malgré la stipulation de non garantie, si l'acte' est onéreux.
Il peut même arriver que l'acte qui produit l'éviction soit postérieur à la cession: ainsi, le donataire ou l'acheteur d'un immeuble a négligé de faire immédiatement la transcription; quelque temps après, le donateur ou le vendeur a cédé à une autre personne qui a transcrit son acte la première: c'est elle qui est préférable et qui obtiendra l'immeuble; mais le premier cessionnaire évincé aura droit à la garantie, c'est-à-dire à l'indemnité totale. Il en serait de même, si, au lieu d'immeuble, on supposait un meuble d'abord donné ou vendu sans tradition, puis cédé à un tiers auquel la tradition est faite. Même solution encore, s'il s'agissait d'une cession de créance que le cessionnaire aurait tardé à notifier au débiteur cédé et qu'ensuite une nouvelle cession ait été faite et notifiée avant la première. On trouve là l'application des articles 366, 367 et 368, sur lesquels il a été donné d'amples développements.
337 bis. Le 2e alinéa de l'article 416 défend formellement au cédant d'évincer ou de troubler lui-même son cessionnaire: c'est la consécration législative d'un principe doctrinal déjà mentionné (n° 216) et qui sera souvent appliqué, à savoir, que celui qui doit la garantie est réponst>é par une exception, s'il veut opérer lui-même Véviction. Ce principe s'applique au cas même où la garantie aurait été exclue par convention: c'est la garantie la plus essentielle de toutes que celle qui ne peut être opérée par le cédant lui-même.
Mais on ne voit peut-être pas bien, au premier abord, comment la question pourrait même se présenter. Il faut supposer que quelqu'un aurait cédé la chose d'autrui et serait ensuite devenu propriétaire de cette chose, soit en traitant avec le vrai propriétaire, soit en lui succédant. On peut supposer aussi que le vrai propriétaire est devenu héritier des biens du cédant et a, comme tel, succédé aussi à ses obligations; dans ces divers cas, le propriétaire ne pourrait pas revendiquer sa chose, même en offrant toutes indemnités, en argent ou autrement: il serait repoussé par l'exception de garantie et par le principe sus-énoncé.
338. Le 3e alinéa de l'article 416 consacre le principe que les héritiers, qui n'ont pas plus de droits que leur auteur, ont les mêmes obligations. Ainsi, si les héritiers, ignorant que leur auteur a, de son vivant ou par testament, cédé un de ses biens, faisaient eux-mêmes une cession du même bien, soit gratuitement, soit à titre onéreux et sans garantie, ils ne seraient pas affranchis de la garantie, nonobstant leur bonne foi, parce que l'éviction proviendrait " de leur fait personnel."
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(b) La différence entre la jouissance et l'exercice d'un droit sera présentée avec quelques développements au commencement du Livre 1er o\sera sa place naturelle; il suffit de noter ici que la "jouissance" d'un droit consiste dans l'obtention des avantages qui y sont attachés, et que " l'exercice " d'un droit consiste dans l'accomplissement des actes juridiques qui permettent de réaliser ces avantages. Ainsi, habiter une maison, recueillir les fruits d'un fonds, c'est jouir du droit de propriété; louer, vendre, modilier la chose, c'est exercer le droit de propriété.
(c) Le cessionnaire sera demandeur, quand, pour obtenir la possession de la chose acquise, il devra la revendiquer contre un tiers qui la détient; il sera défendeur, quand, possédant la chose, il sera actionné eii revendication par un tiers qui s'en prétend propriétaire; enfin, il sera intervenant, quand, après avoir lui-même cédé la chose acquise, il aura été appelé en garantie par son cessionnaire menacé d'éviction, ou quand il sera spontanément venu défendre celui-ci; dans ce cas, le garant appelle, à son tour, en sous-garantie, le cédant originaire (voy. c. pr. civ. fr., art. 175 et s.).
(cc) Ces expressions de garantie essentielle, naturelle ou accidentelle sont consacrées eu droit français et seront utilement introduites an J apon.
Art. 417 et 418. -339. L'article 417 a pour but de nous dire que l'on ne présente ici que les règles générales et pour ainsi dire communes de la garantie, mais qu'elle reçoit des applications particulières dans certains contrats: la vente, le louage et le partage sont les cas où la garantie reçoit ordinairement quelques extensions. C'est même au sujet de cas contrats seulement que le Code français a traité de ]a garantie, ce qui est un tort, en ce que l'on pourrait douter de son application aux autres contrats.
Le Projet ne reviendra sur la garantie que pour les particularités qu'elle recevra dans ces contrats spéciaux.
340. L'article 418 présente une nouvelle application de la garantie qu'il serait difficile de faire rentrer dans les cas de l'article 415 et qui a une grande importance pratique.
On a déjà dit, plus haut, que celui qui s'engage pour autrui, comme caution, ou avec autrui, comme codébiteur solidaire, joue un double rôle juridique: il est, vis-à-vis du créancier, garant du débiteur principal ou de son codébiteur, et garanti, à son tour, par le débiteur principal ou par son codébiteur.
Cette dernière garantie a deux objets, comme celle qui a lieu dans la cession de droits: le garant doit, d'abord défendre le garanti contre la poursuite, c'està-dire contester la demande, s'il y a lieu, ou l'arrêter par un payement; subsidiairernent, et si les poursuites ont été poussées jusqu'au bout, le garant doit indemlliser le garanti du préjudice par lui éprouvé et, spécialement, le rembourser de tout ce qu'il a payé, comme caution, ou de tout ce qu'il a payé au delà de sa part, s'il s'agit d'une dette solidaire.
La garantie reçoit une application analogue entre cocréanciers d'une obligation solidaire ou indivisible: le 2e alinéa de notre article l'indique assez clairement pour qu'il n'y ait pas à s'y arrêter. On remarquera seulement que la loi ne donne ici à la garantie que son second objet: l'indemnité, sous forme de partage du profit personnel d'un seul; en effet, les créanciers n'étant pas poursuivis, mais poursuivants, n'ont pas lieu, en général, de s'appeler en garantie pour une défense commune; mais si, par exception, un des créanciers était poursuivi en restitution du payement prétendu fait indûment, après qu'il l'aurait partagé avec les autres, il pourrait appeler ceux-ci en garantie pour la défense commune et subsidiairement obtenir leur part d'indemnité pour la restitution effectuée. On pourrait même admettre que ie créancier poursuivant appelât ses cocréanciers en garantie si la créance était contestée.
Art. 419 et 420. —341. L'article 419 se rapporte au premier objet de la garantie qui est de défendre en justice celui auquel la garantie est due. Pour obtenir ce secours, le garanti doit, dès les premières poursuites, appeler en cause le garant; il en résulte un retard de l'action principale; aussi ce moyen de procédure est-il appelé exception dilatoire. Le Code de Procédure civile français y consacre les articles 175 et suivants et il entre dans des détails assez délicats sur la manière dont la procédure sera suivie, à la fois, contre le garant et contre le garanti; ce dernier pourra, dans certains cas, se faire mettre hors de cause, s'il le préfère; dans d'autres, il n'aura pas cette faculté.
Ces distinctions fondées sur la différence des cas de garantie seront bonnes à conserver au Japon; mais c'est aussi dans le Code de Procédure civile qu'elles devront trouver place.
Dans le cas où le garanti appelle le garant en cause, la garantie est dite incidente, dans le cas contraire, elle est dite principale.
342. L'article 420 suppose que le garant n'a pas été appelé en cause et que celui qui a droit à la garantie a succombé; il a alors, en règle générale, un recours en garantie principale, c'est-à-dire qu'il intente une nouvelle action dont l'objet est la réparation du préjudice qu'il a éprouvé; c'est, en somme, une action en dommages-intérêts, à laquelle on applique, comme on l'a déjà dit, les règles de la Section précédente.
Mais, il sera généralement imprudent au garanti d'accepter le premier procès sans y appeler le garant, car celui-ci pourrait avoir des moyens de défense de nature à triompher de la demande et que le garanti ignorerait. Alors, le garant, en prouvant l'existence de ces moyens, fera rejeter la demande en garantie principale formée contre lui (comp. c. civ., fr., art. 1640).
Il ne faudrait pas voir là une contradiction à la chose jugée: on a déjà posé et l'on justifiera en temps et lieu, le principe d'après lequel ”la chose jugée n'a d'effet qu'entre les parties qui ont figuré dans l'instance; " d'un autre côté, les moyens du garant, si efficaces qu'ils soient pour le défendre, ne seront plus opposables au tiers qui a triomphé dans l'instance contre le garanti, si la chose jugée est devenue définitive entre ceux-ci.
SOMMAIRE.
Art. 421. — N° 343. Nature et causes des diverses modalités des obligations. -344. Méthode du Projet.
COMMENTAIRE.
Art. 421. — 343. Cette Section complète ce qui concerne les Effets des obligations, en s'attachant à des variétés qu'elles peuvent présenter et qui constituent "leurs diverses espèces ou modalités" (voy. ci-dessus, art. 401 et n° 297).
Si l'on cherche la nature de ces variétés, on trouve qu'elles affectent les divers éléments constitutifs de l'obligation:
1° Son existence même, suivant que sa naissance ou son extinction est subordonnée ou non à un événement particulier, futur et incertain: l'obligation est alors conditionnelle ou non-conditionnelle;
2° Le sujet, actif ou passif, de l'obligation, lequel peut être simple ou multiple et, dans le cas où il est multiple, peut être seulement conjoint ou solidaire; de là, la division en obligations solidaires et non solidaires, soit activement ou entre créanciers, soit passivement ou entre débiteurs;
3° I/objet de l'obligation, lequel peut être divisible ou indivisible, simple ou multiple, simple ou alternatif, et encore simple ou facultatif;
4° Enfin, le temps de l'exécution, laquelle peut être exigible immédiatement ou à terme.
Si l'on recherche les cames d'où résultent ces diverses modalités, on en trouve quatre également:
1° La volonté des parties: puisque là plupart des obligations ont pour cause la convention des parties, il est clair que celles-ci peuvent modifier, à leur gré, les divers éléments de l'obligation, sauf les exceptions fondées sur des raisons d'ordre public;
2° La loi introduit, à son tour, certaines modalités de l'obligation, dans des circonstances déterminées qui elles-mêmes ont plI. être créées par les parties; ainsi, la loi sous-entend la condition résolutoire tacite pour le cas d'inexécution, dans les contrats synallagmatiques.; quelquefois, la loi fixe un terme pour l'exécution; ainsi encore, la loi établit la solidarité entre codébiteurs d'une même obligation, lorsqu'il y a contre chacun d'eux présomption de faute égale ou de profit intégral;
3° Quelquefois, la modalité vient d'une cause plus puissante encore que la loi et que la volonté de l'homme, c'est-à-dire de la nature des choses; c?est le cas de l'indivisibilité de la chose due;
4° Enfin, il y a deux modalités qui résultent de l' autorité'judiciaire, ce sont le délai ou terme dit " de grâce," opposé au terme " de droit " établi par la convention ou par la loi " et la divisibilité de l'obligation simple.
344. De ces deux classifications, l'une tirée des éléments modifiés de l'obligation, l'autre des sources ou caiises des modifications, le Projet va suivre la première, avec de légères corrections, parce qu'elle a l'avantage de réunir les effets qui ont des points communs et de rapprocher ceux qui ne sont que voisins; tandis que la classification d'après les causes séparerait ce qui doit être rapproché et rapprocherait ce qui doit être séparé. Ainsi, la condition résolutoire établie ou au moins sous entendue par la loi serait mal à propos séparée de celle qui est l'oeuvre expresse et directe des parties; ainsi encore, le terme de grâce se trouverait, à tort, séparé du terme de droit.
Les Codes français et italien ne paraissent pas s'être assez préoccupés ici de la méthode; ils semblent même n'avoir pas tenu compte du rapport intime et essentiel qui exi-te entre les " diverses espèces ou modalités " des obligations et leurs " effets," car les deux matières y sont traitées dans des Chapitres séparés.
Le Projet japonais, pour se conformer à la méthode et à la logique, se sépare encore de ses modèles, en détachant de la présente Section la solidarité, tant légale que conventionnelle, et aussi l'indivisibilité autre que celle qui résulte de la nature de la chose due, c'est-à-dire l'indivisibilité volontaire: ces deux modalités des obligations, soit qu'elles opèrent activement ou passivement, c'est-à-dire entre les créanciers ou entre les débiteurs, sont, dans tous les cas, des sûretés ou garanties des créances, lesquelles doivent être traitées, dans leur ensemble, au Livre IVe. Mais, il en sera fait plusieurs fois mention ici, pour l'intelligence des autres modalités et à titre de comparaison.
Tout ce qui précède se trouve, comme on l'a vu, résumé et consacré par l'article 421.
SOMMAIRE.
Art. 422. — N° 345. Obligation pure et simple; terme tacite.
-346. Obligation dont le terme est échu ou la condition accomplie.
423. -347. Terme certain ou incertain. —348. Terme de droit. —349. Terme laissé à la volonté ou à la possibilité du débiteur; réserve du cas de rente perpétuelle.
424. —350. Terme dans l'intérêt du débiteur. -351. Terme dans l'intérêt du créancier ou des deux parties. —352. Irrévocabilité de la renonciation au terme. - 353. Payement avant le terme.
425. —354. Quatre cas de déchéance du terme de droit.
426 et 427. —355. Terme de grâce: ses conditions. —356. Division du payement autorisée. -357. Le terme de grâce et la division sont d'ordre public: conséquence. 358. Perte du terme de grâce. —359. Défense de prorogation.
428 et 429. —360. Caractère général de la condition; ses deux sortes principales: suspensive ou résolutoire.361. Réunion virtuelle des deux conditions dans toute aliénation conditionnelle. —362. Idem, dans la cession conditionnelle d'une créance préexistante; distinction entre l'effet direct et l'effet indirect de la condition. - 363. L'événement prévu doit être " futur et incertain de l'événement " actuellement arrivé mais inconnu des parties; " intérêt pratique de la question. —364. Rétroactivité de condition accomplie.
430. —365. Application de la rétroactivité aux diverses hypothèses. -366. Publicité nécessaire de la condition dans les cessions de droits immobiliers.
431. —367. Validité des actes d'administration, quelle que soit l'issue de la condition. -368. Effets limités des jugements rendus dans l'intervalle. -369 et 370. Double exception.
432. —371. Fruits et intérêts intérimaires.
433. —372. Nouvelles distinctions parmi les conditions. - 373. Condition impossible, positive ou négative. -374. Condition illicite,positive ou négative. - 375.Exemples. - 376. Cas non prévus par le Code français. —377. Distinction au sujet de la nullité: effet principal, effets accessoires. —378. Contrats onéreux et gratuits; testament.
434 et 435. —379. Conditions casuelles, potestatives et mixtes. -380. Condition potestative: fixation d'un délai. —381. Conditions casuelles et potestatives: réputées accomplies on défaillies.
436. —382 à 384. Conditions positives et négatives: réputées défaillies ou accomplies.
437. —385. Effet du décès des parties.
438. —386. Interprétation des conditions; accomplissement partiel.
439 et 440. —387 et 388. Théorie des risques dans la condition suspensive. - 389. Perte partielle ou détérioration: solution des Codes français et italien. —300. Autres solutions possibles; solution du Projet. —391. Application à la condition résolutoire. —392. Perte de moins de moitié de la valeur. —393. Perte ou détérioration imputable à l'une des parties.
441. —394. Condition résolutoire tacite. -395. Offres préalables du demandeur. -396. Insuffisance de l'exécution partielle. -397. Nécessité d'une demande en justice; délai de grâce.
442, 443 et 444. —398 et 399. Renonciation à la résolution. Résolution expresse: ses ressemblances et ses différences avec la résolution tacite.
445. —400. Mesures conservatoires permises avant l'accomplissement du terme ou de la condition.
446. —401. Renvoi à la Vente pour les conditions potestatives qui y sont usitées. —402 à 405. Exposé sommaire de ces conditions.
COMMENTAIRE.
Art. 422. — 345. Cet article revient à dire que " l'o. bligation est pure et simple, lorsqu'elle n'est soumise à aucun terme, ni subordonnée à aucune cond'ition/' mais on a préféré ne pas introduire ici deux expressions techniques qui vont tout-à-l'heure répondre aux modalités opposées.
L'obligation pure et simple est la plus favorable au créancier: 1° son droit est assuré: il n'est subordonné à aucun événement ultérieur; si l'on ne dit pas, en français, qu'il est certain, c'est que le mot pourrait faire croire que le créancier en a la connaissance actuelle, ce qui n'est pas nécessaire, comme on le verra au sujet de la condition; 2° son droit est exigible, c'est-à-dire que les effets peuvent en être immédiatement poursuivis en justice.
Cette situation est peut-être moins fréquente que le cas de l'obligation à terme: elle ne se rencontre pas, notamment, dans le prêt d'argent qui ne peut être utile que s'il est fait pour un certain temps, ni dans le louage qui oblige le locataire à des prestations périodiques; mais elle se rencontre fréquemment dans la vente qui prend alors le nom de vente au comptant. L'obligation pure et simple ne présente aucune difficulté de droit, c'est pourquoi les lois civiles omettent généralement de la mentionner.
Du reste, il ne faudrait pas croire que l'obligation est nécessairement pure et simple et exigible immédiatement, par cela seul que la convention ne porterait pas de terme exprès; il peut y avoir un terme tacite résultant des circonstances, lesquelles sont laissées à l'appréciation du tribunal. Ainsi, la plupart des obligations de faire impliquent tacitement le délai nécessaire pour l'exécution: il en serait de même de l'obligation de donner des denrées ou marchandises dans un lieu qui ne serait pas le lieu de production et qui ne serait pas non plus un marché ou entrepôt habituel de ces objets: il faudrait reconnaître au débiteur un délai nécessaire pour les faire venir. D'ailleurs la bonne foi qui doit être observée dans l'exécution (v. art. 350) doit également être observée dans la demande.
346. L'obligation pure et simple peut se transformer en obligation à terme, lorsque le tribunal, usant d'une faculté qui va lui être reconnue plus loin, accorde au débiteur le terme ou délai dit " de grâce " déjà annoncé.
En sens inverse, on dit quelquefois que l'obligation qui, à l'origine, était à terme ou conditionnelle " devient pure et simple " lorsque le terme est échu ou la condition accomplie. Cette formule qui, dans bien des cas, n'a pas d'inconvénient réel, ne doit cependant être accueillie qu'avec précaution, en ce qui concerne la condition, parce que la chose due purement et simplement est aux risques du créancier, tandis que la chose due sous condition est aux risques du débiteur, ainsi qu'il en sera justifié plus loin. Sans doute, quand la condition s'accomplit, son effet rétroagit, comme si l'obligation avait été formée parfaitement dès l'origine; mais, si la chose avait péri auparavant, la formation rétroactive de l'obligation n'aurait pas lieu, faute d'objet. Ce qui reste vrai, c'est que quand le terme est échu ou la condition accomplie, l'obstacle qui en résultait pour l'exercice des droits du créancier ayant cessé, il peut agir en justice, si d'ailleurs, il n'est pas survenu dans l'intervalle quelque événement qui modifie les rapports respectifs des parties; enfin, il est encore vrai qu'une fois la condition accomplie les risques de la chose passent à la charge du créancier.
Art. 423. — 347. Le terme est différent de la condition en ce qu'il ne retarde pas, comme celle-ci, la formation de l'obligation, mais seulement son exigibilité. Le Code français (art. 1185) et le Code italien (art. 1172) ont cru devoir énoncer cette proposition purement doctrinale; mais il a paru suffisant d'indiquer ici que le terme retarde l'action du créancier, sauf à indiquer plus loin l'effet plus étendu de la condition qui est de suspendre la naissance même du droit.
Le terme est, le plus souvent, un simple laps de temps à attendre; mais, il peut être aussi un événement déterminé et certain, c'est-à-dire qui ne peut manquer d'arriver; car, s'il était incertain quant à son accomplissement, ce serait une condition; au reste, il peut y avoir incertitude sur l'époque à laquelle l'événement arrivera ou sur l'époque à laquelle il sera connu des parties, on dit alors qu'il y a Il terme incertain," mais ce n'est toujours pas une condition (a).
Le texte n'exige pas que l'événement prévu soit futur, parce que ce serait une restriction arbitraire: sans doute, pratiquement, les parties ne se référeront pas, pour l'exécution de l'obligation, à un événement passé; mais il pourrait arriver qu'elles crussent futur un événement déjà accompli à leur insu et cette erreur ne vicierait pas la convention: l'exécution serait exigible quand l'événement serait connu. La question se représentera bientôt, quand il s'agira de savoir si un événement actuellement arrivé mais inconnu des parties est une condition, lorsque d'ailleurs, à la différence de l'événement qui nous occupe, il est casuel ou incertain
348. On a déjà annoncé deux sortes de termes: le terme de droit et le terme de grâce. Les deux qualifications indiquent bien leur nature différente et, plus loin, on verra la différence de leurs effets.
Les cas où le terme est établi par la loi elle-même ne sont pas très fréquents: on peut citer, en droit français, le cas de l'héritier qui ne peut être poursuivi pendant les délais de 3 mois et 40 jours, lesquels lui sont accordés pour faire inventaire et délibérer (art. 797), le cas de restitution de la dot qui ne peut être exigée du mari ou de ses héritiers qu'un an après la dissolution du mariage (art. 1565), enfin, le cas de vente dont le prix ne peut être exigé avant la délivrance, ni la délivrance avant le payement du prix (art. 1612 et 1651; Proj., art. 684 et 713, 3e al.).
Il sera bien plus fréquent que le terme soit fixé par la convention des parties, laquelle, " faisant loi entre elles," justifie encore l'expression de " terme de droit enfin, le terme peut être fixé par un testament, lequel a autant de force que la convention, bien qu'il n'y ait qu'une seule volonté exprimée.
349. Le texte suppose ensuite que les parties ont laissé une latitude plus ou moins grande au débiteur pour acquitter sa dette. Comme ces formules: " quand le débiteur pourra," ou " quand il voudra," sont assez fréquentes, la loi croit devoir en prévenir une fausse interprétation qui consisterait à les prendre à la lettre: rien ne serait plus contraire, ordinairement, à l'intention des parties et aux règles générales d'interprétation des conventions, telles qu'elles sont établies aux articles 376 à 380.
Dans le cas où le débiteur a la faculté de payer " quand il voudra," quelques auteurs français pensent qu'il peut refuser de payer pendant toute sa vie et que le payement n'est exigible que contre ses héritiers. Cette solution est inadmissible: d'abord, elle sera, presque toujours contraire à l'intention des parties; ensuite, les héritiers pourraient, en vertu du principe général d'après lequel ils ont les mêmes droits que leur auteur, prétendre ne payer eux-mêmes que " quand ils voudront." Il paraît plus sage de ne pas faire de différence entre les deux formules " quand le débiteur pourra," ou " quand il voudra" et de dire, avec le Projet, que les tribunaux fixeront un délai raisonnable, d'après les circonstances.
Le Code français n'a donné cette solution que pour le premier cas, parce que c'est aussi le seul qu'il ait prévu (art. 1901).
Il ne faudrait pas, du reste, considérer le terme ainsi fixé par le tribunal comme étant un terme " de grâce:" le tribunal ne fait ici qu'interpréter l'intention des parties, tandis que le terme de grâce est vraiment son oeuvre et souvent contraire à l'intention du créancier. On verra bientôt l'intérêt de la question, en comparant les deux termes.
La loi excepte de cette disposition " le cas où les parties auraient entendu constituer une rente perpétuelle"; on verra en effet, une variété du prêt à intérêt où le débiteur ne peut être contraint au remboursement et où il peut le faire si et quand il lui plaît (v. art. 886 et 887): cette convention n'est naturellement pas soumise à notre article 423.
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(a) En droit, quand on parle d'événements certains, on considère le cours oridinairc des choses (id quodplerumquejitj; mais, en raison pure, il y a bien peu d'événements futurs absolument certains. Ainsi, on peut, pratiquement, fixer comme terme d'une obligation, une élection politique ou municipale prochaine, une exposition annoncée, et cependant, il est facile de reconnaître que ces événements pourraient être empêchés; à plus forte raison, les actes d'une personne déterminée qui peut en être empêchée par la mort ou autrement. On ne pourrait guère citer comme événements futurs et absolument certains que la mort elle-même d'une personne, ou des faits de la nature compatibles avec le climat, comme la première pluie, la première gelée, le premier typhon, le premier tremblement de terre.
Art. 424. — 350. Il est évident que le débiteur a, en général, intérêt à exécuter son obligation le plus tard possible: s'il s'agit d'une dette d'argent et qu'il ait la somme à sa disposition, il peut en tirer profit; s'il n'a pas la somme, il n'est pas tenu d'emprunter à intérêts plus ou moins lourds; s'il s'agit de marchandises à fournir ou de travaux à exécuter, il a, sous une autre forme, les mêmes avantages à attendre. La loi est donc conforme à la réalité des choses, en présumant que le terme a été stipulé dans l'intérêt du débiteur; mais c'est une présomption simple, pouvant céder à la preuve contraire résultant des clauses de la convention ou des circonstances du fait. La même présomption existe pour le terme accordé par la loi.
Quant au terme de grâce, il sera expressément accordé au débiteur par le jugement, et si l'on admet, par exception, que le terme de grâce puisse être accordé dans l'intérêt du créancier, le jugement s'en expliquera encore plus formellement, à cause de la singularité du fait.
Mais, c'est un principe général que toute personne peut renoncer à un bénéfice établi en sa faveur. Le débiteur pourra donc payer avant le terme, chaque fois que la présomption dont il s'agit ne sera pas contredite à son égard. Il aura avantage à se libérer ainsi par anticipation, lorsque sa dette produit un intérêt plus élevé que le profit que lui procureraient ses propres fonds ou que les intérêts des fonds qu'il emprunterait à cet effet; et, lors même que la dette ne porterait pas intérêt, s'il a des fonds sans emploi, il s'affranchit, en payant, des risques de perte ou de vol.
351. Le terme a pu être établi dans l'intérêt du créancier: s'il s'agit d'une dette d'argent, il a pu luimême vouloir se préserver des risques de perte ou de vol, pendant un temps où il n'avait pas toutes facilités à cet égard; ou bien, il a cherché à s'assurer un intérêt de son capital pendant le temps où il prévoyait n'en avoir pas d'autre emploi; ou bien, il s'agissait de travaux à exécuter, qui, avant le temps fixé, devaient lui être inutiles ou gênants. En pareils cas, le créancier a le même droit que le débiteur, celui de renoncer au bénéfice du terme, en exigeant l'exécution ou le payement anticipé. Mais, il ne faudrait pas que cette faculté du créancier devînt trop gênante pour le débiteur qui n'aurait pas prévu cette dérogation à la convention, et le tribunal pourra accorder au débiteur un terme de grâce pour lui permettre de prendre ses dispositions.
La loi prévoit aussi que le terme aurait pu être établi dans l'intérêt simultané des deux parties; dans ce cas, l'une ne pourrait y renoncer sans le consentement de l'autre.
352. Il va de soi que si la partie qui aurait une fois renoncé au bénéfice du terme établi dans son intérêt exclusif voulait ensuite revenir à la convention, pour retarder l'exécution, elle ne le pourrait pas, sans le consentement de l'autre; car il y aurait eu une convention nouvelle qui constituerait un droit pour l'autre partie.
353. La loi rappelle, en terminant, sa décision déjà donnée (art. 386) au sujet du payement anticipé fait par erreur: cette erreur ne permet pas de dire qu'il y a eu renonciation au terme; mais la répétition de ce qui aurait été ainsi donné par anticipation serait trop nuisible à celui qui a reçu pour être permise: il y aura seulement lieu de tenir compte des intérêts que le créancier a pu gagner et que le débiteur a perdus. Du reste, si le créancier ne voulait pas subir cette perte d'intérêt, il pourrait toujours rendre le capital, pour ne le recevoir qu'à l'arrivée du terme.
Art. 425. — 354. L'obligation à terme, à la différence de l'obligation conditionnelle, existe actuellement et pleinement dès la formation du contrat: l'exécution seule en est retardée; mais le terme n'a été accordé par le créancier ou par la loi que parce qu'il ne semblait devoir en résulter aucun danger sérieux pour l'avenir. Si donc les prévisions sont démenties par les événements, il est juste que le bénéfice du terme soit enlevé au débiteur et que le créancier puisse réclamer l'exécution immédiate.
Les quatre cas de déchéance du terme sont naturellement limitatifs, puisqu'il s'agit d'une rigueur.
En premier lieu, se trouve la faillite du débiteur, ce qui suppose qu'il est commerçant. La faillite n'implique pas nécessairement l'insolvabilité; mais celle-ci sera fréquente et, de plus, la faillite entraîne la liquidation des biens du failli: si le créancier à terme n'était pas admis à la distribution des biens, il ne lui resterait aucune chance d'être payé plus tard.
La loi met sur la même ligne que la faillite, l'insolvabilité du non commerçant ou sa déconfiture, et, comme il est plus difficile de constater celle-ci que la faillite, la loi exige qu'elle soit " notoire," c'est-à-dire généralement connue. Sons ce rapport, le Projet est plus prévoyant que le Code français qui n'a prévu que la faillite (art. 1188 et c. proc. civ., art. 124) mais que la jurisprudence complète, en y assimilant la déconfiture; il est aussi plus précis que le Code italien qui, sans distinguer entre le commerçant et le non commerçant, exige " l'insolvabilité," ce qui peut donner lieu à deux difficultés qui n'existeront pas au Japon: comment se prouvera l'insolvabilité et qwid s'il y a faillite, sans insolvabilité ?
Le second cas où le débiteur perd le bénéfice du terme présente un danger analogue à celui (!e la faillite et de la déconfiture, car il expose aussi le créancier à n'être pas payé. Ici, le Projet s'écarte des deux Codes étrangers: aucun n'a prévu l'aliénation totale ou partielle des biens du débiteur et le Code français n'a attaché à la saisie des biens que la perte du terme de grâce (voy. c. proc. civ., art. 124): il a paru sage de protéger tout créancier à terme contre un tel danger, en exigeant toutefois que la saisie concerne " plus de la moitié des biens."
Le troisième cas est d'une nécessité plus évidente encore: le débiteur a manqué à sa promesse ou il a cherché à en neutraliser l'eff-et; on suppose, ou qu'ayant promis, soit un gage, soit une hypothèque, il a refusé ensuite de les constituer, ou que, les ayant une fois constitués, il y a porté atteinte: par exemple, en coupant les bois ou en détruisant les bâtiments qui se trouvaient sur le fonds hypothéqué ou donné en nantissement. Le fait d'aliéner un fonds hypothéqué ne serait pas considéré comme une diminution des sûretés promises, parce que l'hypothèque est toujours opposable au tiers acquéreur.
Le quatrième cas où le débiteur perd le bénéfice du terme est celui où il ne remplit pas l'obligation corrélative à son avantage, celle de payer les intérêts dits compensatoires: c'est une sorte de résolution du contrat, faute d'exécution, quoiqu'il ne s'agisse pas toujours d'un contrat synallagmatique, mais peut-être d'un prêt à intérêts.
La loi n'a pas eu à s'occuper des intérêts moratoires, parce que, si le débiteur était en retard (in morâ), c'est que déjà le terme serait échu.
Comme la déchéance du terme n'intéresse pas l'ordre public, les tribunaux ne pourraient la prononcer d'office: elle doit être demandée par le créancier (1).
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(1) Un dernier alinéa est ajouté ici en ce sens. Il en est de même pour le terme de grâce (v. art. 427).
Art. 426 et 427. -355. Le Code civil italien a supprimé le délai de grâce adopté précédemment en Italie et il a été critiqué de cette innovation. Le Code français l'a autorisé au sujet du payement (art. 1244), et il y joint la recommandation aux tribunaux " de n'user de ce pouvoir qu'avec une grande réserve." On n'a pas hésité à admettre au Japon cette disposition toute d'humanité; de plus, on y a tranché (art. 426, 2e et 3e alinéas) deux questions restées douteuses en France, et on a cru utile de rapprocher les deux sortes de termes dans la même Section.
L'article 426 commence par déclarer 1° que la circonstance qu'il y aurait déjà eu un terme de droit ne met pas obstacle à la concession d'un délai de grâce; 2° que l'existence d'un titre exécutoire ne paralyse pas non plus le pouvoir du tribunal: en France, ce dernier point ne fait guère doute pour les actes notariés, mais il est inadmissible pour les jugements déjà rendus et qui ne contiennent pas la concession d'un délai (c. pr. civ., art., 122). Cependant, en législation, il n'y a pas de raison majeure de refuser à un tribunal le droit de retarder l'exécution d'un jugement émané, soit de luimême, soit d'un autre tribunal: il peut être survenu des malheurs au débiteur, entre la prononciation du jugement et les poursuites à fins d'exécution. Dans ce cas, comme dans celui d'un titre notarié, la demande du délai de grâce sera introduite devant le tribunal, soit - principalement, par voie de requête, soit incidemment, comme difficulté relative à l'exécution.
Dans le cas d'un engagement sous seing privé, objet d'une action en justice, le débiteur demandera le délai, en même temps qu'il répondra à la poursuite, et en supposant, bien entendu, qu'il ne la conteste pas au fond.
La loi veut aussi: que le délai concédé soit modéré, que le débiteur mérite cette faveur par son malheur et sa bonne foi (b) et que le créancier n'en doive pas éprouver un préjudice trop considérable. Cette dernière condition, tout à fait négligée dans la loi française, y est toujours suppléée par la sagesse des tribunaux: il serait, en effet, déraisonnable et injuste de sacrifier les droits du créancier à la faveur du débiteur.
356. Le tribunal n'est pas seulement autorisé à retarder l'exigibilité du payement, il peut aussi en permettre la division, chaque fois encore qu'elle est possible sans nuire au créancier. Cette division du payement sera très naturelle, quand il s'agira d'une somme d'argent: il sera plus facile au débiteur de s'en libérer par parties; s'il justifie au tribunal qu'il a lui-même des sommes à recevoir successivement, il pourra être autorisé à. les verser de même au créancier, en évitant ainsi le danger de les dissiper et le risque de les perdre.
En France, on a quelquefois contesté que le tribunal pût autoriser le payement partiel d'une dette; mais l'opinion favorable au fractionnement prévaut aujourd'hui et se trouve suffisamment fondée sur le texte de l'article 1244, malgré la négligence de sa rédaction (c).
357. Le dernier alinéa de l'article 426 tranche une question fort importante et sur laquelle les auteurs, sont encore divisés en France. La disposition qui nous occupe doit être considérée comme " d'ordre public " et, par conséquent, le débiteur ne peut, par convention, renoncer d'avance à la faculté de demander un délai de grâce. Si l'opinion contraire était admise, cette renonciation anticipée serait toujours exigée par le créancier: le débiteur, en empruntant ou en achetant à crédit, n'oserait pas refuser de s'y soumettre, de peur de faire manquer le contrat; la clause deviendrait de style et le but humanitaire de la loi serait toujours éludé. On admettra cependant, plus loin, que les parties peuvent convenir de la résolution expresse ou " de plein droit." pour inexécution par l'une d'elles de ses obligations, ce qui, en dispensant du recours à la justice pour faire prononcer la résolution, ôte à celle-ci le droit d'accorder un délai de grâce. Mais, il y a là une disposition traditionnelle qu'il a paru nécessaire de conserver et qui sera justifiée en son lieu (v. art. 442).
Voici une autre conséquence à tirer du principe que le débiteur ne peut renoncer d'avance au délai de grâce, ni directement, ni indirectement: supposons qu'une clause pénale ait été convenue pour le cas de retard à l'exécution; à l'échéance, le créancier réclame la clause pénale, le débiteur demande un délai de grâce, en justifiant qu'il est dans la situation requise pour cette faveur; le tribunal pourra lui accorder le délai de grâce, avec beaucoup de modération, sans doute, et la clause pénale ne sera encourue qu'après l'expiration de ce délai sans exécution.
Remarquons, du reste, que le caractère d'ordre public reconnu à cette faculté du tribunal ne va pas jusqu'à permettre à celui-ci d'accorder un délai de grâce d'office et sans demande: il faut encore que le débiteur déclare s'en prévaloir, en allègue et, jusqu'à un certain point, en justifie la nécessité pour lui; le tribunal commettrait un excès de pouvoir, s'il accordait un délai de grâce qui n'aurait pas été demandé.
358. Le délai de grâce a naturellement moins de force que le délai de droit, il est plus précaire et se perd plus facilement: l'article 427 nous le montre.
D'abord, il va de soi que les causes qui font perdre le délai de droit font perdre également celui de grâce. Il se perd, en outre, dans quatre autres cas.
Le Projet est allé plus loin ici que le Code français de Procédure civile (v. art. 124) Tandis que la loi française n'admet que la, contumace et l'emprisonnement pour dette, aujourd'hui aboli (sauf pour les condamnations pécuniaires fondées sur une infraction pénale), le Projet généralise la première idée et remplace la seconde. Dans tous les cas où le débiteur est " en fuite " il perd le bénéfice du terme de grâce, et la loi assimile à la fuite le cas où le débiteur " cache sa résidence;" en effet, il n'est plus de bonne foi, du moment qu'il cherche à se soustraire à la surveillance de ses créanciers. La loi lui enlève encore le bénéfice du terme, s'il est condamné à un emprisonnement correctionnel d'un an ou plus; ici, le motif est un peu digèrent: c'est moins à cause de la faute qui entraîne cette pénalité (elle ne regarde pas le créancier) qu'à cause de la diminution des chances qui resteront au créancier d'être payé à l'échéance.
Le troisième cas est une innovation très raisonnable: il faut supposer que le tribunal a autorisé le fractionnement de la dette, ce qui implique des délais successifs; le débiteur laisse passer une des époques fixées, sans payer la fraction de sa dette qui y est afférente; dès lors, il n'y a plus lieu d'espérer qu'il puisse remplir ses autres obligations successives; la dette devient donc exigible pour le tout.
Le quatrième cas où est perdu le terme de grâce se trouve indiqué dans le Code français (art. 1292), mais d'une façon qui ne le fait pas immédiatement reconnaître: "le terme de grâce ne fait pas obstacle à la compensation." Parmi les modes d'extinction des obligations, on compte la compensation qui, dans l'hypothèse où les deux parties sont respectivement créancière et débitrice, opère la libération de chacune jusqu'à concurrence de la dette la plus faible, les deux dettes se faisant équilibre, se balançant, jusqu'au chiffre où elles se rencontrent. Mais, pour que la compensation opère ainsi, par elle-même et de plein droit, l'effet d'un payement réciproque, il faut que les deux dettes réunissent certains caractères communs, notamment, qu'elles soient toutes deux exigibles (voy. art. 542): de même que le payement ne peut être demandé avant le terme, de même la compensation ne peut s'opérer.
Mais ici se rencontre la dernière différence entre le terme de droit et le terme de grâce: ce dernier ne fait pas obstacle à la compensation, et cela est très naturel: le terme de grâce n'avait été accordé au débiteur qu'à raison de la difficulté où il était de se libérer; or, quand il est lui-même créancier, dans les conditions qui permettent la compensation, il n'a plus aucun titre à conserver cette faveur. On pourrait même croire qu'une fois entrée dans cette voie, la loi devrait retirer le bénéfice du terme de grâce au débiteur, chaque fois que sa position pécuniaire s'est suffisamment améliorée pour qu'il lui soit possible-de se libérer présentement; mais ce serait donner ouverture à une foule de procès délicats et aLltoriser le créancier à se livrer à un examen continuel et à une discussion vexatoire des changements de fortune du débiteur. Ce danger n'existe pas dans le cas de la compensation, parce que les éléments en sont contradictoirement établis entre les parties.
359. La dernière disposition de l'article 427 peut se justifier de deux manières: d'abord, le débiteur ne mérite plus une nouvelle faveur, n'ayant pas su profiter de la première; ensuite, le tribunal, ayant statué sur cette demande, a épuisé son pouvoir à cet égard.
Il va de soi que dans les cas où le débiteur est privé, soit du terme de droit, soit du terme de grâce, confor-, mément aux articles 425 et 427, il ne pourrait obtenir un terme de grâce, s'il était, déjà dans l'un des cas prévus par ces articles.
Remarquons enfin que, comme la concession du délai de grâce, de même la déchéance de ce terme, ne peut être prononcée par le tribunal sans qu'il y ait eu, à cet égard, demande ed la partie intéressée (v. note 1).
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(b) Les expressions " malheureux et de bonne foi " sont empruntées à l'article 1268 (c. civ. fr.) qui n'a plus guère d'application depuis l'abolition, en France, de la contrainte par corps, en matière civile et commerciale.
(c) La rédaction de cet article 1244 est bien singulière: la loi commence par poser en principe la nécessité pour le débiteur de payer toute la dette, à la fois; puis elle présente comme dérogation à la. règle (" néanmoins ") la faculté pour les tribunaux d'accorder des délais; les deux idées n'ont aucun rapport: l'une est relative à la quantité à payer, l'autre à l'époque du payement; évidemment, la loi a voulu, paçlà, exprimer que, par exception, le payement pourrait être fait partiellement.
Art. 428 et 429. -360. On voit, de suite, par la définition de la condition, qu'elle diffère profondément du terme: tandis que le terme n'empêche pas l'obligation de naître, de se former, et en retarde seulement l'exécution, la condition tient en suspens l'existence même de l'obligation (voy. c. civ. fr., art. 1185): et ce n'est pas seulement un retard qu'elle apporte à la formation ou à la résolution de l'obligation, c'est l'incertitude, l'éventualité, qui peut se terminer favorablement ou défavorablement pour le créancier ou pour le débiteur: chacun a des chances et court des risques; le contrat devient aléatoire par le fait même qu'il est affecté d'une condition (voy. ci-dessus, n° 32).
On voit par le présent article que la condition est de deux sortes: suspensive ou résolutoire; dans le premier cas, l'obligation affectée de la condition n'est pas formée par la seule convention, c'est la condition qui, en s'accomplissant, fera naître l'obligation (d); dans le second cas, l'obligation est née immédiatement, par le seul effet du contrat; mais les parties sont convenues que, si tel événement arrivait, l'obligation serait résolue, c'està-dire éteinte rétroactivement, comme si elle n'avait jamais existé.
On dit quelquefois que la condition est " toujours suspensive" et que, dans le premier cas, elle suspend la naissance de l'obligation, tandis que, dans le second cas, elle en suspend la résolution; cette formule est exacte et même elle a une origine romaine (e); mais on conservera ici les expressions usitées et l'on appellera condition SUSPENSIVE celle qui expose le droit du créancier à ne pas naître, et RÉSOLUTOIRE celle qui, le droit une fois né, l'expose à être détruit. La difficulté du langage va encore s'augmenter, si, au lieu d'une obligation conditionnelle, nous supposons qu'il s'agit d'un droit réel affecté d'une condition.
361. Le texte de l'article 428, en effet, après avoir supposé d'abord que c'est une obligation ou une créance qui est affectée de la condition, déclare que la même modalité pourrait affecter un droit réel (ee): la propriété ou un de ses démembrements, ou une sûreté réelle fournie pour la garantie d'une créance (f).
Dans ce cas, la condition produira un effet double, très digne d'attention: elle sera, tout à la fois, suspensive pour l'une des parties et résolutoire pour l'autre.
Supposons une aliénation d'immeuble subordonnée au départ du vendeur pour un pays éloigné: dans ce cas, la condition sera qualifiée de "suspensive," parce que le droit de l'acheteur n'est pas encore né; mais si la condition s'accomplit, en même temps qu'elle " fera naître " le droit de l'acheteur, " elle résoudra " celui du vendeur.
En sens inverse, si l'aliénation a été faite immédiatement, mais qu'il ait été convenu qu'au cas où le vendeur reviendrait se fixer dans le pays qu'il quitte, la vente serait résolue, on peut dire qu'en même temps que le droit de l'acheteur est " résoluble," celui du vendeur est " suspendu: " l'événement prévu s'accomplissant enlèvera le droit de propriété à l'acheteur, nonseulement pour l'avenir, mais pour le passé, et le reportera rétroactivement sur la tête du vendeur, comme s'il n'avait jamais cessé de lui appartenir.
Comme conséquence de ce double effet de la condition accomplie, les droits conférés sur la chose par celui qui n'avait qu'un droit résoluble s'évanouissent comme et avec le sien, et les droits conférés par celui dont le droit était en suspens se confirment comme le sien propre.
362. La raison de ce double effet de chaque condition accomplie, lorsqu'il s'agit de l'aliénation d'un droit réel, tient à la nature même de ce droit qui, une fois créé, doit nécessairement porter sur une tête, et ne peut en quitter une sans passer sur une autre, ni retourner au premier titulaire sans quitter le second. On ne rencontre pas ce double effet, lorsqu'il s'agit d'une obligation contractée avec une condition: elle ne préexistait pas à la convention, laquelle la fait naître et ne la transfère pas; si elle est subordonnée à une condition suspensive et que celle-ci s'accomplisse, le droit naît pour le créancier, mais on ne peut pas dire qu'il quitte le débiteur; si elle est subordonnée à une condition résolutoire, l'événement enlèvera le droit au créancier, mais il ne le reportera pas sur la tête du débiteur.
On doit donc reconnaître que si les droits personnels peuvent être affectés de l'une ou l'autre condition, c'est toujours séparément, disjointement; tandis que les droits réels ne peuvent être affectés de l'une sans l'être en même temps ot conjointement de l'autre.
Il y a toutefois un cas où le droit personnel sera affecté simultanément des deux conditions: mais l'exception, loin d'être gênante, confirme la règle: un créancier cède, sous condition suspensive, la créance qu'il a contre un tiers; si la condition s'accomplit, le droit cédé quitte le cédant pour passer sur la tête du cessionnaire; si la cession a été faite sous condition résolutoire, la résolution, en dépouillant le cessionnaire, reporte le droit sur le cédant. Si, dans ce cas, la condition produit deux effets simultanés, comme dans la cession d'un droit réel, c'est parce que droit personnel cédé préexistait à la convention.
Il est donc vrai et évident que toute condition mise à la translation d'un droit réel, ou d'un droit personnel préexistant, produit tout à la fois, d'un côté, une suspension, et, de l'autre, une résolution. Il faut pourtant que les noms ne produisent pas d'équivoque. Le moyen de l'éviter c'est de s'attacher à i EFFET DIRECT de la condition sur le droit conféré et non à son EFFET INDIRECT sur le droit retenu par l'aliénateur. Ainsi, une vente sera dite " sous condition suspensive," quand le droit conféré CL l'acheteur sera suspendu: on négligera là résolution qui ne doit se produire qu'indirectement sur le droit retenu par le vendeur; au contraire, la vente sera dite "sous condition résolutoire" quand le droit, présentement conféré à l'acheteur, sera sujet à résolution: on négligera alors l'effet indirectement suspensif de cette condition sur le droit retenu par le vendeur.
Mais, si l'effet indirect de chaque condition est à négliger quand il s'agit de la dénomination à donner à celle-ci, il est au contraire, très important, à considérer pour le fond de toute cette théorie: on le verra bientôt, notamment, quand il s'agira de savoir laquelle des deux parties supporte les risques de perte fortuite, dans l'une et l'autre condition (v. art. 439 et 440).
363. L'article 428 assigne deux caractères à l'événement qu'on appelle condition: il doit être " futur et incertain." Le Code français, dans l'art. 1168, exige les deux mêmes caractères; mais, plus loin (art. 1181), il met sur la même ligne " un événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties." Il y a là une méprise que le Code italien n'a pas commise (art. 1157) et que le droit romain a signalée le premier en ces termes: "les choses qui sont certaines par leur na" ture, ne retardent pas la naissance de l'obligation, " quoiqu'elles soient incertaines pour nous." Cependant, au premier aspect, la situation paraît identique; si, par. exemple, les parties ont subordonné les effets de leur convention à l'issue favorable d'une expédition militaire ou maritime qui doit être actuellement accomplie, mais dont aucune d'elles n'a pu encore avoir de nouvelles, il semble que les choses se passeront comme si l'événement était futur: lorsque l'issue de l'expédition se trouvera avoir été favorable, la convention aura eu tous ses effets dès l'origine; lorsque l'issue aura été défavorable, la convention sera réputée non avenue. Mais, au fond, il reste une grande différence entre cette situation et celle d'une véritable condition: dans le cas d'un événement actuellement arrivé, l'obligation existe ou n'existe pas, dès le moment de la convention, quoique les parties l'ignorent; si elle existe, rien n'empêchera ensuite qu'elle ait tous ses effets; si elle n'existe pas, rien, dans l'avenir, ne pourra lui donner effet; il n'y a pas d'alea, c'est-à-dire qu'il n'y a, pour les parties, ni chances, ni risques; si l'événement était accompli suivant les prévisions des parties, ce n'est pas lui qui aurait fait naître'l'obligation, ce serait la convention; si l'événement était accompli en sens contraire, ou défailli, l'obligation ne serait pas née et ne pourrait jamais naître, sans une nouvelle convention.
Voilà pour la différence théorique de la question; en voici maintenant l'intérêt pratique: si l'obligation a été subordonnée à une véritable condition et que la chose due vienne à périr par cas fortuit avant l'événement, l'obligation ne se forme pas, faute d'objet, comme on l'a déjà dit plus haut (n° 142) et comme on en donnera bientôt la justification (v. n° 388), en sorte que la perte retombe sur le débiteur qui n'a plus sa chose et n'aura pas les avantages que la convention pouvait lui destiner; tandis que, si l'obligation dépend d'un événement actuellement arrivé mais encore inconnu des parties, la chose due périt pour le créancier dont le droit est né quoiqu'il l'ignore: l'événement inconnu n'a été qu'un " terme incertain," ce terme s'est trouvé échu quand l'événement a été connu; or, le terme ne retardant pas la naissance du droit, mais seulement son exigibilité, met la chose aux risques de celui à qui elle est due (v. art. 355).
364. L'article 429 complète le caractère de la condition, soit suspensive, soit résolutoire, en donnant un effet rétroactif à son accomplissement, soit pour la formation, soit pour la résolution de l'obligation ou du droit réel conféré. Cette rétroactivité a dû être indiquée de suite, pour faire saisir la nature de la condition (g); l'article suivant en va indiquer les conséquences.
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(d) Le mot condition vient du mot latin condere, " fonder:" la condition est ici " le fondement" du droit.
(e) Les Romains disaient que cette obligation "est pure, mais résoluble sous condition" (obligatio purci quce sub conditione resolvitur).
(ee) Une méthode rigoureuse aurait peut-être exigé qu'on ne mentionnât pas ici, au sujet des obligations ou droits personnels, la condition qui peut affecter les droits réels, mais il est préférable et presque nécessaire que la théorie de la condition se trouve ici dans toute ses applications.
(f) On rappelle encore, à cette occasion que le terme, à la différence de la condition, ne peut affecter que les démembrements de la propriété, mais non la propriété elle-même, ainsi qu'il a été expliqué sous l'article 31 (T. 1er, n° 55) et sous l'article 351 (ci-dessus, iiD 128).
(g) Le Code français (art. 1179) et le Code italien (art. 1170) ont eu e tort de rejeter à la fin de la matière l'effet rétroactif de la condition.
Art. 430. — 365. L'article 430 consacre, tout à la fois, le principe de la rétroactivité de la condition et celui du double effet, déjà signalé, de chacune des deux conditions. On va l'appliquer successivement aux diverses hypothèses.
1° Une obligalion, de somme d'argent ou autre, a été contractée sous condition suspensive; tant que la condition est en suspens (pendente conditione) le créancier n'a qu'un droit éventuel; mais il peut céder ce droit sous la modalité qui l'affecte: le cessionnaire exercera le droit de créance, si la condition s'accomplit, pourvu qu'il ait notifié au débiteur la cession qui lui a été faite; si la condition fait défaut, son droit s'évanouira. Quant au point de savoir s'il aura droit à la restitution de son prix, par action en garantie, cela dépendra des clauses de la cession: en général, il n'y aura pas lieu à la restitution du prix, parce que la cession a un caractère aléatoire comme la créance cédée elle-même. Cependant, le cédant d'une créance est, de droit et sans stipulation, garant de l'existence de la créance (c. civ. fr., art. 1693); mais une créance conditionnelle existe suffisamment pour n'être pas sujette à cette garantie: elle a l'existence éventuelle que le cessionaire était en droit d'attendre, du moment que la condition lui a été révélée.
Dans cette hypothèse d'une créance conditionnelle, le débiteur n'aura pas toujours lui-même à céder un droit corrélatif à son obligation; mais cela pourrait être, si le contrat était synallagmatique; alors seulement, il aura pu céder aussi son droit conditionnel, avec les mêmes conséquences.
2° Une créance pure et simple ou à terme existait entre deux personnes et le créancier l'a cédée à un tiers, sous condition suspensive: il a conservé sa créance sous condition résolutoire, ainsi qu'on l'a fait remarquer sous l'article 428 (n° 362). Ici, chacune des parties figurant dans la cession a un droit inverse de celui de l'autre et elle peut en disposer tel qu'il se comporte, c'est-à-dire, avec la condition dont il est affecté: le cessionnaire peut disposer par vente ou donation de sa créance éventuelle ou conditionnelle; le cédant peut disposer de même de sa créance actuelle mais résoluble. Si la condition de la première cession se réalise, la sous-cession faite par le cessionnaire produit ses effets et la seconde cession faite par le cédant se résout, si, au contraire, la condition de la première cession fait défaut, c'est la souscession qui se résout et la seconde cession faite par le cédant qui se réalise.
Les rôles et les situations seraient inverses, si la première cession avait été faite sous condition résolutoire.
Quant au débiteur cédé, sa position ne change pas, il reste tenu purement et simplement ou à terme: il payera à celui des deux intéressés dont le droit sera définitivement confirmé, ou, tout au moins, dont le droit sera actuel, quoique résoluble, au moment où le payement sera exigé de lui.
3° Supposons enfin un droit de propriété cédé sous condition suspensive, ce qui laisse la propriété au cédant, mais sous condition résolutoire. Chacune des parties peut céder le droit qui lui appartient, sous la condition dont il est affecté: l'événement qui confirmera le droit du cessionnaire résoudra le droit du cédant et, du même coup, les secondes cessions qu'il a faites, en confirmant les sous-cessions. En sens inverse, si la première cession a été faite sous condition résolutoire, le cédant a gardé la propriété sous condition suspensive, et les nouvelles cessions faites par l'un ou l'autre se résoudront ou se confirmeront comme et avec le droit de chaque cédant.
La complication de ces hypothèses est plus apparente que véritable: le principe une fois posé, les conséquences sont logiques et faciles à déduire.
366. Le 26 alinéa de l'article 480 subordonne les effets qui précèdent, en tant qu'il s'agit de les opposer, respectivement, entre une partie ou ses ayant-cause et les ayant-cause de l'autre, à la publicité requise pour les cessions de créance et pour les aliénations d'immeubles ou les constitutions de droits immobiliers.
Il est évident, par exemple, que si celui qui n'a qu'un droit conditionnel le cédait comme lui appartenant purement et simplement et que la condition ne s'accomplît pas en sa faveur, les cessionnaires ne pourraient être évincés que s'ils avaient été mis en mesure de connaître la condition dont leur droit était affecté; or, pour les droits réels immobiliers, la condition, tant suspensive que résolutoire, a dû être révélée par la transcription du titre originaire du cédant. Pour les créances conditionnelles, si la condition est mentionnée au titre, cela suffit pour en avertir le cessionnaire; si la condition y a été ajoutée par un acte séparé, le cessionnaire a pu en être informé au moment où il a fait au cédé la notification de la cession. Si ces avertissements n'ont pas été. donnés au cessionnaire, la condition ne lui est pas opposable, car les droits sont toujours présumés purs et simples: la condition est une anomalie, une exception au droit commun.
Art. 431. — 367. L'article 431 déroge à l'article 430, en ce sens que les actes d'administration ne se trouvent pas affectés de la condition qui affecte le droit de celui qui les a faits. Ainsi, celui qui n'avait qu'un droit de propriété soumis à une condition résolutoire a loué l'objet à un tiers: plus tard, la résolution s'accomplit, le bail subsistera. Le motif de la loi est qu'il est d'intérêt général que les biens soient loués ou utilement administrés et il serait difficile de trouver un locataire ou un fermier, si son droit devait s'évanouir par l'effet de conditions auxquelles il est étranger.
Mais pour que les actes d'administration soient ainsi respectés, il faut qu'ils soient faits " de bonne foi et en conformité à la loi." Ils ne seraient pas faits " de bonne foi," si le bailleur avait eu pour but de priver de la jouissance du bien, au moins pour un temps, celui auquel la propriété doit passer par l'accomplissement de la condition résolutoire; la mauvaise foi serait certaine si la location avait été faite lorsque déjà la condition était accomplie ou paraissait sur le point de l'être, et il serait difficile de considérer comme faite de bonne foi la location d'un meuble qu'il n'est pas d'usage à un propriétaire de louer.
La loi n'exige pas la bonne foi des tiers qui ont contracté avec l'administrateur j par conséquent, lors même qu'ils auraient connu la condition qui affectait le droit du bailleur, le contrat de bail ne serait pas moins valable à leur égard. C'est toujours la raison économique qui veut qu'on favorise les baux des maisons et des terres. Mais les tiers cesseraient de pouvoir invoquer les baux, s'ils les avaient obtenus après que la condition résolutoire était accomplie, même à leur insu: ils seraient dans la situation ordinaire de ceux qui traitent sur une chose avec un autre que le propriétaire.
Enfin, l'acte d'administration ne serait pas fait " en conformité à la loi," si la location avait été faite pour un temps plus long ou sous d'autres conditions que la loi ne le permet aux administrateurs du bien d'autrui (voy. art. 126 et s.).
368. On pourrait croire que les jugements, ayant le caractère de preuves, par l'effet d'une présomption légale absolue de vérité attachée à la chose jugée, seraient opposables à tous les intéressés quand ils leur seraient contraires, de même qu'ils pourraient être invoqués par eux lorsqu'ils leur seraient favorables. Mais la raison et l'équité s'opposent à ce qu'une personne souffre d'un jugement qu'elle n'a pas demandé ou qu'elle n'a pu combattre: l'autorité judiciaire, qu'elles que soient ses lumières et son impartialité, ne se prononce que sur les faits qui lui sont soumis et ne se détermine que par les preuves produites devant elle; aussi est-il universellement reconnu, par les lois comme par la doctrine, que la chose jugée ne nuit ni ne profite qu'aux parties qui ont figuré dans procès, comme demanderesses ou défenderesses, soit en personne, soit par représentation. Ce principe déjà rencontré et qui sera développé et justifié lorsqu'on arrivera à la matière des preuves (v. art. 1414 et s.), est appliqué ici, par le 2e alinéa de notre article 431, mais sous une double exception ou réserve qui demande quelques explications:
1° Certaines personnes qui n'ont pas été parties en cause pourront invoquer le jugement, s'il leur est favorable, et le récuser s'il leur est contraire;
2° Les jugements sur les actes d'administration seront opposables autant que profitables à ces mêmes personnes.
369. -I. On remarquera d'aboi d que la loi suppose que c'est celle des parties dont le droit était rêxoluhle qui a plaidé avec le tiers: c'est cette partie, en effet, qui a un droit actuel et c'est elle seule qui peut être. attaquée par un tiers au sujet de la chose; la loi n'en a pas moins deux applications: il peut y avoir eu aliénation sous condition résolutoire directe, c'est alors l'acheteur qui acquieTt un droit résoluble; il peut y avoir eu aliénation sous condition suspensive, c'est le vendeur qui retient un droit résoluble.
Pour l'application de notre article, il ne faudrait pas supposer que celui dont le droit est résoluble a plaidé avec des personnes qui prétendraient avoir acquis des droits de lui, postérieurement à la convention affectée de la condition: il est clair que ces personnes ne pourraient, au cas où la résolution s'accomplirait, se prévaloir, contre la partie dont le droit est en suspens, dit jugement qui reconnaîtrait leur droit, puisqu'elles ne pourraient non plus se prévaloir contre elle d'une convention non contestée, même transcrite, qui leur aurait conféré ces mêmes droits. Il faut donc supposer que le procès a eu pour objet d'établir des droits antérieurs à la convention; or, si ces droits existaient réellement, ils ont, suivant leur nature, mis un obstacle total ou partiel à la cession. Par exemple, une vente sous condition résolutoire a eu lieu: le vendeur a conservé la propriété sous condition suspensive; pendant que la condition était en suspens, un tiers a prétendu contre l'acheteur qu'il avait lui-même, antérieurement à la vente, soit la propriété, soit un démembrement de la propriété sur cette même chose, et il a triomphé; ensuite la condition résolutoire s'est accomplie et la propriété est retournée au vendeur: il est clair que le jugement n'aura pas d'effet contre celui-ci, puisqu'il n'a pas été appelé à y contredire; il n'aura d'effet que contre l'acheteur, si son droit se trouve confirmé par la défaillance de la condition résolutoire.
Si, au contraire, le tiers a succombé dans sa demande et si la condition résolutoire s'est accomplie, le vendeur pourra se prévaloir du jugement contre le tiers, parce que l'acheteur a eu qualité pour sauvegarder les droits de son vendeur: on peut le considérer comme ayant été son gérant d'affaires; or, un gérant d'affaires peut rendre service au " maître " et ne peut compromettre ses droits. La même règle a déjà été appliquée entre l'usufruitier et le nu-propriétaire (voy. art. 101).
On pourrait supposer une vente sous condition suspensive; ce serait alors le droit du vendeur qui serait résoluble: le procès engagé entre un tiers et lui ne pourrait nuire à l'acheteur, au cas où la condition s'accomplirait; mais il lui profiterait, car le vendeur, en même temps qu'il pourrait être considéré comme gérant d'affaires de l'acheteur, aurait aussi accompli son obligation de le garantir contre tous troubles ou évictions (gg).
Il va de soi, et notre 2e alinéa le fait remarquer, que si celui qui a le droit sous condition suspensive a été mis en cause par le tiers, à raison de son droit éventuel, le jugement défavorable lui sera opposable, car il y aura été partie.
370. —II. Si le procès intervenu entre un tiers et la partie dont les droits sont résolubles avait concerné un acte d'administration, la solution serait différente: le jugement défavorable à celui dont les droits sont ensuite résolus serait opposable à celui qui acquiert ou recouvre le bien par l'effet de la condition, car la partie qui a pu faire des actes d'administration opposables à l'autre a eu qualité aussi pour plaider sur des actes de cette nature.
Toutes ces questions ont été absolument négligées par les Codes français et italien.
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(gg) Dans l'édition précédente on n'avait donné que cet exemple; mais il ne doit être que secondaire, car il ne présente qu'une condition résolutoire indirecte, tandis que le nouvel exemple donne le cas d'une condition résolutoire directe (v. n° 362).
Art. 432. — 37. L'article 432 complète les effets de la résolution, en statuant sur les fruits et intérêts intérimaires. Les Codes français et italien sont restés muets sur ce point également, ce qui donne lieu à des divergences d'opinion.
Le Projet suit les conséquences naturelles de la résolution: si elle est directe et accomplie contre l'acquéreur du droit conféré, celui-ci, ayant pu, pendant un certain temps de possession, percevoir des fruits et produits de la chose, les restituera; de son côté, celui qui a aliéné, pouvant avoir reçu le prix, en rendra les intérêts; si la résolution est opérée indirectement, par l'accomplissement de la condition suspensive, celui qui avait conféré le droit livrera la chose avec les fruits perçus, et l'acquéreur payera le prix avec les intérêts. Les choses sont ainsi ramenées, dans le premier cas, à l'état où elles auraient été, si la convention résoluble n'avait pas eu lieu; dans le second, à l'état où elles auraient été, si la convention suspendue avait été pure et simple.
L'article 432, en donnant cette solution, admet qu'elle pourrait être modifiée par l'intention des parties; en effet, il est possible que, dans un but de simplification, elles aient admis, expressément ou tacitement, que les fruits perçus par une partie, pendant que la condition était en suspens, se compenseraient avec les intérêts qu'elle devrait recevoir de l'autre partie. Cette compensation, qu'on a le tort, en France, d'admettre plutôt comme une règle générale que comme une exception, pourra être très facilement admise au Japon par les tribunaux: notamment, quand il se sera écoulé un long intervalle entre la convention et l'issue de la condition; mais elle devra toujours être considérée comme une exception résultant des circonstances.
Art. 433. — 372. Le Code français (art. 1169 à 1174) énumère et définit plusieurs natures de conditions qui, tout en étant nécessairement suspensives ou résolutoires, ont d'autres caractères influant plus ou moins sur la validité de la convention qui en dépend. C'est ainsi qu'il distingue les conditions: 1° en casuellex, potestatives et mixtes, suivant qu'elles dépendent, ou du par hasard, ou de la volonté d'une seule des parties, ou, tout à la fois, de la volonté d'une des parties et de célle d'un tiers ou du hasard; 2° en licites et illicites; 3° en possibles et impossibles; 4° enfin, en positives et négatives, suivant qu'on a prévu qu'un événement arrivera ou n'arrivera pas.
Le Code italien a suivi à peu près la même méthode (art. 1159 à 1162).
Le présent Projet ne mentionne ces caractères particuliers des conditions qu'en en réglant l'influence sur la convention, et il ne définit que la condition illicite, celle justement que les Codes précités ont négligé de définir, quand c'était le cas où. la définition était le plus nécessaire, comme elle était le plus difficile.
373. Et d'abord, pour la condition impossible, il n'y a pas de difficulté réelle. Si elle est en même temps positive ou affirmative, élle rend nulle la convention qui en dépend; par exemple, on a vendu ou donné un fonds à quelqu'un, s'il faisait l'ascension du Fusiyama au mois de janvier (h); il est évident qu'une pareille convention n'est pas sérieuse et que les deux parties, si elles sont saines d'esprit, savent, dès l'abord, que la condition suspensive ne se réalisera pas et que, par conséquent, la convention ne peut produire d'effet. Il en serait de même, si le fait impossible était pris comme condition résolutoire; par exemple: " je vous vends mon fonds présentement, mais la vente sera résolue, si je fais l'ascension du Fusiyama au mois de janvier;" ici, ce n'est plus la vente qui est nulle, c'est la clause stipulant la résolution: il est clair que celui qui ne s'est réservé qu'une résolution impossible a fait une vente pure et simple.
Supposons maintenant que le même fait impossible, au lieu d'être envisagé positivement ou affirmativement, l'ait été négativement: la solution sera différente; par exemple, " je vous vends ma maison, sous cette condition suspensive: si vous ne faites pas l'ascension du Fusiyama au mois de janvier " comme il est bien certain, dès aujourd'hui, que vous ne la ferez pas, la vente est pure et simple; ou bien encore, vous ayant vendu ma maison antérieurement, sans condition, j'ai stipulé, que la vente serait résolue, si vous ne faisiez pas ladite ascension; comme il est certain que vous ne la ferez pas, la vente est résolue immédiatement, purement et simplement. On a dû supposer ici que la vente était antérieure à la stipulation de résolution, car, si les deux clauses se trouvaient dans une même convention, la vente se trouverait résolue en même temps qu'elle se formerait, ce qui serait dérisoire.
Cette distinction entre la condition positive et la condition négative d'un fait impossible se trouve dans ces deux dispositions du Code français: " Toute condition " de faire une chose impossible est nulle et rend nulle " la convention qui en dépend (art. 1172);
" La condition de ne pas faire une chose impossible " ne rend pas nulle l'obligation contractée sous cette " condition" (art. 1173).
374. Le Code français est moins précis au sujet de la condition illicite qu'il n'envisage pas sous ses deux faces, positive et négative, ce qui donne lieu a des doutes sérieux, quand la condition est négative ou "de ne pas faire une chose illicite."
Le Projet s'est attaché à prévenir ici toute difficulté.
La condition ne sera illicite, au point de vue qui nous occupe, elle ne rendra la convention nulle, que si elle doit tendre à un résultat mauvais, moralement ou socialement; or, ce résultat est à prévoir et à redouter dans deux cas que le texte du présent article détermine avec soin:
1° Si l'une des parties doit lénéjicier, soit de l'accomplissement d'un acte que la loi ou la morale défend, soit de l'abstention d'un devoir que la loi ou la morale impose;
2° Si l'une des parties doit souffrir, soit de s'être abstenue d'un acte défendu, soit d'avoir accompli un acte ordonné.
Dans le premier cas, les parties se seraient proposé de récompenser le mal et, dans le second cas, de punir le bien.
Il n'y a pas à distinguer, du reste, si le profit du mal ou la peine du bien doit être pour le stipulant ou pour le promettant; mais il faut, au contraire, distinguer si la condition illicite est suspensive ou si elle est résolutoire: si la condition est suspensive, il n'y a pas de convention du tout, tandis que si la condition est résolutoire, c'est celle-ci qui est seule non avenue, la convention restant pure et simple (comp. n° 376).
375. Il est nécessaire de donner des exemples de ces diverses situations qui sont régies par le même principe.
1° " le vous promets ma maison, si vous me procurez des documents secrets du Gouvernement: " la condition illicite est suspensive; elle est positive; elle est dans l'intérêt du stipulant de la maison (i).
2° "Je vous promets ma maison, si vous ne remettez pas au Gouvernement les documents que vous avez reçus pour lui: " la condition illicite est encore suspensive et dans l'intérêt du stipulant; mais elle est négative, en ce qu'elle a pour objet le non-accomplissement d'un devoir.
3° " le vous donne ma maison présentement, mais la donation sera résolue, si je vous remets les documents secrets du Gouvernement, ou si vous ne lui remettez pas ceux qui lui sont adressés: " dans les deux cas, la condition est dans l'intérêt de celui qui stipule la résolution; au premier cas, la condition est positive et la faute serait récompensée; au second cas, la condition est négative et le mérite du promettant serait puni.
376. Voici maintenant les cas que le Code français a laissés dans le doute et qui se trouvent implicitement réglés par les limites précises que le Projet a mises à la nullité.
Les parties ont établi comme condition suspensive de la convention le cas où l'une d'elles s'abstiendrait de tel acte illicite ou accomplirait tel devoir dans des circonstances ou dans un temps déterminé; ou, en sens inverse, elles sont convenues que la convention actuellement formée serait résolue, si la partie intéressée à son. maintien commettait un acte illicite déterminé ou manquait à accomplir tel devoir. Plusieurs auteurs soutiennent que la condition doit, ici encore, être considérée comme nulle et entraîner la nullité de la convention qui en dépend: ils allèguent qu'il est immoral qu'une partie stipule un avantage (l'acquisition ou la conservation d'un droit), comme prix de l'observation de la loi et de l'accomplissement d'un devoir. Mais d'autres répondent que tout moyen qui assure ce double résultat est utile à la société et doit être autorisé.
On doit remarquer d'abord qu'il n'y a pas similitude parfaite entre les deux hypothèses ici proposées: dans la première, celle de la condition suspensive, il y a bien récompense de l'observation de la loi; mais dans la seconde, ce n'est pas la ?io?z-résolution qu'il faut envisager comme une récompense, mais plutôt la résolution comme une peine; or, les parties, pouvant toujours stipuler une peine civile pour assurer l'observation de la loi, auraient pu, certainement, subordonner leur convention à la résolution, pour le cas où l'acquéreur commettrait un acte illicite ou manquerait à l'observation de la loi; il ne faut donc pas les empêcher d'atteindre ce but légitime parce qu'elles auront donné à leur convention une forme différente qui n'en change pas le fond. Il faut, dès lors, sans hésiter, admettre que la résolution peut être stipulée contre la partie qui accomplirait un acte prohibé par la loi ou manquerait à accomplir un acte par elle ordonné.
Dans le cas de la condition suspensive, on pourra faire la distinction suivante: si le stipulant s'est fait promettre un avantage pour le cas où il ne commettrait pas un acte punissable par la loi, ou accomplirait un devoir dont la violation a aussi une sanction pénale, la condition viciera la convention comme immorale; en effet, ily a cause honteuse(turpis ca/üra),et. par suite, refus d'action et droit de répétition contre le stipulant, s'il y avait eu exécution (voy. art. 381-2° et 387); d'ailleurs, il semblerait que la condition implique ici une menace, laquelle vicie également la convention. Mais, si la condition est de ne pas faire un acte que la morale seule réprouve et non la loi pénale, ou d'accomplir un devoir que la morale seule impose et non la loi civile, la convention qui en dépend devra être maintenue. Ainsi, une promesse a été faite à une fille de mauvaise vie, pour le cas où elle rentrerait dans sa famille et s'y conduirait honnêtement, ou à un homme vivant irrégulièrement avec une femme, pour le cas où il l'épouserait légalement; dans ces cas, il n y a pas immoralité, de la part du stipulant, à obtenir une pareille promesse ni, de la part du promettant, à la faire valoir, même en justice, si. la condition est remplie.
377. Le rapprochement du 1er et du 3e alinéas de notre article 433 donne lieu à une observation importante. Tout ce qui a été dit de la condition illicite ou impossible, comme viciant et annulant la convention qui en dépend, ne s'applique qu'au cas où c'est l'effet principal de la convention qui aurait été rattaché à la condition: alors la condition joue le rôle de cause déterminante de la convention et, comme cause illicite ou impossible, elle empêche la convention de se former (voy. art. 325). Ainsi, dans une vente conditionnelle, si c'est la translation de propriété même qui a été subordonnée à la condition, la nullité de la condition entraînera celle de toute la convention; mais, si la condition n'affecte qu'un accessoire de la vente, un objet complémentaire aliéné, un terme pour la délivrance de la chose ou pour le payement du prix, alors, l'accessoire, le terme, seront seuls frappés de nullité.
Cette distinction, formellement écrite dans le Projet, ne se trouve pas dans les Codes français et italien; mais l'interprétation doctrinale et judiciaire les y supplée ordinairement.
378. Terminons par une remarque importante. La théorie générale des conventions et obligations ici présentée comprend, en principe, les contrats à titre gratuit comme les contrats à titre onéreux: en ce qui concerne l'effet des conditions illicites ou impossibles, on n'a pas signalé de différence entre les deux sortes d'actes; on a même pris, tantôt alternativement, tantôt cumulativement, des exemplas de donations et de ventes. Il en est tout autrement dans le Code français: ce n'est que dans les actes onéreux que la nullité de la condition entraîne la nullité de l'acte qui en dépend; dans les donations il n'en est pas de même: la condition nulle y est réputée non écrite et la donation est valable comme pure et simple (c. civ. fr., art. 900). Il a toujours été difficile de justifier cette disposition singulière: elle paraît être une assimilation irréfléchie de là donation au testament, pour lequel, au contraire, la disposition a été sagement admise depuis le droit "ro'rriain. Le Code italien (art. 1266) s'est gardé, en cela, d'imiter le Code français, et le Projet japonais suit l'exemple du Code italien.
Lorsqu'on traitera des donations, on pourra, soit se référer au présent article 433, soit même garder le silence sur les conditions, ce qui impliquera la même théorie que pour les conventions en général. Au contraire, pour les testaments, on ne manquera pas de conserver l'exception consacrée par une longue tradition, au sujet des conditions nulles, et on l'y justifiera.
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(h) Les jurisconsultes romains donnaient comme exemple de condition impossible: "si vous touchez le ciel du doigt." Ils auraient pu en imaginer de plus vraisemblables, en tant que stipulation.
(i) On dit qu'elle est dans l'intérêt du stipulant de la maison, en ce qui concerne le contrat; cela n'empêche pas de supposer que le promettant a, vraisemblablement, un intérêt à l'accomplissement de la faute ou à l'inaccomplissement du devoir; mais cet intérêt, illicite, est inconnu et inutile à chercher.
Art. 434 et 435. —379. Comme on l'a dit plus haut, la condition casuelle est celle qui dépend seulement du hasard (casus) ou d'un événement sur lequel les parties ne peuvent exercer aucune influence; si la condition dépend, en même temps, de la volonté d'une partie et du hasard ou de la volonté d'un tiers, la condition est appelée mixte; enfin, elle est dite potestative, quand il dépend de la volonté de l'une des parties de la faire accomplir ou défaillir.
Le Code français prohibe " la condition potestative de la part de celui qui s'oblige" (art. 1174); le Code italien, avec une nuance d'expression, prohibe la condition qui dépend "de la pure volonté de celui qui s'oblige " (art. 1162) (j). Au contraire, tous deux permettent, par cela seul qu'ils ne la prohibent pas, la condition potestative de la part du stipulant.
Le Projet japonais paraît s'écarter de ses modèles, en ne prohibant pas même la condition potestative de la part de celui qui s'oblige; mais, en réalité, la dérogation est moindre qu'elle ne paraît. En France, notamment, la saine interprétation de la loi n'amène à prononcer la nullité de la convention qui en dépend que lorsque la condition est purement potestative de la part du promettant, lorsqu'il ne fait aucun sacrifice, soit qu'il veuille ou ne veuille pas accomplir la condition, lorsqu'elle dépend de son p7tr caprice ou de sa fantaisie, lorsqu'enfin il n'a entendu s'obliger que si tel était son bon plaisir, ce que les Romains désignaient par ces mots: "si je veux" (si volaero). Au Japon aussi, la convention sera nulle dans ce cas; mais ce sera d'après le principe général qu'il n'y a pas convention ou contrat sans volonté de s'obliger sérieusement. Mais on n'a jamais soutenu, en France, qu'une vente fût nulle quand, par exemple, le vendeur l'avait subordonnée à un voyage, ou à sa démission de fonctions publiques ou privées; parce qu'on reconnaît qu'en pareil cas, comme dans une foule d'autres, ce n'est pas par caprice ou pure fantaisie qu'une partie fait un voyage ou donne sa démission: il y a toujours des intérêts en jeu, des sacrifices à faire, qui peuvent faire hésiter le contractant. De même, s'il s'agit d'un contrat synallagmatique, il est difficile de dire quand la condition " dépend de la volonté de la partie qui s'oblige," puisque les deux parties sont respectivement créancière et débitrice.
380. Toutes ces difficultés disparaissent dans le Projet. L'article 435 prend d'ailleurs une précaution qui éloigne tout danger. Il est clair que dans le cas où l'accomplissement de la condition dépend de la volonté d'une seule des parties, que ce soit du stipulant ou du promettant, la convention n'est pas pure et simple: il faut encore que cette volonté soit exprimée et notifiée; jusques-là, le premettant ignore si et quand il devra exécuter, ou c'est le stipulant qui ignore si et quand il pourra demander l'exécution; la partie qui n'a pas le choix peut donc souffrir plus ou moins d'une trop longue incertitude. La loi y pourvoit, en autorisant cette partie à demander au tribunal la fixation d'un délai, si d'ailleurs les parties n'en ont pas fixé un elles-mêmes (comp. art. 436). Passé ce délai, la condition sera réputée défaillie, si la partie n'a pas exercé sa faculté.
Il n'y a pas à distinguer, d'ailleurs, si la condition potestative était suspensive ou résolutoire, quant à son effet sur la convention, ni si elle était positive ou négative, c'est-à-dire s'il s'agissait de l'accomplissement ou du non-accomplissement d'un fait déterminé.
381. L'article 434 a un autre objet: statuant sur une condition qui dépend de la volonté d'une des parties ou du hasard, il punit l'autre partie de tout acte de sa part qui aurait pour effet d'empêcher l'accomplissement de la condition au profit de la première, et la punition est que la condition défaillie par son fait sera réputée accomplie (jj). Ainsi, une vente avait été faite sous la condition suspensive que le vendeur aurait acquis telle autre propriété; l'acheteur, regrettant le contrat et pour faire manquer la condition, achète lui-même le bien désiré par son vendeur: il en sera puni, si le vendeur invoque la loi, en se trouvant acheteur du premier bien, en même temps qu'il l'est du second, ce qui pourra être pour lui un sérieux embarras. En modifiant l'exemple. on l'appliquera à la condition résolutoire: il a été convenu que la vente serait résolue, dans l'intérêt de l'acheteur, s'il parvenait à acquérir un autre immeuble déterminé qui répond mieux à ses besoins; le vendeur pour empêcher la résolution de s'accomplir, s'est rendu luimême acquéreur de ce bien; comme il a volontairement empêché la résolution, elle sera réputée accomplie: il devra reprendre son immeuble et restituer le prix qu'il aura reçu.
Bien entendu, dans les deux cas, la résolution n'a pas lieu de plein droit: elle doit être prononcée en justice, à cause de son caractère de peine, et la demande ne peut en être faite que par la partie en faveur de laquelle la condition avait été établie.
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(j) Le Code français, qui n'annule pas la donation affectée d'une condition illicite: (art. 900), annule, au contraire, celle qui dépend d'une condition potestative-, mais il paraît ne considérer comme tel'e que "eelle qui dépend de la, seule volonté du donateur." Cependant ce point est fort discutable.
(jj) L'ancien texte ne supposait la condition potestative que de la part du stipulant et l'empêchement à son accomplissement venant de la part du promettant. On a cru devoir rendre la disposition commune aux deux parties.
Art. 436. — 382. Les deux premières dispositions de cet article sont empruntées aux articles 1176 et 1177 du Code français, reproduits littéralement par le Code italien (art. 1167 et 1168). A la rigueur, elles pourraient ne pas figurer dans la loi, parce qu'elles ne sont que des déductions logiques de la nature de la condition et de l'intention des contractants; toutefois, ce qu'il a paru utile d'exprimer en France et en Italie, où les tribunaux sont familiers avec la théorie de la condition, ne pouvait être jugé superflu au Japon où, cette modalité des obligations étant peu pratiquée, la théorie scientifique en est encore peu connue; le Projet y ajoute d'ailleurs une disposition nécessaire.
383. Le 1er alinéa prévoit une condition positif e c'està-dire, un événement dont l'arrivée doit faire naître ou résoudre un droit; le 2e alinéa suppose une condition négative, c'est-à-dire que c'est le non-accomplissement d'un événement qui agira sur le droit, comme condition suspensive ou résolutoire. Dans le premier cas, la loi déclare quand la condition est défaillie: elle néglige de dire quand elle est accomplie; au contraire, dans le second cas, la loi déclare quand la condition est aeCOIDplie et elle ne dit pas quand elle est défaillie; c'est qu'en effet, les deux points négligés par la loi ne présentent aucune difficulté.
Ainsi, quelqu'un a acheté 100 kolcoux (k) de riz, sous la condition qu'ils lui seraient livrés dans le délai d'un mois; la livraison a été faite dans le délai fixé: la condition est évidemment accomplie et la vente est parfaite; ou bien la vente de riz, déjà parfaite, avait été stipulée résoluble si, dans le délai d'un mois, l'acheteur recevait d'autres riz qui lui avaient été promis par un tiers; ces riz lui arrivent dans le délai fixé: la condition résolutoire de la vente est accomplie.
La loi n'a pas besoin de régler cet accomplissement normal de la condition.
Au contraire, supposons que, dans le cas de la vente sous condition suspensive, les riz ne soient pas livrés dans le délai d'un mois, et, dans le cas de la vente 4 sous condition résolutoire, que l'acheteur ne reçoive pas les riz d'une autre origine qu'il espérait: alors, la loi croit utile d'exprimer que la condition est défaillie, c'est-à-dire qu'une livraison ou une arrivée tardive ne remplirait pas la condition stipulée.
Ce qui, d'ailleurs, complète l'utilité du texte, c'est le 3e alinéa qui manque dans les deux Codes précités, à savoir, que les tribunaux ne peuvent proroger le délai fixé par les parties: ce serait, de leur part, exposer l'une d'elles à des pertes, car la fixation du délai a été naturellement basée sur des. considérations d'intérêt ou de convenance personnels dans lesquels les tribunaux ne doivent pas s'immiscer. Il n'y a ici aucune analogie avec la concession d'un délai de grâce pour l'exécution (art. 426): il ne s'agit pas d'exécuter une obligation déjà née, mais d'en favoriser la naissance, ou la résolution, ce qui ne peut être dans le pouvoir des tribunaux; s'il a été permis aux tribunaux, par l'article 435, de fixer un délai quand les parties n'en avaient pas fixé, c'était par interprétation de la volonté tacite de cellesci, et le délai, dans ce cas, n'est plus un terme de grâce mais un terme de droit (v. n° 349).
384. La loi croit encore devoir s'expliquer sur le cas où, avant l'arrivée du terme, il est devenu certain que l'événement positif prévu ne pourra plus arriver; par exemple, les riz attendus ont péri avant le mois, dans un incendie ou un naufrage: il est inutile de laisser s'écouler le mois pour reconnaître que la condition est défaillie.
Le raisonnement sera le même pour la condition négative, mais, avec les modifications nécessaires de l'hypothèse. La vente du riz a eu lieu sous cette condition suspensive qu'elle serait parfaite seulement si l'acheteur ne recevait pas, dans le délai d'un mois, d'autres riz qui lui sont promis d'un autre côté; ces riz sont arrivés dans le délai, la condition suspensive de la vente est défaillie et la vente est non avenue. Ou bien, la vente, née et actuelle, a été soumise à cette condition qu'elleserait résolue si le vendeur ne recevait pas, dans le délai d'un mois; d'autres riz qui devaient remplacer pour lui ceux qu'il vendait présentement; ces riz sont arrivés dans le délai, la condition est défaillie et la vente est maintenue: dans les deux cas, il est inutile d'attendre l'expiration du délai fixé pour reconnaître que la condition est défaillie.
La loi n'a pas à s'expliquer sur des résultats si simples. Mais elle croit devoir déclarer que la condition est tenue pour accomplie, même avant l'expiration du délai, dès qu'il est certain que l'événement ne pourra plus arriver; par exemple encore, si les riz attendus ont péri. Elle déclare aussi que la condition négative est accomplie quand l'événement prévu n'est pas arrivé dans le délai fixé, parce qu'on aurait pu croire que le délai n'était pas " de rigueur" et pouvait être prorogé par le juge.
La loi ne défend ici aux tribunaux que la prorogation du délai fixé par les parties; à l'égard du délai antérieurement fixé par le tribunal, dans le cas de l'article 435, la prorogation en est déjà défendue, et d'une façon plus générale, par l'article 427, in fine.
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(k) Le kokou est une mesure de capacité équivalent à 180 litres décimaux environ.
Art. 437. — 385. L'article 1179 du Code français et l'article 1170 du Code italien ont cette disposition principale, mais ils n'ont pas l'exception, laquelle pourtant recevra une fréquente application; car, s'il s'agit d'une obligation de faire un travail qui exige des connaissances ou un talent particuliers, la personne du promettant aura été le plus souvent prise en considération et sa mort fera défaillir la condition, même avant le délai qui aurait pu être fixé. De même, s'il s'agit d'une obligation de ne pas faire: par exemple, si un acteur s'est soumis à la condition de ne pas jouer sur un théâtre rival, la condition ne serait pas imposée à ses héritiers, desquels la même concurrence ne serait pas à craindre; la condition négative se trouverait ainsi accomplie par la mort du promettant avant le délai fixé, par application de l'article précédent. En sens inverse, dans ce dernier exemple, la mort du stipulant ferait tenir la condition pour accomplie, si, par sa mort, l'entreprise théâtrale en faveur de laquelle il avait stipulé se trouvait dissoute.
Art. 438. — 386. Les deux Codes précités n'ont, ici encore, exprimé que la principale de ces idées (c. fr., art. 11 75 et c. ital., art. 1166); ils l'ont fait incomplétement d'ailleurs, et, c'était la moins nécessaire à exprimer, à cause du principe général de l'interprétation des conventions (voy. art. 376 et suiv.).
Le présent article est plus complet en ce qu'il vise le cas d'un accomplissement partiel de la condition qui, sans doute, ne pourra jamais être assimilé à l'accomplissement total, mais qui ne devra pas non plus être toujours considéré comme inutile et sans effet. Si l'accomplissement partiel de la condition permet au stipulant d'atteindre en partie le but qu'il se proposait, il est raisonnable et juste que les droits qui dépendaient de cette condition soient considérés comme formés respectivement.
Cette difficulté se trouvera éclaircie par ce qu'on dira bientôt, au sujet des obligations divisibles et indivisibles (§ iv).
Art. 439 et 440. -387. Bien que la théorie des risques appartienne surtout à " l'extinction des obligations par la perte de la chose due" dont il sera. traité au Chapitre III, elle présente, en matière de conditions, ainsi qu'on l'a déjà annoncé à l'article 355, des particularités qui sont mieux placées ici, au siége de la matière.
Ces deux articles correspondent à l'article 1182 du Code français et à l'article 1164 du Code italien; mais ils sont plus complets, en ce qu'ils prévoient, tout à la fois, la condition suspensive et la condition résolutoire, tandis que cette dernière a été négligée par les deux Codes étrangers; ils s'écartent aussi de la solution donnée au fond, ainsi qu'on le fera remarquer.
388. Lorsqu'une convention confère un droit, purement et simplement ou à terme, la chose due ou cédée est aux risques du stipulant ou du cessionnaire, ainsi qu'il est dit à l'article 355 et pour les raisons données au commentaire (nos 138 et s.); si donc la chose périt en tout ou partie, ou se détériore plus ou moins gravement, sans la faute du débiteur ou du cédant, il sera libéré dans la même mesure, sans rien perdre des droits et avantages réciproques qui pouvaient lui être dus en vertu de la même convention.
Il en est tout autrement dans le cas de condition, au moins de condition suspensive. Tant que cette condition n'est pas accomplie, les droits qu'elle doit conférer ne sont pas nés, mais seulement espérés: c'est accomplissement de la condition qui les fera naître; le consentement donné à l'origine n'a pas besoin d'être renouvelé et n'a pu être rétracté; la cause originaire subsiste et l'accomplissement de la condition jouera le rôle de cause complémentaire (voy. n° 45). Mais pour qu'ils naissent, il faut qu'ils puissent porter sur un objet et '.'objet de la condition a pu périr. S'il a péri en entier, la convention, restée en suspens, ne peut naître faute d'objet: celui auquel la chose a été promise ou cédée ne la recevra pas, mais il n'aura pas non plus à fournir la contrevaleur qu'il avait pu promettre en compensation, en sorte qu'il est exact de dire que la perte est pour le promettant ou le cédant. On doit décider de même au cas d'une donation sous condition suspensive, quoique le donateur n'ait pas à recevoir d'équivalent de la chose donnée ou promise; en effet, quoiqu'il demeure privé de sa chose, il ne l'est pas par la donation, mais par la perte accidentelle; il n'a donc pas la satisfaction d'avoir donné: l'avantage moral qu'il avait cherché dans la bienfaisance, la reconnaissance du donataire, le secours alimentaire même que la donation aurait pu lui faire acquérir, lui manquent également.
Cette solution, rigoureuse, mais découlant logiquement des principes, semble contraire à l'effet rétroactif de la condition, car on doit supposer que la condition s'est accomplie après la perte, et comme elle rétroagit au jour où la convention a eu lieu, comme, à cette époque,' il y avait un objet dû ou cédé, il semble que la perte devrait retomber sur lé créancier ou le cessionnaire.
La réponse est facile: pour que la condition rétroagisse, il faut qu'elle puisse d'abord s'accomplir utilement; pour qu'elle fasse remonter les effets de la convention au jour où le consentement a été donné, il faut que ces effets même puissent se produire, il faut que la convention elle-même puisse naître; or, elle ne peut naître, faute d'objet (l), On peut comparer la convention conditionnelle à un enfant simplement conçu, qui peut bien succéder avant de naître, mais pourvu qu'il naisse vivant et viable; dans le cas contraire, le droit de succession qui était en expectative sur sa tête s'évanouit.
Jusqu'ici, la solution du Projet est semblable à celle des Codes précités: on a seulement mis plus en relief la perte éprouvée par le promettant ou le cédant.
Mais, si la perte est partielle, la similitude cesse.
389. Le Code français semble n'avoir été guidé par aucun principe fixe, pour le cas où la chose a été seulement détériorée ou partiellement détruite sans la faute du promettant: il a hésité entre deux solutions extrêmes dont l'une ferait supporter la perte au promettant et l'autre au stipulant, et, par un singulier procédé, les deux solutions ont une part simultanée d'application: si le stipulant désire l'exécution de la convention, malgré la perte, il peut l'obtenir, mais "sans diminution du prix " (m), quelle que soit l'étendue de la détérioration ou perte partielle; si, au contraire, le stipulant n'a pas le désir d'obtenir la chose détériorée, il peut faire résoudre ou résilier la convention, quelque faible que soit la détérioration, mais sans dommages-intérêts, puisque cette détérioration n'est pas imputable au promettant.
Le Code italien a été plus ferme dans sa décision: il a mis la perte partielle ou détérioration à la charge du stipulant, lequel devra, de son côté, exécuter, la convention, comme il peut lui-même la faire exécuter. Cette solution, conforme au principe que celui qui a les chances de plus-value doit subir les risques de détérioration, est cependant, à son tour, trop rigoureuse pour le stipulant, car la perte peut être presque totale et la détérioration tellement considérable qu'elle ôte pour le stipulant toute utilité à la convention; or, il est bizarre que, si la perte est totale, elle retombe sur le promettant, et que, si elle est presque totale, elle retombe sur le stipulant. Il ne faut pas oublier qu'ici la convention est conditionnelle, c'est-à-dire n'était pas encore parfaite au moment où la perte partielle est arrivée, et cette considération, qui fait mettre la perte totale à la charge du promettant, peut justifier qu'il supporte aussi la perte partielle, au moins dans certains cas.
390. Il ne faudrait pas croire, d'ailleurs, qu'en dehors de la solution du Code français il n'y ait place que pour les deux solutions extrêmes faisant retomber la perte partielle, l'une sur le promettant, l'autre sur le stipulant. On concevrait un système qui, au lieu de donner le choix au stipulant, le donnerait au promettant: s'il optait pour le maintien de la convention, il subirait alors une diminution de la contre-valeur qu'il devait recevoir; s'il optait, au contraire, pour la résiliation, il garderait la chose détériorée, sans rien recevoir. On pourrait admettre aussi que la perte partielle se divisât entre les deux parties. Mais la première solution serait plus défavorable encore au débiteur que celle du Code français, car il ne recevrait jamais la contre-valeur intégrale, et la perte, en somme, retomberait toujours sur lui; la seconde solution nécessiterait toujours une expertise pour faire la part de chacun dans la perte.
La solution du Projet paraît aussi équitable que naturelle et simple: la perte est-elle de plus de moitié, elle est assimilée à la perte totale: elle retombe sur le promettant; est-elle de moitié ou moins, il n'en est pas tenu compte: elle retombe donc sur le stipulant. C'est l'application d'un axiome latin assez connu: major pars minorem ad se trahit, "la plus forte part entraîne la plus faible." Le Code français l'a appliqué dans une autre difficulté, parce qu'il lui a paru équitable et raisonnable (voy. art. 866, 2e al.).
Remarquons, enfin, au sujet de la perte de plus de moitié, qu'il ne s'agit pas nécessairement de la moitié en quantité, c'est-à-dire en étendue, en poids, nombre ou mesure, mais de la moitié en valeur; la question a beaucoup d'intérêt, lorsque la chose n'est pas identique dans toutes ses parties.
391. Le Projet a prévu aussi la perte ou la détérioration dans le cas de la condition résolutoire, laquelle a été complètement négligée par les deux Codes étrangers. La solution paraît inverse, parce que la condition agit en sens inverse sur la convention et que les rôles des parties semblent renversés; mais, au fond, c'est le même principe. Soit une vente sous condition résolutoire et la chose vendue ayant péri en totalité ou pour plus de moitié de sa valeur, avant l'accomplisscment de la condition qui a eu lieu ensuite: on peut laisser à l'acheteur le nom de " stipulant," parce qu'il a stipulé la chose vendue; on peut encore mieux lui laisser le nom de cessionnaire, mais, en réalité, il devient promettant sous condition suspensive, puisque la résolution s'accomplissant fera renaître le droit du vendeur. Or, la loi, en mettant la chose à ses risques, lui applique évidemment le principe précédent: si la chose vendue périt en entier, ou pour plus de moitié de sa valeur, la condition ne s'accomplira pas utilement; la chose n'existant plus, ou étant considérée comme telle, ne peut retourner au cédant; dès lors, celui-ci, ne recouvrant rien de ce qu'il a aliéné, ne rend rien non plus de ce qu'il a reçu; la vente se trouve devenue irrévocable, malgré l'accomplissement de la condition résolutoire prévue et la perte demeure à la charge du cessionnaire. Cette solution qui manque dans les deux Codes étrangers y doit être suppléée par interprétation; seulement, ce qui est dit de la perte de plus de moitié reste particulier au Projet japonais.
La théorie des risques, déjà esquissée sous l'article 355, au sujet de l'obligation pure et simple ou à terme, continuée ici pour l'obligation conditionnelle, sera complétée au Chapitre III, lorsque la loi traitera de l'extinction des obligations par l'effet de la perte de la chose due ou par l'impossibilité d'exécuter (art. 561 et s.).
392. Le 3e alinéa de l'article 439 n'est écrit que pour l'harmonie des dispositions: il aurait pu être sousentendu; si la perte ou détérioration est de moitié de la valeur ou de 11WÙ¿.;, elle se compense avec les chances de plus-value; elle est donc à la charge de celui dont le droit à la chose dépend de l'accomplissement de la condition: il la recevra diminuée, sans pouvoir exercer lui -même aucune diminution ou retenue sur la contrevaleur qu'il doit fournir.
393. L'article 440 prévoit que la perte ou détérioration est imputable à l'une des parties: naturellement, à la partie qui avait la chose en sa possession tant que la condition était en suspens. Ici, sans distinguer si la perte est totale ou partielle, la loi la fait retomber nécessairement sur la partie qui est en faute. Si la perte est totale, l'autre partie est libérée de ce qu'elle pouvait devoir en contre-valeur, et elle pourra même obtenir des dommages-intérêts; si la perte est partielle, l'autre partie a un choix tout naturel entre le maintien de la convention et son abandon, avec dommages-intérêts dans les deux cas.
Si la partie lésée demande la résolution de la convention, le résultat définitif n'est pas le même, suivant que la condition était suspensive ou qu'elle était résolutoire: au premier cas, les parties sont dans la position où elles auraient été s'il n'y avait eu aucune convention entre elles; au second cas, c'est la condition résolutoire seule qui est annulée, elle est, pour ainsi dire, résolue elle-même, et la convention primitive devient pure et simple. Ainsi, une vente avait été faite sous condition résolutoire; pendant que la condition était en suspens, l'acheteur a laissé la chose se détériorer plus ou moins gravement; si le vendeur ne désire pas la recouvrer, même avec dommages-intérêts, quand la condition viendra à s'accomplir, il fait résoudre la clause qui devait opérer la résolution et la vente devient pure et simple ou irrévocable, sans préjudice encore de quelque indemnité, parce que l'acheteur ne devait pas lui faire perdre l'avantage de recouvrer la chose.
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(1) Il y a encore un axiome latin applicable ici: priés est e s s e quam esse t a l e, " il faut être avant d'être fel on pourrait dire ici: " il faut que la condition agisse avant qu'elle 1'étroagisse."
(m) Par ces mots, la loi française paraît se placer dans l'hypothèse d'une vente ou d'un louage j il eût été mieux de généraliser la.. solutions en parlant de la contre-valeur ou de l'avantage réciproque dû par le stipulant.
Art. 441. — 394. La condition résolutoire tacite est un des effets particuliers aux contrats synallagmatiques ou bilatéraux et elle donne un grand intérêt à cette division des contrats, ainsi qu'on l'a déjà annoncé sous l'article 318 (n° 22). Le Code français en pose le principe général dans l'article 1184, et il en fait ailleurs l'application à plusieurs contrats particuliers, spécialement à la vente (art. 1610 et 165'1 à 1657) et ati louage (art 1741). Le Code italien pose le principe dans les mêmes termes (art. 1165). L'un et l'autre Codes ont laissé subsister quelques lacunes que l'on comble dans le Projet.
C'est une très grande faveur que cette résolution accordée par la loi à la partie qui se plaint de l'inexécution: si elle était réduite à son action originaire, elle pourrait souffrir de l'insolvabilité du débiteur, en subissant le concours avec les autres créanciers de celuici: elle devrait elle-même exécuter son obligation en entier et elle n'obtiendrait, à son tour, qu'une portion de ce qui lui est dû. Mais, au moyen de la résolution, elle peut recouvrer sa position première, comme si la convention n'avait pas eu lieu: si elle n'a pas encore exécuté elle-même ses obligations, elle en est déliée, en même temps qu'elle en délie son débiteur; si elle a déjà exécuté, elle peut répéter ce qu'elle a donné, soit en nature, soit en équivalent. Par exemple, un vendeur d'immeuble, qui a déjà transféré la propriété par son seul cÓnsentement, a, en outre, livré l'immeuble, il a déjà mis l'acheteur en possession et lui a remis les titres; l'acheteur ne 'paye pas le prix à l'échéance fixée: le vendeur peut, par la résolution, recouvrer la propriété et se faire remettre en possession de la chose vendue; ce droit a de l'analogie avec le privilége non moins précieux qu'il pourrait exercer, sans demander la résolution, en faissant saisir et revendre la chose vendue; pour être payé sur le prix par préférence aux autres créanciers de l'acheteur; mais, à cause de son avantage même, le droit. de résolution, est soumis à la même, publicité que le privilége proprement dit, afin qu'il n'y ait pas de surprises à craindre pour les tiers qui contracteraient avec l'acheteur (v. art. 1188 et 1276 bis).
La position serait moins bonne pour un vendeur 'de meubles, de denrées ou marchandises, qui aurait livré les choses vendues: il ne pourrait, en général, recouvrer ces choses en nature, au préjudice des tiers acquéreurs ou même des autres créanciers; la résolution ne lui donnerait toujours qu'un droit personnel; seulement, au lieu de réclamer le prix de vente primitivement fixé, il pourrait réclamer la valeur actuelle des choses vendues, lesquelles peuvent avoir augmenté de valeur.
On pourvoira du reste, d'une autre façon à la protection du vendeur, lorsque le moment sera venu de régler les priviléges sur les meubles (eomp, c. civ. fr., art. 2102-4° et c. com., art. 576; Proj., art. 1138, 2e al.).
La résolution n'appartiendrait pas moins à l'acheteur qu'au vendeur, si la chose ne lui était pas livrée en temps utile ou ne l'était pas dans l'état où elle lui a été promise. Mais s'il a déjà payé son prix, il n'aura pour le recouvrer, qu'une simple créance, sans aucun privilége, car le prix qu'il a payé se trouve confondu avec les autres valeurs du vendeur; il n'usera donc de la résolution que si le vendeur est solvable. Toutefois, s'il avait eu l'imprudence de faire prononcer la résolution dans l'ignorance de l'insolvabilité du vendeur, il pourrait, au moins, exercer, le droit de rétention jusqu'au remboursement de son prix (v. art. 1096).
395. Il ne faut pas croire, du reste, que le vendeur ne puisse exercer son action résolutoire qu'après avoir lui-même rempli son obligation de livrer et l'acheteur après avoir rempli celle de payer le prix: ce serait, comme on vient de le voir exposer l'un ou l'autre à perdre, tout à la fois, la chose et le prix. D'un autre côté, il ne faudrait pas que l'une des parties pût trouver dans la résolution un moyen de se soustraire à ses obligations: le texte lève tous les doutes, en exigeant que le demandeur en résolution, s'il n'a pas déjà exécuté, " offre au moins de le faire; " dans ce cas, la résolution ne tendra pas à lui faire recouvrer une valeur fournie mais à le libérer de la fournir. Pour qu'il n'y ait point de contestation sur le droit de la partie demanderesse, elle fera bien de faire des offres réelles, comme il est dit à l'article 496; mais elle n'aurait pas besoin de faire la consignation dont parle l'article 499.
396. La loi tranche encore une question qui pouvait faire doute: faut-il, pour qu'il y ait lieu de demander la résolution, que l'une des parties n'ait pas exécuté du tout ses obligations, ou suffit-il qu'elle y ait manqué en quelque chose ? La loi veut que l'exécution ait eu lieu en entier et, faute de cela, la résolution pourra être demandée pour le tout, à charge, bien entendu, pour la partie qui fait résoudre, de restituer ce qu'elle a reçu: la résolution partielle ne répondrait pas au but du contractant Ainsi, par exemple, un vendeur qui n'aurait reçu qu'une partie de son prix ne pourrait être forcé à une résolution partielle de l'aliénation, parce qu'elle ne lui laisserait pas des chances suffisamment favorables de faire une nouvelle aliénation de la portion recouvrée; en outre, elle l'obligerait à se trouver copropriétaire avec son acheteur, ce qui peut ne pas lui convenir. De même, un acheteur auquel il n'aurait été livré qu'une partie des choses vendues ne pourrait être contraint à garder cette portion qui peut lui être inutile. Il faut dire aussi que la résolution partielle ne peut être imposée au défendeur: il est en faute, assurément, mais il ne serait ni juste ni logique de lui imposer le contrat et de l'en priver, tout à la fois. La résolution est indivisible, activement et passivement, d'après l'intention des parties (v. art. 508, 2e al.).
397. Le 2' alinéa de notre article nous dit que la résolution pour inexécution CI n'a pas lieu de plein droit, mais doit être demandée en justice." Il ne faudrait pas, pour expliquer cette nécessité du recours aux tribunaux, alléguer que souvent il y aura contestation sur le fait même de l'inexécution, que le débiteur pourrait soutenir que le terme n'était pas échu ou que lui-même attendait l'exécution de l'autre partie: si cette raison était fondée, elle conduirait à défendre la stipulation expresse d'une résolution de plein droit que l'article suivant, au contraire, va permettre. La véritable raison du recours aux tribunaux c'est que la loi a voulu qu'un délai de grâce pût être accordé au débiteur embarrassé et de bonne foi, comme le texte a soin de le proclamer.
Art. 442, 443 et 444. —398, La condition résolutoire n'est attachée aux contrats synallagmatiques que par une interprétation faite par la loi de l'intention probable des parties; celles-ci peuvent donc manifester une volonté contraire, car cette garantie d'exécution n'est pas d'ordre public; mais elles doivent y renoncer expressément pour faire tomber la présomption légale. Cette renonciation peut, du reste, n'avoir lieu que d'un côté, et le fait par une partie de s'être privée de la résolution n'en prive pas l'autre par cela seul.
En sens inverse, les parties peuvent, au lieu de se contenter de la présomption légale, au lieu de s'en tenir à la condition résolutoire tacite, la stipuler expressément (n).
Entre la condition résolutoire tacite et la condition résolutoire expresse, il y a deux grandes différences qui ressortent clairement du rapprochement des articles 441 et 442: 1° la résolution tacite doit être demandée en justice, tandis que la résolution expresse s'opère de plein droit; 2° dans le premier cas, les tribunaux peuvent accorder un délai de grâce à la partie qui est en retard; ils ne le peuvent pas dans le second cas, et c'est peut-être là le but principal pour lequel la résolution expresse aura été stipulée. Mais alors, il semble qu'on rencontre ici une exception à la règle posée par l'article 426, 3e al., d'après laquelle la renonciation anticipée au terme de grâce n'est pas admise; et l'exception est d'autant plus difficile à concevoir, au premier abord, que l'on a présenté le droit de demander un délai de grâce, comme étant d'ordre public (n° 357), tandis qu'au contraire, la résolution pour inexécution n'a pas ce caractère. Cependant, en réalité, et si l'on va au fond des choses, on doit reconnaître qu'il n'y a pas ici une exception à la prohibition de l'article 426 le cas est plutôt inverse; en effet, il ne s'agit plus ici de contraindre rigoureusement un débiteur à l'exécution de ses obligations, mais d'affranchir le créancier de remplir les siennes propres, ce qui, en même temps, libérera -le débiteur. Bien plus, le principe protecteur de l'article 426 retrouvera une part d'application, car si le débiteur contre lequel la résolution a opéré de plein droit est tenu de faire quelque restitution de sommes ou valeurs reçues en vertu du contrat, rien ne l'empêchera de demander et d'obtenir un délai pour l'exécution de cette obligation: la seule chose que le tribunal ne puisse pas, c'est retarder la résolution, quand les parties ont voulu qu'elle s'opérât de plein droit.
La résolution expresse ne s'opère que lorsque la partie négligente a été constituée en demeure: il ne suffirait pas que le terme stipulé pour l'exécution fût Accompli, à moins que la convention ne portât expressément que la seule échéance du terme vaudrait mise en demeure (voy. art. 356).
399. En regard des deux différences qui précèdent,on remarquera trois points de ressemblance entre la résolution tacite et la résolution expresse:
1° Ni l'une ni l'autre ne peut être invoquée par celle des parties qui est en faute; cela ne peut faire question pour la résolution tacite qui a besoin d'être demandée et obtenue en justice, car personne ne peut se faire de sa propre faute un titre et un moyen d'action; mais pour la résolution expresse qui opère de plein droit, on pourrait croire que le résultat, se produisant sans demande, profite aux deux parties; la loi prend soin de repousser cette interprétation: pour que la résolution opérée de plein droit ait son effet, il faudra toujours que la partie lésée par l'inexécution préfère la résolution à l'action directe pour l'exécution; son intention a été d'augmenter ses droits et non de les diminuer.
2° Si cette partie a, une première fois, exercé son option entre la résolution et l'action directe, elle ne peut plus revenir sur le choix qu'elle a fait (art. 443); or, l'option résulte (comme la loi prend soin de le dire), de la demande faite en justice, dans le cas de résolution tacite, et d'une déclaration quelconque, mais formelle, dans le cas de résolution expresse ou opérée de plein de droit. Il est cependant reçu qu'on peut, en général, se désister d'une action intentée ou renoncer à un avantage personnel; mais cette faculté de désistement ou de renonciation ne doit jamais devenir préjudiciable t't, l'autre partie; or, c'est ce qui arriverait, si, après avoir manifesté la volonté de résoudre le contrat et lorsque le débiteur a commencé à prendre ses dispositions en conséquence, le créancier changeait d'avis et prétendait revenir à l'action directe pour l'exécution.
3° Bien que la résolution ait pour but de remettre les choses au point où elles étaient avant la convention, ce résultat ne sera pas toujours possible. Les choses restituées pourront avoir perdu de leur valeur par un cause imputable à celui qui les rend; la partie qui comptait sur l'exécution réelle avait pu prendre ellemême des engagements qu'elle ne pourra remplir; il est donc juste qu'elle soit "indemnisée du préjudice qu'elle éprouve." C'est ce que dit l'article 444, et il met sur la même ligne, à cet égard, la résolution expresse et la résolution tacite. Mais, on remarquera que la loi n'accorde à la partie qui fait résoudre que "la réparation du préjudice éprouvé " et non la compensation des gains manques; aussi évite-t-elle l'expression ordinairement usitée de dommages-intérêts, laquelle comprend Il la perte éprouvée et le gain manqué " (art. 405). Il serait, en effet, contraire à la raison et à l'équité que celui qui fait résoudre obtînt, en même temps, son affranchissement de la convention et les bénéfices qu'il en espérait; ces bénéfices qu'il pourra trouver dans une nouvelle convention avec un tiers ne peuvent ainsi lui être acquis deux fois. Le Projet japonais, en se prononçant en ce sens, tranche un question qui pourrait faire un doute sérieux dans les Codes étrangers, lesquels accordent " des dommages-intérêts," suivant la formule ordinaire.
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(n) Cette stipulation porte, en France, le nom de "pacte commissoire" (UlÏ vient du droit romain; mais ce nom ne présentant pas, par lui-même, un sens assez clair, il vaut mieux adopter au Japon celui de " condition résolutoire expresse."
Art. 445. — 400. Dans le Code français (art. 1180) et dans le Code italien (art. 1171), cette disposition n'est écrite que pour la condition et non pour le terme: probablement, on a cru qu'elle allait de soi pour le terme et qu'il n'y aurait de doute que pour la condition suspensive, à raison de ce que le droit n'est pas encore né et seulement espéré; mais, en admettant qu'il n'y ait encore dans la condition qu'une " espérance de droit," il ne doit pas être au pouvoir du débiteur d'en rendre la réalisation inutile, en détournant ses biens ou en les employant à payer d'autres créanciers dont les droits sont actuellement exigibles; il n'y avait donc guère plus à douter dans un cas que dans l'autre.
La loi n'a pas à énumérer ici toutes les mesures conservatoires que peuvent prendre les créanciers conditionnels ou à terme.
Le présent Code a déjà présenté en détail deux droits des créanciers qui ont un caractère conservatoire: 1° celui d'exercer les droits et actions qui appartiennent à leur débiteur et que celui-ci paraît disposé à négliger (art. 359); 2° celui de faire annuler les actes faits en fraude de leurs droits (art. 360 et suiv.); il sera parlé ailleurs du droit des créanciers de faire nommer un administrateur des biens des absents et un tuteur aux aliénés ou aux mineurs, de faire apposer les scellés sur les biens de leurs débiteurs décédés ou faillis, de prendre inscription d'un privilége ou d'une hypothèque pour une créance conditionnelle, etc.
Le Code de Procédure civile déterminera celles des saisies qui ont un caractère conservatoire et la manière de sauvegarder les intérêts des créanciers conditionnels dans les ordres et contributions, c'est-à-dire dans la distribution des biens du débiteur aux créanciers, suivant leur rang de préférence ou proportionnellement au montant de leur créances.
Remarquons, en terminant, que la loi ne parle pas ici de la condition résolutoire. En effet, celui dont le droit est résoluble, ayant un droit né et actuel, le fait valoir dans toute sa plénitude et non pas seulement conservatoirement; c'est la partie adverse qui a un droit suspendu par une condition et c'est à elle qu'appartiennent les mesures conservatoires.
Art. 446. — 40. i. La vente, à raison de sa fréquence en tous pays et de son importance pratique, comporte des modifications, des variétés considérables dans ses effets; on pourrait, sans doute, les présenter ici comme étant applicables aux autres contrats, mais l'usage les limite plus ou moins à la vente, et c'est là qu'il couvient d'en traiter, sauf à les appliquer aux autres contrats, quand leur nature le permettra et quand les parties l'auront, ainsi stipulé.
On se bornera à indiquer ici les clauses les plus usitées dans la vente, qui lui donnent un caractère conditionnel et par suite aléatoire, comme il a été déjà annoncé sous l'article 322 (n° 32). Ces conditions sont tantôt suspensives et tantôt résolutoires; mais ce qui les rend plus singulières, au moins dans le Code français, c'est qu'elles sont plus ou moins potestatives de la part de l'une ou de l'autre partie; or, comme, dans la vente, chaque partie est débitrice, on trouve là une nouvelle preuve qu'il ne faut pas prendre à la lettre l'article 1174 qui défend les conditions " potestatives de la part dit débiteur."
402. -I. Il y a des choses qu'il est d'usage de n'acheter qu'après les avoir goûtées ou essayées et agréées, telles que le vin, l'huile et, généralement, les denrées comestibles destinées à la consommation personnelle de l'acheteur et non à être revendues; la vente de ces denrées, si elle porte sur des quantités un peu considérables et si le vendeur en connaît la destination chez l'acheteur, est présumée faite sous la condition que l'acheteur les agréera (voy. c. civ. fr., art. 1587 et 1588; Proj., art. 668).
La condition sera suspensive ou résolutoire, suivant la disposition plus ou moins expresse du contrat: par exemple, la vente a été faite, " si la chose convient " (si res placaerit), c'est une condition suspensive, ou "à moins qu'elle ne convienne pas" (nisi res dÙplicuerit), c'est une condition résolutoire.
Le caractère de la condition peut encore dépendre des circonstances du fait: par exemple, si les denrées n'ont pas été livrées ni le prix payé avant la dégustation, la vente sera considérée comme faite sous condition suspensive; dans le cas contraire, la condition tacite sera résolutoire.
La question a un grand intérêt pour les risques, comme ou l'a vu précédemment (art. 439).
Bien entendu, il ne serait pas permis à l'acheteur de refuser des denrées reconnues en parfait état et d'un goût normal: quoique la condition ait quelque chose de potestatif, elle ne doit pas favoriser le caprice ou la mauvaise foi de l'acheteur.
Il en est de même des choses qu'il est d'usage d'essayer, comme un cheval de selle ou une voiture de maître destinés à l'usage personnel de l'acheteur.
Pour les choses qu'il n'est pas d' usage de goûter ou d'essayer, il faudrait, pour que la condition existât, qu'elle eût été formellement stipulée.
403. -II. La vente peut avoir été accompagnée d'une faculté de dédit, soit pour une seule des parties, soit pour toutes deux. Cette faculté peut n'être établie que tacitement et résulter d'une "dation d'arrhes " (généralement en argent), lesquelles jouent, en quelque sorte, le rôle de gage ou de garantie que la partie s'oblige sérieusement et ne se départira pas du contrat par caprice. Les arrhes deviennent alors la peine ou l'indemnité du dédit, de la résolution potestative: la partie qui se dédit, ou perd la somme qu'elle a donnée à titre d'arrhes, ou rend celle qu'elle a reçue, en y ajoutant pareille somme (voy. c. civ. fr., art. 1590; Proj., art. 666). Quand les parties, en donnant ou recevant des arrhes, n'ont pas formellement réservé la faculté de dédit, c'est aux tribunaux à décider la question, suivant les circonstances: si les arrhes ont été données par l'acheteur, elles pourront n'être qu'un à compte sur le prix; si elles ont été données par le vendeur, il est difficile de ne pas leur reconnaître le caractère de dédit.
404. -III. On peut convenir que la vente sera résolue si le vendeur trouve, dans un certain délai, un prix plus élevé de la chose vendue (o); on pourrait, en sens inverse, accorder la résolution à l'acheteur, pour le cas où il trouverait une chose semblable pour une prix moins élevé.
405. -IV. La vente peut être faite avec faculté de rachat; cette clause, connue sous le nom de " pacte de réméré" (p), est une condition résolutoire stipulée au profit du vendeur; elle n'est pas purement potestative, car il faut que le vendeur qui use de la faculté de rachat restitue le prix qu'il a reçu et les frais du contrat, ce qu'il ne sera pas toujours en mesure de faire dans le délai convenu. Pour que la propriété ne soit pas trop longtemps incertaine, au préjudice des tiers qui pourraient l'acquérir, la loi ne permet pas de stipuler la faculté de rachat pour plus de cinq ans (voy. c. civ. fr., art. 1659 et suiv; Proj., art. 723).
On a dit plus haut que ces conditions pourraient être attachées à d'autres contrats qu'à la vente: il est très fréquent qu'on les attache au louage qui a d'ailleurs plus d'une ressemblance avec la vente; à plus forte raison, pourrait-on les attacher à l'échange, rien n'empêcherait de les attacher aussi au contrat de société.
La faculté de rachat seule paraît devoir être limitée à la vente, comme on l'expliquera en son lieu (sous l'article 756); ce n'est pas, bien entendu, à cause de son nom de rac4(it,: il est clair que si l'on admettait la faculté de résoudre un échange par la restitution volontaire de la chose reçue, on changerait le nom de rachat en un autre (v. T. III, n° 366).
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(o) Cette clause était très usitée, chez les Romains, sous le nom d'addictio in diem. Le Code français ne l'a pas réglée: elle ne serait pas défendue aujourd'hui; mais elle est peu usitée, parce qu'elle prête à la fraude, par l'intervention d'un nouvel acheteur simulé.
(p) Du Latin emere, acheter, èt re, de nouveau: "r'acheter."
SOMMAIRE.
Art. 447. — N° 406. Obligation simple. -407. Extension du sens. -408. Corollaire.
448. -409. Obligation alternative: concours de plusieurs théories. -410. Choix Jaissé au débiteur on donné au créancier.
449. -411. I. choix au débiteur et faute du débiteur: trois cas.
450. -412. Suite; faute du créancier: trois cas analogues.
451 et 452. -413. II. choix au créancier; faute du débiteur: trois cas; faute du créancier: trois cas. -413 bis. Perte partielle imputable aux parties: trois solutions, d'après les principes généraux.
453. -414 à 416. Perte fortuite, totale ou partielle, de l'une des deux choses; augmentation de valeur.
454. -417. Décès d'une des parties: indivisibilité du choix par les héritiers; irrévocabilité du choix.
455. -418. L'obligation alternative est toujours sous condition suspensive.
456. -419. Obligation facultative: en quoi elle diffère de l'obligation alternative; elle est toujours sous condition résolutoire. -420. Perte, par cas fortuit, de la chose due principalement; idem, par la faute du débiteurr -
421. Perte par cas fortuit ou par la faute du débiteur de la chose due facultativement; perte de l'une ou de l'autre chose par la faute du créancier. -422. Perte simultanée des deux choses, avec faute du créancier pour l'une d'elles: application des principes de la preuve. -422 bis. Irrévocabilité de l'offre du débiteur. Observation sur les deux obligations facultatives prévues par le Code français.
COMMENTAIRE.
Art. 447. — 406. Le Code français et le Code italien, dans leurs divisions correspondant à celle-ci, n'ont parlé que des obligations alternatives, sans indiquer suffisamment le caractère de celles qui leur sont opposées: elles sont seulement mentionnées incidemment sous le nom d'obligations " pures et simples" (art. 1192 et 1193); ni l'un ni l'autre de ces Codes ne parle ici de l'obligation facultative; on en trouve seulement deux applications particulières dans le Partage et dans la Vente. Le Projet a dû combler cette double lacune: la première, pour l'exactitude de la théorie et de la méthode, la seconde, pour l'utilité pratique.
Rigoureusement, il semble qu'on ne devrait appeler obligation " simple" que celle qui a un objet unique ou plusieurs objets réunis, et que ce serait aller aussi loin que le mot le permet que de considérer comme unité, les choses dites " de genre ou de quantité," les choses " collectives," comme un troupeau, les livres composant une bibliothèque, les tableaux ou objets d'art formant la collection d'un amateur, et, enfin, " les universalités de biens," comme les meubles ou les immeubles composant une succession (v. art. 17): dans ces cas, bien qu'il y ait pluralité d'objets, considérés matériellement, il est certain que, considérés juridiquement, ils forment une unité.
Le 1er alinéa de notre article devait d'abord déclarer que telle est la première application de l'obligation "simple." On aurait pu y exprimer aussi l'idée que la nature de l'obligation simple est la même, s'il s'agit de choses " à faire" ou à " ne pas faire," comme s'il s'agit de choses " à donner;" mais on comprend plus difficilement, en pratique, l'obligation simultanée de ne pas faire plusieurs choses et la loi ne peut et ne doit pas s'ingénier à trouver des formules qui comprennent toutes les hypothèses, même les plus extraordinaires. Il est seulement question de l'obligation de faire plusieurs choses dans le 2e alinéa.
407. Le 2e alinéa donne à l'obligation simple une plus grande extension que le mot ne le comporterait dans le langage usuel: dans les cas qui y sont prévus, la doctrine dit plutôt que l'obligation est " composée, conjointe ou conjonctive;" mais ces mots qui ne sont pas universellement admis jetteraient de l'obscurité dans la loi et, d'ailleurs, il est tout-à-fait inutile de donner un nom spécial à l'obligation qui a plusieurs objets distincts et conjoints, puisque les effets sont les mêmes que si l'objet était unique. On a donc assimilé à l'obligation simple proprement dite celle qui a plusieurs objets distincts à donner ou à faire, même lorsque les prestations ne doivent pas être simultanées, pourvu que l'unité d'obligation résulte au moins de l'unité de convention, et encore, la loi assimile-t-elle à une convention unique le cas de plusieurs conventions dont l'une serait principale et les autres accessoires ou qui seraient liées l'une à l'autre, " connexes," dans l'intention des parties.
Comme exemple de plusieurs prestations successives dues en vertu d'un seul contrat, on peut citer celles du locataire, et, comme dues par divers contrats connexes, le cas de deux ventes portant, l'une sur une chose prin cipale, l'autre sur des choses accessoires de celle-ci.
408. Le 3e alinéa tire la conséquence, le corollaire, de " cette extension donnée au nom d'obligation "simple," et il en fournit, en même temps, la justification, en nous disant que la dette ne s'éteint que "par la prestation de toutes les choses dues," de même que dans l'obligation qui a un objet unique, il faudrait la prestation de toutes ses parties pour libérer le débiteur.
L'intérêt de cette disposition est surtout relatif à la résolution pour inexécution, laquelle pourra être demandée pour toute la convention et pour les conventions connexes, par cela seul que l'une des prestations manquera à être fournie.
La loi ne parle ici que de la " prestation" des choses, comme moyen de libération du débiteur; elle n'entend pas exclure les autres modes d'extinction des obligations, comme, par exemple, la perte fortuite de la chose due; mais ces modes d'extinction n'ont pas un caractère normal et ce n'est pas le cas d'y faire allusion. Du reste, il va de soi que le débiteur ne serait libéré que par la perte fortuite de toutes les choses dues, et que si quelques-unes subsistaient, il serait tenu de les délivrer, comme, dans le cas d'une chose unique qui aurait péri en partie, il devrait fournir ce qui en reste. De même, l'obligation de faire plusieurs actes successifs ou simultanés ne s'éteindrait par l'impossibilité d'exécuter que par rapport aux actes devenus impossibles.
Art. 448. — 409. Ce qui caractérise l'obligation alternative (a) ce n'est pas la pluralité d'objets dus, ni leur diversité de nature, puisqu'on a vu que l'obligation peut être simple, tout en ayant des objets nombreux et distincts: c'est la circonstance que la prestation d'une ou plusieurs des choses dues libère le débiteur. La loi dit "une ou plusieurs," parce qu'il est possible que les choses dues, au lieu de consister en deux unités, soient séparées par groupes de plusieurs; par exemple, le débiteur a promis deux bœufs oit dix moutons, diz kohous de riz ou cinq tonneaux de saké.
La théorie de l'obligation alternative paraît assez compliquée, au premier abord, à cause des nombreuses distinctions qu'elle nécessite; mais il sera facile de reconnaître qu'elle ne présente rien d'arbitraire et qu'elle est régie par des principes généraux déjà connus, à savoir: la liberté des conventions donnant le choix à l'une ou à l'autre partie, la'préférence naturelle donnée au débiteur quand la convention est muette sur ce point, la théorie des risques ou des pertes fortuites, la res- ponsabilité des fautes, enfin, dans une certaine mesure, la théorie de la condition, car l'article 455 complétera le caractère de l'obligation facultative donné par le présent article, en indiquant qu'elle est, toujours et par elle-même, sous condition suspensive.
Les six articles suivants règlent les conséquences de la perte de tout ou partie des choses dues, ce qui est le grand et presque le seul intérêt de cette matière. Mais, là, il faudra nécessairement distinguer: 1° à laquelle des deux parties appartenait le choix de la chose à fournir; 2° si la perte est imputable à cette partie même ou à l'autre, ou si elle est fortuite ou provenant d'une force majeure; 3° si elle atteint une des choses dues ou toutes deux; 4° enfin, dans ce dernier cas, si les pertes sont successives ou simultanées.
Il résulte de ces nombreuses distinctions une complication exceptionnelle; mais on y trouvera, comme on vient de l'annoncer, une intéressante combinaison de plusieurs principes fondamentaux des Obligations.
Le Projet s'écarte ici, sur quelques points, des solutions du Code français et du Code italien; il a tranché quelques questions que ceux-ci ont négligées; enfin il a supprimé deux de leurs dispositions comme inutiles (voy. c. civ. fr., art. 1192 et 1196).
410. Du moment que le débiteur ne doit qu'une chose Olt une autre, un groupe de choses ou un autre groupe, il y a un choix à faire. Il importe de savoir qui fera le choix. Si la convention s'en est expliquée (et ce sera le plus fréquent), on suivra la convention; si elle est muette, le choix appartiendra au débiteur, par application de la règle générale que, dans le doute, on doit décider en faveur du débiteur (voy. art. 380). Ici déjà, le Projet s'écarte légèrement de ses modèles qui n'admettent le choix du créancier que s'il lui a été réservé " expressément: " on ne voit pas pourquoi le „ droit du créancier à faire le choix ne s'induirait pas des circonstances, alors que lorsqu'il s'agit de déterminer l'étendue de l'obligation, quant aux objets qu'elle embrasse, les juges peuvent décider d'après les circonstances du fait.
Le Projet prend soin de dire, par surcroît de précautions, comme les deux Codes précités (c. fr., art. 1191; c. it., art. 1177), que le débiteur, lorsqu'il a le choix, ne pourrait donner une partie de chaque chose: il est évident qu'en pareil cas, il ne se conformerait pas à l'intention du créancier et que des prestations partielles seraient souvent sans utilité sérieuse pour celui-ci. Le Projet ajoute que, de même, le créancier, lorsqu'il a le choix, ne pourrait demander une partie de chaque chose ou de chaque groupe de choses, parce que ce serait contraire à l'intention et à l'intérêt du débiteur. Cette idée est peut-être celle que le Code français a voulu exprimer, assez obscurément d'ailleurs, à l'article 1221-3°.
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(a) Alternative est dérivé de latin aller: " l'un de deux," ou de alteruter, " l'un ou l'autre."
Art. 449. — 411. I. Voici d'abord l'hypothèse où le choix appartient au débiteur, et c'est lui-même qui est en faute.
La loi sous-distingué: 1° s'il reste une des choses dues, 2° si toutes deux ont péri successivement, 3° si elles ont péri simultanément.
I. Au premier cas, l'obligation devient "simple," elle n'a plus qu'un objet, celui qui reste: la loi refuse formellement au débiteur le droit de donner la valeur de celle qui a péri, parce que ce serait changer les termes de la convention, où l'on n'a pas eu en vue la valeur des choses dues, mais les choses elles-mêmes.
Par le même motif, le créancier ne pourrait exiger la valeur de la chose qui a péri; en effet, le débiteur pourrait alléguer qu'en faisant périr ou en aliénant l'une des deux choses, il a indirectement exercé son choix sur l'autre, et, justement, cette perte pourra n'être qu'une aliénation qui, étant tout-à-fait valable, l'a mis dans l'impossibilité légale de la fournir au créancier.
Lorsque l'obligation alternative est ainsi devenue simple, l'objet unique sur lequel elle porte désormais doit être aux risques du créancier, d'après les principes généraux, et s'il vient à périr par cas fortuit, le débiteur doit être libéré.
Le Code français (art. 1193) et le Code italien (art. 1180) ont, pour ce cas, adopté une autre décision et ils obligent le débiteur à donner " le prix de la chose qui a péri la dernière." Cette décision n'est pas facilement justifiable. C'est en vain qu'on dit que le débiteur, en faisant périr ou en aliénant l'une des choses dues, a diminué les chances favorables du créancier: c'était son droit. Tout au plus, pourrait-on rechercher s'il n'aurait pas dû prévenir le créancier du choix qu'il avait ainsi fait indirectement, afin que celui-ci pût se faire délivrer la chose qui restait, ou mettre le débiteur t,n demeure de la livrer et ainsi transporter les risques sur celui-ci.
La solution des deux Codes précités serait plus soutenable, s'il y avait un terme établi dans l'intérêt du créancier, ce qui est assez rare: dans ce cas, le débiteur aurait dû conserver les deux choses jusqu'à l'échéance du terme, et alors, on ne devrait pas faire payer au débiteur le prix de celle qui a péri la dernière, mais plutôt le prix de celle à l'égard de laquelle il est en faute.
II. Au deuxième cas de notre article, la solution des Codes français et italien redevient exacte; le débiteur a aliéné ou fait périr d'abord l'une des deux choses: il a exercé son choix, il doit l'autre, purement et simplement; ensuite, il la fait périr également: il en doit la valeur.
III. Le troisième cas est plus délicat. Les deux choses ont péri simultanément et le débiteur est en faute, soit à l'égard de toutes deux, soit à l'égard d'une seule.
Il peut paraître singulier, au premier abord, que dans la perte simultanée de deux choses, le débiteur soit en faute pour l'une d'elles, non pour l'autre. On peut cependant supposer que, dans une inondation ou un incendie, le débiteur aurait pu sauver au moins une des deux choses et n'en a sauvé aucune, faute de prévoyance. Par exemple encore, ayant promis un cheval de trait 0 n un cheval de selle et ayant naturellement dû s'abstenir d'atteler le cheval de selle, il les a attelés tous deux et ils ont péri dans une rivière débordée: il a donné occasion à un cas fortuit que ne devait pas rencontrer le cheval de selle, il est en faute pour celui-là et non pour le cheval de trait.
On peut retenir les mêmes exemples, pour l'explication de l'article suivant, où la faute viendra du créancier: on supposera alors qu'il avait pris les deux chevaux à l'essai: il ne devait en user que suivant leur destination et faire tout ce qui dépendait de lui pour les sauver en cas d'accident naturel, et il y a manqué.
Revenons au cas où les deux choses ont péri " simultanément " et où le débiteur est en faute, soit à l'égard de toutes deux, soit à l'égard d'une seule. Par exemple, il devait alternativement un cheval déterminé ou un autre; ils ont péri dans une inondation ou un incendie; mais les circonstances lui permettaient d'en sauver au moins un, et il n'en a sauvé aucun.
Remarquons, tout d'abord, que la décision des deux Codes précités serait ici sans application possible, car on ne peut plus parler d'une chose " qui a péri la dernière," puisque la perte est supposée simultanée; aussi paraît-il impossible, en France, de résoudre cette difficulté sans arbitraire. Laisser au débiteur le choix entre les deux valeurs serait peut-être encore ce qui se justifierait le mieux: car, ne pouvant appliquer le texte de la loi, on rentrerait dans l'application de la convention qui a donné le choix au débiteur, et il n'y aurait pas à cela un grand inconvénient, quoique celui-ci soit en faute, parce que, en général, les choses dues alternativement auront à peu près la même valeur.
Quoi qu'il en soit, le Projet a tranche la question d'une toute autre manière: voulant, à bon droit, que le débiteur soit puni de sa faute, il transporte le choix au créancier: celui-ci obtiendra la valeur de l'une ou de l'autre chose; ce n'est plus observer la convention, mais c'est le débiteur qui l'a méconnue le premier.
Art. 450. — 412. Cet article prévoit encore le cas où le choix appartenait au débiteur, mais il suppose la faute du créancier et elle a causé: 1° la perte de l'une des deux choses dues; 2° la perte de toutes deux; 3° la perte d'une seule, mais l'autre ayant péri, en même temps, par cas fortuit ("toutes deux simu ltanément")
Bien entendu, les choses dues sont supposées appartenir au débiteur.
Ces trois cas sont complètement omis par les Codes français et italien. L'idée qui les domine et les régit c'est que la faute du créancier ne doit pas nuire au débiteur.
Au premier cas, le débiteur peut invoquer sa libération; c'est dire alors qu'il opte pour la chose qui a péri par la faute du créancier; mais, comme il aurait pu avoir intérêt à donner celle qui reste et à garder celle qui a péri, il peut donner celle qui reste et réclamer la valeur de celle qu'il aurait pu conserver sans la faute du créancier.
Au second cas, il est nécessairement libéré et il devient évidemment créancier d'une des deux valeurs; comme il avait le choix de la chose à donner, la loi lui laisse le choix de la valeur à répéter. On a cependant soutenu, en France, en l'absence de texte, que le créancier, étant devenu débiteur de la restitution, devait avoir le choix, comme étant, à son tour, tenu d'une dette alternative; mais cette solution est tout-à-fait erronée: il ne peut dépendre du créancier de changer à son profit, par sa faute, la situation respective des parties quant au choix.
Au troisième cas, le débiteur est nécessairement li,béré, comme au second, puisqu'il ne reste plus aucune chose due et qu'il n'est en faute à l'égard d'aucune; mais il n'a pas la répétition d'une des deux valeurs, puisqu'il y a eu un cas fortuit; or, le propre de l'obligation alternative est de mettre les risques des deux choses à la charge du débiteur, tant que le choix n'est pas encore fait; si, en effet, la perte fortuite avait précédé ou suivi la perte imputable au créancier, le débiteur n'aurait pu s'en faire donner la valeur; il ne peut donc avoir ce droit par la circonstance que les deux pertes sont simultanées.
Art. 451 et 452. -413. II. La loi passe au cas où le choix appartient au créancier, non en vertu de la disposition exceptionnelle et pénale qui précède, mais en vertu de la convention, et elle y fait les mêmes distinctions et sous-distinctions que pour le cas précédent; seulement, les solutions ne sont plus et ne peuvent plus être les mêmes.
Ier Caq. —C'est le débiteur qui est en faute (art. 451).
1° Il n'est en faute qu'à l'égard de l'une des deux choses: le créancier garde son choix et peut l'exercer, soit sur la chose qui reste, soit sur la valeur de celle qui a péri.
2° Il est en faute à l'égard des deux choses: le créancier a le choix entre les deux valeurs, sans qu'il y ait à distinguer si les pertes sont successives ou simultanées.
3° Il n'est en faute qu'à l'égard d'une seule, l'autre a péri par cas fortuit, mais les deux pertes sont simultanées: comme la faute du débiteur ne peut enlever le choix au créancier, celui-ci l'exerce également entre les deux valeurs.
IIe Cas. C'est le créancier qui est en faute (art. 452).
1° Une seule chose a péri: il est censé avoir exercé son choix sur cette chose et le débiteur est libéré de donner l'autre; or, celle-ci n'étant plus due est considérée comme tout autre bien du débiteur: si elle périt par cas fortuit la perte est pour lui; si elle périt par la faute du créancier, celui-ci en doit la valeur, comme toute autre personne la devrait en pareil cas.
2° Les deux choses sont péri simultanément: le débiteur est d'abord libéré et, de plus, il devient créancier de la restitution d'une des deux valeurs: la loi lui en transfère le choix pour punir le créancier, comme elle l'a fait contre le débiteur, dans l'article 449, quand il y a eu lieu de punir celui-ci.
3° Une seule chose a péri par la faute du créancier, l'autre a péri par cas fortuit, mais encore simultanément; dans ce cas, tout est fini, sans répétition de part ni d'autre: le créancier a, évidemment, perdu son droit par sa faute, et le débiteur doit, nécessairement, souffrir de la perte fortuite d'une des deux choses; car si au lieu d'être concomitante à la perte imputable au créancier, elle l'avait précédée ou suivie, le résultat lui eût été également nuisible.
413 bis. La loi n'a rien dit de la perte partielle ou de la simple détérioration imputable à l'une des parties.
Les principes généraux de la responsabilité des fautes, combinés avec ceux de cette matière, doivent faire décider: 1° que, si le choix était au débiteur et la faute à lui imputable, il ne peut plus offrir la chose détériorée; 2° que, si le choix était au créancier et la faute imputable au débiteur, le créancier pourrait encore choisir la chose détériorée avec dommages-intérêts; 3° que si, dans le même cas, la faute était imputable au créancier, il pourrait choisir la chose non détériorée, en indemnisant le débiteur de la détérioration de celle qui lui est laissée.
Art. 453. — 414. Jusqu'ici la loi a supposé que la perte de l'une ou des deux choses était imputable à l'une ou à l'autre des parties; elle suppose maintenant que cette perte est fortuite ou résulte d'une force majeure.
Si une seule chose périt, le débiteur n'est pas libéré de l'autre, même lorsque le choix lui appartenait: il ne serait pas recevable à faire porter son choix sur une chose qui n'existe plus, et pas même sur sa valeur, parce que tel n'est pas l'objet de la convention; il doit donc purement et simplement l'autre chose (1er al.). Pour que le débiteur fût libéré, il faudrait que les deux choses eussent ainsi péri, par cas fortuit ou force majeure (2e al.), ce qui ne rendrait pas sa position moins mauvaise.
415. Il restait à régler un cas fort délicat que n'a prévu aucun des Codes étrangers, c'est celui de la perte partielle ou détérioration provenant d'un cas fortuit.
Quand le choix est au créancier, il n'y a pas à s'en occuper: il ne choisira vraisemblablement par la chose détériorée; en tout cas, il en a toujours le droit.
Mais si le choix est au débiteur, il serait porté à choisir la chose détériorée, et ce choix deviendrait abusif, surtout si la chose était devenue presque sans valeur; il serait choquant que, tandis que la perte totale de l'une des choses retombe en entier sur lui, en le laissant débiteur de l'autre chose, la perte presque totale retombât sur le créancier. La loi applique ici le principe établi par l'article 439 pour l'obligation conditionnelle (l'obligation alternative a quelque chose de ce caractère, comme le déclare l'article 455) et elle met à la charge du débiteur la perte de plus de moitié de la valeur de l'une des choses, en sorte qu'il doit l'autre purement et simplement (8e al.).
416. La loi ne prévoit pas le cas où les deux choses subiraient ainsi une perte ou détérioration de plus de moitié: il est naturel, dans cette hypothèse, de laisser le choix à la partie qui l'avait, d'après la convention: le débiteur choisira, sans doute, la chose la plus dépréciée; le créancier, au contraire, choisira celle qui l'est le moins; mais ce droit n'est pas plus choquant que celui qu'il aurait assurément si chacune des deux choses était dépréciée de moins de moitié.
La loi ne prévoit pas non plus le cas où l'une des choses ou tcutes deux auraient augmenté de valeur; les choix restent encore libres: si le choix est au débiteur, il donnera naturellement celle qui a le moins augmenté; le choix du créancier s'exercera en sens inverse.
Enfin, la loi a négligé de prévoir un cas qui a occupé les deux Codes précités (c. fr., art. 1192; c. it., art. 1179), à savoir, celui où l'une des deux choses promises ne peut être l'objet d'une obligation privée: il est clair qu'en pareil cas l'obligation est simple dès l'origine et se réduit à l'autre objet.
Art. 454. — 417. Le 1er alinéa de cet article se trouvera expliqué et justifié par ce qui sera dit au § TV, au sujet des obligations indivisibles: il est clair, dès à présent, que les héritiers ne pourraient, pas plus que les parties elles-mêmes, fractionner leur choix et le faire porter, tout à la fois, sur des objets différents (comp. art. 448, 3e al.).
Si la loi ne tranchait pas la question prévue au 2° alinéa, on pourrait soutenir, comme quelques auteurs le font en France, que le choix de l'une des parties peut être rétracté tant qu'il n'a pas été accepté par l'autre ou tenu pour accepté par un jugement devenu inattaquable. Mais cette solution n'est pas admise par le Projet: il y aurait trop à craindre la mauvaise foi; si, en effet, avant que les offres réelles (voy. art. 496) du débiteur fussent acceptées, la chose offerte venait à augmenter de valeur ou la chose retenue à être détériorée ou à périr, le débiteur, par une option inverse, prendrait le profit de la plus-value ou rejetterait la perte sur le créancier; la même fraude pourrait être pratiquée par le créancier qui aurait le choix, si, en sens inverse, après sa demande en justice et avant le jugement, la chose choisie par lui perdait de sa valeur ou si celle qu'il a négligée en acquérait.
L'opinion qui permet la rétractation jusqu'à l'acquiescement de l'autre partie ou jusqu'au jugement repose sur une erreur: l'option fondée sur la convention est un droit acquis qu'il n'est au pouvoir ni de l'autre partie ni du tribunal d'entraver, elle dépend de la pure volonté de la partie à laquelle elle appartient, et une fois cette volonté portée régulièrement à la connaissance de l'autre partie, elle fixe les droits respectifs et les risques de la chose, sans qu'il soit nécessaire qu'elle soit agréée, puisqu'elle ne peut être contestée; c'est pourquoi la loi, par la généralité de ses termes, permet de mettre sur la même ligne que la demande en justice une demande extrajudiciaire en bonne forme, c'est-à-dire signifiée.
Art. 455. — 418. En terminant, la loi tranche encore une grave question de principe que les Codes précités ont abandonnée à la doctrine et à la jurisprudence, ce qui a donné lieu à des divergences d'opinions: l obligation alternative est déclarée être " sous condition suspensive " et cette condition est potestative de la part de la partie qui a le choix; la condition peut ici être indifféremment considérée comme positive ou comme négative: c'est comme si chacune des choses avait été promise sous cette condition: " si elle est choisie ou si l'autre n'est pas choisie, par le débiteur ou par le créancier."
Une des conséquences de ce caractère conditionnel de l'obligation alternative a déjà été présentée à l'article précédent: la perte fortuite, totale ou de plus de moitié, de l'une des choses dues,"retombe sur le débiteur conformément à l'article 439.
Une autre conséquence est indiquée ici: lorsque l'obligation arrivera à ne plus porter que sur un seul objet, soit par l'exercice même du choix de la partie à laquelle il appartient, soit par la perte de l'autre objet, le créancier sera considéré comme ayant toujours eu droit à cet objet seul, et les actes de disposition qu'il en aurait faits dans l'intervalle seront validés, conformément à l'article 430; réciproquement, les droits conférés sur ce même objet par le débiteur se trouveront résolus, au moins s'il ne s'agit pas d'un meuble corporel (auquel cas, les droits des tiers-acquéreurs de bonne foi seraient inattaquables) et si le choix n'appartenait pas au débiteur, cas auquel les aliénations qu'il aurait faites constitueraient son choix, même s'il s'agissait d'un immeuble.
Art. 456. — 419. Ni le Code français ni ]e Code italien n'ont réglé les effets de l'obligation facilitative, en général; ils en ont cependant prévu deux cas où l'on peut dire même que cette obligation est créée par la loi et non par la convention: il s'agit, justement, des deux seuls cas où une convention entre majeurs puisse être rescindée pour lésion (le partage de biens indivis et la vente d'immeubles): dans ces deux cas, le défendeur à la rescision peut y échapper en réparant en argent la lésion dont le demandeur a souffert (voy. c. fr., art. 891 et 1681; c. ital., art. 1042 et 1534; Proj., art. 733 et 806).
Mais ces deux Codes ont laissé à la doctrine, aidée des traditions du droit romain, le soin de régler les conséquences de la perte des choses, avec les distinctions nécessaires entre la perte fortuite et la perte imputable à l'une des parties. Le présent article a pour but de combler ces lacunes.
L'obligation facultative paraît, au premier aspect, avoir beaucoup de ressemblance avec l'obligation alternative dans laquelle le choix serait laissé au débiteur; mais la. ressemblance est plus apparente que réelle: dans l'obligation alternative, toutes les choses qui peuvent être données en payement sont dues; elles ne le sont pas purement et simplement, il est vrai: elles ne le sont que l'une à défaut de l'autre et sous condition suspensive; elles sont cependant l'une et l'autre les véritables objets de l'obligation. Dans l'obligation facultative, a-à contraire, une seule chose est vraiment due, l'autre ast un moyen de payement laissé à la volonté du débiteur (b).
De cette différence qui paraît purement théorique, au premier abord, la loi tire des conséquences pratiques importantes, dont la première suit immédiatement la définition donnée au 1er alinéa, c'est le caractère conditionnel de la dette, lequel se trouve opposé à celui de la dette alternative: ici, la condition est résolutoire, c'est-à-dire qu'il y a déjà un objet actuellement dû; mais il cesse de l'être et il sera censé n'avoir jamais été dû si le débiteur, usant de sa faculté, donne l'autre objet en payement (2e alin.). Par suite de ce caractère de condition résolutoire, la chose due principalement est aux risques du créancier, comme on le verra dans les alinéas suivants.
420. Le se alinéa prévoit la perte fortuite ou par force majeure de la chose due principalement, laquelle libère évidemment le débiteur; comme'il n'y a, en réalité, que cette chose qui soit due, le débiteur ne peut être tenu de donner celle qui est due facultativement: il n'a pas à se libérer d'une dette déjà éteinte; sa chose est détériorée, il la donne telle qu'elle est.
Le 4e alinéa prévoit encore la perte de la chose principale, mais par la faute du débiteur: ici, il ne peut être libéré; mais il ne faut pas croire que la chose due facultativement devienne exigible par le créancier: celuici n'a droit qu'à la valeur de la chose due principalement et aux dommages-intérêts, s'il y a lieu. On pourrait même croire, avec quelque apparence de raison, que le débiteur a perdu le droit de se libérer en donnant la chose due facultativement, car on n'est plus dans la situation prévue et réglée par la convention; mais le débiteur peut soutenir que l'exercice de sa faculté de payement n'est pas plus nuisible au créancier après la perte de la chose principale que si elle existait encore: c'est la solution du Projet.
421. La loi néglige, au sujet de la chose due facultativement, la perte fortuite et celle résultant de la faute du débiteur; évidemment, dans aucun de ces deux cas, le débiteur n'est libéré: il a perdu, par hasard ou par sa faute, un moyen particulier de payement; mais, la chose vraiment due subsistant encore, il doit la donner.
Au contraire, la loi (5e et 6e alinéas) suppose imputable au créancier la perte, soit de l'une, soit de l'autre chose due, soit de toutes deux.
Si c'est la chose due principalement qui a ainsi péri, le débiteur peut se prétendre libéré; mais il peut aussi donner la chose due facultativement et se faire indemniser de celle due principalement.
Si, en sens inverse, c'est la chose due facultativement qui a péri, le débiteur peut donner celle due principalement et se faire indemniser de celle qu'il aurait préféré conserver.
Enfin, si toutes deux ont péri, toujours par la faute du créancier, le débiteur déclare laquelle il aurait donnée et se fait indemniser de la perte de l'autre.
Le principe unique qui régit ces trois dernières solutions est bien simple, c'est que le débiteur ne doit pas perdre, par la faute du créancier, l'un des modes de libération qui lui appartiennent d'après la convention.
422. Le cas prévu au 7e et dernier alinéa est délicat, comme tous ceux où la loi a déjà dû régler la derté simultanée des deux choses par des causes différentes; il est même ici plus embarrassant, parce que la perte fortuite de la chose due principalement libérerait le débiteur, en lui donnant action pour obtenir la valeur de l'autre, perdue par la faute du créancier; tandis que la perte fortuite de la chose due facultativement, n'empêcherait pas le débiteur de devoir la première; il est vrai, qu'il en serait libéré par la faute du créancier; mais il perdrait toujours les deux choses au lieu d'une. Or, on ignore justement ce qu'il importerait le plus de savoir, c'est-à-dire, sur quelle chose porte le cas fortuit et sur laquelle porte la faute du créancier.
Par exemple, dans un incendie, le créancier possesseur des deux objets, aurait pu, avec un peu d'efforts, sauver l'une des deux choses, au moins, et il n'en a sauvé aucune, ayant préféré sauver des choses qui lui appartenaient. Le débiteur prétendra, sans doute, que la perte fortuite peut avoir porté sur la chose due principalement, ce qui l'a libéré, et qu'il reste créancier de la valeur de la chose due facultativement, perdue par la faute du créancier. Mais celui-ci soutiendra, avec non moins de vraisemblance, que la perte fortuite peut avoir porté sur la chose due facultativement, ce qui n'a pas libéré le débiteur et que sa faute, à l'égard de l'autre chose, n'a d'autre effet que de lui faire perdre sa créance.
En face de ces deux prétentions contradictoires, fondées chacune sur une simple conjecture, on ne peut sortir d'embarras que par l'application du principe général des preuves, d'après lequel c'est au demandeur à faire la preuve de ce qu'il avance, faute de quoi, il doit succomber (voy. c. civ. fr., art. 1315).
Mais, ici encore, il faut bien observer le rôle de chacun dans le procès.
Sans doute, c'est le débiteur qui est demandeur en restitution d'une valeur (de celle de la chose due facultativement), et il semble que, ne pouvant prouver que c'est celle-là qui a péri par la faute du créancier, il doive succomber. Mais, il ne faut pas perdre de vue que, pour que le créancier ait été en faute à l'égard d'une des deux choses, sans qu'on sache de laquelle, il est nécessaire de supposer qu'il les détenait toutes deux, soit en vertu d'un prêt, d'un dépôt, d'un mandat, soit, ce qui serait plus grave encore, par l'effet d'un acte illicite; or, le débiteur n'a à prouver que la cause, licite ou illicite, de la détention du créancier, et c'est à celui-ci qu'incombe la preuve du cas fortuit (voy. c. civ. fr., art. 1302, 3e al.): " le défendeur devient demandeur dans l'exception qu'il oppose " (voy. c. civ. fr., art. 1315, 2e al.) (c) et, ne la justifiant pas, il succombe; il devra donc rembourser l'une ou l'autre valeur au choix du débiteur.
422 bis. La loi ne dit rien du moment à partir duquel le débiteur qui a proposé d'user de sa faculté de payement ne pourra plus se rétracter; on appliquera, évidemment, par analogie de motifs, l'article 4-54: il aura perdu le droit de se rétracter après des offres réelles valablement faites de l'une ou de l'autre chose.
Remarquons, en terminant, que dans les deux cas précités d'obligations facultatives prévues par le Code " français (art. 891 et 1681), les distinctions relatives à la perte seraient moins nombreuses qu'ici, puisque la chose due facultativement est toujours de l'argent, c'est-à-dire une chose de genre ou de quantité, laquelle ne périt pas (généra non pereunt),
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(b) On a conservé dans la doctrine, en France, les formules latines: la chose due est dite in obligatione; celle qui peut être donnée à sa place est dite in facultate solutionis. Le Projet, ne pouvant employer les mots latins consacrés, a cherché à s'en rapprocher, en adoptant les expressions de '4 chose due principalement " et de 41 chose due facultativement."
SOMMAIRE.
Art. 457. —423. Quand l'obligation est simple ou multiple.
458. —424. Obligation multiple: conjointe ou solidaire; solidarité active ou passive. -425. Garantie mutuelle entre co-débiteurs et co-créanciers.
COMMENTAIRE.
Art. 457. — 423. Cette division des obligations en simples et multiples, quant au nombre des sujets actifs et passifs, est moins importante en elle-même que dans ses subdivisions, en obligations conjointes, solidaires indivisibles, lesquelles sont traitées plus loin; aussi, pour ne pas anticiper sur celles-ci, la loi se borne-t-elle ici à une simple énonciation des caractères de chacune.
Le présent article indique suffisamment quand l'obligation est simple et quand elle est multiple.
L'obligation simple à son origine peut devenir multiple par la suite, si, avant l'exécution, le créancier ou le débiteur vient à mourir laissant plusieurs héritiers: si cette obligation n'a pas le caractère indivisible que l'on expliquera au § suivant, elle deviendra seulement conjointe, mais elle ne deviendra jamais solidaire entre les héritiers.
Art. 458. — 124. L'obligation conjointe étant di. visible entre les créanciers et les débiteurs originaires qu entre leurs héritiers, il y aurait à déterminer la part active et passive de chacun; mais la loi ne pourrait pas le faire ici, sans anticiper sur la distinction suivante, elle se borne donc à indiquer qu'il y a divisibilité.
Pour ce qui est de l'obligation solidaire, il a fullu la renvoyer au Livre IVe qui traitera des sûretés ou garanties des créances; la loi se borne à en indiquer le caractère distinctif (a). Mais, par cela même que la théorie complète ne pourra être donnée que beaucoup plus tard et, à raison de ce qu'il y aura lieu de s'y référer souvent par anticipation, il est nécessaire de la présenter ici sommairement.
L'obligation peut être solidaire entre les créanciers seulement, ou entre les débiteurs; elle pourrait l'être tout à la fois, entre les uns et les autres, c'est-à-dire activement et passivement.
Cette sorte d'association entre les créanciers ou entre les débiteurs vient le plus souvent d'une convention expresse, elle peut venir aussi d'un testament ou de la loi. Elle a le caractère d'un mandat mutuel, surtout quand elle est conventionnelle: entre les créanciers, ce mandat autorise chacun à poursuivre le débiteur pour le tout, et le texte nous dit que celui qui poursuit ainsi l'exécution intégrale, alors qu'il n'a pour lui-même qu'un droit partiel, agit, en même temps, au nom et pour le compte des autres; entre les débiteurs, le mandat a pour effet d'obliger chacun d'eux à payer pour les autres en même temps que pour lui. Dans les deux cas, le mandat est établi surtout en faveur du créancier unique ou des créanciers solidaires, car leurs chances de payement en sont augmentées; en effet, s'il y a solidarité entre créanciers, la vigilance d'un seul peut conserver le droit des autres; s'il y a solidarité entre débiteurs, la solvabilité d'un seul corrige l'insolvabilité des autres. Le mandat entre les débiteurs leur profite cependant aussi quelquefois, mais c'est par l'effet d'autres principes, comme on le verra au sujet de la novation (art. 523), de la remise de la dette (art. 528 et 531) et de la compensation (art. 543).
Cette association entre les créanciers ou entre les débiteurs a encore d'autres conséquences favorables aux créanciers: si un seul des créanciers solidaires poursuit le débiteur unique, il interrompt la prescription au profit des autres créanciers; si le créancier unique poursuit l'un des débiteurs solidaires, la prescription est interrompue contre les autres. Généralement, chaque créancier solidaire peut faire des actes conservatoires du droit de ses co-créanciers, en même temps que de son droit; mais il ne peut compromettre le droit des autres. Les débiteurs solidaires, de leur côté, ont mandat réciproque à l'effet de conserver ou de sauvegarder le droit du créancier, mais ils ne peuvent aggraver l'obligation commune.
425. La solidarité n'a pas seulement pour effet de modifier les rapports des créanciers avec les débiteurs, elle a encore celui de créer des rapports de droit entre les co-créanciers et entre les co-débiteurs eux-mêmes, rapports qui n'existent pas dans l'obligation simplement conjointe. Dans cette obligation, chaque créancier ne pouvant demander et recevoir que sa part et chaque débiteur n'étant, de même, tenu de payer que sa part, il ne peut être question d'aucun recours ultérieur des uns contre les autres: tout est terminé pour chacun par le payement qu'il fait. Il en est autrement dans le cas de solidarité: la poursuite et le payement, par suite du manque de confiance des créanciers à l'égard des débiteurs, ont pu dépasser la mesure normale: il faut y revenir par un compte ou règlement particulier entre celui qui a reçu et ses co-créanciers ou entre celui qui a payé et- ses co-débiteurs; ce règlement, s'il est contesté, s'obtient par voie d'action en garantie, comme il est dit à la fin de l'article 458 qui ne fait, en cela, qu'appliquer l'article 418.
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(a) Le nom de solidaire vient du latin solidum, "le tout," justement, parce que chaque créancier peut demander le tout et que chaque débiteur peut être poursuivi pour le tout.
SOMMAIRE.
Art. 459, 460 et 461. —426. Indivisibilité de l'obligation simple: ses conséquences. —427. Pouvoir exceptionnel des tribunaux. —428. Divisibilité de l'obligation conjointe; trois cas: obligation, simple à l'origine, devenant conjointe entre les héritiers; obligation conjointe à l'origine; obligation solidaire devenant conjointe entre les héritiers de chaque partie. —429. Fixation des parts dans chacun des trois cas. —430. Exemples de la division de ces différentes dettes.
462 et 463. —431. Indivisibilité: obscurités du système français. —432. Classification nouvelle de l'indivisibilité; deux causes: la nature des choses et l'intention des parties (réserves et renvoi au sujet de l'indivisibilité légale des sûretés réelles); deux effets: effet absolu ou actif et passif, effet relatif ou passif seulement. - 433. Indivisibilité générale et absolue; indivisibilité relative. —434. Divisibilité physique ou. matérielle, intellectuelle on juridique: exemples de l'une et de l'autre; retour à la prétendue indivisibilité naturelle de l'hypothèque. -435. Exemples d'indivisibilité naturelle, tant matérielle qu'intellectuelle. -436. Indivisibilité intentionnelle, active et passive: exemples divers; action en résolution, en rescision et en révocation. -437. Indépendance respective, à ce point de vue, des obligations nées des contrats synallagmatiques.
463. —438. Indivisibilité intentionnelle, passive seulement; inexactitudes du Code français, à cet égard.439. Deux cas seuls admis par le Projet.
464. —,440. Indivisibilité active et passive stipulée comme sûreté de la créance: renvoi au Livre IVe.
465. —441. Rapports respectifs et garantie mutuelle des codébiteurs et des cocréanciers.
466. —442. Limites du droit de chaque créancier; moyen indirect de donner effet à ses actes libératoires, sans atteindre le droit des autres. —443. Impossibilité d'exécution, par la faute d'un des créanciers.
467 -444. Actes conservatoires profitables à tous; interruption et suspension de la prescription: profit commun.
468 et 469. —445. Effet relatif de la mise en demeure d'un des codébiteurs; effet commun de l'interruption et de la suspension de prescription. -446. Personnalité des fautes, même au cas de clause pénale stipulée.
470. —447. Mise en cause des codébiteurs, pour l'exécution en commun.
COMMENTAIRE.
Art. 459, 460 et 461. —426. On peut poser en principe que la divisibilité des obligations, activement et passivement, est la règle générale et que l'indivisibilité est l'exception.
Mais, la divisibilité suppose plusieurs créanciers ou plusieurs débiteurs, soit à l'origine de l'obligation, soit par suite du décès de l'une des parties; en d'autres termes, elles suppose une obligation multiple quant aux personnes. Si donc il n'y a qu'un seul créancier et un seul débiteur, si l'obligation est simple, l'exécution doit être intégrale, c'est-à-dire qu'elle doit comprendre simultanément toute la chose ou toutes les choses dues, lors même qu'elles seraient divisibles, comme l'argent, les denrées, etc.
Il semble inutile, au premier abord, de proclamer cette indivisibilité, qui pourtant est écrite aussi dans le Code civil français (art. 1220) et dans le Code italien (art. 1204): on pourrait dire que l'indivisibilité est déjà suffisamment assurée par la nécessité de payer à l'échéance, et que si le débiteur prétendait diviser le payement, il se trouverait en retard pour la portion ajournée. Mais la règle devient utile, si le débiteur prétendait payer une ou plusieurs portions avant l'échéance et le reste à l'échéance même; de même, si le créancier en faveur duquel le terme aurait été établi voulait, en y renonçant partiellement, se faire payer une portion par anticipation et le reste à l'échéance. Il est clair que chacune de ces prétentions pourrait être abusive et créer des embarras pour l'autre partie, en dehors de la convention; voilà pourquoi la loi proclame l'indivisibilité de l'obligation simple.
427. La loi rappelle une exception déjà établie par l'article 426: les tribunaux peuvent autoriser le débiteur à fractionner le payement, non par des payements anticipés, mais par des payements tardifs, ce qui est, en même temps, une dérogation à la nécessité d'observer l'échéance: cette double faveur accordée au débiteur se fonde sur l'embarras où il peut se trouver pour l'exécution totale à l'échéance: elle ne se justifierait plus autant, si le débiteur prétendait payer par parties, avant. l'échéance, pour éviter le risque de perdre des sommes qu'il a à sa disposition. De même, il n'y aurait pas de raison suffisante d'autoriser le créancier à renoncer partiellement au bénéfice du terme stipulé dans son intérêt pour se faire payer des sommes partielles dont il aurait besoin, ce qui mettrait le débiteur dans des embarras successifs qu'il n'a pu prévoir.
Au surplus, la règle de l'indivisibilité de l'obligation simple ne doit pas être appliquée avec trop de rigueur: il est clair que s'il s'agit de denrées ou marchandises, de matériaux d'une quantité, d'un poids ou d'un volume considérable, la livraison n'en pourra pas toujours être faite intégralement, en un seul moment, pas même en un seul jour; il faudra bien admettre, forcément, ou que le débiteur commencera la livraison quelque temps avant l'échéance ou qu'il la complétera quelque temps après: " les conventions doivent être exécutées de bonne foi" (art. 350).
428. La divisibilité active et passive apparaît, au contraire, dans l'obligation conjointe, c'est-à-dire dans celle où il y a plusieurs créanciers et plusieurs débiteurs.
Le premier cas d'obligation conjointe est celui où elle était simple à l'origine, mais où ensuite le créancier ou le débiteur est décédé, laissant deux ou plusieurs héritiers ou successeurs à titre universel (art. 459, 29 al.).
Le second cas est celui où, dès l'origine, il y a plusieurs créanciers ou plusieurs débiteurs (art. 460).
Enfin, si l'obligation est solidaire entre plusieurs créanciers ou débiteurs originaires, elle devient conjointe entre les héritiers du créancier ou du débiteur qui vient à décéder (art. 461).
Pour chacun de ces cas, la loi a dû -indiquer le moyen de reconnaître la part de chaque créancier ou de chaque débiteur.
429. Reprenons-les séparément.
Ier Cas. Lorsque la dette, simple et indivisible à l'origine, devient conjointe et divisible par un décès, la division se fait entre les héritiers, par portions égales, ou inégales, suivant la quotité respective de leur droit héréditaire ou testamentaire: le droit donne la mesure de la part de chacun dans chaque créance ou dans chaque dette.
Au Japon, jusqu'ici, il a été rare qu'un défunt eût plusieurs héritiers: le système successoral est la transmission intégrale du patrimoine à l'aîné des enfants mâles ou à l'héritier désigné par le défunt et, à leur défaut, à l'héritier choisi par les proches parents du défunt. Ce système semblerait donc exclure notre première hypothèse d'obligation conjointe et divisible. Mais la loi nouvelle des successions admet que le père puisse, par testament, disposer de la moitié de ses biens en faveur d'un autre que son héritier légitime: cela donnera lieu déjà à une division des créances et des dettes; en outre, comme la moitié disponible pourra être fractionnée par quotes-parts entre plusieurs légataires, la division ne sera pas toujours par moitiés. Cela suffit pour maintenir dans le Projet la division héréditaire des créances et des dettes. Nous espérons d'ailleurs que le droit d'aînesse ne sera pas toujours absolu comme aujourd'hui et notre Projet s'accordera avec le partage entre héritiers proprement dits (v. n° 111 et Additions).
IIe Cas. Le Code français (art. 1220) et le Code italien (art. 1204) n'ont prévu que le cas précédent, celui de la division par l'effet des décès du créancier ou du débiteur unique: ils semblent n'avoir pas songé au cas, pourtant assez fréquent, d'une obligation qui serait conjointe, à l'origine, entre plusieurs créanciers ou plusieurs débiteurs.
Dans ce cas, il se fait d'abord une division immédiate entre les créanciers et les débiteurs originaires. Les parts ne sont pas nécessairement égales: par exemple, si deux copropriétaires dont les droits étaient inégaux vendent la chose qui leur est commune, la part de chacun dans la créance du prix de vente sera la même que dans la chose vendue; de même, si deux personnes empruntent une somme d'argent pour une affaire commune, chacune sera débitrice d'une part semblable à celle pour laquelle elle est intéressée. Cette pfwt, dite réelle ou véritable (a), sert de mesure à l'action de chaque créancier et à l'obligation de chaque débiteur, mais à la condition que les rapports de droit antérieurs qui la déterminent soient connus des parties adverses, respectivement: si la convention s'en explique, rien n'est mieux; mais cette connaissance peut aussi provenir aux parties des circonstances du fait: par exemple, dans les deux hypothèses ci-dessus, la communauté d'intérêts des vendeurs ou des emprunteurs était déjà connue de l'acheteur ou du prêteur, par suite de conventions ou de rapports antérieurs.
Si la part réelle de chaque créancier ou de chaque débiteur n'est pas connue de l'autre partie, la part de chacun dans l'action et dans l'obligation sera virile ou calculée par têtes (6): de moitié, du tiers, du quart, suivant que les créanciers ou les débiteurs sont deux, trois, quatre, etc. Cette division donnera quelquefois à l'un plus et à l'autre moins que sa part réelle; de là, la nécessité de recours respectifs en garantie, au moyen desquels, comme dit le texte (art. 460, 2e al.), chacun est ramené à recueillir sa part réelle du profit ou à la supporter dans la charge (voy. art. 418).
Supposons maintenant que l'un des créanciers ou des débiteurs originaires meure laissant plusieurs héritiers ou successeurs à titre universel, il se fait entre ceux-ci une subdivision de sa part, d'après leur portion héréditaire, comme au premier cas.
S'il survenait un décès parmi ces héritiers, il y aurait une nouvelle subdivision.
Si, enfin, il y a des décès du côté des débiteurs, en même temps que du côté des créanciers et de leurs héritiers, le morcellement de l'obligation peut devenir excessif.
IIIe Cas. Soit enfin une obligation solidaire, activement et passivement: elle ne se divise pas au premier degré: chacun des créanciers peut demander le tout (solidum) et chacun des débiteurs doit payer le tout, comme s'il était seul, comme si la dette était simple; la divisibilité ne commence qu'au second degré, au décès d'un des créanciers ou d'un des débiteurs: la part de chaque héritier est une fraction de la totalité. Mais pendant que le droit d'un des créanciers ou l'obligation d'un des débiteurs se divise par l'effet de son décès, le droit ou l'obligation du survivant subsiste pour le tout, ce qui est le signe distinctif de la solidarité.
Lors même que toutes les parties originaires sont décédées, laissant chacune plusieurs héritiers ou successeurs, il y a toujours un degré de division de moins que dans l'obligation simplement conjointe. Mais enfin, la dette est divisible: l'article 461 du Projet a pris soin de l'exprimer d'une façon plus explicite que le Code français (art. 1219), reproduit lui-même par le Code italien (art. 1203), lesquels portent, d'une façon assez énigmatique, que " la solidarité stipulée ne donne pas " à l'obligation le caractère d'indivisibilité."
430. Les résultats de la division étant différents entre eux, suivant que la dette est simple, conjointe ou solidaire, il est bon de les faire ressortir par un exemple commun, où l'objet de la dette, le nombre des débiteurs et des créanciers originaires et celui de leurs héritiers serà le même: on ne changera que la modalité de l'obligation, et, pour plus de simplicité, on supposera que les droits et les obligations des contractants et de leurs héritiers sont égaux, sont des parts viriles, ce qui permettra de diviser et subdiviser la dette par têtes.
1° Soit, d'abord, une obligation simple de 2000 yens avec un seul créancier et un seul débiteur. S'il n'y a pas de décès avant l'échéance, l'obligation ne se divisera pas: le créancier ne pourra pas demander la somme par parties et le débiteur ne pourra se libérer qu'en la donnant toute entière à la fois.
Si le créancier ou le débiteur meurt, laissant deux héritiers, chacun de ceux-ci ne peut demander ou ne peut être tenu de donner que la moitié, soit 1000 yens.
Mais si le créancier et le débiteur sont morts, chacun avec deux héritiers, la dette se divise par quarts: chaque héritier du créancier ne peut plus demander à chaque héritier du débiteur que 500 yens, ce qui fait ainsi quatre demandes d'un quart.
2° Soit maintenant une obligation conjointe à l'origine, de même somme (2000 y.), avec deux créanciers et deux débiteurs: il se fait tout d'abord une première division de la dette par moitié, et comme la division est passive en même temps qu'active, chaque créancier devra donc faire une demande d'un quart (500 y.) contre chaque débiteur.
En cas de décès de l'un des créanciers, avec deux héritiers, il se fait entre ceux-ci une subdivision de la créance: chacun n'a plus droit qu'à un quart (500 y.) qu'il obtiendra en demandant 250 y. à chaque débiteur. Le créancier survivant conserve toujours son droit de 1000 y., soit 500 y., contre chaque débiteur originaire.
S'il y a, tout à- la fois, décès d'un des créanciers et d'un des débiteurs, toujours avec deux héritiers de chacun, chaque héritier du créancier décédé ne pourra plus obtenir son quart que par une demande de 125 y. (1 /8e) contre chaque héritier du débiteur décédé, les 250 autres yens lui seront payés par le débiteur survivant. Quant au créancier survivant, il demandera 500 y. au débiteur survivant et 250 y. à chacun des héritiers du débiteur décédé.
Si enfin les deux créanciers et les deux débiteurs sont décédés, laissant chacun deux héritiers, chaque héritier des créanciers n'aura droit qu'à 500 yens et les obtiendra par une poursuite de 125 y. contre chacun des héritiers des débiteurs.
3° Soit enfin une obligation solidaire activement et passivement, avec les mêmes éléments: tant qu'il n'y a pas de décès, chaque créancier peut demander les 2000 y. à chaque débiteur.
Si l'un des créanciers meurt, avec deux héritiers, chacun de ceux-ci ne peut demander que 1000 yens-, mais les deux poursuites peuvent se réunir contre un seul des débiteurs.
Si l'un des débiteurs est aussi décédé, chacun de ses héritiers ne doit payer que 1000 yens, soit au créancier survivant, soit aux héritiers du prédécédé; sans préjudice toujours du droit du créancier survivant de demander les 2000 y. au débiteur survivant.
Si les deux créanciers et les deux débiteurs sont décédés, les choses se passent à ce second degré comme dans la dette conjointe au premier degré (voy. 2°).
Dans les exemples qui précèdent on n'a pas poussé les divisions et subdivisions bien loin: on s'est arrêté à l'hypothèse du décès des deux créanciers et des deux débiteurs; mais ce ne serait pas dépasser les vraisemblances que de supposer l'un des héritiers du créancier venant lui-même à décéder; on aurait alors une nouvelle subdivision: la part de l'héritier décédé se fractionnerait en autant de nouvelles parts qu'il aurait luimême d'héritiers, et si, en même temps, il y avait décès de l'un des héritiers du débiteur, ces héritiers d'héritiers, mis en face les uns des autres, ne pourraient réclamer ou être tenus de payer que des fractions d'autant plus faibles que leur nombre respectif serait plus élevé.
Ces calculs, assez compliqués en apparence, et qui le deviennent davantage si les droits des divers héritiers sont inégaux et si leur nombre est plus considérable, sont cependant susceptibles d'une grande précision mathématique; ils constituent les liquidations de créances: en France, ils sont faits par les notaires, principalement en cas de partage de successions (1).
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(a) On donne ici au mot réelle le sens le plus simple et qui se rendra le mieux en langue japonaise; il serait possible, cependant, de lui donner aussi le sens habituel et plus juridique qui consiste à opposer réel à personnel; la part réelle serait la part consistant dans la chose (in re), par opposition à la part personnelle ou virile mentionnée plus loin.
(b) Part virile vient du latin vir, " homme; " elle se calcule " sur le nombre d'hommes: " pro numéro virorum.
(1) Au Japon, maintenant qu'il y a des notaires, il sera bon que les parties recourent à eux pour l'établissement de comptes compliqués comme ceux-ci, où, même hors le cas de succession, il ne faut pas moins de connaissances juridiques que d'habitude du calcul.
Art. 462 et 463. -431. Toutes les complications qui précèdent disparaissent dans l'obligation indivisible: chaque créancier ou héritier du créancier a droit à la totalité de la créance; chaque débiteur ou héritier du débiteur doit la totalité de l'obligation, et chaque héritier d'un héritier décédé a également droit et obligation pour le tout (v. c. civ. fr., art. 1222 et 1223); si le lien est, à certains égards, moins fort que celui de la solidarité, il a plus d'étendue quant à son objet. Mais ce que cette matière gagne en simplicité de ce côté, elle le perd d'un autre, car la difficulté des obligations indivisibles est proverbiale et on dit souvent, avec un vieil auteur français, Dumoulin, que c'est un " labyrinthe inextricable " où il est difficile de ne pas s'égarer.
Le Projet va s'efforcer d'y mettre de la clarté et même de la simplicité.
En rapprochant ces neuf articles de pareil nombre consacré aux mêmes obligations dans le Code français (art. 1217 à 1225), on trouvera, au premier abord, que le fond des dispositions des uns et des autres paraît différer assez peu; mais un examen attentif révélera ici une classification plus rigoureuse des divers cas d'indivisibilité et de leurs effets, quelques suppressions nécessaires et des additions utiles qui seront mises en relief et justifiées sur chaque article. A raison de ces changements, il ne faudra consulter les auteurs français sur cette matière qu'avec grande précaution, lorsqu'on y cherchera des éclaircissements complémentaires des présentes dispositions.
Le Code italien (art. 1202 à 1208) s'est borné à quelques suppressions, ce qui n'était peut-être pas le meilleur moyen de dissiper les obscurités de cette matière.
Il est reçu, en France, depuis Dumoulin, auteur célèbre qui vivait il y a trois siècles, suivi, plus tard, par Pothier, auteur du siècle dernier, qu'il y a trois sortes d'indivisibilités; la première est dite " naturelle," la seconde, " conventionnelle ou intentionnelle," la troisième est dite, fort obscurément, " quant au payement ou quant à l'exécution " (c). Une grande partie des difficultés de la matière est venue de cette troisième sorte d'indivisibilité qui a été, par les uns, mise sur la même ligne que les deux premières, avec quelques différences, et, par les autres, considérée comme un cas de divisibilité, mais donnant lieu, par exception, à une exécution intégrale (d).
432. La vérité est qu'il y a deux points de vue différents auxquels on peut se placer pour le classement des cas d'indivisibilité: celui de leurs causes et celui de leurs effets; chaque point de vue donne deux classes, et c'est pour avoir mêlé et confondu ces deux classifications différentes que les auteurs sont arrivés si malheureusement à trois classes d'indivisibilité.
I. Si l'on considère les CAUSES de l'indivisibilité des obligations on en trouve deux: la nature de la chose due qui ne comporte pas de fractions, et la convention ou intention des parties qui ont entendu exclure la division de la dette, quoiqu'elle fût possible naturellement. Il y a bien aussi un cas d'indivisibilité légale, c'est-à-dire fondée sur la disposition seule de la loi, c'est celui de l'obligation de la redevance emphytéotique (v. art. 178.), mais elle concerne un cas particulier et non les obligations en général qui nous occupent seules.
Il y a encore l'indivisibilité de l'hypothèque et des autres sûretés réelles de créances. On a pris, en France, l'habitude de considérer cette indivisibilité comme naturelle, parce que la loi elle-même dit que " l'hypothèque est, de sa nature, indivisible (c. civ. fr., art. 2114, 2e al.; comp. art. 2083); " mais on comprendrait très bien que la poursuite hypothécaire se fractionnât entre les créanciers et contre les divers détenteurs de parties différentes de l'immeuble: si l'on ne veut pas admettre d'indivisibilité légale, il vaut encore mieux rattacher celle de l'hypothèque à l'intention des parties qu'à la nature du droit.
Le Projet a tranché la question dans le sens d'une indivisibilité légale (v. art. 20, 4e al.). On y reviendra, à propos de la matière même des hypothèques (v. art. 1202) et même à propos de chaque autre sûreté réelle (v. art. 1097, 1110, 112 8, 1137): si l'on ne s'y arrête pas ici, c'est qu'il ne s'agit, en ce moment, que d'obligationx ou de créances et non de droits réels. On dira seulement ici (ce qui n'aurait pas été hors de propos déjà, sous l'article 20) que le Projet ne pouvait prétendre agir arbitrairement: c'eût été plus choquant encore dans un cas où il veut se séparer de la loi française qui a vainement décrété une prétendue nat tire des choses (dd). Le Projet tenait pourtant à ne pas briser une tradition séculaire et peut-être universelle: il a donc déclaré l'hypothèque indivisible, activement et passivement; mais, au fond, ce n'est que " par interprétation de la volonté probable des parties aussi, ces dernières pourraient-elles déroger à la loi, tandis qu'elles ne pourraient pas déroger à la nature des choses (2).
II. Si l'on considère les EFFETS de l'indivisibilité, on en trouve deux également: l'un général ou absolu, affectant l'obligation activement et passivement, c'està-dire à l'égard des créanciers et des débiteurs; l'autre limité et relatif, n'affectant l'obligation que passivement, c'est-à-dire à l'égard des débiteurs seulement. Il n'y a pas d'indivisibilité active seulement, parce que, sans l'indivisibilité passive, elle ne procurerait pas aux créanciers plus d'utilité qu'un mandat ordinaire.
L'indivisibilité qui est naturelle quant à sa cause est nécessairement générale et absolue quant à ses effets: du moment que l'obstacle à la division vient de la nature de la chose due, on ne comprendrait pas plus la division active que la division passive. Au contraire, l'indivisibilité dont la cause est la convention ou l'intention des parties peut être plus ou moins étendue, suivant leur volonté et d'après leur but et leur intérêt: elle peut donc être, soit générale et absolue, soit limitée et relative. C'est dans ce dernier cas et lorsque l'indivisibilité est limitée aux débiteurs que l'on dit, dans l'usage, qu'il y a indivisibilité " quant au payement" (solutionne tantum).
Dans le Code français, l'indivisibilité naturelle est prévue par l'article 1217, l'indivisibilité intentionnelle, par l'article 1218 et l'indivisibilité quant azt payement, par l'article 1221. Cette dernière est l'objet d'une foule de difficultés qui disparaissent dans le Projet japonais.
433. Le Projet s'écarte d'abord du Code français par la classification: s'attachant moins aux causes de l'indivisibilité qu'à leurs effets, il consacre un premier article à l'indivisibilité générale et absolue ou active et passive (art. 462) et ses deux causes sont indiquées en deux alinéas. Puis vient l'indivisibilité relative, c'està-dire limitée, dans ses effets, aux débiteurs, ou passive seulement (art. 463); ses causes sont les mêmes: la nature de la chose due et la volonté des parties ou le titre constitutif de l'obligation (convention ou testement); seulement, la loi ne prévoit qu'un cas pour l'application de chaque cause, celui où l'indivisibilité ne pèse que sur un seul des débiteurs à l'exclusion des autres (101 et 26 al.). Vient enfin (art. 464) le cas où l'indivisibilité, cette fois active et passive, a été formellement stipulée en faveur de tous les créanciers et à la charge de tous les débiteurs; c'est là cette véritable sûreté ou garantie de la créance dont on a déjà parlé; sûreté analogue à la solidarité, moins dure à quelques égards pour les débiteurs, mais plus dure, à d'autres égards et toujours plus favorable aux créanciers; ce qui explique qu'elle puisse être stipulée conjointement avec elle. Comme sûreté, elle est renvoyée au Livre IVe (v. art. 1088 et s.).
On retrouve donc dans le Projet, d'abord les mêmes sortes d'indivisibilités que celles que présente le Code français, mais avec des nuances qui, en somme, touchent plus à la méthode qu'au fond, puis une indivisibilité volontaire expresse qui n'est pas réglée audit Code.
434. Il faut maintenant éclaircir par quelques exemples et développements les deux articles 462 et 463.
Les choses peuvent se diviser de deux manières: matériellement et intellectuellement ou juridiquement, comme dit l'article 462. La division matérielle ne peut s'appliquer qu'aux choses corporelles; la division intellectuelle ou juridique s'applique tant aux choses corporelles qu'aux choses incorporelles.
Parmi les choses corporelles, il y en a qui se divisent matériellement d'une façon presque illimitée, sans changer de nature et sans perdre leur utilité, comme l'argent et les denrées qui se pèsent, se comptent ou se mesurent; d'autres se trouvent plus ou moins détériorées par la division matérielle, comme les vêtement^, les meubles des habitations, les objets d'art, les instruments des métiers; on recherche alors si l'intention des 'parties n'a pas été d'exclure cette sorte de division; enfin, il y a des choses corporelles qu'on doit déclarer tout à fait indivisibles matériellement, parce qu'elles changeraient de nature et même seraient, pour ainsi dire, détruites par la division, tels sont les animaux vivants. Mais tous ces objets sont susceptibles de division intellectuelle ou juridique, en ce sens que le droit de propriété dont elles sont susceptibles aussi peut être fractionné entre plusieurs personnes qui auront des droits de même nature, égaux ou inégaux (e). Si le débiteur d'un objet de cette nature meurt laissant plusieurs héritiers, chacun de ceux-ci, devenant copropriétaire pour une part dans l'objet et se trouvant débiteur (te la même part envers le créancier, pourrait, en principe, se libérer en abandonnant, en cédant sa part au créancier. On comprend que cette division, toute juridique, ne change pas la nature de la chose et qu'elle s'appliquerait notamment à un animal vivant.
Les choses incorporelles ne sont évidemment susceptibles que d'une division juridique: ce sont des droits qui peuvent être transférés par partie il diverses personnes ou par un ou plusieurs de ceux auxquels ils appartiennent. Ainsi, si un usufruit est dû à plusieurs stipulants, le débiteur pourrait se libérer en cédant à chacun des créanciers la part d'usufruit qui lui est due, et si, par une cause quelconque, il ne pouvait remplir son obligation envers tous, ceux qui auraient reçu leur part ne pourraient se plaindre. Réciproquement, s'il y a plusieurs promettants d'un usufruit, ou si le promettant unique meurt, laissant plusieurs héritiers, chacun peut constituer l'usufruit pour la part qu'il doit comme héritier, et, si un ou plusieurs d'entre eux manquent à exécuter l'obligation, le créancier ne pourra pas s'en prendre à ceux qui ont exécuté pour leur part.
Il en serait de même s'il s'agissait d'une créance dont la cession aurait été promise à plusieurs ou par plusieurs: l'exécution de la cession par portions indivises se comprendrait (/) très bien et aurait de l'utilité.
Ce qui vient d'être dit d'un usufruit qui peut être constitué pour partie, activement et passivement, pourrait, à la rigueur, se comprendre d'un droit de louage et même d'une hypothèque à constituer. Pour le louage, sans doute, une part indivise dans la jouissance d'un bien ne sera pas toujours conforme à l'intention des parties, mais il ne s'agit pas encore de l'indivisibilité intentionnelle (art. 462, 2e al.); le louage est au moins divisible juridiquement.
Il semble qu'il y ait plus de doute pour l'hypothèque, puisque la loi la déclare indivisible: la loi française " par sa nature," le Projet japonais " par l'intention probable des parties;" mais c'est seulement, une fois constituée, que l'hypothèque a ce caractère: alors, chaque partie de l'immeuble, soit matérielle, soit juridique, est affectée au payement de la dette entière, et chaque partie de la créance est garantie par l'immeuble tout entier (cela sera développé en son lieu); mais lorsqu'il s'agit d'une hypothèque promise, d'une hypothèque à. constituer, soit par plusieurs, soit en faveur de plusieurs, on comprend très bien qu'un seul des promettants remplisse sa promesse quand les autres y manquent, ou que le promettant unique exécute son obligation envers un seul de ses créanciers et y manque envers les autres; on conçoit également que l'hypothèque constituée par un seul des copropriétaires ne grève que sa part indivise de l'immeuble, quand les autres parts en sont exemptes (comp. c. civ. fr., art. 2205), ce qui prouve bien que cette prétendue indivisibilité de l'hypothèque n'est pas " de sa nature."
435. Mais il y a des droits réels et des droits personnels indivisibles, même juridiquement, d'après leur nature; tels sont: pour les premiers, les droits de servitude dont la nature indivisible est proclamée par l'article 290 et expliquée au Tome Ier (nos 448 à 450); pour les seconds, la plupart des obligations de ne pas faire et un grand nombre d'obligations de faire (voy. art. 20, 3e al.). Ainsi, quànd quelqu'un a promis de ne pas faire un procès, comme demandeur ou défendeur, au sujet d'une réclamation prévue, et meurt laissant plusieurs héritiers, l'obligation est entière à la charge de chacun, et la moindre entreprise ou la moindre résistance litigieuse, par un seul des héritiers, serait une violation entière de l'engagement; de même, si le créancier étant mort, l'un des héritiers avait été engagé dans le procès, le promettant aurait autant manqué à son engagement que s'il avait contesté judiciairement avec tous les héritiers; la conséquence serait, notamment, qu'il devrait des dommages-intérêts h tous et s'il y avait une clause pénale, elle serait encourue en entier.
Les obligations de faire sont moins généralement indivisibles: ainsi, l'obligation de construire un mur ou un chemin, de défricher un terrain, de fabriquer, en assez grand nombre, des objets de même nature ou de nature diverse, se conçoit exécutée par parties, avec utilité; on peut même dire que, là, il y a divisibilité matérielle, et si l'un des débiteurs avait exécuté pour sa part, ou si l'un des créanciers avait obtenu la sienne, il pourrait y avoir libération partielle; pour décider autrement, il faudrait se placei dans l'hypothèse d'une indivisibilité intentionnelle (art. 462, 2e al.).
M ais certaines obligations de faire sont indivisibles par leur nature; si le débiteur n'a pas fait tout ce qu'il devait, il n'a rien fait d'utile; par exemple, il devait faire une négociation, un arbitrage, contracter et signer pour quelqu'un, faire, en procédure, un acte d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation: s'il n'a pas exécuté son mandat en entier, c'est comme s'il n'avait pas même tenté de l'exécuter.
Notons, en passant, que, comme le mandat cesse par la mort du mandant ou du mandataire, au moins en général (voy. c. civ. fr., art. 2010; Proj., art. 947-3°), il / faudrait supposer ici, non qu'il y a plusieurs héritiers du mandant ou du mandataire, mais que, à l'origine, il y a eu plusieurs mandants ou plusieurs mandataires.
A raison donc de cette indivisibilité du mandat, chaque mandant pourrait demander l'exécution entière du mandat et chaque mandataire pourrait être actionné pour l'accomplir en entier.
On peut encore citer comme obligation de faire indivisible par sa nature: celle de produire une pièce de procédure, de rendre des comptes de gestion, de garantir un acheteur ou un preneur des troubles ou évictions dont il est menacé, en intervenant en justice avec lui ou en sa place; la garantie ne devient divisible que si elle se résout en dommages-intérêts pour inexécution.
Tels sont les principaux cas d'indivisibilité dite naturelle prévus au 1er alinéa de l'article 462.
436. L'indivisibilité intentionnelle (28 al.) résulte de la volonté des parties; elle peut être manifestée tacitement, à la différence de celle qui constitue une sûreté, laquelle doit être exprimée dans la convention ou dans un testament (v. art. 1088). La loi, pour ne pas gêner l'interprétation des tribunaux, dans la reconnaissance de cette intention tacite, leur permet de prendre en considération les diverses circonstances du fait; mais c'est généralement " le but " que se sont proposé les parties en contractant qui révélera cette intention.
Ainsi, plusieurs personnes ont stipulé un terrain, pour construire une maison d'habitation, une hôtellerie ou une manufacture; ou bien, il y a eu plusieurs promettants de ce terrain; ou, enfin, l'un des contractants originaires est mort laissant plusieurs héritiers: assurément, en pareil cas, la nature de la chose due (un terrain) permet une exécution partielle, mais le but que se proposaient les stipulants (une construction), but connu des promettants, ne pouvant être atteint que par la cession entière du terrain, chaque créancier a le droit de le demander tout entier et chaque débiteur peut être actionné pour le fournir en entier.
Quelques-unes des obligations présentées plus haut comme divisibles par leur nature seront souvent rendues indivisibles par l'intention des contractants: ainsi l'obligation de fournir un objet d'art, un instrument de science ou d'industrie, un animal vivant, laquelle pourrait s'exécuter par parties, au moyen de la cession d'une part juridique de propriété, sera presque toujours indivisible par l'intention des contractants.
Généralement, c'est l'intention des stipulants qui devra être prise en considération pour apprécier si l'obligation a un caractère indivisible, parce que ce sont surtout ces parties qui ont un " but" déterminé à atteindre, un avantage spécial à réaliser; mais on devra tenir compte aussi de l'intention des promettants et voir si, en répondant à la stipulation dont le but leur était connu, ils ont dû considérer qu'ils étaient tenus pour le tout et dû prendre leurs dispositions en conséquence.
L'article 470, ci-après, autorise les codébiteurs à se prévaloir, de leur côté, du caractère indivisible de l'obligation, pour la garantie mutuelle qu'ils se doivent.
On peut encore citer comme cas d'indivisibilité intentionnelle, et pouvant être autant invoquée par les débiteurs que par les créanciers, les actions qui tendent à la résolution, à la rescision ou à la révocation de conventions (v. art. 508, 2e al. et n° 54.8).
A la rigueur, et à ne considérer que la nature même de l'action, on comprendrait qu'un contrat fut aunulé pour une part et maintenu pour l'autre: par exemple, un vendeur qui n'aurait pas touché la moitié de son prix de vente, pourrait ne rentrer dans la propriété que pour moitié de sa chose; mais ce résultat, contraire, le plus souvent, à son intérêt, le serait aussi à son intention originaire; de même, l'acheteur, quoiqu'il soit en faute, ne doit pas être tenu de garder la moitié de la chose, en copropriété avec le vendeur. On est bien près de trouver ici une indivisibilité légale; cependant, quand il n'y a pas de disposition formelle de la loi à cet égard, il vaut mieux attribuer cette indivisibilité à l'intention présumée des parties (g). On devra aussi la limiter aux cas où la chose n'est pas susceptible d'une division naturelle qui laisse à toutes les parties une utilité proportionnelle à l'utilité du tout, comme une maison ou un terrain, dont les parties peuvent n'avoir qu'une utilité très limitée; mais si l'on suppose une vente de denrées ou de marchandises très divisibles par leur nature et dont le prix a été fixé proportionnellement au poids, au nombre ou à la mesure, et que l'acheteur ait manqué à payer la moitié ou les trois quarts du prix, le vendeur pourrait se contenter de 'faire résoudre la vente pour moitié ou pour trois quarts, et l'acheteur devrait être reçu à s'opposer à une résolution totale.
On voit donc que l'intention des parties peut se révéler non seulement par le but qu'elles se proposaient mais encore par la nature même de la chose objet de la convention et par l'utilité qui subsisterait après sa division matérielle ou juridique.
437. On a quelquefois prétendu que si, dans un contrat synallagmatique, l'obligation contractée par l'une des parties est indivisible, soit par sa nature, soit par l'intention des parties, l'obligation de l'autre doit être, par cela seul, 'considérée comme indivisible, au moins par l'intention. Mais c'est là une exagération: par exemple, deux personnes se sont fait promettre par deux autres, une servitude, chose indivisible par sa nature, ou un terrain pour une construction déterminée, un cheval, un tableau, choses indivisibles par l'intention des parties; le prix qu'elles doivent est divisible par sa nature, et on ne voit pas de raison suffisante pour présumer que les parties ont entendu que le payement du prix serait indivisible; pour que cela fût, 11 faudrait que le prix à payer eût lui-même une destination indivisible de la part de ceux auquel il est dû et que cette destination fût connue de ceux qui le doivent; par exemple, il aurait été destiné à acheter une maison ou un navire; mais cette hypothèse sera rare.
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(c) Dumoulin n'avait pas tiré sa division tripartite du droit romain qui paraît n'avoir admis que l'indivisibilité naturelle; mais il écrivait en latin et il se servit d'expressions, dont l'obscurité ajouta à celle du sujet; elles ont malheureusement obtenu la consécration de l'usage; il faudra bien se garder de les vulgariser au Japon: ainsi Dumoulin et, après lui, Pothier et les auteurs modernes, appellent la première indivisibilité: naturâ aut contractu, " par la nature ou par le contrat," la seconde: obligatione, " par l'obligation," la troisième: quoad solutionem ou solutione iantum, "quant au payement." Ces expressions, sauf la première: naturâ, n'ont aucun sens précis par elles-mêmes; on aurait dû remplacer la seconde par contractu qui répondrait mieux à l'idée d'intention des parties que celle de obligatione; quant à la troisième, il eût été facile de la remplacer par une autre, indiquant clairement que l'indivisibilité n'a lieu que du côté des débiteurs: quoad debifores (voir ci-après, n° 432).
(d) Plusieurs auteurs, en effet, ont cru faire disparaître les difficultés qui naissent de l'article 1221, en insistant sur ce que les obligations prévues par cet article sont divisibles, en principe, et que c'est seulement par exception que la division n'a pas lieu. Mais, si la division n'a pas lieu, comment peut-on dire que l'obligàtion est divisible ? Il faut vraiment. une grande complaisance pour ne pas appeler " indivisibilité" des cas où l'exécution intégrale est obligatoire: tous les " cas d'exception à la divisibilité" sont justement ceux où l'obligation est indivisible.
(2) Lorsque le Projet est arrivé à la matière du gage, on a exprimé cette " interprétation de la volonté des parties" (art. 1110) et les articles 1128, 1137 et 1202, proclamant l'indivisibilité des autres sûretés réelles, renvoient formellement à cet article 1110.
(dd) Peut-être le Code français a-t-il seulement voulu dire que l'in divisibilité de l'hypothèque a lieu sans stipulation: elle serait alors non accidentelle et non essentielle, comme ou dit de certains effets naturels des conventions (v. n° 337).
(e) On dit alors que les copropriétaires sont dans l' indivision (camp. art. 38), expression qui, bien que consacrée, n'est pas exacte, car les droits sont déjà divisés intellectuellement ou juridiquement: 011 veut dire qu'il n'y a pas encore eu division matérielle.
(f) La division intellectuelle (du latin intelligere, "comprendre") est, justement, celle qui se comprend, sans se voir, sans tomber sous les sens externes, comme le fait la division matérielle.
(g) C'est ainsi qu'il faut comprendre le caractère d'indivisibilité donné à l'action résolutoire, dans un cas particulier (art. 508, 2e al.); on peut lui reconnaître le même caractère dans ses autres cas d'application; mais pour la rescision et la révocation on rechercherait l'intention des parties dans les circonstances du fait.
Art. 463. — 438. L'article 462 nous a fait connaître l'indivisibilité aÓ:;ul/le, c'est-à-dire active et passive, tout à la fois. Dans l'article 463, il est traité de l'indivisibilité passive seulement ou relative aucc débiteurs seuls. Le texte ne lui donne que deux applications, tandis que l'article 1221 du Code civil français lui en donne cinq; le cinquième de ces cas, rendu ici plus précis, va être l'objet de l'article 464; mais, il est reconnu que les deux autres cas de l'article 1221, le 1er et le 3", n'ont été considérés comme cas d'indivisibilité que par méprise et confusion. Ainsi le Code français déclare indivisible " la dette hypothécaire mais, dans la dette hypothécaire, il ne faut pas confondre le droit personnel ou de créance et le droit réel d'hypothèque ou la sûreté: si le droit est exercé comme personnel, sur tous les biens du débiteur, il est divisible entre les créanciers et entre les débiteurs; s'il est exercé hypothécairement, c'est-à-dire sur le bien hypothéqué et contre le détenteur de l'immeuble, il est indivisible; c'est donc l'hypothèque qui est indivisible et non la dette même, et comme cette indivisibilité de l'hypothèque est prétendue fondée sur fia nature, elle est active et passive et non passive seulement, comme le ferait croire l'article 1221-1°.
C'est par une confusion analogue que le même article déclare indivisible " l'obligation alternative portant sur deux choses dont l'une est indivisible au choix du créancier il est évident que, si le choix vient à porter sur la chose divisible, l'obligation, jusque-là conditionnelle et incertaine quant à son objet (voy. art. 455), se trouvera avoir été toujours divisible; si, au contraire, le choix est dirigé sur la chose indivisible, l'obligation sera indivisible, non plus comme alternative et en vertu de cette disposition, mais elle le sera par sa nature ou par l'intention des parties, suivant les cas. Ce que le Code français a voulu dire, sans doute, c'est que le choix esindivisible et que le créancier qui a le choix ne peut choisir partie d'une chose et partie de l'autre, ce qui alors était bien inutile à dire, car il ne pourrait jamais obt tenir une partie de la chose indivisible; enfin, on ne voit pas pourquoi le Code limite cette indivisibilité du choix au cas où il appartient " au créancier il est bien évident que la division du choix ne serait pas non plus permise au débiteur: l'article 1191 l'a déjà dit, même pour le cas où toutes les choses dues sont divisibles (comp. eidessus, art. 448, 3e al.).
C'est sans doute pour ces raisons que le Code italien a supprimé ces deux cas de son article 1245 qui correspond, du reste, à l'article 1221 du Code français.
439. Voici maintenant les deux cas qui du Code français passent dans le Projet japonais.
Ier Cas. -II s'agit, non de la translation de propriété, mais de la délivrance, de la tradition d'un corps certain; peut-être la translation de propriété a-t-elle déjà eu lieu, par le seul consentement, comme dans la vente ou la donation; peut-être s'agit-i.l d'un usufruit ou d'un droit de louage déjà conférés de même; peut-être, enfin, ne s'agit-il que de la restitution d'un dépôt, d'un prêt à usage ou d'un objet dont la location est expirée; dans tous ces cas, s'il y a plusieurs débiteurs de cette délivrance, elle sera requise en entier de celui qui détient physiquement la chose; en effet, la poursuite contre les autres débiteurs ne pourrait conduire qu'à des dommages-intérêts pour inexécution et ce ne serait pas, pour le créancier, une satisfaction entière. Cette indivisibilité a, au fond, pour cause la nature même de la délivrance, qui, à la différence de la cession du droit de propriété sur cette chose, est un par fait matériel qu'on ne pourrait opérer par parties qu'en morcellant la chose, ce qui lui ôterait, le plus souvent, toute utilité; mais elle n'a pas pour cause la nature même du corps certain à délivrer: autrement, elle devrait être considérée comme active et passive, tout à la fois; or, le texte suppose formellement la chose " divisible par sa nature " et il n'attribue l'indivisibilité qu'à l'intention des parties. Ici, c'est spécialement de l'intention des débiteurs qu'il s'agit; car, par un partage ou autrement, ils ont consenti à mettre ou à laisser la chose due aux mains de l'un d'eux, et ils ont entendu, par là, le charger seul de l'exécution; le créancier y trouve, à son tour, l'avantage de ne pas être tenu d'intenter plusieurs actions qui ne pourraient lui faire obtenir que des dommagesintérêts contre ceux qui ne sont pas détenteurs de la chose due.
Mais il n'y a pas indivisibilité active; si donc il y a plusieurs créanciers originaires ou plusieurs héritiers d'un créancier unique, chacun d'eux ne doit agir que pour sa part dans la créance: les autres n'ont vraisemblablement pas entendu s'exposer au risque de son insolvabilité. D'un autre côté, comme un corps certain, à la différence d'une chose de quantité, ne peut être délivré par parties, sans détériorations, le débiteur poursuivi par un des créanciers est admis, 'pour dégager sa responsabilité, à requérir la mise en cause de tous les autres, afin de se libérer simultanément entre leurs mains. Cette disposition, qui manque dans les Codes étrangers, paraît le seul moyen de concilier tous les intérêts.
IIe Cas. -Ici, l'intention des contractants est expresse: le titre constitutif de l'obligation contractée par plusieurs a mis le payement à la charge d'un des débiteurs spécialement; ou, en prévision du décès d'un débiteur unique, il a été stipulé que le payement serait fait par un des héritiers désigné; cette désignation pourrait aussi avoir été faite par le testament du débiteur. Bien entendu, dans ces divers cas, le créancier pourrait négliger le droit qui lui a été conféré et intenter une action divisée contre chaque débiteur.
Cette indivisibilité est, comme la précédente, passive seulement; si donc, il y a plusieurs créanciers originaires ou plusieurs héritiers d'un créancier unique, chacun d'eux ne pourra agir que pour sa part contre le débiteur spécialement désigné pour le payement; et, comme la division, tant matérielle que juridique, ne présentera pas ici les mêmes difficultés que dans l'obligation de délivrance, la loi ne donne pas au débiteur assigné la faculté de faire mettre en cause les divers créanciers; il exécutera envers chacun, pour la part de celui-ci, au fur et à mesure qu'il se présentera.
Art. 464. — 440. Cet article prévoit un dernier cas d'indivisibilité ayant encore pour cause l'intention ces parties, mais avec cette double différence, déjà annoncée, qu'elle peut être active et passive et qu'il faudra toujours uue stipulation formelle pour l'établir. Ce n'est pas, toutefois, à raison de cette seconde particularité que la loi lui consacre un article spécial, c'est parce que l'indivisibilité ainsi stipulée devient une sûreté personnelle dont les développements sont renvoyés au Livre IVe, où elle prendra place à la suite de la solidarité (v. art. 1088 et s.).
On se borne ici à indiquer sommairement le principal avantage qu'il y a pour les créanciers qui ont déjà à leur disposition le lien de la solidarité active et passive à y ajouter celui de la double indivisibilité (3).
Dans les deux cas, à l'origine, chacun des créanciers peut poursuivre chaque débiteur pour le tout: l'indivisibilité n'ajouterait rien, sous ce rapport, à la solidarité, mais s'il survient un décès du côté des créanciers 011 des débiteurs, la dette solidaire commence à se diviser (v. ci-dess., art. 1161,): en stipulant l'indivisibilité, les créanciers parent à cet inconvénient. Du reste, ils ne perdent pas les avantages propres que leur donne la solidarité: par exemple, la garantie intégrale, par tous, des fautes de chacun des débiteurs, avantage que ne leur donne pas l'indivisibilité naturelle, comme on va e voir à l'article 469; en effet, les créanciers n'ont; pas substitué l'indivisibilité à la solidarité, ils l'y ont réunie, de façon à avoir les bénéfices des deux modalités de l'obligation (v. art. 1090).
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(3) L'ancien texte ne présentait cette indivisibilité que comme passive seulement: c'était peut-être nne influence de l'article 1221-5° du Code français.
On ne voit aucun inconvénient à déclarer ici qu'elle peut être double, active et passive: l'article 464 est modifié en ce sens et l'article 1088 auquel il renvoie est aussi formel.
Art. 465. — 441. La loi arrive à des effets secondaires de l'indivisibilité; mais ils sont encore fort importants. Quand elle ne distinguera pas entre l'indivisibilité active et passive (art. 462) ou seulement passive (art. 463), ces effets pourront être considères comme communs aux deux cas.
Lorsque la loi reconnaît à chaque créancier un droit intégral de poursuite, ce n'est que dans ses rapports avec les débiteurs; mais il va sans dire que la cause qui a fait naître la créance au profit de plusieurs fait supposer entre eux des rapports particuliers qui donneront lieu à un compte à régler: ce sont ou des copropriétaires, on des associés, ou des cohéritiers, ou des époux; leurs droits sur le profit de la créance se régleront donc d'après leurs rapports respectifs antérieurs, ou nés au moment même de la convention, par un mandat mutuel. Il en est de même pour les codébiteurs qui ne se trouvent engagés simultanément dans la même obligation que par suite de rapports antérieurs ou, tout au moins, distincts de ceux de l'obligation indivisible, s'ils y sont concomitants.
S'il n'y a pas lieu à une action fondée sur des rapports de droit antérieurs, les recours des créanciers ou des débiteurs les uns contre les autres, pour partager, également ou inégalement, le profit ou la charge de l'obligation, se font valoir par une action en garantie (voy. art. 418): dans cette action, le créancier qui a seul reçu le montant de l'obligation sera défendeur visn-vis des autres, et, s'il s'agit d'un débiteur qui a payé toute la dette, celui-ci sera demandeur contre les autres.
Art. 466. — 442. B ien que, dans l'obligation indivisible, le droit existe entier en la personne de chaque créancier, il ne s'en suit pas que chacun puisse disposer du droit comme s'il était seul intéressé: la loi ne pouvait le permettre, même à charge du recours en garantie prévu à l'article précédent, et cela, par deux raisons: d'abord, ce recours pourrait être rendu inefficace par l'effet de l'insolvabilité de celui qui y est soumis; ensuite, lors même qu'il serait utile, il ne conduirait qu'à des dommages-intérêts en argent, divisés, et ne constituant qu'un équivalent imparfait du droit perdu.
Mais il y a un mode d'extinction de l'obligation par un des créanciers que la loi ne pouvait exclure, c'est celui auquel peuvent tendre légitimement les efforts de chacun, à savoir, l'exécution réelle de l'obligation suivant sa teneur, ou le payement: la loi le réserve, expressément. D'ailleurs, dans le cas de payement intégral fait à un seul des créanciers, les deux dangers signalés plus haut n'existent qu'à un moindre degré: ou bien une chose aura été transférée et la propriété en sera devenue commune aux divers créanciers, ou bien un fait aura été accompli relativement à une affaire commune et tous en auront profité; ce n'est guère qu'au cas rare de payement d'argent ou de denrées (v. art. 462, 2e al.) que serait à craindre le danger d'insolvabilité du créancier qui a reçu le payement; mais encore, dans ce cas, les autres créanciers peuvent prendre des mesures pour que le payement ne se fasse qu'en présence et aux mains de tous réunis.
Dans tous les cas, pour que l'un des créanciers puisse recevoir seul le payement, il faut qu'il le reçoive tel qu'il est dû, tel qu'il a été stipulé: il ne pourrait pas recevoir une chose pour une autre (aliud pro alio), ce qu'on appelle " dation en payement" (voy. art. 482), et cela, lors même qu'il recevrait plus qu'il n'est dû. A plus forte raison lui est-il défendu de faire une remise gratuite de la dette, ou une novation qui en changerait un des éléments.
La loi suppose cependant que l'un de ces actes a été fait et elle lui donne tout l'effet qu'il peut avoir sans compromettre le droit des autres créanciers: leur droit sera exercé, en entier, contre le débiteur unique ou contre celui des co-débiteurs qu'ils voudront choisir, comme s'il n'y avait pas eu remise de dette, novation ou compensation; mais ils tiendront compte à celui-ci d'une valeur en argent égale à la part de profit qu'ils auraient eue à communiquer à leur co-ctféancier, s'il n'avait pas fait remise ou novation. De cette manière, la convention libératoire conservera son effet sans nuire aux autres créanciers. Comme cette matière comporte des distinctions très délicates, au sujet de la novation, de la remise de dette et de la compensation, la loi fait un renvoi précis aux dispositions spéciales qui concernent l'indivisibilité entre créanciers (v. art. 523, 4° al., 531, 537, 2e al. et 543, 4° al.).
De ces diverses hypothèses le Code français (art. 1224) et le Code italien (art. 1207) n'ont prévu que la remise de la dette et la dation en payement pour lesquelles ils ont donné les mêmes solutions que le Projet.
443. Ni ces Codes, ni le Projet, ne prévoient le cas cù l'exécution de l'obligation indivisible deviendrait impossible par la faute d'un des créanciers; ici, les principes généraux suffisent à indiquer la solution: tous les débiteurs sont libérés envers tous les créanciers, car cette perte est, pour eux, un cas fortuit ou une force majeure; mais le créancier fautif est tenu envers chacun des autres de les indemniser de leur part dans le profit de l'ancienne créance et cette indemnité est divisible.
Art. 467. — 444. En sens inverse des dispositions qui précèdent, les créanciers, qui n'ont pas le pouvoir de se nuire respectivement, peuvent se rendre de bons offices, au sujet de la créance commune; ce n'est pas qu'il y ait mandat réciproque, comme dans la solidarité entre créanciers; il n'y a même pas lieu de faire intervenir l'idée d'une gestion d'affaires, car les cocréanciers peuvent ne pas se connaître tous, lorsqu'ils sont devenus tels par succession. Si les actes conservatoires faits par l'un des créanciers sont considérés comme profitant aux autres, à cause de la nature de la dette qui ne permet pas qu'elle soit conservée pour une part et perdue pour les autres, l'équité ne permettrait pas davantage qu'elle fût conservée pour le tout au profit d'un seul créancier et perdue pour les autres.
La loi a spécialement mentionné la mise en demeure du débiteur parmi les actes conservatoires qui, faits par un créancier, profitent aux autres. On sait que la mise en demeure produit plusieurs effets importants: elle rend le débiteur responsable de la perte, même fortuite, qui n'aurait pas eu lieu s'il avait exécuté l'obligation (art. 355 et 350), elle le soumet aux dommages-intérêts à raison du retard (art. 404), enfin elle interrompt la prescription (art. 1452).
Le Code français et le Code italien ont négligé de se prononcer sur les effets généraux de la mise en demeure provenant d'un seul des créanciers ou exercée contre un seul des débiteurs, dans le cas de l'obligation indivisible; ce qu'ils ont fait. au contraire, pour l'obligation solidaire. Mais ils ont réglé ce qui concerne l'interruption et la suspension de la prescription, dans un cas de droit réel indivisible: ainsi, la prescription interrompue par l'un des titulaires d'une servitude, est interrompue au profit des autres; de même la suspension existant au profit de l'un d'eux, à cause de sa minorité, profite aux autres titulaires majeurs (c. civ. fr., art. 709 et 710; c. civ. it., art. 671 et 672). Ces solutions sont données, il est vrai, au sujet des servitudes, mais on ne doit pas hésiter à les appliquer à tout autre droit indivisible.
En ce qui concerne l'interruption faite contre l'un des débiteurs ou contre l'un de leurs héritiers, la loi la déclare également opposable aux autres (v. art. suiv.; c. civ. fr., art. 2249, 2e al. in fine, et c. it., art. 2130).
Le motif pour lequel les effets de l'interruption et de la suspension de la prescription ont autant et plus encore d'étendue dans l'indivisibilité que dans la solidarité, quoiqu'il n'y ait pas de mandat réciproque, c'est, d'une part, l'impossibilité d'admettre une suspension ou une interruption limitée qui tendrait à une extinction partielle de la dette; d'autre part, l'impossibilité de refuser tout effet à l'interruption due à la vigilance d'un créancier ou à la suspension protectrice de sa minorité.
Le Projet japonais a suivi ici les précédents des Godes étrangers; qependant, on alléguera peut-être qu'il lui eût été possible de s'en écarter sans manquer à la logique et à l'équité, qu'on aurait pu, tout en maintenant le droit intégral du créancier diligent ou mineur, faire profiter le débiteur de la négligence des autres créanciers, en employant le procédé établi par l'article précédent pour la remise de la dette faite par un des créanciers. Mais, l'analogie n'est pas aussi complète qu'elle le paraît: la prescription est, comme on l'a déjà annoncé (T. Ier, nos 42 et 75) et comme on le démontrera plus amplement, en son lieu, une présomption légale de payement; or, de même que le débiteur ne peut pas avoir effectivement payé sa dette à l'un des créanciers sans être libéré envers les autres, ainsi, il ne peut invoquer une présomption de payement contre les uns sans l'invoquer en même temps contre les autres; d'un autre côté, il ne peut invoquer la présomption de payement contre celui qui a fait des actes interruptifs ou qui jouit de la suspension de prescription; il ne pourra donc l'invoquer contre aucun. C'est ce que décide le Projet.
Art. 468 et 469. -445. Ces deux articles forment la contre-partie des deux précédents: les co-débiteurs, dont les uns peuvent quelquefois profiter des actes des autres (voy. art. 528, 3e al.), ne peuvent, pas plus que les co-créanciers, se nuire les uns aux autres.
En ce qui concerne la mise en demeure, il semble qu'il y ait contradiction entre la disposition précédente qui permet aux créanciers de se prévaloir de celle faite lHL1' un d'entre eux et la présente règle qui ne permet pas d'opposer à tous les débiteurs celle faite contre un seul. Mais la contradiction disparaît, si l'on suppose, dans le premier cas, qu'il n'y a qu'un seul débiteur et plusieurs créanciers et, dans le second cas, qu'un seul créancier et plusieurs débiteurs: le débiteur unique averti par un seul des cocréanciers, est censé avoir été averti par tous: il lui importe peu de payer à l'un plutôt qu'aux autres; au contraire, celui des codébiteurs qui n'a pas été mis en demeure n'est pas averti par la mise en demeure des autres, car il peut l'ignorer.
Il en est autrement de l'interruption de prescription, effet principal de la mise en demeure: elle ne peut avoir lieu contre l'un des codébiteurs sans avoir lieu en même temps contre les autres; autrement, les uns invoqueraient une présomption de payement, quand les autres resteraient débiteurs, ce qui est inconciliable avec la nature de l'obligation indivisible et avec l'effet du payement prouvé ou présumé; d'un autre côté, le créancier qui a poursuivi l'un des débiteurs ne peut se voir opposer la prescription par celui-ci: la solution est donc identique à la précédente et par identité de motifs.
C'est encore par le même motif que le créancier qui jouit du bénéfice de la suspension de prescription visà-vis d'un des débiteurs en jouit vis-à-vis des autres: par exemple, au cas de là minorité du créancier unique, il est clair que celui-ci a contre tous ses débiteurs le bénéfice de l'âge.
446. L'article 469 applique aux débiteurs le principe que les fautes sont personnelles, en l'absence de mandat fondant une responsabilité collective, comme cela a lieu dans l'obligation solidaire. Si donc l'un des débiteurs a, par sa faute, empêché l'exécution normale de la dette, il est seul tenu des dommages-intérêts ou de la clause pénale. La loi n'a pas eu besoin de mettre sur la même ligne que la faute directe; le retard apporté à l'exécution ou même la perte fortuite postérieurs à la mise en demeure: il résultait déjà suffisamment de l'article précédent que les débiteurs qui n'avaient pas été individuellement mis en demeure n'en devaient pas souffrir.
En ce qui concerne la clause pénale, le Projet s'est écarté ici des deux Codes français et italien qui tous deux mettent la clause pénale à la charge de tous les débiteurs pour la faute d'un seul, bien qu'ils n'y mettent pas les dommages-intérêts ordinaires (c. civ. fr., art. 1232 et 1233,2e al. et c. civ. ital., art. 1215 et 1216, 28 a].). Cette différence entre la clause pénale et les dommages-intérêts laissés à la fixation des tribunaux est difficile à justifier et ne devait pas être imitée. C'est en vain qu'on prétendrait voir dans la clause pénale une obligation alternative et conditionnelle qui prendrait la place de l'obligation indivisible, lorsque celleci ne pourrait être exécutée: la clause pénale n'est toujours que l'estimation anticipée des dommages-intérêts et ne doit être due, comme eux, que par celui des débiteurs qui est en faute,
Par le même motif, le Projet n'a pas eu à distinguer, comme les Codes précités, si la clause pénale avait été ajoutée à l'obligation principale pour en assurer l'exécution intégrale: il n'était pas possible de donner, dans ce cas, plus d'efficacité à la clause pénale que dans le cas où l'indivisibilité résultait de la nature propre de l'obligation.
Art. 470. — 447. Déjà dans l'article 463, 1er al., on a vu le débiteur actionné par l'un de plusieurs créanciers demander que tous les créanciers interviennent, pour qu'il puisse être libéré à leur égard; ici, c'est l'un de plusieurs débiteurs qui demande à n'être pas poursuivi seul et qui requiert que la condamnation soit prononcée simultanément contre tous, ce qui pourra induire le créancier à faire exécuter contre les autres autant que contre lui; en même temps, ce débiteur obtiendra subsidiairement contre les autres une condamnation à la garantie qui lui sera due s'il paye pour tous (comp. c. civ. fr., art. 1225 et c. civ. it., art. 1208).
Entre ces deux dispositions il y a, d'ailleurs, une différence qu'il ne faut pas négliger: dans l'article 463, c'est le créancier poursuivant qui doit, sur la réquisition du débiteur, prendre soin d'appeler en cause ses co-créanciers: dans le présent article 470, c'est le débiteur poursuivi qui appelle spontanément en cause ses co-débiteurs; le créancier ne lui doit à cet égard qu'un délai: la raison en est que le débiteur peut ne pas connaître tous ses créanciers, tandis qu'il doit connaître tous ses co-débiteurs.
Notons enfin, que la faculté accordée au débiteur par notre article 470 ne s'applique qu'aux cas d'indivisibilité active et passive, de là, le renvoi à l'article 462: dans les cas de l'indivisibilité passive seulement, prévus par l'article 463, le débiteur poursuivi est trop étroitement tenu de l'exécution intégrale pour pouvoir retarder et modifier la poursuite.
Les Codes français et italien ont négligé cette distinction.
SOMMAIRE.
Art. 471. — N° 448. Remarque sur le 66 mode d'extinction.
-449. De la volonté d'une seule des parties, de sa mort et du terme, considérés comme causes d'extinction des obligations. -450. Comparaison des causes d'extinction des droits réels et des droits personnels.
COMMENTAIRE.
Art. 471. — 448. Chacun de ces modes d'extinction devant faire l'objet d'une Section particulière, il n'y a pas lieu d'en indiquer ici, même sommairement, le caractère distinctif. On fera seulement deux remarques:
1° Au lieu de nommer la 6e cause d'extinction '1 perte de la chose due," comme font les autres Codes, le Projet prend une formule plus générale, " l'impossibilité d'exécuter elle a l'avantage de s'appliquer aux obligations de faire et de ne pas faire, en même temps qu'à celle de donner; en outre, elle comprend des cas où il n'y a pas perte proprement dite de la chose due et où cependant le débiteur est libère: par exemple, si la chose est retirée du commerce.
2° Au lieu de faire figurer simplement la prescription comme un 10e mode d'extinction des obligations, la loi prend, pour l'énoncer, une sorte de précaution, une périphrase, qu'elle a déjà employée au sujet de l'acquisition de la propriété (art. 45), de l'usufruit (art. 47) et des servitudes (art. 296). En effet, on a déjà annoncé (T. Ier, nos 42, 75, 75 bis et 365) que la prescription n'est pas, dans le présent Projet, un moyen direct d'acquérir ou de se libérer, mais seulement une présomption légale absolue d'acquisition ou de libération légitime dont la partie qui l'invoque n'a qu'à prouver qu'elle en remplit les conditions.
C'est au Livre ve, IIe Partie, que cette théorie sera pleinement justifiée, en même temps qu'on en fera ressortir tout l'intérêt.
449. Indépendamment des causes d'extinction ici énumérées, on pourrait citer, pour quelques cas particuliers, la volonté de l'une des parties et sa mort; mais ces deux causes d'extinction des obligations n'ont pas la généralité d'application qui seule forme l'objet de cette IIe Partie, consacrée aux Obligations en général. En effet, ce ne sont que certains contrats particuliers qui prennent fin par la volonté d'une des parties ou par sa mort; par exemple, la société, le mandat, le dépôt, le prêt à usage; ce sont des contrats formés surtout en considération des personnes et dans lesquels le but poursuivi ne pourrait être utilement atteint sans ùn accord persistant des volontés ou avec un changement de personnes par décès (voy. nos 116 et 117).
On cite aussi quelquefois l'échéance du terme comme cause d'extinction de l'obligation. Ordinairement, l'échéance du terme, au lieu de mettre fin au droit du créancier, lui donne, au contraire, tout son effet, en le rendant exigible; mais si la convention porte qu'il sera - fait au créancier un certain nombre de prestations annuelles, on dit alors, quand le nombre des années est écoulé, que le terme est extinctif. 11 en est de même pour les prestations qui doivent être continuées seulement pendant la vie du créancier: sa mort, quoique incertaine dans son arrivée, est alors un terme extinctif.
Il n'y aurait pas grand inconvénient à ajouter cette cause d'extinction à celles qui précèdent; mais on peut dire aussi qu'elle n'a pas un caractère de généralité suffisant pour l'énoncer ici; on peut dire même qu'elle rentre dans le cas du payement, car la dette, ayant été acquittée pendant le temps convenu, se trouve payée, et si les prestations dues n'avaient pas été effectuées, certes, le temps échu n'en libérerait pas le débiteur.
450. Il n'est peut-être pas sans intérêt de rapprocher ici les causes d'extinction des droits réels (a) de celles d'extinction des droits personnels ou des obligations. Il y a, du reste, à peu près autant de différences que de ressemblances.
Sont communs aux deux sortes de droits, comme modes d'extinction: la remise ou renonciation, la perte de la chose objet du droit, la confusion ou consolidation, la rescision, la résolution, la révocation de la convention d'où provient le droit, le non-usage et la prescription j mais encore ces moyens d'extinction comportent-ils des nuances dans leur application aux deux sortes de droits.
Restent propres aux obligations ou aux droits personnels: le payement, la novation, la compensation. Restent, de même, propres aux droits réels: l'accession ou incorporation, la confiscation, l'expropriation pour cause d'utilité publique; en outre, l'expiration du terme met fin aux droits réels qui ne sont pas perpétuels de leur nature, comme l'usufruit et le bail, et la mort du titulaire met fin à ceux qui sont concédés en faveur de la personne, comme l'usufruit, l'usage et l'habitation.
Il faut enfin noter que la loi, considérant toujours l'obligation d'une personne envers une autre comme une situation anormale, exceptionnelle (voy. nos 90 et 241), est favorable à son extinction qui rétablit l'indépendance respective des personnes; au contraire, la loi n'a pas la même raison de favoriser l'extinction des droits réels, surtout du droit de propriété; tout au plus, favoriserait-elle l'extinction de l'usufruit et des servitudes foncières qui ont aussi quelque chose d'anormal; mais encore, il y a cette différence essentielle que l'obligation est toujours destinée à une extinction plus ou moins prompte: il n'y en a aucune qui soit absolument perpétuelle, car la rente même qui, seule, peut être stipulée perpétuelle, est essentiellement rachetable (voy. c. civ. fr., art. 530 et 1211; Proj., art. 887).
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(a) Voir: pour l'extinction de la propriété, l'article 44; de l'usufruit, l'article 102; du bail, l'article 157; de la possession, l'article 226; des servitudes foncières, l'article 307.
SOMMAIRE.
Art. 472. — N° 451. Division de la matière en quatre paragrapbes. —452. Cession de biens: rareté de son application.
COMMENTAIRE.
Art. 472. — 451. Cet article a surtout pour but d'annoncer les divisions qui vont suivre.
La loi donne, incidemment, la définition de mot payement, dans son sens le plus large: c'est Il l'exécution de l'obligation, suivant sa forme et teneur." Cette définition est aussi large que possible et s'applique aussi bien aux obligations de faire ou de ne pas faire qu'à celles de donner. C'est à tort que quelques auteurs ont prétendu que, dans un sens plus large encore, le mot payement exprime tout moyen d'extinction de l'obligation: c'est, il est vrai, le sens du mot latin solutio, mais le mot français payement ne vient pas du mot sol ut i 0, il vient d'un mot de basse latinité, de pacar e ou pagare, altération, sans doute, de p lac are qui signifie apaiser / or, un débiteur apaise son créancier en lui donnant satisfaction, en exécutant, mais non en invoquant, par exemple, la perte de la chose due ou la prescription et, encore moins, en intentant une action en rescision, en résolution ou en révocation.
Le payement simple opère une libération plus complète que le payement avec subrogation: on verra bientôt (§ 4e) que le payement avec subrogation est fait par un tiers ou par l'un de plusieurs débiteurs et que celui qui a payé peut recourir contre celui qui a été libéré, en exerçant les actions qui appartenaient au créancier, ce qui permet de dire que l'obligation n'est pas entièrement éteinte. Le payement simple est donc celui qui n'est pas accompagné d'une pareille subrogation.
La plupart des règles du payement simple s'appliquent aussi au payement avec subrogation, c'est pourquoi les Codes français et italien traitent de celui-ci sous l'intitulé " du payement en général."
On procédera ici un peu différemment et c'est à l'occasion du payement simple que l'on verra successivement: 1° Qui peut payer (art. 473 à 476); 2° A qui le payement peut être fait (art. 477 à 480); 3° Quelle chose doit être payée (art. 481 à 488); 4" Où le payement doit être fait (art. 489); 5° Qui supporte les frais du payement (ibid.); 6° Quand le payement doit être fait (art. 490).
Le 2e alinéa de notre article 472 se borne à annoncer quand il y a lieu à imputation du payement; on y reviendra au § 2e.
Le 3e alinéa prévoit le cas où le payement n'est pas volontairement reçu par le créancier: la loi pourvoit alors à la protection du débiteur qui doit pouvoir se libérer, afin de faire cesser le cours des intérêts et de se décharger des risques de la chose due (v. § 3e).
452. Quant à la cession de biens.ou abandon à faire par le débiteur à ses créanciers (visée par le 46 alinéa), le Code français né, la présente que comme un moyen d'affranchir de la contrainte par corps le débiteur " malheureux et de bonne foi '-' (art. 1265 à 1270); or, la contrainte par corps ayant été abolie en 1867, en matières civile et commerciale, on peut considérer ces articles comme devenus à peu près sans application (a).
Le Code italien, qui n'admet pas non plus la contrainte par corps, a supprimé ce qui concerne la cession de biens.
Au Japon, la contrainte par corps n'existe pas davantage; on pourrait donc douter qu'il y ait lieu de faire une place à la cession de biens. Mais, quand on considère que, depuis 1856, on a admis, en France, pour les commerçants faillis, des " concordats par abandon d'actif" (voy. c. comm. art. 541) et que ces concordats ont donné des résultats satisfaisants, en simplifiant la liquidation des faillites et en en diminuant les frais et les lenteurs, il y a lieu, non seulement de les admettre, au Japon, pour les commerçants faillis, mais même de les étendre aux débiteurs non commerçants devenus insolvables. De là le renvoi à une loi civile spéciale (1).
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(1) Cette loi a été faite récemment: elle porte la date du 4 oct. de la 23e année de Meiji (1890).
(a) La contrainte par corps reste cependant applicable aux amendes, dommages-intérêts et frais dûs par suite de condamnation en matière de crimes, délits et contraventions; mais il sera rare qu'elle puisse prendre fin par la cession de biens, parce que le débiteur, qui pourra bien souvent être "malheureux," sera rarement "de bonne foi." On peut cependant trouver la bonne foi dans le cas de simples contraventions.
SOMMAIRE.
Art. 473. — N° 453. -I. Qui peut payer; payement par un tiers.
474. -454. S'il faut, ou non, le consentement du créancier et du débiteur pour le payement par un tiers.
475. —-455. Recours divers du tiers qui a payé.
476. -456. Délivrance d'un corps certain; payement d'une chose de quantité. -457. A quel moment sont requises la qualité de propriétaire et la capacité d'aliéner. -458. Conséquences du défaut de ces qualités. -459. Consommation de bonne foi par le créancier; observation sur la suppression de son titre.
477. -460 et 461. —II. A qui le payement peut être fait; payement à un mandataire révoqué, à un gérant d'affaires; ratification par le créancier.
478. -462. Payement au possesseur de la créance: idée générale du cas. -463. Exemples donnés par la loi. - 464. De qui est exigée la bonne foi; du payement fait au possesseur avant l'échéance.
479. -465. Capacité de recevoir le payement; profit obtenu; ratification.
480. -466. Payement après saisie-arrêt. -467. Danger de payer l'excédant de la somme due sur les causes de la saisie: exemple. -468. Saisie-arrêt sur choses mobilières ou immobilières. -469. Nature spéciale de l'obstacle au payement résultant de la saisie-arrêt. -470. Répétition contre le débiteur-saisi.
481 et 482. —471. —III. Quelle chose on doit payer: observation de la convention; qualité moyenne. -472. Dation en payement d'une antre chose, par un nouvel accord des parties.
483. —473. Application à la chose due de la théorie des fautes et de la théorie des risques; dépenses nécessaires et utiles faites pour la cbose. —474. Dette de choses de genre: généra non pereunt.
484. —475. Dette de sommes d'argent: deux métaux monétaires ou bimétallisme; inconvénient d'un rapport légal de valeur entre eux. -476. Insuffisance ou danger des correctifs proposés. -477. Occasion négligée, au Japon, de n'avoir qu'une monnaie à valeur légale, l'autre portant seulement son poids et son degré de fin. —-478. Conflit des lois positives tt arbitraires avec les lois naturelles et économiques; nature et rôle du papier-monnaie ou papier d'Etat; le Japon n'a fait, ni mieux, ni plus mal, que les autres pays. Note sur l'ancien papier-monnaie. —479. Occasion que présente le nouveau Code civil de remédier au mal, sans refondre les monnaies. -480. Le choix de la monnaie toujours laissé au débiteur. -481. Respect obligé de l'altération légale (invraisemblable d'ailleurs) de la valeur des monnaies. -482. Conventions prohibées comme contraires à l'ordre public; disposition particulière du Code italien, à cet égard; explication incidente de l'article 143 du Code de Commerce français.
485. -483. Convention permise par le Projet japonais, au sujet du payement de la valeur moyenne, le débiteur gardant le choix de la monnaie à donner. —-484 et 485. Réfutation des objections tirées de l'ordre public: il est dans le cours forcé des monnaies, non dans leur rapport légal de valeur. -486. Digression sur le change dit de place. —487. Le système proposé favorise le vœu du législateur, en modérant l'écart des valeurs respectives. —-488. Application du système, au Japon, avec les deux monnaies métalliques. (En note: explication de la prime et de la perte d'une monnaie sur l'autre; prime en dedans, prime en dehors.)-489. Nécessité, dans le système proposé, d'une constatation officielle du cours commercial des monnaies. —-490. Des payements internationaux.
486. -491. Autres conventions permises: Ier cas. -492. 11e cas. Effet permis d'une convention prohibée. -493. IIIe cas. Convention au sujet des monnaies étrangères. -494. Comparaison de ces conventions avec celle prévue à l'article précédent.
487. —495 et 496. Dispositions particulières, au sujet des monnaies d'argent dites " divisionnaires " et des monnaies de nickel et de cuivre. -497. Conventions permises, convention prohibée.
488. -498. Règles particulières au prêt d'argent: renvoi.
489. -499. -IV. En quel lieu le payement doit être fait.-500. Changement de domicile. -501. -V. Frais du payement.
490. —-502. — VI. Quand le payement doit être fait. Remarque générale sur la difficulté de la méthode dans la rédaction des lois.
COMMENTAIRE.
Art. 473. — 453. -I. Cet article et les trois suivants sont consacrés à la première des questions annoncées: " Qui peut payer ?"
Le présent article dit, en quelque sorte, que toute personne peut payer. D'abord, le débiteur unique, ou l'un des codébiteurs, en remarquant qu'il n'y a de véritables codébiteurs que dans la dette intégrale, solidaire ou indivisible, car dans la dette simplement conjointe, il a autant de dettes distinctes que de débiteurs. Puis, viennent ceux que le Code français appelle " tiers intéressés au payement" et que le Projet appelle " débiteurs subsidiaires,". parce qu'ils sont tenus, non pour eux, mais pour d'autres: ce sont les cautions et ceux qui, ayant acquis un immeuble, après que le propriétaire l'avait hypothéqué à sa dette, sont exposés à être expropriés par le créancier, s'ils ne préfèrent acquitter la dette. Enfin, peuvent payer, les tiers qui n'ont pas d'intérêt pécuniaire appréciable au payement et qui peuvent être mus par le désir de rendre un bon office, soit au débiteur, soit même [tu créancier, tout en conservant un recours pour le remboursement. Quelquefois cependant, en France, un tiers paye la dette d'autrui, par l'entremise d'un notaire, sans connaître, ni le créancier, ni le débiteur, et uniquement pour employer ses capitaux, en se faissant subroger aux sûretés qu'avait le créancier; dans ces cas, on dit encore que le payement est fait par un tiers non intéressé," parce qu'il n'a pas un intérêt né de l'obligation elle-même.
Lorsqu'un tiers non intéressé paye la dette d'autrui, il peut le faire au nom du débiteur ou en son propre nom; dans le premier cas, il est un véritable gérant d'affaires; il pourrait même être un mandataire; dans le second, il n'a pas cette qualité et la distinction a quelque influence sur l'étendue de son recours, comme on le verra ci-après, au sujet de l'article 4,;),
Art. 474. — 454. Cet article tranche une double question, a savoir, s'il faut le consentement du créancier et celui du débiteur pour le payement fait par un tiers.
D'abord, si le tiers est intéressé à payer, il est naturel que, ni le créancier, ni le débiteur principal, ne puissent s'opposer au payement, parce qu'un iniêrrt né d'une convention ou de rapports légaux est équivalent à un droit; mais même, si le tiers n'est pas intéressé, le payement, en principe au moins, peut encore être imposé au créancier ou effectué malgré le débiteur. Le motif en est, comme on l'a dit plus haut, que toute obligation est une situation anormale, une cause éventuelle de procès ou de désaccords, et la loi doit en favoriser l'extinction. Cependant, une exception est admise dans chaque cas.
Le consentement du créancier sera nécessaire, si l'obligation était de telle nature qu'il eût intérêt à ce que l'exécution fût faite par le débiteur lui-même: la loi suppose, à cet égard, qu'il s'agit d'une obligation " de faire," parce que, pour celle de donner, on ne comprendrait guère que le créancier eût intérêt à ce que la dation fût faite par le débiteur lui-même, de préférence à un tiers; quant à l'obligation de ne pas faire, un tiers, intéressé ou non, ne sera jamais en situation de la remplir pour le débiteur lui-même: une abstention est de sa nature et nécessairement personnelle.
Le consentement du débiteur sera nécessaire pour la validité du payement, si le créancier a, de son côté, manifesté sa résistance au payement: en pareil cas, l'intervention d'un tiers malgré le débiteur lui-même ne serait plus aucunement justifiable, elle serait même choquante. On remarquera seulement que cette opposition du débiteur au payement déjà refusé par le créancier n'est admise que si le tiers qui veut payer n'est pas intéressé. Au contraire, quand il s'agit du refus du créancier, permis par le premier alinéa de notre article, l'intérêt qu'aurait le tiers au payement ne l'autoriserait pas à le faire; ainsi une caution qui aurait garanti l'exécution d'une oeuvre d'art ou d'un travail scientifique ou littéraire ne serait pas admise à l'exécuter elle-même malgré le créancier.
Art. 475. — 455. On verra au § suivant que le tiers intéressé qui a payé la dette d'autrui est subrogé " de plein droit ou par la loi " aux droits et aux sûretés du créancier, pour le remboursement de ce qu'il a payé en l'acquit du débiteur; le tiers non intéressé peut aussi être subrogé aux mêmes droits, mais seulement par convention avec le créancier ou avec le débiteur. A défaut de l'une ou de l'autre subrogation, le tiers non intéressé qui a payé n'en a pas moins un recours contre le débiteur; ce recours varie, suivant qu'il a payé au nom du débiteur, comme mandataire ou. gérant d'affaires, ou en son propre nom, c'est-à-dire malgré le débiteur ou croyant acquitter sa propre dette (1).
Supposons d'abord le payement fait par un mandataire général ou spécial du débiteur: on peut dire que le mandataire représentant le mandant, le payement n'est plus fait par un tiers, mais par le débiteur luimême. Toutefois, à côté de la fiction qui identifie le mandant et le mandataire, il y a la réalité: si le payement n'a pas été effectué avec les valeurs du mandant, mais avec celles du mandataire, il est nécessaire que celui-ci ait un recours: il aura l'action née du contrat de mandat; le montant en sera exactement ce qui aura été payé dans les termes et les limites du mandat, plus les intérêts des déboursés. Le mandataire pourrait d'ailleurs être subrogé aux droits du créancier, comme on l'expliquera sous le § 4.
Dans les deux autres cas, le profit ou avantage procuré au débiteur sera le fondement du recours; mais, dans le premier cas, celui de gestion d'affaires, ce profit s'appréciera au moment où le payement a eu lieu et, dans le second, au moment où est intentée l'action en remboursement (comp. nos 252 et 257). Ainsi le tiers a payé 1000 yens pour le débiteur, a, un moment où il y avait déjà matière à compensation pour 100 yens entre celai-ci et le créancier; plus tard, il est survenu entre eux une nouvelle cause de compensation pour 100 yens: celui qui a payé comme gérant d'affaires, au nom du débiteur, réclamera de lui 900 yens, montant du profit à lui procuré au jour du payement; celui qui a payé en son propre nom, malgré le débiteur ou croyant payer sa propre dette, ne réclamera que 800 yens montant du profit actuel. Mais, comme il ne serait pas juste que le créancier tirât de ces circonstances un profit illégitime, il devra rendre au tiers les sommes pour lesquelles la compensation aurait pu lui être opposée par le débiteur: dans cette mesure, il a reçu ce qui ne lui était pas dû et il est soumis à la répétition (art. 384).
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(1) L'ancien texte n'énonçait pas le triple recours présenté aujourd'hui sous ces distinctions.
Art. 476. — 456. Le payement est, comme l'a défini incidemment l'article 472, " l'exécution de l'obligation, suivant sa forme et teneur." Cette définition, d'après sa généralité même, s'applique à toutes les obligations: à celles de donner, de faire ou de ne pas faire. Le présent article contient une règle particulière pour. l'obligation Il de donner ou de transférer la propriété; " il en soumet le payemet ou exécution à deux conditions de validité chez celui qui paye, à savoir: la qualité de propriétaire des choses données en payement et la capacité de les aliéner.
Il faut se souvenir ici que quand la convention a pour objet de transférer la propriété, son effet est très différent, suivant que l'objet à transférer est individuel- lement déterminé, est un corps certain, ou n'est qu'une chose de quantité ou chose fongible: dans le premier cas, la propriété est transférée immédiatement, par le seul effet de la convention, sans distinguer s'il s'agit d'un meuble ou d'un immeuble: il ne reste plus qu'à faire la tradition ou délivrance, au temps convenu; s'il s'agit, au contraire, de choses déterminées seulement au poids, au nombre ou à la mesure, de choses de quantité, la propriété ne pourra être transférée que par la tradition ou par quelque autre moyen de détermination des objets (voy. art. 351 et 352).
457. Dans le premier cas, il est clair que la double condition de propriété et de capacité chez celui qui aliène ne peut être exigée qu'au moment de la COnVyIltion: le droit de propriété, surtout, ne peut plus exister chez le promettant au moment où il fait la délivrance, puisque l'aliénation a été consommée par le seul consentement. On a suffisamment expliqué ailleurs (voy. n° 60) comment la convention est radicalement nulle, faute de cause, si le promettant n'est pas propriétaire, et comment elle n'est qu'annulable s'il n'a pas la capacité d'aliéner (voy. art. 326). C'est seulement quand la propriété ne devra être transférée que par le payement (voy. art. 352) que le débiteur devra, à ce moment même, être propriétaire et capable d'aliéner.
Le présent article 476, évitant la trop grande généralité d'expression' du Code français (art. 1238), a soin de se placer spécialement dans l'hypothèse d'un payement qui doit opérer dation ou " translation de propriété; " c'est ce qu'a fait aussi le Code italien (art. 1240). Si l'on prenait le Code français à la lettre, on arriverait à dire que le dépositaire, l'emprunteur à usage, le locataire, qui rendent la chose déposée, prêtée ou louée (ce qui est un payement), doivent en être propriétaires, ce qui est absolument impossible et ce que le Code français n'a certainement pas voulu dire.
458. Après avoir posé les deux conditions requises pour la validité du payement qui nous occupe, l'article 476 règle les conséquences de l'inaccomplissemeut de l'une ou de l'autre. Il ne s'occupe, du reste, que des rapports entre le créancier et le débiteur; quant aux droits du véritable propriétaire contre celui qui a reçu en payement la chose d'autrui et contre celui qui l'a payée, il n'en est pas question ici; les règles de la propriété sont connues et elles auront ici leur application naturelle: le propriétaire pourra revendiquer sa chose contre celui qui l'a reçue, tant que la prescription acquisitive ne lui sera pas opposable, sons les distinctions qui seront établies entre les meubles et les immeubles. Si la revendication est devenue impossible, soit par l'effet de la prescription, soit par l'effet de la perte fortuite de la chose ou de sa consommation de bonne foi, le propriétaire aura, le plus souvent, une action contre le débiteur qui a paye, soit en vertu d'un contrat qui avait constitué celui-ci détenteur et débiteur de cette chose, soit en vertu d'un délit par lequel il s'en serait inclÙment saisi, soit en vertu de l'enrichissement que ce payement lui aurait procuré à partir du moment ou la libération se serait trouvée validée.
Pour ce qui est des rapports nos du payement irrégulier entre celui qui l'a fait et celui qui l'a reçu, la loi distingue le payement fait par un non-propriétaire et le payement fait par un propriétaire incapable d'aliéner.
Au premier cas, chaque partie peut demander la nullité du payement: cela ne peut faire difficulté du côté du créancier dont le droit n'est pas détruit par un payement qui n'a pas atteint son but.
Mais, on pourrait douter et quelques auteurs ont douté, en France, que le débiteur pût demander la nullité du payement. En effet, n'étant pas propriétaire, il ne peut revendiquer; si même, il avait la possession civile avant le payement, il ne peut la recouvrer par une action possessoire, parce qu'il l'a librement abandonnée ou cédée; il ne peut non plus exercer, à cet égard, une action née de la convention, car, lors même qu'elle serait synallagmatique, elle ne lui donnerait pas action pour revenir contre le payement qu'il a fait; enfin, on pourrait encore opposer au débiteur la maxime célèbre " qu'étant garant de l'éviction, il ne peut l'opérer lui-même" (voy. n° 216). Mais il a l'action personnelle en répétition de l'indu; car c'est un des cas de payement indu que celui où le débiteur a payé une chose qui ne lui appartenait pas (voy. art. 3813 et n° 262). Son intérêt à répéter est d'ailleurs facile à concevoir et il est légitime: c'est de prévenir l'action en dommages-intérêts du véritable propriétaire.
Au second cas, la nullité fondée sur l'incapacité d'aliéner n'est plus absolue, mais seulement relative: l'incapable seul, le débiteur, pourra donc arguer le payement de nullité (comp. art. 340).
Mais, par esprit d'équité, la loi ne permet pas que le débiteur, soit dans le cas où il a donné ce qui ne lui appartenait pas, soit dans celui où il n'était pas capable d'aliéner, réclame contre le payement irrégulier sans offrir immédiatement un payement valable. 11 devra donc, au premier cas, offrir une chose qui lui appartienne et, au second cas, se faire dû ment assister ou représenter dans un nouveau payement (par son tuteur, père ou mari, suivant la cause d'incapacité), ou attendre, pour faire un nouveau payement, que la cause d'incapacité ait cesse. Jusque-la, le créancier peut retenir la chose indûment payée.
Ce droit de rélaiition donné par la loi au créancier doit lever tous les doutes que ferait naître la maxime précitée (quem de eviefione tenet actio cllliulem ctjenfem repellit exceptio); car, du moment qu'il ne sera évincé par son débiteur qu'en recevant un payement valable, il n'a aucun sujet (je se plailHlre.
459. Il arrivera souvent que le créancier, ignorant la nullité du payement, aura consommé la chose reçue ou l'aura aliénée; dans ces cas, la répétition cesse du côté du débiteur, parce qu'elle causerait au créancier un dommage considérable et disproportionné a, sa faute. Bien entendu, le créancier lui-même, dans le cas où il aurait reçu la chose d'autrui, cesserait de pouvoir critiquer le payement, du moment qu'il en aurait tiré les avantages que lui aurait procurés un payement régulier (a). Mais si chose avait péri par cas fortuit, cette circonstance qui enlèverait au débiteur l'action en répétition n'enlèverait pas au créancier son action en nullité.
Dans ce cas de payement indÜ, la loi n'ajoute pas, comme cause de refus de répétition, de la part du débiteur, la circonstance que le créancier, sur la foi du payement, aurait supprimé son titre de créance (voy. art. 385, 23 al.); c'est qu'en effet cette suppression ne causerait pas le même préjudice au créancier que lorsque le payement a été fait par un autre que le débiteur: dans le cas qui nous occupe, le seul fait par le débiteur de répéter la chose comme indûment payée, faute de lui appartenir, implique suffisamment une reconnaissance de sa dette; elle constitue pour le créancier un nouveau titre qui répare la suppression de l'ancien. Le seul cas qui pourrait faire doute est celui où le titre supprimé aurait porté l'engagement d'une caution ou un gage mobilier; mais ces deux sûretés sont suffisamment compensées par le droit de rétention accordé ici au créancier. Elles ne sont pas d'ailleurs nécessairement perdues: le créancier pourrait réussir à les prouver par témoins, ce qui est permis au cas de perte du titre (v. art. 1405-2°).
Observons, en terminant, que les règles concernant le payement fait par un incapable ne s'appliquent pas au payement consistant à faire ou à ne pas faire quelque chose, ni au payement d'une obligation annulablè ellemême pour incapacité; mais l'exception opère en sens inverse dans chaque cas. S'il y a eu exécution, par un incapable, d'une obligation de faire ou de ne pas faire, valablement contractée à l'origine, le payement ne sera pas nul: il est considéré comme un des actes d'administration que les incapables peuvent faire, en général; il serait d'ailleurs à peu près impossible d'annuler un fait ou une abstention consommés. En sens inverse, s'il y a etL exécution ou payement d'une obligation annulable dès l'origine, pour incapacité, non seulement le payement est annulable, mais la nullité n'est pas couverte par la consommation ou l'aliénation de la chose par le créancier de bonne foi: dans ce cas, on applique les règles de la nullité des obligations qui seront exposés à la Section VII.
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(a) Les Romains avaient, à cet é::;-anl, une expression assez heureuse quand il y avait eu prêt ou payement de choses n'appartenant pas ait prêteur ou au débiteur et que le créancier avait consommé ou utilisé les objets, ils disaient: reconciliatur mutuum, reconciliatur solutio, " le prêt, le payement est réconcilié" (est validé).
Art. 477. — 460. II. Cet article et les trois suivants sont consacrés à la seconde question annoncée; A qui le payement peut-il être fait ?
Il est naturel que ceux qui peuvent recevoir le payement soient moins nombreux que ceux qui peuvent le faire: le créancier ne peut être exposé à perdre son droit sans son consentement. En principe donc, le payement ne peut être valablement fait qu'à lui-même ou à son représentant, Le texte ne dit pas ici, comme les Codes français (art. 1239) et italien (art. 1241), que le représentant peut être conventionnel, légal ou judiciaire: cela va de soi et il n'y a pas de raison ici, plus qu'en toute autre matière, d'énoncer les diverses sortes de représentants. On sait d'ailleurs qu'un mandataire est un représentant conventionnel, et le tuteur, le père ou le mari, des représentants légaux; quant aux représentants judiciaires ou délégués par la justice, on peut citer les administrateurs des biens des absents, des condamnés ou de deux qui sont décédés sans héritiers connus, les séquestres de biens litigieux, les syndics de faillite.
Si ces personnes, après avoir reçu le payement, le dissipaient et n'en tenaient pas compte au créancier, le débiteur n'en serait pas moins libéré, car il aurait valablement payé; il n'y aurait de difficulté que si le mandat ou la qualité de représentant avait cessé avant le payement et que le débiteur leur eût fait le payement, dans l'ignorance de cette circonstance. Il faudrait, pour apprécier la validité ou la nullité du payement, rechercher de quel côté il y a faute ou, au moins, faute plus considérable. Ainsi, dans le cas d'un mandat ayant déjà cesse par l'expiration du temps pour lequel il avait été donné, la faute serait au débiteur, car, ayant du. se faire justifier du mandat, il a dû aussi 011 connaître la durée; il devrait donc payer de nouveau, sauf son recours contre le mandataire inliclèle; au contraire, dans le cas d'un mandat révoqué par la volonté du mandant, si celui-ci n'avait pas notifié la révocation au débiteur et si ce dernier n'en avait pas été autrement informe, la perte retomberait sur le créancier. Dans le cas d'une représentation légale qui aurait cessé par la majorité du créancier ou par la dissolution du mariage, le débiteur serait généralement en faute de n'avoir pas connu ces circonstances; de môme, pour la cessation des pouvoirs d'un administrateur judiciaire; mais la question devrait surtout être décidée d'après les circonstances du fait.
461. Si le payement avait été fait à un tiers agissant comme gérant d'aifaires, le débiteur ne serait pas libère, en principe, parce que le garant d'affaires n'a pas qualité pour diminuer les droits et avantages du maître, mais seulement, pour les augmenter ou les conserver. Mais, si le créancier ratifie plus tard ce payement, c'est comme s'il avait donné mandat à l'origine (b); si, enfin, sans ratification, il se trouve avoir profité du payement fait sans son autorisation, il cesse d'être recevable à demander un nouveau payement, au moins dans la mesure du profit qu'il a tiré. Par exemple le débiteur a payé à un créancier de son créancier, même sans que celui-ci eût procédé par voie de saisie-arrêt comme il sera dit sous l'article 480; si la dette du créancier qui n'avait pas donné mandat de payer pour lui n'était susceptible, ni de contestation, ni de réduction, il sera considéré comme ayant profité du payement.
Dans ce dernier cas, il pourra se présenter des questions de preuves: Y avait-il mandat à l'origine ? A défaut de mandat, y a-t-il eu ratification ? Y a-t-il eu, au moins, profit pour le créancier ? Sur tous ces points, la preuve incombera au débiteur, car il est demandeur en validité du payement qu'il a fait; c'est donc à lui de prouver que les conditions eÍl sont remplies.
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(b) Ou a déjà cité l'axiome latin bien connu et fort exad:).atlj(icalio mandato œquiparatur: " la ratification équivaut au mandat."
Art. 478.' 462. Le cas prévu par cet article est assez délicat. H est emprunté au Code civil français (art. 1240) reproduit textuellement par le Code italien '(art. 1242). La difficulté est de savoir ce qu'il faut entendre par le " possesseur d'une créance: " assurément, ce n'est pas le véritable créancier; ce n'est pas non plus le détenteur du titre servant de preuve à la créance, sauf dans le cas de titre au porteur (v. ciaprès).
Déjà, lorsqu'on a traité de la possession, on a vu qu'elle s'appliquait non seulement aux choses corporelles, mais aussi aux choses incorporelles, aux droits, et, notamment, aux créances (voy. art. 193). Le possesseur d'une créance est celui qui, sans être le véritable créancier, se comporte comme tel et parait avoir cette qualité aux yeux des tiers; par exemple, en touchant les intérêts annuels, en faisant des poursuites, en accordant des délais.
Quand il s'agit d'une chose corporelle, il suffit, pour en avoir la possession civile, de la détenir physiquement, de l'avoir à sa disposition, " avec l'intention de l'avoir à soi " (art. 193); cette intention est d'ailleurs présumée (art. 198); il n'est pas nécessaire de détenir la chose en vertu d'un titre ou acte juridique destiné à la transférer. En matière de créance, la détention du titre instrumentaire Cc) ne saurait avoir le même effet; d'abord, il arrive très fréquemment qu'on est détenteur d'un titre, par suite d'un mandat ou d'un dépôt: cette détention ne pourrait donc être présumée, au même, degré, fondée sur un droit propre au détenteur; ensuite elle ne se révèle pas par des faits extérieurs qui lui donnent une publicité suffisante pour fortifier la présomption de droit (comp. art. 196); enfin et surtout, le titre même, portant le nom du véritable créancier, contredit la prétention du simple détenteur. Pour que la détention du titre fasse présumer le droit de créance, il faut ou qu'il s'agisse d'un titre au porteur, cas où le droit est attaché au titre même et non à une personne dénommée (voy. art. 366), ou, s'il s'agit d'un titre no-, ivinatif7 que le possesseur ait fait, en son propre nom (les actes plus ou. moins répétés de la nature c1e ceux qui appartiennent aux créanciers, fussent-ils de simples actes conservatoires.
Dans ces conditions, le payement fait de bonne foi par le débiteur est valable, c'est-à-dire le libère envers le véritable créancier qui n'est pas lui-même exempt de négligence; c'est ce dernier qui aura recours contre le possesseur, pour la restitution des valeurs payéesi avec le risque de son insolvabilité.
463. Le Projet, à cause de la difficulté de cette matière, a cru devoir donner des exemples de possesseurs de créance auxquels le payement pourra ainsi être fait valablement. Il en donne trois qui sont peutêtre les seuls que la jurisprudence et la doctrine franç8ises aient admis; mais la loi n'est pas limitative.
Le premier cas est celui de Il l'héritier apparent," expression consacrée pour indiquer celui qui passe, aux yeux des tiers, pour l'héritier légitime d'un défunt; la loi lui assimile tout autre successeur universel, tel qu'un donataire ou un légataire, quoique le cas doive se présenter plus rarement au Japon. Il peut arriver que cet héritier soit primé par un parent plus proche dont l'existence était ignorée, que la donation ou le testament soit nul ou révoqué; mais l'erreur commune commande de protéger le débiteur qui a payé de bonne foi (d).
Le deuxième cas est celui d'une cession de créance nominative, faite en bonne et due forme et notifiée au débiteur-cédé par le cessionnaire (voy. art. 3G7), mais qui n'a pas opéré un véritable transport, par le défaut de droit et de qualité chez le cédant. Dans ce cas, le cessionnaire a peut-être été imprudent, en ne se faisant pas justifier exactement les droits du cédant; peutêtre a-t-il été victime d'un faux qu'une plus grande vigilance aurait pu lui faire découvrir; mais ce n'est pas le cessionnaire que la loi protège, c'est le cédé qui, recevant notification de la cession, n'a pas eu à en vérifier la validité (e).
S'il s'agit d'un "' effet de commerce," nominatif toujours (lettre de change, billet à ordre, chèque), mais cessible par simple endossement (/), la solution sera identique, lors même que l'endossement aurait été signé par un faussaire, pourvu que le faux ne soit pas évident: le payement fait au cessionnaire apparent libérera le débiteur, s'il n'a pas d'ailleurs été fait avant l'échéance (voy. c. comm. fr., art. 144 et 145).
Le troisième cas est celui d'un titre au porteur cessible par la simple tradition; pour que la cession soit valable, il faut, il est vrai, que la tradition du titre soit faite par le véritable créancier; mais la facilité de fraude ou d'erreur est encore ici plus considérable que dans les titres nominatifs, et le payement fait au porteur du titre doit libérer le débiteur, comme dans les cas précédents.
464. On remarquera que la loi n'exige pas, pour la validité du payement, qu'il ait été reçu de bonne foi par le possesseur de la créance; mais elle exige la bonne foi chez le débiteur, c'est-à di,'c qu'il croye payer au véritable créancier.
La loi devait-elle encore subordonner la validité du payement à la condition qu'il ne fût pas fait avant l'échéance ? Cette condition qui. ne se trouve pas dans les Codes français et italien, pour les créances civiles, est exigée pour certaines créances commerciales (c. com., fr., art. 144 et 446). En faveur de l'extension de cette disposition au cas qui nous occupe, on pourrait dire que si le débiteur n'a pas attendu l'échéance pour payer, il a diminué les chances qui restaient au véritable créancier de se faire connaître en temps utile, d'évincer le possesseur et de se faire payer lui-même (g). Mais il faut reconnaître que la loi n'atteindrait pas son but si elle n'admettait pas la validité du payement fait avant l'échéance: du moment que le débiteur est de bonne foi, la loi ne peut exiger qu'il attende, l'échéance, ce serait admettre qu'il a eu des soupçons sur le droit du possesseur; d'ailleurs, de deux choses l'une: ou le terme a été établi dans l'intérêt du débiteur (ce qui est le cas ordinaire) et il peut toujours y renoncer (art. 424), la dette devient alors échue par sa volonté et il n'a pas payé avant l'échéance du terme; ou bien le terme est établi dans l'intérêt du créancier et celuici (ou du moins, le créancier apparent, le possesseur de la créance), en demandant le payement, ou même en le recevant, a renoncé au bénéfice du terme et la dette se trouve encore n'avoir pas été payée avant l'échéance.
Il n'y a donc pas lieu de demander plus que la bonne foi du débiteur au moment du payement. S'il en est autrement pour les dettes commerciales, spécialement pour les lettres de change et billets à ordre, c'est que ces titres, négociables par endossement et souvent rédigés en double ou triple original, font presque l'office de monnaie; dès lors, le débiteur s'il est prudent, doit toujours songer qu'il peut y avoir eu perte d'un des doubles déjà endossé et que le porteur légitime peut se présenter au dernier jour.
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(c) Le mot litre ayant, comme on le l'oit ici, deux sens, en français " fondement d'un droit et preuve d'un droit," on ajoute souvent au deuxième emploi, pour éviter l'équivoque, la qualification el' instrll men tai1'e, (lu latin: instrument uni, "instrument, preuve." Voy. ftllssi, note H, ci-après, pour un autre sens (ln mot titre.
(d) On peut appliquer ici un axiome célèbre: " !'ei')'eur commune fait le droit: " error communis facit jus.
(e) L'article 367 précité met sur la même ligne que la signification au cédé l'acceptation faite par celui-ci de la cession. Peut-être, dans ce cas, est-il lui-même en faute de n'avoir pas reconnu et signalé l'illégalité de la cession; mais il ne serait vraiment en faute que s'il assistait à la cession même; or, il peut accepter une cession faite en dehors de sa présence.
(f) L'endossement est, comme le mot l'indique, la cession mentionnée au dos du titre: il porte le nom du cessionnaire, la cause de la cession, la date et la signature du cédant dit cC endosseur."
(g) La lre édition du Projet donnait cette solution et par le motif cidessus présenté. Mais un plus mûr examen l'a fait:tba])don)iG!', dès la seconde édition, par les raisons données ci-après elles sont de nature à dissiper tons les doutes.
Art. 479. — 465. Il est plus fréquent de rencontrer chez le débiteur la capacité de payer que chez le créancier la capacité de recevoir le payement: le mineur émancipé, la femme mariée, peuvent payer valablement leurs dettes, quand celles-ci n'ont pas pour objet des choses qu'ils sont incapables d'aliéner; au contraire, ils ne peuvent valablement recevoir des capitaux, surtout en argent, parce qu'il y a trop de facilité pour eux de les dissiper ou de les perdre. Ce n'est pas ici que la loi détermine qui est capable ou incapable de recevoir un payement; elle suppose seulement que le créancier était incapable, et elle lui permet de faire annuler le payement, c'est-il-dire, en principe, d'en demander un nouveau, quand il sera devenu capable ou sera dûment représenté ou assisté. Mais l'équité la plus vulgaire ne permettrait pas que le créancier s'enrichît au détriment d'un débiteur imprudent: le payement sera donc maintenu, dans la mesure où il a profité au créancier.
Deux questions peuvent se présenter à ce sujet:
A quel moment devra-t-on apprécier le profit du créancier ?
Le (lébiteur ne peut-il prendre quelque mesure pour éviter de payer une seconde fois ?
Sur la première question, il est clair que l'on ne peut se placer au moment où le payement a été effectué; car, à ce moment, il y a toujours eu profit pour le créancier. Il ne faudrait pas non plus se placer, toujours et absolument, au moment où l'incapable demande la nullité du payement, car il a pu, avec les valeurs reçues, acquérir des objets mobiliers ou immobiliers qui, plus tard, ont péri par cas fortuit, et il ne serait pas juste que cette perte retombât sur le débiteur. On devra donc distinguer si l'incapable a acquis, soit des choses nécessaires ou utiles, soit (les choses de par agrément: dans le premier cas. il y a eu profit, par le fait même de cette acquisition, et la perte ultérieure devra retomber sur le créancier; dans le second cas, si le profit n'existe plus ou a diminué au jour de la demande en nullité du payement, la perte retombera sur le débiteur.
La seconde question est déjà éclaircie par la solution de la première: il serait injuste que le débiteur restât indéfiniment dans l'incertitude et à la discrétion (ln créancier: il pourra donc, aussitôt qu'il reconnaîtra la nullité de son payement, alors que les valeurs payées sont encore aux mains de l'incapable et, à plus forte raison, (lès qu'il y aura profit réalisé par quelque acquisition, lui demander soit de ratifier le payement, en se faisant autoriser ou représenter à cet effet, soit d'en invoquer immédiatement la nullité, en déduisant ce dont il a profité.
La loi n'a pas, dans le présent article, mis sur la même ligne, comme validant le payement, la ratification et le profit, ainsi qu'elle l'a fait dans le cas de l'article 477: il n'y avait pas à douter pourtant que 111 ratification, fût possible; mais elle est soumise, pour les incapables, à des conditions qui ne seront exposées qu'à la Section VUe (art. 577 et s.).
Art. 480. — 466. La saisie-arrêt qu'on appelle aussi "saisie-opposition ou opposition," crée il. la validité du payement un obstacle qui ressemble à une double incapacité: celle de payer, chez le débiteur, et celle de recevoir, chez le créancier. Avant de se prononcer sur son caractère exact, a ce point de vue. il faut d'abord se rendre compte des circonstances dans lesquelles elle intervient, de son but et de la manière dont la loi en assure les effets.
Lorsqu'un créancier a lui-même des créanciers, ceuxci peuvent craindre que leur débiteur, après avoir reçu ce qui lui est dû des mains de son propre débiteur, n'en détourne ou n'en dissipe le montant à leur préjudice; ils ont donc le droit de faire défense au débiteur de leur débiteur de " payer et vider ses mains" entre les siennes et de lui ordonner d'effectuer le payement entre les leurs. On nomme " saisissants ou opposants" les créanciers qui ont ainsi fait opposition au payement, "saisi ou débiteur-saisi" celui qui ne peut plus recevoir ce qui lui est du et " tiers-saisi " le débiteur du saisi qui ne peut plus payer à son propre créancier ce qu'il lui doit.
La procédure, un peu compliquée, de la saisie-oppositinl1 se trouvera au Code de Procédure civile (comp. e. proc. civ. fr., art. 557 à 582) (gg). On suppose ici qu'elle [l été faite régulièrement et que le tiers-saisi n'en tenant pas compte, a effectué le payement aux mains de son propre créancier; la conséquence naturelle est qu'il peut être contraint de payer de nouveau aux créanciers saisissants, et, comme il se trouvera avoir payé deux fois sa dette et que son créancier a profité du second payement autant que du premier, en se trouvant libéré de ses dettes, il n'est ni moins juste ni moins naturel que le débiteur ait une action en répétition contre son créancier, dans la mesure de ce qu'il a du payer aux saisissants.
Il va sans dire que si les sommes dues aux saisissants, si les " causes de la saisie," sont supérieures à la somme due par le tiers-saisi, celui-ci n'en sera pas moins libéré en payant seulement ce qu'il doit. Observons encore que s'il y a plusieurs saisissants, la priorité de saisie, en date, ne donne aucune priorité de droit: la saisie n'a pas pour effet d'attribuer au saisissant les biens de son débiteur, elle les place seulement sous la main de la justice; tous les saisissants sont donc payés proportionnellement au montant de leur créance, s'il n'y a pas d'ailleurs entre eux de cause de préférence.
467. Cette situation, assez simple au premier abord, peut se trouver compliquée dans des cas particuliers. Supposons d'abord que la saisie ait été faite pour une somme ou valeur inférieure à la dette du tiers-saisi, ce dernier a pu se croire en droit de payer l'excédant à son créancier, mais, ce ne sera pas toujours impunément: d'autres saisies peuvent survenir, tant que La procédure de la première n'est pas terminée; assurément, elles ne frapperont que la somme conservée par le tiers-saisi entre ses mains, et le dividende revenant aux derniers saisissants sera moindre que si la somme était restée entière; mais, ils ne peuvent s'en prendre qu'à euxmêmes d'avoir fait une saisie tardive. D'un autre côté, le concours des nouveaux saisissants réduit la somme revenant ail premier: au lieu de se trouver payé intégralement, il ne recevra plus qu'un dividende, et, comme cette perte ne l'aurait pas atteint ou l'aurait atteint à un moindre degré, si le tiers-saisi n'avait pas versé l'excédant dont il s'agit, ce dernier sera tenu de rembourser au premier saisissant ce dont il se trouve frustre, sauf son recours contre le saisi.
Un exemple peut paraître nécessaire pour l'application de ces divers principes combinés.
La clette était de 1000 yens; Primus, créancier du créancier, fait saisie-opposition sur le débiteur (tierssaisi), pour une somme de 600 yens; celui-ci ignorant qu'il pourra y avoir d'autres saisies, paye les 400 yens qui excèdent les causes de la saisie. Pendant la procédure qui. tend à établir la légitimité de la saisie de Primus, surviennent d'autres saisies, par Sccundus et rrertius, pour (les sommes qui, réunies, font 400 yens. Comme ces dernières saisies ne portent que sur les 600 yens déjà saisis-arrêtés, il y a à payer 1000 yens dus aux trois saisissants avec 600 yens, ce qui. fait ILl1 déficit de 2/588 sur le tout et sur chaque créance séparément. Sccundus et Tertius ne peuvent se plaindre de subir cette réduction, parce que leur saisie a été tardive; mais Primus fera remarquer au tiers-saisi que si, averti, par la saisie, de l'insolvabilité probable de son créancier (du saisi), il ne lui avait rien versé, il se serait trouvé avoir 1000 yens pour payer pareille somme à tous les saisissants, que le versement de 400 yens au saisi est la cause pour laquelle il a, lui, premier saisissant, subi une perte de 2/58" de sa créance, s'oit 240 yens, et il se les fera restituer par le tiers-saisi; enfin, comme celui-ci se trouvera avoir payé deux fois cette somme à son propre créancier, une fois directement et une autre fois en le libérant d'une dette, il aura son recours pour ladite somme.
Dans cet exemple, on a supposé que les diverses causes de saisies égalaient juste la somme qui avait été saisie-arrêtée par le premier créancier, ce qui a permis de dire que si le tiers-saisi n'avait pas eu l'imprudence de verser l'excédant qui lui paraissait libre après la première saisie, tout le monde aurait été paye intégralement. Supposons maintenant, toujours avec une dette principale de 1000 yens, et avec une première saisie pour 600 ycns et 400 yens d'excédant versés au saisi, que les nouvelles saisies soient pour le double de ce qu'elles étaient tout à l'heure, soit pour 800 yens, il se produira un résultat qui paraît singulier au premier abord, mais qui est forcé, c'est que le tiers-saisi souffrira d'autant moins de son imprudence que les autres sommes dues sont plus fortes. En dTet, les 800 yens dus aux derniers saisissants, joints aux G00 yens (lw; a Primus, font n n total de 1,100 yens à payer avec, les 600 frappés de saisie, ce qui donne un déficit de 8/14('s ou 4/7es pour chacun; mais si le tiers-saisi avait conservé les 1000 yens, Primus, n'aurait perdu que 4/14es ou 2/7es; c'est donc cette différence entre 4j7es et 2/7es (soit 171 yens, 40 sens) que le tiers-saisi aura à lui payer.
On voit cependant que le tiers-saisi est toujours imprudent, s'il paye ce qui excède le montant de la créance du premier saisissant; d'un autre côté, il a intérêt à se libérer: spécialement, pour Lire cesser le cours des intérêts de sa dette; il aura alors la ressource de verser à la caisse publique des consignations tout ce qu'il doit. Le saisi peut lui-même avoir intérêt à exiger cette consignation, car le tiers-saisi pourrait devenir insolvable et les saisissants n'étant pas payés conserveraient leur droit de poursuite contre le saisi; en outre, le tiers-saisi pou l' rait, étant embarrasse dans ses affaires, provoquer des saisies fictives et complaisantes dans le seul but de gagner du temps. La consignation remédie à ces divers dangers.
468. On a supposé que la saisie-arrêt avait été pratiquée sur des sommes d'argent; c'est ce qui arrivera le plus souvent; mais, rien n'empêcherait de saisir-arrêter des valeurs mobilières d'une autre nature dues par un tiers, même des immeubles; et cela, soit qu'ils appartinssent encore au tiers-saisi, comme des marchandises déterminées seulement par leur nature et leur quantité, ou des terrains déterminés seulement quanta leur situation régionale et à leur quantité (par ex., 10,000 t.subos de terre dans le lIokkalclô) (h), soit que, s'agissant de corps certains, la propriété eût été déjà transférée au créancier; dans ce dernier cas, il y aurait encore lieu à saisie-arrêt, au moins pour empêcher la délivrance (voy. c. pr. civ. fr., art. 557).
469. On a dit, en commençant, que la saisic-:uTt'l élève, à l'égard du payement, un obstacle qui parait une incapacité, aussi bien de payer, pour le débiteur; que de recevoir, pour le créancier. JI faut se fixer sous ce rapport qui a été complètement négligé dans la doctrine française. La question, n'est pas sans intérêt. D'abord, s'il y a incapacité de payer, la place de notre article 480 doit se trouver plus haut; ensuite, et cela est plus important, s'il y a incapacité de payer, c'est le solcens seul (le tiers-saisi) qui pourra critiquer le payement; si, au contraire, l'incapacité est de recevoir, elle est du côté de Vaccipiens (du saisi).
Mais l'on peut dire qu'il n'y aura jamais, d'aucun côté, demande en nullité du payement, car le solvens, n'étant pas celui que la loi a voulu protéger ici, n'aurait pas d'action pour se faire rendre ce qu'il a ainsi payé, et l'acdpiens n'y aurait aucun intérêt, à moins de supposer que les choses payées eussent péri; mais, certes, personne ne pourrait admettre que l'accipiens pÚt, dans ce cas ni dans aucun autre, demander un second payement, puisque, lorsqu'il y aura lieu pour le tiers-saisi de payer de nouveau aux saisissants, il aura son recours contre le saisi, qui ne doit pas profiter de deux payements.
La vérité est que la prohibition de payer a ici un caractère tout spécial: elle atteint les deux parties, mais dans un intérêt qui n'est pas le leur, dans l'intérêt des saisissants. Il faut reconnaître qu'il y a là une défense de payer et de recevoir dont la sanction est le risque pour le tiers-saisi de faire un nouveau payement; or, les défenses ou prohibitions de la loi ne créent d'incapacité proprement dite que lorsqu'elles ont pour but de protéger celui auquel elles s'adressent (i).
470. Il reste à voir si le tiers-saisi (solcens) qui aurait eu l'imprudence c1e payer son créancier pourrait, au cours d3 la procédure de saisie, se faire restituer par le saisi (accipiens) les sommes qu'il a ainsi payées. Comme il ne pourrait alléguer avoir payé 1 indu, il faut, en principe, lui refuser la répétition; mais, il faudra la lui accorder dès qu'il aura consigné une nouvelle somme destinée à faire face aux saisies; et même, s'il ne consigne pas et qu'il y ait contre lui une instance commencée par les saisissants tendant à un nouveau payement, il pourra y appeler en garantie le débiteursaisi, pour obtenir contre lui condamnation par le même jugement.
La pratique de la saisie-arrêt n'étant pas encore très répandue au Japon, on a dû lui donner ici quelques développements pour l'intelligence de l'article 480.
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(gg) Elle s'y trouve maintenant, en effet: le saisissant y garde le nom de cl'éallC'ie!', le saisi celui de débiteur et le tiers-saisi est appelé f ¡ers-débiteur.
(h) Le tsuho japonais (tsoulo) est HIle nies are de superficie de 1 mètre 80 c. de côté.
(i) L'incapacité même des condamnés a un caractère de protection, car elle est le corollaire nécessaire dn dessaisissement de l'administration de leurs biens dont la loi les frappe pour assurer l'exécution de la peine (voy. n° 94).
Art. 481 et 482. -471. III. - Ces deux articles et les six articles suivants se rapportent à l'objet du payement, ou à la 3c question: Quelle chose doit être payée ?
Le payement étant, d'après la délinition même, donnée par l'article 472, "l'exécution de l'obligation suivant sa forme et teneur," cette première disposition pourrait, à la rigueur, ne pas figurer dans la loi; mais, comme on la trouve dans le Code français (art. ] 243) et dans le Code italien (art. 1245), il ne paraît pas exagéré de l'inscrire dans le Projet. D'ailleurs, on y ajoute la contre-partie de la disposition unique écrite dans ces Codes; en effet, il n'est pas plus inutile de dire que le créancier ne peut demander autre chose que ce qui lui est dû que de dira qu'il ne peut être forcé de le recevoir. Comme, dans la plupart des obligations, ce n'est pas seulement la valeur vénale des choses dues qui est prise en considération par les parties, mais encore les convenances personnelles de celles-ci, ainsi, que la plus ou moins grande facilité qu'elles trouveront, l'une à se procurer, l'autre à utiliser les choses dues, il est naturel que l'une des parties ne puisse être tenue de subir un changement d'objet. Il faudrait pour cela que l'obligation fût alternative ou facultative, comme on l'a vu aux articles 448 et suivants; mais, alors encore, la faculté d'option ne serait pas arbitraire: elle aurait été réservée par la convention.
Si l'objet de la dette est une chose de genre ou de quantité, une chose fongible, le débiteur la fournira de la nature et de l'espèce promises et des quantité et qualité convenues; mais, comme il est assez difficile de déterminer clairement la qualité d'une chose de genre, le meilleur moyen est d'adopter un modèle ou échantillon. La loi, supposant que les parties n'ont pas pris cette précaution ou suffisamment déterminé la qualité, déclare que le débiteur n'est tenu de donner et le créancier tenu de recevoir que la qualité moyenne.
En somme, tout cet article est l'application spéciale du principe général que " les conventions doivent s'exécuter de bonne foi" (voy. art. 350, 2' al).
472. Mais ce que l'une des parties ne peut imposer à l'autre peut fort bien avoir lieu d'un commun accord. 11 y a alors, suivant l'expression consacrée, " dation en payement" fdatio in solutum). La loi ne prend pas la peine de proclamer ce principe de la liberté des conventions qui ne peut faire doute: elle suppose que la convention a en lieu et elle en règle les effets.
Elle déclare d'abord que les parties, dans cette convention, sont considérées comme ayant tacitement noce leur premier engagement, c'est-à-dire que le débiteur s'est, avec le consentement du créancier, engagé à donner le nouvel objet do it il s'agit, puis, qu'il a exécuté immédiatement sa nouvelle obligation. Cette idée de novation n'est pas superflue, car si la première obligation était garantie par une caution, celle-ci serait libérée de la première dette et ne serait pas tenue de la nouvelle: notamment, elle ne serait pas tenue de la garantie d'éviction, au cas où. la chose serait enlevée au créancier par la revendication d'un tiers (j).
La loi ne se borne pas à reconnaître dans la dation en payement une novation tacite, elle détermine encore la nature de la nouvelle convention intervenue, au moins dans les cas qui seront le plus fréquents. Ainsi, si la dette primitive était d'une somme d'argent et si le débiteur s'en libère en donnant la propriété d'un meuble ou d'un immeuble, il sera considère comme vendant cet objet et comme recevant pour prix la somme dont il était primitivement débiteur; réciproquement, s'il devait une chose déterminée individuellement, ou seulement quant à l'espèce et à la quantité, et s'il est admis à s'en libérer en donnant une somme d'argent, il sera considéré comme acheteur de la chose qu'il gardera. Ces deux cas de vente présenteront, du reste, une llOtable différence au cas d'éviction: dans le premier cas, le créancier, devenu acheteur, aura l'action en garantie; dans le second cas, le débiteur ne l'aura pas, puisqu'il y aura eu, de sa part, une négligence primitive à avoir promis une chose qui ne lui appartenait pas.
Si aucune somme d'argent ne figurait dans l'opération, soit du chef de la première dette, soit du chef de la seconde, mais qu'un objet fût donné à la place d'un autre, il y aurait échange: en observant la même distinction entre le créancier et le débiteur, s'il y avait éviction de l'une des choses échangées.
Les cas de dation en payement ainsi prévus et réglés par la loi ne sont pas limitatifs: ainsi, s'il y avait prestation de jouissance par le débiteur, ail lieu d'une somme d'argent dont il se trouverait libéré, il serait considéré comme bailleur ou locateur; mais la réciproque ne serait plus vraie: s'il fournissait une somme d'argent, au lieu de la prestation de jouissance d'une chose, il ne pourrait être considéré comme locataire ou preneur; car, le bail étant nécessairement temporaire, cela entraînerait à dire qu'au bout d'un certain temps, il devrait restituer la chose dont il jouirait, ce qui n'est pas possible, cette chose lui appartenant sans doute en propriété: il y aurait don;.'; dans ce cas, un contrat innomme. Enfin, on peut supposer que la dation en payement consiste à accomplir un fait, au lien de prester une somme d'argent: ce sera alors une sorte de louage d'ouvrage; mais ce ne sera plus qu'un contrat innomme, s'il y a prestation d'argent au lieu d'un fait, ou prestation d'un fait pour un autre fait.
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(j) En France, on déciderait, 'de même, que l'hypothèque ne s'étendrait pas à la nouvelle dette mais le Projet s'écartera un peu du droit français, au sujet de l'effet de la novation par rapport à l'hypothèque (yoy. art. 525).
Art. 483. — 473. Cet article n'est guère que la consécration des principes poses aux articles 354 et 355, sur les soins que le débiteur d'un corps certain doit à la chose due et sur les risques des cas fortuits ou majeurs qui pèsent sur le créancier, en dehors de l'obligation conditionnelle que la loi a soin de réserver. Si le débiteur d'un corps certain a du faire des dépenses pour le conserver (dépenses nécessaires) ou s'il l'a amélioré sans exagération (dépenses utiles\ il est naturel et juste qu'il en soit remboursé, d'après les règles de la gestion Ll'.iffaires; si, au contraire, il a laissé la chose se détériorer, faute de soins, ou si, à plus forte raison, la chose a été détériorée par des actes directs de lui ou des personnes dont il est responsable, il en doit l'indemnité.
Cette disposition se trouve, a peu près dans les mêmes termes, dans le Code français (art. 1245) et dans le Code italien (art. 1247), au moins en ce qui concerne les fautes, car ces deux articles négligent de parler des dépenses utiles ou nécessaires; seulement, ici, on rappelle moins explicitement les effets déjà signalés de la mise en demeure qui rend le débiteur responsable des pertes fortuites, lorsqu'elles ne se seraient pas également produites chez le créancier (voy. art. 355): la loi s'y réfère, en peu de mots, dès qu'elle veut qu'on se place ”au moment où la livraison doit être faite tandis que les Cocles précités, disant d'abord qu'on se place "au moment de la livraison" sont obligés ensuite de réserver le cas de mise en demeure, comme faisant retomber les cas fortuits sur le débiteur.
Mais les Codes précités Remissent donner une solution différente au cas de vente: ils portent que le vendeur doit délivrer la chose en l'état où elle se trouvait lors de la vente et non plus lors de la livraison (voy. c. civ. fr., art. 1614, et c. civ. it., art. 1470). Mais, si l'on y regarde de près, le résultat sera le même et il n'y a pas lieu de voir là, comme l'ont fait quelques auteurs, une règle particulière à la vente. Supposons, en effet, que la chose due valût 1000 yens au moment de la COllvention et qu'au moment de la livraison (c'est-à-dire au moment où elle doit être faite) elle ne vaille plus que 900 yens, par la faute (ln débiteur, il n'est pas douteux que, d'après la règle de la vente, le débiteur doive 100 yens d'indemnité, puisqu'on se place au jour du contrat pour déterminer l'étendue de son obligation; si on se place au jour de la livraison, d'après les règles des obligations en général, le résultat sera le même: le débiteur ne sera pas libéré, en donnant la chose réduite par sa faute à la valeur de 900 yens, il devra toujours ajouter 100 yens de dommages-intérêts, encourus par sa faute.
474. La disposition qui précède est formellement limitée au cas où la (lette est d'un "corps certain en effet, c'est dans ce cas seulement que le débiteur peut être tenu de soins, qu'il peut avoir commis (les fautes ou fait des améliorations et que le créancier peut courir (les risques. S'il doit une chose de genre ou de quantité, il ne peut voir son obligation ni modifiée par des dépenses nécessaires ou utiles, ou par (les fautes ou négligences, ni diminuée ou éteinte par (les détériorations ou des pertes fortuites: " les genres ne périssent pas" (genera non perellld), suivant un axiome connu.
Art. 484. — 475. La loi arrive au cas où l'objet de la (lette est une somme d'argent: ce cas paraît le plus simple et cependant il présente le plus de difficultés.
Presque tous les pays, anciens et modernes, ont adopte trois métaux pour les monnaies: For, l'argent et le cuivre. Le fer, dont les premiers peuples ont aussi fait usage, et qu'on employait de même autrefois au Japon, est aujourd'hui abandonne comme monnaie, à cause de son peu de valeur intrinsèque comparé à son poids, et le cuivre, pour le même motif, reste d'un usage très limite (jj). Les deux autres métaux, dits " métaux précieux," sont employés concurremment, sauf dans quelques pays où la rareté de l'or a fait adopter l'argent seul, comme la Chine et l'Inde, et quelques autres où l'or a la préférence, comme l'Angleterre, la Hollande et l'Allemagne. Mais. dans un grand nombre d'autres pays: notamment, en France, en Belgique, en Italie, en Espagne, en Amérique et aussi au Japon, une difficulté grave est née de la concurrence des deux métaux.
Dans ces p::ys, on a cru pouvoir adopter et fixer un rapport légal entre la valeur des deux métaux, pour un même poids, et, sur cette base, on a frappé des monnaie d'or et d'argent portant une valeur déterminée en francs, livres, dollars, yens: on nomme ln:métnnislJlA, ou "système du double étalon " cet emploi simultané de deux monnaies exprimant une même valeur sous la forme de deux métaux différents (k).
En France, le rapport légal de l'or à l'argent, fixé depuis le commencement de ce siècle (Loi du 7 germinal an xr, 28 mars 1803), est de 1 à 15 1/2, c'est-à-dire qu'un gramme ou un kilogramme d'or monnayé vaut quinze fois et demi un pareil poids d'argent également monnayé. Mais ce rapport, exact, sans doute, au moment même où il a été établi, n'a pas tardé à être contrarié, contredit et démenti par les faits.
L'or et l'argent, en effet, étant des métaux utiles dans les arts et l'industrie, sont de véritables marchandises qui, comme telles, ont un cours dans le commerce; ce cours varie avec leur abondance ou leur rareté comparées aux besoins du temps et du lieu où l'on est; les découvertes assez fréquentes de nouvelles mines d'or et d'argent font baisser celui (les métaux qui devient le plus abondant; l'épuisement pins ou moins rapide de ces mines relève les cours; en outre. la guerre. la paix, les spéculations, le commerce international, modifient alternativement le cours respectif des deux métaux.
Ce n'est pas seulement pour ceux qui font un eOlllmerce spécial des deux métaux (tels que banquiers, changeurs, marchands d'or et d'argent) que se font sentir ces variations, c'est pour tous ceux qui vendent et achètent des produits quelconques avec l'un ou l'autre métal, c'est-à-dire pour tout le monde: une quantité de blé ou de riz se vendra pour plus ou moins de francs ou de suivant que l'acheteur payera en or ou en argent, et si le marché est à terme, les prévisions des parties seront toujours exposées à être trompées par le changement du cours des métaux, indépendamment de celui du cours de la marchandise.
476. Depuis longtemps, la baisse de l'argent étant devenue constante et même progressive, dans le monde entier, on s'est préoccupé de trouver un autre système qui donnât plus de fixité à la valeur des monnaies.Beaucoup de mesures ont été proposées; quelques-unes ont été appliquées; aucune jusqu'ici n'a réussi. Plusieurs pays ayant des monnaies semblables (la France, l'Italie, la Grèce, la Belgique, la Suisse), ont formé une " Union monétaire " et se sont engagés, pour un certain nombre d'années (déjà plusieurs fois renouvelé), à ne frapper de monnaies d'argent que pour des sommes déterminées; mais il n'en est résulté aucun relèvement du cours de métal; on peut même soutenir que l'argent, perdant ainsi un emploi annuel considérable et se trouvant par là disponible en plus grande quantité dans le commerce, en subit une nouvellè dépréciation. D'autres pays sont allés beaucoup plus loin et ils ont complètement abandonné l'argent comme monnaie légale; ainsi a fait la Hollande; l'Allemagne est entrée dans cette voie, mais elle hésite à aller jusqu'au bout. C'est, en effet, une mesure très grave pour les fortunes privées que celle qui réduirait aux usages industriels et artistiques la masse énorme d'argent monnayé qui se trouve actuellement en circulation dans chaque pays (2):
477. Le Japon, ayant adopté le bimétallisme européen, se trouve en présence duL même problême et des mêmes embarras: il souffre, comme les autres pays, de l'écart commercial qui est permanent entre l'or et l'argent.
Il est à regretter que, lorsque le Japon a frappé ses nouvelles monnaies d'or et d'argent, il ait suivi l'exemple, déjà reconnu funeste, des autres nations, et ait établi entre les deux métaux précieux un rapport légal de valeur, avec sa prétendue et chimérique fixité (l).
Il était bien facile alors d'adopter un autre système, depuis longtemps proposé en Europe, mais non encore pratiqué: on aurait frappé des monnaies d'or et d'argent d'un poids et d'un titre déterminés (m), mais en ne donnant de valeur en yens qu'à l'une des deux monnaies, par exemple, à l'argent. La monnaie qui n'aurait été désignée que par son poids et son titre de fin (l'or, par exemple) aurait eu une valeur commercialement variable, mais facile à constater périodiquement dans les grands centres commerciaux et aurait été reçue en payement pour cette valeur en yens d'argent (n).
A l'appui de ce système, qui certainement sera adopté un jour en Europe, dans les pays qui, pour d'autres raisons, auront à refondre leurs monnaies (o), on peut citer un argument frappant d'analogie tiré du Code civil français (art. 1291) et qui n'a pas encore été invoqué dans cette controverse, c'est la faculté de compenser avec les dettes d'argent les créances de denrées Il co tées aux mercuriales," c'est-à-dire des valeurs considérées comme équivalentes au jour du payement; or, la compensation n'étant r.utre chose qu'un payement abrégé, comme on le verra plus loin (art. 541), il n'y aurait aucun inconvénient à compenser de l'or avec de l'argent, en tenant compte de leur cours respectif au jour du payement.
478. On voit bien maintenant que la cause première du mal est que le législateur des divers pays ait prétendu établir un rapport fixe et constant entre un poids d'or et un même poids d'argent, ce qui est aussi téméraire que s'il avait prétendu établir un pareil rapport entre deux denrées, même d'un usage nécessaire et journalier, comme le blé et le riz, le sucre et le sel, ou entre le charbon végétal et le charbon minéral.
Le législateur ne peut pas davantage faire accepter pour la valeur inscrite un billet d'Etat ou papier-monnaie qui n'est qu'une simple promesse de payer une somme d'argent et, ici, sans échéance fixe.
En effet, au-dessus des lois positives, sujettes à l'erreur et à l'arbitraire, comme lois humaines, il y a les lois économiques qui, étant des lois naturelles, sont nécessairement exactes et justes. Or, c'est en vertu d'une loi économique que la rareté ou l'abondance d'une matière comparée aux besoins des hommes, avec leurs variations continuelles, d'après les circonstances de temps et de lieu, en font hausser ou baisser la valeur. C'est la même loi économique qui détermine la valeur variable du papier-monnaie, lequel peut se trouver émis en quantité plus ou moins considérable par rapport aux besoins des échanges. Mais, en matière de papier-monnaie, intervient encore une autre loi économique, le crédit, la confiance qu'inspire l'Etat débiteur, d'après la situation générale de ses finances, de son administration des affaires publiques et de la sécurité intérieure ou extérieure du pays. Car, lors même que le papier-monnaie d'Etat ne porte aucune échéance fixe pour le rembourse ment, ce n'en est pas moins une dette de l'Etat, c'est un emprunt forcé: aussi figure-t-elle, à ce titre, dans son budget annuel. Lorsque l'Etat a payé des services ou des matières avec ce papier revêtu de son sceau, et portant une valeur en francs ou en yens, il n'a pas eu la prétention qu'une feuille de papier eftt la valeur intrinsèque d'une rondelle d'or ou d'argent; il a entendu promettre la somme portée sur le billet; il a souscrit un billet au porteur que le preneur a le droit de donner lui-même en payement à toute personne, en vertu du cours forcé et sans autre garantie que celle de la provenance du titre. On conçoit dès lors, que la valeur commerciale du papier-monnaie varie, comme celle des billets d'une banque privée, suivant la surabondance ou la modération des quantités émises et suivant les événements intérieurs ou extérieurs qui peuvent modifier la fortune de l'Etat.
A l'égard des monnaies et papiers-monnaie, le Japon n'a fait, ni mieux, ni moins bien que les autres peuples: 1° il a prétendu établir un rapport fixe entre l'or et l'argent, 2° il a émis (autrefois) une quantité considérable de papier-monnaie et, en lui donnant cours forcé, il a prétendu lui donner la même force libératoire qu'à l'or et à l'argent: il devait nécessairement, dans l'un et l'autre cas, échouer comme ses. devanciers.
Si les législateurs anciens et nouveaux:, de l'Occident comme de l'Orient, avaient mieux connu et respecté les limites de leur domaine, ils n'auraient pas pris un grand nombre de mesures prétendues économiques dont le moindre mal a été l'impuissance, mais qui souvent ont été funestes aux intérêts publics et privés (3).
479. Le Projet de Code civil, arrivant à la matière du payement, ne peut demander la refonte des monnaies d'après le système indiqué plus haut; il ne pourrait non plus demander aujourd'hui la cessation du cours forcé du papier-monnaie s'il n'était devenu convertible; mais il peut et doit saisir l'occasion qui se présente d'apporter les atténuations possibles au mal résultant du rapport légal de l'or à l'argent.
11 doit se prononcer sur ces deux questions considérables:
1° En qu'elles espèces ou monnaies le payement peutil être fait par le débiteur ou exigé par le créancier ?
2° Quelles conventions particulières les parties peuvent-elles faire d'avance à cet égard ?
Tel est l'objet des articles 48:1 à 488 qu'on va expliquer successivement.
480. La valeur commerciale des deux métaux monétaires n'étant presque jamais conforme à leur valeur légale, il est clair que le créancier aurait intérêt à être payé dans la valeur qui jouit c1e la plus forte prime par rapport à l'autre; réciproquement, le débiteur a intérêt à payer dans la valeur la plus dépréciée; car, en même temps qu'elle lui est plus facile à obtenir. elle a en sa faveur la même force de libération.
A qui. donc le choix de la valeur doit-il appartenir ? Les lois européennes, suivant ici un principe général de droit civiJ. à savoir, que, dans une même situation (in pari causa), le débiteur doit être traité plus favorablement que le créancier, donnent le choix au débiteur. implicitement au moins (voy. c. civ. fr., art. 1895, 1 cr al.; c. civ. ital., art. 1821).
Le Projet japonais ne s'est pas écarté de ce principe qui est très bon el) soi et il le proclame plus nettement. Le débiteur se libérera donc d'une dette de 100 yen*, par exemple, en donnant, à son choix, ou 100 yeJ/s d'or ou 100 yens d'argent (métal ou papier convertible eu argent). Telle est la disposition du leL" alinéa clc l'article 484, plus précis, il, cet égard; que les Codes précités.
481. Le 26 alinéa porte une disposition empruntée également au Code français (art. 1.895, 26 al.) et au Code italien (art. 1828), mais rendue plus claire. La loi prévoit: 1° que la valeur nominale des monnaies aurait pu être changée, entre le jour du contrat et celui de l'échéance, sans qu'il y ait eu modification de la matière même, 2° qu'il y a eu augmentation ou diminution de la valeur intrinsèque. Ces changements, si regrettables qu'ils soient, étant l'oeuvre de l'autorité souveraine, doivent être respectés dans tous leurs effets, et la loi est logiquement entraînée à défendre de les corriger ou de les éluder par des conventions particulières: le débiteur donnera donc la valeur légalement nominale de la monnaie, telle qu'il l'a promise, abstraction faite de sa valeur intrinsèque au jour du payement.
Les altérations légales des monnaies étaient assez fréquentes autrefois, au Japon. En Europe, elles ont été souvent abusives, parfois même scandaleuses. Aujourd'hui, on ne peut guère citer, en France, que la refonte des monnaies d'argent dites Il divisionnaires," inférieures à 5 francs, dont le titre ou degré de fin a été abaissé de 9/10es à 8/10es, ce qui équivaut, qu'on le remarque bien, à une élévation, de la valeur nominale de la mon. naie. Au Japon, outre ce même cas, on peut citer un cas inverse, celui de la diminution de la valeur nominale du tempo de cuivre (abaissé de 10 rin à 8 rin) (p).
Ces modifications sont sans gravité, parce qu'elles ne portent que sur des monnaies d'un usage limité (voy. art. 487), et elles deviendront de plus en plus rares. Le 26 alinéa de notre article n'aura donc guère qu'une application théorique.
482. Le Se alinéa se prononce sur le point de savoir s'il pourrait être dérogé par les parties à ces deux dispositions, au moyen d'une convention originaire, et il se prononce formellement pour la négative.
On sait, en effet, que la liberté des conventions cesse lorsqu'elle tendrait à déroger aux lois d'ordre public (art. 349); or, il est évident que les lois qui établissent des monnaies, et qui leur donnent cours forcé, sont des lois d'ordre public, de celles que l'on appelle "lois de police et de sûreté " (v. c. civ. fr., art. 3). Si les parties pouvaient convenir, en contractant, que le créancier ne sera pas tenu de recevoir l'une ou l'autre de ces valeurs, il arriverait, presque toujours, qu'il exclurait l'une d'elles: la clause prohibitive deviendrait " de style " et le but économique ou financier du législateur serait éludé, tandis que, bon ou mauvais, il doit être respecté.
Cette solution qui a été contestée, en France, au sujet du papier-monnaie, y a été consacrée par la cour de cassation; mais elle ferait peut-être plus de difficulté au sujet des monnaies métalliques, en face de l'article 143 du Code de Commerce qui. dispose que "le payement d'une lettre de change doit être fait dans la monnaie qu'elle indique."
Cela prouverait déjà qu'il y a là une exception an droit commun en faveur de la lettre de change et qu'elle ne s'applique ni aux autres dettes commerciales, ni à aucune dette civile. Mais, bien plus, nous sommes convaincu que, dans ce cas même d'une lettre de change, le débiteur qui a promis de payer en or peut payer en argent, pourvu que la somme qu'il donne représente, par sa quantité, la valeur de la monnaie d'or promise, d'après le cours commercial du change au jour du payement.
Assurément, dans ce même cas de l'article 143, le débiteur pourrait, d'après la jurisprudence citée, payer ' en papier-monnaie ayant cours forcé, sauf à supporter la perte de change. Pourquoi ne pourrait-il pas payer en argent, sous la même condition ?
Soit par exemple, un temps où l'argent perd 10% et le papier-monnaie 20 % sur l'or, et où le débiteur a promis de payer en or, il ne pourra payer en argent qu'en ajoutant 10 % et, en papier-monnaie, qu'en ajoutant 20 % à la somme due en or.
De même, si le débiteur avait promis de payer en France une somme de dollars ou de roupies ou d'une autre monnaie étrangère qui se trouve rarement hors du pays d'origine, comment pourrait-on lui refuser de payer en monnaie française, en tenant compte au créancier de l'intérêt qu'il aurait à être payé dans la monnaie promise ?
Supposons d'ailleurs que le débiteur se laisse condamner et saisir: en quelle monnaie le créancier sera-t-il payé ? Est-ce que la vente sur saisie produira, en France, des dollars ou des roupies ?
Concluons donc que l'article 143 duL Code de Commerce français n'enlève pas au débiteur le droit de payer dans la monnaie la plus dépréciée, mais qu'il a seulement pour effet de l'obliger à en supporter seul la dépréciation.
Le Code italien a, pour le cas de prêt, spécialement (art. 1822, 2e al.), une disposition qui permet d'en stipuler le remboursement " dans les espèces d'or ou d'argent en lesquelles il a été effectué," et, dans ce même cas, le créancier peut encore stipuler qu'il ne subira pas 11 l'altération légale" des monnaies. Ces deux dispositions ne peuvent se justifier que par l'idée que les espèces prêtées auront été considérées non plus comme monnaies, mais comme lingots; or, dans un prêt de ce genre, le débiteur doit toujours rembourser la même quantité et la même qualité (c. civ. fr., art. 1897 et c. civ. it., art. 1823). Le prêt, d'ailleurs, a un caractère propre qui motive d'autres dérogations au droit commun; de là, le renvoi prononcé par, l'article 488 sous lequel ces dérogations seront indiquées et justifiées sommairement et par anticipation. Mais, en Italie même, dès qu'il ne s'agit plus du prêt d'espèces, la convention qui prétendrait affranchir le créancier du choix des espèces par le débiteur serait nulle; de même, celle qui tendrait à neutraliser la modification des monnaies faite par mesure d'Etat.
Au surplus, la convention qui aurait pour objet de priver le débiteur du choix de la monnaie ne serait pas nulle pour le tout: l'article 486, 2e alinéa, lui donne un effet qui concilie le respect de l'ordre public avec la liberté des conventions et l'intention des parties.
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(jj) Depuis quelque temps on a adopoté, même au Japon, des monnaies de nickel; lp v.iclcel est pins voisin du cuivre que de l'argent comme valeur inti insè [ne et il n'est pas compris dans l'expression de "métanx précieux" (v. art. 487).
(k) Le mot étalon qiii, en France, signifie, au sens propre, " un cheval entier ou reprodncteur," s'emploie, au figuré, dans les mesures légales, pour " le type, le modèle " d'aprè lequel les instruments de mesurage sont fabriques; il Y Il l'étalon officiel du mètre: il est en platine, métal presque insensible aux variations de la température. En matière de monnaies, l'étalon d'argent est de 5 francs et l'étalon d'or de 20 francs.
Les pIns petites fractions ne sont pas des étalons, parée qu'eDes admettent une tolérance sur le poids légal et sur le titre ou degré de fin.
Au lieu du mot étalon, les Anglais disent, avec le même sens figuré, standard, qui, au pi'opi'e, signifie " drapcau, étendard."
(2) En 1881 et 1889, il a été tenu à Paris des Congrès monétaires internationaux, mais ils n'ont amené aucune solution pratique du problême: ils n'ont guère servi qu'à mettre en évidence la profonde division des économistes et des financiers sur ce sujet.
Récemment, les Etats-Unis d'Amérique, qui ont un grand intérêt au relèvement monétaire de l'argent, ont tenté des mesures législatives dans ce sens, mais celles-ci n'ont pas abouti.
Lorsqu'aura lieu, en Europe le prochain Congrès monétaire, le Japon pourra y présenter son système de bimétallisme moyen, exposé ci-après et entièrement nouveau.
Nous avons la satisfaction qu'il ait été adopté entièrement dans le Texte officiel.
(l) Au Japon, les nouvelles monnaies d'or et d'argent présentent le rapport plus exact de 1 d'or à 16, 17 d'argent (le yen d'or pèse, en grains anglais, 25, 72; le yen d'argent, 416 grains), mais ce rapport est, depuis longtemps, dépassé dans le commerce des métaux et, par suite, dans le cours commercial des monnaies.
Il est bon de noter, à ce sujet, que l'influence française est restée tout-fait étrangère à la fabrication des monnaies japonaises.
(m) Voici encore un nouveau sens du mot titre, en français: ce n'est pas la désignation du nombre de yens ou de sens inscrite sur la monnaie, c'est le degré de fin ou la proportion de métal par: en fait, le titre est 9(106 defin, contre 1(106 d'alliage.
(n) Il ne faudrait pas craindre une différence sérieuse de valeur entre une province et une autre; car le commerce aurait intérêt à la combler immédiatement, par un envoi du métal le plus demandé: la constatation officielle du cours, par Ken ou département; ne serait faite que pour la sécurité et la commodité des intéressés.
(o) Quelquefois, un changement de forme du Gouvernement ou de dynastie donne lieu à une refonte générale des monnaies. Ainsi, le 2e Empire français a refondu toutes les monnaies et les a mises à l'effigie de Napoléon III.
(3) Lors des deux premières éditions du Projet (1882 et. 1883), la. difficulté était encore augmentée au Japon, comme dans plusieurs pays d'Europe, du cours forcé des papiers-monnaie (satsu, shi-hei) qui, n'étant pas alors convertibles en argent, présentaient un écart considérable avec la monnaie métallique.
Notre travail se trouvait alors compliqué d'une troisième valeur monétaire.
Depuis plusieurs années, grâce à l'habileté autant qu'à la sagesse du Ministre des finances, Comte Matsukata, le papier-monnaie, ayant été d'abord ramené au pair, par une diminution progressive de la quantité en circulation, a pu être enfin rendu convertible en argent. C'est maintenant la Banque du Japon (Nippon ginlco) qui émet les slii-hei et les rembourse à présentation (ce qu'on ne lui demande guère, du moment qu'on sait qu'elle peut le faire); la circulation est d'ailleurs maintenue obligatoirement dans un rapport détermin6 avec la réserve métallique.
Les shi-hei représentant désormais la monnaie d'argent, nous n'aurons plus à les faire figurer dans notre système de compensation exposé ci-après.
Il suffira d'une note (voy. note tt) pour les faire rentrer dans le système de compensation, en vue du cas, qui n'est pas à souhaiter, où, par suite de causes ex traord in aires, le papier-monnaie serait ramené au cours forcé et nécessairement alors déprécié.
(p) Cette monnaie sera bientôt Supprimée.
Art. 485. — 483. Voici, au contraire, une large part faite par le Projet japonais à la liberté des conventions. On pourra, par une convention originaire ou au moins antérieure, soit à l'échéance, soit au payement (q), corriger les fluctuations commerciales du change, du cours respectif des deux métaux entre eux et de tous deux par rapport au papier-monnaie, s'il n'est pas convertible; on pourra empêcher que le profit soit tout entier pour l'une des parties et la perte toute entière pour l'autre; on les compensera et on les répartira également ou inégalement entre les parties.
Plusieurs moyens se concevraient pour arriver à ce résultat. Après les avoir étudiés et vérifiés, le Projet s'est arrêté à celui qui présente le moins de difficultés de calcul. Les parties pourront en adopter d'autres: notamment, faire inégalement entre elles la répartition du profit et de la perte. Mais la loi ne devait proposer que le système le plus simple qui est en même temps le plus équitable.
Ce moyen consiste à ramener les deux (ou trois) monnaies à une valeur moyenne que payera le débiteur, et, comme celui-ci doit conserver le choix de la monnaie qu'il payera, c'est dans la monnaie par lui choisie que sera cherchée cette valeur moyenne.
484. Assurément, si, dans un pays où il n'y a que les deux monnaies métalliques, les parties convenaient que. le débiteur payera moitié en or et moitié en argent, elles feraient une chose manifestement équitable: le débiteur n'aurait pas seul le profit résultant du cours respectif des deux monnaies et le créancier n'en subirait pas seul la perte; ce que l'un des métaux perdrait par rapport à l'autre serait compensé par ce que celuici gagnerait par rapport à celui-là. Si, dans le pays, il y a, en outre, une troisième monnaie, le papier d'Etat à cours forcé, la convention pourrait porter, aussi équitablement, que le débiteur payera un tiers en papier, un tiers en argent et un tiers en or.
Mais, si cette convention ne rencontre pas d'objection du côté de l'équité naturelle, elle rencontre un obstacle dans le principe d'ordre public qui défend aux parties de déroger au cours forcé des monnaies (art. 484, 3) al.): le débiteur ne peut renoncer au droit de se libérer dans celle des monnaies qu'il lui conviendra de donner.
Heureusement, il est facile de concilier l'ordre public avec l'équité: on conviendra que les deux (ou trois) monnaies légales seront ramenées à une seule, celle dans laquelle le débiteur veut payer, d'après le cours du jour et du lieu du payement, et le total sera divisé par moitié (ou par tiers, suivant le cas); le débiteur, en payant cette moitié (ou ce tiers), aura payé la valeur moyenne, ce qui est équitable, et il aura conservé le choix de la monnaie, ce qui est de respect de l'ordre public.
485. On pourrait faire une autre objection à cet usage de la liberté des conventions: on dira peut-être que, le législateur ayant établi un rapport fixe de valeur entre les monnaies légales, l'ordre public s'oppose à ce que les parties reconnaissent, admettent entre elles un autre rapport légal et, par conséquent, qu'il est aussi troublé par la convention, dans un cas que dans l'autre (r).
Mais l'objection a le tort d'assimiler deux choses profondément différentes: quand le législateur établit le cours forcé des monnaies, il fait acte d'autorité dans son domaine qui est d'ordonner ce qu'il croit utile et de défendre ce qu'il croit mauvais: il ordonne au créancier de recevoir la monnaie légale que le débiteur lui offre, ou il défend au créancier de la refuser; ce qu'il ordonne encore, impérativement, c'est de respecter les changements qu'il pourra apporter aux dénominations numériques des monnaies, c'est-à-dire, à leur valeur nominale, sans changement de valeur intrinsèque, ou à leur composition intrinsèque, sans changement de valeur nominale (s). Voilà les deux dispositions auxquelles il est interdit de déroger par convention; ainsi, pour ne plus parler que de la dernière, le débiteur ne pourrait renoncer au droit de se libérer au moyen des monnaies altérées, en défalquant l'augmentation légale et fictive de valeur qu'elles ont reçue. L'article 484,:r alinéa, est formel en ce sens, et il ne reçoit même pas ailleurs un tempérament analogue à celui qu'apporte à la première prohibition l'article 486, 2° alinéa; on n'adopte pas non plus, pour le cas de prêt; la disposition précitée de l'article 1822 du Code italien.
En somme, ce sont l'à les deux seules dispositions do la loi, en cette matière, auxquelles il est défendu de déroger par convention.
Quant à cette autre disposition de la loi qui établit un rapport de valeur entre les deux métaux, il faut roconnaître qu'elle n'est plus dans le domaine souverain du législateur; ici; il propose plutôt qu'il ne dispose: s'il entendait être obéi sur ce point comme sur les deux autres, la logique l'obligerait à défendre et à punir le commerce des métaux précieux, surtout le change des monnaies et le change dit,; de place," avec perte ou proht pour le changeur ou le banquier; or, il n'a jamais songe à défendre de pareils commerces qui sont, iLi L contraire, juges utiles, et même nécessaires et dignes de protection.
486. Incidemment, puisque nous rencontrons ici l'idée du change de place, constatons que, là encore, l'impuissance du législateur est évidente et forcée.
Assurément, dans un même pavs, les deux monnaies ont partout la même valeur légale: si l'on s'attache à leur dénomination, 100 francs d'argent, à Paris, et 100 francs d'argent à Lyon ou ailleurs, en France, sont toujours représentés par les mêmes espèces et en même nombre, comme, au Japon, 100 yens d'argent ne diffèrent, ni quant au nombre des pièces, ni quant à la nature des espèces, à rrokio, à Nagasaki ou à ITakoclaté. Est-ce à dire, cependant, que la même somme de 100 francs aura la même valeur commerciale, la même pu;ssauce pour acquérir des denrées, en tout lieu en France, et, de illêlile, 100 y eux, en tout lieu au Japon ? Assurément non. Il sera bien rare qu'il y ait similitude et, par exemple, qu'un. banquier, auquel ()ii verse 100 francs ou 100 yens dans une ville, 's'engage à faire toucher pareille somme, sans diminution ou sans augmentation, dans un lieu un peu éloigné. Ce n'est pas son salaire seul qui sera la différence, puisque, quelquefois, après avoir prélevé son salaire ou sa commission, il donnera une lettre de change pour une somme plus forte encore que celle qu'il a reçue: notamment, si les espèces sont plùs rares et, par conséquent, plus recherchées, au lieu où s'en fait le versement qu'au lieu où elles seront remboursées.
Si le législateur avait la prétention chimérique d'assurer la même valeur commerciale des monnaies en tout lieu, il devrait, en même temps (tâche non moins chimérique), assurer la diffusion des mêmes monnaies en tout lieu, et, non pas également, mais en raison des besoins locaux et avec toutes les variations continues des ces mêmes besoins.
Reconnaissons donc que le législateur, en inscrivant une valeur fixe sur les diverses monnaies, n'a entendu que proposer un point de départ, une corrélation initiale entre l'or et l'argent; il n'a pas prévu peut-être que le cours commercial des monnaies lui donnerait un démenti presque constant; mais, certainement, il n'a pu prétendre empêcher les intéressés d'établir, par leurs conventions, un autre rapport de valeur et, surtout, de suivre les variations résultant de la liberté, de l'activité et de l'intelligence du commerce, comme aussi d'en modifier -les effets, en partageant entre eux les pertes et les profits du change. Bien plus, nous allons reconnaître que le législateur, loin de prohiber la convention qui nous occupe, doit, au contraire, l'encourager, en attendant le moment où il pourra suppléer lui-même la convention que les parties auraient négligé de faire.
487. Assurément, tout ce qui aura pour effet de maintenir le cours commercial des monnaies le plus près possible de leur valeur respective légale doit être encouragé, favorisé par la loi; or, la convention qui tendra à diminuer les risques du créancier, en les compensant avec les profits du débiteur, ne pourra qu'atténuer les écarts des cours par rapport à la valeur respective des monnaies: elle ôtera à la spéculation dont les monnaies sont l'objet une partie de son intérêt et, par conséquent, une partie de son aliment; tous ceux qui seraient tentés de provoquer la hausse ou la baisse d'une des monnaies sur l'autre, étant, en général, créanciers et débiteurs, tout à la fois, de sommes diverses, en rapport avec leurs spéculations, seraient arrêtés par la con- sidération que ce qu'ils gagneraient, d'un côté, comme débiteurs, ils le perdraient de l'autre, comme créanciers, ou réciproquement.
Si la convention prévue et permise par l'article 485 vient à être fréquemment usitée entre les particuliers, elle ne tardera pas, même en l'absence d'une clause expresse, à être considérée, par les tribunaux, comme tacitement consentie entre les parties: d'abord, dans les affaires commerciales où l'usage a une grande autorité, ensuite, dans les affaires civiles, en vertu du principe que ' les conventions doivent être exécutées de bonne " foi et qu'elles produisent les effets que l'usage et l'é" quité y attachent d'après leur nature " (art. 350).
Enfin, rien ne s'opposera à ce qu'un jour la loi édicte elle-même ce que la coutume aura justifié la prèmière, et la disposition se trouvera en parfaite harmonie avec celle de l'article 481 qui, dans le cas d'une chose déterminée quant à l'espèce seulement, ordonne que le payement soit fait " en qualité moyenne."
488. On termine l'exposé de ce nouveau système par un exemple d'application au Japon, avec les deux monnaies métalliques.
On prend le cours moyen de la présente année 1891: 100 yens d'or valent 120 y. d'argent,
100 yens d'argent valent 83 y. 33 sens d'or.
En droit, le débiteur de la somme numérique de 100 yens peut se libérer en payant, en l'une ou en l'autre monnaie, à son choix: il choisira évidemment l'argent; ainsi le créancier ne profitera pas de la frime de l'or sur l'argent et il subira, au contraire, toute la perte de l'argent sur l'or (t).
C'est ce résultat fâcheux du droit commun qu'il s'agit de corriger par convention.
Si l'on pouvait convenir que le débiteur n'aura pas le choix de la monnaie, mais qu'il payera moitié en chacune des deux monnaies, il n'y aurait pas de difficulté; il payerait: 50 y. en or et 50 y. en argent. Le créancier souffrirait du côté de l'argent, mais il gagnerait du côté de l'or. Le débiteur gagnerait et perdrait dans l'ordre inverse.
Mais le débiteur doit toujours garder le choix de la monnaie (art. 484, 3e al.); cette convention est donc défendue.
On peut convenir, au contraire, et nous supposons qu'il a été effectivement convenu, que la perte ou le bénéfice de l'un des métaux sur l'autre se partagera, également entre les deux parties.
Pour cela, le débiteur a trois moyens de payement. Ier ]-Ioyen. —Il pourra d'abord payer dans les deux monnaies à la fois: par exemple, 50 yens en or et 50 y. en argent; ce que la convention n'a pu lui imposer, il peut le faire volontairement: la moyenne des deux monnaies se trouve ainsi payée directement.
IIe Moyen. -Payement en argent; on additionnera:
100 yens qui sont le pair de cette monnaie,
120 yens qui représentent 100 yen d'or,
220 y. d'argent, dont la moitié, 110 y., est ce que le débiteur payera.
IIIe Moyen. -Payement en or; on additionnera:
100 yens au pair,
83,33 qui représentent 100 yens d'argent,
183,33 d'or, dont le débiteur payera la moitié, soit 91 y. 66 s. (ft.).
489. Le système qui vient d'être exposé suppose, comme on l'a déjà remarqué, une constatation officielle du cours respectif des monnaies. Il ne faut pas voir là une difficulté: en tout pays, on constate officiellement le cours de certaines denrées de première nécessité; le cours des fonds publics est également constaté dans toutes les villes où il y a une Bourse de commerce; le cours des monnaies, en fait, est établi par les banquiers, et, le jour où cette constatation aura un intérêt général, rien ne sera plus facile aux préfets que de la faire officiellement. Il suffirait qu'elle ait lieu mensuellement et la cote officielle donnerait le cours moyen du mois.
Quand le débiteur devra payer à son domicile, ce qui est le droit commun (art. 489), il lui sera facile de connaître le cours et d'en justifier près du créancier ou du mandataire de celui-ci. Quand le payement devra, par exception, se faire dans un autre lieu, si le débiteur ne connaît pas exactement le cours de ce lieu (lequel ne peut pas d'ailleurs différer beaucoup du cours de son domicile), il fera le payement par l'intermédiaire d'un banquier ou d'un mandataire particulier, lequel payera suivant le cours.
S'il se présentait quelques difficultés imprévues pour l'application du système, la pratique y suppléerait facilement, même sans l'intervention du législateur. Il serait regrettable que la crainte de quelques contestations possibles fît renoncer à une innovation qui corrigera une injustice certaine des législations modernes, en même temps qu'elle atténuera notablement, si elle ne le fait disparaître tout-à-fait, le mal public du bimétallisme actuel et de la double monnaie à dénomination uniforme.
489 bis. En somme, le nouveau système introduit une 3e monnaie de payement, une monnaie idéale et conventionnelle. Mais, au lieu d'entrer en lutte avec les deux autres, elle les rapproche et les confond en une valeur moyenne.
Désormais, on pourra faire des contrats où les valeurs seront exprimées en yens ou dollars moyens: cela suffira pour que le débiteur soit autorisé à payer, en or ou en argent, à son choix, la moyenne des deux monnaies.
Si le contrat n'exprime pas en quelle monnaie le débiteur payera, les tribunaux pourront, quand l'usage de la convention ici proposée sera devenu général ou seulement fréquent, décider que les parties ont tacitement adopté la valeur moyenne.
490. Le système proposé, reposant sur une convention et non sur une disposition de la loi nationale, s'appliquerait aussi bien aux conventions entre nationaux différents, de pays bimétallistes, qu'entre sujets japonais: les obligations contractées a en valeur moyenne " s'acquitteraient en monnaie du lieu du payement, au taux moyen de l'or et de l'argent, en y ajoutant, pour le calcul de la moyenne, la valeur du papiermonnaie en or et argent, si le lieu du payement avait le papier-monnaie à cours forcé. Quant aux pays monométallistes-or, comme l'Angleterre, ou monométallistesargent, comme l'Inde et la Chine, il ne serait pas question d'y payer en valeur moyenne.
Un jour viendra, sans doute, où il y aura une monnaie internationale, ne portant aucune dénomination monétaire spéciale, mais seulement le poids et le degré de fin, et si les deux métaux précieux y sont adoptés, on aura sans doute la sagesse de n'établir entre eux aucun rapport fixe de valeur.
En attendant la réalisation de ce vœu, le Projet japonais (et le Texte officiel) permettent aux parties d'établir à leur usage un Bimétallisme moyen.
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(q) Il n'y a aucun doute que toute convention faite au moment même,du payement soit valable: il n'y a plus alors, de la part du débiteur, une obligation pour l'aveiiii-J avec ses incertitudes et ses dangers, mais une aliénation actuelle et volontaire de telles ou telles espèces: la loi ne peut interdire ni entraver uue telle convention.
(r) L'objection avait été déjà prévue et réfutée dans la lro édition du l'rojet; mais comme la réfutation avait laissé subsister quelques doutes, ou l'avait complétée dans la 2e; on la reproduit ici, et on espère qu'elle sera jugée péremptoire.
(s) Par exemple, le législateur, sans refondre les yens d'argent, déclarerait qu'ils auront force libératoire pour 1 yen, 10 sens (augmentation de 1 / 10e de la valeur); ou bien, eu les refondant, sans eu changer la valeur nominale, il y ajouterait 1 /10e d'alliage ou il diminuerait le poids d'argent.
(t) Le langage usuel, en cette matière, n'est pas toujours exempt d'équivoque et il faut se mettre en garde ici contre toute confusion.
Qnand on dit qu'une monnaie fait prime sur une autre, de tant pour 100, il faut bien s'entendre sur le point de savoir si c'est en donnant 100 de la monnaie supérieure ou en recevant 100 de la monnaie inférieure, ce qui amène des résultats très différents. En effet, on peut également appeler prime pour 100: soit ce qui est obtenu en monnaie inférieure, en surplus de 100 donnés en monnaie supérieure; soit ce qu'il faut donner en moins de monnaie supérieure pour obtenir 100 de monnaie inférieure. On pourrait, suivant les cas, dire de la prime ce qu'on dit de l'escompte qu'elle peut être en dehors ou en dedans.
La même observation est à faire, quand on dit qu'une monnaie perd sur une autre: cela peut s'entendre, soit de ce qu'il faut ajouter en. monnaie inférieure pour obtenir la même somme numérique en monnaie supérieure, soit de la déduction qu'il faut subir sur cette même somme.
Ainsi celui qui demande à nn changeur de l'argent pour de l'or aura deux moyens de bénéficier de la prime: ou il obiendra 120 d'argent pour 100 d'or (prime en argenl: 20 %) ou il ne donnera que 83, 33 d'or pour 10J d'argent (prime en or: 16,67 %).
En sens inverse, celui qui demande de l'or pour de l'argent devra ajouter 20 d'argent, pour 100 d'or qu'il recevra, ou subir la déduction de 16,67 par 100 d'or reçus: au 1er cas, la perte est de 20 % d'argent, ou 29 cas, elle est de 16,67 % d'or.
(tt) S'il existait un papier-monnaie à cours forcé, et toujonrs la même convention de diviser la dépréciation, on aurait un 4e mode de payement, celui en papier; pour éela on additionnerait 100 y. de papier au pair, la valeur en papier de 100 y. d'argent et la valeur en papier de 100 y. d'or, le total se diviserait par trois, pour avoir la moyenne.
De plus, chacun des trois autres modes de payement serait modifié s dans le 1er mode, on payerait 1/3 en papier; dans le 2e, on prendrait la moyenne d'argent, en faisant figurer la valeur en argent de 100 y. de papier; dans le 3e mode, on ferait figurer la valeur en or de 100 y. de papier, et toujours on diviserait le total par trois.
Ce 4e mode de payement avait sa place dans la précédente édition. Nous espérons qu'il n'y aura plus lieu d'y recourir; mais on voit que le système s'y prêterait tout aussi bien qu'aux deux monnaies métalliques.
Art, 486, -491. Jja loi réunit ici trois conventions qui ont un but analogue à celui de la précédente: à savoir, corriger le droit exorbitant qu'a le débiteur de payer la plus dépréciée des valeurs monétaires; on y va trouver encore une part faite à la liberté des stipulations, en même temps que le respect du principe d'ordre public d'après lequel le débiteur peut payer en la monnaie qu'il lui plaît de choisir.
Ier Cas (1er al.). Le créancier n'a pas consenti à partager le risque résultant de la variation du cours respectif des diverses monnaies, il n'a voulu s'y exposer que pour l'une d'elles, comme aussi il. a entendu s'en réserver exclusivement le profit possible: pour cela, il a stipulé que le payement serait fait, non pas en espèces d'or ou d'argent (ce qui ne peut être stipulé), mais d'une valeur de tant de yens d'or ou d'argent: par exemple, de 100 yens d'or ou 100 yens d'argent. La convention aura son effet, en ce sens que le débiteur ne payera pas, à son gré, 100 yens d'argent, ou 100 yens d'or, ni la moyenne des deux valeurs, comme dans la convention précédente: il payera la valeur que représentent 100 yens de la monnaie promise; seulement, comme il conserve le choix de La monnaie à donner effectivement en payement, il ramènera à cette monnaie la valeur qu'il a promise.
Ainsi, supposons qu'un vendeur d'immeuble ait stipulé, comme prix de vente, la somme de 1000 yens d'or et qu'au jour du payement les deux valeurs soient dans le même rapport respectif que plus haut, soit 100 d'or = 120 d'argent: le débiteur payera, à son gré, ou 1000 yens d'or, ou 1200 yens d'argent. Il pourra aussi donner une partie de la somme en diverses monnaies, en ne comptant chacune que pour sa valeur commerciale. On voit que dans ce cas, le débiteur, suivant les expressions de la loi, " subit seul la perte du change ou en obtient seul le profit," selon que la valeur promise a haussé ou baissé; comme, de son côté) le créancier, sans que la loi ait eu besoin de le dire, court nécessairement les chances inverses, bonnes ou mauvaises.
492. - IIe Cas (2e al.). Le créancier a fait la stipulation défendue par la loi (art. 484, 3e al.): celle du payement réel en monnaie d'or ou en monnaie d'argent. Il n'eût pas été déraisonnable de soutenir que la stipulation était nulle pozir le tout; mais c'eût été donner à la loi une interprétation trop rigoureuse: sans doute, le débiteur ne peut renoncer au droit de payer en telle monnaie qu'il lui plaît; cette renonciation serait contraire à l'ordre public, puisqu'elle exposerait le débiteur à ne trouver la monnaie promise qu'au prix d'énormes sacrifices qu'on ferait peser d'autant plus lourdement sur lui qu'il n'aurait aucun moyen de se passer des espèces promises; mais, du moment qu'il pourrait se libérer en donnant, en une autre monnaie, l'équivalent des espèces promises, d'après le cours commercial commun et officiellement constaté, il n'y a aucun inconvénient «'t donner à la convention l'effet raisonnable qu'elle peut recevoir. Il serait d'ailleurs ridicule que la convention, qui peut être valable avec cet effet, lorsqu'elle a la forme permise au 1er alinéa, fÙt sans effet parce que les parties, par imprévoyance, lui auraient donné une autre forme.
Enfin, l'interprétation que la loi elle-même donne ici de la convention n'est que l'application de deux principes généraux dictés aux tribunaux pour l'interprétation des conventions: 1° il faut, avant tout, rechercher quelle a été la commune intention des parties, 2° il faut interpréter la convention de la manière qui lui donne un effet utile, plutôt que de celle qui ne lui en donne aucun (art. 376 et 378); il faut pourtant que cet effet soit licite, mais le 1er alinéa prouve qu'il n'est pas illicite.
493. -IIIe Cas (Se al.). Le créancier a stipulé une somme payable en monnaie étrangère. Dans beaucoup de pays, en France, notamment, on admet la pleine validité, de cette stipulation (voy. c. comm., art. 143), et nous avons dit plus haut comment cette stipulation doit être interprétée (v. n° 482).
Le Projet japonais donne explicitement la même sol ution.
D'abord, il paraît tout à fait illogique de permettre d'exiger le payement réel en monnaie étrangère, quand -on ne permet pas de l'exiger en une monnaie nationale déterminée, à l'exclusion des autres ayant également cours légal forcé. Ensuite, au Japon, il pourrait être, le plus souvent, fort difficile de se procurer des monnaies de la plupart des pays étrangers: le débiteur serait forcé d'en faire venir par les banques, avec beaucoup de frais et de lenteurs. La loi donnera un effet suffisant à la convention, en obligeant le débiteur à payer, en espèces ayant cours forcé au Japon, l'équivalent des monnaies étrangères, d'après le cours commercial de celles-ci comparé à celui des monnaies japonaises. C'est le même mode de payement que dans le 1er cas ci-dessus exposé.
Ainsi un débiteur s'est engagé à payer 10,000 francs: il lui sera peut-être impossible de se procurer une telle somme, en cette monnaie, dans les banques de Yokohama; mais le rapport commercial du yen avec les francs est toujours connu. A l'époque où nous prenons nos exemples (mars 1891), il est de francs 4, 00 pour 1 yen d'argent; d'autre part, le rapport de l'argent avec l'or étant connu par ce qui précède (100 or= 120 arg.), on trouve que le débiteur de 10,000 francs devra payer, à Yokohama: 2500 yens en argent ou 2083, 33 yens en or.
494. Les trois conventions prévues par notre article 486 présentent une particularité très notable, quaiit à la forme, si on les compare à celle que prévoit l'article précédent: clans le cas de l'article 485, la stipulation avait expressément divisé entre les parties les risques et le profit éventuel résultant du cours des monnaies; dans les cas du présent article, la stipulation est bien moins formelle pour laisser, soit au créancier, soit au débiteur, les bonnes et les mauvaises chances: il a suffi au créancier de stipuler une S01nme en or ou en argent, en monnaie nationale ou étrangère, pour avoir droit à l'équivalent de cette somme au cours réel du commerce. La loi s'est faite l'interprète de la pensée commune des parties: il lui a paru; avec raison, que quand le créancier désigne ainsi une monnaie spéciale, soit pour être effectivement payée (ce qui dépasse son pouvoir), soit, au moins, pour déterminer la valeur et payer, il entendait précisément se soustraire aux fluctuations des deux monnaies et n'accepter le risque que pour une seule, en s'en réservant aussi le cours favorable.
Il est d'ailleurs très légitime qu'un créancier, stipulant une somme en yens, détermine la valeur monétaire qui lui paraît moins le sujette aux variations du commerce. Par exemple, un vendeur à terme est parfaitement en droit d'estimer que la chose qu'il vend vaut 1000 yens d'or ou 1200 yens d'argent; il en est de même du louage et des contrats onéreux où il y a échange de valeurs; assurément, une pareille opération pourrait se faire très valablement au comptant, c'est-à-dire sans terme, avec payement immédiat exigé en monnaie réele d'or (1000 y.) ou d'argent (1200 y.): avec le terme, le débiteur y trouve encore l'avantage de pouvoir payer l'équivalent en une autre monnaie. Si la loi ne permettait pas la convention dont il s'agit, elle mettrait obstacle à beaucoup d'affaires utiles que les parties ne pourraient faire au comptant et qu'elles trouveraient trop périlleux de faire à terme, avec le danger de variation des cours.
Art. 487. — 495. Jusqu'ici, il n'a été question que des deux métaux précieux comme monnaies métalliques ayant cours forcé, et l'on a supposé la monnaie d'argent au titre normal ou au degré de fin de 900 millièmes ou 9/10e8.
Mais les besoins de la pratique ont fait admettre des monnaies d'argent divisionnaires du yen, de 0,50, 0,2 0, 0,01 et 0,05 sens, et pour qu'elles ne fussent par de trop faibles dimensions, on en a abaissé le titre de fin à 800/1000es avec 8/10es de cuivre; en France, elles sont à 835/] oooe8 de fin.
De même, on a frappé des monnaies de cuivre, de 0,02 sens, 0,01 sen, 0,005 rins 0,001 rin (u).
Enfin, depuis deux ans, on a frappé des monnaies de nickel, de 0,05 sens.
496. Ces trois monnaies ont un caractère commun, c'est que leur valeur intrinsèque en métal n'équivaut pas à leur valeur légalement nominale: si l'on avait donné à la monnaie de cuivre, notamment, une valeur intrinsèque égale à sa valeur nominale, elle eût été d'un poids et d'un volume incommodes. La conséquence forcée était que le créancier ne pût être tenu de recevoir de pareilles monnaies pour une somme quelconque: autrement, outre l'embarras d'une monnaie d'un usage très limité, il aurait éprouvé une perte réelle sur la valeur intrinsèque.
Dans tous les pays, les monnaies divisionnaires d'argent à bas titre, ainsi que celles de nickel et celles de cuivre, ne peuvent être imposées au créancier que dans des limites assez étroites, pour chaque payement distinct.
Le Projet présente, ces limites d'une façon moins simple que les lois étrangères, mais plus mathématique et plus rationnelle (4).
497. Une autre différence entre ces monnaies inférieures et celles de métaux précieux, c'est que les parties peuvent, par convention, élever ou abaisser la limite dans laquelle le créancier devra recevoir ces monnaies; elles pourraient même convenir que le créancier n'en recevra pas au-dessus de l'appoint inférieur à un yen. En effet, le but de la loi n'étant que de ménager l'intérêt et les convenances du créancier, il est naturel qu'il puisse, d'accord avec le débiteur, y pourvoir autrement et à son gré.
Mais si le créancier peut stipuler qu'il recevra moins que les sommes indiquées par loi ou même n'en recevra aucune, ou promettre qu'il en recevra davantage, il ne peut stipuler que le débiteur lui donnera autant ou plus que ces sommes: autrement, en cherchant un avantage exactement inverse de celui que la loi a voulu lui assurer, il enlèverait au débiteur celui du choix de la monnaie d'or ou d'argent, ce que l'on a vu être rigoureusement interdit.
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(u) Le sen est la 1008 partie du yen, le rin-est la 108 partie du sen ou la 1OO0e partie du yen.
(4) Les lois spéciales japonaises fixent un maximum de 10 yens pour chaque payement en monnaies divisionnaires d'argent quelconques, et de 1 yen pour les monnaies de nickel et de cuivre.
Art. 488. — 498. La loi nous dit que le prêt d'argent comporte certaines règles particulières qu'on trouvera écrites à propos de ce contrat. On indiquera sommairement ici la principale, celle qui constitue une dérogation aux règles précédentes: il sera plus facile de l 'appr'écier après ce qui vient d'être dit.
On sait, par ce qui a été exposé au sujet de l'article 320, que le prêt est un contrat réel, c'est-à-dire exigeant pour sa formation, outre le consentement des parties, la livraison des choses prêtées: cette livraison est la cause principale de l'obligation de rendre, elle en est aussi la mesure; le débiteur ne doit rendre que parce qit'il a reçu, et il ne doit rendre que ce qit',I'l a reçu; la seule extension que puisse recevoir cette obligation consiste dans les intérêts stipulés, et beaucoup de législations mettent une limite à la liberté de la stipulation d'intérêts; telle est même la loi actuellement en vigueur au Japon (v. n° 324). On comprend dès lors qu'un créancier qui aurait prêté 1000 yens en papier-monnaie, à l'époque où il avait cours forcé et était déprécié, ne pût stipuler qu'il lui serait rendu 1000 yens en or ou en argent, ou la valeur équivalente au cours du change: c'eût été, en réalité, stipuler une somme numérique supérieure à la somme prêtée. Il n'aurait pu stipuler une valeur de 1000 yens en espèces métalliques qu'autant qu'il les aurait effectivement prêtées soit en espèces, soit en valeur équivalente de papier-monnaie.
Aujourd'hui celui qui prêterait 1000 yens d'argent ne pourrait stipuler qu'il lui sera rendu 1000 y. d'or.
On objectera peut-être que l'observation de cette disposition légale n'a pas de garantie sérieuse, car l'emprunteur, qui est toujours plus ou moins à la discrétion du prêteur, consentira souvent à souscrire une promesse de 1000 yens en or, même quand il n'aura reçu que 1000 yens en argent, mais ce danger n'est pas spécial au cas qui nous occupe: il est toujours à craindre que le débiteur qui ne reçoit que 700 ou 800 yens, en prêt, s'engage à en rembourser 1000 ou davantage, après un an, ce qui constitue pour le créancier un profit bien supérieur au taux de l'intérêt conventionnel permis. Une pareille fraude, possible partout et toujours, et malheureusement fréquente, ne peut guère être combattue que par l'aveu du créancier, c'est dire que le débiteur y réussira rarement.
Une¡pareille fraude n'aurait plus d'intérêt ni déraison d'être, si la stipulation d'intérêts était libre, et c'est un argument qu'on ne négligera pas, quand on exa)nmer' sur le Prêt, cette grave question économique.
Voila donc la principale différence entre le prêt d'argent et les autres contrats portant promesse de somme d'arge]!t. Elle se trouve formulée, avec préjsion par l'article 878.
A regard des intérêts. il y aura lieu de défendre aussi (1ll'ils soient stipules payables dans nnc monnaie supérieure à celle qui a été prêtée; mais la prohibition est subordonnée au point de savoir si l'on maintiendra au Japon les limites de l'intérêt conventionnel ou si l'on reviendra, à cet {.gmel à la liberté qui a existé pendant les premières années de Meiji (5).
Il est inutile de faire remarquer que les autres dispositions des articles 484 à iJ87 sont applicables au prêt d'argent comme aux autres contrats; notamment: le choix de la monnaie à paver laisse au débiteur, la faculté de diviser les pertes et les profits du change entre les parties, par le payement de la valeur moyenne, et l'usage limite des monnaies de cuivre ou de nickel et des monnaies divisionnaires d'argent: l'article 878 est formel en ce sens.
Art. 489. — 499. L'article 489 règle conjointement deux des dernières questions posées au sujet du payement: En quel lieu et aux frais de qui le payement doit-il être fait ?
Le lieu du payement a souvent une grande importance pour les parties. Si le payement se fait au domicile du créancier (cas UJ'l la dette est dite pU/'table), celui-ci n'est obligé à aucun déplacement et n'a à supporter ni les frais, ni les risques d'un transport. S'il se fait au domicile du débiteur (dette quérable ou requé Taule), c'est pour celui-ci que sont les mêmes avantages. Pour le débiteur, le lieu du payement a encore une autre importance: s'il ne possède pas les choses dues, il doit se les procurer et souvent elles ont une valeur commerciale plus considérable dans un lieu que dans un autre.
Il arrivera donc souvent que les parties prendront soin de fixer le lieu du payement et cette convention est si manifestement valable que la loi ne prend pas la peine de l'exprimer: elle se place immédiatement dans l'hypothèse où il n'y a pas eu convention à cet égard. Au surplus, les parties peuvent iixer, comme lieu du payement, le domicile réel ou la résidence, soit de l'une d'elles, soit d'un tiers (v). Si l'on a employé le mot " domicile," il faudra, en général, l'entendre du domicile réel et non de la Ttsidence. S'il y a eu indication de deux lieux conjointement, et que la chose soit divisible, le payement devra avoir lieu par moitié dans chaque lieu: les parties auront ainsi dérogé à la règle de l'indivisibilité du payement. Si deux lieux ont été indiqlIés, disjoncti N-eiiieikt, le débiteur aura le choix du lieu, d'après le droit commun (art. 380, 1er al.).
Il ne faut pas confondre la iixation d'un lieu pour le payement avec l' élection de domicile pour Vexécution de la convention: cette clause de la convention a beaucoup plus d'effets que la précédente, car, non seulement elle fixe le lieu du payement, mais encore celui où les significations, demandes et poursuites en justice pourront être faites (voy. c. civ. fr., art. ]] 1).
Si les parties n'ont fait aucune convention au sujet du lieu du payement, il est naturel de décider en faveur du domicile du débiteur, comme le fait ici la loi (comp. (;. civ, fr., art. J 247 et c. civ. it., art. 1249). Et on. remarquera; à ce sujet; que, si le contrat est synallagmatique ou bilatéral, chaque partie jouit isolément du bénéfice de payer à son domicile (voy. ci-dess., art.,-j,SO, 2° al.). Toutefois, si un débiteur commence l'exécution dans un autre lieu, il pourra être tenu de l'achever dans le même lien, comme ayant renoncé au bénéfice de la loi. Une décision analogue pourrait être donnée dans le cas où, un lieu ayant été fixé par convention, l'exécution aurait été volontairement commencée ailleurs, sur la demande du créancier ou, au moins, sans opposition de sa part.
La loi indique deux dérogations à la règle que le payement, en l'absence de convention, se fait au domicile du débiteur: l'une est un renvoi à certains contrats pour lesquels, par des raisons spéciales, notamment. par interprétation de l'intention des parLies, la loi désignera autrement le lieu du payement. Les principaux de ces contrats sont, en France. la vente. le prêt à usage et le dépôt (voy. e. eiv. IV., art. 1G51, J903 et 191;>; Pruj., art. son et 913). L'alltœ dérogation, déjà connue, est relative à la délivrance d'un corps certain: la loi a cru devoir la rappeler par un renvoi à l'article 353.
500. La loi, par surcroit de précaution, suppose que la partie au domicile de laquelle le payement devait se faire a changé de domicile; comme ce changement n'a vraisemblablement pas été prévu par l'autre partie, celle-Ó n'en doit pas souffrir; de là, son droit à une indemnité à raison du sur. roit de frais qui en pourra résulter pour elle; parmi ces frais, il faut remarquer ceux de change, s'il s'agit d'un envoi d'argent: ces frais qui remplacent ceux du transport effectif de l'argent, auront une importance spéciale dans le cas des conventions prévues, ci-dessus, aux articles 485 et 486.
Cette disposition s'applique, aussi bien quand le domicile de l'une des parties, pour le payement, avait été fixé par convention, que lorsque, à défaut de convention, il s'agit du domicile du débiteur; enfin, elle s'applique aussi au cas où. il s'agit du domicile d'un tiers.
La loi suppose que le changement de domicile a eu lieu "sans fraude; " si donc, il y avait preuve que le changement n'a eu lieu, par une partie, que pour nuire à l'autre, celle-ci pourrait toujours maintenir son droit de payer ou de recevoir au lieu précédemment fixé.
501. La loi termine par une disposition sur les autres frais du payement: elle les met à la charge du débiteur, parce que ces frais sont plutôt dans son intérêt que dans celui du créancier, ils sont d'ailleurs un accessoire de la dette principale. En France, on compte comme frais de payement, le timbre, l'enregistrement de la quittance et les frais de notaire, s'il y a lieu.
Au Japon, les frais de timbre sont minimes, ceux d'enregistrement sont encore inconnus; mais, pour les dettes d'argent, on paye quelquefois en présence et sous le contrôle d'un banquier qui perçoit un léger salaire; en tout cas, s'il s'agit de meubles plus ou moins lourds ou volumineux, de denrées ou de marchandises, il y a toujours les frais de délivrance qui sont à la charge du débiteur, comme il est dit à l'article 353 précité.
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(5) Le Texte officiel n'a pas rétabli la liberté du taux de l'intérêt conventionnel.
(v) En droit commercial, on appelle billet et domicile ou lettre de change et domicile les effets de commerce payables au domicile d'un tiers. Quelquefuis, cette mention du domicile d'un tiers n'est que subsidiaire et au défaut de payement par le débiteur principal: le tiers est alors désigné avec la mention au besoin.
Art. 490. — 502. Outre les cinq questions relatives au payement et maintenant résolues, il y en a une non moins importante, celle de savoir: Quand le payement doit être fait ? Mais cette question se rattache, en même temps, à l'une des modalités de l'obligation qui peut être pure et simple ou à terme; or, les modalités ont été déjà traitées, au sujet des effets des obligations; la loi s'est donc bornée à un renvoi, pour mémoire, aux articles 423 à 427.
Rappelons seulement que le payement doit être fait au temps convenu, et, à défaut de convention expresse ou tacite, aussitôt que l'obligation est née; de même, il doit être fait en entier et non par parties; sauf le droit conféré aux tribunaux d'accorder des délais modérés et de permettre le fractionnement du payement, si cela paraît nécessaire au débiteur sans nuire au créancier (voy. art. 426).
Le Code français a peut-être été moins méthodique, en traitant ici du terme de'g'}'IÎ.ce ou terme accorde par le tribunal (voy. art. 1244), tandis qu'il a traité du terme de droit au sujet des modalités (art. 1185). De même, il proclame ici que le payement ne peut être offert, ni exigé partiellement, alors cm'il avait déjà dit (art. 1220) que l'obligation, même divisible, (loit être exécutée entre les parties comme si elle était indivisible. Le Projet japonais a posé ce principe mieux h place, en traitant de l'indivisibilité (v. art. 459).
Au surplus, c'est une grande difficulté que celle (lc l'ordre et de la méthode dans la rédaction des lois: les diverses matières du droit ont tant de points divers de contact qu'il est souvent impossible de leur assigner leur place rigoureusement logique; il faut, au moins, les signaler où il convient, par (les renvois à ce qui a été (lit ou à ce qui suivra. C'est ce que fait constamment le Projet japonais.
Du reste, la loi saisit cette occasion de faire ici une place utile à l'échéance, en accordant une nouvelle faveur au débiteur: quand l'échéance tombe un jour férié légal, le débiteur gagne un jour. En France, en matière d'effets de commerce, la disposition de la loi est un peu différente: la dette est exigible la veille, mais le débiteur peut encore éviter les frais en payant le lendemain (camp. c. comm., art. 184 et 102).
SOMMAIRE.
Art. 491. — N° 503. Trois sortes d'impntations. - 504.
Quand il y a lien à im plltatiou,-505. Imputation par le débiteur: ses limites. - 506. Révocation de l'imputation: ses limites.
492. -507. Imputation par le créancier: cas où elle peut être critiquée par le débiteur.
493. -508. Imputation par la loi: distinctions.
494. —509, Caractère du compte-courant: son influence sur l'imputation des payements.
COMMENTAIRE.
Art. 491. — 503. Le Projet s'écarte un peu de l'ordre suivi par les Codes français et italien, en plaçant l'Imputation des payements et les Offres suivies de la Consignation avant le Payement avec Subrogation: il a paru plus naturel, en effet, de présenter dans leur ensemble les règles du payement ordinaire, c'est-à-dire du payement fait par le débiteur lui-même, et de rejeter à la fin de la matière le payement fait par un tiers.
L'imputation des payements est faite par le débiteur ou par le créancier ou par la loi. On dit quelquefois qu'elle est de trois sortes: arbitraire, conventionnelle ou légale; mais il y a un peu d'exagération, comme on va le voir, à dire que l'imputation par le débiteur est arbitraire, puisqu'elle a plusieurs limites; il est difficile aussi de dire que l'imputation par le créancier n'a sa force que dans le consentement du débiteur.
504. Dans l'article 491, la loi a soin d'indiquer avec précision que, pour qu'il soit question d'imputation, il faut que le débiteur ait envers le m,ême créancier plusieurs dettes de même nature, c'est-à-dire de même objet, et qu'il fasse, à titre de payement, un versement qui ne peut les éteindre toutes. C'est alors qu'il importe de savoir laquelle est éteinte; car, bien qu'ayant des objets de même nature, elles. peuvent peser sur le débiteur d'une façon plus ou moins lourde: les unes peuvent porter des intérêts et les autres non, les unes être garanties par une hypothèque et les autres être purement chirographaires (a), les unes être sanctionnées par une clause pénale ou par une menace de résolution ou de déchéance, les autras n'avoir pour sanction que le droit de. poursuite ordinaire.
Sur la condition d'identité d'objet de diverses dettes avec la nature de la chose payée, il n'y a pas besoin d'insister: il est clair que si le débiteur doit, d'une part, des denrées ou marchandises et, d'autre part, de l'argent, et qu'il donnè de l'argent en payement, il ne sera pas possible d'imputer ce payement sur la dette de denrées, et réciproquement. Du reste, en fait, c'est presque toujours entra diverses dettes d'argent que la question d'imputation du payement se présente; il est rare que des dettes d'autres choses fongibles soient tellement semblables entre elles et avec la chose payée qu'il y ait incertitude sur le point de savoir à quelle dette s'nppliquent les choses données en payement.
Lors donc que le débiteur paye une somme ou valeur qui pourrait, par sa nature, éteindre une dette ou une autre, la loi lui permet d'en faire l'imputation au moment du payement, par conséquent, de requérir du créancier qu'ilja mentionne dans la quittance. Si celuici s'y refusait et que le débiteur persistât dans sa prétention, ou bien il refuserait le payement et attendrait des poursuites, ou bien il ferait les offres et la consignation dont il sera parlé ci-après et il y reproduirait l'imputation..
505. Il est naturel que le droit d'imputation appartienne au débiteur de préférence au créancier; c'est une nouvelle application de la juste protection que la loi lui accorde en général.
Mais son droit d'imputation n'est pas illimité, ni touta-fait " arbitraire," comme on l'a dit: la loi lui impose trois limites.
1" Si l'une des (lettes est à terme et que le terme soit dans l'intérêt du créancier, le débiteur ne peut, par son imputation, devancer l'échénnee du terme; au contraire, si le terme est dans son propre intérêt (et c'est le cas présumé), il peut, par son imputation, renoncer au bénéfice du terme.
2° Si une ou plusieurs des dettes portent intérêt ou ont occasionné (les frais au créancier, le débiteur (loit d'abord faire l'imputation sur les frais, puis sur les intérêts, et c'est seulement l'excédant qu'il imputera, à son gré, sur le capital de l'une ou l'autre des dettes: le motif est qu'il ne (loit pas diminuer le capital productif d'intérêts avant d'avoir payé les frais et intérêts qui eux-mêmes n'en portent pas ou n'en portent qu'à (les conditions spéciales (v. art. 414).
Un cas aurait pu faire doute: le débiteur doit des intérêts échus sur une dette encore non échue, il a de plus une autre dette non productive d'intérêts, ou dont les intérêts sont déjà payés: il fait un payement qu'il prétend imputer sur le capital de cette dernière dette, sans payer d'abord les intérêts échus de l'autre; cette prétention qui serait peut-être soutenable en France, avec le texte de l'article 1254, ne sera pas admise avec les termes du présent article qui donne la priorité aux frais et intérêts échus sur tous " les capitaux."
3° Si l'imputation peut se faire intégralement sur une ou plusieurs dettes, le débiteur De peut la faire sur d'autres, de façon à effectuer des payements partiels, ce qui lui est défendu par l'article 459; ainsi, s'il doit 2000 yens d'une part, 1000 yens d'une autre, et qu'il paye 100.0 yens, il ne peut en faire l'imputation sur les deux dettes, mais seulement sur celle de 1000 y., laquelle se trouvera éteinte en entier; s'il doit 2000 y., 1200 y. et 900 y. et qu'il donne 1000 y., il devra d'abord imputer sur la dette de 900 y.; mais il reste libre d'imputer les 100 y. d'excédant sur celle des deux autres dettes qu'il préfère diminuer; à moins que le créancier ne refuse de recevoir l'excédant de 100 y., ce qui est son droit.
Du reste, les limites qui précèdent cessent, si le créancier consent à une imputation défendue au débiteur: elle devient alors conventionnelle.
Enfin, la liberté d'imputation par le débiteur n'est pas modifiée par la cause des dettes, ni par leur ancienneté en date ou en échéance (comp. art. 493).
506. Une dernière question reste à examiner ici. D'après les termes mêmes du 1er alinéa, l'imputation doit être faite par le débiteur, au moment où il paye ou, au plus tard, au moment où il demande et obtient la quittance; c'est la conséquence naturelle de ce que l'imputation détermine l'effet extinctif du payement; si donc le débiteur n'a pas fait l'imputation à ce moment, le droit de la faire passe au créancier, comme le dit l'article suivant, et, si ce dernier manque également à la faire, elle est faite par la loi. La question est de savoir si, après l'imputation du créancier ou celle de la loi, les parties pourraient, d'un commun accord, revenir sur ce qui a été fait et faire une nouvelle imputation qui serait conventionnelle. La même question pourrait se poser s'il y avait eu une première imputation par le débiteur et que les parties fussent d'accord pour la changer.
Au premier abord, l'affirmative ne semble pas douteuse, puisque l'ordre public n'est pas intéressé dans l'imputation; mais il ne faut admettre cette convention que si aucune tierce-personne n'est intéressée à maintenir la précédente imputation: autrement, celle-ci ne doit pas perdre un droit acquis. Ainsi, la première imputation a porté sur une (lette garantie par une caution, laquelle s'est trouvée libérée; celle-ci ne pourra, parl'accord des parties, être replacée dans les liens de son obligation. De même, la dette éteinte par l'imputation était hypothécaire: l'hypothèque s'étant trouvée éteinte en même temps, les créanciers hypothécaires subséquents ou les créanciers chirographaires en ont profité (b); dès lors, il est impossible aux parties de faire revivre la dette hypothécaire au préjudice de ceux-ci, lors même qu'ils auraient ignoré l'extinction au moment où elle a eu lieu.
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(a) Sur cette expression et son emploi moins exact que consacré, voir T. Ier, u° 249, note b.
(b) Au Japon, jusqu'à la 5° année de Meiji, (1872), il était défendu d'hypothéquer le même fonds à différents créanciers, successivement, tant que la première dette n'était pas éteinte.
Art. 492. — 507. La loi suppose maintenant que le débiteur n'a pas fait l'imputation ou en a fait une qui n'est pas valable; le créancier, dès lors, a pu user de son droit de la faire, et sa liberté est plus grande que celle du débiteur, car la loi déclare qu'il peut la faire " librement; " elle ne le soumet qu'à une seule condition, celle de faire l'imputation dans la quittance, comme lorsqu'elle est faite par le débiteur, et elle ne met à sa liberté qu'une limite, laquelle est particulière au cas de société. On est cependant habitué à voir h loi réserver ses faveurs au débiteur plutôt qu'au créancier. La raison de cette différence est double: d'abord, le débiteur, ayant pu faire l'imputation et ne l'ayant pas faite, est présumé en avoir donné le pouvoir au créancier; ensuite, il peut toujours refuser une quittance qui contiendrait une imputation préjudiciable à ses droits: par exemple, si le créancier avait imputé sur une dette non échue, quand le terme était établi dans l'intérêt du débiteur, ou avait imputé sur une dette contestée ou contestable par le débiteur. Lors donc que le débiteur reçoit la quittance portant imputation par le créancier et ne fait pas, à cet égard, de " protestations ou résen-es," l'imputation vaut plutôt par son consentement que par la volonté du créancier (c).
La loi termine encore par une protection lill débiteur: lors même qu'il aurait accepté la quittance sans réclamation, il pourrait encore la critiquer pour deux causes: erreur de sa part, fraude de la part du créancier. Le Code français (art. 1255) et le Code italien (art. 1257) n'admettent que le dol et la surprise provenant du créancier; il paraît tout aussi naturel de venir au secours du débiteur qui, par exemple, aurait mal compris l'imputation faite par le créancier et prouverait que, s'il l'avait exactement comprise, il l'aurait refusée.
Quant au cas de fraude ou surprise de la part du créancier, les tribunaux ne devront pas l'admettre trop facilement; mais on peut supposer que le créancier, abusant de l'ignorance où était le débiteur qu'une des dettes était attaquable, a fait, à dessein, porter l'imputation sur cette dette, pour qu'elle fût considérée comme ratifiée par le payement. L'erreur du débiteur et la fraude à son égard, ne sont pas invraisemblables, si l'on suppose que le débiteur actuel est l'héritier du débiteur originaire. Remarquons enfin que le Projet n'a pas employé le mot " dol," comme les Codes précités, mais le mot plus large de " fraude," pour qu'il soit bien entendu qu'il n'y a pas besoin que le créancier ait employé, pour tromper le débiteur, des " manœuvres frauduleuses " qui sont l'élément constitutif du dol: c'est d'ailleurs l'interprétation admise en France.
Il va de soi que l'imputation faite par le créancier et acceptée par le débiteur, expressément ou tacitement, ne pourrait plus être changée, même par un commun accord des parties, s'il y avait des tiers intéressés à son maintien.
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(c) Le débiteur fera, quelquefois sagement de ne pas refuser la q u ittance, quoiqu'il n'accepte pas l'imputation, parce que la quittance pruuvera toujours qu'il a effectue up payement; mais alors, il pràlestera, en même temps, contre l'impututiot), il f'cso'L'o'a son droit de la critiquer.
Art. 493. — 508. On arrive à l'imputation faite par la loi, lorsque les parties ne l'ont pas faite ou ne l'ont pas faite valablement. Il faut, tout d'abord, remarquer, a ce sujet, que l'imputation non valable ne peut être désormais corrigée par la partie qui aurait eu le droit de la faire plus exactement: lorsque l'imputation est annulée par le tribunal, le payement subsiste, et, comme il doit avoir eu un effet immédiat d'extinction, de jour où il a été accompli, cet effet, n'étant pas réglé par les parties, se trouve l'avoir été par la loi.
Lorsque la loi fait l'imputation, elle se préoccupe moins de suppléer à l'intention probable des parties que de donner satisfaction à l'intérêt légitime de chacune, comme on va-le voir en reprenant les cinq alinéas.
1° S'il y a des dettes échues et des dettes non échues, il n'y a d'imputation légale que sur celles qui sont réellement échues, et il n'y a pas à distinguer ici dans l'intérêt de quelle partie le terme avait été établi; car la loi n'a pas qualité pour suppléer la volonté de cette partie dans le sens de la renonciation au terme.
2° Toutes les dettes étant échues, en capital et intérêts, on retrouve ici la règle que la dette des frais et intérêts doit être éteinte avant celle des capitaux: la loi qui a astreint le débiteur à cette imputation préalable ne pouvait manquer à la faire elle-même. On remarquera, à ce sujet, qu'il n'y a pas de distinction entre les intérêts moratoires et les intérêts compensatoires (v. n° 318, d), et, d'un autre côté, qu'une dette de dommages-intérêts, même liquidée, ne serait considérée,. ni comme dette de frais, ni comme dette d'intérêts: ce serait une dette ordinaire.
3° Toutes les dettes étant échues, ou toutes étant non échues, et les frais et intérêts étant payés, l'extinction portera sur la dette que le débiteur a le plus d'intérêt ou d'avantage à acquitter, autrement dit, sur la plus onéreuse pour lui.
Il y a des cas où l'avantage du débiteur à être libéré d'une dette plutôt que d'une autre est manifeste; d'autres où l'appréciation, étant délicate et variant avec les circonstances du fait, devra être laissée aux tribunaux.
Ainsi, la dette qui porte intérêts est évidemment plus onéreuse que celle qui n'en porte pas; celle dont l'inexécution doit entraîner une forte clause pénale, une déchéance ou une résolution, est plus onéreuse qu'une dette qui n'a que les sanctions civiles ordinaires; celle qui est garantie par une hypothèque est plus onéreuse que la dette simplement chirographaire. Sont également plus onéreuses: celle dont le débiteur est tenu en son nom plutôt que celle dont il est tenu comme caution, celle dont il est tenu seul plutôt que celle dont il est tenu solidairement avec d'autres; celle à l'égard de laquelle il y a titre exécutoire ou poursuites commencées plutôt que celles qui n'ont pas un caractère aussi menaçant.
Mais, il y a plus de difficulté si l'on compare une dette chirographaire portant intérêts avec une dette hypothécaire qui n'en porte pas, ou une dette dont le débiteur n'est tenu que comme caution et pour laquelle il a fourni h ypothèque avec celle dont il est tenu en son nom, sans hypothèque: quand les charges respectives des dettes sont de natures différentes, la comparaison et, par suite, le résultat de l'imputation légale doivent être laissés à l'appréciation des tribunaux. On ne devra pas dire cependant qu'il a alors imputation judiciaire, elle sera toujours légale: les tribunaux ne l'auront pas faite en vertu de leur autorité, mais par interprétation et par application de la loi.
4° Si ce caractère plus onéreux au débiteur ne se rencontre dans aucune des dettes, la loi trouve encore une cause préférable d'imputation dans l'échéance. Et ici, elle fait une différence radicale entre les dettes échues et les dettes non échues: si les dettes sont toutes échues, c'est celle qui est la plus ancienne en échéance qui recevra l'imputation; si aucune n'est échue, c'est, au contraire, celle dont l'échéance est la plus 'prochaine. Cette différence est facile à justifier. La dette la plus anciennement échue est celle à l'égard de laquelle le débiteur est le plus en faute; c'est aussi celle à l'égard de laquelle le créancier court le plus de risque de perdre son droit par la prescription; il est donc juste que le débiteur soit présumé avoir entendu éteindre cette dette, de préférence, et, s'il n'a pas eu cette intention, que la loi y supplée cun devoir de payer; mais, puisqu'il paye avant tous les termes, il est censé renoncer à celui qui est le plus court, le plus près d'échoir; et, si les termes étaient dans l'intérêt du créancier, le fait par lui d'avoir reçu prématurément pourrait le priver du bénéfice de l'un des termes, lequel, raisonnablement, doit encore être le plus court, le plus proche.
5° La loi suppose enfin que " toutes choses sont égales," c'est-à-dire que les diverses dettes sont semblables en tons points; des lors, comme il n'y a plus aucune cause d'imputer sur l'une plutôt que sur l'autre, l'imputation est faite par la loi sur toutes en même temps, non par égales portions, mais proportionnellement à leur importance. On arrive alors à des payements partiels; mais le créancier ne peut s'en prendre qu'à lui-même de n'avoir pas fait une imputation particulière.
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(d). Si, au contraire, aucune dette n'est échue le débiteur n'a commis aucune faute, il n'a encore au(d) Le Code français et le Code italien ont parlé seulement dp, la dette " la plus ancienne," et l'opinion la plus répandue est que c'est la plus ancienne en date de formation; mais cette opinion qui paraît fondée sur les lois romaines (équivoques d'ailleurs, sur ce point, et quelque peu contradictoires) ne peut se justifier, ni en raison, ni en équité, et c'est à bon droit que le Projet l'exclut formellement.
Art. 494. — 509. Le compte-courant est plus usité en matière commerciale qu'en matière civile, cependant rien n'empêche et il n'est pas rare qu'il existe entre personnes non commerçantes et pour affaires non commerciales.
Le compte-courant n'est pas un contrat particulier, c'est une simple convention accessoire, créant un mode spécial de comptabilité, applicable à des contrats réciproques déjà faits et à d'autres contrats futurs; ces contrats, au lieu de conserver leur caractère propre, leur cause distincte, leurs effets indépendants, se fondent ensemble, se compensent, et finissent par se solder en une différence, à la charge de l'un et au profit de l'autre, ou par se balancer, s'équilibrer exactement, avec libération réciproque.
Le compte-courant a lieu surtout entre personnes appelées à se faire des fournitures réciproques de choses semblables, spécialement d'argent ou de choses toujours estimées en argent. Chaque partie peut tenir le compte, c'est-à-dire le dresser, au fur et à mesure des opérations: chacune a son débit, ou la somme de ce qu'elle reçoit et, par conséquent, de ce qu'elle doit, et son crédit, ou la somme de ce qu'elle fournit, de ce dont elle est créancière. Toutes les opérations étant ramenées à une valeur en argent due par l'une des parties à l'autre, c'est comme s'il y avait une série de prêts successifs et mutuels. Le caractère distinctif du compte courant est donc l'unité, malgré la diversité de ses éléments.
Voici maintenant en quoi les précédentes règles de l'imputation sont inapplicables au compte-courant:
1° Dans le compte-courant, toutes les dettes formant le débit de chaque partie sont échues; car la partie créancière peut toujours se faire verser le montant de son solde créditeur; donc, les versements du débiteur s'imputent sur la masse de son débit;
2° S'il y a des intérêts, toutes les dettes portent intérêt et le même intérêt; il n'y a donc pas à dire que l'une d'elles est plus onéreuse que l'autre à cet égard; même observation pour l'hypothèque: s'il y a eu constitution d'hypothèque, c'est pour la garantie de tout le compte ou, au moins, du solde débitell1', quels qu'en soient les éléments constitutifs. Il n'y a donc, en réalité, dans le compte-courant, qu'une seule dette qui est flottante, susceptible d'augmenter ou de diminuer à chaque instant, et même de se déplacer d'une partie sur l'autre, par l'inégalité des versements faits de chaque côté.
Si l'une des règles de l'imputation est applicable au compte-courant, c'est la dernière, en vertu de laquelle l'imputation se fait, à la fois, sur toutes les dettes, simultanément et proportionnellement. Ce résultat s'obtient sous une autre forme: les versements sont, comme dit le texte, "portés au crédit de celui qui les effectue; '-' ils sont, en même temps; portés au débit de celui qui les reçoit et contribuent ainsi, soit à élever le solde cré1 diteur, soit à le diminuer, soit à balancer ou équilibrer le compte.
SOMMAIRE.
Art. 495. — N° 510. Nécessité de parer au refus illégal du créancier de recevoir le payement.
496. —511. Distinction des choses dues: sommes d'argent, corps certains, choses de quantité, faits à accomplir.
497. -512. Itenvoi au Code de Procédure civile, pour les formalités des offres.
498. -513 et 514. Effets des offres; purge de la mise en demem'e.
499. —515. Consignation: distinction entre les sommes d'argent et lés autres choses dues; renvoi à une loi spéciale, pour les formes.
500 et 500 bis. — 516. Effets de la consignation -517.
Révocation ou retrait de la consignation: distinctions. -518. Frais: renvoi.
COMMENTAIRE.
Art. 495-496. -510. Il n'y a rien d'invraisemblable à supposer qu'un créancier refuse de recevoir le payement: le cas le plus simple et le plus fréquent est celui oà le créancier prétend, de bonne foi, que le payement proposé par le débiteur ne comprend pas tout ce qui lui est dû; il peut arriver aussi que le créancier préfère prolonger un placement sûr ou qui lui rapporte de gros intérêts, ou qu'il ne veuille pas momentanément courir les risques de la possession de la chose due; ces dernières prétentions, n'étant pas légitimes, seront toujours déguisées sous le prétexte précédent.
Le débiteur, de son côté, par les raisons exactement inverses, tient à se libérer; quelquefois même il a l'intérêt, encore plus sérieux, d'éviter soit des déchéances de droits acquis, soit une résolution du contrat, une clause pénale ou des dommages-intérêts.
En présence de ce désaccord, il convient qu'aucune des parties ne soit à la discrétion de l'autre
S'il fallait faire vider le différend par la justice dans les formes ordinaires, il y aurait des lenteurs inévitables et préjudiciables aux deux parties, même à celle qui aurait définitivement gain de cause. La loi organise donc une procédure extrajudiciaire rapide et peu coûteuse sur laquelle la justice pourra avoir à statuer ultérieurement, si chaque partie persiste dans ses prétentions. Cette procédure se compose de deux actes bien distincts: les offres, la consignation. La loi indique avec soin l'effet séparé de chacun de ces actes: trois articles sont consacrés aux offres et trois à la consignation.
Le Projet s'écarte du Code français sur plusieurs points: notamment, il néglige les formes assez compliquées des offres et de la consignation et les renvoie à la procédure civile extrajudiciaire, et il tranche plusieurs questions restées douteuses en France (a).
511. La loi distingue ici quatre sortes d'obligations, quant à l'objet 0:1 à la chose due, laquelle peut être: une somme d'argent, un corps certain (avec une distinction), une chose fongible ou de quantité, enfin, un fait à accomplir.
1er al. Lorsqu'il s'agit d'une dette d'argent, la loi ne se contente pas que le débiteur déclare qu'il est prêt à la payer, elle veut encore qu'il présente les espèces au créancier, c'est ce qui fait donner aux offres le nom de réelles (de res, " chose,") parce que la chose même est offerte. Et remarquons que, dans ce cas, il y a dérogation à la règle ordinaire d'après laquelle le payement peut se faire au domicile du débiteur quand il n'y a pas convention différente: si le débiteur tient à se libérer et que le créancier, dûment averti, ne se présente pas, le débiteur doit prendre la peine de lui faire porter les espèces, à personne ou domicile; sauf à se faire rembourser les frais qui en résultent. La loi exige la présentation des espaces, pour augmenter les chances d'acceptation du créancier; car la loi désire toujours l'extinction des dettes, et elle n'ignore pas que le mauvais vouloir ou les exigences p?ut-ctre exagérées (ln créancier fléchiront souvent, quand, en présence des espèces, il n'aura plus qu'une quittance à donner pour mettre fin au débat.
2e al. La cho^e due est un objet individuellement déterminé, un corps certain, et la livraison devait se faire au lieu oà il se trouve actuellement, soit que ce fut le lieu de la convention, soit que ce fût un autre lieu où le débiteur avait déjà transporté l'objet, en vertu de ladite convention; dans ce cas, les offres ne consisteront que dans la " sommation faite au créancier de procéder 'i, l'enlèvement"; il ne sera pas nécessaire qu'il fasse porter et présenter l'objet au domicile du créancier: ce serait trop aggraver la position du débiteur, en lui créant des embarras sérieux, lors même qu'il en devrait être indemnisé.
3e al. Il s'agit encore d'un corps certain, mais il est livrable au domicile du créancier ou dans un autre lieu où il n'est pas encore. En principe, le débiteur devrait le transporter parement et simplement audit lieu; mais comme le débiteur sait déjà que le créancier ne veut pas recevoir (peut-être, parce qu'il soutient que l'objet a été détérioré par la faute du débiteur), il y aurait souvent un grand inconvénient à transporter la chose pour les offres, et à la rapporter ensuite, en cas de refus. La loi autorise donc le débiteur à faire ses offres par une simple " déclaration portant qu'il est prêt à livrer au lieu convenn." Cette faveur, qui ne se trouve pas dans le Code français, n'est accordée ici au débiteur que si le transport est " coûteux, difficile ou dangereux;" or, c'est sous sa responsabilité que le débiteur appréciera s'il convient ou non d'effectuer ce transport préalable; s'il ne l'a pas fait et qu'ensuite le créancier, refusant les offres, prouve que l'objet aurait pu être transporté sans inconvénients sérieux, le débiteur supportera les frais des offres.
4e al. Le Code français n'a pas prévu les cas où la dette est d'une chose de quantité; il en résulte un désaccord entre les auteurs et parmi les tribunaux, sur le point de savoir si les offres doivent toujours être accompagnées de la présentation de la chose. Le Projet tranche la question négativement, en assimilant, à cet égard, les choses de quantité aux corps certains: elles ne devront être présentées que si le payemant doit être fait au domicile du créancier ou dans un autre lieu que celui où elles se trouvent actuellement, et si le transport n'a pas d'inconvénients sérieux.
5e al. Le Code français n'a pas non plus prévu l'obligation Il de faire," comme celle d'exécuter un travail:il est clair qu'il ne petit être question d'offres réelles, en pareil cas. Une distinction est d'ailleurs nécessaire: si le travail n'exige pas le concours, la présence ^ du créancier, le débiteur doit l'exécuter de son côté et il n'aurait à faire d'offre d'exécution au créancier que si celui-ci avait élevé des prétentions à la résiliation du contrat ou à une exécution différente de celle que veut faire le débiteur; si, au contraire, l'exécution demande la présence, le concours du créancier, comme un portrait à faire, des vêtements à confectionner sur mesure ou des travaux à exécuter dans sa maison, sous sa direction, le débiteur, au cas de refus du créancier, le sommera de concourir à l'exécution, " en déclarant qu'il est prêt de son côté à y procéder."
Il ne peut être ici question d'offres d'exécuter une obligation u de ne pas faire: " il suffira au débiteur de s'abstenir.
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(a) On négligera ici le Code italien qui a reproduit (art. 1259 à 1266) le Code français, presque littéralement, sans y apporter aucune amélio. ration à noter.
Art. 497. — 512. L - Code français a cru devoir entrer dans des détails minutieux sur les conditions et formalités des offres (art. 1258). Or, ces conditions ne sont guère autres que celles requises pour la validité du payement, déjà exposées précédemment, et cela est naturel, puisque '-' les offres suivies de la consignation libèrent le débiteur" (art. 1257, 2') al.); il parait donc inutile de les reproduire ici et le Projet se borne à exiger pour les offres ¡; les conditions requises pour la validité du payement." Quant aux formalités extrinsèques des offres, elles appartiennent à la procédure extrajudiciaire; le Code civil français lui-même ne les a pas données toutes, car il a dû les compléter au Code de Procédure civile (art. 812 à 818). Le Projet les renvoie toutes à la procédure.
Art. 498. — 513. Cet article règle les effets des offres. On les suppose " valables," an fond et en la forme et, de plus, " faites en temps utile," ce qui n'est pas toujours une condition de leur validité, mais rend au moins leurs effets plus favorables au débiteur. Dans ce cas, elles préservent le débiteur des conséquences qu'aurait entraînées pour lui un retard dans l'exécution. Ainsi, un vendeur s'était réservé la faculté de rachat, par la restitution du prix dans un délai fixe, ou un locataire s'était réservé le droit de renouveler le bail, en prévenant un certain temps à l'avance et en payant un terme à échoir; si l'un ou l'autre laisse écouler le temps fixé sans verser les sommes dues pour le rachat ou la relocation (réconduction), il encourt une déchéance immédiate, de plein droit et sans sommation: les offres faites " en temps utile," c'est-à-dire avant l'expiration du délai, le préserveront de cette déchéance. 11 en est de même de la résolution pour inexécution des conditions, et, lors même que le débiteur se trouverait dans un des cr.s où la résolution n'a pas lieu de plein droit, mais doit être demandée et prononcée en justice, il ne suffirait pas qu'il déclarât, au cours de la procédure, qu'il est prêt à exécuter: il devrait suivre la forme particulière des offres et présenter les espèces ou la chose due, suivant les distinctions précitées; s'il l'a fait avant que le jugement ait prononcé la résolution, il en est préservé. Enfin, il échappe, par les offres faites en temps utile, à la clause pénale stipulée comme dommages-intérêts pour le retard.
514. Les offres valables ont encore pour effet d'empêcher que le créancier mette le débiteur en demeure d'exécuter; s'il le fait néanmoins, l'acte sera sans effet contre le débiteur. Si même la mise en demeure avait eu lieu avant les offres, celles-ci en arrêteraient les effets, et, suivant l'expression consacrée, " elles purgeraient la mise en demeure." J1a conséquence est que la chose due ne serait plus aux risques du débiteur et qu'il ne serait pas exposé à des dommages-intérêts, ni tenu de payer des intérêts moratoires.
Cette dernière solution est contestée en droit français, en présence de l'article 1259-2°, lequel veut que la consignation comprenne " les intérêts jusqu'au jour du dépôt," sans distinguer d'ailleurs entre les intérêts moratoires et les intérêts compensatoires. Mais, si le texte ne fait pas cette distinction, la raison la commande et, lors même qu'elle ne serait pas dans l'esprit de la loi française, il convient de l'introduire dans le Projet japonais. En effet, du moment que le débiteur qui a fait des offres valables n'est plus en retard, il n'est pas admissible qu'il doive les intérêts moratoires qui sont la peine du retard. Vainement, on objecte que tant qu'il n'a pas consigné leo; espèces, il en jouit, il en tire profit et. par conséquent, qu'il doit payer des intérêts: d'abord il n'est pas toujours exact que le débiteur profite des sommes qu'il a offertes et qu'il n'a pas encore consignées; comme elles doivent rester disponibles, elles seront le plus souvent improductives; ensuite, on oublie que les intérêts moratoires, à la différence des Intérêts compensatoires, sont une peine et non la contre-valeur d'un profit, enfin, il dépend toujours du créancier de faire cesser ce profit possible du débiteur et de l'obtenir pour lui-même en acceptant les offres.
Art. 499. — 515. La loi suppose que le créancier n'a pas accepté les offres; le débiteur n'est pas encore libéré: il lui reste, pour cela, à consigner la chose due, c'est-à-dire, à s'en dessaisir, dans des conditions'oiï elle sera à la disposition du créancier.
Le mode de dessaisissement varie suivant la nature de la chose due.
S'il s'agit d'une dette d'argent, le débiteur doit verser les espèces dans une caisse publique spéciale à ce destinée; c'est la " consignation " proprement dite. Si la (lette produit des intérêts compensatoires, légaux ou conventionnels, tout ce qui en est échu, jusqu'au jour de la consignation, doit être joint au capital.
Si la dette est d'un corps certain ou d'une quantité d'objets fongibles, la consignation ne peut être faite comme pour les sommes d'argent, aucune administration publique n'étant spécialement organisée dans ce but; mais le débiteur demande au tribunal de fixer un lieu où les choses dues seront déposées: le tribunal pourra désigner quelque administration publique ou privée, peu éloignée, ayant des locaux et des services qui rendent facile la garde et la conservation des objets; par exemple, la douane dans les ports, ailleurs, les magasins des grandes compagnies de commerce ou de transport. Le tribunal pourra aussi autoriser le débiteur à conserver. les objets dans ses propres locaux ou magasins. On nomme 1(séquestre ou gardien judiciaire " la personne ainsi chargée p?r justice de conserver les objets au sujet desquels il y a contestation (c. civ. fr, art. 1961; Proj. art. 918). La consignation, ou la. mesure qui en tient lieu, a aussi ses formes particulières comme les offres: le Code français les indique à l'article 1260; le Projet japonais les réserve à une loi spéciale (a).
Art. 500 et 500 bis. -516. La loi n'a plus qu'à déterminer les effets de la consignation. Elle libère le débiteur et sa libération profite à, ses codébiteurs et à ses cautions; s'il avait donné un gage ou une hYPQthèque, ses biens en sont affranchis. La loi n'a pas /crlÎ nécessaire de tirer ces conséquences normales de toute libération; mais elle en a indiqué une qui aurait pu faire doute: " la chose consignée est aux risques du créancier." Il semble cependant que cet effet étant déjà produit par les offres, la consignation n'y ajoute rien; mais les offres n'affranchissent le débiteur que des risques résultant pour lui de la demeure, non de ceux auxquels il se serait soumis par convention, en dehors de toute faute ou retard de sa part. La consignation l'affranchit même de ces derniers risques C'est dans le même sens que paraît devoir être entendu l'article 1257,2e al., du Code français qui attache l'affranchissement des risques, pour le débiteur, non aux offres, mais à la consignation.
517. La libération qui résulte de la consignation, quoique complète, n'est pas irrévocable: tant que le créancier ne l'a pas acceptée, soit expressément, soit tacitement, en retirant les objets consignés, le débiteur peut revenir sur ce qu'il a fait et reprendre lui-même les choses déposées. Alors la libération est résolue et considérée comme n'ayant pas eu lieu: elle est " réputée non avenue," comme dit le texte, et la conséquence est que l'obligation pèse de nouveau sur les codébiteurs et les cautions et que les gages et hypothèques renaissent au profit du créancier.
L'acceptation du créancier met obstacle à cette renaissance entière de la dette au gré du débiteur.
Le même obstacle résulte du jugement que le débiteur aura pu obtenir, déclarant bonnes et valables" les offres et la consignation. En effet, le débiteur, s'il n'a pas l'intention de revenir sur la consignation et s'il veut être assuré que sa libération ne lui sera pas contestée plus tard, ne manquera pas d'assigner le créancier en justice, pour faire prononcer contradictoirement la validité de sa libération. Une fois ce jugement rendu au profit du débiteur et avant même qu'il soit devenu inattaquable, le débiteur est lié, puisqu'ayant triomphé, il ne peut le frapper d'opposition, d'appel, ni de pourvoi: le jugement a déjà " force de chose jugée " à son égard; maïs, si le créancier l'attaque par une des voies de recours, le débiteur n'est plus tenu de le respecter, de son côté, et il peut retirer la consignation. Cette faculté ne lui est donc définitivement enlevée que par le consentement du créancier ou par l irrévocabilité du jugement de validité.
Dans ce dernier cas encore, le débiteur peut retirer les choses consignées, si le créancier y consent; mais les effets du retrait seront bien différents: la dette ne renaîtra qu'entre le créancier et le débiteur personnelnenient, elle ne renaîtra pas " au préjudice des tiers." La loi aurait pu présenter l'idée en ces termes brefs; mais, pour plus de clarté, elle exprime que les codébiteurs et les cautions restent désormais libérés et que les gages et hypothèques ne renaissent pas, en sorte que le créancier n'aura plus sur les autres créanciers le droit de préférence qui lui appartenait à l'origine; enfin, la loi suppose que des créanciers du créancier avaient pu pratiquer des saisies-arrêts ou oppositions sur les sommes ou valeurs consignées ou déposées, et elle décide que le retrait ne pourra avoir lieu par le débiteur au préjudice des saisissants.
518. La loi ne dit pas que les frais des offres et de la consignation sont à la, charge du créancier, si elles sont déclarées bonnes et valables, et à la charge du débiteur dans le cas contraire: cela sera mieux à sa place au Code de Procédure où l'on verra aussi quels sont les frais de ces formalités. Il en est de même des frais de l'instance en déclaration de validité.
Au surplus, il n'y aura là que l'application des principes généraux en matière de frais,
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(a) Cette loi porte la date récente du 25 juillet de la 23e année de Meiji (1800),
SOMMAIRE.
N° 519. Difficulté de la matière, en France.
Art. 501. — 520. Caractère particulier du payement avec subrogation; observation sur les fictions légales; réfutation du système de Merlin. - 521. Diverses actions appartenant à celui qui paye la dette d'autrui. -522. Trois sortes de subrogations personnelles. - 523. Subrogation réelle: son application principale.
502. —524. Première condition de la subrogation donnée par le créancier: sa clarté; difficulté de distinguer la subrogation de la cession de créance. -525. Deuxième condition: concomitance au payement. -52G. Dérogation à l'article 1236 du Code français. -527. Capacité requise chez le subrogeant.
503. -528. Subrogation donnée par le débiteur. -520. Double mention requise pour sa validité. -530, Fraude à craindre; moyen de la prévenir. -531. Pouvoir d'appréciation des tribunaux, quant à la sincérité de l'opération.
504. -532. Trois cas de subrogation légale. - 533. Ier Cas. r? o Payement par un tiers tenu avec d'autres ou pour d'autres. -534. IIe Cas. Payement par un des co créanciers: distinctions. -535. IIIe Cas. Payement par un héritier bénéficiaire ou par un héritier apparent.
505. -530. Effet princip Il de la subrogation: comment il peut être modifié. -537. Ier Cas. Conventions particulières - 538. IIe et TIle Cas. Conflit de prétentions à la subrogation entre le tiers détenteur et la caution; système nouveau: renvoi à l'article 1036. -539. IV Cas. Conflit entre plusieurs tiers détenteurs. -540. Ve Cas. Conflit entre co-débiteurs principaux et entre co-fidéjusseurs.
506. -541. Comparaison de la subrogation et de la cession de créance. -512. Droit du subrogé limité à ses déboursés. -543. Différence quant à la notification.543 bis. Autre différence au cas où la créance payée ou cédée n'existait pas; suppression d'une différence établie au Code français: renvoi.
507. —544. De la règle que " nul n'est censé avoir subrogé contre lui-même." -545. Son application à un cas délicat.
508. -546. Subrogation partielle; dérogation au Code français; concours du subrogé avec le subrogeant. - 547. Difficulté de justifier ici le Code français. -548. Indivisibilité de l'action résolutoire: préférence du subrogeant.
509. -549. Payement intégral ou partiel avec subrogation: remise ou communication des titres et sûretés de la cr'ance.
510. -550. Application au payement avec subrogation des règle-! générales du payement simple, de l'imputation, des offres et de la consignation.
COMMENTAIRE.
519. Le payement avec subrogation est l'opposé du payement " simple " auquel est consacré le § Ier, c'est un payement " complexe ou composé," produisant deux effets si différents qu'ils paraissent contradictoires. On verra cependant qu'ils sont conciliables.
La matière est difficile, parce qu'elle se combine avec plusieurs théories importantes: notamment, avec les hypothèques, le cautionnement et la solidarité; elle présente aussi un danger de confusion avec d'autres théories: notamment, avec la cession de créance et avec la novation par changement de créancier.
En France, les difficultés se trouvent augmentées de traditions historiques que le Code civil n'a tout-à-fait ni suivies, ni abandonnées. Le Projet japonais s'efforce ici, comme partout, de mettre plus de méthode, de précision et de simplicité, et, en même temps, de combler quelques lacunes que l'expérience a signalées.
Art. 501. — 520. Le premier article, sans être toutà-fait une définition du payement avec subrogation, en indique le double effet déjà annoncé: comme payement, il est et il ne peut pas manquer d'être extinctif de l'obligation; mais puisqu'il n'est pas un payement par et simple, son effet extinctif est incomplet: la dette est vraiment éteinte par rapport au créancier qui n'a plus aucun droit, elle subsiste par rapport au débiteur qui n'est nullement libéré. Aussi a-t-on l'habitude de dire que la subrogation est une fiction de cirait qui permet de considérer comme subsistant encore, au profit du tiers qui a payé, l'obligation qui a cessé d'exister au profit du créancier. Cette idée de " notion " n'est pas nouvelle en cette matière: déjà les anciens jurisconsultes romains, dans le cas où le payement était fait par un codébiteur solidaire ou par une caution, lui donnaient, pour son recours en remboursement, les actions mêmes du créancier, et ils disaient que ce dernier " était censé avoir vendu sa créance, avoir cédé ses actions " (a).
Cependant, quelques jurisconsultes français (b) ont combattu l'idée de cession et de conservation de la créance au profit du subrogé: ils ont prétendu que le payement éteint la créance, aussi bien à l'égard du débiteur qu'à l'égard du créancier, et que le recours du tiers qui a pay~, contre le débiteur, est fondé sur une créance nouvelle par sa cause, qui est la gestion d'affaires ou le mandat, suivant que le tiers a payé spontanément ou sur le mandat du débiteur; mais, pour que ce recours soit efficace, la loi y attacherait les sûretés qui garantissaient la créance primitive.
L'inventeur et les partisans de ce système ne se sont pas aperçus qu'ils avaient eux-mêmes besoin de recourir à une fiction pour expliquer la conservation des sûretés de l'ancienne créance et que, dès lors, il est plus simple et tout aussi naturel de conserver la créance elle-même au subrogé.
La question n'est pas d'ailleurs dénuée d'intérêt pratique: si la créance est considérée comme éteinte par le payement et si les droits accessoires sont seuls conservés, il n'y aura de conservés que ceux qui sont désignés plus ou moins explicitement par la loi; 01', les priviléges, les hypothèques, le cautionnement, sont évidemment conservés; on peut décider de même pour la solidarité entre débiteurs, parce qu'elle a de l'analogie avec un cautionnement mutuel; mais, il n'en est plus de même pour les intérêts, soit compensatoires, soit moratoires, pour le droit d'user des titres de l'ancienne créance et des actes de poursuite déjà faits; enfin, tandis que l'ancienne créance pouvait avoir un caractère coinmerci al, avec les avantages qui y sont attachés, la nouvelle est toujours civile.
Il est facile de voir, à la simple lecture de l'article 50 i. que tel n'est pas le système suivi par le Projet; de plus, on s'est attaché à prévenir tous les doutes, en déduisant, dans les articles 505 et 509, les principales conséquences du système adopté.
521. Mais de ce que le subrogé acquiert la créance primitive elle-même il ne résulte pas qu'il soit privé de l'action spéciale qui lui appartient de son propre chef et qui est née de la gestion d'affaires ou du mandat: il peut, suivant son intérêt, se prévaloir de l'une ou de l'autre; il peut même les cumuler, en demandant par l'une ce qu'il ne pourrait obtenir par l'autre; ainsi, si la dette primitive ne portait pas d'intérêts, le tiers qui l'a payée en vertu d'un mandat aurait droit aux intérêts légaux de ses déboursés, d'après les règles du mandat; mais il ne pourrait alors invoquer, pour ces intérêts, la garantie d'une hypothèque ou d'un cautionnement attachés à la première dette. Dans un cas même, le tiers n'aura contre le mandant que l'action de mandat, c'est lorsque la dette qu'il a payée n'existait pas; dans ce cas, il n'y a, en réalité, aucune subrogation: le payement est sujet à répétition, comme indû; mais si celui qui a reçu est insolvable ou s'il est difficile de faire contre lui la preuve que la dette n'existait pas, le mandataire peut toujours se retourner contre le mandant, responsable du mandat qu'il a donné. Dans le cas de gestion d'affaires, le gérant n'aurait que la répétition de l'indû contre celui qui a reçu.
522. L'article 501 annonce trois sortes de subrogations; à la rigueur, on pourrait n'en reconnaître que deux, l'une conventionnelle, l'autre légale; c'est ainsi qu'a procédé le Code français (art. 1249); mais il faut alors subdiviser la subrogation conventionnelle en deux cas, ce qui est plus complique.
Il n'est pas question ici de subrogation judiciaire: on en a rencontre une application dans l'article 359; mais elle n'a aucun rapport avec le payement. Il en est de même de la subrogation autorisée entre créanciers qui ont pratique une saisie immobilière (voy. c. pr. civ. fr., art. 721 à 723) (c).
523. La subrogation qui va nous occuper est souvent appelée subrogation " personnelle" ou subrogation " de personnes," parce qu'elle substitue un nouveau créancier à l'ancien; elle forme ainsi opposition à la subrogation réelle" qui substitue une chose à une autre comme objet du droit de propriété; par exemple, quand un mari, en vertu du contrat de mariage ou d'une disposition de la loi, fait " remploi," pour sa femme, du prix d'un immeuble flliéné, en achetant un autre immeuble; on dit alors que le nouvel immeuble est "subrogé" au premier; il en est de même au cas d'échange d'un immeuble dotal contre un autre bien qui devient dotal à son tour (voy. c. civ. fr., art. 1407, 1434 et 1435, 1553, 7' al. et 155).
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(a) Il n'est pas rare que les jurisconsultes expliquent par l'idée de fiction des théories un peu hardies de la loi; la loi française elle-même qualifie de 1, fiction légale " la représentation en matière de succession (art. 733); elle admot form;lle;ne:it une tradition "feinte,>, ou fictive (art. 16L9) et l'on peut dire que la loi feint, lorsqu'elle emploie l'expression " est censé," dans les articles 522 et 883; enfin, c'est par une véritable notion que le mandataire représente le mandant et que tout ce qu'il fait, dans les limites du mandat; est censé fait par le mandant luimême.
(b) Parmi eux est le célèbre Merlin qui fut Procureur général à la Cour de cassation, sous le 1er Empire, et qui prit une part considérable à la rédaction du Répertoire de jurisprudence qui porte son nom. Ce Répertoire, peu connu au Japon, est trè? précieux, surtout pour l'ancien droit français et pour le droit de la Hévolution dit H droit intermédiaire."
(c) On a prétendu cependant trouver un véritable cas de snhrogation " judiciaire" par suite de payonent, dans l'ilrticle 133 (ln Code français de Procédure civile, qui permet à l'avoué dont le client a gagné le procès (le demander à la justice la disfraction des dépens à soit profit; mais il y a plutôt là une subrogation h'/jale; car la justice ne pouvant refuser de raccord à l'a\'()1]é qui la rpqniert, 011 Il(' peut pas dire que ce bénéfice vienne (I'ell(,,: un effet de la loi n'a pas toujours lieu de plein droit et il ne cesse pas d'être légal parce qu'il doit être déclaré par la. justice (v. n° 503-3°, in fine).
Art. 502. — 524. Le cas de subrogation par le créancier est le plus simple; la loi ne le soumet qu'à deux conditions: que la subrogation soit " clairement mentionnée " et qu'elle soit faite dans la quittance, c'est-à-clire, au moment même où le payement est régulièrement accepté.
Sur le premier point, le Projet est un peu moins exigeant que la loi française qui veut que la subrogation soit "expresse" (art. ] 250-] °): comme d'ailleurs on n'exige pas, pour l'observation de cette disposition que le créancier emploie exclusivement le mot de " subrogation," comme beaucoup d'équivalents sont admissibles, il vaut mieux n'exiger que " la clarté." La loi française, dans un cas analogue, celui de la novation, se contente d'une disposition " claire " de la convention (art. 1273).
Il y aura toujours une difficulté possible, soit avec le Projet, soit avec la loi française, c'est celle de savoir s'il y a eu payement avec subrogation ou transportcession de créance; en d'autres termes, si la somme on valeur fournie par le tiers l'a été comme payement et pour acquitter la dette, ou comme prix de cession et pour acquérir la créance. Les deux opérations ont plus d'analogies que de différences: la plus considérable des différences se trouve mentionnée à l'article 506 sous lequel elle sera justifiée. Il faut laisser aux tribunaux le soin de décider ce que les parties ont entendu faire (quid inter parles actum sit), d'après les expressions employées dans la convention, d'après la correspondance qui a pu être échangée à ce sujet, enfin, d'après le motif qui a pu faire agir le tiers, lequel peut être le désir de rendre un bon office au débiteur ou, au contraire, l'esprit de spéculation.
525. La seconde condition est encore plus simple: si la subrogation n'est pas accordée Il au moment du payement," elle ne peut plus l'être ensuite, parce que la dette, se trouvant alors éteinte, absolument et sans réserve, ne peut renaître par aucun acte.
Il ne faudrait pas ajouter à la loi, en exigeant que la quittance subrogative fût écrite; sans doute, cela sera désirable et le plus fréquent; mais l'écrit ne sera exigé ici qu'autant qu'il sera nécessaire d'après le droit commun des preuves: un payement effectué devant témoins, avec déclaration verbale de subrogation par le créancier, serait parfaitement valable devant les tribunaux, dans tous les cas où un payement simple pourrait se prouver par témoins. Si, au contraire, il n'y avait ni écrit, ni témoins, et que la subrogation résultât de l'aveu seul du créancier, les tribunaux pourraient ne pas accueillir la prétention du subrogé, parce qu'il pourrait y avoir collusion de celui-ci avec le créancier, pour faire revivre une dette éteinte, au préjudice du débiteur et des autres personnes intéressées à l'extinction: c'est l'aveu du débiteur qui ferait foi en pareil cas, plutôt que celui du créancier.
526. L'article 502 se termine en tranchant une question très débattue en France, au sujet de l'article 1236, in fine, dont la rédaction est fort obscure (d), Cet article semble refuser au créancier le droit de subroger, un tiers " non intéressé," lorsqu'il paye Il en son propre nom," au lieu de payer au nom du débiteur; d'un autre côté, comme cette opération n'a rien d'illicite en soi, on la déclare valable comme transport-cession de la créance; or, cette interprétation, loin d'être favorable au débiteur, lui est au contraire nuisible (voy. ci-après, art. 506): il n'y aura plus de difficulté avec le Projet: que le tiers soit intéressé ou non, qu'il paye en son propre nom ou au nom du débiteur, comme gérant d'affaires ou comme mandataire, il pourra toujours être valablement subrogé par le créancier.
Ce qui aurait pu faire doute seulement, c'est qu'un mandataire, payant au nom du débiteur, pût se faire subroger: il semblerait que, représentant le débiteur, il ne puisse conserver la créance à son profit et que le payement devrait être aussi complétement extinctif que s'il était fait par le débiteur lui-même; mais la représentation du débiteur par le mandataire est elle-même " une fiction " et il n'y a pas de raison sérieuse de donner plus de puissance à cette fiction qu'à celle sur laquelle repose la subrogation. D'ailleurs, on verra dans l'article suivant que le payement fait par un débiteur solidaire luimême peut être accompagné de la subrogation; il n'est donc pas surprenant que le même résultat puisse, sous une autre forme, être attaché au payement fait par son représentant.
527. La loi n'a pas eu besoin de s'expliquer sur la capacité nécessaire au créancier pour conférer la subrogation: il est clair que s'il a capacité pour recevoir le payement qui éteint son droit, il a la capacité de subroger à ce même droit, puisque la subrogation ne doit pas lui préjudicier (comp. art. 507); la loi d'ailleurs termine cette matière en renvoyant aux règles générales du payement.
Le seul point qui pourrait faire quelque doute est celui de savoir si le mandataire du créancier, à l'effet de recevoir le payement, peut conférer la subrogation au tiers qui paye: quelques auteurs prétendent qu'il faut distinguer entre les mandataires généraux, comme le tuteur et le mari, et le mandataire spécial qui n'est chargé que de recevoir, comme un caissier, un huissier ou un notaire (e); mais il paraît plus naturel et plus juste de ne pas faire cette distinction, toujours parce que, la subrogation ne nuisant pas au créancier, il n'y a pas lieu d'exiger un pouvoir exprès à cet égard; on peut dire même que ces mandataires manqueraient à leur devoir et encourraient une responsabilité envers le créancier, s'ils refusaient le payement offert par un tiers, sous prétexte que celui-ci exige la subrogation. D'ailleurs, si le créancier avait des motifs sérieux de refuser la subrogation ainsi conférée par un mandataire spécial, il devrait refuser d'accepter le payement lui-même: autrement, il serait censé avoir ratifié toute l'opération.
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(d) La même obscurité de rédaction a été reproduite dans le Code italien (art. 1238, in fine).
(e) il ne faut pas considérer un serviteur chargé d'aller recevoir le payement comme un véritable mandataire dans le sens qui nous occupe, ou, tout au moins, il faut dire que son mandat est limité à. la réception matérielle et au transport de la chose due.
Art. 503. — 528. Il est plus surprenant de voir lé débiteur autorisé à conférer lui-même la subrogation, car il dispose alors de droits qui ne lui appartiennent pas. Ce droit du débiteur a une origine romaine; il a été consacré et généralisé dans l'ancien droit français d'où il a passé dans le Code civil.
Voici comment il se justifie. Il arrive souvent qu'un créancier qui a une créance productive d'intérêts élevés et garantie par de bonnes sûretés ne désire pas être remboursé. Si le débiteur avait des fonds disponibles et que l'échéance fût arrivée, il pourrait imposer le remboursement; mais souvent, il n'a pas les fonds nécessaires, il lui faudrait les emprunter; il trouverait d'ailleurs à emprunter à des intérêts moins élevés, mais, ses biens étant grevés d'hypotb èque au profit du premier créancier et celui-ci refusant de recevoir un payement avec subrogation, la position du débiteur serait sans remède. On a donc imaginé d'autoriser le débiteur à emprunter pour payer sa dette et à subroger le prêteur aux droits du créancier qu'il s'agit de désintéresser avec les fonds ou valeurs prêtés, et, pour cette subrogation, il n'est pas besoin du consentement dtt créancier (f).
Telle est la disposition du 1er alinéa de notre article.
529. Viennent ensuite les conditions requises pour la validité de cette subrogation.
Il faut qu'il y ait entre l'emprunt et le payement un rapport de cause à effet, nettement établi: il faut que l'acte d'emprunt mentionne que les deniers ou valeurs Cg) sont destinés à payer la dette dont il s'agit et que la quittance du créancier désintéressé mentionne l'origine des valeurs reçues par l'emprunteur. La mention de la subrogation au profit du prêteur sera dans l'acte d'emprunt; il n'est pas nécessaire que la quittance la reproduise du chef du créancier; mais, si elle s'y trouvait, il y aurait alors deux subrogations et la validité de l'une pourrait suppléer à la nullité de l'autre. La loi n'exige pas que cette subrogation soit expresse ou formelle; mais il faut évidemment qu'elle soit " claire " ou exempte d'équivoque, comme dans le cas de subrogation par le créancier. Si le créancier refusait de mentionner dans la quittance l'origine des valeurs reçues, l'opération n'en serait pas pour cela empêchée, puisqu'elle peut se faire sans son consentement: le débiteur lui ferait, en bonne forme, des offres réelles avec mention de la subrogation, suivies de la consignation.
530. Le Code civil français exige que les deux actes, l'emprunt et la quittance, soient passés devant notaires, sinon pour la solennité, au moins pour la preuve: le but de cette exigence est d'éviter la fraude qui consisterait à faire revivre une dette éteinte, avec ses sûretés.
Un exemple fera bien comprendre le danger de cette fraude.
Le débiteur avait une dette garantie par un privilége, par une première hypothèque ou par un cautionnement; il acquitte cette dette avec des deniers qui lui appartiennent; la dette étant éteinte, la caution est libérée et les créanciers hypothécaires suivants gagnent un rang meilleur, même à leur insû; plus tard, le débiteur désire emprunter pour d'autres opérations: il ne le pourra pas facilement, ses biens se trouvant encore grevés d'autres hypothéquas et les cautions n'étant peut-être pas disposées à le garantir pour un nouvel emprunt. Si la loi n'exige pas un acte notarié pour la subrogation par emprunt, le débiteur antidatera ledit emprunt, de manière à le faire coïncider avec le payement qu'il a déjà effectué et il priera l'ancien créancier de lui donner une nouvelle quittance, à la même date que la première, en y ajoutant la mention de la prétendue origine des deniers: le nouveau créancier prendra ainsi le rang hypothécaire de l'ancien et aura les anciennes cautions pour garants. Si même le payement antérieur n'a été connu que des parties, au lieu de donner une nouvelle quittance antidatée (datée d'avant), on en fera une postdatée (datée d'après), du jour de l'emprunt, toujours avec la mention mensongère de l'origine des deniers.
Le Projet japonais ne croit pas devoir exiger absolument la forme authentique, quoique les notaires soient maintenant institués au Japon: il se contente que les deux actes aient " date certaine," et cette disposition est encore plutôt pour l'avenir que pour le présent, car il n'existe pas non plus d'enregistrement ayant pour effet de donner date certaine aux actes; mais il sera vraisemblablement pourvu à cette nécessité au moment où le Code civil sera mis en vigueur et, déjà, on s'en occupe sérieusement. Il n'est pas nécessaire d'ailleurs que l'enregistrement soit un nouvel impôt: il peut n'être que le salaire modéré d'un service public rendu aux particuliers.
Le Code italien s'est contenté aussi de la date certaine pour les deux actes qui nous occupent, sans exiger la forme notariée (v. art. 1252) (1).
531. Le dernier alinéa de notre article 503 pare à un autre danger que n'a pas prévu le Code français, mais auquel la jurisprudence a eu quelquefois à parer; il ne faudrait pas qu'il s'écoulât un temps trop logn entre l'emprunt et la quittance: il n'y aurait plus une certitude suffisante que ce sont vraiment les deniers empruntés qui ont servi au payement; mais comme il ne pouvait être question de fixer un délai maximum qui pourrait être trop long dans certains cas et trop court dans d'autres, eu égard à l'éloignement des parties, il a paru sage de laisser aux tribunaux le soin d'apprécier la sincérité de l'opération.
On rappelle ici ce qui a été dit plus haut, incidemment, que si la quittance du créancier reproduisait la mention de la subrogation, les irrégularités de la présente subrogation par le débiteur se trouveraient corrigées, puisque la subrogation par le créancier est affranchie des mêmes formalités.
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(f) Une Déclaration ou Ordonnance du roi de France Henri IV, de mai 1609 (rapportée aux Codes Tripier, sous l'article 1250), expose avec développements, comme le ferait l'Exposé des Motifs d'un décret moderne, les raisons qui ont fait introduire en France cette disposition empruntée au droit romain: " attendu que nous avons toujours appouvé " la disposition du droit romain touchant la subrogation aux anciennes " hypothèques au profit de ceux qui prêteront leurs deniers, en ce qu'elle "est conforme à la raison et l'équité."
(g) Le Code français (art. 1250-2°) ne parle que de "somme d'argent" et de "deniers;" mais la disposition s'appliquerait, sans aucun doute, à tout emprunt de choses fongibles pour acquitter une dette: le Projet a soin de dire: " sommes ou valeurs."
(1) Le Texte officiel, dans ce cas comme dans d'autres (v. n° 177, note 2), a supprimé la nécessité de la date certaine: on a craint, sans doute, que l'enregistrement ne fût un impôt à ajouter à ceux, déjà lourds et nombreux, qui existent; mais il suffirait de lui donner le caractère d'un droit fixe et non celui d'un droit proportionnel (comp. Loi fr. de l'Enregistrement, du 22 frim., an VII, art. 68).
Art. 504. — 532. Le Projet n'admet que trois cas de subrogation légale, tandis qu'on en trouve quatre dans les Codes français et italien; mais, en réalité, il n'y a ici aucune suppression, le 2e cas des Codes précités n'étant qu'une application particulière et assez inutile du 3e cas. On a aussi modifié l'ordre des cas, en mettant le 3e en première ligne, parce qu'il est, de beaucoup, le plus large et le plus fréquent.
533. —Ier Cas. La loi qui est, en principe, favorable à la libération, devait, logiquement, encourager au payement celui qui y a déjà un intérêt légitime, l'intérêt d'éviter des poursuites; or, c'est l'encourager à payer que d'assurer son remboursement au moyen de la subrogation. Dans le présent cas, comme dans les suivants, le. tiers qui paye n'a à demander la subrogation, ni au créancier, ni au débiteur: il la tient de la loi.
Les expressions du texte " celui qui est tenu avec d'autres ou pour d'autres " sont consacrées par les Codes français et italien et il a paru bon de les conserver, parce qu'elles sont précises; toutefois, on y a ajouté un développement utile: celui dont il s'agit peut être tenu " personnellement," par un contrat productif d'obligation, ou "réellement" (propter rem), à cause d'une chose hypothéquée à la dette d'autrui et dont il est détenteur (tiers détenteur); la loi indique ces deux cas assez différents au fond. Le tiers détenteur est toujours tenu " pour d'autres" et non pour lui-même; l'obligé personnellement est tenu " avec d'autres" dans le cas de solidarité ou d'indivisibilité; il est tenu " pour d'autres" dans le cas de cautionnement Si la dette était simplement conjointe, aucun des débiteurs ne serait lié aux autres et n'aurait intérêt à payer leur dette, puisqu'il ne pourrait être poursuivi à ce sujet; il n'aurait donc pas la subrogation légale, s'il payait les dettes conjointes.
Le cas prévu comme seconde hypothèse de s'ubrogation légale par les Codes précités est celui de " l'acquéreur d'un immeuble qui emploie le prix de son acquisition au payement des créanciers auxquels cet immeuble est hypothéqué." Il est clair que, dans ce cas, l'acquéreur, s'il est tenu, personnellement et pour son compte, de son prix d'acquisition envers le vendeur, et tenu par son contrat, n'est tenu envers les créanciers hypothécaires que comme tiers débiteur et pour un autre; il n'y a donc pas lieu de faire figurer spécialement ce cas dans l'énumération des cas de subrogation légale. C'est à tort même que le Code français semble limiter la subrogation au cas où l'acheteur emploie " le prix de son acquisition " au payement des créanciers: il aurait de même la subrogation s'il payait plus que son prix d'acquisition pour éviter les poursuites hypothécaires, et il ne l'aurait pas moins si, ayant eu l'imprudence de payer son prix aux mains du vendeur insolvable, il se voyait dans la nécessité de payer encore les créanciers hypothécaires.
En restant dans l'hypothèse où c'est son prix même d'acquisition qu'il a payé, on peut se demander à quoi lui sert la subrogation, puisque ce payement le libère de sa dette personnelle et ne semble pas pouvoir être l'objet d'un recours. Pour trouver intérêt à cette subrogation, il faut supposer qu'il n'a pu désintéresser tous les créanciers par le prix d'acquisition et que les derniers inscrits, n'étant pas payés, poursuivent la revente de l'immeuble aux enchères publiques, par l'action dite "hypothécaire:" dans ce cas, l'acheteur, se trouvant évincé de l'immeuble, a une action en garantie pour le recouvrement du prix qu'il a payé, et la subrogation lui donne l'hypothèque et le rang des créanciers qu'il a désintéressés.
On dit quelquefois que, dans ce cas, " le subrogé a une hypothèque sur son propre immeuble," dans l'intervalle qui suit le payement qu'il a fait et qui précède l'expropriation hypothécaire; mais cette singularité est plus apparente que réelle, car cette hypothèque est conditionnelle et ne devient utile que si et quand l'acheteur cesse d'être propriétaire par l'éviction qu'il subit.
Ajoutons que cette subrogation a encore une utilité, toujours au cas d'éviction par l'effet des poursuites hypothécaires: si les créanciers désintéressés avaient hypothèque sur d'autres immeubles restés dans les mains du vendeur, le subrogé aurait le bénéfice entier de cette hypothèque; il l'aurait encore en partie, comme il sera expliqué sous l'article suivant, 3e alinéa, si lesdits immeubles étaient passés dans les mains d'autres tiers détenteurs.
C'est sans doute, à cause de ces particularités que les Codes précités ont séparé ce cas des autres.
Au surplus, le cas est devenu d'une application rare en France, à cause des formalités de la purge, infiniment préférable et dont il est parlé à l'article suivant (2e cas); il en sera sans doute de même au Japon, quand la purge des hypothèques, désormais organisée, y sera pratiquée (v. art. 1269 et s.).
534. -IIe Cas. Le Projet élargit notablement le cas de subrogation légale qui occupe le premier rang dans les Codes français et italien. Ces Codes n'accordent la subrogation légale au créancier qui désintéresse d'autres créanciers qu'autant que ceux-ci sont privilégiés ou hypothécaires et sont préférables comme tels à celui qui les paye; les interprètes croyent donner à la loi toute l'application qu'elle comporte en n'exigeant pas que le créancier qui paye soit lui-même créancier hypothécaire; en effet, les autres, quel que soit leur rang de privilége ou d'hypothèque, sont toujours préférables à un simple créancier chirographaire. Mais on n'accorde pas la subrogation légale à celui qui paye un créancier de même rang, ni, à plus forte raison, à celui qui paye un créancier d'un rang inférieur.
Le Projet est infiniment plus large, comme on va le voir: il s'est, avant tout, préoccupé du but utile que se propose celui qui paye et il lui a donné tous les moyens possibles d'y atteindre. Et d'abord, voyons quel est ce but: c'est, évidemment et de l'avis de tout le monde, d'éviter des poursuites, saisies et ventes, souvent inopportunes, toujours coûteuses et qui, en somme, feront obtenir aux créanciers un résultat moins favorable à leurs créances. Dans la situation respective des créanciers prévue par le Code français, l'intérêt d'un créancier à payer d'autres créanciers qui le priment est évident: ceux-ci ayant, eu égard à leur rang, toutes chances d'être payés, ne craindront pas de poursuivre la vente de l'immeuble hypothéqué, même dans un temps ou dans des circonstances peu favorables aux ventes d'immeubles; tandis que, si la vente était ajournée à des temps plus favorables, le prix, plus élevé, pourrait arriver à désintéresser un plus grand nombre de créanciers, peut-être même les derniers en rang.
Le but de la loi étant connu, on a regretté souvent que la loi française n'ait pas accordé la subrogation légale à un créancier qui en désintéresse un autre de même rang ou même d'un rang inférieur; car il peut y avoir, dans les poursuites de ceux-ci, une confiance exagérée dans le succès de la vente, ou de la témérité, peut-être même de la méchanceté (malitia): notamment, s'ils ont d'autres sûretés qui pareront à l'insuffisance de leur hypothèque. S'il est impossible d'ajouter au texte de la loi française par l'interprétation, il est facile et bon de le faire législativement: c'est ce que fait le Projet japonais.
Ainsi, un créancier hypothécaire peut en désintéresser un autre qui n'a aucune priorité sur lui; un créancier chirographaire ou hypothécaire peut désintéresser un créancier simplement; chirographaire; tous peuvent désintéresser un créancier garanti par une action résolutoire. Une différence, toutefois, ef't à noter entré ces divers créanciers qu'il s'agit d'exclure par un payement avec subrogation légale: si ce créancier a un privilége ou une hypothèque, il n'est pas nécessaire qu'il ait commencé des poursuites pour que le payement à lui fait emporte subrogation: le payement H prévient" la poursuite; si, au contraire, il s'agit d'un créancier chirographaire, comme la poursuite est moins à craindre, le danger moins menaçant, la loi n'accorde la subrogation au tiers qui le paye qu'autant que " la saisie immobilière est déjà faite enfin, s'il s'agit d'un créancier qui n'a comme sûreté que l'action résolutoire, le payement à lui fait ne produit subrogation légale que si "la demande en résolution est déjà formée " Dans ces deux derniers cas, le payement ne prévient pas les poursuites, mais " il les arrête."
535. -IIIe Cas. On n'a pas pratiqué encore au Japon l'acceptation d'une succession sous bénéfice d'inventaire qui tient, en quelque sorte, le milieu entre l'acceptation pure et simple et la renonciation; mais on ne pourra pas manquer d'y introduire cette utile disposition qui permet à l'héritier de ne pas refuser la succession d'un parent dont la solvabilité est douteuse, sans cependant s'exposer lui-même à la ruine (1). L'héritier bénéficiaire a, au moins,;la charge de la liquidation de la succession, c'est-à-dire qu'il fait rentrer les sommes dues, vend les biens et solde l es dettes jusqu'à concurrence de l'actif ou " des forces " de la succession (h).
Il peut arriver que certaines dettes de la succession soient exigibles au décès; il serait utile à la succession même de les acquitter le plus promptement possible, ce qui épargnerait des frais de poursuite; or, les fonds nécessaires peuvent n'être pas encore disponibles: la loi encourage l'héritier bénéficiaire à en faire l'avance sur ses propres biens et, pour cela, elle lui accorde la subrogation légale. La loi accorde le même avantage à " l'héritier apparent et de bonne foi," c'est-à-dire à celui qui, paraissant être héritier, légitime ou testamentaire, et croyant l'être, a pris possession de la succession et l'a administrée et liquidée en cette qualité: lorsqu'il aura à restituer les biens au véritable héritier, il prélèvera, au moyen des droits et actions des créanciers désintéressés, les sommes ou valeurs qu'il a déboursées de ses propres biens. La loi n'exige pas que l'héritier apparent ait été bénéficiaire, mais elle exige qu'il ait été 11 de bonne foi (i)." Ce cas de subrogation légale ne se trouve pas dans le Code français.
Si le Projet admet, au cas d'absence déclarée, que l'héritier présomptif puisse être envoyé en possession provisoire des biens de l'absent, il ira de soi que, comme héritier apparent, il ait le même bénéfice de la subrogation légale, s'il a payé de ses deniers des dettes de l'absent et que celui-ci, étant de retour, reprenne ses biens (comp. c. civ. fr., art. 120 à 123, 130 à 132).
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(1) Notre vœu. a été réalisé sur ce point: le Texte officiel admet le bénéfice d'inventaire en faveur de l'héritier; mais il ne permet pas la répudiation de la succesion, au moins pour l'héritier qui devient " chef de la famille." Il y a ainsi au Japon un héritier néccessaire, comme en droit romain.
(h) Dans le langage consacré en cette matière, on dit que l'héritier par et simple est tenu ultrà vires successionis, " au delà des forces de la succession " et l'héritier bénéficiaire, intrà vires, " dans les limites des forces."
(i) Il a déjà été fait mention de "l'héritier apparent" dans l'article 476, mais sans la condition de la bonne foi, parce que ce n'était pas lui qu'il s'agissait de protéger.
Art. 505. — 536. Cet article ne serait pas utile, après l'article 501, s'il n'apportait plusieurs exceptions ou modifications à la règle que " le subrogé exerce tous les droits et actions qui appartenaient au créancier désintéressé."
Sur le principe même posé au début de l'article, on ne fera qu'une seule observation: le subrogé n'a pas, d'une façon absolue, tous les droits qui appartenaient au créancier à un titre quelconque, mais seulement, comme le texte a soin de le dire, ceux qui constituaient " des effets ou des garanties de sa créance."
Comme " effets" de la créance (indépendamment du droit d'action directe et principale pour l'exécution) on comptera: le titre même servant de preuve, les actes de poursuite déjà faits, depuis et y compris la mise en demeure, les dommages-intérêts déjà dus, le droit à une clause pénale, s'il y a lieu, et l'action révocatoire des actes frauduleux (v. art. 360 et suiv.); comme " garanties ou sûretés les priviléges et hypothèques, le cautionnement, la solidarité et l'indivisibilité conventionnelle, l'action indirecte ou oblique organisée par l'article 359, enfin l'action résolutoire du contrat.
Mais il ne faudrait pas reconnaître à celui qui serait subrogé à un vendeur la faculté de rachat stipulée par celui-ci, ni l'action en rescision pour lésion ou vilitc) du prix: ce ne sont là ni des effets ni des garanties de la créance du vendeur; ce seraient d'ailleurs des moyens indirects pour le subrogé de bénéficier du payement, contrairement à l'article suivant. La faculté de rachat et l'action en rescision continueront à appartenir au vendeur, aussi bien quand il a reçu son prix d'un tiers subrogé que quand il l'a reçu de l'acheteur luimême. Lorsqu'il exercera l'un ou l'autre de ces droits, c'est au subrogé et non à l'acheteur qu'il aura à rendre le prix qu'il a reçu.
Voici maintenant les modifications que peut subir le principe général qui met le subrogé au lieu et place du créancier primitif.
537. -Ier Cas. Comme l'ordre public n'est pas intéressé à ce que la subrogation ait tous ses effets, les parties peuvent toujours, au moment où le payement a lieu, y apporter les limites qui leur conviennent: par exemple, supprimer ou restreindre l'action hypothécaire ou décharger les cautions.
Parmi les " parties," il faut toujours compter le subrogé, sans distinguer si la subrogation est légale ou conventionnelle; mais la nécessité du consentement du débiteur ou du créancier varie suivant les cas: si la subrogation vient du créancier, il faut son consentement pour restreindre la subrogation, puisqu'elle est son œuvre, sauf au débiteur et au subrogé à consentir ensuite telles autres restrictions qui leur conviendront; si la subrogation est légale, c'est encore avec le créancier que le subrogé pourra consentir à une diminution de ses droits, car le débiteur reste étranger au payement; si, au contraire, la subrogation vient du débiteur, les restrictions seront convenues entre lui et le subrogé, sans participation du créancier.
Il ne pourrait pas y avoir augmentation des droits transmis au subrogé, au moins comme tel; ce qui pourrait se faire en ce sens ne serait plus une subrogation mais une cession, un transport de créance; ainsi un vendeur pourrait bien, en recevant son payement, céder au tiers qui le paye l'action en réméré ou son action en rescision pour lésion qu'on vient de refuser à oelui-ci; mais, puisque ce ne serait plus une subrogation, il faudrait observer les règles de la cession des droits et actions, et l'on verra sous l'article 506 que les règles ne sont pas tout-à-fait les mêmes que celles de la subrogation. à;
538. —IIe et IIIe Cas. C'est une question très embarrassante, en France, que celle de savoir si le tiers détenteur qui paye une dette hypothécaire grevant son immeuble est subrogé contre la caution qui garantit la même dette.
A ne consulter que l'article 1252, l'affirmative ne ferait pas de doute, car il y est dit que " la subrogation a lieu tant contre les cautions que contre les débiteurs." Mais la caution qui paye la dette est elle-même subrogée à tous les droits du créancier, d'après l'article 1251-3°, comme étant " tenue pour un autre " et aussi d'après l'article 2029; or, si elle est obligée de rembourser le détenteur, en vertu de la subrogation de celui-ci, elle sera, à son tour, subrogée contre lui-même: il y aura ce qu'on nomme "circuit d'actions" et le débat n'aura pas d'issue.
On décide généralement que la caution est à l'abri du recours du tiers détenteur et c'est la solution que donne le Projet, mais d'une façon moins absolue. La raison qui a fait admettre ce résultat, en jurisprudence française, peut être prise aussi en considération dans une loi à faire, mais sous des distinctions qu'on paraît avoir négligées jusqu'ici: on a dit que le tiers détenteur qui est réduit à payer une dette hypothécaire avec ses propres deniers a commis, à l'origine de son acquisition, une faute qu'on ne peut, au contraire, reprocher à la caution: le tiers détenteur pouvait, dit-on, au moyen du payement de son prix d'acquisition et en observant la procédure dite de purge, affranchir son immeuble des hypothèques qui le grevaient, tandis que la caution, n'ayant pas la même faculté, n'a pu commettre la même négligence.
Mais, par cela même que, dans cette solution, la perte du recours contre la caution n'atteint le tiers détenteur qu'autant qu'il n'a pas fait tout ce qui dépendait de lui pour n'avoir pas besoin de ce recours, il. faudrait limiter avec soin le cas où il en est déchu, et c'est ce qu'on néglige de faire.
538 bis. Avant d'aller plus loin et bien que la matière de la purge soit tout-à-fait spéciale aux priviléges et hypothèques et encore inusitée au Japon, il est nécessaire, pour l'intelligence de ce qui précède, d'en indiquer ici les principaux caractères; d'ailleurs, elle est introduite dans le Projet (v. art. 1269 et s.; comp. c. civ. fr., art. 2183 à 2192).
La purge est une procédure ingénieuse, mais compliquée, au moyen de laquelle l'acquéreur d'un immeuble peut le dégrever des priviléges et hypothèques dont il est affecté, par des offres spéciales faites aux créanciers, suivies de consignation, s'ils acceptent, et d'une revente aux enchères, s'ils refusent. Si le contrat d'acquisition est une vente, l'acheteur offre aux créanciers son prix d'achat; si c'est une donation, un échange, ou tout autre contrat que la vente, il offre une valeur qu'il estime équivalente à l'immeuble.
Dans le cas où les créanciers acceptent les offres, si c'est un prix de vente qui leur a été offert, le tiers détenteur n'a pas à exercer de recours contre la caution: il a payé sa dette au vendeur, en versant le prix aux créanciers de celui-ci et il n'a pas de subrogation, puisqu'il n'a pas de recours; c'est dans ce même cas de vente que, si le tiers acquéreur, n'ayant pas employé la procédure de purge, a payé directement son prix au vendeur et est obligé de le payer de nouveau aux créanciers hypothécaires, on peut le lui imputer à faute et affranchir la caution de son recours. Mais si, comme donataire ou co-échangiste, il a dû offrir une valeur estimative dont il n'était pas débiteur, l'immeuble ne se trouve purgé que par un sacrifice qu'il n'était pas tenu de faire: il a, évidemment, un recours contre le débiteur principal et, on devrait décider, dans le sys, tème dont il s'agit, que par la subrogation aux droits du créancier, il a un pareil recours contre la caution.
Dans ces derniers cas mêmes, s'il avait négligé la purge, la caution ne pourrait le lui reprocher pour se soustraire à la responsabilité de la dette, puisque les sommes qu'aurait offertes le tiers détenteur, donataire " ou échangiste, n'étaient pas dues par lui et auraient dû lui être remboursées par la caution.
Il pourrait même arriver, au cas de vente, qu'un acheteur ayant employé la purge ne dût pas être dénué de tout recours contre la caution: par exemple, s'il avait été obligé d'offrir une valeur supérieure à son prix d'acquisition, trop faible pour être accepté par les créanciers; dans ce cas, on pourrait lui accorder le même recours pour cet excédant, lors même qu'il n'aurait pas effectivement purgé, puisqu'il n'aurait pu le faire qu'au moyen d'une augmentation de prix.
Tel était le système admis dans la précédente rédaction du Projet, laquelle subrogeait le tiers détenteur contre la caution " pour les sommes dont il n'avait pu, " au moyen de la purge des hypothèques, dégrever " l'immeuble sans faire une avance de fonds."
Si donc le tiers détenteur, acheteur, co-échangiste donataire, n'avait pu dégrever l'immeuble par la purge qu'au moyen d'une avance de fonds dont il n'était pas débiteur par le contrat, il avait son recours contre la caution, lorsqu'il avait ainsi payé les dettes hypothécaires, sans qu'il y eût à distinguer s'il avait effectivement ou non procédé à la purge. En effet, la caution ne, pouvait reprocher au tiers détenteur de n'avoir pas purgé, lorsque cette formalité accomplie ne l'aurait pas mise à l'abri du recours.
Mais ce système a été abandonné, sur les justes oritiques de la Commission, sans pourtant qu'il y eût lieu de se rallier à celui de la doctrine française. Il en est résulté un système encore plus nouveau que le précèdent; mais il n'est exposé que sous l'article 1036 auquel renvoie notre article 505. Remarquons seulement ici que notre article est deux fois formel en faveur de la caution: 1° il lui donne la subrogation contre le tiers détenteur, sous la condition d'avoir pris une mesure qui la fera comprendre dans la procédure de purge (2e al,); 2° il refuse la subrogation au tiers détenteur contre la caution, dans tous les cas (3e al.).
539. —Ive Cas. On suppose ici plusieurs tiers détenteurs de divers immeubles hypothéqués à la même dette: l'un d'eux a purgé son immeuble, au moyen d'une avance de fonds qu'il a dû faire comme donataire, comme co-échangiste ou même comme acheteur; les autres n'avaient pas purgé leur acquisition: autrement, ils ne pourraient plus être poursuivis, ni par le créancier originaire (subrogeant), ni par le subrogé. Celui donc qui, pour purger, a payé ce qu'il ne devait pas personnellement, doit avoir un recours contre les autres tiers détenteurs qui ont négligé la purge. Mais il ne peut exercer contre eux un recours pour tout ce qu'il a payé: autrement, à leur tour, ils auraient recours les uns contre les autres et contre lui, et on tournerait dans un circuit d'actions; le recours devra donc se diviser. Le texte nous dit dans quelle mesure.
Il ne peut être ici question d'une division égale ou par portions viriles, comme entre codébiteurs conjoints, ou même entre codébiteurs d'une dette solidaire ou indivisible, dans leurs rapports respectifs: ils sont tenus à cause du bien qu'ils détiennent (propter rem), il est donc naturel et juste qu'ils soient tenus entre eux dans la proportion de la valeur respective des divers immeubles toutefois, les immeubles qui valent plus que le montant de la dette hypothécaire ne seront comptés que pour une valeur égale à cette dette; car, évidemment, le tiers qui les détient ne peut être tenu pour plus que le montant de celle-ci: s'il était seul, il ne payerait que cette valeur, au maximum. Bien entendu, celui qui a payé concourra pour sa part, puis, tous auront leur recours contre le débiteur; mais, vraisemblablement, il est insolvable.
Supposons une dette de 10,000 yens (j); trois immeubles ont été hypothéqués à la dette et ils se trouvent dans les mains d'autant de tiers détenteurs: Primus a reçu en donation l'un de ces immeubles valant 12,000 yens et, pour le conserver, il a payé la dette hypothécaire; Secundus a acquis un autre immeuble valant 8,000 yens et Tertius a le dernier qui n'en vaut que 2000. On commencera d'abord par réduire à 10,000 yens la valeur de l'immeuble de Primus, car il ne peut contribuer au payement pour une valeur supérieure à la dette; les trois immeubles présentent ainsi une valeur totale de 20,000 yens, pour en payer 10,000, soit la moitié -, chacun contribuera donc pour moitié de la valeur qu'il détient: Primus payera 5000, Secundus 4000 et Tertius 1000. Chacun des tiers détenteurs aura son recours contre le débiteur, s'il est solvable; mais aucun ne recourra contre les cautions, lors même qu'elles ont négligé la condition à laquelle elles sont soumises par l'article 1036 précité.
540. - Ve Cas. Cet alinéa s'applique à des personnes qui étaient obligées personnellement, soit comme codébiteurs tenus solidairement ou indivisiblement, soit comme cautions. Comme elles sont subrogées les unes contre les autres, il faut toujours éviter le circuit d'actions; on recherchera donc la part contributoire de chacune: entre codébiteurs principaux, cette part n'est pas toujours virile, elle peut différer suivant l'intérêt que chacun a eu dans la convention originaire (v. art. 460 et n° 429); entre co-fidéjusseurs (7c). les parts seront viriles, s'il n'y a convention contraire. Celui donc qui a payé gardera à sa charge sa part contributoire et recourra divisé ment contre les autres pour la leur.
La loi ne parle pas de recours de ces personnes contre les tiers détenteurs; il n'y avait pas, en effet, à s'en occuper: les codébiteurs principaux ne peuvent jamais recourir contre les tiers détenteurs, pas plus qu'ils ne pourraient recourir contre des cautions, puisqu'ils devraient toujours rembourser, à titre de garants, ce que ceux-ci auraient payé en leur acquit; quant aux cautions qui ont payé, elles recourront contre les tiers détenteurs, si elles ont conservé leur droit à la subrogation conformément à l'article 1036: c'est encore la distinction portée au 2° alinéa.
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(j) En japonais, le nombre de 10,000 est une sorte d'unité (1'tchi man), on dit '- un man," comme, en français, un millier, un million, un milliard.
Art. 506. — 541. On a dit, en commençant cette matière, que la subrogation a une grande analogie avec la cession de créance et cela est évident, puisque le subrogé exerce les droits et actions de l'ancien créancier; aussi pourra-t-il quelquefois y avoir à résoudre une question de fait, à savoir, si les parties ont entendu faire une opération ou l'autre, et l'on a dit que la question se résoudra par les termes employés dans les actes et par les circonstances du fait révélant l'intention. Au reste, ce doute n'est possible que dans le premier cas de subrogation, celui où elle est conférée par le créancier; car, jamais un débiteur qui emprunte pour payer sa dette ne peut être considéré comme ayant cédé la créance dont il est débiteur; quant à la subrogation légale, elle est trop précise dans le langage de la loi pour être confondue avec une cession; d'ailleurs, s'il y a des cas où la loi cède une créance (voy. c. civ. fr., art. 747, 766, 1303; Proj., art. 389 et 565), ce n'est pas à l'occasion du payement de la dette par un tiers, il n'y a donc aucun danger de confusion avec la subrogation.
Mais, après la question de fait, vient la question de droit. En quoi la subrogation diffère-t-elle de la cession de créance ou du transport-cession proprement dit ?
Il ne convient pas que la loi fasse un parallèle entre deux institutions voisines, qu'elle signale leurs ressemblances et leurs différences: c'est la tâche des ouvrages de doctrine ou d'enseignement. Ce que la loi peut faire, et elle le fait quelquefois, c'est d'indiquer une ou plusieurs de ces ressemblances ou de ces différences, lorsqu'elles pourraient faire doute: elles prennent alors le caractère de dispositions législatives. Ici c'est, au fond, une différence que la loi proclame entre la subrogation et la cession; mais, en la forme, la loi refuse au subrogé un droit qui appartiendrait à un cessionnaire et qui semblerait appartenir au subrogé, si l'on se référait uniquement à la définition que l'article 501 donne de la subrogation et aux effets que lui assigne l'article 505.
542. Il arrive souvent que le tiers qui paye avec subrogation, ou qui fournit au débiteur les deniers pour payer, a fait un déboursé moindre que le montant de la dette; si, au lieu d'un payement avec subrogation, il avait acheté la créance pour un prix inférieur à son montant il n'en aurait pas moins droit d'en exiger le payement intégral: il aurait agi dans un esprit de lucre ou de spéculation qui, s'il n'est pas à encourager, n'a du moins rien d'illicite; au contraire, le tiers qui paye avec subrogation a été mu par d'autres considérations: s'il est dans un cas de subrogation conventionnelle, son mobile a été le désir de rendre un service, soit au débiteur, soit au créancier, de remplir un bon office à leur égard; s'il a payé dans un cas de subrogation légale, il peut l'avoir fait par intérêt personnel, mais ce n'était pas par esprit de spéculation, il voulait seulement éviter des poursuites fâcheuses. De là, la limite de son recours aux sommes par lui déboursées.
Cette disposition n'est pas écrite dans les Codes français et italien, mais la jurisprudence l'y a toujours suppléée: elle est, pour ainsi dire, traditionnelle. On a dû la formuler ici.
543. D'autres différences non moins certaines doivent être admises entre la subrogation et la cession de créance.
Ainsi, la cession n'est opposable au débiteur et aux autres intéressés que si elle a été signifiée au débiteur ou acceptée par lui (voy. ci-dessus, art. 467 et c. civ. fr., art. 1690). Il en est autrement de la subrogation qui produit ses effets, tant entre les parties qu'à l'égard des tiers, sans avoir été notifiée au débiteur; la raison de cette différence est que, dans le payement avec subrogation, le payement est l'acte principal, le transport des droits du créancier n'est que l'accessoire; or, la loi qui ne favorise pas la cession de créance, favorise, au contraire, le payement, même quand il n'est qu'imparfaitement extinctif de la dette. Le subrogé cependant fera sagement de ne pas laisser ignorer au débiteur le payement qu'il a fait pour lui; car, si celui-ci, dans l'ignorance du payement déjà effectué, payait sa dette une seconde fois, il se trouverait libéré vis-à-vis du subrogé, comme Il ayant payé de bonne foi au possesseur de la créance " (voy. art. 478) (l).
Mais la différence entre la cession de créance et la subrogation reparaît dans toute sa gravité si l'on suppose que le créancier primitif cède la créance dont il a déjà reçu le payement avec subrogation ou que des saisies-oppositions soient pratiquées de son chef sur ladite créance: la cession et les saisies seront nulles, malgré la bonne foi du cessionnaire ou des saisissants, car il n'y avait plus de créance à céder ou à saisir.
543 bis. Une autre différence entre la cession et la subrogation se présente dans le cas même où la créance n'existait pas au moment où elle a été payée ou cédée: le subrogé qui a payé une dette déjà éteinte n'a contre le prétendu créancier que l'action en répétition de l'indû, limitée à ce qui a été payé, et sans indemnité autre que les intérêts légaux, s'il y a eu réception de mauvaise foi (art. 488); au contraire, le cessionnaire d'une créance qui n'existait pas a, s'il a été acheteur (m), une action en garantie qui lui fait recouvrer, non seulement ce qu'il a payé, avec les intérêts, mais encore tout le profit légitime qu'il pouvait espérer de l'opération: notamment, la différence entre le prix de cession et le montant intégral de la créance, si, d'ailleurs, le prétendu débiteur est solvable; autrement, le cessionnaire ne peut pas imputer au cédant la perte du profit espéré.
En France, on signalerait une dernière différence entre la subrogation et la cession, lorsque l'une et l'autre n'ont eu lieu que pour partie (v. c. civ., art. 1252); mais cette différence n'a plus lieu avec le Projet japonais, ainsi qu'on l'expliquera ci-après, sous l'article 508.
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(k) Chez les Romains, la caution se nommait Jidejussor; on ne dit guère " fidéjusseur " en français: le mot " caution " qui exprime bien l'idée d'une " garantie " est préférable; mais, quand il y a plusieurs cautions, au lieu de dire " co-cautions," ce qui serait inélégant, on dit " cofidéjusseurs " (voy. c. civ. fr., art. 2033, rubrique de la Section; Proj., art. 1038).
(l) Il faut naturellement excepter le cas de subrogation conférée par le débiteur: il la connaît nécessairement.
(m) Si la cession avait été faite par donation, le donataire évincé n'aurait droit à aucune indemnité.
Art. 507. — 544. Il existe un axiome célèbre des anciens auteurs, formulé en latin, c'est que " personne n'est présumé avoir subrogé contre soi-même" (nemo contra se subrogasse censetur.) Le Code français (art. 1252) l'a reproduit et, sous prétexte d'en faire l'application, au lieu de préserver le créancier d'un dommage, il lui a conféré un avantage exorbitant que le Projet lui refuse formellement dans l'article suivant: c'est là qu'on exposera et qu'on réfutera la théorie française.
Le principe toutefois, était à conserver dans le Projet, à cause de sa célébrité et de ce qu'il a d'utile; et pour qu'il n'eût pas l'obscurité d'une théorie abstraite, la loi en fait elle-même l'application à une hypothèse délicate, mais très vraisemblable en pratique (n). Tel est l'objet du présent article.
On remarquera d'abord qu'il n'est pas dit ici qu'on ne peut subroger " contre soi-même," mais qu'on ne peut subroger contre "le créancier primitif," c'est-àdire de façon à lui nuire. En effet, il y a un cas où la subrogation a lieu nécessairement contre le subrogeant, c'est le cas de subrogation par le débiteur qui emprunte pour payer sa dette: il est clair qu'il subroge " contre lui-même." Mais la subrogation donnée par le créancier, par le débiteur ou par la loi Il ne doit pas nuire au créancier primitif dans le premier cas, le créancier ne peut être présumé avoir voulu se nuire en recevant le payement, même partiel; dans les deux autres cas, le débiteur, ni le tiers qui paye, n'ont pu avoir le droit de lui nuire et la loi elle-même doit s'en garder.
545. L'article 507, en posant le principe, en fait l'application par voie de conséquence: on suppose que le créancier a plusieurs créances contre le même débiteur et que le payement avec subrogation ne lui est offert que pour l'une d'elles; mais si la subrogation ainsi acquise au tiers doit nuire aux autres créances, le créancier exigera le payement de toutes. Cette disposition, bien entendu, est faite pour la subrogation légale et pour celle conférée par le débiteur, car si elle était conféré par le créancier, il est clair qu'il y mettrait les conditions qu'il jugerait à propos et que la loi n'aurait pas y à intervenir dans son intérêt.
Le cas d'application du texte a évidemment besoin d'être éclairé par un exemple et il est nécessairement compliqué; car il faut supposer: 1° que le débiteur a, au moins, deux créanciers hypothécaires; 2° que l'un d'eux a, au moins, deux créances; 3° que le débiteur a aussi deux immeubles hypothéqués, au moins; 4° qu'un seul est hypothéqué à toutes les dettes; enfin, 5° que, sur l'autre, les hypothèques ont des rangs différents.
Les deux créanciers sont Primus et Secundus;
Les deux immeubles sont: A, valant 18,000 yens, et B, valant 10,000 yens;
La lre créance de Primus est de 15,000 yens; elle est hypothéquée, au 1er rang, sur les deux immeubles;
Secundus a une créance de 10,000 yens, avec hypothèque sur l'immeuble A seulement et au second rang;
Enfin, la 26 créance de Primus est aussi de 10,000 yens; elle porte, de même que la 1rj, sur les deux immeubles; mais elle n'a plus que le 3e rang sur l'immeuble A et le 2e sur l'immeuble B.
Il est évident que les trois dettes (35,000 yens) ne peuvent être payées sur la valeur des deux immeubles (28,000 yens): il y a 7000 yens à perdre.
S'il n'intervenait pas de payement avec subrogation, Primus, ayant le choix des immeubles à saisir pour ses créances, ferait vendre d'abord l'immeuble A, pour sa lre créance de 15,000: elle serait payée intégralement et, l'immeuble valant 18,000, il resterait 3,000 pour Secundus qui y occupe le 2e rang; puis, il ferait vendre, pour sa seconde créance de 10,000, l'immeuble B qui n'est pas hypothéqué à Secundus; ou bien même, il pourrait faire d'abord saisir l'immeuble B, mais pour sa créance de 10,000 seulement, et ensuite l'immeuble A, pour sa créance de 15,000. De cette façon, Secundus ne toucherait jamais que les 3,000 restant libres au second rang sur l'immeuble A: il perdrait ainsi les 7000 pour lesquels les fonds manquent.
Si, au contraire, Secundus paye avec subrogation la lro créance de Primus, il prétendra faire vendre l'immeuble B, sur lequel elle a le 1er rang; il en obtiendra ainsi 10,000 qui dégrèveront d'autant l'immeuble A au 1er rang. Puis, il fera vendre l'immeuble A: il prendra alors les 5,000 formant le reste de la créance de 15,000 qu'il a payée; ensuite, il prendra, au second rang, sur ledit immeuble, le montant intégral de sa créance personnelle de 10,000. Il ne restera plus sur ledit immeuble que 3000 à prendre, lesquels reviendront à Primus pour sa seconde créance et c'est sur lui que les fonds manqueront pour 7,000. C'est ce résultat que la loi ne permet pas, en vertu du principe que Il la subrogation ne peut nuire au créancier primitif." Secundus devra donc, ou renoncer à la subrogation, ou acquitter les deux dettes du débiteur envers Primus: il y trouvera encore l'avantage d'être seul maître de faire vendre les immeubles au temps qui lui paraîtra le plus opportun.
A l'appui de la décision de la loi, on pourrait encore invoquer le danger du circuit d'actions; car, si Secundus était appelé à la subrogation pour une seule des créances de Primus, celui-ci pourrait, à son tour, payer à Secundus la même dette, avec subrogation, et l'on se trouverait dans un cercle sans issue.
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(n) Le Code français aussi a fait l'application du principe; mais c'est cette application même qui prête à la critique annoncée.
Art. 508. — 546. C'est ici que le Projet s'écarte formellement du Code français. Celui-ci, dans le cas d'un payement seulement partiel, avec subrogation, au lieu d'admettre en concours, sur les biens du débiteur, le subrogé pour ce qu'il a payé et le subrogeant pour ce qui lui reste dû, donne la priorité au subrogeant (art. 1252, in fine).
Quoique le texte ne dise pas que c'est seulement sur les biens hypothéqués que cette priorité est donnée au subrogeant, personne ne doute que ce soit ainsi que la loi doive être entendue. Si donc la créance était purement chirographaire, le subrogé et le subrogeant concourraient, proportionnellement à leur droit, sur l'ensemble des biens du débiteur qui forment, en effet, le gage commun de tous ses créanciers; le subrogeant aurait d'ailleurs bien peu d'intérêt à primer le subrogé, car l'exclusion de celui-ci profiterait à tous les autres créanciers autant qu'à lui-même; en outre, ce profit des autres n'est plus le but de la loi. Même solution, si, en cas d'insuffisance des biens hypothéqués, il y avait lieu de faire vendre les autres biens du débiteur: le subrogé concourrait avec le subrogeant.
De même, si la créance était garantie par une caution et s'il fallait, au cas d'insolvabilité du débiteur, poursuivre celle-ci, tout le monde est d'accord pour admettre sur ses biens le concours proportionnel du subrogé et du subrogeant, et cela, par les mêmes motifs que plus haut.
Ce n'est donc qu'au cas où la créance partiellement payée avec subrogation était garantie par un privilége ou une hypothèque que la loi française veut que le subrogeant prime le subrogé et le fait ainsi profiter seul de l'exclusion de celui-ci. On ne peut voir là l'application réelle du principe que la subrogation ne doit pas nuire au subrogeant; car, voulant éviter qu'elle ne lui nuise, la loi fait en sorte qu'elle lui profite au delà de ce qui est légitime.
Supposons, en effet, que la dette soit de 10,000 yens, hypothéquée sur un immeuble n'en valant que 5,000; un tiers paye 5000 avec subrogation: le créancier sera préféré au subrogé sur la valeur de l'immeuble et ainsi il ne perdra rien, tandis que le subrogé ne recouvrera rien de ses avances, si d'ailleurs le débiteur est insolvable. Cependant, lors même qu'on aurait admis le subrogé à concourir avec le créancier sur le prix de l'immeuble, celui-ci aurait encore profité du payement, car les 2500 qu'il aurait touchés hypothécairement, en concours avec le subrogé, joints au 5000 déjà payés par celui-ci, lui auraient donné 7500, au lieu de 5000 qu'il aurait eus sans le payement fait par le subrogé.
547. Il est impossible de donner une explication plausible de cette singulière disposition; on ne peut, notamment, la fonder sur l'indivisibilité de l'hypothèque: il est vrai que l'immeuble hypothéqué garantit toute la dette et chacune de ses parties, comme chaque partie de l'immeuble garantit toute la dette; d'où il suit que le payement partiel ne dégrève l'immeuble pour aucune de ses parties. Mais, dans le cas qui nous occupe, la dette n'est éteinte pour aucune partie, puisque, par l'effet de la subrogation, ce que le créancier a perdu de son droit a passé au subrogé: on n'aurait pas plus détruit l'indivisibilité de l'hypothèque, en admettant les deux intéressés à concourir sur le prix de l'immeuble, que s'il y avait eu cession partielle de la créance, cas où le concours du cessionnaire avec le cédant n'est pas contesté.
Le Projet, en permettant le concours du subrogé avec le subrogeant, donne satisfaction à l'opinion unanime des légistes: il a d'ailleurs l'exemple du Code italien qui a déjà abandonné la théorie française (voy. art. 1254).
Ainsi disparaît une différence considérable entre le payement avec subrogation et la cession de créance. En même temps, disparaissent aussi plusieurs questions très controversées en France: notamment, celle de savoir si la préférence du créancier lui est exclusivement personnelle ou passerait à un cessionnaire du reste de la créance, ou même à un nouveau,subrogé qui achèverait le payement (o).
548. Le 2e alinéa de notre article 508 se rapproche de la solution du Code français dans un cas particulier. Il est possible que le créancier qui a reçu un payement partiel avec subrogation soit dans un cas où il pourrait exercer l'action résolutoire faute d'un payement intégral et que le concours avec le subrogé le prive justement de l'intégralité de son payement. Par exemple, c'est un vendeur non payé de tout le prix. Dans ce cas, devrait-on admettre le concours du subrogé avec le subrogeant pour l'exercice de l'action résolutoire ?
En France, il ne serait pas admis certainement, car il s'agirait toujours d'un droit réel à exercer sur l'immeuble servant de garantie à la créance, et c'est justement en pareil cas que la loi donne la préférence au subrogeant.
On n'admettra pas davantage le concours au Japon: le résultat en serait de rendre le subrogeant et le subrogé copropriétaires de l'immeuble vendu; or, telle ne peut être l'intention du vendeur qui n'est payé que partiellement, même quand la subrogation émane de lui; à plus forte raison, si elle vient du débiteur ou de la loi: l'action résolutoire est et doit être, de sa nature et par son but, une action indivisible. C'est ce que décide le Projet.
Bien entendu, le créancier ne peut conserver le payement partiel, lors même qu'il aurait droit à des dommages-intérêts, et c'est au subrogé qu'il le restituera.
Cette solution est particulière à la subrogation partielle et ne devrait pas s'étendre à la cession partielle de la créance; l'action résolutoire est toujours indivisible, mais, en pareil cas, le cédant et le cessionnaire l'exerceraient conjointement et deviendraient copropriétaires. On retrouve donc là une différence entre la subrogation et la cession.
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(o) On décide, généralement, en France, que le droit de préférence du créancier passerait à un cessionnaire, mais non à un nouveau subrogé.
Art. 509. — 549. Si le payement avec subrogation a été intégral, le créancier, n'ayant plus aucun droit à faire valoir contre le débiteur, du chef de la créance payée, n'a non plus aucune raison de conserver les titres et le gage.
Il devra donc les remettre intégralement au subrogé, en y comprenant les actes exécutoires ou même les pièces des procédures commencées: il remettra aussi les engagements des cautions, s'il y en a.
Si le payement n'a été que partiel, il est clair que les titres et le gage, étant indivisibles, ne peuvent être remis au subrogé pour partie; mais le créancier devra les tenir à la disposition du subrogé, en tant que de besoin, pour la conservation de ses droits: il lui communiquera les titres pour en prendre des copies ou pour faire des actes conservatoires ou de poursuite; enfin, il lui permettra de surveiller le gage, de s'assurer de sa conservation et, au besoin, d'en requérir la vente, s'il y a danger de dépérissement ou si la dette est échue.
La loi ne dit rien de la prise et du renouvellement des inscriptions hypothécaires: il est certain que le plus diligent pourra y procéder.
Art. 510. — 550. Cet article ne demande aucune explication. Il est clair que si un tiers qui n'aurait pas la capacité de payer ses propres dettes offrait de payer, sans mandat, les dettes d'autrui, le créancier pourrait refuser de recevoir, même dans le cas de subrogation légale. Il en est de même, si le payement avec subrogation a été fait à un créancier incapable de recevoir: le subrogé, n'ayant pas libéré le débiteur, ne pourrait recourir contre lui et ne pourrait agir que contre le créancier, dans la mesure du profit qui lui serait resté du payement (v. art. 479).
L'imputation, les offres et la consignation suivent aussi, en matière de payement avec subrogation, les mêmes règles que dans le payement simple.
Il faut donc, sur tous ces points, se référer aux §§ 1er, 26 et S6 ci-dessus.
SOMMAIRE.
Art. 511. — N° 551. Caractère général de la novation, quatre cas de novation. -552. Ier Cas. Changement d'objet -553. IIe Cas. Changement de cause. -554. IIIe Cas. Changement de débiteur. -555. IVe Cas. Changement de créancier.
512. -556. Changements n'opérant pas novation: terme, condition, sûreté, lieu, quantité, qualité; acte récognitif; règlement en effets de commerce.
513. -557. Capacité requise pour nover: chez le débiteur, chez le créancier.
514. -558. Conciliation de la règle que " la novation ne se présume pas " avec la règle que " le doute s'interprète en faveur du débiteur."
515 et 516. -559. Substitution d'une dette pure et simple à une dette conditionnelle, ou réciproquement; intention des parties. -560 Substitution d'une dette valable à une dette nulle ou annulée en justice, ou réciproquement; intention des parties -561. Objection tirée du défaut de cause de promettre ou d'objet promis; réponse par idée d'obligation naturelle: renvoi à l'Appendice.
517. —562. Substitution d'une dette valable à une dette annulable et réciproquement.
518, 519 et 520. -563. Changement de débiteur: délégation faite par l'ancien débiteur, intervention spontanée du nouveau débiteur. -564. Délégation parfaite ou imparfaite; expromission ou adpromission. —565. Nature, solidaire ou intégrale, de l'obligation du nouveau débiteur quand le premier reste tenu. -566. Insolvabilité du nouveau débiteur: cas où elle donne lieu à garantie.
521. -567. Changement de créancier: triple consentement nécessaire.
522. -568. Novation faite avec un des co-débiteurs i réserve contre les autres; novation faite avec un des co-créanciers: distinction entre la dette solidaire et la dette indivisible.
523. -569. Novation faite avec la caution: différence entre le Projet et le Code français.
524. -570. Réserve des sûretés réelles de l'ancienne créance: différence avec le Code français. -571. Limite de l'hypothèque.
525. -572. Retour à la délégation: observation des formalités de la cession de créance.
COMMENTAIRE.
Art. 511. — 551. Le mot "novation" indique, par lui-même, que l'obligation est " changée en une nouvelle; >' le texte l'énonce incidemment, pour le cas où le mot japonais ne l'exprimerait pas aussi nettement que le mot français.
La novation produit deux effets simultanés: elle éteint une première dette et elle en crée une nouvelle. A raison même de ce double effet, elle appartient à la classe des actes onéreux, car chacune des parties y fait un sacrifice (voy. art. 319): le créancier n'acquiert un droit qu'en en perdant un autre, le débiteur ne se soumet à une obligation qu'en s'affranchissant d'une autre; ce caractère de la novation a permis de la citer (n° 24) comme un des rares exemples de convention unilatérale et à titre onéreux en même temps.
La novation est toujours le résultat d'une convention: il n'y a pas de cas où elle soit l'oeuvre de la loi; il n'existe pas non plus de novation judiciaire, comme on en trouve dans l'ancienne jurisprudence romaine, où l'on avait admis que le fait d'engager un procès constituait une première novation et même qu'il en résultait une deuxième de la prononciation du jugement (v. n° 16).
Mais, de ce que la novation se trouve toujours résulter aujourd'hui d'une convention, elle n'en présente pas moins plusieurs variétés, à d'autres points de vue. Une obligation ayant plusieurs éléments constitutifs, comme on l'a vu en son lieu: notamment, un. objet, une cause et deux sujets (l'un actif, le créancier, l'autre passif, le débiteur), il s'en suit que si l'un de ces quatre éléments est changé, la dette est, par cela même, changée ou novée. Telle est la disposition de notre premier article.
Il va sans dire que plusieurs de ces éléments de l'obligation pourraient être changés en même temps: ce serait une complication dans les effets, sans modifier les règles d'une novation simple.
Remarquons enfin qu'il y a un des éléments de l'obligation, le plus essentiel peut-être, à savoir le consentement, dont il n'est pas question ici: l'article suivant dira que le renouvellement du consentement n'opère pas novation de la détte et on en donnera la raison.
Le Code français (art. 1271) n'énonce que trois manières d'opérer la novation, mais il n'a pu songer à exclure celle résultant du changement de cause (a).
On reprendra séparément les quatre cas de novation.
552. -Ier Cas. Changement de l'objet dû (b): la dette avait pour objet des marchandises ou choses de quantité et les parties sont convenues que le débiteur devrait désormais une somme d'argent, ou réciproquement. Ce cas a de l'analogie avec 'une autre opération déjà expliquée, avec la Il dation en payement" (voy. art. 482), où l'on peut voir une novation préalable, mais momentanée et d'un intérêt aussi pratique que théorique (voy. n° 472); mais il en diffère en ce que, dans la dation en payement, la dette étant éteinte par le payement, il ne sùbsiste plus, de ce chef, de rapports de. droit entre les parties (à moins qu'il n'y ait éviction de la chose donnée en payement), tandis que, dans la novation, il y a toujours une obligation reliée à la première par le rapport de l'effet à la cause.
On a supposé dans l'exemple précédent que l'ancienne et la nouvelle convention avaient pour objet une chose de quantité (marchandises ou argent) et non un corps certain, c'est qu'en effet, si la première convention avait eu pour objet un corps certain, elle en aurait déjà, par elle-même, transféré la propriété, et la nouvelle convention aurait eu principalement pour objet de la retransférer, ce qui serait une autre théorie, ayant ses règles propres (voy. art. 373); si c'était la seconde convention qui eût pour objet un corps certain, elle en transférerait immédiatement la propriété, en éteignant la dette antérieure, ce serait donc la dation en payement dont il a été parlé à l'article 482, et non plus la novation proprement dite; la translation de propriété entraîne cependant l'obligation de livrer et celle de garantir de l'éviction, mais ce ne sont plus que des effets dont le premier est accessoire et l'autre éventuel.
553. -IIeX)as. Il n'y a ni changement de personnes ni changement d'objet, mais changement de cause: par exemple, le débiteur devait une somme d'argent, comme prix d'une vente ou d'un louage; étant embarrassé pour la payer, il obtient de son créancier de la lui devoir à titre de prêt; le créancier pourrait, assurément, faire à son débiteur un prêt avec lequel celui-ci acquitterait sa dette précédente; il pourrait aussi, après avoir reçu son payement, en prêter immédiatement le montant; mais il est plus simple de changer, par une simple convention, le titre ou la cause de l'obligation.
Il n'est pas sans intérêt que le débiteur soit tenu désormais à titre de prêt, au lieu de rester tenu à titre de louage: la dette de prêt est soumise à la prescription ordinaire de 30 ans (art. 1487), celle de louage se prescrit par 5 ans (art. 1494) (1); celle de prêt n'est garantie par aucun privilége, celle de louage (au moins des immeubles) est privilégiée dans la plupart des cas (art. 1152); la novation se trouve ainsi favorable au créancier, quant au délai pour agir, et défavorable quant aux sûretés.
Il ne faudrait pas croire que la novation par changement de cause puisse se faire toujours du plein gré des parties et que toute cause puisse être par elles substituée à une autre; ainsi, on ne pourrait admettre la réciproque de l'exemple précédent: les parties ne pourraient convenir que ce qui est dû à titre de prêt sera dû, désormais, à titre de vente ou de louage, parce qu'il n'y a pas de prix sans une chose vraiment louée ou vendue, et même cette transformation que les parties prétendraient faire, d'une obligation de prêt en obligation de prix de vente, serait très dangereuse pour le prêteur, car le débiteur prouverait aisément qu'il n'y a pas eu de chose vendue et il arriverait à refuser le payement faute de cause. S'il est permis, au contraire, de feindre une cause de prêt, c'est qu'on pourrait, comme il a été dit plus haut, soit effectuer un prêt véritable en faveur du débiteur, au moyen des sommes reçues de lui, " soit lui prêter les sommes nécessaires pour se libérer de la première dette: par la novation, au lieu de deux prestations réciproques de sommes d'argent, on n'en fait aucune; mais toutes les causes d'obligations, toutes les conventions ne se prêtent pas à cette fiction de deux traditions.
Le prêt n'est pas, du reste, le seul moyen de changement de cause: il serait tout aussi facile de changer en dépôt une dette d'argent ou de marchandises ayant une cause quelconque; on supposerait toujours que la chose due a été fournie par le débiteur et qu'elle lui a été immédiatement confiée à titre de dépôt; un dépôt de corps certain pourrait aussi être changé en un prêt à usage et réciproquement; on peut encore citer comme changement de titre ou de cause le cas d'une dette fondée sur une gestion d'affaires transformée en dette née d'un mandat par la ratification du maître (c).
554. -IIIe Cas. Le changement de débiteur peut avoir lieu de deux manières: soit par le mandat donné à un tiers par le débiteur, à l'effet de s'engager en son lieu et place: l'acte se nomme alors délégation; soit par l'intervention spontanée d'un tiers qui prend la place de l'ancien débiteur: on dit alors qu'il y a expromis sion (v. art. 519) (d). Ce 3e cas de novation et le suivant comportent des développements et des distinctions qu'on retrouvera aux articles 518 et suivants.
555. -IVe C an. Il se cumule, le plus souvent, avec le précédent: lorsqu'un débiteur délègue à son créancier son propre débiteur, il y a pour le délégataire changement de débiteur et pour le délégué changement de créancier. Cependant, on peut concevoir un changement de créancier seulement: si un créancier délègue son débiteur à quelqu'un auquel il ne doit rien, auquel il veut faire une libéralité, il n'y a pas pour celui-ci changement de débiteur, puisqu'il n'avait pas de créance contre le délégant, mais il y a toujours changement de créancier pour le délégué.
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(a) On ne citera pas ici le Code italien qui a reproduit trop fidèlement toute la Section de la novation (art. 1267 à 1277); une seule addition utile, qu'on a adoptée ici (art. 517), se trouve dans l'article 1278.
(b) C'est par une regrettable négligence de langage que le Code français dit que, dans ce premier cas, cl le débiteur contracte une nouvelle dette: " dans tous les cas de novation, il y a une nouvelle dette.
(1) Aujourd'hui la prescription (sous le nom de déchéance), est la même pour le prêt et pour le louage (5 ans); mais il est probable que la loi spéciale sur.la durée des "actions personnelles" (du 11e mois de la 6e année de Meiji, 1873) cessera d'être en vigueur quand le Code civil y entrera.
(c) Ratijicatio mandato oequi,paratur: " la ratification équivaut à un mandat."
(d) " Expromission " est la traduction littérale du mot latin expro. missio qui indique bien une promesse se substituant à une autre, ou excluant l'ancien débiteur. Au même article 519, la loi emploie le mot " adpromission " (de adpromissio) qui signifie promesse adjointe: alors il n'y a évidemment pas novation.
Art. 512. — 556. Cet article complète le précédent, en excluant l'idée de novation dans des cas qui pourraient faire doute et sur quelques-uns desquels d'ailleurs il y a désaccord en France.
Les changements ici prévus ne concernent plus les éléments constitutifs de l'obligation (sauf ce qui va être dit du consentement), mais ses modalités, ses garanties, son exécution, son étendue ou sa preuve: une obligation conserve son identité, quoique son exigibilité soit avancée ou retardée, quoiqu'elle soit affectée ou affranchie d'une condition qui en rend l'existence incertaine, quoiqu'elle soit munie ou démunie d'une hypothèque ou d'un cautionnement, quoiqu'elle doive s'exécuter dans un lieu ou dans un autre, ou qu'elle soit étendue ou restreinte dans son montant. Il en faut dire autant de la condamnation aux dommages-intérêts, en cas d'inexécution d'une obligation de faire ou de ne pas faire, et même de la stipulation, postérieure au contrat, d'une clause pénale, pour ledit cas d'inexécution: les dommages-intérêts stipulés ou prononcés en justice, sont une suite naturelle, quoique conditionnelle, de l'obligation primitive.
Enfin, la forme donnée aux actes ou titres qui doivent l'établir n'en change pas la nature, lors même qu'ils en rendraient la cession plus facile au créancier (par ex., le débiteur souscrirait une lettre de change ou un autre effet de commerce) ou qu'ils lui permettraient de la faire exécuter sans recourir aux tribunaux (par ex., le débiteur renouvellerait devant notaire une obligation sous seing privé). Il peut donc y avoir renouvellement du consentement sans novation de la dette: il y a alors une reconnaissance de la dette, un acte récognitif, dont l'effet principal est d'interrompre la prescription (v. c. civ. fr., 2248; Proj., art. 1391, 2e al.).
On a déjà rencontré l'acte récognitif sous l'article 299 (T. 1er, n° 465); on le retrouvera au sujet des preuves (Livre V, art. 1389 et s.).
L'acte récognitif pourrait être, en même temps, confirmatif, s'il avait pour but de réparer les vices dont l'acte primordial était entaché (v. c. civ. fr., art. 1338; Proj. art. 578).
La loi se prononce ici sur une question souvent débattue en France: à savoir, si le règlement d'une dette en billets ou. effets de commerce, négociables par endossement, opère novation de la dette qui a servi de cause aux billets. Assurément, si les billets mentionnaient seulement, comme cause de la dette, " valeur reçue," suivant une formule trop générale (e), on pourrait croire à un prêt d'argent; d'un autre côté, comme il serait sans donte évident, par l'ensemble des circontances du fait, et surtout par l'identié de la somme totale des billets avec le montant de la première dette, que le débiteur n'a pas deux dettes, on supposerait qu'il a d'abord payé sa première dette et a immédiatement emprunté la même somme, ce qui se réduit à un changement de cause (v. n° 553). Mais si, dans les billets, on a mentionné la première cause, comme une vente, il est juste qu'il n'y ait pas novation et que le vendeur, par exemple, n'ait pas perdu son privilége et son droit de résolution.
Le Projet n'a pas cru nécessaire de dire, comme le Code français (art. 1277) et le Code italien (art. 1273), qu'il n'y a pas novation dans " la simple indication faite par le débiteur d'une personne qui doit payer à sa place, ou, par le créancier, d'une personne qui doit recevoir à sa place: " ce sont là des vérités tout-à-fait évidentes; tandis que les hypothèses négligées par les Codes précités et prévues au présent article du Projet pouvaient paraître beaucoup plus douteuses, et surtout celles prévues aux articles 515 et 516, ci-après.
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(e) Le Code de Commerce français veut que les lettres de change et billets à ordre portent la cause de la promesse (art. 110, 76 al. et 188, in fine). Pour les billets non causés, voir, ci-dessus, art. 347 et n° 113.
Art. 513. — 557. Le Code français est muet sur la capacité nécessaire pour nover, chez le créancier et chez le débiteur.
A l'égard de ce dernier, il n'y a pas de difficulté: il lui faut naturellement la capacité de s'obliger, conformément au droit commun des conventions à titre onéreux, puisqu'il s'agit de contracter une nouvelle obligation; peu importe qu'il doive, en même temps, se trouver libéré d'une autre obligation: l'incapable n'est pas bon juge de l'utilité d'une novation.
Mais, au sujet du créancier, il y a doute; la capacité de recevoir le payement ne suffit pas pour nover la créance: quand le créancier reçoit le payement, il perd sa créance, il est vrai, mais il reçoit effectivement ce qui lui est dû, il ne s'expose pas à un nouveau risque, l'obligation prend fin d'une façon normale et tellement légitime que, si le créancier ne voulait pas recevoir, le débiteur l'y contraindrait par les offres et la consignation (v. art. 495 et s.); au contraire, quand le créancier fait novation avec le débiteur ou avec un tiers, il s'expose à un nouveau risque d'Insolvabilité, peut-être de perte de la - chose due; il fait au débiteur une concession que celui-ci n'aurait pu exiger; enfin et surtout, il abandonne un droit et peut-être des sûretés qui pourront n'avoir qu'un équivalent imparfait dans la nouvelle créance.
C'est donc avec raison que le Projet exige chez le créancier Il la capacité de disposer à titre onéreux de sa créance et des sûretés qui y étaient attachées. En conséquence, un mineur émancipé, qui peut recevoir le payement ou l'exécution de certaines obligations (g), ne pourrait nover lesdites obligations, à moins de rattacher aux nouvelles créances toutes les sûretés qui garantissaient les précédentes.
La loi apportera bientôt au principe deux exceptions concernant les co-créanciers, qui peuvent recevoir le payement et ne peuvent faire novation, parce que ce serait nuire à leurs co-intéressés (voy. art. 522).
A l'égard des mandataires et administrateurs une distinction est à faire; ils n'ont pas tous le droit de faire novation: ceux qui ont qualité pour recevoir le payement peuvent bien, comme on l'a dit (n° 527), accorder une subrogation, parce que la subrogation ne peut nuire au créancier (v. art. 507); au contraire, la novation peut nuire à celui dont ils gèrent les intérêts; mais les mandataires et administrateurs généraux, comme un tuteur, un mari, un gérant de société, ayant le pouvoir d'obliger à titre onéreux ceux dont ils gèrent les biens, ont celui de faire novation de leurs obligations.
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(f) On dirait en langage doctrinal que l'incapable n'est pas juge du quid utilius, de " ce qui est plus utile."
(g) Les distinctions à faire, à ce sujet, ne rentrent pas dans cette partie du Projet: elles appartiennent à la matière de la minorité (Livre 1er). En France, un mineur émancipé ne peut recevoir seul le payement d'un capital mobilier, mais il peut recevoir le payement d'intérêts et l'exécution d'une obligation de faire.
Art. 514. — 558. Le premier alinéa est reproduit de l'article 1273 du Code français, lequel est lui-même tiré de la loi romaine; mais le second alinéa est une innovation nécessaire qu'il est facile de justifier.
Quand on dit que " la novation ne se présume pas," on considère qu'elle constitue, de la part du créancier, un abandon de son droit, et il est raisonnable de n'admettre ce résultat qu'avec certitude: on peut ne pas exiger que la novation soit expresse, mais on doit exiger qu'elle ne soit pas douteuse. Si donc une convention a eu lieu, portant une obligation certaine en elle-même, s'il n'est pas suffisamment démontré qu'elle en éteint une précédente, par l'effet d'une novation, on devra décider que les deux obligations existent cumulativement. Mais cette solution, raisonnable quand la seconde dette est contractée par un autre débiteur que le premier ou envers un autre créancier, ne l'est plus autant quand la seconde dette est contractée par le même débiteur envers le même créancier.
La loi française et ses interprètes ne paraissent pas avoir remarqué que maintenir la première dette, cumulativement avec la nouvelle, parce qu'il y a du doute sur l'intention de nover, c'est abandonner le principe excellent de l'article 1162, d'après lequel "le doute " doit s'interpréter contre celui qui a stipulé et en fa" veur de celui qui a contracté l'obligation." C'est donc avec raison que le Projet, supposant que la nouvelle dette est certaine, mais qu'il y a doute sur le maintien ou l'extinction de la précédente par novation, veut que le doute soit tranché en faveur du débiteur (comp. art. 380), de façon à ce qu'il ne soit tenu que d'une seule dette, de la seconde, la première étant considérée comme éteinte par la novation, quoique celle-ci soit douteuse; mais cette solution est limitée à la novation " entre les mômes parties."
Art. 515 et 516. -559. Il ne faut pas confondre le cas prévu par l'article 515 avec celui de l'article 512 où l'on suppose qu'il y a eu simplement retranchement ou addition d'une condition à une obligation qui d'ailleurs reste la même. Ici, il y a une seconde obligation crééè en vue d'en éteindre une précédente; celle-ci était conditionnelle et la nouvelle est pure et simple; mais la novation elle-même n'est pas pure et simple: elle reste influencée par la condition qui affectait la première obligation; car si la condition suspensive ne s'accomplit pas, ou si la condition résolutoire se réalise, la première dette se trouve n'avoir jamais existé; dès lors, la novation, n'ayant pas eu à éteindre une première obligation, n'a pas eu de cause, comme convention, et la nouvelle obligation n'a pas pu naître non plus, faute de cause.
En sens inverse, la première dette était pure et simple et la nouvelle est conditionnelle: supposons que la condition soit suspensive et ne s'accomplisse pas, ou qu'elle soit résolutoire et qu'elle s'accomplisse, la nOllvelle dette, ou ne naît pas, ou est détruite rétroactivement; dès lors, il n'y a pas eu novation faute d'objet promis, et l'extinction de la première dette est réputée elle-même non avenue, toujours faute de cause.
Ce résultat est commandé comme une conséquence logique des principes. Mais, comme les parties peuvent avoir poursuivi un résultat moins logique et plus conforme à leurs intérêts, l'une ou l'autre pourra toujours soutenir et prouver qu'on a entendu, en contractant, faire une novation pure et simple, c'est-à-dire indépendante de l'accomplissement ou du non-accomplissement de la condition qui affectait, soit la première, soit la seconde obligation. Ainsi, rien ne s'oppose à ce que les parties aient substitué, irrévocablement, une obligation certaine à une obligation incertaine, ou réciproquement, une obligation conditionnelle, avec ses risques et ses chances, à une obligation pure et simple. Les tribunaux seront facilement amenés à reconnaître cette intention, quand la dette pure et simple sera moins lourde que la dette conditionnelle.
560. L'article 516 a de l'analogie avec l'article précédent, tant pour l'hypothèse qu'il prévoit que pour la solution qu'il lui donne; seulement, dans le cas de l'article précédent, la première dette n'était qu'incertaine, éventuelle, dans son existence, au moment où a eu lieu la novation, et ce n'est que plus tard qu'elle a été rétroactivement considérée comme inexistante, par le non-accomplissement de la condition suspensive ou par l'accomplissement de la condition résolutoire; tandis qu'ici elle est déjà entièrement nulle, soit par l'effet d'un obstacle originaire à sa formation, soit par suite du triomphe d'une action en nullité fondée sur un vice de la convention. De même, dans l'article précédent, on a supposé que la nouvelle dette était éventuelle par l'effet d'une condition dont l'issue l'a empêchée de naître on l'a détruite; tandis qu'ici elle est radicalement nulle ou annulable par un vice originaire. Mais, dans les deux cas du présent article, la solution est la même que la précédente: la novation ne s'est pas formée, au premier cas, faute de cause de promettre, au second cas, faute d'objet promis.
Ainsi, la première dette était nulle comme ayant pour objet une chose illicite ou hors du commerce, ou bien, elle avait été contractée par un incapable, ou avec un vice de consentement che-: le débiteur, et celui-ci avait fait annuler son obligation en justice; plus tard, l'héritier du débiteur, ignorant la nullité ou l'annulation de la dette de son auteur, contracte avec le créan. cier, ou avec l'héritier de celui-ci, une nouvelle obligation que les parties conviennent de substituer à la première; mais, comme il n'y a pas de dette à éteindre, la novation est nulle, faute de cause de promettre.
En sens inverse, la première dette était pleinement valable, mais la seconde a un objet illicite, ou elle est contractée par un incapable qui la fait ensuite annuler en justice: la nouvelle dette, n'existant pas ou étant considérée comme n'ayant jamais existé, n'a pu éteindre la précédente par novation, faute d'objet promis.
Mais ici encore, il faut, comme dans l'article précédent, s'attacher à l'intention des parties plus qu'aux règles de la pure logique. Dans la première hypothèse, si, au moment où les parties ont fait la novation, elles connaissaient la nullité de la première obligation et si la nouvelle dette est notablement moins lourde que la première, les tribunaux pourront reconnaître que les parties ont entendu régler à nouveau leur situation respective. Dans la seconde hypothèse, où la première dette était valable et où le créancier ne peut guère ignorer le vice de la seconde, il sera encore plus facile d'admettre qu'il a consenti à acquérir une nouvelle créance, même contestable, lorsqu'elle est, par son étendue, plus considérable que ]a première.
561. Il reste cependant une objection sérieuse, c'est que l'obligation nulle ou annulée se prête bien moins encore à une novation que l'obligation conditionnelle: celle-ci a déjà un élément d'existence, dans le cas de condition suspensive, ou même existe tout-à-fait, avec une modalité qui la rend seulement fragile, dans la condition résolutoire; tandis que l'autre n'existe pas et n'existera jamais, et il est clair que le néant ne peut être l'un des deux éléments nécessaires à toute novation. Mais, il n'y a pas toujours néant absolu dans l'obligation civilement nulle ou annulée en justice: le plus souvent, il subsiste une obligation naturelle (voy. art. 595, 2e al.). Aussi, la loi, en réservant, dans le Se alinéa de l'article 316, la recherche de l'intention des parties, ne suppose pas, comme dans l'article précédent, que les parties peuvent avoir voulu substituer le certain à l'incertain, ou réciproquement, mais qu'elles peuvent avoir voulu " substituer une obligation civile à une obligation naturelle, ou réciproquement."
Il y a, du reste, entre les deux articles, moins de différence dans le fond que dans les termes: les obligations naturelles, dont il ne sera parlé en détail que dans l'Appendice (art. 586 à 600), ne sont pas susceptibles d'une exécution forcée, mais seulement d'une exécution volontaire de la part du débiteur et, par conséquent, assez incertaine; cependant, elles ont, aux yeux de la loi, et elles peuvent avoir même aux yeux des parties, une force actuelle suffisante pour servir d'élément à une novation: l'obligation naturelle en sera la cause, si c'est la première dette qui était civilement nulle, elle en sera l' objet si la nullité affectait la seconde dette. On conçoit donc très bien que les parties, connaissant leur situation respective, aient pu préférer établir une obligation civile, même très limitée, au lieu et place d'une obligation naturelle assez étendue, ou réciproquement. Cette intention pourrait encore être prouvée, si, dans les mêmes circonstances, la novation, au lieu d'un changement d'objet dû, présentait un changement de personnes, soit du créancier, soit du débiteur.
Art. 517. — 562. Les dispositions des articles précédents manquent aux Codes français et italien et ce n'est qu'avec peine que les auteurs et les tribunaux sont parvenus à les suppléer. Celle du présent article se trouve dans le Code italien (art. 1278): c'est le seul point sur lequel ce dernier Code ait, en cette matière, ajouté à son modèle.
Ici, on ne suppose pas que la première obligation était nulle de droit ou déjà annulée en justice; au moment où la novation a eu lieu: elle était seulement annulable ou susceptible de quelque contestation quant à son étendue ou quant à son objet; le débiteur, connaissant ces Il exceptions ou fins de non-recevoir," a fait une novation pure et simple, c'est-à-dire, sans réserver ses droits; il est réputé y avoir renoncé, en faisant de l'extinction de la première dette la cause de son nouvel engagement: c'est une confirmation tacite, comme on en verra d'autres cas à la Section VIII (art. 579).
La loi ajoute (à la différence de la distinction portée à l'article 514) qu'il n'importe pas si le débiteur a fait ainsi novation avec le même créancier ou avec un nouveau créancier auquel il a été délégué par le premier: du moment qu'il consent à cette délégation, sans réserver ses droits à contester la première dette, il est présumé reconnaître que la contestation en serait mal fondée, ou y renoncer.
On remarquera que la loi ne prévoit pas ici l'hypothèse réciproque, celle où, la première dette étant inattaquable, c'est la seconde qui serait susceptible d'exceptions ou fins de non-recevoir: il est clair, en effet, que si cette nouvelle dette s'est formée avec des vices, le débiteur n'a pu la confirmer au même moment, et s'il en obtient la nullité, la première dette sera considérée comme n'ayant jamais été éteinte.
S'il est seulement survenu depuis, entre lui et le créancier, quelque événement qui pouvait réduire ou modifier la dette, comme une compensation (voir Section IV), il conserve intégralement le droit de s'en prévaloir; mais, ici, sans qu'il en résulte aucune atteinte à la novation opérée.
Art. 518, 519 et 520. -563. La novation par changement de débiteur est d'une grande utilité pratique et elle comporte d'importantes distinctions qui sont l'objet de ces trois articles.
La première distinction est relative à l'intervention ou à la non-intervention du premier débiteur dans la nouvelle dette.
Le plus souvent, c'est lui qui présente à son créancier un nouveau débiteur, pour que le créancier stipule de celui-ci ce qui lui était dû précédemment; l'opération se nomme délégation, mot qui exprime l'idée d'un mandat, d'une commission: on nomme délégant le premier débiteur, délégué le nouveau débiteur et délégataire le créancier (h). Généralement, le délégant est créancier du délégué; il s'opère alors une double novation: le délégué change de créancier et le délégataire change de débiteur; si en même temps, on changeait l'objet dû, il y aurait trois novations, à la fois.
La délégation est un mandat du délégant au dé- légué; par conséquent, si le délégué n'était pas débiteur du délégant, il aurait recours, par l'action de mandat, pour ce qu'il aurait payé au délégataire; il en serait de même si, étant débiteur du délégant, il avait promis et payé plus qu'il ne lui devait.
Entre le délégant et le délégataire, la délégation a aussi le caractère d'un mandat, car elle invite le délégataire à stipuler du délégué; mais ce mandat ne sera pas, en général, une source d'obligations entre ces deux parties, ainsi qu'on l'expliquera plus à propos sous l'article 520 (v. n° 566 bis).
Quand le nouveau débiteur s'engage, comme expromettant, ou par expromisdon, au lieu et place de l'ancien, spontanément et sans mandat de celui-ci, il agit comme gérant d'affaires et, quand il a payé la nouvelle dette, il a recours contre l'ancien débiteur pour toute l'utilité qu'il lui a procurée, spécialement, s'il n'était pas tenu antérieurement envers lui: autrement, il se ferait compensation, en vertu d'une théorie à laquelle on arrivera bientôt.
Telle est la première distinction relative au changement de débiteur: il y a, soit délégation ou mandat, soit expromission spontanée ou gestion d'affaires.
Chacun de ces cas comporte une sous-distinction: la délégation est parfaite ou imparfaite; la gestion d'affaires produit une expromission ou une adpromission.
La loi ne pouvait reprendre ces sous-distinctions dans le même article, sans le trop surcharger.
564. En France, où les expressions de " délégation parfaite ou imparfaite " sont très usitées dans la doctrine, tous les auteurs ne les emploient pas, malheureusement, dans le même sens: pour les uns, il y a délégation parfaite, par cela seul qu'il y a concours des trois personnes: du délégant qui présente son débiteur, du délégataire qui stipule du délégué et de celui-ci qui promet, et il n'y a, pour eux, que délégation imparfaite, si le délégant présente seulement à son créancier quelqu'un qui payera à sa place, sans stipulation du créancier; mais le plus grand nombre des auteurs donne bien plus de relief à ces expressions et c'est aussi ce que fait le Projet japonais: la délégation est parfaite, non pas tant par la réunion des trois volontés que par la libération accordée au délégant par le délégataire: le nom de "parfaite," donné alors à la délégation, est justifié, car elle est complète et a tout son effet possible: elle opère novation; au contraire, quand le créancier, même ayant stipulé du délégué, s'est réservé son droit entier contre l'ancien débiteur, concurremment avec le nouveau, la délégation, étant alors incomplète, mérite bien d'être appelée " imparfaite: " il n'y a pas novation.
La même sous-distinction a lieu en cas d'engagement spontané d'un tiers: si le créancier l'accepte au lieu et place de l'ancien débiteur, il y a novation; s'il entend conserver son droit antérieur, conjointement avec sa nouvelle créance, il y a accession d'un nouveau débiteur et non substitution de l'un à. l'autre; les noms consacrés pour exprimer cette différence sont deux mots latins francisés: on dit expromission dans le premier cas et afZpromission dans le second, pour faire sentir que, dans le premier cas, la nouvelle promesse exclut, dégage la première et prend sa place, tandis qu'elle s'y adjoint seulement, dans le second cas (v. n° 554).
Le Projet n'a pas exigé, pour qu'il y ait, soit délégation parfaite, soit expromission, que le créancier ait expressément déchargé l'ancien débiteur, comme l'exige le Code français (art. 1275): il suffit qu'il l'ait fait clairement (comp. art. 514), et, en cela, le Projet est plus conséquent avec lui-même que le Code précité qui n'exige aussi pour la novation, en général, qu'une intention "résultant clairement de l'acte" (art. 1273).
565. Le Projet tranche aussi une question assez délicate, en France, à savoir: quelle est la nature de l'engagement du nouveau débiteur, lorsque le premier n'est pas déchargé ? Le nouveau débiteur est-il simplement caution du premier ? Est-il tenu conjointement avec lui et pour moitié ? Est-il codébiteur solidaire, ou la dette est-elle indivisible passivement ?
La loi distingue entre la délégation et l'intervention spontanée du tiers. Au premier cas, il y a solidarité ordinaire, solidarité parfaite, celle dont il a déjà été parlé par comparaison avec l'indivisibilité (v. nos 424, 425 et 431 et s.), mais qui ne sera traitée dans ses détails qu'au Livre IVe, avec les autres garanties des créances. Au second cas, il n'y a plus qu'une solidarité imparfaite, que les auteurs appellent obligation in solidum, " obligation pour le tout." On la retrouvera aussi au Livre IVe, sous le nom d'obligation intégrale (v. art. 1074) (i). Il est suffisant de noter ici que cette dette tient de la solidarité ordinaire son étendue: chaque débiteur pouvant être poursuivi pour le tout; mais elle en diffère en ce que les deux débiteurs ne sont pas mandataires les uns des autres, pour tous leurs rapports avec le créancier: ce mandat, tout naturel et évident, quand il y a délégation, n'est plus admissible lorsqu'il n'y a qu'intervention spontanée d'un tiers: celui-ci n'est plus qu'un gérant d'affaires qui peut rendre service mais non pas nuire au débiteur; or, s'il était considéré comme codébiteur solidaire, les poursuites dirigées contre lui constitueraient l'ancien débiteur en demeure, mettraient la chose due à ses risques, feraient courir contre lui les intérêts moratoires, interrompraient la prescription: ce seraient autant d'effets nuisibles résultant de son intervention et qu'on ne peut admettre.
566. L'article 520 déduit une conséquence de la novation sur laquelle il aurait pu y avoir doute et il y admet une exception.
Assurément, quand il y a délégation parfaite ou expromission, c'est-à-dire novation complète par changement de débiteur, il paraît tout naturel que l'ancien débiteur, désormais libéré, ne puisse être recherché, même au cas d'insolvabilité du nouveau débiteur, surtout si cette insolvabilité est survenue postérieurement à la novation; mais deux raisons pouvaient faire douter de cette solution, au moins au cas de délégation.
C'est, d'abord, le mandat contenu dans la délégation, lequel paraît adressé autant au délégataire qui stipule qu'au délégué qui promet; mais, il faut prendre ce mandat tel qu'il est, c'est-à-dire avec ce qui l'accompagne; or, ici, le délégataire a déchargé le délégant, c'est de sa part, renoncer autant à tout recours en raison du mandat qu'à son ancienne action.
On pouvait encore attribuer un recours au créancier, en cas d'insolvabilité du nouveau débiteur, en invoquant en sa faveur la résolution tacite pour inexécution des conditions; mais, sans prétendre que cette résolution ne soit admissible que dans les contrats synallagmatiques ou bilatéraux (or, la novation est unilatérale), elle paraît tout-à-fait inadmissible quand le créancier a déchargé l'ancien débiteur: une réserve tacite du droit de résolution serait destructive de la novation: on rentrerait dans la délégation imparfaite ou dans la simple adpromission.
La loi a donc dû se prononcer formellement pour lever tous les doutes.
Elle apporte ensuite une exception à la règle que j 'ancien débiteur ne peut être recherché en cas d'insolvabilité du nouveau débiteur: c'est lorsque celui-ci était déjà insolvable, au moment où a eu lieu la délégation ou l'expromission, avec décharge de l'ancien, et que le créancier l'ignorait; dans ce cas, en effet, le créancier n'aurait eu que des chances défavorables: ce ne serait pas un risque auquel il aurait été exposé, mais une perte certaine qu'il aurait encourue, et comme il a ignoré le fait de l'insolvabilité, il y a eu une erreur sur la cause de la novation.
La loi termine en réservant la liberté des conventions à ce sujet. Ainsi, les parties pourraient convenir que le recours du créancier aura lieu, même pour le cas d'une insolvabilité postérieure à la novation: il y aurait alors quelque chose d'intermédiaire entre la délégation parfaite et l'imparfaite ou entre l'expromission et l'adpromission; comme aussi on pourrait convenir que le créancier n'aurait aucun recours pour une insolvabilité actuelle qu'il serait difficile de vérifier: il y aurait alors plus encore qu'une délégation parfaite ou plus qu'une expromission; en même temps, le contrat deviendrait aléatoire.
566 bis. Dans le cas où le créancier a un recours contre l'ancien débiteur, soit en vertu de notre article 520, soit en vertu d'une convention spéciale, on peut Se demander si c'est une action nouvelle ou si c'est l'ancienne action avec les avantages qui y sont attachés. Il est naturel, dans le cas prévu par la loi, que ce soit identiquement l'ancienne action; mais, dans le second cas, il serait plus prudent au créancier de s'en expliquer, de stipuler la retenue conditionnelle de son ancienne action, et, spécialement, de réserver ses garanties, comme il lui est permis par les articles 524 et 525: à défaut de cette précaution, on pourrait décider qu'il a acquis l'action de mandat, si la novation a eu lieu par délégation, mais qu'il n'a que l'action ordinaire d'un contrat innommé, si la réserve de son recours a eu lieu dans une expromission.
Ainsi se trouve justifié ce qui avait été dit plus haut (n° 563) que la délégation, quoique présentant le caractère d'un mandat, même entre délégant et le délégataire, donnera rarement lieu à l'action de mandat.
Au cas qui vient d'être cité on pourrait en ajouter un autre, ce serait celui où le délégant aurait employé un.dol, pour décider les délégataires à accepter un nouveau débiteur encore solvable, mais déjà engagé dans des affaires périlleuses qui devaient vraisemblablement le conduire à l'insolvabilité, et où ce résultat aurait effectivement eu lieu.
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(h) Ces qualifications sont analogues à celles, déjà rencontrées, de cédant, cédé et cessionnaire.
(i) Cette distinction entre l'obligation solidaire parfaite et imparfaite (obligation in solidum) a sa source dans le droit romain où elle présentait de sérieuses difficultés: la doctrine, plus que la loi l'a maintenue, en France, mais sans dissiper toutes les incertitudes; le Projet s'attachera, en temps et lieu (Livre IVe, art. 1074) à y mettre toute la clarté nécessaire: on sait déjà qu'elle se rencontre dans les articles 88, 153 et 398.
Art. 521. — 567. La novation par changement de créancier est, comme on l'a annoncé, presque toujours accompagnée d'un changement de débiteur; c'est ce qui a lieu quand un débiteur délègue son propre débiteur à son créancier: le délégué change alors de créancier et le délégataire change de débiteur. Mais, il n'y aurait que changement de créancier, si le délégant n'était pas lui-même débiteur du délégataire et qu'il lui fit la délégation à titre gratuit. Dans tous les cas, il faut le concours des trois volontés: du délégant, qui ne peut perdre sa créance sans y consentir, du délégataire, qui ne peut devenir créancier sans sa volonté, même quand la délégation est gratuite, enfin, du délégué, qui ne peut changer de créancier malgré lui.
Cette nécessité du consentement du délégué le sépare du débiteur cédé qui ne peut, par-son refus, empêcher la cession de la créance dont il est tenu. Le motif de cette différence est que, dans la cession de créance, la dette n'est pas éteinte, le débiteur ne contracte pas un nouvel engagement; or, la créance est un droit cessible comme tous les droits en général; il peut être utile, au lieu d'informer seulement le débiteur de la cession, d'obtenir son consentement (v. art. 367 et 552), mais ce consentement n'est pas nécessaire.
Art. 522. — 568. Pour qu'il y ait novation entre le créancier et l'un des débiteurs désignés ici, il faut nécessairement supposer qu'il y a changement de l'objet dû ou de la cause de la dette: autrement, ce ne serait qu'une reconnaissance de la dette par ce débiteur, laquelle ne suffirait pas à libérer les autres (n° 556), et lors même que cette reconnaissance de la dette par l'un des débiteurs serait accompagnée d'une déclaration portant que les autres seraient libérés, il y aurait alors remise de la dette à leur égard et non novation. Mais, dès qu'il y a changement d'objet ou de cause, les autres débiteurs sont libérés par novation, ainsi que les cautions.
Les parties qui font ainsi novation ne peuvent convenir que les autres débiteurs et les cautions seront tenus de la nouvelle dette sans leur adhésion formelle; ce qu'elles peuvent faire seulement c'est de subordonner l'existence de la novation à la condition suspensive de l'accession des codébiteurs et des cautions à la nouvelle dette.
La loi prévoit ensuite le cas inverse, la novation faite entre le débiteur et l'un des créanciers solidaires ou l'un des créanciers d'une obligation indivisible: cette novation doit rester sans effet à l'égard des autres créanciers, car, dans le cas où il y a ainsi plusieurs créanciers, ils peuvent bien améliorer leur condition commune, conserver mutuellement leur droit, mais non le compromettre ou le détruire. Mais la novation n'aura pas moins entre les parties l'effet qu'elle peut recevoir sans nuire aux tiers, c'est-à-dire aux autres créanciers: si la créance n'est que solidaire, comme elle peut être éteinte partiellement, le créancier qui a fait la novation aura éteint l'obligation pour sa part, les autres conserveront les leurs, et solidairement; si la créance est indivisible, les autres conserveront le droit de demander l'exécution entière, mais en comptant au débiteur la valeur de la part de celui qui a fait novation: c'est la théorie très saillante posée à l'article 466 auquel notre article renvoie et dont on retrouvera encore plus d'une application.
Art. 523. — 569. Assurément, le créancier peut faire novation de la dette principale en traitant avec la caution: celle-ci devient alors un nouveau débiteur, comme pourrait l'être un tiers; mais, s'il y a doute sur ce que les parties se sont proposé en novant, il est naturel de croire et la loi présume qu'elles ont voulu seulement nover le cautionnement; la caution cesse alors d'être tenue comme telle; sa nouvelle obligation peut lui être moins gênante que son cautionnement; mais il n'en résulte de libération, ni pour le débiteur principal, ni pour les autres cautions; aussi, celle qui a fait novation ne peut-elle exercer aucun recours en indemnité contre le débiteur principal, ni contre les autres cautions.
Le Projet japonais s'écarte en cela du Code français (art. 1288) et du Code italien (art. 1284) qui, dans un cas analogue au nôtre, libèrent le débiteur principal et les autres cautions de tout ce que l'une des cautions a fourni pour obtenir sa décharge et lui donnent, implicitement et par cela même, un recours contre ces personnes. On reviendra sur cette disposition, au sujet de la remise de la dette, et on justifiera des motifs qui la font abandonner ici (v. n° 590).
Art. 524. — 570. Ici encore, le Projet s'écarte notablement des deux Codes précités, lesquels permettent bien de retenir les priviléges et hypothèques sur les biens de l'ancien débiteur avec lequel la novation est faite, mais ne permettent pas de les retenir sur les biens des anciens codébiteurs solidaires (art. 1280) ni, à plus forte raison, certainement, sur les biens des cautions ou sur ceux qui sont passés aux mains de tiers détenteurs.
On n'a jamais pu justifier cette prohibition et il n'y a pas lieu de la conserver.
On conçoit que le créancier qui fait novation ne puisse rattacher à la nouvelle dette les codébiteurs solidaires ou les cautions de l'ancienne dette: les personnes ne peuvent se trouver engagées dans un nouveau lien, sans leur consentement; mais quelle raison s'opposerait à ce que le créancier conservât tout ou partie de ses sûretés réelles ou portant sur les biens ? N'est-ce pas déjà un avatange pour les codébiteurs et les cautions de n'être plus tenus que sur leurs biens hypothéqués, au lieu de l'être sur tous leurs biens en général ? Et, pour le tiers détenteur, tenu seulement propter rem, c'est-à-dire, à cause du bien hypothéqué qu'il possède, que lui importe l'arrangement survenu entre le débiteur et le créancier ? L'hypothèque, qui serait forcément éteinte s'il y avait payement, ne l'est pas par la novation, du moment qu'il a été mis comme condition à cette novation que l'hypothèque subsisterait jusqu'au payement effectif. Mais, bien entendu, comme le veut le 38 alinéa, il faut, pour cette rétention des sûretés réelles, le consentement du débiteur avec lequel la novation est faite, peu importe que ce soit l'ancien débiteur ou un nouveau; en effet, il peut avoir eu pour but, en s'engageant, de dégrever les biens hypothéqués, autant que de décharger les personnes.
571. La loi termine en disant, ce qui, d'ailleurs, ne pouvait guère faire de doute, que si la nouvelle dette excède le montant de la première, les sûretés réelles ne s'étendront pas à cet excédant: autrement, il en résulterait une aggravation de charge pour les détenteurs des biens, et, s'il s'agissait de biens se trouvant aux mains du débiteur, resté le même, il y aurait dommage pour ses autres créanciers hypothécaires ou pour ses créanciers chirographaires.
Mais ce que le Projet s'est gardé de dire, comme allant de soi, malgré l'exemple du Code français (art. 1279), c'est que, dans le cas de novation par changement de débiteur, " les hypothèques de l'ancienne " créance ne peuvent passer sur les biens du nouveau ' ' débiteur; " il est clair que les biens de celui-ci ne peuvent être hypothéqués sans sa volonté ft s'il consentait, à son tour, des hypothèques sur ces biens, ce ne seraient pas- les mêmes que les premières: notamment, elles n'auraient pas le même rang qui a une si grande importance pour l'effet de l'hypothèque.
Art. 525. — 572. Ici, ce n'est plus une différence, c'est une ressemblance entre la novation et la cession de créance.
Cette disposition qui manque au Code français y est ordinairement suppléée dans la pratique. En effet, si on se reporte aux motifs qui ont fait soumettre la cession de créance à une sorte de publicité (voy. art. 367 et... nos 176 et s.), on trouve qu'il y a ici identité de motifs pour exiger la même formalité, au moins dans les circonstances prévues au texte. Ainsi, un créancier avait une créance garantie- par des sûretés réelles, il autorise son propre créancier, ou quelqu'un qu'il veut gratifier, à stipuler du même débiteur ce qui lui est dû, avec réserve desdites sûretés; si l'on considérait le délégant comme dessaisi immédiatement de sa créance à l'égard des tiers et le droit comme transféré aussitôt au délégataire, il pourrait en résulter des suprises pour les propres créanciers du délégant qui, le croyant encore créancier, pourraient faire saisie-arrêt sur cette créance, ou des dommages pour d'autres personnes auxquelles le créancier ferait de nouvelles délégations ou une cession proprement dite de cette créance.
Pour prévenir ces dangers, la loi ne reconnaît à cette délégation son plein et entier effet que si le délégué a accepté la délégation dans un acte ayant date certaine, ou si la délégation lui a été notifiée par un acte en bonne forme. Il y a, en effet, une grande analogie, au fond, entre la délégation et le transport-cession de créance. Sans doute, à la suite de la délégation, le débiteur délégué prendra un engagement formel vis-àvis du délégataire, ce que ne fait pas le débiteur-cédé vis-à-vis du cessionnaire, et c'est ce qui fait qu'il y a novation; mais, quand il y a retenue de tout ou partie des sûretés réelles de l'ancienne créance, il n'y a pas extinction complète de celle-ci: elle subsiste quant aux dites sûretés, lesquelles se trouvent réellement cédées; il est donc juste que cette particularité de la délégation entraîne les formalités requises pour la cession. Faute de faire cette distinction, au sujet de la retenue des sûretés, on brouille et on confond trop souvent les deux théories de la novation et de la cession de créance.
On remarquera que la loi ne s'attache qu'à la retenue des sûretés réelles et non à celle des sûretés personnelles; c'est qu'en effet les premières peuvent seules être retenues par la volonté des parties qui font novation; s'il s'agissait de sûretés personnelles, il faudrait un nouvel engagement des personnes garantes, comme il est prévu à l'article 522, ce ne serait plus d'ailleurs la même obligation, ni la même sûreté: il n'y aurait plus rien qui ressemblât à la cession de créance.
SOMMAIRE.
Art. 526. — N° 573. Insuffisance du Code français sur cette matière. - 574. Comparaison de la renonciation aux droits réels avec la remise des droits personnels. -575. Remise à titre onéreux. —-576. Cas où il y a des obligations réciproques. -577. Remise à titre gratuit - 578 et 579. -Cas particulier du concordat: ses conditions; la remise y est à titre onéreux.
527. —580. Remise expresse ou tacite; remise présumée: renvoi. -581. Observations sur le désistement et l'acquiescement.
528 et 529. -582. Remise au débiteur principal ou à l'un des co-débiteurs (note sur l'acceptilation romaine); remise à l'un des débiteurs d'une dette indivisible. --583. Remise à une caution.
530. -584. Recours contre les garants, limité aux déboursés.
531. —-585. Remise de la solidarité seulement, ou de l'illdivisibilité naturelle ou conventionnelle.
532. '586. Présomptions légales de remise de la modalité; trois cas. -587. Preuve contraire permise.
533 et 534. -588. Remise du cautionnement à une seule caution: son effet à l'égard des autres. -589. Remise d'une sûreté réelle: son effet à l'égard des cautions et des codébiteurs.
535. -590. Dérogation à l'article 1288 du Code français.
536. -591. Remise de l'obligation de livrer ou de restituer: persistance des autres obligations et du droit de revendication.
537. -592. Remise par un des créanciers d'une dette solidaire ou indivisible.
538, 539 et 510 -593. Présomption légale simple de re-"'\ mise de la dette attachée à la tradition du titre original: preuve contraire permise. -594. Dérogation au Code français sur la présomption simple de remise attachée à la tradition de la grosse; pouvoir des tribunaux. —595. Présomption légale de tradition volontaire. -596. Présomption légale de remise attachée à la destruction du titre par le créancier. -597. Présomption qu'elle émane du créancier. -598. Présomption légale que la remise est à titre onéreux: exceptions.
COMMENTAIRE.
Art. 526. — 573. Il règne une grande confusion dans la partie du Code français correspondant à cette matière (art. 1282 à 1289): on s'y occupe moins de la remise de la dette que de la remise ou tradition du titre écrit servant de preuve, et de la présomption de libération qui en résulte; or, la tradition du titre fait présumer, autant et plus un payement reçu par le créancier qu'un abandon gratuit de son droit; il pourrait donc n'en pas être traité ici, mais seulement au sujet des Preuves.
Le Code italien (art. 1279 à 1284) a suivi ici, presque littéralement, les dispositions du Code français.
Le Projet japonais, pour ne pas trop s'écarter de ses modèles et pour n'avoir pas à revenir sur la remise de la dette, au sujet des preuves, traite également ici de la présomption résultant de la tradition du titre, mais en la réduisant à l'importance secondaire qu'elle mérite.
574. La remise de la dette est l'abandon de son droit par le créancier: elle appartient aux renonciations, en général. De même qu'on a vu que celui qui a un droit réel sur la chose d'autrui, comme un usufruit ou une servitude, y peut renoncer, de même celui qui a un droit personnel peut en faire la remise ou l'abandon. Il y a toutefois entre les deux renonciations une profonde différence: la renonciation à un droit personnel, la remise de la dette, est toujours conventionnelle, comme l'annonce la présente rubrique; au contraire, la renonciation à un droit réel sur la chose d'autrui produit tous ses effets par le fait de la seule volonté du titulaire du droit.
La raison de cette différence est facile à saisir.
Le lien d'obligation est un rapport entre deux personnes; or, les rapports des personnes ne peuvent être changés, en moins ou en plus, en mieux ou en pis, sans le concours de leurs volontés respectives; quoique le créancier ait un droit et le débiteur un devoir, il n'en résulte pas que le premier ait une autorité, une prééminence sur l'autre: il pourrait être désobligeant pour le débiteur, dans certaines circonstances, que le créancier lui fît remise de sa dette. Et il ne faudrait pas objecter que certains contrats peuvent prendre fin par la volonté d'une seule des parties, tels que le mandat, le dépôt le prêt à usage: dans ces cas, le contrat prend fin, pour l'avenir, par la volonté d'un seul, mais non les obligations dont il a été la cause ou l'occasion. Le droit réel, au contraire, est un rapport entre une personne et une chose: lorsque le droit n'est qu'un démembrement de la propriété d'autrui, celui auquel il appartient peut l'exercer sans la participation du propriétaire; il doit donc pouvoir de même ne pas l'exercer, et cela est d'autant plus naturel et juste que ce droit peut arriver à devenir plus onéreux qu'utile.
La conséquence de cette différence est que si un débiteur ne veut pas accepter la remise de sa dette offert.) par le créancier, il pourra lui faire des offres réelles suivies de consignation (voy. art. 495 et s.); tandis qu'un nu-propriétaire qui ne consentirait pas à la renonciation de l'usufruitier ne serait pas admis à lui imposer d'occuper les bâtiments ou de cultiver le fonds; il ne pourrait pas davantage lui imposer de recevoir les fruits et produits, même déduction faite des frais de production; il en est de même, et encore plus évidemment, du propriétaire d'un fonds servant qui ne consentirait pas à l'abandon de la servitude: tous deux pourraient seulement, par un ridicule entêtement, laisser le fonds sans culture, les bâtiments inhabités ou le passage inutilement libre aux personnes ou aux eaux, suivant la nature de la servitude.
On rappelle seulement, à cette occasion, que les renonciations à des droits réels immobiliers, pour être opposées aux ayant-cause particuliers, dits improprement tiers, sont soumises à la publicité de la transcription (art. 368, 2* al.). Si donc celui qui a renoncé à un usufruit l'aliénait ensuite, avant que le nu-propriétaire eût publié la renonciation, l'aliénation serait valable au profit du tiers (art. 370).
575. La remise de la dette, dit le texte, peut être onéreuse ou gratuite. Elle est onéreuse dans le cas où le débiteur fait, pour l'obtenir, un sacrifice considéré comme équivalent de celui du créancier (a).
Si le débiteur acquittait effectivement sa dette, " selon sa forme et teneur," il ferait un payement proprement dit: il recevrait quittance; cependant, on ne dirait pas que la remise ou décharge est " conventionnelle," puisqu'il pouvait l'obtenir par un payement " forcé." Mais, si le débiteur donne autre chose que ce qu'il doit et obtient ainsi sa décharge, celle-ci est alors conventionnelle, car il y a fallu le consentement des deux parties; cependant, l'usage alors est plutôt de dire qu'il y a " dation en payement " (voy. 482); si le débiteur a pris un nouvel engagement qui éteint le premier, la décharge conventionnelle constitue la " novation " (art. 511); enfin, si les parties, d'un commun accord, se font des concessions réciproques, pour prévenir une contestation ou pour mettre fin à un procès commencé, on dit qu'il y a " transaction " (voy. c. civ. fr., art. 2044 et Proj., art. 757 et s.): la transaction a surtout le caractère de remise partielle à titre onéreux, si le créancier consent à réduire sa créance,certaine d'ailleurs, pour obtenir une sûreté réelle ou personnelle qu'elle n'avait pas encore.
576. Les remarques qui précèdent s'appliquent surtout au cas d'une obligation unilatérale. S'il y avait des obligations réciproques entre les parties, non seulement l'une d'elles ne pourrait pas faire remise à l'autre sans le consentement de celle-ci, mais, lors même que cette dernière accepterait la remise, en ce qui la concerne, il n'en résulterait pas nécessairement qu'elle accordât la remise réciproque de ce qui lui est dû par l'effet de la convention synallagmatique: la décision dépendrait des termes de la convention et des autres circonstances pouvant révéler l'intention des parties. Il ne faudrait pas croire, d'ailleurs, qu'en admettant l'extinction d'une seule des dettes par la remise, l'autre dette devrait se trouver nulle faute de cause: lorsque deux obligations sont une fois valablement créées, avec leur cause légale, l'une peut s'éteindre et l'autre subsister; c'est ce qui arrive, notamment, dans la vente pure et simple ou à terme, quand la chose vendue périt par cas fortuit, avant la livraison et avant la mise en demeure du vendeur: celui-ci est libéré et pourtant l'acheteur reste tenu de payer le prix (voy. art. 355).
Lorsque, à la suite d'une remise faite par l'une des parties réciproquement tenues, le tribunal estimera que l'intention commune a été d'opérer une libération réciproque, la remise mutuelle prendra le nom de " résolution volontaire du contrat " (voy. art. 373).
577. Lorsque le créancier fait la remise de la dette sans recevoir aucun équivalent, c'est une libéralité, un contrat de bienfaisance; on y applique naturellement Tes règles propres à ce genre de contrat: spécialement, pour la capacité de donner et recevoir, qui n'est pas la même que pour les actes onéreux (voy. c. civ. fr., art. 901 et s.) et pour les limites qui peuvent être apposées à l'importance des libéralités, eu égard à la qualité et au nombre des parents que laisse le créancier donateur au moment de sa mort (ib., art. 913 et s.). Mais les solennités de forme auxquelles peuvent être soumises les donations entre-vifs ne sont pas imposées à la remise de la dette. En France, on le décide, même en l'absence de texte formel, et il suffit pour cela de remarquer que la loi ne soumet auxdites solennités que "les actes portant donation entre-vifs" (ib., art. 931); or, la remise de la dette constitue bien une donation au fond, mais non en la forme: elle " porte " extinction de dette et non donation de biens.
Il en serait autrement d'une remise de la dette qui serait faite par testament: elle devrait être faite dans la forme qui sera prescrite pour ce genre de libéralité (comp. c. civ. fr., art. 967 et s.); la raison en est que l'acte testamentaire, n'étant plus une convention, doit revêtir les formes qui lui sont propres; ce n'est pas à dire qu'une libéralité testamentaire puisse être imposée à celui qui ne voudrait pas l'accepter: elle peut être refusée; mais, jusqu'au refus, elle vaut par la seule volonté du défunt.
Au surplus, lorsque la remise de la dette est conventionnelle, elle est soumise à toutes les règles des conventions en général, tant pour son existence que pour sa validité: notamment, elle serait nulle si la créance était un droit qui ne fût pas dans le commerce, c'està-dire dont le titulaire n'aurait pas la libre disposition, comme une pension alimentaire; de même, si la renonciation avait une cause ou une condition illicite; enfin, elle serait annulable si le créancier avait renoncé à son droit, par l'effet d'une erreur ou d'une violence.
578. La loi renvoie, pour le concordat, aux dispositions du Code de Commerce. On se bornera ici à indiquer les particularités de cette sorte exceptionnelle de remise de la dette, telle qu'elle est organisée en droit français (c. com., art. 437 et s.) (1).
Lorsqu'un commerçant cesse de payer ses dettes, la loi prend des mesures particulières pour sauvegarder l'actif qui lui reste et pour liquider sa faillite. Il est dessaisi de l'administration de ses biens, laquelle est confiée à un " syndic " pris parmi les créanciers ou en dehors d'eux, et sous le contrôle et la direction d'un juge du tribunal de commerce appelé " juge-commissaire. "
Si le failli n'inspire pas de confiance pour l'avenir, soit par son intelligence commerciale, soit par son honnêteté, il est procédé au recouvrement de ses créances et à la vente de tous ses biens; le prix en est distribué à ses créanciers, proportionnellement à leur créance, et le failli reste débiteur des sommes qui ne se trouvent pas payées.
Mais, si les créanciers reconnaissent que la faillite a des causes qui ne sont pas toutes imputables au failli, et s'ils espèrent qu'il peut, par son activité, son intelligence et son honnêteté, revenir à meilleure fortune, ils peuvent le replacer à la tête de ses affaires, en lui laissant dans les mains tout ou partie de son actif et en lui donnant des délais plus ou moins longs pour se libérer. Ils peuvent même, pour l'encourager, et cela est souvent nécessaire, lui faire remise partielle de ses dettes, avec délais pour payer le surplus. La conven tion qui intervient alors entre les créanciers et le failli porte, en France, le nom assez heureux de concordat qui exprime l'idée de " paix, accord, conciliation."
579. La loi ne pourrait raisonnablement exiger l'unanimité des créanciers, pour consentir à cette concession à faire au failli: il y aurait toujours à craindre que certains créanciers, plus irrités que les autres ou moins intelligents de leurs intérêts, ne refusassent d'y consentir; il suffit du consentement de la majorité en nombre des créanciers, représentant les troi* quarts des sommes dues par le failli (voy. c. com. fr., art. 507). La décision se prend en assemblée des créanciers, présidée par le juge-commissaire. Cette convention présente, en cela, un caractère tout particulier qui a déjà été signalé sous l'article 365: elle n'oblige pas seulement ceux qui l'ont consentie, mais encore ceux qui s'y sont opposés et qui sont, par rapport à elle, de véritables tiers; c'est une imitation de ce qui se passe dans les Assemblées délibérantes, politiques ou administratives, ou la décision de la majorité fait loi pour tous; mais, en matière civile, les cas pareils sont très rares (voy. n° 169).
En ce qui concerne le caractère de remise de dette faite par le concordat, il reste deux remarques à faire: 1° ce ne sera jamais, vraisemblablement, une remise totale, puisque le but du concordat est de permettre au failli de se libérer, en reprenant ses affaires; 2° cette remise n'a pas le caractère d'une libéralité, mais d'une transaction, c'est-à-dire d'un acte onéreux.
On a cependant quelquefois exprimé des doutes à cet égard, en prétendant que le débiteur ne fait pas de son côté, un véritable sacrifice, un sacrifice en faveur de ses créanciers; mais on s'est trompé, selon nous: le failli, en consentant à reprendre le commerce, fait un sacrifice de peines et de soucis d'autant plus réel que les affaires lui deviendront plus difficiles à cause de sa faillite; en outre, il s'expose, en cas de non payement des sommes dont il est reliquataire après le concordat, à des rigueurs particulières: en France, il pourrait être condamné comme banqueroutier simple (c. com., art. 516, 2e al.). Il n'en faut pas davantage pour reconnaître que la remise partielle consentie au failli par le concordat n'est pas une libéralité des créanciers; en outre, il n'y a pas de libéralité sans l'intention de donner (animus donandi) et, assurément, les créanciers n'ont pas cette intention.
On retrouvera le concordat au sujet des obligations naturelles (v. art. 597 et n° 773). 1
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(a) On dit alors que le créancier fi. fait la remise aliquo accepfa "en recevant quelque chose."
(1) Le nouveau Code de Commerce, auquel nous n'avons pas collaboré, n'étant pas encore traduit eu français ni en anglais, au moins dans sa dernière rédaction, nous no pouvons le citer avec sécurité.
Art. 527. — 580. Les renonciations à des droits doivent quelquefois être expresses; lorsque la loi l'exige, c'est pour protéger davantage le titulaire du droit contre un résultat qui ne serait pas dans ses prévisions et dans son intention; c'est aussi pour le préserver d'une interprétation abusive dans le sens d'une renonciation que les tribunaux pourraient induire trop facilement des circonstances; ce sont, en général, des droits réels, à la jouissance desquels il y a moins de raison de renoncer qu'à celle des droits personnels (voy. art. 102-3° et 309). Mais il est naturel que la loi soit plus favorable à la renonciation aux droits personnels: d'abord, ces droits sont, de leur nature, temporaires et destinés à s'éteindre par des causes multipliées: ensuite, ils créent entre les personnes des sujets de procès et d'animosité qui font désirer toute cause qui rend aux parties leur liberté respective; la loi peut donc, sans inconvénient, admettre des renonciations tacites résultant des circonstances et laissées à l'appréciation des tribunaux. Quant à l'acceptation de la remise par le débiteur, il va sans dire qu'elle peut être tacite également, et elle sera encore plus facilement induite des circonstances.
Mais il ne faudrait pas confondre une renonciation Jacite avec une renonciation prêxumêe. La renonciation n'est présumée que dans les cas où la loi le déclare, en raison de certaines circonstances qu'elle détermine ellemême. On en va trouver ci-après des exemples, au sujet de la solidarité et de l'indivisibilité purement volontaire (v. art. 532).
Cette restriction aux pouvoirs du juge ne les empêche pas d'induire des circonstances du fait la preuve d'une renonciation tacite; mais, dans le doute, ils ne devraient pas décider en faveur du débiteur et d'une renonciation du créancier, comme le prescrit l'article 380: cet article, facile à justifier, quand il s'agit de décider si un prétendu débiteur s'est obligé et dans quelle mesure il l'a fait, n'a plus la même raison d'être quand il s'agit de savoir si la dette, certaine d'ailleurs quant à sa formation, s'est éteinte, en tout ou en partie, par un fait postérieur. Il y a d'ailleurs, ici, une interversion complète des rôles: le débiteur n'est plus défendeur à l'action du créancier, mais demandeur dans son exception ou sa fin de non-recevoir (b). On trouvera, au Livre YB, aux Preuves, un article analogue à l'article 1315 du Code français, d'après lequel "celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation."
581. Il existe, en procédure, le " désistement d'action qui ne laisse pas de faire quelque difficulté, quand on le rapproche de la remise de la dette (voy. c. pr. fr., art. 402 et 403). Le désistement est la renonciation du créancier à l'exercice de l'action déjà portée devant le tribunal.
Faut-il y voir seulement le désistement de l'action, sauf à en intenter une autre, ou un désistement du droit lui-même ?
Si un créancier déclarait " se désister," avant d'avoir commencé le procès, il faudrait évidemment interpréter son acte dans le sens d'une renonciation à son droit au fond et ce serait une renonciation expresse. Quand le procès est commencé, il faut examiner attentivement les causes qui paraissent avoir amené ce désistement: si le défendeur a déjà opposé un défaut de forme, une exception d'incompétence ou une autre exception qui pourra faire écarter la demande avant l'examen du fond et mettre ainsi des frais à la charge du demandeur, il sera naturel de décider que celui-ci n'a entendu renoncer qu'à son action, à la procédure commencée, et qu'il a entendu réserver son droit au fond et l'exercice d'une nouvelle action. Si au contraire, il s'est désisté après que le défendeur, dans la correspondance, dans les défenses écrites ou dans les plaidoiries, a opposé des moyens qui tendaient à faire rejeter la demande au fond, il y aura lieu d'interpréter le désistement dans le sens d'une renonciation au droit lui-même. Ce ne sera pas une remise gratuite de la dette, car rien ne permet de voir là une intention de libéralité; ce ne sera pas non plus une transaction, parce qu'il n'y aura pas eu contrat proprement dit, ni sacrifices réciproques pour éviter le procès: ce sera une reconnaissance tacite que le droit n'avait jamais existé ou avait été éteint.
L'inverse du désistement est "l'acquiescement" du défendeur à la demande, lequel n'est pas un engagement nouveau, mais une reconnaissance d'un droit antérieur (voy. n° 556).
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(b) Il y a, à cet égard, un axiome déjà cité et qu'on retrouvera aux Preuves, en général: " le défendeur, en opposant une exception, devient demandeur," reus in excipiendo fit actor.
Art. 528 et 529. -582. La loi règle maintenant l'effet de la remise lorsqu'il y a divers débiteurs, soit principaux, soit accessoires, et que la convention a été faite avec l'un d'eux, expressément ou même tacitement.
Il n'y a pas de difficulté sur le 1er alinéa de l'article 52â-; il est clair que lorsque le débiteur principal est libéré, les cautions le sont également.
Si la convention de remise a été faite avec un seul des codébiteurs solidaires, il est encore naturel que les autres en profitent (quoique, dans ce cas, le créancier n'ait été mu, vraisemblablement, que par des considérations personnelles à celui auquel il a fait la remise); s'il en était autrement, si les autres débiteurs restaient tenus, même déduction faite de la part du gratifié, et que l'un d'eux fût insolvable, le gratifié serait encore exposé à un recours en vertu de la garantie mutuelle que se doivent les codébiteurs solidaires et ce résultat doit être évité (c).
Mais la libération des autres débiteurs solidaires n'est pas d'une nécessité absolue: le créancier peut ne faire qu'une remise personnelle à celui qu'il veut gratifier, et, pour cela, il lui suffit de réserver ses droits contre les autres; mais, dans ce cas encore, ceux-ci demeurent libérés de la part virile ou réelle que le gratifié devait définitivement supporter dans la dette, ainsi que de sa contribution éventuelle dans la part des insolvables (d).
Quoique l'indivisibilité présente de notables différences avec la solidarité, ainsi qu'on l'a vu en son lieu, il y a ici une similitude qui dispense de développements, au moins quand il s'agit de l'indivisibilité volontaire prévue à l'article 464: si la dette, par sa nature même ou par l'intention des parties, dans le cas du 29 alinéa de l'article 462, ne comportait pas de division entre les débiteurs et que le créancier ait fait avec l'un d'eux un pacte de remise, il est évident, et plus encore que dans la solidarité, qu'il ne peut plus rien demander aux autres; mais, dans le cas où il aura fait contre eux la réserve de ses droits, il y aura une différence, moins au fond d'ailleurs qu'en la forme: quand la dette, par sa nature ou par l'intention qui y est assimilée, ne comporte pas de division, le créancier, en vertu de la réserve qu'il a faite, demandera le tout à celui des autres débiteurs qu'il jugera à propos, mais il lui tiendra compte, en argent, de la valeur de la part de celui qu'il a entendu libérer tant de ses poursuites que du recours des autres (comp. art. 466, 522, 531 et 537).
583. On pourrait douter, au sujet de l'effet de la remise de la dette faite-à une caution (e): comme celle-ci n'est qu'un débiteur accessoire, il semble moins naturel que la remise qui lui est faite profite au débiteur principal. Mais ce qu'il faut voir c'est la volonté du créancier d'abandonner son droit, et la caution qui est toujours, mandataire du débiteur, ou au moins son gérant d'affaires, a bien, comme telle, qualité pour accepter un avantage offert à celui-ci.
Bien entendu, on suppose ici que la remise porte sur la dette même et non sur le cautionnement: ce dernier cas est prévu et réglé plus loin (art. 533).
Quant aux autres cautions, sans nul doute, elles sont libérées, puisque le débiteur principal l'est lui-même.
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(c) Le droit romain présentait, à cet égard, une distinction qui n'est plus possible aujourd'hui, mais qui mérite d'être signalée pour sa singularité. On y reconnaissait deux espèces de remises de dette: l'une, solennelle en la forme, par laquelle le créancier déclarait "tenir pour reçu" (habere acceptum) ce qui lui était dû; c'était un payement fictif; cette remise s'appelait acceptilatio; bien entendu, elle libérait tous les débiteurs solidaires (qu'on appelait conrei ou correi); l'autre remise se faisait sans solennité, par simple pacte ou promesse " de ne pas demander " (pacturn de non petendo); ce pacte fait avec un seul des débiteurs ne libérait les autres que pour la part du gratifié. Les lois modernes ont supprimé les formules solennelles et le caractère fictif de l'acceptilation, mais elles en ont transporté au simple pacte de remise les effets plus larges.
(d) Bien que la solidarité ne doive être traitée dans son ensemble qu'au Livre IVe, il paraît préférable, lorsqu'elle touche à une autre théorie spéciale, de compléter cette dernière, pour n'y plus revenir, par ses liens avec la solidarité.
C'est encore pour ne pas revenir, au Livre IVe, à la remise de la solidarité, au sujet des présomptions de remise, que le Projet en traite ici (v. art. 532).
La même observation s'applique à l'indivisibilité conventionnelle dont la remise est réglée plus loin.
(e) C'est par la raison donnée plus haut (note d) que, bien qu'il doive y avoir un Chapitre spécial sur le Cautionnement, la loi en indique, chemin faisant, les diverses combinaisons avec les autres matières.
Art. 530. — 584. Le Projet tranche ici une autre question importante. On aurait pu croire que l'un des co-débiteurs ou l'un des co-fidéjusseurs, ayant procuré la libération des autres par une convention qui n'aurait probablement pas été faite avec ceux-ci, pourrait s'en faire un titre à recourir contre eux, comme s'il avait effectivement payé. Mais la loi ne pouvait admettre une pareille prétention, laquelle ne serait même pas admissible dans le système d'une fiction de payement ou acceptilation. Pour que ce recours fût permis, il faudrait que le codébiteur ou la caution eût effectivement payé quelque chose ou fourni une valeur, pour obtenir la remise, et c'est dans la mesure seule de ce sacrifice que le recours serait admis. Si le créancier, en faissant la remise à l'un des débiteurs ou à l'une des cautions, voulait autoriser ce recours, il devrait procéder autrement et faire un transport-cession de sa créance; mais alors, on ne devrait plus parler de remise de la dette: ce serait une autre opération soumise à d'autres principes.
Art. 531. — 585. Il ne faut pas confondre la remise de la dette même avec celle de la solidarité ou de l'indivisibilité, c'est-à-dire de la modalité qui l'affecte. Quand le créancier remet seulement la solidarité à l'un de ses débiteurs, sa créance reste entière quant au montant et il ne perd même aucun de ses débiteurs; seulement, il a rompu le lien qui unissait le débiteur gratifié aux autres: il ne peut lui demander la part de ceux-ci, ni à ceux-ci la sienne; il n'a perdu qu'une partie de la garantie mutuelle d'insolvabilité; le lien de solidarité subsiste d'ailleurs entre les autres débiteurs, pour leurs parts, respectivement.
S'il s'agit d'une dette indivisible par la seule volonté des parties (v. art. 464), le créancier peut également affranchir un des débiteurs de la modalité de l'obligation; les choses se passent alors comme dans la solidarité.
Mais si la dette est indivisible par sa nature, comme le créancier ne peut changer la nature des choses, il peut encore demander le tout à chacun des débiteurs (y compris même celui auquel il a fait la remise de l'indivisibilité), même sans qu'il lui soitjtiécessaire d'avoir fait des réserves à ce sujet, mais sous les modifications suivantes: s'il poursuit le gratifié, il devra lui tenir compte, en valeur, de la part des autres débiteurs avec recours contre eux pour le remboursement; s'il poursuit l'un des autres, il lui tiendra compte seulement de la part du gratifié, avec recours contre ce dernier, comme il est dit à l'article 466; on arrive ainsi au résultat nécessaire de la modalité: le créancier conserve son droit intégral au fond, mais il s'expose à l'insolvabilité d'un ou plusieurs des débiteurs, en assumant la charge d'une avance et le risque d'un recours.
Si l'indivisibilité ne résulte que de l'intention des parties, au cas du 26 alinéa de l'article 462, il faut que le créancier, pour jouir du bénéfice dudit article 466, en faisant la remise de la modalité à l'un des débiteurs, ait réservé ses droits contre les autres.
Art. 532. — 586. La loi, sans limiter les pouvoirs des juges dans l'admission d'une remise de la solidarité, leur trace leur devoir à cet égard, dans trois cas particuliers où la remise tacite lui paraît suffisamment démontrée et elle en fait l'objet de présomptions légales, comme il a été prévu à l'article 527.
Ces présomptions sont empruntées aux articles 1211 et 1212 du Code français, reproduits par le Code italien (art. 1196 et 1197).
Le Projet les étend à la remise de l'indivisibilité, mais seulement lorsqu'elle est conventionnelle ou purement volontaire (v. art. 464), parce que c'est dans ce cas seulement que l'on peut concevoir la demande ou le payement d'une part sur lesquels seuls est basé le système de présomptions légales ici présenté.
Ier Cas. Le créancier a reçu d'un des débiteurs de la dette solidaire ou indivisible une somme ou valeur égale à sa part; de plus, il a été déclaré que c'était cette part; enfin, le créancier ri a pas réservé le bénéfice de la modalité de la créance: il est naturel de croire qu'il a renoncé à l'une ou à l'autre garantie. On remarquera seulement ici que le Projet s'écarte légèrement des deux Codes précités, en n'exigeant pas que la déclaration soit faite, par le créancier lui-même et dans la quittance, que telle est la part du débiteur qui paye: sans doute, ce sera le plus naturel et le plus fréquent; mais il serait raisonnable et juste de donner le même effet à une simple quittance de ladite somme ou valeur, si la déclaration avait été faite par le débiteur: notamment, dans une imputation de payement ou dans des offres, suivies ou non de consignation, et acceptées ensuite par le créancier sans réserves.
IIe Cas. Le créancier a demandé en justice à l'un des débiteurs une somme ou valeur qu'il a, lui-même, cette fois, qualifiée de part de ce débiteur, et il n'a pas réservé ses droits ultérieurs; puis, le débiteur a acquiescé à la demande, ce qui forme une convention spéciale à ce sujet; on bien, il est intervenu un jugement qui condamne le débiteur à payer cette part et le jugement est devenu inattaquable (il faut naturellement le supposer): le créancier a, évidemment, entendu renoncer à la modalité qui servait de garantie à sa créance.
Ille Cas. La dette n'était pas exigible en capital, mais elle portait des intérêts ou des arrérages annuels; le créancier a reçu divisérnent d'un des débiteurs sa fart dans lesdits intérêts ou arrérages: pour les intérêts échus et ainsi payés, il y a renonciation à la garantie pour la part des autres, en vertu des deux alinéas précédents; mais pour les intérêts futurs et pour le capital, le droit du créancier reste entier, à moins que lesdits payements n'aient été continués pendant dix ans, sans réserves; et il faut, de plus, que ces dix ans soient " consécutifs," car si, dans l'intervalle, le créancier avait reçu du même débiteur la totalité des intérêts d'un an ou même d'un terme plus court, la présomption n'aurait plus de force (f).
587. On pourrait se demander si, dans ces trois cas, la présomption de remise est absolue ou si elle admet la preuve contraire. Les présomptions absolues sont rares, elles n'ont guère lieu que dans des cas où l'ordre public est intéressé, ce qui n'est pas ici le cas; mais, en fait et pratiquement, on ne comprendrait guère ici que la preuve contraire à la présomption put être fournie par le créancier; il pourrait seulement soutenir qu'il a indirectement réservé ses droits et, en effet, la loi n'exige pas une réserve expresse: par exemple, le créancier pourrait établir, par la correspondance ou par témoins, qu'il n'a consenti à la division de la dette que parce que les autres débiteurs étaient notoirement solvables ou passaient pour l'être, au temps du payement partiel, ce qui implique raisonnablement qu'il n'entendait pas renoncer à ses garanties, si cette solvabilité venait à cesser ou n'existait pas réellement.
Observons enfin que les trois cas de présomption de remise énoncés à cet article ne sont limitatifs qu'en tant que présomptions légales: les tribunaux pourraient en induire d'autres, d'après les circonstances, mais ce ne serait plus que par présomption de fait et dans les limites de ce mode de preuve (v. art. 1425).
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(f) La forme de la rédaction de ces trois cas est ici différente de ce qu'elle est dans les deux Codes précités: ici, on procède par l'énoncé direct de la présomption de remise; dans les deux Codes, au contraire, il est dit que la présomption n'a pas lieu dans chacun des trois cas indiqués, à moins que, etc.; on n'arrive donc à la présomption que par une voie indirecte et en quelque sorte exceptionnelle, ce qui est une complication inutile et parait affaiblir la présomption.
Art. 533 et 534. -588. Dans ces deux articles, on suppose encore que le créancier n'a entendu renoncer qu'à une garantie et non à sa créance elle-même; mais il y a à remarquer que cette renenciation à une garantie pourra s'étendre à une autre.
Dans l'article 533, une caution est libérée de son cautionnement pour le tout: les autres cautions en profitent, en ce qu'elles cessent elles-mêmes d'être tenues de la part de la caution gratinée; c'est une solution analogue à celle de l'article 528, 2e al., au sujet de la remise de la dette faite à l'un des débiteurs solidaires; avec cette différence, toutefois, que dans le cas de remise de la dette solidaire, le créancier ne conserve ses droits contre les autres débiteurs que s'il a fait des réserves, parce qu'il n'y a, en réalité, qu'une seule dette principale; tandis que, quand il y a plusieurs cautions, chacune est tenue par un contrat spécial et assez indépendant des autres pour que la remise à elle faite soit sans effets pour les autres. Toutefois, comme la remise ne doit pas leur nuire et comme, sans la remise faite à l'une des cautions, celle-ci pourrait, dans certains cas, être appelée, comme les autres, à payer toute la dette, sauf son recours contre chacune (comp. c. civ. fr.; art. 2025; Proj., art. 1023) et comme, dans tous les cas, elle supporterait sa part dans la charge du payement si le débiteur est insolvable (c. civ. fr., art. 2033; Proj., art. 1038), les autres sont nécessairement affranchies de l'obligation de faire pour la caution gratifiée une avance qui ne peut plus être exigée d'elle.
589. L'article 534 suppose la remise par le créancier de tout ou partie de ses sûretés réelles. Il semblerait qu'elle doive être sans influence sur ses sûretés personnelles; mais il y a une nouvelle raison pour qu'elle profite aussi aux cautions et aux débiteurs solidaires: autrement, elle leur nuirait. On sait, en effet, que la caution et le codébiteur solidaire qui payent la dette sont subrogés aux droits du créancier: spécialement, aux priviléges et hypothèques qui garantissaient la créance, ainsi qu'au droit de poursuite contre les autres cautions et codébiteurs, et ils sont naturellement présumés avoir compté sur cette subrogation éventuelle, surtout si les garanties existaient déjà au moment où ils se sont engagés; or, si le créancier a fait remise d'un gage ou d'une hypothèque sur lesquels ses garants ont compté, il leur a nui, en rendant la subrogation impossible en leur faveur: il doit donc perdre son droit contre eux.
Il faudrait encore décider de même si la caution ou les débiteurs solidaires s'étaient engagés avant la constitution des sûretés et alors qu'ils n'avaient pu y compter, au moins d'une façon certaine: le droit à la subrogation éventuelle, leur ayant été une fois acquis, n'a pu leur être «enlevé par la remise du créancier (v. c. civ. fr., art. 2037; Proj., art. 1045) (2).
On remarquera que le texte ne déclare pas les garants déchargés de plein droit, comme paraît le faire l'article 2037 du Code français pour la caution: ils devront donc demander leur décharge en justice, et il serait raisonnable et juste qu'ils ne l'obtînssent pas, si les sûretés réelles étaient dans un rang si défavorable qu'elles fussent purement nominales et sans utilité pour le créancier, ce qui aurait pu en motiver la remise; il pourrait aussi y avoir eu changement d'une sûreté contre une autre, ce qui ne serait pas toujours nuisible: l'appréciation de la justice est donc nécessaire.
Bien que la loi ne mentionne pas ici les débiteurs soumis à l'indivisibilité naturelle ou volontaire, il faut reconnaître qu'ils auraient le même droit à la décharge de leur engagement si le créancier leur avait fait perdre par des remises le bénéfice de la subrogation à ses sûretés réelles.
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(2) L'ancienne rédaction de notre article 534 exigeait au contraire que la caution " justifiât qu'en s'engageant elle avait compté sur la subrogation à ces garanties," ce qui, dans notre intention, impliquait l'antériorité des garanties; mais nous ne croyons pas devoir maintenir cette condition, par le motif donné plus haut.
L'ancien texte ne parlait pas non plus des codébiteurs solidaires: la nouvelle rédaction comble cette lacune qui est aussi dans le Code français.
Art. 535. — 590. Le Projet apporte ici une grave innovation par rapport aux Codes français (art. 1288) et italien (art. 1284). Ces deux Codes exigent formellement que ce que le créancier a reçu de la caution pour la remise du cautionnement soit imputé sur la dette et tourne ainsi à la décharge du débiteur. Il n'est rien dit de ce qui aurait été reçu pour la remise de la solidarité ou de l'indivisibilité, mais il est naturel d'interpréter la loi dans le même sens La conséquence naturelle de cette disposition est que la caution ou le codébiteur, ayant ainsi procuré un avantage au débiteur, a contre lui un recours pour ce dont elle l'a libéré.
Mais on n'a jamais donné de raison satisfaisante de cette imputation. Au contraire, il est facile de la critiquer: lorsque le créancier renonce au cautionnement, il court le risque de l'insolvabilité du débiteur, et la caution en est affranchie; il est donc naturel et juste que le premier soit indemnisé de son risque par un sacrifice de la caution; si le débiteur paye toute sa dette, le créancier aura trouvé un profit dans l'opération; mais il peut perdre aussi: c'est une convention aléatoire dans laquelle la loi ne doit pas intervenir; aussi, en France, le créancier ne fait-il guère la remise du cautionnement, ou, s'il la fait, c'est en éludant la loi et en déclarant gratuite une remise dont il reçoit le prix.
Le Projet japonais adopte le système opposé: l'opération faite entre la caution et le créancier ne diminue pas la dette; dès lors, la caution n'a pas de recours pour ce qu'elle a payé, puisque le débiteur n'en a pas profité.
Art. 536. — 591. Cette disposition manque dans les Codes étrangers et mérite cependant quelque attention.
Supposons un acheteur auquel la tradition ou délivrance de la chose vendue n'a pas encore été faite; il déclare faire remise au vendeur de son obligation de livrer: on pourrait croire qu'il renonce à tous ses droits résultant de la vente et que la propriété qui lui avait été acquise par le contrat de vente est par lui retransférée, rétrocédée au vendeur. Supposons encore un dépôt ou un prêt à usage qui obligent le dépositaire ou l'emprunteur à restituer les choses déposées ou prêtées, il semblerait que la dispense de cette restitution soit un abandon de la propriété par le déposant ou le prêteur.
Assurément, si la remise de l'obligation de livrer ou de restituer ne pouvait avoir d'autre effet, il faudrait le lui reconnaître, en vertu du principe Il qu'on doit " interpréter les conventions de la manière qui leur fait a produire un effet utile et non de celle qui ne leur en " donne aucun " (voy. c. fr., art. 1157; Proj. art. 378). Mais on n'est pas réduit à cette extrémité.
Le créancier, dans les cas qui nous occupent et autres analogues, avait deux droits, un droit de propriété et un droit de créance tendant à obtenir la livraison de sa chose; il a fait remise de cette créance, mais il a gardé la propriété; il conserve donc la revendication, et sa position est déjà notablement moins bonne: le vendeur, le dépositaire, l'emprunteur, n'ayant plus l'obligation de livrer, n'ont plus celle de conserver la chose avec autant ou même plus de soins que leurs propres choses; ils ne sont plus que de simples possesseurs de la chose d'autrui, auxquels on ne pourrait reprocher que les actes faits de mauvaise foi ou qui les auraient enrichis. Du reste, leur possession ne cesse pas d'être précaire, car ils ne se trouvent pas dans un des cas où la précarité orginaire vient à cesser: il n'y a pas eu interversion de leur titre (voy. art. 197). Le créancier conservera donc l'action en revendication, sans craindre la prescription; mais, là encore, sa position est moins bonne que s'il agissait par l'action personnelle née du contrat: il lui faudra prouver son droit de propriété, ce qui sera souvent plus difficile que de prouver qu'il y avait eu vente à lui faite, dépôt ou prêt à usage fait par lui.
La remise de l'obligation de livrer aurait encore, dans les cas de vente et autres contrats onéreux, l'avantage pour celui qui en est affranchi, de le décharger des frais de la délivrance (v. art. 353, 1er al.).
Observons, en terminant, que si un acheteur avait fait à son vendeur remise de l'obligation de livrer, cela n'entraînerait pas de sa part remise de la dette de garantie au cas d'éviction, ni de l'action en résolution, de même qu'il ne serait pas libéré lui-même de l'obligation de payer le prix.
Art. 537. — 592. Après avoir supposé plusieurs débiteurs principaux ou accessoires, la loi doit prévoir le cas de plusieurs créanciers, lesquels, soit dit en passant, sont toujours principaux: il n'y a pas de créanciers accessoires.
Les co-créanciers solidaires sont mandataires les uns des autres dans l'intérêt commun: ils peuvent, l'un pour l'autre, poursuivre le débiteur, le mettre en demeure, interrompre la prescription, recevoir le payement (voy. c. civ. fr., art. 1197 à 1199; Proj., art. 1077 et s.); mais leur mandat ne va pas jusqu'à leur permettre de diminuer ou d'éteindre la créance au préjudice de leurs cocréanciers: notamment, de faire remise de la dette au débiteur; une pareille remise ne serait pourtant pas sans quelque effet, mais elle ne vaudrait que jusqu'à concurrence de la part de celui qui aurait fait la remise (ibid., art. 1198, 2e al.; Proj., art. 1080-2°), parce que c'est dans cette mesure qu'elle ne nuirait pas aux autres.
Dans le cas de l'obligation indivisible, aux cas prévus à l'article 462, la remise par l'un des créanciers aura le même résultat final, mais c'est par une autre voie qu'on y arrivera: les autres créanciers ne pourront voir leur droit diminué par une remise à laquelle ils sont étrangers et, comme il s'agit d'un droit indivisible, ils conserveront leur action pour le tout; mais ils compteront en argent au débiteur une somme égale à la valeur de la part dont il lui a été fait remise, et ce ne sera pas une perte pour eux, car, sans cela, ils auraient dû partager le profit de l'action avec le créancier qui a fait la remise (voy. art. 418 et 465).
Le principe de cette solution a déjà été donné par l'article 528 auquel le texte renvoie et qui n'est luimême qu'une application de l'article 466.
Observons, du reste, que si la dette indivisible par l'intention des parties consistait en argent, le droit de poursuite serait diminué de la part du créancier qui a fait la remise, car il ne serait pas raisonnable de demander la somme-entière, pour en rendre aussitôt une partie. Le cas se présentera surtout dans l'indivisibilité volontaire ayant le caractère de sûreté (v. art. 464).
Art. 538, 539 et 540. -593. La loi termine par la solution de plusieurs questions de preuve assez délicates et qui, placées dans le Code français en tête de la matière, y ont jeté quelque obscurité. Il s'y agit de la tradition ou livraison ' du titre ou de ses altérations matérielles (g).
On trouve ici plusieurs présomptions légales qui n'ont pas été établies par le Code français; mais, en sens inverse, on en a supprimé une et on a diminué la force d'une autre.
Le cas le plus favorable au débiteur est celui où le créancier lui a délivré le titre original portant son engagement et sa signature et destiné à servir de preuve de son obligation. Le créancier, n'ayant plus d'autre preuve dans les mains, a vraisemblablement eu l'intention de ne rien réclamer à ce sujet.
A-t-il reçu le payement ou une valeur équivalente à son droit ou a-t-il voulu faire une libéralité ? C'est une autre question, réservée pour le dernier article; mais il est naturel de présumer qu'il n'a entendu retenir aucun droit.
Quelle force doit avoir cette présomption ?
Le Code français (art. 1282) ne réserve pas la preuve contraire; ce qui autorise à voir ici une des rares présomptions absolues, ne pouvant être combattues, tout au plus, que par l'aveu du débiteur ou par son refus de serment. Mais il y a là un danger sérieux pour le créancier: il pourrait arriver qu'il eût simplement conimuniqué le titre au débiteur, soit pour l'examiner ou pour en prendre copie, soit pour y ajouter une mention ou le faire signer par une caution. En France, le créancier ne pourrait arriver à cette preuve que très difficilement, à cause du texte, et seulement en alléguant la fraude qui élargit les moyens de preuve.
La difficulté n'existera pas au Japon: le créancier sera toujours admis à prouver l'intention qu'il a eue de conserver ses droits.
Du reste, si le créancier a mis sur le titre une mention libératoire ou, en sens inverse, une réserve quelconque de son droit, il n'y aura plus de difficulté de preuve.
594. L'article 1283 du Code français attache encore une présomption de remise de la dette à la tradition, par le créancier au débiteur, de la grosse ou première expédition d'un acte authentique, revêtue de la formule exécutoire; mais, ici, la présomption n'est plus absolue, elle est simple: le créancier peut prouver, par les moyens ordinaires, qu'il n'a entendu faire qu'une simple communication. La raison de cette différence est que le créancier n'a pas, en se dessaisissant de ce titre, perdu tout moyen de prouver son droit, puisqu'il existe une minute de l'acte à laquelle on peut toujours recourir. Cette raison paraîtrait suffisante pour n'attacher même à cette tradition aucune force de présomption de remise de la dette; cela est d'autant plus naturel que la grosse, n'étant qu'une copie du titre, ne le remplace pas, tant qu'il existe, et que la loi française elle-même ne dispenserait pas le créancier d'en justifier la conformité avec la minute, s'il y avait contestation à ce sujet (voy. art. î 334).
Le Projet a donc'cru devoir supprimer cette présomption de remise de la dette.
Le Code italien n'a pas non plus attaché de présomption de remise à la tradition de la grosse dont il ne fait même pas mention.
Le Projet cependant ne défend pas aux tribunaux de prendre en considération la tradition de la grosse et d'en induire la remise de la dette; mais ce ne sera plus par une présomption légale, même simple, ce sera par une présomption de fait laissée à la prudence des juges qui tiendront compte des autres circonstances.
595. Il restait à résoudre une difficulté qui se présente en France: comment saura-t-on si la tradition du titre a été volontaire, surtout dans le cas du 1er alinéa de l'article 538, où elle a une grande importance ?
Le Projet transforme en présomption légale ce qu'on considère, en France, comme une présomption de fait: en effet, on ne doit pas présumer qu'il y a eu, de la part du débiteur, extorsion du titre, ni dol ou surprise tendant à se le faire livrer, ni que le titre a été perdu par le créancier et trouvé par le débiteur; il est donc naturel que la loi présume que la simple possession ou détention du titre par le débiteur est la suite d'une tradition à lui faite volontairement par le créancier. Mais, bien entendu, ici encore, toute preuve contraire est admissible.
596. Ni la loi française ni la loi italienne n'ont prévu la destruction du titre, sa lacération ou sa cancellation par le créancier, sans d'ailleurs qu'il en ait été fait tradition au débiteur; mais de pareils actes ne semblent pas moins révéler que la tradition même du titre faite au débiteur l'intention chez le créancier d'abandonner son droit, en en détruisant la preuve; il en est de même si ces altérations, sans porter sur le titre entier, portent seulement sur la signature du débiteur, ou sur les dispositions essentielles de l'acte: par exemple, dans un titre de vente, sur la désignation du prix ou, dans un titre de prêt, sur l'énoncé de la somme due. La présomption de remise est donc placée ici par le Projet sur la même ligne que celle résultant de la tradition du titre au débiteur, en tenant compte toujours de la différence entre les deux sortes de titres dont parle l'article précédent.
597. Il reste à prouver que lesdites altérations du titre ont été faites par le créancier ou de son consentement. La loi le présume, si le titre était en la possession du créancier au moment où elles ont été faites, et, naturellement encore, la présomption peut être démentie par la preuve contraire. Si les altérations avaient été faites à un moment où le créancier ne possédait pas le titre, ce serait au débiteur à fournir la preuve directe de l'ordre ou du consentement de celui-ci.
Le Code français présente à peu près cette disposition (art. 1332, 2e al.).
Reste à prouver la coïncidence des altérations avec la possession du créancier: ici, il n'y a plus de présomption légale; en principe, ce sera au débiteur à la prouver directement; mais, comme il est rare qu'un créancier ne possède pas son titre, si celui-ci n'établit pas que le titre est sorti de ses mains à une certaine époque, les tribunaux pourront décider, par présomption de fait, qu'il a toujours eu son titre dans les mains et, dès lors, la coïncidence de l'altération s'en suivra, avec la présomption légale pour conséquence.
598. La dernière question est celle de savoir si la remise de la dette, dans les divers cas prévus à cette Section, sera considérée comme faite à titre gratuit ou à titre onéreux. Cette question, est, comme l'observe le texte, indépendante de la manière dont la remise de la dette est prouvée et de son caractère exprès ou tacite.
On sait qu'il est très important de distinguer les actes onéreux des actes gratuits: les derniers exigent une capacité exceptionnelle (c. civ. fr., art. 901 et s.), ils sont sujets à des réductions, en cas d'excès (ib., art. 920 et s.) et à des rapports entre héritiers (art. 843 et s.); les règles n'en sont pas encore écrites dans le Projet, mais elles y trouveront leur place (3).
Le Code français n'a pas tranché la question qui nous occupe: dans les articles 1282 et 1283 précités, s'occupant de la tradition du titre, il dit, dans un cas, qu'elle fait preuve " de la libération," dans l'autre, qu'elle fait présumer "la remise (gratuite) de la dette ou le payement." De là, plusieurs opinions, dont la plus fréquente est celle qui donne au débiteur, comme étant le plus digne de faveur, le droit d'invoquer un mode de libération ou l'autre, suivant son intérêt; cela revient à dire qu'il se prétendra toujours libéré par un payement, car c'est le cas où il ne pourra plus être, sous aucun prétexte, recherché à raison de la dette. Cette solution est la meilleure, au fond, mais il faut y arriver par une voie plus régulière.
D'abord, si l'on s'attache à ce qui arrive le plus souvent (ad id quod plerumque fit) on reconnaît qu'il est bien plus fréquent que le créancier remette la dette contre un payement ou contre son équivalent que gratuitement et sans rien recevoir: il y a là, au moins, une présomption de fait. Ensuite, les obligations ne se présument pas (voy. n° 90), or, si l'on présumait une remise gratuite, on arriverait souvent, par l'application des règles de la donation, à imposer à l'ancien débiteur des obligations de restituer tout ou partie des choses données, ce qui serait contraire au principe sus-énoncé.
Le Projet fait donc sagement en introduisant ici une nouvelle présomption, en transformant en présomption légale de payement la. présomption de fait déjà reconnue fondée; sauf toujours la preuve contraire.
Mais cette présomption cesse, si le créancier et le débiteur se trouvaient dans des relations respectives où la loi ne permet pas à l'un de donner à l'autre; par exemple, suivant le Code français, s'il s'agissait d'un père et de son fils adultérin (voy. art. 762 et 908): le père étant créancier du fils et ayant fait la remise de la dette à celui-ci, il serait dangereux de présumer que la remise a été onéreuse, justement parce qu'il est à craindre qu'elle n'ait été gratuite, contrairement à la loi et pour l'éluder: dans ce cas, le fils, ne jouissant plus d'une présomption légale de payement, devrait prouver directement qu'il a payé. Il en serait de même d'une remise de dette faite par un malade au médecin qui l'a soigné pendant la maladie dont il est mort (ib., art. 909).
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(g) On a évité d'employer ici les mots " remise du titre " qui prêtent à la confusion avec la remise de la dette: on dit ” tradition du titre." Le mot restitution, employé par quelques auteurs, serait lui-même quelquefois impropre, car la restitution est le retour d'une chose aux mains d'une personne qui s'en était dessaisie; or, le titre n'a pas toujours été fourni par le débiteur lui-même: par exemple, la copie d'un jugement obtenu contre lui.
(3) Le Texte officiel, d'après le système de succession adopté, a résolu ces questions autrement que nous l'espérions: nous ne pouvons nous en occuper ici. Nous nous réservons d'en faire, plus tard, une étude spéciale.
SOMMAIRE.
Art. 541. — N° 599. Utilité de la compensation; son étymologie; elle peut produire une extinction partielle. —600. Elle a trois causes ou elle est de trois sortes: légale, facultative, judiciaire.
542. -601. Compensation légale: elle a lieu de plein droit; les effets de la loi n'ont pas toujours lieu de plein droit. -602. Raison spéciale de déclarer ici que l'effet légal de la compensation est virtuel. -603. Elle opère à l'insu des parties; les tribunaux peuvent la déclarer d'office, avec rétroactivité. -6 0 4. Elle exige cinq conditions: 1° dettes principales et personnelles. -605. 2° dettes fongibies entre elles. -606. 3° dettes liquides; 4° dettes exigibles; 5° dettes non exceptées par la loi ou par la convention.
543. —607. Reprise de la lre condition. -608. Droit de la caution d'invoquer la compensation du chef du débiteur, comme de son propre chef. -609. Droit d'un débiteur solidaire, du chef des autres. -610. Droit du débiteur, du chef de ce que lui doit l'un ces créanciers solidaires. —--611. Idem., au cas de dette indivisible.
544. -612. Fongibilité des denrées cotées avec l'argent: limite aux cas de prestations périodiques.
545. -613. Liquidité des dettes: sens limité en cette matière; la contestation n'est pas un obstacle à la compensation.
546. —614. Idem du terme de grâce accordé par le tribunal ou par le créancier.
547. -615. Idem de la différence des lieux de payement. - 615 bis. Idem de la différence des monnaies.
548. -616. Cinq exceptions à la compensation légale; 1er cas: convention prohibitive, renonciation expresse; 2e cas: dépouillement injuste; 3e cas: dépôt irrégulier; 46 cas: chose insaisissable 5e cas: saisie-arrêt, généralisation.
549. — 617. Renonciation tacite: acceptation d'une cession par le cédé.
550. -618. Suite: défaut de déclaration par le tiers-saisi. -619. Le tiers-détenteur ne peut opposer la compensation aux créanciers hypothécaires.
551. -620. Payement après compensation; répétition de l'indû.
552. —621. Ignorance excusable de la compensation: restitution de la créance primitive..
553. -622. Compensation facultative. -623. Compensation conventionnelle. -624. Exception au cas de faillite.
554. —625. Compensation judiciaire: demande reconventionnelle.
555. —-626. Application des règles de l'imputation légale et de l'imputation par le débiteur ou par le créancier.
COMMENTAIRE.
Art. 541. — 599. Le mode d'extinction auquel nous arrivons est d'une grande utilité pratique: il simplifie les rapports et les comptes réciproques des créanciers et débiteurs. Si, deux personnes se doivent respectivement une somme d'argent, par exemple, il est inutile que l'une paye à l'autre, pour recevoir immédiatement, comme créancière, ce qu'elle a donné comme débitrice; il serait même dangereux de payer, dans certains cas car, si celui auquel est fait le premier payement est de mauvaise foi ou insolvable, celui qui a payé court le risque de ne pas recevoir à son tour ce qui lui est dû. De là, un célèbre axiome romain: " il vaut mieux ne pas payer qu'avoir à répéter ce qu'on a payé " (a).
Le mot " compensation," employé beaucoup dans le langage ordinaire et en dehors de son application juridique, exprime, d'après son étymologie latine, l'idée d'un équilibre entre deux choses pesées ensemble (b). Mais l'origine de son emploi dans la matière des obligations est un peu différente: c'est toujours une figure de langage, mais elle est plus près de la réalité des choses. Chez les Romains, l'or et l'argent, même monnayés, se donnaient au poids, et le mot pensare " peser," était synonyme de " payer - " lors donc que deux dettes se payaient l'une par l'autre, on disait qu'elles se pesaient ensemble qu'elles ee compensaient (c).
La compensation peut encore aujourd'hui être considérée comme un double payement, fictif ou abrégé.
Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait compensation, que les deux dettes soient égales: lorsqu'elles sont inégales, la compensation s'opère " jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives," comme dit le Code français (art. 1290), c'est-à-dire jusqu'à la somme ou valeur où elles se rencontrent et, comme dit notre article, " jusqu'à concurrence de la somme la plus faible le débiteur de la plus forte dette ne payera effectivement que le surplus.
C'est une dérogation plus apparente que réelle à la règle que "le débiteur ne peut contraindre son créancier à recevoir un payement partiel " (art. 459); en effet, si la dette la plus faible est née d'une convention, le plus fort créancier, en y consentant, est présumé avoir accepté d'avance la compensation partielle qui en devait résulter; si la dette n'est pas conventionnelle, les avantages de la compensation sont suffisants pour que la loi l'ait préférée à l'indivisibilité du payement.
600. Si l'on examine les causes de la compensation, elle est de trois sortes: 1° elle vient de la loi, directement, sans la participation des parties ni celle des tribunaux; 2° elle vient de la volonté d'une partie ou de toutes deux, suivant les cas: elle est dite alors soit "facultative," soit "conventionnelle:" on pourrait dire "volontaire," 3° enfin, elle est judiciaire, lorsque les tribunaux l'opèrent sans la volonté des parties, mais aussi sans arbitraire et toujours en vertu des règles du droit.
Chacune de ces causes sera reprise successivement.
C'est la compensation légale qui présente le plus d'intérêt et aussi le plus de difficultés.
Une règle commune aux trois sortes de compensations sera donnée en dernier lieu.
Le Code français (art. 1289 à 1299) a été, ici encore, reproduit presque littéralement par le Code italien (art. 1285 à 1295), avec quelques améliorations, toutefois, que l'on signalera, chemin faisant. On croit que le présent Projet est plus précis et peut-être plus complet.
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(a) Potius nostra interest non solvere quam solutum repetere.
(b) De pensare et cum, H peser avec."
(c) Le monnayage ne dispense pas nécessairement du pesage des monnaies: non seulement chez les Juifs, chez les Grecs et les Romains, mais longtemps encore, après eux, en Europe, l'usage était de donner la monnaie au poids, à cause de l'imperfection des procédés de fabrication. Aujourd'hui même, alors que toutes les pièces d'une même monnaie sont mathématiquement semblables, en sortant des presses, le pesage est un moyen rapide de s'assurer qu'elles n'ont pas été altérées.
Art. 542. — 601. On pourrait croire, au premier abord, qu'il y a pléonasme, surabondance, à dire que la compensation légale "a lieu de plein droit." Le Code français n'a pas eu, non plus, de scrupule à cet égard; il a même adopté une formule encore plus énergique: "de plein droit et par la seule force de la loi;" c'est parce qu'un effet de la loi n'a pas toujours et nécessairement cet avantage de se produire spontanément, de lui-même et par la seule force de la loi, sans le concours des tribunaux (d): on peut encore dire qu 'un effet de droit est " légal," lorsque les tribunaux doivent le prononcer et le sanctionner en vertu de la loi, sans aucun pouvoir discrétionnaire pour le retarder ou le modifier; telles sont les nullités absolues pour défaut de formes (art. 321 et 325), les annulations de contrats pour vices de consentement ou pour incapacité (art. 340 et 566), la prescription qui doit toujours être invoquée en justice (art. 1433). Dans quelques cas, les juges, sans pouvoir modifier un effet légal, peuvent le retarder et, par là, donner à une partie le moyen de l'éviter; telle est la résolution pour inexécution des obligations (art. 441).
Mais c'est surtout en matière de procédure civile que l'on trouve des dispositions légales qui ne produisent pas leur effet de plein droit et doivent être invoquées par la partie intéressée et appliquées par le juge. Ainsi, la loi dit que " toute partie qui succombe sera condamnée aux dépens " (c. pr. civ. fr., art. 130); mais, si celle qui a triomphé n'invoque pas cette disposition et ne conclut pas formellement à la condamnation de l'adversaire aux dépens, le tribunal ne pourra la prononcer sans s'exposer à la requête civile (ib., art. 480, 3° et 4°), De même, l'ordonnance d'exécution provisoire, nonobstant appel, est impérative pour le juge, dans les cas prévus à l'article 135 du même Code; mais elle doit être requise par la partie qui a gagné le procès. De même encore, la péremption d'instance a lieu par trois ans de discontinuité des poursuites par le demandeur; mais la péremption n'a pas lieu de plein droit et, si le défendeur ne l'invoque pas, le juge ne peut la prononcer d'office (ib., art. 397 et 399).
Dans ces cas même, si la partie avait invoqué la disposition de la loi et que le juge n'eût pas fait droit à ses conclusions, il aurait violé la loi: sa décision serait encore attaquable par le pourvoi en cassation; mais, jusqu'au redressement du jugement, la partie intéressée n'aurait pas le bénéfice de la loi.
602. Pour en revenir à la compensation, il y avait pour la loi française une raison particulière de s'expliquer sur le point qui nous occupe: en droit romain, même dans son dernier développement, la compensation était dite avoir lieu ipso jure, ce qui répond à nos expressions ” de plein droit " et, cependant, elle devait être prononcée par le juge, mais en vertu de la loi. Le droit moderne ayant supprimé la nécessité de l'intervention du juge dans la compensation la plus fréquente, on a cru devoir mettre plus en relief la force de la loi.
De ce que le recours à la justice n'est pas nécessaire pour que la compensation légale ait son effet, ce n'es pas à dire que ce recours ne puisse avoir lieu: les effets les plus virtuels de la loi peuvent toujours être contestés, sous le prétexte que leurs cas d'application ne se rencontrent pas; mais, la justice, en statuant, ne fait que constater l'effet de la loi et en ordonner le respect.
Du reste, il n'est pas nécessaire d'ajouter, comme le fait le Code français, que la compensation éteint les deux dettes " dès l'instant où elles se trouvent exister à la fois il est clair que la compensation entre deux dettes ne peut avoir lieu avant leur coexistence, et qu'ayant lieu d'elle-même et sans le fait du juge, elle ne peut non plus être 'postérieure à ladite coexistence, en supposant, bien entendu, quoique la loi ne le dise pas, que les deux dettes réunissent les qualités voulues: autrement, la compensation serait retardée jusque-là.
603. La compensation légale, s'opérant spontanément, virtuellement, a lieu " même à l'insu des parties;" à plus forte raison, n'est-il pas nécessaire qu'elle soit invoquée par elles. Cependant, en fait, le tribunal ne peut guère connaître l'existence de la compensation, si elle ne lui est signalée et même prouvée; mais cette preuve une fois fournie, il doit rejeter la demande ou la réduire, comme éteinte ou diminuée par la force de la loi, et avec rétroactivité au jour où les deux dettes ont coexisté; en conséquence, les intérêts ont cessé d'être dus depuis le jour où la compensation s'est opérée.
On a douté que le juge pût déclarer la compensation d'office et sans qu'elle fût invoquée ou opposée: on a prétendu qu'il n'avait pas plus ce droit que celui de suppléer d'office le moyen tiré de la prescription (comp. c. civ. fr., art. 2223); mais les raisons qui ont fait refuser au juge le droit de déclarer d'office la prescription, raisons qu'on expliquera en leur lieu (sous l'art. 1433), ne se rencontrent nullement pour la compensation; la compensation doit se comparer au payement et non à la prescription: de même que si le juge découvrait, dans les pièces produites au cours du procès, une quittance de payement dont le débiteur ne se serait pas prévalu (sans doute parce qu'il serait défaillant), il aurait le droit et le devoir de déclarer le débiteur libéré, de même s'il découvre une cause de compensation légale, il doit déclarer opérée l'extinction totale ou partielle de la dette.
604. Pour que la compensation légale s'opère, le Code français n'exige que trois conditions; le Code italien en exige quatre; le présent Projet en exige cinq: c'est la première qui ne se trouve dans aucun de ces Codes.,On va d'ailleurs les reprendre sommairement sous cet article, et chacune reparaîtra ensuite séparément dans les articles suivants, pour quelques dispositions particulières.
1° H faut d'abord que les deux dettes soient Il principales." On dit quelquefois qu'elles doivent être " personnelles et principales; " mais il va de soi qu'elles doivent être personnelles, puisque la loi a commencé par supposer que "deux parties sont respectivement créancières et débitrices." Ainsi, on n'a pas besoin de dire qu'un débiteur ne peut opposer la compensation de sa dette avec ce que lui doit un proche parent du créancier, la femme ou le tuteur de celui-ci, ou toute autre personne avec laquelle le créancier est plus ou moins lié d'intérêts. La loi se prononcera d'ailleurs sur quelques-unes de ces personnnes, au sujet desquelles il aurait pu y avoir plus de doute.
Mais il faut encore que les deux dettes soient " principales; " ainsi, la compensation légale n'a pas lieu entre l'obligation " accessoire " d'une caution et ce qui lui est dû d'autre part par le créancier de la dette cautionnée. Il pourrait seulement y avoir lieu à compensation, au moment où la caution serait poursuivie (v. art. suiv.); mais alors la compensation ne serait plus légale: elle serait seulement facultative (v. art. 553).
605. 2° Les dettes doivent être " fongibles; " non seulement fongibles en elles-mêmes, c'est-à-dire ayant des objets déterminés seulement quant au genre, à l'espèce, à la qualité et à la quantité, ce qui permet de donner indistinctement tous objets semblables (v. art. 19), mais encore " fongibles entre elles," de telle sorte que l'une puisse être donnée en payement pour l'autre; ce qui autorisera chacune des parties à garder ce qu'elle doit, en payement de ce qui lui est dû. Ainsi, l'une des parties doit de l'argent, l'autre lui doit des bois ou des prierres; chacun de ces objets est fongible en lui-même, puisque ce ne sont pas des corps certains, mais des choses de quantité; mais chaque partie devra payer effectivement ce qu'elle doit: autrement, le but des contrats ne serait pas atteint; mais, si toutes deux se doivent de l'argent, des bois ou des denrées, de même nature et qualité, elles n'ont plus d'intérêt au payement effectif: la compensation a lieu.
On verra plus loin une extension de la fongibilité.
606. 3° Les deux dettes doivent être " liquides," c'est-à-dire, d'après l'étymologie (liquet), claires, transparentes, comme il sera développé bientôt (v. art. 545).
4° Elles doivent être " exigibles," puisque la compensation opère comme un payement (vice sohiionis): la loi va apporter un tempérament à cette condition (v. art. 546).
5° Enfin, il ne faut pas que l'on se trouve dans l'un des cas où la compensation légale est exclue par la loi elle-même ou par la convention des parties (v. art. 548).
Quant à l'exclusion de la compensation par les parties, elle peut être expresse ou tacite; dans ce dernier cas, elle sera appréciée par les tribunaux, d'après les circonstances. C'est encore une différence entre la compensation et la prescription à laquelle le débiteur ne peut renoncer d'avance (v. c. civ. fr., art. 2220; Proj., art. 1437). Il n'est pas douteux non plus que la partie au profit de laquelle s'est accomplie une compensation légale puisse y renoncer, soit expressément, soit tacitement, en négligeant de l'invoquer. Il y aura là, toutefois, une difficulté à résoudre sous l'un des articles suivants (v. art. 550).
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(d) Il faut reconnaître pourtant que les effets de la loi sont généralement spontanés et virtuels, sans le concours des tribunaux: tels sont: la tutelle légale, l'interdiction légale, la succession légale, la solidarité légale, la subrogation légale, la communauté légale, l'hypothèque légale, etc.
Art. 543. — 607. Cet article reprend et applique la première condition requise pour la compensation légale, à savoir que les deux dettes soient "principales," en même temps qu'elles doivent être "personnelles;" seulement, le lien qui résulte de la solidarité et de l'indivisibilité, entre les co-débiteurs et les co-créanciers, donne à la personnalité des dettes une certaine extension; de là, de nombreuses distinctions qui nécessitent un examen particulier de chacun de ces quatre alinéas.
608. -1er al. Le créancier a un débiteur et une caution; de son côté, il doit à la caution, mais non au débiteur principal, et c'est celui-ci qu'il poursuit; ce débiteur ne peut se soustraire au payement, en opposant la compensation de ce que son créancier doit à la caution, et cela, par plusieurs raisons réunies: d'abord, la dette de la caution, étant une dette accessoire, n'a pu, avant les poursuites faites contre elle, se compenser de plein droit avec la dette du créancier envers elle; ensuite, le créance de la caution n'est pas 'personnelle au débiteur principal; d'ailleurs, si cette compensation était possible, il pourrait se présenter un cumul ou un conflit inadmissible de deux compensations, si, par hasard, la débiteur principal se trouvait, en même temps que la caution, créancier du créancier; enfin, une raison qui, si elle était seule, suffirait déjà à exclure la compensation du chef de ce qui est dû à la caution, c'est qu'il n'est pas permis au débiteur de contraindre la caution à payer pour lui; or, la compensation aurait cet effet: le créancier seul a ce droit et encore est-il soumis à certaines conditions et limites qu'on verra au sujet du Cautionnement (v. art. 1018 et s.).
En sens inverse, si le créancier poursuit la caution, alors qu'il doit au débiteur principal, celle-ci peut lui opposer la compensation du chef de ce débiteur, parce que tous les modes d'extinction de la dette peuvent être invoqués par la caution pour sa décharge (v. art. 1025); seulement, dans ce cas, la compensation n'est pas légale, mais simplement facultative. L'intérêt de la question n'est pas purement théorique: si la compensation était légale, elle aurait eu lieu de plein droit, depuis la coexistence des deux dettes et les intérêts des sommes, dus respectivement ou d'un seul côté, auraient cessé de courir depuis cette époque; si, au contraire, la compensation est facultative, les intérêts ne sont arrêtés que du jour où elle est opposée, sans rétroactivité (v. art. 553).
Si le créancier doit à la caution elle-même, celle-ci peut lui opposer la compensation de son propre chef; mais avec cette différence que la compensation légale ne s'est pas opérée dès le moment où les deux dettes ont coexisté: la dette de la caution n'était qu'accessoire et elle n'était pas exigible purement et simplement: elle était toujours subordonnée à quelques préliminaires de poursuites contre le débiteur principal (e); mais, lorsque la caution est valablement poursuivie, c'est que la dette est devenue exigible contre elle, et son caractère accessoire a, en quelque sorte, disparu.
Bien entendu, quand la caution a ainsi compensé sa créance avec la dette principale, elle a recours contre le débiteur qu'elle a libéré à ses frais, c'est-à-dire en perdant sa créance.
609. —2e al. La solidarité n'ayant jusqu'ici été rencontrée qu'incidemment, on n'a pas encore eu l'occasion d'en signaler le caractère mixte qui influe sur la présente situation. Un débiteur solidaire doit toute la dette, comme le mot l'indique; mais il n'en doit qu'une partie en son propre nom: le reste, il le doit au nom et comme caution des autres. Ce n'est pas à dire qu'à tous les points de vue il soit traité comme la caution ordinaire: notamment, il ne jouirait pas des bénéfices de discussion et de division qu'on verra, plus tard, appartenir à la caution; mais, ce qui prouve que le débiteur solidaire n'est, pour les parts des autres, qu'une caution solidaire, c'est le recours qui lui appartient contre eux, lorsqu'il a payé (comp. c. civ. fr., art. 1203, 1214 et 2021, in fine; Proj., art. 418 et 1064).
Cette remarque rend facile l'explication du présent alinéa, lequel comprend d'ailleurs deux hypothèses.
1° Le créancier unique, devant à l'un de ses débiteurs solidaires, poursuit l'un des autres débiteurs avec lequel il n'a pas de cause de compensation; le défendeur ne pourra pas se soustraire entièrement aux poursuites, en alléguant que la compensation a eu lieu pour le tout entre le créancier et l'un des codébiteurs: d'abord, ce serait indirectement faire peser l'avance du payement sur ce codébiteur; or, le créancier seul a ce pouvoir, par. le choix qu'il fait dans sa poursuite; ensuite, le codébiteur non poursuivi jouant le rôle de caution pour toutes les parts autres que la sienne propre, la compensation ne peut être invoquée de son chef, en vertu du 1er alinéa; mais elle pourra être invoquée pour la part même de ce codébiteur, car il doit cette part " personnellement et principalement " (/).
2° Le créancier poursuit celui-là même avec lequel il a cause de compensation totale ou partielle: le débiteur poursuivi invoquera alors la compensation, comme s'il était débiteur unique; la qualité de caution qu'on vient de lui reconnaître ne s'y oppose pas, puisque la caution ordinaire, quand elle est poursuivie, est alors traitée par le créancier comme devenue " débitrice personnelle et principale," et elle oppose ainsi la compensation de ce qui lui est dû à elle-même, en vertu toujours du précédent alinéa, mais comme compensation facultative et sans rétroactivité (v. art. 553).
Le débiteur solidaire qui a ainsi libéré les autres, en perdant sa créance, a recours contre chacun d'eux pour leur part et portion réelle dans l'obligation (textes cités).
610. —3e al. Il n'y a qu'un seul débiteur, mais plusi eurs créanciers solidaires, dont l'un est obligé envers le débiteur commun. Que ce soit lui qui poursuive ou un autre des créanciers, le Projet, tranchant ici une question fort débattue en France, en l'absence de texte, et non moins difficile en législation, décide que, dans l'un et l'autre cas, le débiteur poursuivi opposera la compensation pour tout le montant de sa créance, c'està-dire, même au-delà de la part du. créancier poursuivant.
On arrive à ce résultat, en considérant la nature du mandat mutuel que se sont donné les co-créanciers solidaires: d'abord, chaque créancier peut recevoir un payement effectif intégral, sauf à en communiquer le profit aux autres (v. art. 418 et 1084); ensuite, pour ce qui est de la compensation tirée de sa propre dette envers le débiteur, il n'est pas douteux que si ce créancier poursuit lui-même le débiteur, son action ne puisse être détruite par la compensation intégrale, ce qui oblige à reconnaître que son mandat lui permettait de créer une cause de compensation excédant sa part dans la créance, sauf à en indemniser ses co-créanciers; il n'y a donc pas de raison suffisante pour refuser d'admettre la même compensation du chef de ce qu'il doit, lorsque la poursuite émane d'un des autres créanciers; sauf, bien entendu, l'indemnité due à ceux-ci pour leur part dans la créance perdue.
Cette étendue donnée au mandat mutuel des cocréanciers solidaires, par une sorte d'interprétation législative de leur volonté, ne paraîtra pas exagérée, si l'on considère qu'il y a, en général; une communauté d'intérêts entre eux bien plus étroite qu'entre co-débiteurs solidaires: leur mandat, étant toujours volontaire, suppose une confiance mutuelle entière, tandis qu'entre codébiteurs la solidarité est, le plus souvent, une condition du contrat imposée par un créancier défiant, sous peine de ne pas traiter.
Remarquons, du reste, que ce droit à la compensation intégrale n'a lieu que dans le cas où le débiteur poursuivi n'a pas perdu le droit de contraindre le créancier à recevoir le payement, ce qui s'explique par le renvoi du texte à l'article 1078 (1).
611. —4e al. Lorsqu'il s'agit d'une dette indivisible, ]e fonctionnement de la compensation se trouve un peu plus simple que celui de la remise de la dette ou de la remise de la modalité, dans le même genre de dette (comp. art. 528, 36 al. et 531): on n'a plus à se préoccuper de l'indivisibilité naturelle, puisqu'il doit s'agir, avant tout, de dettes de choses fongibles entre elles, ce qui exclut nécessairement les obligations de faire et de ne pas faire, celles de donner des corps certains ou même la plupart des choses de quantité. Il ne peut être question que de dettes d'argent ou de denrées cotées (v. art. suiv.), dont l'une devait être exécutée indivisiblement, à cause du but que se proposait le créancier (2).
Supposons donc, tour à tour, que cette dette, indivisible par l'intention (v. art. 462, 2e al.) ou par la convention expresse (v. art. 464 et 1088) est due 1° par plusieurs débiteurs, 2° à plusieurs créanciers, et qu'il y a matière à compensation; supposons aussi que la dette est d'argent, en réservant à l'article suivant l'explication du 5e alinéa qui vise implicitement le cas où elle est de prestations de denrées cotées.
1er Gas. Il y a plusieurs débiteurs dont l'un est devenu créancier du créancier commun.
Si le créancier poursuit le débiteur envers lequel il a une dette, il est évident que celui-ci lui opposera la compensation, pour tout le montant de sa propre créance: il serait bien inutile de conserver au créancier un droit de poursuite intégrale, à charge de précompter une valeur, conformément à l'article 466, puisque cette valeur serait de la même nature que celle qui est réclamée, à savoir, de l'argent.
Si le créancier poursuit l'un des autres débiteurs, avec lequel il n'a pas de cause directe de compensation, celui-ci lui opposera de même la compensation, du chef de son codébiteur; mais il ne pourra plus l'opposer que pour la part de son codébiteur, comme si la dette était solidaire, et par les deux motifs donnés cidessus, sur le 26 alinéa.
2e Gas. Il y a plusieurs créanciers de cette dette d'argent, indivisible par convention, et l'un deux est devenu débiteur, d'une somme d'argent aussi, envers le débiteur commun.
Si la poursuite est exercée par ce créancier, nul doute que le débiteur puisse lui opposer la compensation jusqu'à due concurrence, ce qui peut aller jusqu'à une compensation totale.
Si la poursuite est exercée par un des autres créanciers, il semblerait, au premier abord, que la compensation ne pût lui être opposée que pour la part de l'autre créancier; mais la loi admet la compensation intégrale, comme si la dette était solidaire entre créanciers: l'objection tirée de l'insuffisance apparente du mandat mutuel a été déjà réfutée au sujet de la remise de dette (n° 592); il y a même ici une raison de plus de décider en faveur de la compensation totale: chaque créancier peut recevoir le payement total et ainsi libérer le débiteur, sauf à communiquer le profit aux autres; or, lorsqu'un des créanciers est devenu, de son côté, débiteur personnel du débiteur commun, c'est qu'il en a reçu une valeur (et ici c'est une valeur de même nature que celle qui est due à tous, de l'argent); n'est-ce pas comme s'il avait reçu, par anticipation, le payement effectif de la dette ?
La loi arrive donc, sans arbitraire, à assimiler ici à la dette solidaire active et passive la dette d'argent indivisible activement et passivement par l'intention ou la volonté des parties.
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(e) En France, la caution ne peut, en général, être poursuivie qu'après discussion des biens du débiteur principal (art 2021 et suiv.); dans tous les cas, le débiteur doit, au moins, avoir été mis en demeure de payer.
Le Projet étend, plus qu'il ne les resserre, ce bénéfice de la caution (v. art. 1018 et s.).
(f) La solution donnée au texte tranche une question restée douteuse en France, en présence de l'article 1294, 36 al.; mais l'opinion dominante, et la seule qui paraisse conforme à l'équité et aux principes de la matière, est celle qu'adopte le Projet: on peut croire d'ailleurs que le Code français n'a voulu défendre qu'une compensation totale qui eût été, en effet, inadmissible.
Le Code italien (art. 1290) admet, comme le Projet, la compensation pour une part.
(1) Il est clair que cette limite est nouvelle et n'a pu être introduite ici que depuis que le Livre IV est terminé.
(2) Lors de la Révision, à la dernière heure, ayant eu à retoucher ce qui concernait l'indivisibilité naturelle, en matière de novation (art. 522), de remise conventionnelle (art. 528 et 537), de confusion (art. 558), nous avions été entraîné, par l'analogie apparente et sans nous y arrêter, à introduire aussi dans la compensation (art. 543) un renvoi à l'article 466: c'était dire, en une forme abrégée, que le créancier poursuivant auquel la compensation serait opposée par le débiteur, du chef d'un des autres créan ciers, pourrait néanmoins demander le payement intégral, en tenant compte, en argent, au débiteur, de la valeur de la part de cet autre créancier: nous ne songions pas, à ce moment, que les dettes indivisibles par leur nature ne peuvent être de choses fongibles et, par conséquent, ne peuvent donner lieu à la compensation légale. Si nous avions, à ce moment jeté les yeux sur le présent Commentaire, si explicite en ce sens, nous n'aurions pas commis cette inadvertance qui n'a pas été aperçue en temps utile et est restée au Texte officiel (art. 521).
Bien heureusement, cette disposition ne constitue ni une injustice, 'ni une contradiction formelle avec une autre disposition; elle reste seulement sans application possible: le cas prévu ne se présentera pas.
Art. 544. — 612. Cet article et les deux suivants reviennent sur les trois qualités des dettes qui ont été seules exigées par le Code français: la fongibilité, la liquidité et l'exigibilité. Quelques remarques sont nécessaires à cet égard.
Les denrées ou marchandises qui ont un prix courant, constaté sur le marché public du lieu où le payement doit se faire, peuvent être considérées comme de l'argent, puisque l'on peut les convertir facilement en cette valeur: réciproquement, chacun peut, avec de l'argent, obtenir immédiatement la quantité de ces denrées qui lui est nécessaire.
Il ne faudrait pas, cependant, pousser à l'extrême cette assimilation des denrées à l'argent et de l'argent aux denrées. Ainsi, en dehors du cas qui va nous occuper, celui qui doit des denrées ne pourrait pas s'acquitter en donnant de l'argent et celui qui doit de l'argent ne pourrait, sans le consentement du créancier, se libérer en donnant des denrées: les conventions doivent, en effet, s'exécuter suivant leur teneur et la commune intention des parties. Ce n'est que dans un cas particulier que la loi, pour favoriser deux libérations simultanées, permet ou mieux opère elle-même la compensation entre les denrées cotées et l'argent. Mais il faut que les denrées soient dues à titre de prestations ou fournitures périodiques;" par exemple, par un fermier qui, outre son prix de bail fixé en argent, devrait encore certaines quantités de riz, de blé, de bois, d'huile, d'œufs, etc., ou même devrait uniquement au bailleur une portion des fruits récoltés sur le fonds; si ce fermier se trouvait, en même temps, créancier d'une somme d'argent liquide et exigible, il ne serait tenu de payer ou il n'aurait le droit d'exiger que l'excédant de la plus forte des deux valeurs.
La condition qu'il s'agisse de prestations périodiques n'est pas formellement exigée par le Code français (art. 1291); mais plusieurs auteurs la sous-entendent et c'est seulement à cette condition que la loi est justifiable: autrement, on arriverait à dire que, dans une vente de denrées, la chose vendue se compense avec le prix, ce qui est inadmissible. Ceux qui n'exigent pas le caractère périodique des prestations de denrées n'échappent à cette singulière compensation qu'en faisant intervenir l'intention contraire des parties; mais le Code français n'a pas, comme le Projet (v. art. 548-1°) une exception fondée sur le but ou l'intention des parties. Il vaudrait encore mieux introduire une exception doctrinale à la compensation tirée de la cause des dettes et qu'on, pourrait formuler ainsi: "la compensa" tion n'a pas lieu lorsque les deux dettes sont nées du " même contrat et sont la cause l'une de l'autre il est clair, en effet, que si le contrat fait naître deux obligations, il ne. peut les détruire aussitôt (v. n° 616).
La difficulté disparaît, si la compensation entre les denrées et l'argent n'a lieu qu'au cas de prestations périodiques. Dans ce cas, le créancier desdites prestations n'a pas un intérêt sérieux à ce qu'elles lui soient payées en nature: elles avaient été stipulées, sans doute, comme étant d'un payement plus facile au débiteur qu'une somme d'argent.
Il n'est guère à supposer que deux personnes se doivent réciproquement des prestations périodiques de denrées, aussi la loi ne le prévoit-elle pas; si, cependant, le cas se présentait, il serait naturel de décider que la compensation a lieu pour leur valeur en argent.
C'est ici que se place, plus à propos, l'explication réservée du 5e alinéa de l'article précédent.
Supposons que plusieurs créanciers aient stipulé une quantité de riz ou de blé à eux nécessaire pour un ensemencement déterminé ou pour une fourniture qui doit être intégrale; l'un des créanciers est devenu personnellement débiteur d'une somme d'argent envers le débiteur commun; il poursuit ce débiteur pour l'exécution de la dette indivisible: il ne se verra pas opposer la compensation, même pour sa part dans la créance (quoique la denrée promise soit compensable avec l'argent), parce que le but que les créanciers se sont proposé en contractant ne peut être atteint partiellement; il demandera donc le tout en nature, mais, par application de l'article 466, il tiendra compte en argent au débiteur de la portion de sa créance qui se trouve compensée par sa propre dette.
Art. 545. — 613. Le mot " liquides," appliqué aux dettes, est une figure qui, en français et d'après l'étymologie latine, (liquet)>, indique qu'elles sont claires, transparentes comme l'eau.
A vrai dire, une dette n'est absolument liquide, à un point de vue très général, que lorsqu'on en connaît tous les éléments: les sujets actif et passif, la cause, l'objet,. avec les circonstances de quantité et de qualité, la modalité, enfin le lieu d'exécution. Mais la loi n'exige pas une aussi parfaite liquidité pour qu'il y ait compensation; d'ailleurs; il n'est pas douteux ici que le créancier et le débiteur soient certains; on va voir que la question de terme est réglée; la cause est ici indifférente, en principe, sauf quelques exceptions qui vont être signanalées; le lieu du payement n'exerce sur là compensation qu'une influence très secondaire et qu'on verra bientôt; il ne reste donc à exiger pour la liquidité de là dette, au point de vue de la compensation, que la certitude de son existence même, la nature de son objet et sa quantité: la qualité de l'objet rentrant ici dans sa nature.
On remarquera que la loi n'exige pas que ces qualités soient connues, il suffit qu'elles soient " certaines," (c'est-à-dire à l'abri de variations, et cela est naturel, puisque la compensation a lieu " même à l'insu des parties; " enfin, la contestation dont l'une des dettes ou toutes deux seraient l'objet n'est pas un obstacle à la compensation, non seulement parce que cette contestation pourrait être faite de mauvaise foi, mais encore parce que, même faite de bonne foi, elle serait au moins l'effet d'une erreur qui ne doit pas nuire à l'autre partie.
Le Code français (art. 1291) et le Code italien (art. 1287), exigent pourtant, au sujet de la compensation des prestations de denrées, qu'elles soient " non contestées or, outre l'objection qui précède, on ne voit pas pourquoi la contestation aurait ici l'effet d'empêcher la compensation et ne l'aurait pas dans les autres cas.
Le Projet supprime donc explicitement cette condition.
Art. 546. — 614. Le terme de grâce accordé par le tribunal, n'ayant été concédé au débiteur que dans le cas où il lui était difficile de s'acquitter, n'a plus de raison d'être quand celui-ci arrive à pouvoir le faire sans aucun embarras. Il n'était pas possible cependant d'autoriser le créancier à demander contre le débiteur la déchéance du terme de grâce, pour tout changement favorable dans la situation de celui-ci. Mais, quand il peut se trouver libéré sans aucun déboursé, il est juste qu'il perde le bénéfice du terme: il serait choquant, notamment, qu'il poursuivît son créancier pour ce que lui doit ce dernier, alors qu'il n'a été lui-même dispensé de payer sa dette que par faveur (v. n° 358, in fine). De là, la disposition première de cet article qui se trouve déjà, sous une autre forme, dans l'article 427-3°, mais qui reparaît utilement ici, afin que la théorie soit complète.
La loi y ajoute d'ailleurs un emprunt fait au Code italien: "les délais de grâce accordés gratuitement par le créancier ne mettent pas obstacle à la compensation ' ' (art. 1288). Cette disposition est d'autant plus intéressante à noter dans le Code italien que ce Code n'a pas admis le terme de grâce accordé par les tribunaux (v. n° 355, initio).
Le Projet a ajouté au Code italien un caractère nécessaire pour reconnaître que le délai accordé par le créancier est bien un délai de grâce: il ne suffit pas que la concession soit "gratuite," il faut encore que le débiteur l'ait " demandée autrement, le débiteur pourrait prétendre que le créancier l'a désirée lui-même et que le nouveau terme est un terme conventionnel ordinaire et constitue un délai de droit.
La loi prévoit enfin que l'une des dettes est sous condition résolutoire. Elle n'a pas à statuer spécialement sur l'obligation sous condition suspensive qui est évidemment inexigible. Quant à la condition résolutoire, comme elle n'empêche pas l'exigibilité immédiate, il est clair qu'elle n'empêche pas non plus la compensation; mais, si la dette se trouve un jour résolue, détruite, par l'accomplissement de la condition, il s'en suit, nécessairement, que la compensation est résolue également et que le créancier de l'autre obligation rentre dans l'intégralité de ses droits de poursuite.
Art. 547. — 615. Il n'eût pas été sage à la loi d'empêcher la compensation par le seul motif que les deux dettes ne seraient pas payables, soit dans la même ville, dans la même province ou dans le même pays, soit dans la même monnaie. Cependant, une somme d'argent peut être plus difficile à obtenir dans un lieu que dans un autre; sa rareté ou son abondance, comparée aux besoins momentanés du commerce local, peut constituer un profit pour celui qui doit recevoir et une perte pour celui qui doit payer, ou réciproquement; il y a lieu alors à un compte particulier, qu'on appelle en Europe Il compte de change" (v. nos 485 et 486).
Ce n'est pas ici le lieu de rechercher qu'elles causes commerciales ou économiques peuvent produire la rareté ou l'abondance du numéraire dans un lieu et dans un temps donnés, ni ses conséquences sur la valeru comparative des marchandises'avec l'argent, sur le taux de l'intérêt ou du loyer de l'argent, sur les moyens que fournissent les banques de faire des payements à distance et, généralement, sur toutes les transactions entre différents lieux. Il suffit de noter que si, dans une ville ou province, le numéraire est devenu rare et insuffisant pour les besoins locaux, comme d'ailleurs la monnaie légale a une valeur nominative que les particuliers ne peuvent changer, c'est alors le prix des autres marchandises. qui s'abaisse et le loyer des capitaux qui s'élève; réciproquement, si l'argent abonde, l'intérêt baisse et le prix des marchandises hausse. En attendant que l'équilibre se rétablisse (et il y tend sans cesse, par le libre mouvement du commerce, comme l'eau cherche toujours à reprendre son niveau), celui qui doit payer une somme d'argent dans une ville où l'argent est rare et cher ne ferait pas un acte juste et acceptable pour le créancier, s'il lui offrait le payement dans une ville où l'argent est abondant et déprécié. Ce que le débiteur ne peut faire valablement, la loi ne doit pas non plus le faire pour lui; or, c'est ce qui arriverait, si les sommes dues entre les parties dans deux villes différentes se compensaient purement et simplement, abstraction faite de la rareté ou de l'abondance comparative de l'argent dans ces deux villes.
Quand, par exemple, l'une des parties doit 1000 yens payables à Tokio et que l'autre lui doit 1000 yens payables à Nagasaki et que l'argent est plus abondant à Nagasaki qu'à Tokio, eu égard aux besoins des affaire3, si la compensation avait lieu purement et simplement, celui qui devait recevoir de l'argent à Tokio éprouverait une perte; car, s'il avait lui-même destiné cet argent à un emploi à Tokio, ayant d'ailleurs des fonds disponibles à Nagasaki pour s'y acquitter, il devrait ou en faire venir 1000 yens à Tokio, par terre ou par mer, ce qui est coûteux et dangereux, ou faire verser chez un banquier à Nagasaki la somme nécessaire pour obtenir une lettre de change de 1000 yens payables à Tolrio; or, il lui faudrait verser plus de 1000 yens dans l'hypothèse où l'argent est moins rare à Nagasaki qu'à Tokio: la différence qu'il devrait payer est " le change de places " (g). Le débiteur qui devait payer à Tokio ne jouira donc de la compensation légale qu'à charge de rembourser au créancier les frais de transport des espèces ou les frais de change. Notons ici qu'il n'y aura lieu à payer les frais de transport réel des espèces que si l'opération s'effectue d'une ville où il n'y a pas de banquiers ou de négociants faisant la banque, ce qui est bien rare, aujourd'hui, au Japon; d'ailleurs, dans le cas où cela serait, il y aurait toujours la ressource des mandats postaux.
Ce qui vient d'être dit, au sujet de payements à faire en différentes places dans l'intérieur du Japon, s'appliquerait de même, et avec plus d'intérêt, à des payements à faire en différents pays.
615 bis. La loi prévoit aussi le cas où les deux payements ne devraient pas se faire dans la même monnaie; notamment, l'une des dettes pourrait être payable en monnaie étrangère; dans ce cas, la compensation n'aura lieu qu'en tenant compte à la partie intéressée du prix du change de la monnaie étrangère en monnaie japonaise, conformément à l'article 486.
Ainsi, l'un des débiteurs devait 1000 yens japonais, payables en argent, puisque le débiteur a le choix de la monnaie; l'autre devait 200 livres sterling (monnaie d'or); il est clair que la compensation pure et simple serait très préjudiciable au créancier des livres sterling, car, si cette somme n'est que l'équivalent de 1000 y. d'or, elle excède notablement la valeur de 1000 y. d'argent; la créance de 200 livres sera donc ramenée à sa valeur en yens d'argent, au cours du jour où les deux dettes sont devenues exigibles; et c'est alors que la compensation se fera jusqu'à concurrence de 1000 y.; l'excédant restera dû.
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(g) Le mot place est employé, en France et, généralement dans les Deux mondes, pour exprimer une ville commerciale de quelque importance.
Art. 548. — 616. Cet article répond à la dernière condition requise par l'article 542 pour qu'il y ait compensation légale: il indique les cas où la compensation est défendue par la loi elle-même ou par les parties.
Bien entendu, il faut supposer remplies toutes les autres conditions de la compensation légale: autrement, il n'y aurait pas là d'exceptions à la règle; ainsi, notamment, les dettes ont pour objet des choses fongibles entre elles.
Chacun de ces cinq alinéas demande quelques explications (2).
1er al. Si utile que soit la compensation pour le règlement des rapports respectifs entre créanciers et débiteurs, on ne peut la considérer comme étant d'ordre public; les parties peuvent donc y renoncer d'avance; on verra plus loin qu'elles peuvent même renoncer au bénéfice d'une compensation déjà acquise, ce qui est plus difficile à justifier. Le Code français n'a pas énoncé cette 4e exception; mais on l'admet en jurisprudence. Le Code italien l'exprime formellement (art. 1289-40).
La renonciation anticipée à la compensation peut être non seulement expresse, mais encore tacite, comme l'a annoncé l'article 542. La loi nous donne ici des indications utiles sur la renonciation tacite. Comme application, on peut citer le cas où une personne aurait reçu des fonds avec mandat d'en faire un emploi déterminé, par exemple, de faire un payement à un tiers ou de faire une acquisition; si, ensuite, le mandataire devient créancier du mandant, il ne pourra retenir en compensation les sommes qui lui ont été confiées avec une destination spéciale: ce serait refuser l'exécution du mandat. Cette prétention serait encore moins soutenable, si le mandataire était déjà créancier du mandant au jour où il a accepté le mandat: il est clair qu'en acceptant le mandat, il a renoncé à la compensation.
Rappelons ici, dans le même sens, le cas, déjà cité, d'une vente de denrées cotées au marché local: le vendeur ne pourrait prétendre compenser celles-ci avec le prix, ni l'acheteur compenser le prix avec les denrées: d'abord, on n'est plus dans le cas limitatif de l'article 544; ensuite, une telle compensation serait contraire au but que se seraient proposé les parties; enfin, comme on l'a remarqué (n° 612), il serait ridicule que deux obligations nées du même contrat, ayant la même cause, se détruisissent l'une l'autre, au moment même où elles naissent.
2e al. En principe, la cause de chacune des dettes n'influe pas sur la compensation: les dettes nées des divers contrats, onéreux ou gratuits, peuvent se compenser les unes avec les autres; les dettes nées des délits ou quasi-délits se compensent avec celles nées des contrats ou de l'enrichissement indu; les dettes même nées de la loi se compensent avec celles nées des causes qui précèdent.
Mais il ne faudrait pas que le désir de compenser portât l'une des parties à commettre un délit.
Assurément, il y a des délits qu'un créancier menacé de n'être pas payé n'aurait aucun intérêt à commettre, notamment, les injures, menaces, voies de fait, qui, en le soumettant à des dommages-intérêts, détruiraient sa créance, en tout ou en partie, sans aucun profit pour lui. Mais, au contraire, il aurait intérêt à commettre une soustraction, un vol, au moins sans violences, pour compenser la dette née de ce délit avec la créance non payée. Souvent même, une personne qui serait incapable de commettre une soustraction du bien d'autrui, dans les circonstances ordinaires, n'aurait pas les mêmes scrupules de s'emparer d'une chose de son débiteur et de se payer ainsi de ses propres mains. En pareil cas, le premier devoir du délinquant sera de restituer la valeur qu'il s'est ainsi illégalement appropriée, lors même qu'elle consisterait en argent ou en une autre chose fongible avec sa créance, ou qu'ayant pris une chose non fongible, il l'aurait consommée ou aliénée, sans que le propriétaire pût la retrouver, ce qui le rendrait débiteur d'une somme d'argent.
C'est l'application d'un axiome latin déjà rencontré (T. Ier, n° 327): "le spolié doit, avant tout, être remis en possession " (h).
Ce principe peut recevoir une large application; notamment, à l'escroquerie et à l'abus de confiance. Ainsi, on doit considérer comme tombant sous l'application de cet alinéa, un dépositaire, un emprunteur à usage, un locataire qui aurait consommé ou aliéné de mauvaise foi les objets qui lui avaient été déposés, prêtés ou loués et dont il devrait la valeur à titre de dommagesintérêts, ne pouvant plus les restituer en nature. En effet, le danger signalé plus haut est le même que pour le vol proprement dit; il est même plus à craindre encore, car le débiteur, embarrassé de payer son créancier, n'oserait guère lui refuser un prêt à usage ou un louage, tandis qu'il pourrait se mettre à l'abri d'un vol.
Cette opinion n'est pas admise par tout le monde, en France; ceux qui la partagent l'ont compromise en la rattachant au 2e alinéa de l'article 1293, tandis qu'elle doit rentrer, comme ici, dans l'application du 1er alinéa de ce même article.
3e al. Le dépôt est encore une cause d'obligation qui met obstacle à la compensation. La loi n'a pas besoin de dire qu'il s'agit de choses fongibles car, si l'objet était non fongible, la compensation serait empêchée par cela seul que les corps certains ne sont pas compensables, soit entre eux, soit avec l'argent. Mais, si l'on suppose un dépôt d'argent que le dépositaire doit rendre en une pareille somme (dépôt dit "irrégulier"), l'obstacle n'est plus dans la nature de la chose due, mais dans la cause de la dette et, par suite, dans l'intention du-déposant légalement présumée: en effet, ce dépôt fait supposer, chez le déposant, une confiance absolue dans la loyauté du dépositaire; celui-ci manquerait à cette confiance, s'il entendait retenir le dépôt en payement de ce qui lui est dû, lors même qu'il n'aurait aucune chance d'être payé autrement.
Ce cas diffère du précédent, en ce que la possibilité de compensation ne viendrait pas d'un délit et, dès lors, il demandait une prohibition spéciale.
4e al. Ici, ce n'est plus tant la cause de la dette que son objet qui met obstacle à la compensation. On a vu, à l'article 30, qu'il y a des choses saisissables et d'autres qui sont insaisissables: les premières sont le gage des créanciers et, si celui auquel elles appartiennent ne remplit pas ses engagements, ses créanciers peuvent les saisir et les faire vendre, pour se payer sur le prix à en provenir. Les choses saisissables sont de beaucoup les plus nombreuses. Certaines choses ou certains droits sont déclarés insaisissables par la loi, dans un but de protection pour les propriétaires ou les titulaires.
Ici, au point de vue de la compensation, comme il faut toujours supposer des choses fongibles, il ne peut guère être question que des pensions ou rentes alimentaires payables en argent ou en denrées j si donc le débiteur de la pension se trouvait, de son côté, créancier du pensionnaire ou du rentier, il ne pourrait retenir la prestation échue, en payement de ce qui lui est dû; le motif en est facile à comprendre: une pareille retenue équivaudrait à un payement forcé, à une saisie, ce que justement ne comporte pas cette sorte de droit.
Le Code français (art. 1293-30) et le Code italien (art.1289-30) n'ont établi cette exception à la compensation que pour les créances d'aliments; le Projet la généralise pour tous les cas d'insaisissabilité. Ainsi, si une loi venait à défendre, au moins pour partie, la saisie des traitements, salaires ou gages dus entre particuliers, comme cela existe déjà pour les traitements des fonctionnaires publics, le débiteur desdits traitements ou salaires ne pourrait les retenir au delà de la portion saisissable, en compensation de ce qui lui serait dû par - le créancier.
5e al. Le dernier alinéa se trouvera expliqué avec l'article 550, tant pour la saisie-arrêt que pour la généralisation ici ajoutée.
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(3) Le présent article présente deux innovations: 1° on y a ajouté le 5e alinéa, tant pour annoncer la saisie-arrêt qui est reprise plus loin comme exception à la compensation que pour une généralisation qui ne figurait qu'au Commentaire, comme une solution doctrinale et à laquelle il paraît nécessaire de donner un caractère législatif; 2° l'ordre des alinéas a été changé, par le transfert du 4e alinéa au 1er rang, de façon à ce que le nouvel alinéa fasse mieux suite à ceux qui le précèdent; ce changement, fait au dernier moment, rendra peut-être inexact quelques renvois antérieurs au présent article; mais, comme il n'y a qu'un changement d'alinéa, l'erreur n'embarrassera personne.
Cette observation pourra s'appliquer à d'autres changements analogues, même dans le numérotage d'articles d'ailleurs voisins.
(h) Spoliatus anth omnia restituendus.
Art. 549. — 617. Cet article et les deux suivants ont un caractère commun qui est celui d'une renonciation tacite à la compensation légale; les deux premiers présentent, en outre, une combinaison délicate de la compensation avec deux théories importantes déjà connues: la cession de créance et la saisie-arrêt; enfin, l'article 552 posera, pour les trois cas, un principe assez rigoureux, mais tempéré par une exception.
Il faut rappeler ici que la cession de créance n'est opposable au débiteur-cédé que si elle a été acceptée par lui ou lui a été au moins signifiée, par acte ayant date certaine dans les deux cas (voy. art. 367).
On trouve ici une grande différence d'effet entre les deux formalités: l'acceptation du cédé lui enlève le droit d'opposer la compensation, même pour des causes antérieures à son acceptation: la signification ne lui enlève ce bénéfice que pour les causes postérieures. Le motif de cette différence est facile à saisir: le cédé participe à la cession quand il l'accepte; l'acceptation est son œuvre; elle constitue, de sa part, une reconnaissance de la créance cédée, un engagement personnel et nouveau d'y faire droit au profit du cessionnaire. Cependant, ce n'est pas une novation par changement de créancier, parce que le cessionnaire exercera la créance primitive elle-même, avec tous ses avantages; c'est une simple reconnaissance de la dette, un nouveau titre, avec confirmation de la créance et renonciation du débiteur aux exceptions ou fins de non-recevoir qui pouvaient lui appartenir, ainsi que l'exprime formellement l'article 367, 23 alinéa; quant à l'intervention du cessionnaire, on ne peut pas la considérer comme étant l'effet d'un mandat du cédant à l'effet de recevoir, puisque c'est en son propre nom qu'il recevra le payement et, au besoin, le poursuivra (i): il faut dire, résolument, que s'il n'y a pas novation par changement de créancier, c'est parce qu'il n'y a point de novation sans intention de nover résultant clairement de l'acte (v. art. 514) et, ici, c'est l'intention contraire qui est évidente.
Le cessionnaire qui a obtenu l'acceptation ne pourrait donc être privé, plus tard, par l'effet de la compensation, d'un avantage sur lequel il a compté: la loi présume que le cédé qui pouvait renoncer expressément à la compensation acquise l'a fait tacitement; il ne serait même pas reçu, vis-à-vis du cessionnaire, à se faire relever contre son acceptation, pour cause d'erreur, par analogie d'un secours analogue que va lui accorder l'article 552: le cédé, en pareil cas, est toujours moins digne de protection que le cessionnaire qui a dû compter sur l'engagement pris envers lui par le premier.
Si le cédé avait des doutes sur son droit à la compensation ou à toute autre cause de libération, et entendait n'y pas renoncer, il lui suffirait de n'accepter que ” sous toutes réserves de ses droits: " la loi lui indique cette précaution.
Mais le cédé qui perd le bénéfice de la compensation acquise, ne cesse pas, pour cela, d'être créancier du cédant et il exercera contre celui-ci les droits d'un créancier ordinaire, pour tout ce dont il a perdu la compensation envers le cessionnaire, et cela, même avant de l'avoir effectivement payé; il pourra même, au cas prévu à l'article 552, exercer son aetion primitive, avec ses sûretés.
Au contraire, la signification est faite au cédé sans qu'il y participe autrement que pour la recevoir; il ne peut l'empêcher, elle ne peut donc lui nuire: aussi lui laisse-t-elle le bénéfice de la compensation acquise; la loi applique là le principe général que les conventions entre deux personnes ne peuvent nuire à un tiers, ne peuvent lui enlever des droits acquis (art. 365).
Mais, la signification avertit au moins le cédé de ne pas se créer des causes ultérieures de compensation avec son ancien créancier: elles ne seraient pas opposables au cessionnaire; si elles surviennent, elles ne pourront être exercées que comme créances ordinaires contre le cédant.
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(i) Les Romains avaient, à ce sujet, une théorie ingénieuse, aujourd'hui abandonnée: pour échapper à la novation par changement de créancier, ils disaient que le cessionnaire agissait comme mandataire du cédant, avec dispense de rendre compte des valeurs reçues; de là, son nom, assez singulier, de " procureur dans sa propre cause " (procurator in rem suam).
Art. 550. — 618. Il a déjà été parlé assez longuement de la saisie-arrêt qui d'ailleurs appartient plus à la procédure civile qu'au fond du droit (voy. art. 480). Elle a beaucoup d'analogie avec la cession de créance dans son but et dans ses moyens: dans son but, en ce qu'elle tend à transférer le profit de la créance à un autre qu'au créancier originaire; dans ses moyens, en ce qu'elle exige une signification au débiteur; enfin, ici, elle exercera la même influence sur la compensation, soit antérieure, soit postérieure à ladite signification.
De même que la saisie-arrêt constitue pour le tierssaisi un obstacle à la validité du payement fait à son créancier (débiteur-saisi), de même, elle l'avertit de ne pas se créer pour l'avenir des causes de compensation avec lui; mais elle ne peut lui enlever le bénéfice d'une compensation déjà acquise. Ces deux dispositions sont toujours l'application du principe général que les actes ou conventions ne peuvent nuire aux tiers, ne peuvent leur enlever des droits acquis: dans le premier cas, le tiers est le saisissant, dans le second, le tiers est celui auquel la saisie est signifiée (le tiers-saisi).
Il pourrait même arriver que le tiers-saisi perdît le bénéfice d'une compensation déjà acquise, mais il ne devrait l'imputer qu'à sa négligence: la procédure de saisie-arrêt, à laquelle il est mêlé, l'oblige à déclarer, à un certain moment, s'il est réellement débiteur du saisi ou s'il a quelque exception, fin de non-recevoir ou cause de libération vis-à-vis de celui-ci; à défaut de cette déclaration, il est considéré comme débiteur par et simple, d'après les causes alléguées dans la saisie (voy. c. pr. civ. fr., art. 573 et 577).
Dans le cas qui nous occupe, si le tiers-saisi n'a pas, au moment où il est ' ' assigné en déclaration de sa dette," fait connaître la compensation légale déjà opérée, il ne peut pas plus l'opposer au saisissant que si les causes en étaient postérieures à la saisie.
Mais, dans ces deux cas où le bénéfice de la compensation cesse de lui appartenir, il est au moins créancier ordinaire et il pourra prendre, de son côté, dans la procédure, le rôle et la' qualité de saisissant et se faire colloquer, se faire comprendre avec les autres dans la distribution des sommes saisies entre ses mains; c'est ce qu'exprime la fin de notre article.
619. La loi.assimile au cas de saisie-arrêt " les autres cas où l'un des débiteurs ne peut, ni payer valablement, ni être contraint au payement (art. 548-5°)." Ainsi, l'acheteur d'un immeuble hypothéqué doit payer son prix, non au vendeur, mais aux créanciers hypothécaires après l'accomplissement des formalités de la purge (v. n° 538 bis. S'il payait volontairement au vendeur, il resterait exposé aux poursuites hypothécaires; le danger serait le même s'il était contraint de payer audit vendeur. Or, la compensation légale est un payement virtuel et, pour ainsi dire, forcé. Si donc l'acheteur se trouvait créancier de son vendeur, dans les conditions d'une compensation légale avec son prix, celle-ci n'aurait cependant pas lieu, car, en même temps que l'acheteur serait privé de sa créance, il se trouverait exposé à payer de nouveau son prix aux créanciers hypothécaires, résultat évidemment inique; si on décidait que l'acheteur se trouve libéré de son prix, même envers eux, le résultat serait encore plus choquant, car la compensation nuirait aux créanciers hypothécaires, c'est-à-dire à des tiers, à des personnes qui ont des droits acquis.
Art. 551. — 620. Lorsqu'un débiteur qui pouvait opposer la compensation légale à son créancier, pour tout ou partie de sa dette, a effectivement payé à celuici, il a payé une dette éteinte; c'est un des cas de répétition de l'indû. Si le payement a été fait en connaissance de cause, le débiteur est présumé avoir renoncé à la compensation; s'il y a erreur de sa part, il l'imputera à sa négligence, sauf le tempérament apporté par l'article suivant.
On a dit, sous l'article 384 (n.o 259), que beaucoup d'auteurs, en France, refusent la répétition de l'iudû à celui qui a payé sciemment ce qu'il ne devait pas; il est à noter que les mêmes auteurs la lui accordent ici, sans qu'il soit facile de comprendre la raison de cette différence; la difficulté n'existe pas dans le Projet, lequel accorde la répétition de l'indu, même à celui qui a payé sciemment (v. art. 384).
Art. 552. — 621. Dans les cas prévus aux trois articles précédents, la créance ayant été éteinte par compensation, tous ses accessoires se sont trouvés é teints également: les cautions ont été libérées, les priviléges et les hypothèques ont pris fin, la nouvelle créance est privée de toutes ses garanties. Telle est la conséquence rigoureuse du principe.
Voici maintenant le tempérament annoncé: il est possible que le débiteur qui avait déjà acquis le bénéfice de la compensation légale, au moment où a eu lieu l'acte qui, de sa part, faisait présumer une renonciation ou une négligence (acceptation de la cession, défaut de déclaration au saisissant, payement direct au créancier), l'ait ignorée et en ait été excusable. Par exemple, Lse trouvait, à son insu, héritier d'un créancier de son créancier; assurément, lorsque quelqu'un ignore qu'il est héritier, il faut que les circonstances lui aient été très défavorables, car c'est un fait généralement notoire pour l'héritier; ou bien, son créancier est devenu l'héritier de son débiteur, ou bien le créancier a été chargé envers lui d'un legs, par un testament qui n'est connu que plus tard du légataire. Dans ces cas, la loi rend au débiteur non seulement les sûretés réelles et personnelles qui garantissaient l'ancienne créance et qui viendront ainsi fortifier les diverses répétitions accordées au débiteur, mais elle lui rend " l'ancienne créance elle-même, avec ses autres caractères." Le Code français (art. 1299) ne mentionne que les sûretés réelles comme restituées au débiteur excusable; par conséquent, il ne recouvrerait pas les cautionnements. Le Code italien (art. 1295) les comprend dans la restitution. Mais, ni l'un ni l'autre ne restitue la créance avec tous ses caractères primitifs. C'est en vain qu'on prétendrait argumenter de ce que, d'après ces Codes, le débiteur " exerce la créance dont il n'a point opposé la compensation: " ces expressions dépassent évidemment la pensée de la loi et surtout la vérité, puisqu'elles sont employées même pour celui qui n'est pas excusable dans son erreur et avant que la loi soit arrivée à formuler l'exception.
Il n'est pas sans intérêt, du reste, de savoir si c'est la simple répétition de l'indû qui obtient les garanties de l'ancienne créance ou si c'est l'ancienne créance même qui est restituée; car, la créance, outre les sûretés déjà énoncées, pouvait être solidaire du côté des débiteurs ou des créanciers, elle pouvait être indivisible, activement ou passivement, elle pouvait être accompagnée d'une clause pénale ou avoir une cause, commerciale ou autre, influant sur ses conséquences, sur sa preuve, sur la durée de la prescription, sur la compétence des tribunaux, etc. Du moment que la loi restitue le débiteur contre les conséquences de son erreur excusable, il n'y a pas de raison de le restituer contre les unes et non contre les autres.
Les seules suites de la perte du bénéfice de la compensation, pour le débiteur excusable, sont celles signalées sous les articles 549 et 550: le débiteur ne peut l'opposer au cessionnaire ni aux créanciers saisissants, parce que, comme on l'a remarqué, il a fait avec eux, sinon un nouveau contrat, au moins un acte récognitif de la première obligation. Cependant, il faudrait encore reconnaître qu'il est privé de l'exercice des hypothèques et des priviléges sur les immeubles lorsque les inscriptions ont été radiées et que d'autres créanciers ont pris des inscriptions avant que la radiation ait été elle même annulée et l'inscription rétablie (v. art. 1251 et 1306); ce point négligé par la loi française et ses commentateurs méritait d'être réservé dans le Projet (3).
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(3) Cette réserve est ajoutée aujourd'hui, par renvoi aux articles 1251 et 1306 qui n'étaient pas encore rédigés lors de la précédente édition de ce volume.
Art. 553. — 622. On a annoncé, à l'article 541, qu'il y a trois sortes de compensations. Jusqu'ici, il n'a été question que de la compensation légale. La compensation facultative, comme la compensation judiciaire, n'a lieu, évidemment, que lorsque la précédente n'est pas applicable. Un article est consacré à chacune.
La compensation facultative proprement dite est l'amvre d'une seule partie; si elle est l'oeuvre de toutes deux elle prend le nom de " conventionnelle."
On a déjà reconnu (n° 608) que la compensation opposée par la caution du chef du débiteur principal est facultative. Voici les autres cas principaux de compensation par la volonté d'une seule partie: un débiteur se voit réclamer l'exécution d'une obligation, alors qu'il est lui-même créancier d'une dette non échue, mais dont le terme est dans son intérêt, il peut renoncer à ce terme, pour opposer la compensation; dans le cas d'un dépôt irrégulier, ou dépôt de choses fongibles, restituables en pareilles quantité et qualité, la compensation légale n'a pas lieu (art. 548-2°), mais si le déposant, étant, de son côté, débiteur du dépositaire, veut renoncer au bénéfice de la loi et opposer la compensation pour se libérer, elle a lieu par sa volonté et au moment où il la propose, sans rétroactivité.
623. La compensation conventionnelle est susceptible d'applications encore plus variées. Les parties peuvent, d'un commun accord, compenser: 1° des dettes qui ne sont pas personnelles et principales, les parties pouvant trouver dans cette compensation des moyens de régler leurs intérêts avec des tiers; par ex., un créancier consent à la compensation de ce qu'il doit à la caution avec ce que lui doit le débiteur principal; seulement, dans ce cas, le consentement de la caution est nécessaire, afin que celle-ci ne perde pas sa créance sans sa volonté; 2° des dettes non fongibles entre elles, chaque partie gardant ce qu'elle doit, en payement de ce qui lui est dû; 3° des dettes non liquides, les parties pouvant toujours les apprécier et juger qu'elles sont équivalentes; 4° des dettes dont aucune n'est échue, chacune renonçant alors au bénéfice du terme établi dans son intérêt.
La loi n'a pas cru devoir parler de la capacité requise pour faire la compensation facultative ou conventionelle: il est naturel de décider qu'il suffit de la capacité de recevoir un payement ou une dation en payement.
624. La compensation facultative ou conventionnelle n'est évidemment pas permise quand le payement volontaire est défendu; ainsi, outre les cas déjà cités de cession de créance, de saisie-arrêt et de tierce-détention d'immeuble hypothéqué (i), la compensation facultative ne pourrait être accordée par un failli à l'un de ses créanciers qui serait, en même temps, débiteur d'une dette non échue (voy. c. com. fr., art. 446, 36 al.): ce serait un avantage accordé à ce créancier au préjudice des autres
On a vu plus haut (n° 603) que la compensation légale éteint les deux dettes compensées, dès le moment où elles co-existent: ce n'est pas une Il rétroactivité " proprement dite; mais on peut dire que quand la compensation a été d'abord ignorée des parties et, plus tard, reconnue par elles ou constatée par le tribunal, il y a une apparence de rétroactivité, puisque les effets s'en placent dans le passé.
Pour la compensation facultative, Ja loi croit devoir dire qu'il n'y a pas rétroactivité: elle n'est ni apparente ni réelle.
Quant à la compensation conventionnelle, les parties pourraient y attacber la rétroactivité; mais la loi a bien soin de réserver les droits acquis aux tiers: ainsi une des créances aurait été l'objet d'une cession par le créancier ou frappée de saisie entre ses mains, il est clair qu'il ne pourrait, en consentant à la compensation de cette créance avec une de ses dettes, détruire le droit acquis au cessionnaire ou saisissant.
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(i) On emploie ici, non sans scrupules, l'expression inusitée de tierce détention, mais elle est nécessaire à l'énumération, pour éviter une périphrase; elle correspond, sans obscurité, à la situation et au nom du tiersdétenteur; enfin, elle a en sa faveur l'analogie de la tierce-opposition.
Art. 554. — 625. La compensation judiciaire n'a lieu que pour suppléer à une seule des conditions de la compensation légale qui ne serait pas remplie, la liquidité, ce qui comprend seulement le cas où le montant de la créance ne serait pas certain et non celui où la créance même serait contestable.
La demande " reconventionnelle," qui sert à obtenir la compensation judiciaire, a déjà été rencontrée ailleurs (voy. art. 222) et on a expliqué l'origine de ce nom, un peu singulier, au premier abord (v. T. Ier, n° 332) (j).
La compensation judiciaire n'est pas, comme la compensation légale, susceptible d'être prononcée d'office par le tribunal: il faut qu'elle lui soit demandée; le tribunal n'est pas non plus obligé de l'opérer lorsque l'examen de la demande reconventionnelle ou sa liquidation lui paraît devoir entraîner de trop longs délais; alors il statue d'abord sur la demande principale, puis sur l'autre, dès qu'il est possible, de sorte que chaque obligation s'exécute effectivement, s'il y a lieu. Mais il peut aussi, comme l'indique le texte, surseoir à l'examen de la demande principale jusqu'au jugement de la demande incidente ou reconventionnelle et compenser les condamnations jusqu'à due concurrence.
On trouvera sans doute au Code de Procédure civile, une autre application de la compensation judiciaire en matière de dépens, lorsque les deux parties ont respectivement gagné et perdu sur quelques chefs de la demande (comp. c. pr. civ. fr., art. 130) (k).
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(j) Il est question des demandes reconventionnelles ou en compensation " dans le Code français de Procédure civile (art. 465) et dans deux lois spéciales, sur la compétence des tribunaux d'arrondissement et de paix (lois du 11 avril 1838, art. 2, et du 25 mai 1833, art. 7 et 8).
(k) C'est improprement que le Code français de Procédure (art. 131) donne aussi le nom de ”compensation des dépens " à une disposition du jugement qui, à raison de la parenté des parties et pour éviter des animosités entre elles, laisse à la charge de chacune les dépens qu'elle a faits.
Art. 555. — 626. Cette disposition consacre, une fois de plus, l'analogie déjà plusieurs fois signalée entre la compensation et le payement: lorsque le débiteur de plusieurs dettes est, en même temps, créancier de son créancier, il importe de savoir laquelle ou lesquelles de ses dettes sont éteintes par la compensation. Il est naturel de faire la même imputation que si le débiteur payait effectivement.
Lorsqu'il s'agit de compensation légale, l'article renvoie aux règles de l'imputation légale du payement, puisque, dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'un effet virtuel et spontané da la loi.
La compensation judiciaire suit les mêmes règles, puisqu'elle s'opère aussi sans le concours des parties.
Au cas de compensation facultative ou conventionnelle par l'une des parties, il y a lieu d'appliquer les règles de l'imputation volontaire du payement.
Mais ici une difficulté se présente: les articles 491 et 492 ne sont évidemment pas faits pour le cas où les deux parties sont respectivement créancière et débitrice, puisqu'ils autorisent l'imputation par le débiteur d'abord et, subsidiairement, par le créancier; mais, on peut trouver une analogie suffisante des situations. Lorsque l'une des parties réclamera à l'autre, en justice ou extrajudiciairement, plusieurs sommes ou valeurs qui lui sont dues, alors qu'elle doit elle-même une somme ou valeur qui n'est pas sujette à compensation légale, par exemple, un dépôt irrégulier, celui auquel la réclamation est faite sera considéré comme le débiteur et, s'il déclare qu'il est prêt à compenser sa créance de dépôt avec ses dettes, il pourra, en même temps, indiquer l'ordre des compensations. Mais s'il se borne à opposer la compensation facultative, sans exercer son droit de faire l'imputation, l'autre partie pourra la faire, en qualité de créancier. Il en sera de même si le défendeur à la première réclamation a, de son côté, une créance non échue, mais dont le terme est dans son intérêt: il pourra, en renonçant au bénéfice du terme, la compenser avec une ou plusieurs de ses dettes, en usant de son droit d'imputation ou en le laissant exercer par son créancier.
Quand la compensation sera conventionnelle, les parties règleront l'imputation d'un commun accord.
SOMMAIRE.
Art. 556. — N° 627. Différence entre la confusion et la compensation: sa natul'e. —628. Principaux cas où elle se produit. —629. Révocation de la confusion.
557. -630 et 631. Application à la solidarité.
558. -632. Application à l'indivisibilité: distinctions.
559. - 6:33. Réunion de deux qualités semblables ou compatibles. 1
560. -634. Application au cautionnement.
COMMENTAIRE.
Art. 556. — 627. La confusion offre, au premier abord, quelque analogie avec la compensation, parce qu'elle consiste, comme celle-ci, dans une réunion, en une même personne, des qualités opposées de créancier et de débiteur; mais il y a cette grande différence que, " dans la compensation, chaque partie est, à la fois, créancière et débitrice de l'autre, il y a donc deux dettes et deux créances; tandis que, dans la confusion, il n'y a qu'une partie qui soit à la fois créancière et débitrice, et la chose due est une également, en sorte que la partie serait créancière d'elle-même ou débitrice d'ellemême, ce qui ne peut avoir aucun effet; aussi, tandis que la compensation éteint deux dettes, la confusion n'en éteint-elle qu'une seule. C'est donc par inadvertance que le Code français (art. 1300) dit que la confusion " éteint les deux créances." Le Code italien (art. 1296) n'a pas commis la même négligence.
Une autre différence, plus profonde encore, est que la confusion produit moins une extinction véritable de l'obligation qu'un obstacle à l'exercice de la créance, et cet obstacle peut être plus ou moins complet et plus ou moins durable: les Romains disaient, avec une formule souvent citée, que " la confusion retire plutôt le débiteur du lien de l'obligation qu'elle ne détruit l'obligation elle-même." On trouvera plus loin la confirmation de cette idée; cependant, pour la commodité du langage, il est reçu de la qualifier de " cause d'extinction des obligations."
On a déjà rencontré la confusion comme cause d'extinction des servitudes (art. 310); on pourrait la considérer aussi, sous le nom de consolidation, comme cause d'extinction de l'usufruit, (v. T. rr n° 146), du droit de bail, de l'hypothèque et, généralement, des droits réels qui s'exercent sur la chose d'autrui: lorsque le titulaire de ces droits devient propriétaire de la chose, il est clair que les droits secondaires se confondent et s'absorbent dans le droit principal.
On va trouver encore ici une application des théories de la solidarité, de l'indivisibilité et du cautionnement; mais les développements déjà donnés sur le caractère de ces modalités des obligations permettront d'être plus bref à ce sujet.
628. Le 1er alinéa nous dit clairement quand il y a confusion: c'est lorsque le créancier et le débiteur, le sujet actif et le sujet passif de l'obligation, ne font plus qu'une même personne; la loi indique la succession comme le fait le plus fréquent qui opère cette réunion des deux qualités personnelles; mais ce n'est pas le seul: la loi en fait pressentir d'autres.
Et d'abord, la succession: un fils doit à son père, il vient à lui succéder; il est clair qu'il recueille tous les droits et créances qu'avait son père; mais il ne peut se devoir à lui-même: sa dette et sa créance se neutralisent; il en serait de même si c'était le père qui dût au fils et que fils succédât au père.
Si le père créancier avait plusieurs héritiers, celui d'entre eux qui serait débiteur du père ne se trouverait libéré que pour la part pour laquelle il succéderait; mais ce cas n'est encore admissible au Japon que si le père avait réduit le droit d'aînesse par un legs à titre universel, de moitié au plus.
Indépendamment de ces deux cas de confusion où le débiteur succède au créancier ou le créancier au débiteur, on en ajoute généralement un troisième: celui où un tiers succède à tous deux; mais le cas n'est guère que théorique: il faut supposer que le débiteur et le créancier sont morts simultanément ou, tout au moins, sans qu'on sache lequel a survécu; car, autrement, si l'un a survécu à l'autre et lui a succédé, la confusion s'est déjà opérée avant que le tiers succédât au second défunt; si c'est le tiers qui a succédé au premier défunt, il est devenu, du chef de celui-ci, créancier ou débiteur, il n'y a pas encore confusion, et quand, ensuite, il succède au second défunt, c'est encore la confusion ordinaire qui a lieu.
La succession n'est pas le seul fait qui opère confusion ou réunion des deux qualités de créancier et de débiteur; on peut y ajouter le legs ou la donation d'une universalité de droits, comprenant une créance du disposant contre le légataire ou le donataire. On suppose un legs ou une donation " d'universalité," car, si le disposant ne voulait donner ou léguer au débiteur que la seule créance qu'il a contre lui, il lui ferait plutôt la remise gratuite qu'une cession de l'obligation: au lieu de lui transférer son droit, il y renoncerait.
La confusion peut enfin avoir lieu par acquisition à titre particulier; c'est lorsque le débiteur qui ne pourrait obtenir de son créancier une remise gratuite ni même onéreuse de son obligation, achète, par un mandataire secret ou sous un nom supposé, la créance existant contre lui. Il faut supposer, disons-nous, l'intervention d'un mandataire secret; car, si le débiteur proposait à son créancier d'acheter sa créance, celui-ci, voyant que son débiteur a des valeurs disponibles, demanderait qu'il y eût payement.
Il est clair que, dans tous les cas de confusion, la dette n'existe plus, parce que la créance ne peut s'exercer. Bien entendu, les accessoires de la dette, les sûretés personnelles ou réelles sont également éteintes ou paralysées.
629. Une des causes qui doivent encore faire séparer la confusion des autres modes d'extinction des obligations, c'est qu'elle est moins irrévocable. La qualité d'héritier se perd, si l'héritier est judiciairement déclaré indigne de succéder pour les causes que la loi détermine (voy. c. fr., art. 727); s'il s'agit d'un legs, il peut se trouver annulé par un autre testament découvert plus tard; une donation peut être résolue pour inexécution des charges imposées au donataire, ou rescindée pour incapacité du donateur, ou enfin révoquée pour fraude du donateur envers ses créanciers; il en serait de même d'une vente de la créance. Dans ces divers cas, la confusion est réputée non avenue et l'obligation subsiste en principal et accessoires (2e al.).
On remarquera que l'événement qui fait cesser la confusion, de manière à faire reparaître l'obligation, doit avoir une cause autorisée par la loi et antérieure au fait qui a opéré la confusion; par conséquent, une résolution volontaire opérée entre les intéressés, ou une révocation du legs ou de la donation pour ingratitude, laquelle est nécessairement postérieure à la libéralité, né ferait pas reparaître l'obligation, au moins au préjudice des droits acquis aux tiers qui auraient pu considérer la dette comme éteinte: notamment, elle ne pourrait être exercée contre les cautions, ni contre les tiers détenteurs de biens hypothéqués.
Art. 557. — 630. On a expliqué, au sujet de la compensation, que chaque débiteur solidaire ne doit, de son propre chef, qu'une part virile de la dette, et qu'il n'est tenu des autres parts que du chef et comme mandataire ou caution des autres débiteurs; lors donc que la confusion s'opère entre le créancier et l'un des déb;teurs, l'extinction de la dette n'a lieu que pour la part de ce débiteur. Il serait d'ailleurs sans utilité de déclarer la dette éteinte pour le tout; car, si le créancier avait perdu sa créance en entier, comme étant l'héritier du débiteur solidaire, il aurait immédiatement, en cette qualité, un reçours contre ses codébiteurs, pour leur part, puisqu'il les aurait libérés à ses frais.
Le texte a pris pour exemple de confusion, le cas de succession, comme étant le plus simple et le plus fréquent. La même solution se trouve deux fois dans le Code français (art. 1209 et 1.301, 39 al.). Elle est d'ailleurs plus claire dans le premier de ces deux articles. Mais la loi suppose que celui qui succède est héritier " unique " et c'est dans la même hypothèse que le présent article 557 s'est tacitement placé. Qu'arrivera-t-il donc si celui qui succède n'est héritier que pour partie ? La réponse est facile: comme la dette solidaire n'est pas, par cela seul, indivisible, la confusion, dans le cas d'un héritier partiel, n'aura lieu que pour la part héréditaire du successeur dans la part virile du débiteur solidaire: si, par exemple, le créancier succède pour moitié à l'un de trois débiteurs solidaires, la confusion n'aura lieu que pour la moitié d'un tiers ou pour un sixième de toute la dette.
631. Le premier alinéa du présent article a supposé un créancier unique et plusieurs débiteurs solidaires; le deuxième alinéa suppose un débiteur unique et plusieurs créanciers solidaires; la solution est la même: la confusion n'opère extinction que pour la part de ce créancier, soit qu'il succède au débiteur, soit que le débiteur lui. succède.
La loi n'a pas besoin de prévoir le cas plus rare de plusieurs créanciers et de plusieurs débiteurs, tous solidaires, dont l'un succéderait à un autre: il est clair qu'il en résultera un double fractionnement de la dette, chaque créancier n'ayant droit, en dernière analyse, qu'à une fraction de la part due par chaque débiteur; et si celui qui succède n'était héritier que pour une part de la succession, ce serait un nouveau fractionnement dans l'effet de la confusion. Cette subàivision extrême des dettes divisibles a été expliquée ci-dessus (nos 428 à 430).
Art. 558. — 632. Les solutions sont moins simples, dans les mêmes hypothèses, s'il s'agit d'une dette indivisible, à cause des diverses sortes d'indivisibilités (v. art. 462, 463 et 464).
D'abord, s'il s'agit de l'indivisibilité naturelle ou de celle qui y est assimilée par l'intention des parties, à cause du but qu'elles se sont proposé (art. 462), comme il ne peut être question d'une extinction partielle par confusion, et qu'il est impossible que l'extinction soit totale, quand un seul des créanciers a succédé à l'un des débiteurs, ou réciproquement, il ne reste place qu'à la solution inverse: il n'y a aucune extinction de la dette; si donc l'un des créanciers est mort et a eu pour héritier l'un des débiteurs, ou réciproquement, les autres créanciers ont gardé leur créance entière et les autres débiteurs sont restés tenus de l'obligation pour le tout.
Mais quelle sera la situation du créancier ou du débiteur en la personne duquel s'est opérée la confusion ? Ici, il faut se souvenir qu'entre les divers créanciers ou débiteurs d'une obligation indivisible, ainsi qu'entre les créanciers ou les débiteurs solidaires, il y a toujours un certain lien, un rapport de droits et d'intérêts, soit antérieur, comme une société ou un mandat, soit né de la convention même qui a établi la créance ou la dette commune et donnant lieu à une garantie mutuelle (art. 418 et 465); d'où il résulte, pour le créancier qui aurait. exercé l'action intégrale, dans les circonstances ordinaires, l'obligation de partager le profit avec les autres, et, pour le débiteur qui aurait payé le tout, le droit de se faire indemniser par eux pour leur part dans l'obligation. Donc, dans le cas qui nous occupe, celui des créanciers qui a succédé à l'un des débiteurs ne pourra poursuivre les autres pour le tout qu'en leur fournissant l'indemnité que son auteur aurait dû leur fournir lui même, s'il avait vécu. De même, si les autres créanciers veulent poursuivre pour le tout celui d'entre eux qui a succédé au débiteur, il leur opposera son droit à une part du profit qu'ils obtiendraient et ils devront la lui compter en argent. Mêmes solutions,' si c'est un des débiteurs qui succède à l'un des créanciers: s'il veut agir pour le tout contre un des autres, du chef du créancier auquel il a succédé, sans offrir l'indemnité d'une part, il sera repoussé par l'exception de la garantie qu'il doit aux autres comme débiteur personnel; s'il est poursuivi en cette dernière qualité, il opposera aux autres son droit à une part du profit, du chef du créancier.. dont la personnalité se confond avec la sienne. C'est toujours l'application du principe général posé dans l'article 466 auquel renvoie le présent article.
Les Codes français et italien ont tout-à-fait négligé l'effet de la confusion sur l'obligation indivisible, comme ils l'ont négligé pour la compensation; mais le même principe s'y trouve posé, au sujet de la remise de la dette (c. fr., art. 1224; c. it., art. 1207) et il doit conduire aux solutions qui précèdent. Dans le cas particulier de l'indivisibilité passive seulement (art. 463), si le créancier succède au débiteur seul tenu, ou réciproquement, la dette s'éteint en entier; si le fait se passe avec l'un des autres débiteurs, il n'y a aucune extinction..
Enfin, au cas de l'indivisibilité purement volontaire ayant le caractère de sûreté (art. 464), les choses se passent comme au cas de solidarité.
Art. 559. — 633. Jusqu'ici, la loi a supposé que la confusion réunissait deux qualités incompatibles, celles de créancier et de débiteur. Elle suppose maintenant la réunion de deux qualités semblables ou, au moins compatibles, ce qui nous met encore en présence de la solidarité et de l'indivisibilité: par exemple, un des créanciers ou un des débiteurs succède à l'autre, ou un tiers succède à tous deux. Il est clair que, dans ce cas, il n'y aura pas deux créances ou deux dettes au lieu d'une, pas plus que, si un débiteur avait fait deux fois la même promesse à son créancier, il n'aurait envers lui deux obligations distinctes; mais, si pourtant l'une (les deux promesses contenait quelque chose de plus que l'autre, sans constituer une novation (voy. art. 512), alors le créancier se prévaudrait de l'une et de l'autre, suivant son intérêt; par exemple, l'une des promesses fait porter intérêts à la somme due, l'autre y attache un gage ou une hypothèque: le créancier ne sera pas tenu de choisir entre ces deux avantages, il pourra les cumuler.
Il en sera de même, au cas qui nous occupe: si de deux débiteurs solidaires l'un avait promis des intérêts et si l'autre avait fourni une hypothèque (comp. c. civ. fr., art. 1201) et que l'un succédât à l'autre, le créancier ferait valoir simultanément ses deux avantages contre le survivant. En sens inverse, si le débiteur de deux créanciers solidaires avait promis des intérêts à l'un et donné une hypothèque à l'autre et que l'un des créanciers eût l'autre pour successeur, celui-ci obtiendrait l'un des avantages en agissant en son nom et de son chef, et l'autre, en agissant au nom et du chef de son auteur.
La solution est exactement la même au cas d'obligation indivisible, lorsque les qualités de deux des débiteurs ou de deux des créanciers se trouvent réunies en une même personne, et ici, sans distinction, " dans te us les cas," comme dit le texte.
Art. 560. — 634. Cet article nous donne, au sujet du cautionnement, l'application des mêmes règles que pour les diverses qualités de débiteur principal; quand il y a incompatibilité des qualités réunies par la confusion, le cautionnement s'éteint; quand les qualités sont conciliables ou compatibles entre elles, il y a cumul.
1er al. La caution succède au créancier ou le créancier à la caution; il est clair que le créancier ne peut se garantir à lui même sa propre créance: le cautionnement s'éteint nécessairement, même s'il était garanti,,de son côté, soit par des sous-cautions (certificateurs, sous-fidéjusseurs), soit par un gage ou une hypothèque fournis par des tiers; en effet, si le créancier prétendait poursuivre les sous-fidéjusseurs ou les tiers détenteurs, ceux-ci, devant avoir contre lui un recours en garantie, comme ils l'auraient eu contre la caution avec laquelle il s'e confond, le repousseraient par l'exception de garantie. -
S'il y avait plusieurs cautions de la même dette (cofidéjusseurs), solidaires ou non, leurs obligations ne seraient plus considérées comme accessoires du cautionnement, mais comme autant de cautionnements distincts et la confusion opérée en la personne d'une des cautions ne libérerait les autres que de la part de celle du chef de laquelle il y a eu confusion.
2e al. La caution succède au débiteur ou le débiteur à la caution: il n'y aura d'éteint du cautionnement que ce qui serait inutile au créancier; par exemple, l'action purement personnelle dont était tenue la caution et qui se confond absolument avec l'action personnelle dont reste tenu le débiteur principal. Mais, s'il y a des cofidéjusseurs, des sous-fidéjusseurs, des gages ou des hypothèques fournis par des tiers, le créancier conserve tous. les droits qui en résultaient pour lui antérieurement: le cas est évidemment le même que quand deux de ses débiteurs principaux succèdent l'un à l'autre.
SOMMAIRE.
Art. 56l. —N° 635. Justification de l'expression générale " impossibilité d'exécuter " préférée à celle de " perte de la chose due." Rappel de la théorie des risques: de la règle que " les choses de genre ne périssent pas; " elles peuvent être retirées du commerce; perte d'un corps certain; idem d'un genre limité. -636. Impossibilité d'exécuter une obligation de ne pas faire. -637. Idem, d'une obligation de ne pas faire. -638. Condition de la libération.
562. -639. Convention sur les risques et périls du débiteur. -640. Demeure ou retard du débiteur; cas où la chose aurait également péri chez le créancier. -641, 642. Rappel de la demeure par un fait délictueux; dérogation au Code français sur le volenr. -643. Cas du possesseur de mauvaise foi.
463. —644. Preuve à la charge du débiteur.
564. -645. Si et quand le débiteur libéré a droit à la contre-valeur promise en vue de l'exécution.
565. —646. Perte partielle: droit du créancier au reliquat. -647. Perte due à la faute d'un tiers: droit du créance à l'indemnité.
COMMENTAIRE.
Art. 561. — 635. La présente cause d'extinction des obligations est généralement appelée " la perte de la chose due mais cette expression, applicable aux cas les plus fréquents, n'est pas assez large: notamment, lorsqu'il s'agit d'une obligation de faire.
La théorie des risques et celle de la mise en demeure ayant déjà été expliquées, sous les articles 355, 356 et 404, il ne sera pas nécessaire d'entrer ici dans de longs développements.
C'est une vérité de toute évidence que les choses de genre, les choses fongibles, ne périssent jamais en entier (généra non perellnt): lorsqu'un débiteur doit de l'argent, du riz, des denrées quelconques, il ne peut se trouver libéré par l'impossibilité absolue d'exécuter, parce qu'il y aura toujours dans le monde, de l'argent, du riz, des denrées de la nature promise, et lors même que le débiteur aurait préparé une somme d'argent ou des sacs de riz pour être livrés au créancier, si celui-ci n'a pas participé à cette détermination et si les sommes ou marchandises n'ont pas été consignées à sa disposition, le débiteur n'est pas libéré par la perte fortuite ou résultant d'une force majeure.
Cette libération n'a lieu que s'il s'agit d'un corps certain, c'est-à-dire d'un objet individuellement déterminé, qui peut facilement périr ou disparaître.
On peut, toutefois, admettre un cas d'impossibilité d'exécuter une obligation de chose de genre: c'est lorsque le genre tout entier aurait été retiré du commerce, par mesure de sécurité publique; le cas n'est pas rare pour certaines substances ou pour des instruments dangereux. Quoique le texte ne réserve pas ce cas, personne n'hésitera à le suppléer.
Il y a trois événements dont le débiteur n'est pas responsable, en principe; ce sont: la destruction de la chose (elle a péri), sa disparition (elle est perdue) (a) et sa mise hors du commerce, c'est-à-dire que, par l'effet d'une mesure de l'autorité publique, le débiteur n'en a plus la libre disposition; dans le dernier cas, 011 dira toujours qu'il y a cause ou force majeure; dans les deux premiers, il y a tantôt, cas fortuit, tantôt force majeure, c'est pourquoi ces deux expressions sont toujours réunies.
La loi met sur la même ligne qu'un corps certain un objet non déterminé individuellement, mais à prendre dans une quantité déterminée dans son ensemble; cette quantité est alors un genre limité qui peut périr en entier et qui entraîne nécessairement l'impossibilité de donner l'objet promis. Ainsi, quelqu'un a promis dix kokous de riz à prendre dans un magasin où il s'en trouve cent: si tout périt il est libéré; mais, s'il en reste seulement dix, il doit les donner tous; s'il n'en reste que cinq, il est libéré en les donnant.
636. Si, au lieu d'une obligation de livrer, on suppose, une obligation de faire, l'impossibilité d'exécuter libérera également le débiteur. Le cas mérite d'ailleurs d'être noté particulièrement, car il n'est pas nécessaire que l'impossibilité d'exécuter soit absolue pour libérer le débiteur, elle peut n'être que relative, personnelle à lui seul; ainsi, s'il s'agit d'une œuvre d'art ou d'industrie, ou littéraire, pour laquelle le talent individuel du débiteur a été pris en considération principale, et que celui-ci soit devenu incapable de l'exécuter, par une maladie ou une infirmité incurable, il est libéré; il ne sera, ni tenu, ni même admis à faire exécuter par une autre personne (v. art. 564).
637. La loi aurait pu ne pas prévoir ici l'obligation de ne pas faire; il est moins facile de supposer que quelqu'un se trouve contraint, par un tiers ou par l'autorité, à faire ce qu'il a promis de ne pas faire; cependant, à la rigueur, on le comprendrait. Ainsi quelqu'un qui jouit d'une servitude de passage sur le fonds d'autrui, a promis de ne pas l'exercer pendant un temps où il en résulterait une gêne pour le fonds servant: ce n'est pas une renonciation au droit réel de servitude, c'est une simple obligation personnelle; pendant ce temps, une inondation ou autre cause majeure, comme des travaux de voirie, empêchent les communications du fonds dominant avec la voie publique et le promettant a besoin de passer sur le fonds servant: il est affranchi par force majeure de son obligation de ne pas faire; l'abstention est impossible et il n'est pas tenu de l'observer. Même solution si, ayant promis de s'abstenir temporairement d'une prise d'eau sur le fonds voisin, il était contraint par un incendie de prendre de l'eau.
Le principe de la libération du débiteur par impossibilité d'exécuter (ici, de s'abstenir) s'applique donc même à l'obligation Il de ne pas faire."
638. Pour que l'obligation soit éteinte comme il est dit au présent article, il faut: 1° que le débiteur n'ait pas commis quelque faute ou négligence qui ait donné occasion à la perte de la chose ou à l'impossibilité d'exécuter; 2° qu'il ne soit pas en demeure de livrer ou d'exécuter au moment où l'impossibilité en est suvenue; 3° qu'il n'ait pas contracté à ses risques et périls. Cette convention particulière est l'objet de l'article suivant; la mise en demeure est reprise également ciaprès; quant à la faute, elle est facile à concevoir comme pouvant causer la perte matérielle de l'objet dû.
On donnera seulement un exemple, moins facile à rencontrer, de faute du débiteur entraînant la mise hors du commerce de l'objet dû.
Supposons que le propriétaire d'un journal l'ait vendu et ait promis de livrer, dans un certain délai, le nom, la clientèle et toute l'entreprise; dans l'intervalle, le vendeur, par quelque article non seulement dépassant les limites de la critique loyale et permise des actes du Gouvernement, mais gravement délictueux, encourt la suppression du journal; la chose se trouve mise hors du commerce par sa faute il reste responsable.
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(a) Le mot perte, en français, est équivoque, car il comprend aussi bien le cas où la chose a péri que celui où elle est perdue, disparue on le trouve employé dans ce dernier sens par le Code civil français art. 2279) et par le Code de Commerce (art. 149 et s.).
Art. 562. — 639. Le débiteur peut se charger des cas fortuits et de force majeure: il contracte alors Il à ses risques et périls," la convention prend un caractère aléatoire (voy. art. 322). On pourrait s'étonner que la loi, qui défend le contrat aléatoire appelé pari, permette ici au débiteur d'assumer la responsabilité d'événements casuels qu'il ne peut empêcher; mais il faut remarquer: d'abord, que la clause qui rend le débiteur responsable des cas fortuits ou qui, au moins, le prive de la libération qui en résulte, n'est qu'un accesoirc d'une convention principale très licite; en second lieu, que le débiteur joue, vis-à-vis du créancier, un rôle analogue à celui d'un assureur contre les risques fortuits; or, on ne comprendrait pas que ce qui est permis à un tiers fût défendu à l'un des contractants; enfin, tandis que, dans le pari, l'événement fortuit serait la seule cause de l'obligation, ici il y a toujours une cause première et distincte, qui n'était ni fortuite, ni défendue.
640. Le seul fait, par le débiteur, d'être en retard pour l'exécution, en demeure (in mord), est une faute qui le prive, en principe, du droit de se prétendre libéré par la perte fortuite ou résultant d'une force majeure; la raison en est que, vraisemblablement, s'il avait exécuté son obligation en temps utile, la chose n'aurait pas péri ou été perdue chez le créancier. Mais, s'il y a là une présomption défavorable au débiteur, elle ne doit pas être absolue: il est juste qu'il soit admis à prouver que, lors même qu'il aurait exécuté, le même fait défavorable au créancier se serait produit, et la loi lui accorde cette faculté (v. art. 355, 2e al.); ainsi, tandis que, dans le cas ordinaire, il lui suffira de prouver le cas fortuit ou la force majeure, ici, il lui faudra prouver, en outre, que la chose aurait également péri chez le créancier (voy. art. suivant).
Par exemple, le débiteur devait livrer un cheval vendu, lequel a péri après la mise en demeure: si le cheval a péri par un incendie de l'écurie du vendeur, celui-ci n'est pas libéré, car il est facile de s'assurer que l'écurie de l'acheteur n'a pas brûlé elle-même; et, d'ailleurs, eût-elle brûlé, rien ne prouve que le cheval n'aurait pas été sauvé; mais, si le cheval est mort d'une maladie soudaine et irrémédiable, comme cela arrive souvent à cette sorte d'animal, le vendeur devra être déclaré exempt de responsabilité. De même, si, le vendeur d'une maison étant en demeure de la livrer, elle a été brûlée par l'imprudence d'un hôte ou d'un enfant, le vendeur est responsable à cause de sa mise en demeure, s'il ne l'est pas, dans ce cas, à cause d'un défaut de surveillance; mais, si la maison périt par le feu du ciel on par un incendie qui dévore tout le quartier, le vendeur est libéré, car sa mise en demeure n'a pas eu d'influence sur le sinistre.
641. Lb présent article (23 al.) renvoie aux articles 356 et 404, pour les cas où le débiteur est constitué en demeure, soit par un acte spécial du créancier, soit par une disposition de la loi fondée sur la nature ou la cause de l'obligation. (1).
642. Le Projet ne reproduit pas une disposition du Code français (art. 1302) et du Code italien (art. 1298) qui paraît très dure pour les voleurs, au moins dans l'interprétation qu'on en donne habituellement. D'après la rédaction de cette disposition, il semblerait que le voleur ne serait jamais admis à prouver que la chose aurait également péri chez le vrai propriétaire et qu'il répondrait, toujours et indistinctement, de la perte fortuite ou par force majeure. Mais, peut-être, la loi a-telle voulu seulement exprimer l'idée que le voleur est toujours et de plein droit en demeure. Dans tous les cas, comme on n'a jamais pu justifier cette rigueur que par un axiome romain qui aurait besoin lui-même d'être justifié: "par haine des voleurs," odio furum (b), le Projet s'est gardé d'être injuste, même envers les voleurs: il s'est borné à les déclarer en demeure (v. art. 404, se al.), et il y a ajouté d'autres délinquants analogues auxquels ne s'appliquent pas les deux articles des Codes précités, lesquels, on ne voit pourquoi, n'ont parlé que des choses " volées."
643. La loi, cependant, ne met pas sur la même ligne que les délinquants dont il s'agit le simple possesseur de mauvaise foi de la chose d'autrui: bien qu'il soit beaucoup moins digne d'égards que le vrai propriétaire dont il détient la chose, il ne faut pas perdre de vue qu'il peut n'avoir pas commis de délit pour prendre possession de cette chose: il peut l'avoir achetée d'un tiers; son tort est seulement d'avoir consenti à la recevoir, sachant qu'elle n'appartenait pas au vendeur. Au contraire, si le possesseur d'un immeuble en avait expulsé le vrai propriétaire par violence ou menaces, on pourrait lui appliquer l'article 404, et si l'immeuble périssait dans ses mains par une cause même fortuite qui ne se serait pas produite avec la possession du vrai propriétaire, il devrait être déclaré responsable. Cette solution, impossible avec les Codes précités, parce qu'il n'y a pas de vol d'immeubles, est incontestable avec la formule plus large du Projet. Bien plus, ce délinquant, comme les autres auxquels s'applique le Projet, resterait en demeure, lors même qu'il ne posséderait plus la chose, si c'était par dol qu'il eût cessé de la posséder: il y a, à ce sujet, un axiome de droit: " celui qui, par dol, a cessé de posséder, est considéré comme possédant encore " (c).
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(1) L'ancienne rédaction présentait ici un cas de demeure de plein droit qui a été transporté à l'article 404, 3e al., comme y étant mieux à sa place: à savoir, le cas d'un débiteur tenu par un délit civil ou pénal.
(b) Pour justifier la solution rigoureuse contre les voleurs, on a présenté deux considérations assez spécieuses: 1° la victime du vol aurait peut-être aliéné sa chose avant la perte fortuite, 2° ln. loi peut bien, de sa propre autorité, mettre la chose volée aux risques du voleur, comme tout autre débiteur peut se charger des risques volontairement. Mais nous répondons; 1° que la solution du Projet laisse à la personne volée le droit d'établir, par les circonstances du fait, qu'elle était, avant le vol, dans l'intention d'aliéner, ce qui ferait retomber la perte sur le voleur; 2° que la loi dépasserait son pouvoir raisonnable, en suppléant une convention qui mettrait la chose aux risques du voleur: ce serait toujours statuer odio furum, "en haine des voleurs."
(c) Possidere videtur qui dolo malo possidere desiit.
Art. 563. — 644. La loi est bien souvent amenée à trancher, chemin faisant, des questions de preuve. Ici, on aurait pu croire, d'après le principe général que Il les fautes ne se présument pas," que le créancier aurait dû prouver qu'il y avait eu faute du débiteur à n'avoir pas exécuté son obligation. Mais le principe ici rappelé n'est vrai que lorsqu'il s'agit de fautes productives d'obligations. Assurément, celui qui prétendrait avoir été victime d'une faute initiale, d'un délit civil ou d'un quasi-délit, et qui en demanderait la réparation, devrait prouver le fait et son caractère fautif (dommage injuste); mais, dans le cas qui nous occupe, le créancier n'a qu'à prouver le contrat originaire qui a donné nais- t sance à son droit: si le débiteur allègue, à son tour, qu'un fait majeur ou fortuit l'a empêché d'exécuter, il doit le prouver, en vertu de deux autres principes: d'abord les cas fortuits et les obstacles de force majeure ne se présument pas, ils se présument encore moins que la négligence d'un débiteur; ensuite, " le défendeur de" vient demandeur dans l'exception qu'il oppose " (v. n°® 422, 580 et art. 1314).
Telle est la disposition du 1er alinéa de notre article.
Quant à celle du second alinéa, elle se trouve déjà' expliquée sous l'article précédent (v. n° 640).
Art. 564. — 645. Dans la théorie des risques, on doit toujours se préoccuper de la question de savoir si la contre-valeur qui pouvait avoir été promise en retour de la chose périe reste due ou non. Le Code français néglige presque toujours de s'en expliquer: il n'y a guère que l'article 1182, 3e alinéa, qui y fasse allusion, et, cependant, dans tout contrat synallagmatique, il y a une contre-valeur en jeu.
Déjà, on a eu l'occasion de se prononcer sur ce point, au sujet des risques dans l'obligation pure et simple ou à terme et dans l'obligation conditionnelle de donner un corps certain (v. nOS 139 et 388). Il fallait cependant un texte à l'égard des autres obligations de donner et des obligations de faire, et c'est ici qu'il trouve sa place la plus naturelle.
Quand il s'agit d'un corps certain à donner ou à livrer, le débiteur libéré par la perte fortuite conserve son droit à la contre-valeur promise, car la chose était aux risques du stipulant (sauf le cas de condition suspensive): si la contre-valeur était perdue pour le promettant, c'est lui qui supporterait les risques.
Mais si, au lieu d'une promesse de corps certain, il s'agit d'une obligation de donner une chose de genre qui a été retirée du commerce, il n'est plus possible de laisser toujours au débiteur un droit à la contre-valeur, car il n'a peut-être fait encore aucun sacrifice pour se procurer les choses dues. De même, s'il s'agit d'un fait à accomplir, il ne serait pas juste que, n'ayant pas eu la charge de l'exécution, il eût le profit qui lui avait été promis.
Sans doute, son impuissance à exécuter ne lui est pas imputable, elle peut le libérer de son obligation, mais elle ne doit pas l'enrichir; or, c'est ce qui arriverait, si, sans avoir exécuté le fait promis, il en recevait la rémunération; au contraire, dans l'obligation de livrer un corps certain, la perte qui libère le débiteur ne l'enrichit pas; car si le créancier ne reçoit rien, le débiteur, de son côté, ne garde rien, et, s'il ne recevait pas la contrevaleur, ce serait sur lui que retomberait la perte.
Mais la loi ne pouvait non plus refuser absolument - toute contre-valeur au débiteur; car, il se pourrait qu'au moment où l'obstacle à l'exécution est survenu, le débiteur eût déjà préparé celle-ci et fait pour cela des sacrifices qui ne doivent pas plus rester à sa charge que lorsqu'il s'agit de donner un corps certain lui appartenant; la loi lui a donc réservé le droit à la contrevaleur, " dans la mesure des sacrifices déjà faits en vue " de l'exécution." Par exemple, le débiteur avait promis des armes qui ont été, depuis lors, retirées du commerce, et il les avait déjà fait fabriquer ou il se les était déjà procurées; comme il y a là un sacrifice déjà fait, il doit en être indemnisé pour ce dont il ne le sera pas par l'autorité. De même, il devait construire pour une compagnie, un tramway sur une voie publique de la ville, et l'administration a refusé ou retiré l'autorisation; mais, il avait déjà préparé des bois et des fers: il devra en être indemnisé.
Art. 565. — 646. Il peut arriver que la chose due ^ ne périsse qu'en partie et alors il n'est pas douteux que ce qui en, reste ne soit dû au créancier; s'il s'agissait d'une obligation de faire et que l'impossibilité d'exécuter ne fût pas totale, le débiteur devrait exécuter ce qu'il peut et comme il peut.
Le texte prévoit encore le cas où l'impossibilité d'exécuter provient de la faute d'un tiers, en sorte que ce qui est un cas fortuit ou une force majeure pour le débiteur est un fait qui engage la responsabilité d'un autre. On aurait pu croire que l'action en réparation du dommage ne pouvait appartenir qu'au débiteur ou, tout au moins, qu'elle ne pouvait passer a u créancier que par voie de cession de la créance. C'était, en effet, la théorie du droit romain et elle était alors très logique, parce que, même dans le cas de dette d'un corps certain, la propriété restait au débiteur jusqu'à la" livraison, il était, dès lors, seul lésé directement, si un tiers commettait quelque destruction ou dégradation de la chose. Aujourd'hui, c'est le créancier qui, étant en même temps propriétaire, éprouve le dommage et doit avoir l'action. C'est donc par inadvertance que le Code français (art. 1303) a paru reproduire la théorie romaine, en disant que " le débiteur devra céder au créancier ses droits ou actions en indemnité." Mais, sans aucun doute, le créancier peut les exercer directement.
Le Code italien a en ce sens corrigé son modèle (art. 1299).
647. Un seul cas pourrait faire doute et semblerait ramener à la théorie romaine de la cession d'actions, c'est celui où il ne s'agirait plus d'une obligation de lit,rei- un corps certain, mais d'une obligation de faire et où un tiers aurait, par sa faute, rendu l'exécution impossible. Mais, là encore, on doit décider que l'action en réparation appartient directement au créancier comme ayant seul éprouvé un dommage du fait du tiers;le débiteur, en effet, n'a pas d'action en réparation, puisqu'il ne souffre pas de ce fait, puisque même il en résulte pour lui sa libération envers le créancier; c'est bien ce dernier qui en souffre et il a, de son propre chef, l'action en réparation.
Cette question, du reste, n'a pas seulement un intérêt théorique, elle a un intérêt pratique sérieux: si le débiteur est insolvable et que l'on décide que l'action en réparation du dommage causé par un tiers lui appartient, elle se trouve, comme tout son patrimoine, le gage de tous ses créanciers; elle ne pourrait donc être cédée, par préférence et exclusivement, au créancier qui nous occupe: elle devrait être exercée au profit de tous. Avec la solution moderne, qui est celle du Projet, le créancier est seul lésé et aura seul l'action de son chef.
Il pourrait arriver, cependant, que le débiteur eût lui-même une action en indemnité contre le tiers auteur de l'obstacle à l'exécution, c'est lorsqu'il y aurait perdu son droit à une contre-valeur, d'après l'article précédent; mais ce ne serait toujours pas un cas où il eût à céder son action: elle appartiendrait alors exclusivement à lui ou à ses créanciers.
SOMMAIRE.
Art. 566. — N° 648. Applications diverses de l'action en rescision ou nullité: incapacités, vices du consentement, lésion. -649. Rescision en justice; rescision amiable. -650. Exception de nullité: elle est temporaire comme l'action. —65]. Délai de l'action et de l'exception. -652. Anciennes différences, aujourd'hui abolies, entre l'action en rescision et l'action en nullité.
567. - 653. Le délai est une prescription. -654. Son point de départ. -655. Application aux divers cas d'incapacité. -656. Idem, aux vices de consentement et à la lésion. -657. Suspension et interruption de cette prescription.
568. 658.Transmission de l'action aux héritiers; nécessité de suspendre la prescription pendant les délais donnés à l'héritier pour délibérer. -659. Actes radicalement nuls ou inexistants: exception perpétuelle pour refuser l'exécution; action prescriptible pour répéter les choses.
569. —660. Transition aux incapables -661. Distinctions et sons-distinctions à faire au sujet des incapables. - 662. -I. Mineurs non émancipés: actes du tuteur; actes du mineur. -663. -A. Trois classes d'actes du tuteur. —664. —B. Deux classes d'actes du mineur. - 665. -II. Mineurs émancipés. -666. -III. Interdits. -667. IV. Aliénés non interdits. -668. -Prodigues et faibles d'esprit. -669. - IV. Femmes mariées. - 670. -Trois questions à résoudre, par le Projet, à l'égard des actes du tuteur. —671 à 673. Solutions de ces questions, d'après principes exposés plus haut. -674. Application des mêmes solutions aux actes concernant les autres incapables. -675. Réserve des autres causes d'annulation.
570. -676. Actes faits par le mineur lui-même: inobservation des formes requises; lésion. -677. Actes faits: par l'émancipé: distinctions. -678. Actes du prodigue et du faible d'esprit: distinctions.
571. -679. Fausse déclaration faite par le mineur et par les autres incapables; manœuvres frauduleuses.
572^680. Mineurs commerçants ou industriels, artistes ou artisans, agriculteurs.
573. -681. Femmes mariées: droit français; renvoi aux dispositions ultérieures du Projet.
574. -682 et 683. Restitutions à faire par celui qui exerce l'action en rescision: distinction entre les personnes capables et les incapables.
575. —684. Action en rescision donnée contre les tiersacquéreurs: distinctions
576. -685. Satisfaction possible, au cas de lésion, pour prévenir ou arrêter l'action en rescision.
577. -686. Confirmation tacite résultant du défaut d'exercice de l'action en rescision, dans le délai de cinq ans.
578. —687. Confirmation expresse: trois conditions. -688.Défense d'une confirmation en termes généraux; confirmation implicite d'un vice, par argument a fortiori d'un autre. -689. Conditions spéciales de la confirmation d'un acte rescindable pour lésion.
579. -690. Confirmation tacite par exécution volontaire; exécution forcée: distinctions. -691. Autres cas de confirmation tacite. -692. Confirmation tacite par aliénation volontaire. -693. Pouvoir des tribunaux d'admettre d'autres confirmations tacites, et d'écarter celles que présume la loi.
580. —694. Réserve des droits des tiers, au cas de confirmation: conciliation de cette disposition avec celle de l'article 575 qui donne l'action en rescision contre les tiers-acquéreurs.
581. -695. Impossibilité de confirmer les actes radicalement nuls; note sur une faute grave de ponctuation dans l'article 1339 du Code français. Renvoi à l'Appendice pour l'obligation naturelle des héritiers dans le cas d'une donation ou d'un testament nuls en la forme.
582. -696. Erreurs dites " matérielles." -697. Erreur de calcul: quand elle porte sur la cause et quand sur l'objet; -698. Erreur sur les noms de personnes. - 699. Erreurs de date. -700. Erreur de lieu. -701. Imprescriptibilité du droit au redressement de ces erreurs. -702. Prescriptibilité des droits attachés au redressement. -702 bis. Modes de preuve admis pour le redressement: distinction.
COMMENTAIRE.
Art. 566. — 648. Cette Section complète et sanctionne les dispositions de la loi sur les conditions de validité des conventions (voy. art. 331 à 341).
Le texte du présent article rappelle indirectement les cas où la convention n'est pas valable et où, par conséquent, elle est annulable ou rescindable; on peut les ramener à trois causes: l'incapacité d'une partie, les vices de consentement, la lésion.
Les incapacités sont déterminées au Livre F”, Des Personnes, maintenant promulgué; quoiqu'on n'y ait adopté qu'avec d'assez sérieuses modifications la théorie des Codes français et italien, nous continuons à présenter ici six classes d'incapables: 1° les mineurs, avec des nuances entre les émancipés et les non émancipés, 2° les femmes mariées, 30 les interdits judiciairement, pour démence, 4° les prodigues et les faibles d'esprit pourvus seulement d'un conseil judiciaire, pour les actes les plus graves; 5° les fous, non interdits, dont la guérison plus ou moins prochaine est espérée, mais placés dans une maison d'aliénés ou, au Japon, sous la garde de leur famille, 6° les condamnés à des peines criminelles, interdits par la loi (voy. n° 48) (1).
Les vices de consentement ne sont, dans le Projet, qu'au nombre de deux: l'erreur et la violence; quant au dol, on l'a considéré seulement comme un fait dommageable et volontaire, comme un délit civil (art. 33:3); mais, la réparation la plus simple et la plus naturelle de ce dommage étant la rescision de l'obligation obtenue par fraude, l'action en rescision est assimilée ici à celle qui résulte des vices du consentement, sauf qu'elle ne peut nuire aux tiers (même art., 4° al.; v. nOS 79 à 82).
La lésion, n'étant qu'une insuffisance de la valeur reçue comparée à la valeur fournie, ne peut être qualifiée de vice du consentement (voy. art. 326, 3e al. et n° 49); tout au plus, pourrait-on dire (et c'est l'explication ordinaire) que, dans les cas assez rares où elle autorise la rescision de la convention en faveur des majeurs, elle fait présumer une erreur sur les qualités principales de la chose, ou une contrainte résultant de la pénurie. Mais, il vaudrait mieux voir dans les cas de rescision pour lésion une application particulière du principe que ” nul ne doit s'enrichir sans cause légitime du bien d'autrui." Cette idée sera reprise, dans l'Appendice, au sujet des obligations naturelles (v. n° 720); dans tous les cas, le mieux est de séparer la lésion de l'incapacité et des vices du consentement, et d'en faire une cause particulière de rescision; sauf le cas où elle atteint des mineurs (v. art. 570).
649. La nécessité d'agir en justice pour obtenir la rescision, dans ses divers cas d'application, n'est pas absolue: rien ne s'opposerait à ce que les parties, d'un commun accord, annulassent leur convention; il ne serait même pas nécessaire pour cela que la convention eût un vice originaire dans sa formation; quand la loi présente l'action en justice comme la voie à suivre, elle entend seulement dire que la nullité n'a pas lieu de plein droit, comme dans le cas où manquerait une des conditions d'existence de la convention. Mais une annulation volontaire n'aura pas autant d'effet que l'annulation judiciaire: elle ne sera pas opposable aux tiers intéressés qui n'y auront pas consenti (voy. art. 373); tandis que, si l'annulation est demandée en justice, il suffira de mettre en cause les tiers intéressés pour que le jugement leur soit opposable: il est nécessaire qu'ils puissent contredire à l'action, mais non qu'ils v adhèrent.
Il faut encore remarquer que la loi admet deux voies judiciaires pour arriver à l'annulation de la convention: la demande directe ou l'action principale et l'exception ou fin de non-recevoir opposée par le contractant auquel est demandée l'exécution; cette exception a le caractère d'une demande incidente (a).
650. Le présent article, en soumettant au même délai l'action et l'exception, tranche, dans le sens le plus rigoureux, une question très débattue en France.
Beaucoup d'auteurs soutiennent, avec une théorie romaine (aujourd'hui sans application, comme on va le voir), que, tandis que l'action en nullité est temporaire, l'exception est perpétuelle (b) et que si le débiteur n'est actionné pour l'exécution qu'après le délai pendant lequel il aurait pu agir en rescision, il peut encore se défendre par l'exception de nullité.
Le Code italien, qui ne pouvait pas négliger de trancher une question pratique si grave, a adopté ce système (art. 1302, 29 al.).
Le Projet adopte la solution inverse, pour trois raisons principales:
1° L'argument tiré du droit romain a perdu toute sa force dans les législations modernes; si l'exception de nullité, pour dol ou violence, par exemple, était perpé'1 tuelle, à Rome, quand l'action était temporaire, c'était parce que le débiteur dont le consentement avait été vicié ne pouvait pas intenter d'action en nullité tant qu'il n'avait pas exécuté la convention ou l'obligation vicieuse: il ne pouvait que se défendre par une exception contre l'action née du contrat, laquelle était toujours très longue et souvent perpétuelle; l'action en nullité, très courte elle-même (un an), ne lui était ouverte que lorsqu'il avait fait une aliénation ou exécuté une obligation entachées d'un vice; dans ces cas seulement, il pouvait prendre l'offensive; il eût été, dès lors, illogique et injuste que le délai de l'exception courût contre quelqu'un qui n'était pas maître de l'opposer si on ne le poursuivait pas.
Mais, depuis longtemps, on admet que le débiteur dont le consentement a été vicié peut, même sans avoir exécuté son obligation, prendre l'initiative d'une action en nullité; il était nécessaire de lui reconnaître ce droit, car, même avec l'exception perpétuelle, il courrait toujours le danger, si l'action du contrat était tardivement intentée contre Iiii, de ne plus avoir les preuves du vice de son consentement. Avec le droit de prendre l'offensive d'une action en nullité du contrat, il n'y a donc pas de raison de prolonger pour lui le délai de l'exception. C'est à tort qu'on dit, dans l'opinion contraire, que, n'ayant pas exécuté l'obligation, il n'en souffre pas et n'a pas d'intérêt à agir en nullité: il y a pour lui, au contraire, un grand intérêt à ne pas laisser subsister un engagement dont les vices pourront plus tard être très difficiles à démontrer.
2° Le système qui perpétue l'exception a un grand inconvénient pratique, c'est de laisser, pendant un temps indéfini, la voie ouverte à des réclamations très difficiles à juger, 'à des allégations de faits plus ou moins illégaux ou irréguliers dont la vérification devient souvent impossible après un long temps écoulé: cette difficulté de preuve est la cause principale qui fait limiter l'action à un délai plus court que celui des autres actions; or, la difficulté ne sera pas moins sérieuse lorsque le moyen de nullité sera proposé par voie d'exception que lorsqu'il le sera par voie d'action.
3° Une ancienne Ordonnance française, sur la procédure civile (de l'an 1539), avait formellement limité à dix ans l'action et l'exception -le nullité; or, rien ne permet de croire que le Code civil français ait entendu abroger l'Ordonnance et revenir à la théorie romàine.
Telle est l'opinion qu'on peut soutenir sous le Code français et qu'adopte formellement le Projet japonais.
Nous ajouterons une dernière considération qui a un grand intérêt pratique: si l'exception était perpétuelle, il arriverait, et cela se voit souvent en France, que celui qui aurait dû agir par voie d'action et aurait laissé expirer le délai, chercherait, par des artifices de procédure, à prendre le rôle de défendeur pour faire valoir tardivement la nullité et il ne serait pas toujours facile aux tribunaux de déjouer cette fraude.
651. Le délai de l'action et de l'exception de nullité est fixé à dix ans par le Code français (art. 1304); le Code italien l'a réduit à cinq ans (art. 1300). Le Projet adopte ce dernier délai comme étant suffisant et comme se conciliant mieux avec la difficulté de la preuve des faits qui vicient le consentement. Le délai d'ailleurs est suspendu, dans la plupart des cas, conformément à l'article suivant.
La lésion ne rentrant, ni dans l'incapacité, ni dans les vices du consentement, la loi est obligée de dire que l'action à laquelle elle donne lieu est soumise au même délai: autrement, elle durerait autant que les actions ordinaires, trente ans, ce qui serait trop long. Bien au contraire, dans certains cas de lésion des majeurs, le délai pourra être plus court; ainsi il est réduit à deux ans pour l'action en rescision de la vente d'immeuble pour vilité du prix (c. civ. fr., art. 1676; Proj., art. 734) et à un an, pour le cas d'erreur sur la contenance (c. civ. fr., art. 1622; Proj., art. 691), lequel a de l'analogie avec la lésion, bien qu'il ne soit pas d'usage de le considérer comme un cas de lésion. Il ne reste donc, en France, que le cas de lésion dans un partage (art. 887) auquel s'applique la prescription de dix ans. Dans le Projet, le délai est toujours de cinq ans (v. art. 806).
652. On a remarqué que le Projet donne à notre action le nom " d'action en rescision ou en nullité" et, dans ces développements, on lui donnera indifféremment l'un ou l'autre de ces noms; c'est, en effet, la théorie moderne.
Autrefois, en France, les deux actions n'étaient pas identiques: l'action en nullité s'employait dans les cas où il y avait eu violation des règles du droit positif, même du droit coutumier, qui était un droit positif; l'action en rescision, au contraire, s'employait pour faire tomber des conventions où le droit naturel et l'équité seulement avaient été méconnus. Ainsi, les mineurs, les interdits, les femmes mariées, les incapables, en général, avaient l'action en nullité, parce qu'ils trouvaient leur protection dans le droit civil; au contraire, les personnes dont le consentement avait été vicié, ne trouvant pas une protection expresse dans les coutumes ou dans les ordonnances, n'avaient que l'action en rescision fondée sur l'équité et aussi sur le droit romain qu'on appelait souvent "la raison écrite."
Les deux actions différaient beaucoup, quant à la durée: l'action en nullité durait trente ans, tandis que l'action en rescision n'en durait que dix; de plus, l'action en nullité, étant fondée sur un droit positif, appartenait à l'intéressé comme 1£11, droit, elle s'intentait donc d'emblée (de piano), sans formalité préalable, devant les tribunaux compétents; tandis que l'action en rescision était une faveur: elle était, en quelque sorte, accordée, permise au demandeur, lequel devait, à cet égard, se pourvoir extraordinairement devant le Parlement (Cour supérieure de justice) pour obtenir de.':! lettres dites " de rescision," lui permettant de plaider pour faire tomber la'convention.
Ces différences ont été abolies, en France, par le Code civil qui a fusionné les deux actions et emploie indifféremment un nom ou l'autre (c): la seule action qui subsiste est toujours fondée sur le droit positif, en même temps qu'elle est conforme au droit naturel et à l'équité; il n'y a donc plus lieu, dans aucun cas, de présenter de requête préalable à fin d'admission de l'action: c'est le principe de l'ancienne action " en nullité mais le délai est uniformément de dix ans: c'est l'emprunt fait à l'action "en rescision."
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(1) On peut s'étonner que, maintenant que le Livre des Personnes est rédigé et promulgué, nous conservions cette partie du Projet telle qu'elle était primitivement. Mais nous rappelons que le but de cette réimpression n'est pas de mettre le Projet en accord avec le Code officiel (voir Préface du Tome Ier). En outre, nous ne pourrions parler ici du Texte officiel, avec une certitude suffisante, car nous n'avons pas collaboré au Livre des Personnes (ni aux Moyens d'acquérir à titre universel) et le Texte japonais sur ces matières n'a encore été traduit ni en français ni en anglais.
(a) On a déjà cité l'axiome que " le défendeur, eu opposant une exception, devient demandeur: " J'eus in excipiendo fit aclor.
(b) On se fonde sur un ancien axiome célèbre: " les moyens qui sont "temporaires pour fonder une action sont perpétuels pour donner une " exception:" Quœ temporalia sunt ad agendum perpetua sunt ad excipiendum.
(c) On peut remarquer seulement que le Code semble préférer le nom ancien de " rescision ou restitution " au cas de lésion (voy. art. 1305 à 1313, art. 1674 et suiv.); mais il n'y faut voir qu'un souvenir de l'ancien langage, sans intention particulière.
Art. 567. — 653. La loi commence par qualifier de '£ prescription " le délai de l'action et de l'exception de nullité: elle tranche ainsi une question débattue en France, où certains auteurs prétendent qu'il s'agit ici d'un délai invariable, préfix, comme les délais de procédure. Dans cette opinion, le délai qui nous occupe se trouve, il est vrai, retardé dans son point de départ jusqu'au moment où l'intéressé peut exercer son droit, parce que d'ailleurs la loi le dit formellement (c. civ. fr., art. 1304); mais, une fois que le délai a commencé à courir, il ne serait plus soumis aux suspensions et interruptions ordinaires de la prescription. L'opinion opposée est dominante et la loi la consacre ici formellement, surtout à la fin du présent article.
654. C'est un principe général, en matière de prescription, que le délai qui doit entraîner ainsi la déchéance d'un droit ne court pas tant que l'ayant-droit ne peut pas agir (d). Quand il s'agit d'obstacles de droit, il n'y a pas besoin d'un texte, à la rigueur, pour appliquer le principe; ainsi, celui qui a une créance à terme ou sous condition ne peut perdre son droit par prescription, parce qu'il ne peut agir valablement avant l'échéance du terme ou l'événement de la condition (e). Mais lorsqu'il n'y a à l'exercice de l'action qu'un obstacle de fait, on admet aujourd'hui qu'il faut un texte de loi pour suspendre la prescription: le Projet en contient un assez général, à cet égard (v. art. 1472).
Dans les cas qui nous occupent, il y a plutôt obstacle de fait qu'obstacle de droit à l'exercice de l'action en nullité ou rescision: les incapables ne peuvent pas va Jablement agir par eux-mêmes, il est vrai, mais leur représentant le peut; ceux dont le consentement a été vicié ont certainement le droit d'agir dès que le contrat a été formé, au moins quand il y a eu violence et même quand elle n'a pas cessé, et, pour ceux qui ont été induits en erreur, l'obstacle à agir est évidemment de fait et non de droit. Mais la loi fait sagement de retarder le point de départ du délai jusqu'à ce que ces obstacles de fait aient disparu.
655. Si la série des incapacités générales avait été déjà établie au moment de la rédaction de cette partie du Projet, le texte aurait ici, comme le Code français et plus complètement même, indiqué pour chaque incapable, le point de départ de la prescription de son action; mais on a dû se borner à poser le principe, de sorte que la disposition fût toujours applicable sans modification, quel que fût le nombre des incapables admis ultérieurement.
On va ici parcourir rapidement les six cas d'incapacité admis plus haut.
1° Pour les mineurs, émancipés ou non, dans les cas où ils ont l'action en nullité, le délai ne commence à courir qu'à leur majorité; l'émancipation ne permettant pas au mineur de plaider seul, il est naturel d'attendre sa majorité pour faire courir le délai.
2° Les femmes mariées, lorsqu'elles ont contracté sans l'autorisation du mari ou de justice, alors que cette autorisation était nécessaire, ne commencent à être exposées à la déchéance que lorsque la dissolution du mariage leur a rendu leur pleine liberté d'agir en justice. Dans le même cas, l'action en nullité appartient aussi au mari dont les droits ont été méconnus.
C'est une question fort débattue, en France, que celle de savoir si l'action du mari se prescrit pendant le mariage, en comptant le délai à partir du jour où il a connu l'acte de sa femme. Il sera mieux, au Japon, de déclarer que l'action du mari, comme celle de la femme, ne commence à se prescrire qu'à partir de la dissolution du mariage: jusque là, le mari peut craindre de troubler la paix conjugale par une action qui est un blâme pour sa femme et qui peut d'ailleurs obliger celleci à des restitutions pour lesquelles elle n'aurait plus les fonds nécessaires. Du reste, le texte du 1er alinéa, par sa généralité même, se prête déjà à cette solution..
3° En France, l'action en nullité des interdits judiciairement est imprescriptible, tant que l'interdiction n'est pas levée par le tribunal, après une procédure analogue à celle qui a amené l'interdiction; mais à partir de ce moment la prescription court. Il pourrait cependant arriver que l'interdit n'eûtconservé aucun souvenir de l'acte qu'il a fait et ce serait peut-être le cas de lui donner au moins une exception perpétuelle; mais ce serait encore une protection insuffisante, car, s'il a exécuté son acte pendant l'interdiction, il ne sera pas actionné et il n'aura plus l'occasion de se défendre par l'exception de nullité. La meilleure solution est de lui accorder le même secours qu'à celui dont il est question ci-après, au sujet de l'aliéné non interdit, et c'est ce que fait le Projet (2e al.).
4° Quand une personne est tombée en démence, soudainement et par une cause qui laisse espérer sa guérison, il vaut mieux ne pas l'interdire judiciairement, tant à cause de la notoriété fâcheuse qui en résulte qu'à cause des lenteurs de la procédure d'interdiction et de celle de la main-levée. En France, depuis une loi spéciale de 1838, les personnes se trouvant dans cette situation sont placées dans une maison d'aliénés ou dans une maison de santé désignée à cet effet par le préfet, et, tant qu'elles sont retenues dans cette maison, elles sont incapables de contracter; si pourtant elles ont réussi à aliéner ou à s'obliger, en fraude de la loi et de leurs surveillants, elles ont une action en nullité ou en rescision contre laquelle la prescription ne court pas tant qu'elles sont retenues dans ladite maison. La loi a poussé la précaution encore plus loin que pour les interdits; car même après leur sortie de la maison et le rétablissement de leur santé d'esprit, la prescription de leur action ne court qu'à partir du moment où l'acte qu'elles ont souscrit leur a été signifié ou du moment où elles en ont eu autrement connaissance (Loi du 30 juin 1838, art. 39).
On a quelquefois essayé de soutenir, en France, que cette protection était désormais applicable aux interdits judiciairement. Si désirable que ce soit, nous ne le croyons pas, mais, dans une législation nouvelle à faire, il ne fallait pas hésiter à insérer cette extension comme le fait notre article.
5° Les faibles d'esprit et les prodigues reçoivent, en France, un conseil judiciaire pour les actes les plus importants relatifs à leurs biens. Le Code français en fait l'énumération dans les articles 499 et 513. Le Code japonais pourra utilement imiter ces dispositions.
6° A l'égard des condamnés à des peines criminelles, interdits par la loi de l'exercice des droits civils, pendant la durée de leur peine, l'action en nullité ne se prescrit pour eux qu'à compter du jour où leur peine a cessé. Il y a plus de difficulté l'égard de ceux qui ont traité avec eux et auxquels le Projet accorde aussi l'action en nullité (voy. art. 340, 2e al.). Le plus sage et aussi le plus simple est de leur conserver l'action en nullité aussi longtemps qu'elle est accordée au condamné, c'est-à-dire pendant cinq ans après l'expiration de leur peine: il ne faut pas perdre de vue, en effet, que, plus l'action en nullité sera largement ouverte, moins les condamnés seront portés à traiter, et ainsi le but de la loi se trouvera plus sûrement atteint; c'est ainsi que décide le Projet (comp. n° 94).
656. La loi a pu se prononcer, dès à présent, et avec plus de précision, sur le point de départ de la prescription, dans les cas de vices de consentement et dans celui de dol qui s'en rapproche beaucoup dans ses effets: la cessation de la violence, la reconnaissance de l'erreur, la découverte du dol, lèvent tous les obstacles de fait que rencontrait l'action et la prescription commence alors à courir.
Pour la lésion, la loi fixe le point de départ du délai au jour même du contrat; il ne pouvait être question d'attendre que la lésion eût été découverte: le contractant a toute facilité de faire ses calculs et de se ren drecompte de la perte qu'il a éprouvée.
La loi suppose le cas exceptionnel de rescision pour lésion d'un majeur, car, s'il s'agissait d'un mineur, l'action ne se prescrirait pas pendant sa minorité (v. art. 570).
657. Le dernier alinéa confirme, comme on l'a annoncé, le caractère de prescription du délai de cinq ans qui nous occupe. Ce n'est pas ici le lieu d'énoncer ' les diverses causes de suspension et d'interruption de la prescription. Dans les premières, on retrouverait la minorité, sans que cette suspension fît double emploi avec la précédente; il suffirait, pour lui donner son application propre de supposer que le contractant est mort dans les délais de l'action, laissant pour héritier un mineur: le délai de cinq ans qui avait déjà été suspendu par la minorité du contractant et qui avait pu commencer à courir par sa majorité, se trouverait de nouveau suspendu par l'effet de la minorité de l'héritier (2).
La lésion d'un majeur présentera encore ici une nouvelle particularité: le délai de l'action étant, en général, abrégé dans ce cas, continuera à courir contre les héritiers mineurs; le Code français a soin de le dire dans le cas particulier de la vente (v. art. 1676, 2e al.); le Projet le déclarera d'une manière générale pour les courtes prescriptions (v. art. 1467. 1er al.).
Une dernière différence entre l'action en rescision pour lésion et les autres actions en rescision c'est que, lorsqu'il y a eu seulement lésion, le défendeur à l'action peut en arrêter l'effet, en offrant au demandeur une valeur suffisante pour faire disparaître ladite lésion (voy. ci-après, art. 576), et ici cette particularité s'appliquera même au cas de lésion d'un mineur.
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(d) C'est encore un axiome: contrà non valentem agere non curri.t prœsriptio, " la prescription ne court pas contre celui qui ne peut agir en justice."
(e) Le Code français a pris la peine de le dire (art. 2257); le Projet ne l'a pas cru inutile (v. art. 1471).
(2) Le Projet, arrivé à la prescription, s'est séparé des Codes étrangers qui suspendent la prescription pendant toute la minorité de l'ayant-droit: la suspension n'a lieu que " pendant la dernière année de la minorité, de sorte " que le mineur, devenu majeur, a toujours un délai pour faire " valoir son droit " (v. art. 1467, 26 al.)
Art. 568. — 658. Cet article ne présente pas de difficultés. En général, les actions passent activement aux héritiers et passivement contre eux. Ce principe est surtout applicable quand il s'agit d'actions ayant un intérêt purement pécuniaire, comme l'action en nullité ou en rescision. Mais, bien que l'action vienne à l'héritier du chef de son auteur, elle subit, au moins quant au délai, quelque modification du chef de l'héri tier. Ainsi, l'action appartenait à un mineur et, comme telle, elle n'était pas prescriptible pendant la dernière année de sa minorité (v. art. 1467, 2e al.); si l'hétitier est majeur, la prescription courra sans suspension; réciproquement, l'auteur était majeur et la prescription courait contre lui: si l'héritier est mineur, la prescription est suspendue en sa faveur.
Si l'auteur était majeur et si l'héritier l'est également, ce dernier ne jouira que du reste du délai non encore écoulé et ce temps pourrait être très court.
La loi française a ici une disposition fort sévère qu'il a paru bon de ne pas reproduire dans le Projet, lorsque l'on est arrivé à la matière de la Prescription dans son ensemble: en France, la prescription n'est pas suspendue pendant le délai accordé à l'héritier pour faire inventaire et pour délibérer sur son acceptation ou sa répudiation de la succssion (c. civ. fr., art. 2259). Il est vrai que l'héritier peut, avant d'avoir pris parti sur la succession, faire un acte judiciaire interruptif de la prescription, lequel n'est qu'un acte conservatoire; mais s'il restait très peu de temps à courir, il pourrait arriver que le délai se trouvât expiré avant même que l'héritier eût connaissance de l'action en nullité qui appartenait à son auteur. Il n'y aura pas grand inconvénient pour les tiers à subir une suspension de la prescription de quelques mois: ils souffriraient davantage de celle qui résulterait de la minorité. Le Projet accorde cette suspension (v. art 1471 bis).
659. Dans les trois articles précédents la loi n'a parlé que des actes annulables et des actions ou exceptions qui tendent à les détruire; il n'a pu être question des actes radicalement nuls ou inexistants, comme ceux auxquels ont manqué une ou plusieurs des conditions fondamentales exigées par l'article 325: le consentement, un objet déterminé, une cause licite; dans ces cas, le contrat ne peut avoir, tout au plus, qu'une apparence d'existence qui disparaîtra au premier examen: il ne peut être question d'annuler ce qui n'existe pas.
Cependant, ce n'est pas à dire qu'il n'y aura jamais procès à cet égard: si l'inexistence est contestée, si l'une des parties veut se prévaloir du contrat, il faudra bien que la justice statue sur cette prétention et la déclare mal fondée; ce sera alors par voie d'exception que l'inexistence, que la nullité radicale sera démontrée, mais, ici, l'exception sera évidemment perpétuelle: le temps, même le plus long, ne pourrait donner naissance à une obligation et l'inaction ne peut confirmer une convention inexistante.
En sens inverse, si l'une des parties a exécuté la convention qui n'avait que l'apparence d'existence, il faudra bien qu'elle prenne l'initiative d'une action pour revenir sur ce qui a été fait, pour le faire détruire; mais ce ne sera pas une action en nullité ou en rescision, ce sera une revendication des choses livrées, lesquelles n'ont pas été réellement aliénées, ou une repétition des sommes ou valeurs payées indûment et sans cause (voy. art. 381-20 et 387).
Ces actions différeront beaucoup de l'action en rescision notamment, quant à la durée: elles seront prescriptibles cependant, parce que toutes les actions le sont, en général, mais ce sera la longue prescription du droit commun.
Art. 569. — 660. Les trois précédents articles s'appliquent à l'action en nullité ou en rescision, d'une manière générale. Le présent article et les quatre suivants sont spéciaux aux incapables et, bien qu'on ait dit que la liste n'en sera dressée définitivement qu'au Livre Ier, il a fallu se prononcer ici sur le caractère de l'action en nullité qui leur appartient (v. n° 648, note 1).
661. Le Code français présente, à cet égard, des lacunes et des obscurités qui donnent lieu à bien des divergences d'opinions, spécialement sur l'article 1305.
Sans entrer ici dans le détail et dans la discussion des divers systèmes qui se sont produits et qui divisent les meilleurs auteurs, il est nécessaire, pour l'intelligence et la justification du Projet, d'indiquer d'abord les nombreuses hypothèses qui demandaient une solution et de proposer, sur chacune, celle que commandent les principes.
Il faut, avant tout, séparer les diverses sortes d'incapables, bien qu'on doive rencontrer quelques règles qui leur sont communes. On aura alors: 1° les mineurs non émancipes; 2° les mineurs émancipes; 3° les interdits, judiciairement ou légalement; 4° les aliénés non interdits; 5° les prodigues et les faibles d'esprit; G0 les femmes mariées.
Sur chacune de ces classes de personnes, il faut sousdistinguer si les actes qui les concernent ont été faits régulièrement ou contrairement à la loi: si l'acte a été régulier, il est naturel de décider qu'il n'y a plus d'incapacité, elle doit être considérée comme corrigée par les garanties légales, et il est surprenant que cette opinion trouve en France des contradicteurs; si, au contraire, les formes et conditions prescrites par la loi n'ont pas été observées, il doit y avoir présomption de lésion pour l'incapable: son incapacité n'a pas été coro rigée, il doit être secouru pour cela seul.
Les deux principes, toutefois, reçoivent quelques tempéraments, suivant la distinction des personnes; c'est pourquoi il y a lieu de les reprendre séparément.
662. 1. Mineurs non émancipes. -Ici, il faut faire une nouvelle sous-distinction: l'acte dont il s'agit d'apprécier la validité a-t-il été fait par le tuteur on par le mineur lui-même ?
En principe, le mineur non émancipé ne doit faire aucun acte juridique par lui-même: il est pourvu d'un tuteur " qui le représente dans tous les actes civils " (c. civ. fr., art 450). A la différence de ce qui avait lieu à Rome, le mineur ne figure pas dans les actes, avec autorisation du tuteur: il n'y paraît pas, il ne les signe pas, il ne les' connaît même pas, le plus souvent, avant la reddition du compte de tutelle.
Quant aux pouvoirs du tuteur lui-même, ils varient, suivant la gravité des actes: certains actes lui sont absolument défendus, comme la donation des biens du mineur; d'autres ne lui sont permis qu'avec l'autorisation du conseil de famille et du tribunal, comme l'emprunt, la vente d'immeuble, la constitution d'hypothèque; pour d'autres, comme l'acceptation ou la répudiation d'une succession, il lui faut l'autorisation du conseil de famille seul; enfin, d'autres actes sont dispensés de l'une et de l'autre de ces formes ou conditions et peuvent être faits par le tuteur seul, comme les baux, l'achat de meubles et d'immeubles, la vente des meubles et les actes d'administration, en général (voy. c. civ. fr., art. 450 et s.).
663. Supposons, en premier lieu: 1° que le tuteur a fait seul un acte d'administration, 2° qu'il a fait un acte avec les autorisations et les formes nécessaires, 3° qu'il a fait seul un acte qui exigeait des autorisations.
1er Oas. Le tuteur, représentant le pupille et ayant ^ agi dans les limites du mandat que la loi lui donne, a fait évidemment un acte valable; c'est à tort qu'on pré- tendrait que l'article 1305 permet d'attaquer cet acte pour lésion, parce qu'il donne au mineur l'action en rescision pour lésion "contre toutes sortes de conventions:" nous démontrerons bientôt que cet article ne vise que le cas où c'est le mineur même qui a contracté, et non son tuteur.
2e Oas. Le tuteur a fait un acte en bonne forme, c'està-dire avec les autorisations requises. L'acte est encore inattaquable, même pour lésion; le motif est le même: le tuteur a agi régulièrement comme mandataire légal du mineur; l'article 1314 est formel en ce sens, puisqu'il refuse l'action en rescision pour lésion des actes réguliers du tuteur, dans tous les cas où elle serait refusée à un majeur.
3e Oas. Le tuteur n'a pas observé les formes et conditions requises; ici, il ne s'est pas conformé à son mandat: l'acte est annulable, pour le seul défaut de formes, sans qu'il soit nécessaire de prouver la lésion. Ce n'est pas davantage le cas de l'article 1305.
Mais, ce serait aller trop loin que de dire que l'acte est radicalement nul, sans qu'il soit besoin même de l'attaquer; c'est à tort qu'on dirait que le tuteur, n'ayant pas suivi les règles de son mandat, est considéré comme un étranger vis-à-vis du pupille: il a toujours une qualité générale de mandataire et c'est protéger suffisamment le pupille que de lui donner une action en rescision fondée sur la seule inobservation des formes.
664. Voyons, en second lieu, le cas où c'est le mineur qui a fait l'acte, et sous-distinguons: 1° s'il a fait seul un acte que le tuteur pouvait faire seul valablement; 2° s'il a fait seul un acte qui, pour le tuteur, était soumis à des formes et conditions.
On ne suppose pas ici, comme 3e cas, qu'il ait fait l'acte en bonne forme, parce que la première forme à observer était l'intervention du tuteur, et justement elle manque.
1er Cas. Il ne s'agit que d'un acte d'administration; le seul défaut d'intervention du tuteur ne suffit pas pour faire annuler l'acte du mineur: il faut encore qu'il y ait lésion; mais si légère qu'elle soit, pourvu qu'elle soit certaine, elle suffit: la loi se contente d'une " simple lésion " (art. 1305), mais elle est nécessaire. On dit alors, pour ces sortes d'actes, que le mineur n'est pas incapable de contracter, mais de se léser (f).
2e Cas. Il s'agit d'actes qui, faits par le tuteur, seraient annulables faute de l'observation des formes: ils seront encore plus sûrement annulables, faits par le mineur, dans ces conditions.
Ici, ce n'est plus l'article 1305 qui le dit: il semblerait même encore exiger la lésion, puisqu'il prévoit "toutes sortes de conventions;" mais ces mots n'ont d'autre but que d'établir une différence avec les émancipés dont la loi s'occupe aussitôt après et qui ne peuvent invoquer la rescision pour lésion que ”contre les conventions qui excèdent les bornes de leur capacité." Ce sont les principes généraux de la tutelle qui commandent cette nullité pour défaut de formes et la loi elle-même y fait allusion dans l'article 1311 où elle suppose qu'un mineur, devenu majeur, a ratifié un contrat "par lui souscrit en minorité, soit qu'il fût nul en la forme, soit qu'il fût seulement sujet à restitution" (à rescision pour lésion).
665. -II. Mineurs émancipés. Ici, on retrouve trois classes d'actes: 1° ceux que les émancipés peuvent faire seuls, comme un majeur; 2° ceux pour lesquels ils ont besoin de l'assistance de leur curateur; 3° ceux qui sont soumis aux mêmes formes et conditions que pour les mineurs non émancipés (voy. c. civ. fr., art. 481 à 484). Reprenons-les séparément.
1er Cas. Les actes que l'émancipé peut faire seul sont, en général, des actes d'administration. Puisque pour ces actes, il est considéré comme majeur, il est clair qu'il ne peut les faire annuler, même pour lésion (art. 481 et 1305, arg. a contrario).
2e Cas. Lorsque l'émancipé n'a pas été assisté de son curateur, " il a excédé les bornes de sa capacité -, " dans ce cas, l'article 1305 lui accorde formellement, la rescision, mais seulement s'il est lésé: " pour simple lésion."
3e Cas. Les formes et conditions n'ont pas été observées: comme il est, à cet égard, assimilé au mineur non émancipé, il aura, comme lui, l'action en rescision pour défaut de formes, indépendamment de toute preuve directe d'une lésion.
Remarquons, à ce sujet, que l'article 1305, par cela seul qu'il a mis sur la même ligne les deux sortes de mineurs, dont l'an, l'émancipé, est toujours supposé ayant agi lui-même, a évidemment supposé que l'autre avait également agi lui-même et, par conséquent, ledit article 1305 ne doit pas être invoqué dans la question de validité des actes du tuteur.
Ce qui. prouve encore que l'article 1305 'ne vise que les actes du mineur lui-même et non ceux du tuteur, c'est la série des articles qui suivent, depuis l'article 1307 jusqu'à l'article 1312, inclusivement: dans ces articles où la loi, tantôt confirme, tantôt refuse la rescision pour lésion, elle suppose formellement le mineur ayant agi lui-même.
666. —111. Interdits. La loi française déclare " nuls de droit" tous les actes qu'ils ont passés eux-mêmes postérieurement à l'interdiction (art. 502). Seulement, les mots, pris à la lettre, dépasseraient la pensée de la loi: il ne s'agit pas d'une nullité radicale, d'une inexistence légale de l'acte; la loi a seulement voulu dire que la nullité serait toujours prononcée, sans distinction s'il y a lésion, ou non, et sans débat.
Quant aux actes faits par le tuteur de l'interdit, la loi n'en dit rien. Les principes de la tutelle, résumés plus haut, conduisent à dire que ceux régulièrement faits seront inattaquables et que ceux faits irrégulièrement seront aussi "nuls de droit," pour défaut de formes.
667. -IV. Aliénés non interdits. Une loi française spéciale, déjà citée, du 30 Juin 1838 (art. 39), les assimile aux interdits judiciairement, quant à l'administration de leurs biens, avec une garantie supplémentaire déjà signalée et que le Projet conserve, en l'étendant aux interdits judiciairement auxquels elle n'est pas moins nécessaire.
668. -V. Prodigues et faibles d'esprit. Le Code français est plus simple à leur égard: pour certains actes jugés les plus graves, il leur faut l'assistance de leur conseil judiciaire, sans autre condition (art. 499 et 513); pour tous les autres, ils ont une pleine capacité. Les premiers, faits sans l'assistance du conseil judiciaire, sont " nuls de droit," pour ce défaut de forme (art. 502); les autres sont inattaquables, même pour lésion..
669. -VI. Femmes mariées. Elles peuvent, en principe, faire les actes d'administration de leurs biens; mais, quelquefois, le régime matrimonial en délègue le pouvoir au mari, c'est ce qui a lieu quand les époux sont mariés sous le régime de communauté. Dans ce cas, l'incapacité de la femme est complète. Mais, dans aucun cas, la femme mariée ne peut emprunter, aliéner ses biens, ni les hypothéquer, sans l'autorisation du mari et, à son défaut, sans celle de justice. Si elle n'a eu aucune de ces autorisations, l'acte est nul pour ce seul fait, sans qu'il y ait à examiner s'il y a lésion ou non: c'est la nullité pour défaut de forme. Si l'autorisation voulue a eu lieu, l'acte est pleinement valable, lors même qu'il y aurait lésion.
670. Telles sont les solutions que, selon nous, les principes commandent d'admettre sous le Code français.
On va les trouver formellement proclamées pour le Projet, de façon à prévenir les controverses qu'on regrette tant de rencontrer, en France, sur des sujets si importants.
En supposant que le futur Code doive s'écarter peu de la théorie française, telle que nous venons de la présenter, trois questions sont à résoudre pour les actes faits par le tuteur: quelle est leur valeur: 1° Quand les formes et conditions prescrites par la loi n'ont pas été observées par lui; 2° Quand elles l'ont été; 3° Quand aucune forme particulière ne lui était imposée ?
671. Sur la première question, il n'est douteux pour personne que l'inobservation des formes prescrites doive rendre l'acte annulable: ces formes sont établies dsns l'intérêt du mineur, elles ne peuvent être impunément négligées. Telle est la disposition formelle du 1er alinéa de notre article 569.
Il ne faudrait pas, cependant, aller jusqu'à dire que ces actes sont radicalement nuls, pour vice de formes: les formes dont il s'agit ne sont pas de celles qui rendent les contrats solennels (voy. art. 321 et 325 in fine), elles suppléent seulement à la capacité qui manque au mineur et, en leur absence, l'incapacité subsiste. Mais aussi, on n'aura pas à examiner si l'acte lèse ou non le mineur, comme on le recherchera dans les cas prévus à l'article suivant: il y a une sorte de présomption légale absolue que le mineur est lésé quand le tuteur n'a pas observé les formes et conditions que la loi lui a imposées dans l'intérêt de celui-ci.
Cette action en nullité qui est le résultat le plus saillant de l'incapacité du mineur ne sera pas seulement ouverte au mineur devenu majeur, elle peut même être exercée par le tuteur lui-même qui remplit encore son office en réparant sa propre faute.
672. La deuxième question est implicitement résolue par le même alinéa: l'acte accompli régulièrement par le tuteur n'est pas rescindable. On ne pourra soutenir, au Japon, comme cela est trop fréquent en France, que l'acte régulier du tuteur est rescindable pour lésion: on réservera ce secours pour le cas où les mêmes actes auraient été faits par le mineur lui-même, ce qui est déjà une irrégularité, s'il n'y en a pas d'autres.
A quoi servirait donc, en effet, que le tuteur eût observé les formes prescrites, si l'acte n'était pas alors à l'abri de toute attaque ? Quelles garanties auraient les tiers ? Qui voudrait traiter avec le tuteur, même pour les actes les plus nécessaires au pupille, s'il n'était sûr de conserver les avantages de son acte (g) ?
673. La troisième question doit se résoudre comme la précédente et par un raisonnement sinon identique, au moins analogue: lorsqu'au eu ne formalité n'est imposée au tuteur, à cause de la simplicité de l'acte, ses pouvoirs sont les mêmes que si, soumis à des formalités, il s'y conformait; l'acte accompli par lui est aussi régulier dans un cas que dans l'autre et l'intérêt du mineur demande encore davantage la sécurité des tiers contractants, car ces actes qui sont les plus simples sont aussi les plus fréquents et les plus nécessaires, soit aux biens, soit à la personne même du mineur.
Le 1er alinéa de notre article assimile le tuteur de l'interdit à celui du mineur; cette assimilation est constante et toute naturelle; le texte même, par sa généralité, s'applique aussi bien au tuteur de l'interdit légalement qu'à celui de l'interdit judiciairement.
674. Les mêmes solutions sont encore étendues, à l'interdit, au mineur, émancipé ou non, au prodigue et au faible d'esprit pourvus d'un conseil judiciaire, lorsque leurs actes ont été irrégulièrement accomplis; en remarquant, avec le texte, que les actes de l'interdit sont toujours annulables, comme irréguliers, sans distinction (2e al.).
A l'égard du mineur émancipé il ne suffit pas toujours, pour que ses actes soient valables, qu'il soit assisté de son curateur: il lui faut souvent l'autorisation du conseil de famille et même celle du tribunal, comme au tuteur d'un mineur non émancipé. Pour le prodigue et pour le demi-interdit par suite de faiblesse d'esprit, il suffit de l'assistance du conseil judiciaire; mais elle leur est plus nécessaire qu'au mineur émancipé l'assistance de son curateur. On verra, sous l'article suivant, cette différence profonde entre le mineur émancipé et le prodigue, relative à des actes irréguliers. Mais, dans tous les cas, chaque fois que la loi a été observée par eux, suivant ses exigences, l'acte reste et doit rester inattaquable, sans qu'il y ait à rechercher s'il y a eu lésion ou non.
675. Le 3e alinéa de notre article tend à prévenir une exagération de la validité des actes dont il s'agit: lorsque la loi met à l'abri de la rescision les actes réguliers des incapables, elle ne veut parler que de la rescision fondée sur l'incapacité; il va de soi que si l'acte présentait quelque autre vice qui permît à un majeur de le faire rescinder, le mineur et son représentant n'auraient pas moins de droits: par exemple, si le consentement du tuteur ou du mineur émancipé avait été entaché d'erreur ou obtenu par violence, ou si l'acte produisait pour le mineur une lésion contre laquelle les majeurs eux-mêmes sont admis à la restitution.
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(f) On en a fait nn axiome latin: llestitu£tur, non tanquàm mlnor, sed tanquàm lœsus; " Il est restitué, non comme mineur, mais comme lésé."
(g) La même question, soulevée en droit romain et résolue comme ci, donnait lieu au même raisonnement: " personne n'achèterait du tuiteur," nemine scilicet entente.
Art. 570. — 676. La loi suppose ici que des actes ont été faits, non plus par le tuteur, mais par le mineur lui-même. S'il s'agissait d'actes soumis à l'autorisation du conseil de famile ou du tribunal, comme, évidemment, ces conditions n'auraient pas été remplies, les actes seraient annulables pour ce seul défaut, comme ils le seraient s'ils avaient été faits par le tuteur avec la même irrégularité. Mais on suppose que c'étaient des actes que le tuteur aurait pu faire seul, comme un contrat de louage, une vente ou un achat de meubles; dans ces cas, la loi ne considère pas l'absence du tuteur comme devant faire nécessairement présumer un préjudice pour le mineur: elle veut qu'il en soit fourni une preuve directe, et alors l'acte sera annulable pour lésion (h).
Au reste, quelle que soit l'importance de la lésion, elle suffit pour motiver la rescision: la loi n'en fixe pas le minimum, comme pour les majeurs; cependant, les tribunaux ne devraient pas tomber dans l'exagération, en tenant compte d'une perte insignifiante et que le mineur n'allèguerait peut-être que pour faire rescinder un acte qu'il regretterait plutôt par caprice que par un intérêt légitime.
Une autre différence avec la rescision pour lésion accordée aux majeurs, c'est qu'il n'est pas nécessaire qu'elle soit appréciable en argent: ainsi, si un mineur avait pris à loyer une habitation dans un quartier mal famé ou malsain, il pourrait faire rescinder le contrat; s'il avait acheté des objets d'art ou de luxe, même à un prix modéré, mais sans utilité pour lui, on pourrait dire qu'il est lésé dans ses intérêts, quoiqu'il ne fût guère possible d'estimer cette lésion en argent: dans ce cas, l'action en rescision lui appartiendrait et pourrait être exercée par son tuteur plus prévoyant que lui.
677. La loi (2e al.) accorde la même protection au mineur émancipé qui a traité seul, dans un cas où il aurait dû être assisté de son curateur; mais toujours en supposant qu'aucune autre condition n'était exigée pour cet acte: autrement, il aurait l'action pour la seule inobservation de cette condition. Si donc le mineur émancipé est lésé par son acte, d'une manière appréciable, "en argent ou autrement," il aura l'action en rescision; dans le cas contraire, l'acte sera inattaquable, quoique peut-être le mineur le regrette, par caprice ou par quelque circonstance extrinsèque.
La loi n'a pas à s'expliquer directement sur l'acte du mineur émancipé qui n'était pas même soumis par la loi à l'assistance du curateur, par exemple, pour un acte d'administration; il est clair que, dans ce cas, il est capable comme un majeur: il n'est même pas restituable pour lésion; c'est la solution que fournit l'argument a contrario de l'article 569, 26 al. Le Code français a pris la peine de le dire explicitement (art. 4-81).
Le dernier alinéa nous dit à quel moment il faut se placer pour apprécier la lésion: c'est au moment où l'acte a été fait et non au moment où l'action est intentée; de cette façon si des événements fortuits ont diminué ou détruit la contre-valeur ou les avantages que le mineur, avait reçus et qui se trouvaient équivalents à ceux qu'il avait fournis, la perte sera pour lui. Ainsi, le mineur a acheté des livres utiles qui, depuis, lui ont été volés ou ont péri dans un incendie, il ne sera pas restitué pour lésion. Il faut, du reste, que ces événements soient imprévus, car s'ils avaient été probables ou prévus, soit pour le mineur, soit pour l'autre contractant, la rescision aurait lieu: par exemple, une nouvelleédition plus complète ou plus correcte du même ouvrage était en cours d'impression, ce qui devait nécessairement causer une dépréciation prochaine de la précédente édition.
678. Le cas du prodigue et du faible d'esprit, pourvus d'un conseil judiciaire, n'est pas le même.
Il résulte de ce qui précède que le seul défaut d'assistance du curateur n'autorise pas le mineur émancipé à faire rescinder ses actes, si aucune autre forme n'était d'ailleurs exigée: il faut encore qu'il soit lésé. On pourrait croire qu'il en est de même pour le prodigue ou le faible d'esprit qui ont agi sans l'assistance de lem\ conseil judiciaire. Mais cette assimilation n'est pas possible: les actes pour lesquels l'assistance du conseil judiciaire est requise sont aussi graves et sont à peu près les mêmès que ceux qui, pour les mineurs et interdits, exigent l'autorisation du conseil de famille et même celle du tribunal; tandis que, pour l'émancipé, l'autorisation du curateur n'est suffisante, seule, que pour des actes peu graves ou d'administration. On conçoit, dès lors, que les actes du prodigue ou du faible d'esprit, faits sans, l'assistance du conseil judiciaire, soient aussi annulables que ceux, quelconques, de l'interdit ou ceux du mineur faits sans l'autorisation du conseil de famille ou du tribunal; par conséquent, sans qu'il soit besoin de lésion.
Telle est la disposition, dèjà signalée, du Code français (art. 502) et du Code italien (art. 341). Le l'rojet l'a adoptée au 26 alinéa de l'article précédent.
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(h) C'est la théorie du Code français (art. 1305); mais le Code italien l'a abandonnée: il accorde au mineur l'action en nullité par cela seul que le tuteur n'est pas intervenu (art. 1303-1°); c'est peut-être un excès de protection.
Art. 571. — 679. La loi protégerait incomplètement les deux mineurs, si, pour le seul fait d'une déclaration mensongère de majorité, ils perdaient le droit de faire rescinder leurs actes, soit pour incapacité, c'est-à-dire pour inobservation des conditions prescrites par la loi soit pour lésion dans les autres cas; cette fausse décla-ration ne sera, le plus souvent, que la suite de l'imprudence qui les pousse à contracter irrégulièrement et il serait à craindre aussi que l'autre contractant, pour se mettre à l'abri de la rescision, n'exigeât, pour se couvrir, l'insertion de cette déclaration dans l'acte.
Mais, si le mineur ne s'est pas borné à une simple déclaration de majorité que l'autre partie aurait pu facilement contrôler, s'il a employé des manœuvres frauduleuses pour faire croire à sa majorité, comme la production de pièces fausses, d'actes de l'état civil qui concernent une autre personne ou l'attestation de faux témoins, alors il mérite moins la protection de la loi que l'autre partie et l'acte sera maintenu; il a commis un délit civil dont il est responsable (voy. art. 396), et la meilleure manière d'assurer cette responsabilité c'est de l'empêcher de se soustraire aux conséquences de son acte. C'est aussi la disposition du Code français (art. 1310) et du Code italien (art. 1305).
Bien que cette disposition ne soit écrite dans ces Codes que pour le mineur, il ne faudrait pas hésiter à l'appliquer aux autres incapables, par identité de motifs: par exemple à une femme mariée qui se serait déclarée célibataire, veuve ou divorcée.
Le Projet tranche la question formellement en ce sens.
Art. 572. — 680. Les mineurs ont quelquefois une précoce maturité d'esprit et de talent qui trouverait un utile emploi dans le commerce ou l'industrie: ils peuvent alors être autorisés par leurs parents ou par le conseil de famille a exercer le commerce ou à se livrer à des entreprises industrielles.
En France, ils doivent pour cela être préalablement émancipés (v. c. civ., art. 487 et c. com., art. 2) et il sera naturel d'exiger la même formalité au Japon.
Dans cette situation, le mineur doit évidemment avoir une plus grande capacité qu'un émancipé ordinaire: de là, la formule, empruntée au Code français qu'il " est réputé majeur pour les actes relatifs à son commerce seulement, le Projet ajoute " ou à son industrie," parce qu'il a prévu aussi un établissement industriel, ce que ne prévoit pas formellement le Code français, mais ce qu'il est permis d'induire de l'article 1308.
Il ne faut pas d'ailleurs confondre l'artiste ni le simple artisan avec un industriel: le mineur pourrait exercer un art ou un métier, sans être un industriel proprement dit et sans avoir besoin pour cela d'une autorisation en forme ni d'obtenir l'émancipation: l'exercice d'un art ou d'un métier peut être pour le mineur un moyen honorable de vivre et il n'engage pas, comme une industrie manufacturière, des capitaux plus ou moins considérables et une responsabilité illimitée: l'artiste ou l'artisan aura donc la capacité de contracter pour l'exercice de son art ou de son métier.
Il a paru dangereux d'accorder ici au mineur commerçant ou industriel une pleine et entière capacité: on pouvait réserver au Code de Commerce le soin de limiter cette capacité; mais, pour plus de simplicité, on introduit ici la seule exception que l'expérience paraÎsse réclamer: on ne défend pas au mineur commerçant d'emprunter, même d'hypothéquer ses immeubles, parce que, dans le commerce et dans l'industrie, les besoins d'argent sont souvent pressants et imprévus, et qu'une entrave, à cet égard, pourrait entraîner la faillite du mineur, au grand préjudice de son avenir; mais on lui défend d'aliéner ses immeubles, à moins de suivre les formalités ordinaires imposées aux mineurs non commerçants et non émancipés. C'est aussi la théorie du Code de Commerce français (art. 6).
La loi ne dit rien du mineur qui, étant propriétaire 011 fermier d'un sol, voudrait y établir ou y continuer une exploitation agricole: comme les actes ordinaires qui se rapportent à l'agriculture sont, en général, des actes d'administration (louage d'ouvriers, achats d'instruments aratoires, ventes de denrées), le mineur émancipé les ferait valablement et le mineur non émancipé ne pourrait les attaquer que pour lésion. A l'égard des emprunts et autres actes soumis à des autorisations, l'un et l'autre mineur seraient soumis au droit commun des matières civiles: l'agriculture ne les demande pas comme le commerce et ils y sont plus dangereux.
Art. 573. — 681. L'incapacité de la femme mariée ne sera réglée qu'au sujet du Mariage qui unit les personnes et du Contrat de mariage qui règlemente les rapports pécuniaires des époux.
En France, la femme est déclarée incapable, d'une façon qui paraît assez générale, par les articles 215 à 226, au Titre du Mariage; mais, en réalité, cette incapacité ne va pas jusqu'à lui enlever l'administration de ses biens: au Titre du Contrat de mariage, la femme est reconnue capable d'administrer ses biens d'après le régime nuptial adopté par les époux, quant à leurs biens (comp. art. 223, 1536 et 1576); c'est pourquoi les articles 1124 et 1125 ne déclarent la femme incapablë " que dans les cas exprimés par la loi."
Ce n'est pas ici le lieu de prévoir ce que le Projet pourra emprunter de ces dispositions; on se borne à renvoyer aux dispositions ultérieures de la loi, comme a fait le Code français lui-même; l'expression de " Droits et Devoirs respectifs des époux " est elle-même empruntée à deux rubriques du Code français (Livre Ier; Titre v, Chap. VI, et Livre III, Titre v).
Art. 574. — 682. L'action en rescision ne doit être qu'un secours contre une perte: elle ne peut être l'occasion d'un profit illégitime, ce qui arriverait, si celui qui fait rescinder un acte pouvait, en recouvrant ce qu'il a aliéné ou en se trouvant libéré d'une obligation, conserver la contre-valeur qu'il aurait reçue. La loi l'oblige donc à la restituer. Elle applique ici le principe général que " nul ne doit s'enrichir sans cause légitime aux dépens d'autrui," principe qui a été établi en son lieu (ci-dessus, art. 381 et suiv.) et déjà. soilvent appliqué, notamment, par l'article 479.
Mais on trouve ici une nouvelle différence entre les personnes capables (i) et les incapables: les premières doivent, en principe, restituer, soit identiquement, soit par équivalent, tout ce qu'elles ont reçu, lors même qu'elles en auraient perdu tout ou partie par accident; cependant, ce principe se trouve tempéré par un autre, non moins puissant, qu'il est bon de rappeler: si ces personnes avaient reçu un corps certain qui aurait péri ou se serait détérioré sans leur faute et avant qu'elles fussent en demeure, elles se trouveraient libérées d'autant (art. 561). Ainsi, un majeur qui aurait aliéné un immeuble par erreur et qui obtiendrait la rescision de la vente devrait restituer tout le prix qu'il en aurait reçu, lors même qu'il prouverait n'en avoir pas profité; mais s'il avait acquis un immeuble, également par erreur, et que l'immeuble eut péri, en tout ou partie, sans sa faute, il ne serait tenu de restituer que ce qui en resterait et il recouvrerait tout le prix par lui payé (j).
683. Il en est autrement, au moins au premier cas, celui d'aliénation, si la rescision est demandée par un incapable; il ne doit restituer du prix que l'enrichissement qui lui reste: il ne serait pas complètement secouru par la loi, s'il devait rendre l'équivalent de valeurs qu'il aurait dissipées, et celui qui a contracté avec lui doit s'imputer son imprudence. Toutefois, on devrait tempérer la règle au profit du défendeur, en faisant restituer par l'incapable les valeurs qu'il aurait dissipées à dessein, avant la demande, soit en la retardant dans ce but, soit en voulant échapper à l'une des conséquences de la demande préparée par le tuteur; il y aurait alors un dol contre lequel le mineur ne peut être secouru.
La loi a cru devoir indiquer, en terminant, que l'action en restitution dont il s'agit n'est pas soumise au délai de cinq ans, ce qu'on aurait pu croire, à cause de son lien avec l'action en rescision; mais, il est évident qu'elle repose sur un tout autre principe, qu'elle a un tout autre but et que les questions de preuves qu'elle soulève -n'ont aucun rapport avec celles qui sont à produire pour la rescision; c'est donc le cas de la prescription ordinaire de trente ans (v. art. 1487), comme pour tout autre cas de restitution de ce qui a été reçu indûment ou ne peut être conservé sans cause (v. n° 659).
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(i) C'est dans le sens général de personnes capables que le texte parle du majeur.
(j) On pourrait croire qu'il faut considérer le demandeur en rescision comme étant en demeure de restituer dès l'instant où il a formé sa demande: on dirait qu'il est déraisonnable d'exiger une mise en demeure par le défendeur qui, généralement, conteste la demande: ce serait un nouveau cas de constitution en demeure de plein droit. Mais il paraît plus juste de ne pas admettre cette rigueur: le demandeur ne doit pas être tenu de restituer l'objet qu'il a reçu, tant qu'il n'a pas lui-même obtenu satisfaction; il doit jouir du droit de rétention, jusqu'à ce qu'il ait obtenu la nullité de son engagement et les satisfactions qui lui sont dues; donc, jusque-là, la chose n'est pas à ses risques.
Art. 575. — 684. C'est un principe général déjà rencontré, et qu'on trouvera souvent appliqué, que Il personne ne peut conférer plus de droits qu'il n'en a luimême " et que £l celui qui n'a que des droits annulables ou résolubles ne peut conférer que des droits de la même nature " (k).
Les cas où l'action en rescision, en résolution ou en révocation ne peut atteindre les tiers sont exceptionnels, au moins pour les aliénations d'immeubles, car, pour les meubles, les tiers de bonne foi sont, au contraire presque toujours à l'abri de la revendication et des autres actions réelles (v. art. 1481).
Le principe énoncé se trouve appliqué ici et la loi a bien soin de le limiter aux aliénations d'immeubles. Il a déjà été annoncé et on a vu sous les articles 372 et 373 auxquels notre article renvoie, que la loi a pris des précautions pour que les tiers fussent avertis tant de la demande en rescision que du retour du bien aux mains de l'ancien propriétaire; le moyen est la transcription ou, tout au moins, la mention en marge de la transcription déjà faite. Ce n'est pas le cas de revenir sur cette matière déjà longuement traitée (v. nos 223 et 224).
On remarquera que la loi ne fait pas figurer ici la rescision pour dol; on se souvient, en effet, que le dol n'est pas un vice du consentement, si l'erreur qu'il a produite n'a pas ce caractère en elle-même: il n'est qu'un fait dommageable donnant lieu à des dommages-intérêts, à une réparation, dont la rescision est le mode le plus simple et le plus complet; mais cette action est purement personnelle contre l'auteur du dol, elle ne peut atteindre lesacquéreurs, quand c'est une aliénation qui a été obtenue par dol (voy. art. 333).
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(k) Voy. c. civ. fr., art. 2125, où se trouvent traduits les deux axiomes célèbres déjà cités: Nemo plus juris in alium conferre potest quàm ipse habet; Resoluto jure dantis, resolritur,jus acci,*pienti.s.
Art. 576. — 685. Le demandeur en rescision pour lésion n'a, en général, qu'un intérêt pécuniaire à la rescision; cet intérêt cesse si le défendeur offre de parfaire la différence entre la valeur fournic et la valeur reçue. Mais ce moyen de satisfaction n'est pas toujours possible, lorsque la partie lésée est un mineur, puisque la loi autorise celui-ci à faire valoir même une lésion qui n'est pas appréciable en argent (v. art. 570 et n° 676).
Le Code français n'a pas posé ce principe d'une façon aussi large: il l'a appliqué, il est vrai, au majeur qui demande la rescision, soit d'un partage de succession (art. 891), soit d'une vente d'immeuble (art. 1618 et 1681); mais on peut hésiter à étendre cette disposition au mineur, même quand il n'est lésé que pécuniairement.
Le Projet généralise la mesure. Il veut d'ailleurs que l'indemnité de la lésion soit entière, tandis que le Code français, au moins dans le cas de la vente d'immeuble, permet au défendeur, à l'acheteur, de retenir, comme profit du contrat, un dixième de la valeur réelle de la chose; dans le cas de partage, l'indemnité de la lésion doit être entière, la loi ne parlant d'aucune déduction, et si on admet que la rescision au profit du mineur lésé puisse être arrêtée par une indemnité, elle doit avoir lieu également sans déduction, car une disposition de ce genre n'est pas de celles qui puissent s'étendre par analogie.
L'offre dont il s'agit peut être faite, non seulement au début de l'instance et pendant toute sa durée, mais même après le jugement, tant qu'il est susceptible d'appel: jusque-là, il ne constitue pas un droit acquis pour le demandeur. Sans doute, le défendeur n'a plus le même mérite à offrir une somme à laquelle il a été condamné en première instance; mais la loi doit favoriser autant que possible la cessation des procès, en conciliant les divers intérêts. Si l'appel n'était plus recevable ou était jugé, le droit d'offrir l'indemnité de la lésion serait éteint: le défendeur ne le conserverait pas par un pourvoi en cassation, lequel ne permettrait plus de discuter les faits de la cause; pour que le droit d'offrir l'indemnité reparut, il faudrait qu'il y eût eu cassation de la décision d'appel et renvoi à une autre cour.
Art. 577. — 686. Le fait seul, par la partie qui pourrait faire rescinder son engagement, de laisser écouler le délai de cinq ans sans agir, emporte confirmation ou ratification tacite de ladite convention (l).
Mais il y a d'autres confirmations tacites et il peut y avoir aussi une confirmation expresse: elles font l'objet des articles suivants.
Remarquons seulement que l'une et l'autre confirmation n'ont de valeur que lorsque l'incapacité a cessé, lorsque l'erreur a été découverte, etc., en d'autres termes, lorsque la partie intéressée à agir en nullité ne rencontre plus d'obstacle de droit ou de fait à donner un consentement parfait, ce que la loi exprime d'une façon générale en se référant à la situation identique énoncée à l'article 567 et qui sert de point de départ à la prescription de cinq ans.
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(l) La renonciation à l'action en nullité porte, dans le Code français les deux noms de Il confirmation on ratification," considérés comme synonymes (art. 1338-à 1340); mais il vaut mieux n'employer que celui de ' coiifiriiiatioii," pour éviter une confusion avec la ratification des actes d'un gérant d'affaires.
Une autre différence plus sérieuse entre le Projet japonais et le Code français est la place donnée à cette matière: au Code français, elle se trouve dans la matière des preuves, ce qui est difficile à justifier; sans doute, l'acte "confirmatif ou ratificatif" servira de preuve, s'il est écrit mais il ne l'est pas toujours et ce n'est pas là son principal caractère: il intéresse plus le fond du droit que la preuve. Le Code italien, avec raison, l'a placé ici (voy. art. 1309 à 1311).
Art. 578. — 687. La forme expresse pour la confirmation n'est exigée que dans un seul cas (voy. le 3e al.); hors ce cas, elle n'a guère d'autre avantage sur la confirmation tacite que celui d'être indiscutable. La loi indique trois conditions nécessaires pour que la confirmation soit expresse:
1° Que l'acte de confirmation reproduise, sinon la teneur littérale de la convention primitive, au moins sa substance, c'èst-à-dire ses dispositions principales, et cela, afin qu'il n'y ait point de doute sur l'identité de l'acte qu'on a voulu confirmer;
2° Que la cause de nullité ou rescision dont l'acte était entaché soit énoncée; la loi n'ajoute pas qu'elle doit l'être clairement, mais cela va de soi;
3° Que le contractant déclare sa volonté de valider l'acte, soit en renonçant à son action en nullité, soit en confirmant, en ratifiant, en approuvant l'acte: aucune expression n'est obligatoire ou sacramentelle, c'est toujours la clarté, la précision, qui est nécessaire.
688. Le 2e alinéa est à remarquer: non seulement la loi n'accepte pas une confirmation faite en termes généraux, puisqu'elle demande l'énonciation spéciale du vice ou des vices du contrat, mais elle a soin de dire que la confirmation n'efface que les vices formellement énoncés. Ainsi, celui qui aurait confirmé une convention entachée d'erreur sur les qualités principales ou substantielles, alors qu'il imputait son erreur à son inattention, conserverait l'action en nullité pour dol, s'il prouvait que son erreur n'a pas. été spontanée, mais a été produite par des manœuvres frauduleuses. De même, celui qui aurait confirmé une convention par lui consentie en minorité, en énonçant la lésion comme cause de nullité, conserverait le droit de la faire annuler pour inobservation des formes et conditions prescrites par la loi (comp. art. 1419).
Mais ce principe doit être tempéré par la considération que, quelquefois, une confirmation en implique une autre par une plus forte raison (a fortiori). Ainsi, en renversant les deux dernières hypothèses, celui qui aurait renoncé à l'action en nullité pour dol, ne pourrait plus demander la nullité pour la même erreur, en la prétendant spontanée; celui qui aurait renoncé à la nullité pour inobservation des formes ne pourrait plus la demander pour lésion, comme mineur: ayant, dans ces deux cas, renoncé à l'action plus favorable, il a, par cela même, renoncé à celle qui l'est moins.
Peut-être devrait-on dire qu'il y a dans ce cas confirmation tacite pour le vice non exprimé: ce serait le moyen de lever tous les doutes sur la solution. La confirmation tacite, en effet, n'est pas limitée (sauf le cas qui va suivre); la loi, à l'article ci-après, en énonce quelques cas, comme présumés à ses yeux; mais elle terminera en laissant les autres cas à l'appréciation des tribunaux.
689. La disposition finale de cet article est à remarquer, comme étant le seul cas où la loi exige une confirmation expresse. Lorsqu'un majeur est lésé et se trouve dans un des cas exceptionnels où la loi lui accorde la rescision de ce chef, il ne serait pas suffisamment protégé si l'exécution volontaire ou les autres faits prévus à l'article suivant lui enlevaient le droit de se faire restituer, puisque, justement, dans ce cas particulier, la loi ne s'occupe pas du moment oi) il a reconnu la lésion et se borne à lui donner, à cet égard, un assez court délai pour la découvrir et la faire valoir. La loi ne peut donc lui retirer l'action avant le délai que s'il a formellement déclaré connaître la lésion et abandonner son droit à la rescision. En outre, il faut que sa déclaration soit tout-à-fait distincte de l'acte qui constitue la lésion et lui soit postérieure en date: autrement, l'acte qui contiendrait, en même temps, la lésion et la confirmation opérerait toujours une lésion; en outre et surtout, cette confirmation ou renonciation à la rescision serait toujours exigée par l'autre contractant et elle deviendrait de style, dans les contrats où l'action en rescision est admissible, comme dans la vente d'immeuble et le partage entre copropriétaires.
Le Code français, sans exiger formellement que la ratification contre la lésion soit expresse, défend, au moins, qu'elle ait lieu dans l'acte même (voy. art. 888 et 1674). s.
Le Code italien qui a les mêmes prohibitions paraît même défendre toute confirmation expresse ou tacite au cas de lésion (art. 1309, 4e al.), ce qui est peut-être un excès de protection et a le grave inconvénient de laisser une trop longue incertitude planer sur un droit de propriété immobilière.
Art. 579. — 690. La loi présente ici plusieurs cas de confirmation tacite: on y doit voir une présomption légale d'intention fondée sur des faits précis et significatifs: l'exécution volontaire est peut-être la confirmation tacite la plus certaine; il n'est pas nécessaire d'ailleurs qu'elle soit totale; il suffit qu'elle soit partielle, et ce sera fréquent, lorsqu'il s'agit d'une obligation divisible par périodes; mais, si le débiteur qui pourrait être tenu de payer le tout à la fois, ne payait qu'une partie, en protestant ou en faisant des réserves pour le surplus, alors, on ne devrait plus voir dans son payement partiel une confirmation tacite pour le reste.
L'exécution forcée, obtenue sur des poursuites judiciaires ou en vertu d'un acte exécutoire sans jugement, pourrait faire doute, en tant que constituant une COllfirmation tacite de la part de celui qui la subit (non de la part de celui qui la requiert). En France, on hésite sur ce point, ou on néglige de le traiter. Le Projet s'en explique: l'exécution forcée est assimilée à l'exécution volontaire, si elle n'est pas accompagnée de réserves ou protestations. Du reste, si l'exécution a lieu en vertu d'un jugemeut, la question ne se présente que s'il s'agit d'un jugement exécutoire provisoirement, avant d'être irrévocable; car, une fois que la décision - sera devenue inattaquable, ce n'est plus la confirmation tacite qui enlèvera l'action en nullité, c'est l'autorité de la chose jugée.
691. La novation, la dation, par le débiteur, d'une caution, d'un gage ou d'une hypothèque, sont aussi des actes volontaires qui enlèvent l'action en nullité, parce qu'elles présupposent une reconnaissance de la validité de la dette qui leur sert de base (voy. art. 517).
La demande faite en justice par le créancier n'est pas moins significative que l'exécution.; elle a peutêtre plus encore le caractère d'une confirmation, car elle ne pourrait, raisonnablement, être accompagnée de protestations ou réserves.
692. Enfin, l'aliénation volontaire de tout ou partie d'une chose acquise par une convention annulable est, à bon droit, considérée comme une renonciation tacite à la nullité: le fait par l'acquéreur de tirer profit de son acquisition, par un acte qui transforme cette partie de son patrimoine, est aussi significatif, dans le sens d'une approbation du contrat primitif, que les autres actes sus-énoncés. Il y a même une raison de plus de la décider: celui qui a conféré des droits ne peut luimême en dépouiller ses ayant-cause; c'est un cas de garantie essentielle à laquelle on ne peut se soustraire, même par une stipulation expresse (v. art. 416. et n08216, 336, 337 et 337 bis; comp. c. fr., art. 1626); or, si le premier acquéreur, après avoir aliéné, à son tour, prétendait obtenir la rescision de son acquisition contre son cédant, il causerait l'éviction de son cessionnaire, il lui devrait la garantie et il perdrait ainsi tout intérêt à la rescision.
Il ne faut pas confondre ce cas avec celui qui est prévu à l'article 575, où l'action en rescision peut atteindre les tiers-acquéreurs: dans le cas de cet article, l'aliénation a été faite, non par le demandeur à la rescision, mais par le défendeur, et alors ce n'est plus celui qui évince les tiers qui leur doit la garantie (comp. art. suiv.).
Le Code français n'a pas posé d'une façon générale le principe que l'aliénation des choses reçues dans une convention annulable opère confirmation tacite de celleci; on le trouve seulement appliqué par l'article 892 qui ne prévoit que l'action en rescision du partage de succession et qui, dans ses termes, est limité au cas de rescision demandée pour dol ou violence. Le Projet l'applique à la rescision de tous autres actes que le partage et pour toute autre cause que celles de dol et de violence, en excluant toutefois le cas de lésion, pour lequel la loi n'admet que la confirmation expresse, par le motif déjà énoncé.
693. Le deuxième alinéa laisse aux tribunaux le soin de reconnaître les autres cas de confirmation tacite, car la loi ne peut prévoir tous les cas où l'on pourrait raisonnablement l'induire des circonstances; seulement, ils ne devront qdmettre d'autres confirmations tacites qu'avec une grande réserve. Le motif qui nous a fait introduire cette disposition une première fois et qui nous la fait maintenir, après hésitation, c'est que les tribunaux pourraient bien admettre un consentement tacite formant un contrat (v. art. 328, 2e al.); or, on ne voit pas pourquoi ils ne reconnaîtraient pas, au moins aussi aisément, la confirmation d'une convention imparfaite.
Les tribunaux auraient-ils aussi un certain pouvoir d'apprécier et de rejeter les cas de confirmation tacite admis plus haut par la loi ? Ou bien, y a-t-il là une présomption absolue de confirmation ? Si la question était posée au sujet du Code français, la solution serait autre que celle que nous allons donner pour le présent Projet.
D'abord, le Code français ne qualifie pas " présomption" sa disposition correspondant à la nôtre (v. art. 1338, 2e al.); on pourrait donc y voir une décision impérative, au sujet de laquelle il ne peut être question de faire une preuve contraire. Ensuite, fût-ce dans ce Code une présomption, elle serait de celles qui n'admettent d'autre preuve contraire que celles de l'aveu et du serment judiciaires, aux termes de l'article 1352-2°, car ce serait un cas "où la loi dénie l'action en justice et " où elle n'a pas réservé la preuve contraire."
Mais ici le cas est trois fois différent: d'abord la disposition de la loi est formellement qualifiée " présomption " (3); ensuite, la preuve contraire des présomptions légales d'intérêt privé n'est exclue que dans trois cas parmi lesquels le nôtre ne figure pas (v. art. 1423); enfin, la loi réserve formellement la preuve contraire aux autres présomptions légales dites "simples," avec cptte seule restriction que chaque preuve y sera " soumise à ses limites et conditions propres," ce qui vise surtout la preuve testimoniale et les présomptions de fait (v. art. 1424).
Concluons donc que les présomptions de notre article 579 pourraient être combattues par la preuve contraire. Ainsi, lorsqu'il s'agit de l'exécution volontaire, il ne faudrait pas absolument considérer comme confirmation tacite le fait, par la partie demanderesse en rescision, d'avoir pris livraison d'une chose acquise par le contrat annulable: elle pourrait avoir pris livraison dans la crainte de l'insolvabilité prochaine du défendeur; le plus sûr aurait été pour elle de faire des réserves; mais le fait de prendre livraison d'une chose vendue aurait toujours moins clairement le sens d'une confirmation que le fait d'en payer le prix.
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(3) Ce n'est que dans la présente édition que nous avons nous-même introduit la qualification de "présomption; mais elle était bien dans l'esprit de la première rédaction, puisque la même question était déjà sonlevée et résolue comme elle l'est ici.
Art. 580. — 694. Le Projet exprime ici, avec plus de précision, une idée semblable qui se trouve aussi dans les Codes français et italien, mais sous une forme trop laconique, car on se borne à y réserver "les droits des tiers" (v. n° 221, n). D'abord, le mot tiers n'est pas sans danger; car, le plus souvent, et ici notamment, ceux que la loi française appelle "tiers" sont, en réalité, des ayant-cause, et notre texte l'exprime formellement En outre, cette formule générale réservant "les droits des tiers " prête à l'équivoque ou paraît une contradiction, dans une matière où l'on a eu à dire que l'action peut s'exercer " contre les tiers" (v. art. 575): la contradiction ne disparaît que si l'on remarque que les premiers tiers étaient, en réalité, les ayant-cause du défendeur à la rescision, tandis qu'ici ils sont les ayant-cause du clemandeur ou, du moins, de celui qui serait demandeur, s'il ne confirmait pas son acte.
Un exemple fera bien comprendre le cas réglé par cet article. Un mineur a aliéné un immeuble sans suivre les formalités prescrites par la loi: il a l'action en nullité, pour sa seule incapacité de faire un tel contrat, indépendamment de toute lésion déterminée; plus tard, il aliène le même immeuble, soit après sa majorité, soit étant encore mineur, mais alors, par l'intermédiaire de son tuteur et suivant les formes prescrites par la loi; cette seconde aliénation n'a de valeur que parce que la première est rescindable: le nouvel acheteur est, eu quelque sorte, cessionnaire de l'action en rescision; par un dernier acte, le majeur, ou le mineur dûment représenté, confirme ou prétend confirmer la première aliénation; il ne le peut pas, au moins en tant que cette confirmation nuirait à son second cessionnaire: il lui doit la garantie d'éviction, il ne peut donc opérer lui-même cette éviction en détruisant les droits qu'il a conférés.
La confirmation ne sera cependant pas dénuée d'effet entre les parties contractantes Telle obligera le cédant (l'ex-mineur) à la garantie ou indemnité envers son premier cessionnaire: en confirmant la vente d'une chose dont il ne peut plus disposer, le cédant est dans la position ordinaire de celui qui vend la chose d'autrui: il est essentiellement garant de l'éviction et d'autant plus rigoureusement que " l'éviction résulte d'un fait qui lui est personnel " (voy. les citat. du n° 692) et qui, de plus, est postérieur à son aliénation.
On pourrait donner un exemple plus simple et encore plus frappant: supposons que celui auquel appartient une action en rescision ou nullité cède directement ladite action, ce qui revient à céder le droit que l'action tend à recouvrer; plus tard, il déclare confirmer la convention annulable: cette confirmation ne pourra nuire au cessionnaire.
Quant à la qualification de tiers ou d'ayant-cause a donner au cessionnaire, elle a déjà été expliquée précédemment sous les articles 358 et 365 (v. nos 148, 149 et 176): le cessionnaire est ayant-cause de son cédant, puisqu'il acquiert les droits de celui-ci; mais il est tiers par rapport à celui auquel la confirmation est consentie plus tard, par cela seul qu'il a contracté avant la confirmation.
Art. 581. — 695. Il va de soi qu'un acte radicalement nul ne peut être confirmé: la remarque en a déjà été faite (n° 659); si la loi prend la peine de l'exprimer ici, c'est surtout pour introduire ou, au moins, pour annoncer les exceptions qu'on trouvera plus loin.
Le Code français n'a pas posé le principe, mais il l'a appliqué à un cas particulier (art. 1339) (m) et il y a apporté une exception (art. 1340).
Comme ces exceptions se rattachent surtout aux obligations naturelles c'est à l'Appendice seulement qu'il en sera traité dans le Projet (voy. art. 591).
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(m) Il s'est glissé dans le texte officiel de cet article 1339 une faute de ponctuation qui change un peu le sens de la disposition; elle n'était ni dans le Projet primitif, ni dans le Projet définitif. Ceux-ci portaient: " Le donateur ne peut réparer par aucun acte confirmatif les vices d'une donation entre-vifs nulle en la forme; il faut qu'elle soit refaite en la " forme légale." L'article ne prévoyait ainsi qu'un seul vice, le vice de forme solennelle [Vov. FENET, Travaux préparatoires du Code civil, T. If, p. 195 et XII[, pp. 41 et 210]. Le texte officiel, en terminant la première phrase aux mots " entre-vifs," paraît d'abord s'appliquer à tous les vices d'une donation; dès lors, on ne voit plus pourquoi il la suppose seulement " nulle en la forme elle pourrait avoir d'autres vices et ils pourraient être susceptibles de réparation; enfin, la deuxième phrase constitue un raisonnement [le nulle en la forme, il faut qu'elle soit refaite"]; or, ce qui est le rôle naturel d'un interprète de la loi, paraît singulier dans la loi elle-même: la loi dispose, ordonne, défend, mais elle n'a pas besoin de raisonner, de démontrer, ni, en quelque sorte, de se justifier. C'est cette singularité même du texte de l'article 1339 qui nous a suggéré, il y a bien des années déjà, l'idée de remonter au texte des Projets et au Bulletin des Lois, pour le texte officiel (Ille Série, n° 3606). Une simple différence de ponctuation a tout à fait changé et gâté le sens de la loi.
Art. 582. — 696. Déjà l'article 331 bis a prévu l'erreur sur l'époque ou le lieu de l'eæécution de la convention, et il a renvoyé ici pour la même erreur et pour d'autres relatives à l'acte même.
Il n'est pas rare que dans les conventions, soit verbales, soit rédigées par écrit, les parties commettent des erreurs de calcul, de nom des personnes, de date ou de lieu. Il faut examiner la nature de ces erreurs, pour justifier l'imprescriptibilité de l'action qui tend à les redresser. Il ne suffit pas de les qualifier " erreurs matérielles," comme on le fait souvent: il faut aller plus au fond.
697. D'abord l'erreur de calcul. Supposons que dans la fixation du prix de vente d'un terrain, porté dans l'acte à l' tant de yens par 'tsoubo," on ait commis une erreur de multiplication, en plus ou en moins, et arrêté le prix total à un chiffre qui ne cadre pas exactement avec les éléments que fournit le contrat. Il ne faudrait pas voir là une erreur sur l'objet même du contrat, bien que le prix de vente soit l'objet de l'obligation de l'acheteur ou de la créance du vendeur: ce serait une erreur sur la cause, parce que le vendeur n'avait pas de cause de stipuler et l'acheteur de promettre un prix différent de celui que donnaient les éléments de sa fixation, tels qu'ils étaient portés dans l'acte. Pour que l'erreur sur le prix fût une erreur sur l'objet, il faudrait supposer que le vendeur ou l'acheteur se seraient trompés sur la fixation du prix de chaque tsoubo, fixation dont les éléments étaient à chercher en dehors du contrat même: par exemple, dans d'anciens titres ou dans des circonstances locales; mais alors, ce ne aérait plus une erreur de calcul, mais une erreur ordinaire de fait, sur les qualités principales de l'objet (art. 332) et la présente 'disposition ne s'y appliquerait pas.
Si l'erreur de calcul se présentait dans le mesurage du terrain, d'ailleurs déterminé dans le contrat par ses limites, comme elle produirait encore la promesse ou l'acceptation d'un prix ne cadrant pas avec les éléments fournis par le contrat, ce serait encore une erreur sur la cause. Le remède en est indiqué à l'article 139 pour le louage et aux articles 685 et suivants pour vente.
Une autre difficulté se présente ici: l'erreur sur la cause empêche, en général, le contrat de se former: il n'y aurait donc pas de contrat, il ne s'agirait donc plus d'un simple redressement de compte ? Mais il ne faut pas aller si loin: l'erreur sur la cause n'a porté ici que sur la différence, en plus ou en moins, du prix exact que devaient donner des éléments d'ailleurs supposés certains; ce n'est pas la convention tout entière qui est nulle, mais seulement l'excédant ou l'insuffisance du prix, et c'est cette différence qui pourra toujours être redressée.
Le Code français n'a qu'une seule disposition sur ce point: il dit que " l'erreur de calcul dans la transaction doit être réparée " (art. 2058); mais il n'y a aucun doute que cette disposition doive être étendue à tous les COlltrats, et cela, par a fortiori; car la transaction qui est destinée à prévenir ou à faire cesser une contestation était le seul contrat où cette question pût faire quelque doute.
698. L'erreur sur le nom des personnes intéressées ne doit pas se confondre avec l'erreur sur l'identité des parties. On sait que cette erreur sur la personne même de celui avec qui on contracte a une importance plus ou moins considérable, suivant les cas (voy. art. 330 bis). Mais, si la personne, certaine et connue d'ailleurs, a été mal désignée, cette erreur doit ttre réparée pour éviter des difficultés ultérieures; on ne comprendrait'même pas que l'autre partie résistât à cette rectification, si elle n'a pas quelque intention de fraude pour l'avenir.
699. L'erreur de date peut avoir aussi des conséquences graves et fâcheuses, puisqu'elle pourrait faire croire que l'acte a été fait à une époque où l'une des parties était incapable, lorsqu'elle était capable, ou réciproquement. Elle aurait aussi pour effet d'abréger ou d'augmenter la durée de la prescription qui généralement commence à courir de la date de l'acte. Enfin, l'erreur de date pourrait, rapprochée de la date d'un autre acte, changer la position respective des intéressés et faire de tiers qu'étaient les uns des ayant-cause, et réciproquement des autres, puisque la qualité de tiers est presque toujours une question de priorité (voyez encore, à cet égard, les nos 149, in fine et 176; v. aussi art. 1349) (n).
700. L'erreur de lien est peut-êtremême moins fréquente, mais elle se commet quelquefois, quand on fait un acte étant en voyage, ou lorsqu'on vient de s'établir dans un lieu auquel on n'est pas encore habitué (o).
701. Le texte de l'article 582 nous dit que l'action en redressement de ces erreurs est imprescriptible, ce qui suppose, en général, que les droits résultant de l'acte erroné ne sont pas eux-mêmes éteints par prescription: autrement, on n'aurait guère d'intérêt à la rectification.
Il n'est pas difficile de justifier cette imprescriptibilité. La prescription, comme on l'a déjà dit, chemin faisant, et comme on l'établira avec soin en son lieu, est fondée sur une présomption de satisfaction de l'ayant-droit ou d'abandon tacite mais volontaire de son droit; quand il s'agit d'erreur sur les qualités des choses, un consentement exprès ou tacite peut l'effacer ■ mais l'erreur de calcul qui est une erreur sur la cause et les autres erreurs dites " matérielles " ne peuvent être effacées par la volonté: l'homme ne peut changer la valeur des nombres, ni les noms, les temps et les lieux.
702. Il ne faut pas, du reste, confondre l'action en rectification de l'erreur avec la répétition des sommes constituant la différence, laquelle reste prescriptible conformément au droit commun. Ainsi, l'acheteur qui aurait, par erreur de calcul, payé plus que le prix légitimement dû, ne pourrait répéter l'indû au delà du temps de la prescription ordinaire: la répétition des valeurs payées sans cause n'est pas plus imprescriptible que le droit le plus certain d'exiger une valeur en vertu d'un contrat parfaitement régulier. De même le vendeur ne pourrait agir après le temps de la prescription, quelquefois d'un an (v. art. 1496), pour ce qu'il aurait manqué à recevoir du juste prix de la chose vendue: l'action ne peut durer plus longtemps pour le complément du prix que pour le prix principal.
Cette prescriptibilité des droits attachés au redressement de l'erreur ôte, comme on l'a dit, beaucoup d'intérêt au redressement lui-même; cependant, il est bon que le droit d'y faire procéder soit conservé, parce qu'il subsiste toujours un intérêt général à ce que la vérité soit rétablie.
702 bis. Il reste à trancher ici une question de preuve sur laquelle la loi a négligé de se prononcer, considérant que les principes généraux y suffiront. Il est donc nécessaire d'en déduire ici la solution.
Une distinction est à faire: ou le titre constatant la convention présente les éléments du redressement de l'erreur, ou il faut les chercher ailleurs. Au premier cas, la preuve consistera dans la déduction, devant le tribunal, des conséquences nécessaires auxquelles conduisaient les éléments de la convention: il n'y aura pas preuve par le " témoignage de l'homme," mais preuve par " expérience personnelle du juge " (v. art. 1320, 2e al.) (p). Au second cas, la preuve se fera par l'une des preuves appelées " témoignage de l'homme," lato sensu (v. art. 1332), chacune restant soumise à ses limites et conditions propres, notamment la preuve testimoniale (v. art. 1396), et encore la loi se référant directement à notre cas, prend-elle soin de prévenir une exagération des limites de cette preuve (v. art. 1399, 3e al.).
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(n) Les erreurs de date dans les actes privés sont fréquentes: souvent, au commencement d'un mois, on mentionne, par habitude, le mois précédent et surtout, au commencement d'une année nouvelle, on date de l'année écoulée.
(o) S'il nous est permis de citer ici un exemple personnel, nous dirons qu'alors que nous étions, depuis longtemps déjà, au Japon, il nous arrivait cependant, parfois, de dater nos lettres de Paris !
SOMMAIRE.
N° 703. Observation sur la méthode du Projet.
Art. 583. -Sens propre et figuré des mots " résolution, rescision et révocation."
COMMENTAIRE.
Art. 583. — 703. Cette Section et la suivante se réfèrent à deux théories déjà présentées, dont l'objet est plus large que l'extinction des obligations, mais cet effet en a dû être traité alors, pour éviter de morceler les matières où elles se rencontraient; on comprend donc que la loi n'y revienne que pour mémoire et pour marquer leur place dans les causes d'èxtinctiOJ1, ainsi que l'avait annoncé l'énumération de l'article 471 (1).
Le Projet fait encore une plus large concession à la méthode que les Codes français et italien: le premier, en énumérant, comme le Projet, les neuf causes d'extinction des obligations (art. 1234), renvoie, pour la résolution, à un Chapitre antérieur et pour la prescription à un Titre ultérieur; le second fait la même énumération, mais sans renvoi au passé ni à l'avenir, ce qui constitue une lacune complète; enfin, tous deux omettent de mentionner la révocation.
704. Les trois noms de révocation, résolution, rescision, ont déjà été rencontrés, souvent juxtà-posés (art. 372, 373, 556; nos 22 et 220), parce qu'ils ont un caractère commun, à savoir, la destruction, la mise à néant d'un acte qui a existé; tous trois aussi, ils expriment la destruction rétroactive de l'acte, non seulement entre les parties, mais à l'égard des tiers, sauf quelques conditions ou exceptions déjà signalées (ibid. et art. 333, 4e al.); enfin, ils ont, au moins les deux derniers, une signification étymologique et figurée tellement voisine que l'on pourrait, sans scrupules, employer l'une des expressions à la place de l'autre, si l'usage n'avait assigné à chacune son emploi spécial (a).
L'usage et les lois, en effet, ont, depuis longtemps, consacré le mot Il résolution " pour la destruction du contrat, par suite d'un événement postérieur à sa formation, mais auquel la convention ou la loi ont, d'avance, attaché cet effet; le mot " résiliation " est quelquefois aussi employé, avec le même sens, dans la loi comme dans l'usage, spécialement en matière de bail et, dans quelques cas, au sujet de la vente (aa). Le mot " rescision " s'emploie, comme on l'a vu dans la Section précédente, pour le cas où le contrat est détruit en vertu d'un vice de consentement ou d'une incapacité concomitante à sa formation; enfin, le mot Il révocation " s'emploie, d'abord et le plus exactement, pour le cas où un contractant " retire sa parole," reprend ce qu'il a aliéné: spécialement, dans le cas de donation, si le donataire est ingrat ou manque à exécuter les charges qui lui ont été imposées (voy. c. civ. fr., art. 953 et suiv.). C'est pour cette application de la révocation, et d'autres possibles, que le 2e alinéa de notre article renvoie à la matière des Donations (b).
On emploie aussi le nom de " révocation " pour l'action des -créanciers tendant à faire tomber les aliénations ou engagements que le débiteur a consentis en fraude de leurs droits. Le 1er alinéa n'a eu qu'à se référer, à cet égard, aux articles 360 à 364, où l'action révocatoire est présentée avec plus de détails et de précision que dans le trop laconique article 1167 du Code français.
Bien que cette action révocatoire repose, comme l'action en rescision, sur un vice originaire de la convention, sans dépendre d'aucun autre événement postérieur, ce n'était pas une raison pour que la loi la plaçât, même à titre de simple rappel, dans la Section précédente: elle en diffère profondément dans son principe: elle ne présente ni vice de consentement, ni incapacité d'aucun contractant, elle ne tend à protéger aucun d'eux, mais des tiers, car les créanciers, n'ayant pas été dûment représentés, sont des tiers (v. n° 155); enfin, comme elle tend à la réparation d'un dommage injuste, elle n'est pas soumise à la prescription spéciale de cinq ans, mais à la prescription ordinaire de trente ans, à paritr de l'acte frauduleux lui-même; sauf le cas où, les créanciers ont découvert la fraude: la prescription est alors réduite à deux ans (art. 364) (2).
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(1). L'ancienne rédaction réunissait ici, en une seule Section, la révocation et la résolution. 'On les sépare maintenant, parce que déjà la rescision a été l'objet de la Section précédente; mais on laisse au Commentaire le rapprochement inévitable et utile des deux dernières théories et même des trois, pour ce qu'elles ont de commun.
(a) Résolution vient d'un mot latin (resolvere) qui signifie " délier rescision, vient d'un autre mot latin (rescinder e) qui veut dire trancher un lien quant à celui de révocation, il vient aussi d'un mot latin (revocare) qui veut dire " rappeler " ou " retirer sa parole."
(aa) Pour le bail, voir au T. 1er, art. 136,138, 139,147,158,165,176, 180 et 181; n° 208, note b. Pour la vente, voir art. 680, 700, 701,702.
Pour compléter ce qui concerne la résiliation, nous dirons que le mot vient encore du latin, de resilire, " se rejeter en arrière" (se retirer du contrat) et, au fond, l'effet n'en sera pas toujours rétroactif, comme dans la résolution: par exemple, en cas de bail, l'effet ne peut être que pour l'avenir, car on ne peut détruire rétroactivement la jouissance du preneur; par conséquent aussi, les loyers ou fermages qu'il a payés ne lui seront pas rendus. Au cas de vente au contraire, la résiliation rêtroagit.
On trouvera encore dans la vente une destruction rétroactive ducontrat, la rédhibition (v. Tome II 1, art. 741 et s. et n° 333,note a).
(b) Le Code français admet aussi, comme cause de révocation des donations entre-vifs, la survenance d'un enfant légitime au donateur, lorsqu'il n'en avait pas d'actuellement vivant au moment de la donation (art. 960).
Le Texte officiel japonais n'admet la révocation ni pour survenance d'enfant, ni pour ingratitude.
(2) Dans l'ancienne rédaction, le délai était de dix ans pour ce cas; mais, d'accord avec la Commission, un délai de deux ans a été jugé suffisant.
On a omis cette note sous l'article 364, au n° 167.
SOMMAIRE.
Art. 584 et 585. —705. Rappel de la condition résolutoire expresse et tacite. -705 bis. Les trois actions sont, suivant les cas, personnelles, réelles ou mixtes.
COMMENTAIRE.
Art. 584. — 705. On a longuement développé en son lieu la théorie de la condition résolutoire: on a vu que quand elle est stipulée ou expresse, elle opère, de plein droit et sans qu'il soit besoin pour cela d'une action en j ustice, la destruction de la convention et de ses effets, aliénation ou obligation (art. 429 et 442); il n'y a besoin d'une action en justice que pour recouvrer la possession des choses aliénées ou pour faire restituer les valeurs fournies ou payées. Cette action dure autant que les actions réelles ou personnelles ordinaires.
Dans d'autres cas, la condition résolutoire est tacite: notamment, dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties n'exécute pas ses obligations (v. art. 441 et passim); alors, comme il y a toujours nécessité de vérifier et d'apprécier cette inexécution et aussi comme il est bon que les tribunaux puissent accorder un délai de grâce au débiteur, la résolution n'a pas lieu de plein droit et la partie lésée doit former en justice une demande en résolution.
Cette action aussi, dure autant que les actions ordir naires; mais, comme il pourra y avoir quelques cas où la loi croira bon de l'abréger, par exemple, pour défaut de contenance de la chose vendue (v. art. 691) et pour la faculté de rachat (v. art. -723), le texte les réserve ici d'une façon générale (a).
705 bis. Les actions en révocation et en résolution méritent, par leur importance, qu'on s'arrête encore, en terminant, sur leur nature, semblable d'ailleurs à celle de l'action en rescision que nous y joignons ici.
Il faut examiner si elles sont réelles on personnelles et nous pouvons annoncer immédiatement qu'elles ont tantôt un seul de ces deux caractères et tantôt l'un et l'autre réunis.
1° Les trois actions sont parement personnelles, c'està-dire, s'exercent contre une personne déterminée, considérée comme débitrice, lorsqu'elles ont pour objet de détruire contre elle un droit de créance ou la remise d'une dette, illégalement obtenus.
Ainsi une convention productive d'obligation seulement a été entachée d'un vice de consentement ou d'une incapacité; la partie incapable ou dont le consentement a été vicié demande sa libération par l'action en rescision: l'action ne peut être que personnelle, c'est-à-dire, ne peut s'intenter que contre l'autre contractant qui est débiteur de cette libération, qui doit la fournir, à titre de restitution d'un profit illégitime.
Si la convention annulable, au lieu d'avoir été productive d'une obligation, l'a été d'une libération de dette antérieure, comme d'une remise de dette ou d'une compensation conventionnelle, l'action en rescision sera encore personnelle, pour faire rétablir l'ancienne obligation.
Les solutions seraient identiques, si des conventions ayant les mêmes objets étaient révocables pour fraude aux créanciers ou résolubles pour inexécution des conditions.
2° Les trois actions sont, tout à la fois, réelles et personnelles, ou mixtes, si la convention rescindable, révocable ou résoluble, pour les causes connues, a eu pour objet une aliénation ou la constitution d'un droit réel quelconque, mobilier ou immobilier, et que le droit conféré appartienne encore au contractant; celui-ci est alors poursuivi à deux titres, en deux qualités: comme débiteur d'une satisfaction, à raison d'un profit indûment obtenu ou comme possesseur d'une chose ou d'un droit qui ne lui appartient pas légitimement.
Ce caractère mixte de l'action influe sur les pouvoirs du tribunal, qui peut, à la fois, ordonner la restitution des choses ou des droits indûment acquis et condamner à des indemnités conjointes ou subsidiaires. Il influe aussi sur la détermination de la compétence, au moins quand il s'agit de droits immobiliers: dans ce cas, le demandeur peut intenter l'action, à son choix, soit devant le tribunal du domicile du défendeur, soit devant le tribunal de la situation de l'immeuble (voy. c. fr. de proc. civ., art. 59, 4e al.).
3° Les trois actions sont purement réelles, lorsque, s'agissant encore d'une aliénation ou constitution de droit réel, la chose ou le droit a passé aux mains d'un sous-acquéreur, et que l'action est de nature à atteindre les tiers, d'après les distinctions déjà faites (v. nos 220 à 223 et 684): il est évident que le tiers n'étant tenu par aucun lien d'obligation vis-à-vis du demandeur, mais seulement parce qu'il possède (propter rem), l'action contre lui est purement réelle.
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(a) Sur le mot résiliation, pris quelquefois comme synonyme de résolution, voir la Section précédente, note aa.
SOMMAIRE.
N° 707. Incertitudes et difficultés de cette matière, en Europe, en l'absence de textes législatifs.
708. Observation sur le Japon. Division de cet Exposé.
§ I. —Dii: LA NATURE DES OBLIGATIONS NATURELLES.
N° 709. Rapprochement du droit naturel et du droit positif; ici. des obligations naturelles et des obligations purement morales. -709 bis. Réfutation de l'opinion qu'il n'y a pas de droit correspondant à l'obligation morale: le droit, ici, appartient à Dieu. -709 ter. Devoirs religieux; en quoi ils diffèrent des devoirs moraux. -710. Formules diverses proposées pour définir les obligations naturelles; explication de la sanction incomplète de ces obligations.
§ II. -DES SOURCES DES OBLIGATIONS NATURELLES.
N° 711. Méthode à suivre pour trouver les sources des obligations naturelles.
712. -I. Conventions: nullités radicales. -713. Défaut complet de consentement. -714. Défaut de détermination de l'objet dû. -715. Objet hors du commerce; cause fausse; cause illicite. - 716. Défaut de formes solennelles. -717. Convention annulable. -718. Convention anuulée. - 719. -11. Enrichissement indû: restitution avant jugement. -720. Idem, postérieurement et contrairement à un jugement. - 721. Id., après une donation valable. - 722. - III. Dommage injuste: ressemblance avec le cas d'enrichissement. —-723. Différence: payement d'intérêts usuraires. - 724. Restitution d'intérêts légitimes; payement d'intérêts légitimes non stipulés. —-725. —IV. Loi: son lien avec les obligations naturelles. -726 et 727. Obligation naturelle alimentaire, au delà des termes de la loi, en France et au Japon. -728. Restitution des prestations alimentaires reçues en vertu de la loi. - 72$ bis. Anomalie de la situation des étrangers au Japon. -729 et 730. Survie de l'obligation naturelle après extinction de l'obligation civile; cause antérieure, dans ce cas. -731. Obligations naturelles contraires, soit aux présomptions légales résultant de la chose jugée et de la prescription, soit à une preuve directe de libération. -732. 1° Chose jiigée: épuisement des voies de recours. - 733. Le débiteur peut encore juger contre lui-même. -734. 2° Prescription: sa nature de présomption. - 735. 3° Quittance: preuve démentie par celui-là même qui pourrait l'invoquer. - 736. Dettes de jeu et de pari, nulles fautes de cause: refus de répétition, non pour obligation naturelle, mais pour turpitude.
§ I-DES EFFETS DES OBLIGATIONS NATURELLES.
N° 737. Différence entre l'exécution volontaire qui révèle l'obligation naturelle et celle qui confirme l'obligation civile annulable. -738. Effets de l'obligation naturelle autres que le refus de répétition du payement. - 739. Reconnaissance formelle. -740. Novation. - 741. Cautionnement par un tiers. —742. Du recours de la caution: distinction. -743. Dation d'une sûreté réelle par le débiteur ou par un tiers. -744. Compromis ou soumission à des arbitres de l'obligation naturelle. -745. Retour à la dette de jeu et de pari. -746. Quand la dette naturelle peut être solidaire ou indivisible.
§ IV. DE L'EXTINCTION DES OBLIGATIONS NATURELLES.
N° 747. -Examen des neuf causes d'extinction des obligations civiles: cas où elles éteignent les obligations naturelies. -748. Résumé. - 749. Pouvoir des tribunaux en matière d'obligations naturelles: questions de fait, questions de droit. -750. Transition au Texte.
COMMENTAIRE.
N° 707. Cette matière est une de celles qui présentent le plus d'incertitude dans toutes les législations étrangères. En France même, où la législation civile paraît le plus précise, le Code ne porte qu'une seule disposition expresse sur les obligations naturelles (art. 1235) et encore n'est-elle qu'incidente, ce qui ne permet pas d'y trouver le caractère distinctif de cette sorte d'obligations.
On y rencontre cependant trois autres dispositions qui, sans être aussi formelles, ne peuvent s'expliquer que si la loi admet, dans les cas prévus, l'existence d'une obligation naturelle, suppléant au défaut d'obligation civile (v. art. 1340, 1906 et 2012).
Le Code italien reproduit simplement les mêmes dispositions (art. 1237, 1317, 1830 et 1899).
Les lacunes des législations modernes ne peuvent guère être comblées ici, comme en matière de Possession (v. Tome 1er, n° 251), par les principes du droit romain, où se trouvent pourtant un grand nombre de textes sur les obligations naturelles; chez les Romains, en effet, beaucoup de ces obligations se rattachaient il des institutions ou à des principes tout-à-fait abandonnés aujourd'hui. Ainsi, pour ne citer que les principaux cas: les esclaves ne pouvaient s'obliger que naturellement, parce qu'ils n'avaient pas, civilement, le caractère de personnes; les pères et les enfants ne pouvaient être obligés que naturellement les uns envers les autres, parce que, civilement,- ils ne formaient, pour ainsi dire, qu'une seule personne, à cause de la puissance paternelle qui ôtait à l'enfant, même majeur, presque toute individualité juridique; enfin, beaucoup de conventions ne créaient que des obligations naturelles, soit parce que les formes extérieures n'avaient pas été observées, soit parce qu'elles avaient été employées par des étrangers; or, certaines formes de contrats étaient le privilége des citoyens romains. D'un autre côté, cette abondance forcée des obligations naturelles leur avait nécessairement fait attribuer des effets bien plus nombreux et bien plus considérables qu'il n'est possible de leur en attribuer aujourd'hui: on corrigeait ainsi la rigueur du droit civil par les principes du droit naturel. Aujourd'hui, leur domaine se trouve diminué de tout ce dont celui du droit civil s'est augmenté.
708. Le Japon n'a jamais connu l'esclavage de l'homme vis-à-vis de son semblable; la puissance paternelle, quoique très forte, n'y a aucune ressemblance avec celle de Rome: la soumission du fils à son père est fondée, au Japon, sur le respect et sur une sage coutume, bien plus que sur un droit despotique; enfin, les contrats, en général, n'y sont soumis à aucune forme arbitraire dont l'inobservation empêcherait l'obligation civile de se former. S'il doit y avoir, au Japon, des obligations simplement naturelles, des obligations moins efficaces que celles qui ont été l'objet des dispositions précédentes, il faudra, comme en France et "dans les autres pays qui suivent des principes analogues, les chercher dans un petit nombre de cas particuliers et aussi on doit s'attendre à leur trouver des effets peu étendus. Mais, au moins, la loi aura soin de déterminer ces cas et ces effets, pour ne pas laisser aux magistrats et aux interprètes de la loi les embarras qui les assiégent dans les autres pays.
Du reste, le Japon nous offrira un cas d'obligations naturelles qui est rare en Europe, à savoir, à la charge ou au profit des étrangers, dans les cas où, par le droit civil et par suite des traités diplomatiques, certains contrats sont, au moins jusqu'à présent, interdits à ceuxci avec les sujets japonais (v. n° 728 bis).
Avant d'aborder les textes, il est nécessaire de rechercher:
1° Quelle est la nature des obligations dites " naturelles ?
2° Quels sont les cas dans lesquels la raison et l'équité commandent ou permettent de les reconnaître ?
3° Quels sont leurs effets ?
4° Quelles sont les causes de leur extinction ?
§ I. DE LA NATURE DES OBLIGATIONS NATURELLES.
709. Il est clair d'abord que les obligations naturelles ne sont pas de simples devoirs de morale: elles sont des devoirs de droit, et si on leur donne une qualification propre, c'est pour dire qu'elles sont moins énergiques que les autres; quand on dit qu'elles sont de droit naturel, ce n'est pas qu'elles ne soient nullement reconnues par le droit positif: il les reconnaît, puisqu'il en est question dans la loi et qu'elle leur donne des effets; ce n'est pas à dire, non plus, en sens inverse, que les obligations dites " civiles ou de droit positif " soient de pure création de la loi positive et soient étrangères ou contraires au droit naturel: ce serait en faire une grave critique et elle serait d'ailleurs sans fondement, dans la plupart des cas; car, sauf les délais imposés pour l'exercice des droits, lesquels ont toujours quelque chose d'arbitraire, et les formes des actes qui peuvent varier suivant les temps et les lieux, il ne doit y avoir dans un Code civil aucune disposition qui ne puisse être suppléée d'après la raison et la: justice naturelles, en l'absence de loi positive.
Ce que signifient ces expressions d'obligations civile.set d'obligations naturelles (et c'est ainsi que le Projet les emploie), c'est que certaines obligations reçoivent de la loi positive toute la force coercitive possible, toute la sanction que la loi peut donner, tandis que d'autres ne reçoivent qu'une sanction imparfaite; spécialement, elles ne sont pas garanties par une action ou par un droit de poursuite en justice: l'exécution en est laissée Ù, la pleine volonté, à l'entière liberté du débiteur; on pourrait dire, et la loi le dira (art. 586), qu'elle est laissée à sa raison, à sa conscience, à son honnêteté.
Mais ce point, qui touche déjà à leurs effets et sur lequel on reviendra bientôt, est ce qui peut porter à confondre les obligations naturelles avec les devoirs de morale, lesquels sont laissés aussi à notre libre arbitre et à notre conscience.
Pour distinguer les unes des autres, on dit quelquefois que l'obligation naturelle a pour corrélatif un droit d'autrui, tandis qu'à l'obligation morale ne correspond aucun droit. Ainsi, l'obligation de secourir les pauvres, dans la mesure de nos moyens, celle de protéger les faibles contre les dangers, dans la limite de nos forces, celle de travailler au développement de la société, suivant la condition que nous y occupons, seraient des obligations purement morales, non seulement parce que nous sommes seuls juges de ce que nous pouvons faire, mais, surtout, parce que les pauvres, les faibles ou la société ne peuvent alléguer un droit contre nous.
709 bis. Cette explication doit être écartée.
L'idée qu'il puisse y avoir une obligation sans un droit qui y soit corrélatif est inadmissible: l'un est la contre-partie nécessaire de l'autre (voy. art. 1314); on ne comprend pas plus une obligation sans un droit qu'un droit sans une obligation correspondante: si l'obligation morale n'était pas corrélative à un droit, elle n'aurait pas de sanction; il faudrait inventer pour elle un autre nom et ce n'en serait pas un autre que de l'appeler un " devoir," car l'idée de droit est également inséparable de celle de devoir.
Mais gardons le langage reçu, et n'hésitons pas à reconnaître qu'il existe un droit corrélatif à l'obligation morale; ce droit, il est vrai, n'appartient pas à l'homme, mais il appartient à Dieu.
Quelques efforts qu'aient faits et que fassent, aujourd'hui surtout, certains philosophes dits " positivistes," pour établir et expliquer les devoirs moraux en dehors de l'idée de Dieu, ils n'y ont guère réussi. On peut bien dire que les règles de la morale sont écrites dans la conscience de l'homme, dans son cœur et dans sa raison; mais il faudrait dire encore qui les y a gravées. Puisque ce n'est pas et ne peut pas être l'homme lui-même, c'est donc un Etre supérieur, un "Etre en dehors de l'humanité. Son nom varie dans toutes les langues humaines; mais tous les peuples ont le sentiment inné de son universelle Souveraineté et la notion intime de sa Loi: c'est de lui qu'ils craignent la sanction contre la violation du devoir moral, en même temps qu'ils espèrent de lui la récompense pour l'avoir rempli.
Sans doute, le plus souvent, la peine et la récompense nous touchent dans nos intérêts humains: l'estime ou le mépris de nos semblables sont les premiers effets de notre bonne ou mauvaise conduite dans l'ordre des devoirs moraux, et c'en est peut-être la sanction la plus efficace, parce qu'elle est la plus immédiate et la plus frappante; mais personne ne peut affirmer, encore moins établir que ce soit la seule et la dernière.
Pour reprendre nos exemples d'obligations morales envers les pauvres, envers ceux qui sont en péril, envers la société tout entière, on a dit, bien avant nous et mieux que nous ne pouvons même le répéter, que les riches sont les dépositaires des pauvres, qu'ils sont comptables envers la Providence des biens qu'elle leur a dispensés, que les forts doivent défendre et secourir les faibles, et que tous les hommes, ayant reçu, à des degrés plutôt divers qu'inégaux, le don précieux de l'intelligence et les lumières de la raison, doivent chacun en faire usage, d'abord pour acquérir quelques-unes des mille sciences accessibles à l'homme, ensuite pour en faire l'application aux besoins physiques et intellectuels de ses semblables.
Ce ne sont pas, il est vrai, les pauvres, ni les faibles, ni tous nos semblables qui ont des DROITS contre nous-, au sujet de nos DEVOIRS envers eux, mais c'est Celui qui nous a accordé ses dons qui peut nous demander compte de l'usage que nous en avons fait et de la manière dont nous avons rempli le mandat dont il nous a chargés.
Pour admettre cette idée d'une sanction d'un droit à laquelle le bénéficiaire est étranger, les jurisconsultes ont une frappante analogie dans une de leurs théories les plus familières: une personne peut être civilement obligée envers une autre, sans que celle-ci ait stipulé pour elle-même; c'est lorsqu'il y a eu stipulation en faveur d'autrui, en faveur d'un autre que le stipulant. Ainsi un donateur peut stipuler du donataire qu'il donnera à un tiers ou qu'il accomplira un acte en sa faveur: le tiers n'a pas d'action, n'a aucun droit à exercer contre le donataire duquel il n'a rien stipulé, auquel il n'a lui-même conféré aucun avantage; mais le donateur peut, sinon contraindre le donataire à l'exécution de son obligation, au moins révoquer la donation pour inexécution (voy. art. 344).
Il n'appartient qu'à Celui de qui nous viennent les dons de la fortune et ceux de l'intelligence de décider quand et comment il puniera ou récompensera les violateurs ou les observateurs fidèles de la loi morale; mais nous voyons, au moins, que, par son admirable organisation des choses humaines, chacun de nous est appelé à recueillir, en retour de ses humbles efforts envers ses semblables, le bienfait de la somme de tous les autres efforts réunis, comme s'ils étaient mis en oeuvre pour lui seul. L'accomplissement du devoir moral trouve ainsi sa récompense immédiate, même dans l'ordre des intérêts purement humains et individuels.
709 ter. L'article 315 a placé aussi les devoirs religieux en dehors du domaine de la loi positive. Nous n'avons qu'à ajouter ici un mot à ce qui a été dit au sujet de cette. disposition.
Du moment que nous faisons descendre les obligations purement morales de la Loi divine, il semble que nous donnions lieu de les confondre avec les devoirs religieux. Il n'en est rien cependant: les préceptes de la loi morale nous tracent nos devoirs envers nos semblables, ceux de la loi religieuse fixent nos devoirs envers la Divinité elle-même: c'est envers elle que nous avons des devoirs d'action et d'inaction, spécialement de culte intérieur et extérieur. Mais c'est en cette matière surtout que la loi positive des hommes paraît devoir s'abstenir et s'en remettre à la Divinité du soin de sanctionner elle-même sa Loi (voy. n° 11).
710. On a toujours cherché une formule qui servît à définir brièvement l'obligation naturelle et, le plus souvent, on dit que c'est un lien d'équité (17 i ne cul um œ quit a t i 8), par opposition au lien de droit civil (vincul u m j uri s) qui est la définition usuelle de l'obligation civile; mais cette formule a encore le tort grave d'établir entre le droit civil et l'équité une sorte d'opposition qu'il serait bien regrettable d'y rencontrer: elle a pu, comme on l'a remarqué, plus haut, exister dans certaines parties du droit civil romain, surtout dans les temps primitifs; mais, aujourd'hui, on ne pourrait soutenir que le droit civil ait, au moins volontairement et sciemment, des dispositions contraires à l'équité, ni même qu'il manque à lui prêter ses puissants moyens de coercition «t): si les divers Codes que l'on a eus constamment sous les yeux, pour la rédaction du présent Projet, n'ont pas paru pouvoir être suivis sur certains points, par raison d'équité, c'est moins à cause d'une divergence dans la conception de l'idée de droit et d'équité que parce qu'il a semblé que les législations dont on se séparait n'avaient pas aperçu quelqu'un des nombreux intérêts qui souvent sont en jeu dans les questions à résoudre et les rendent si complexes.
Ce qui, peut-être, a été dit de plus exact sur ce point, c'est que les obligations naturelles sont des obligations qui, au moment où elles paraissent prendre naissance ou, plus tard, lorsqu'elles ont été soumises à l'appréciation des tribunaux, sont suspectées ou réprouvées par la loi, comme ne remplissant pas les conditions de j ustice et de raison nécessaires pour former un lien de droit, et d'équité: comme telles, elles sont, dès leur origine ou après le jugement, dénuées de tout effet; si, plus tard encore, leur conformité à la raison et à la justice se révèle, accidentellement, pour ainsi dire, par l'exécution volontaire du débiteur, alors, elles commencent à être reconnues par la loi; mais, comme c'est l'exécution même qui en a révélé l'existence, il ne peut être question d'action pour la demander: la principale sanction du droit leur manque comme inutile; la seule sanction que la loi ait à leur accorder désormais, c'est de maintenir le payement comme valablement fait, c'est d'en refuser la répétition.
Tel est le système qui va servir de base aux dispositions qui suivent. Toutefois, l'exécution volontaire ne sera pas le seul moyen de faire tomber la suspicion dont sont frappées ces obligations, à l'origine ou après jugement: on pourra, dans une certaine mesure et sous certaines conditions, en admettre la reconnaissance volontaire, expresse ou même tacite, et, par là, arriver à la sanction plus complète d'une action: mais c'est qu'alors la reconnaissance les aura déjà transformées en obligations civiles (v. art. 588).
§ II. DES SOURCES DES OBLIGATIONS NATUKKLLES.
711. Voyons maintenant quels peu vent être, dans l'esprit des lois civiles modernes et du Projet en particulier, les cas où une obligation dénuée de valeur légale, soit à l'origine, soit après avoir été annulée en justice, peut, après coup, l'acquérir ou la recouvrer, par l'exécution volontaire ou même par la reconnaissance formelle.
Pour mettre quelque méthode dans cette recherche, il convient de se reporter d'abord aux sources ordinaires des obligations: à savoir, aux conventions, aux enrichissements indus, aux dommages injustes, et même aux dispositions de la loi positive qui, dans certains cas, impose directement des obligations aux personnes. Sur chacune de e s sources, on supposera qu'une obligation civile n'a pu en naître dans un cas donné; mais on examinera s'il est permis d'admettre que, plus tard, un acte pleinement volontaire d'exécution, ou même de reconnaissance, puisse, rétroactivement, lui donner l'être; on verra aussi si l'obligation annulée en justice peut subsister comme obligation naturelle et même si une obligation naturelle peut survivre aux autres modes d'extinction d'une obligation civile; enfin, on recherchera s'il peut y avoir place à une obligation naturelle contrairement à certaines présomptions légales absolues de libération, commes celles résultant de la chose jugée ou de la prescription.
712. -I. Oon'L'entÍons. —On sait que pour que la convention produise une obligation civile, il faut: le consentement des parties, un objet déterminé et dont les parties aient la disposition, une cause vraie et licite, enfin, dans quelques cas, une certaine solennité de forme.
Supposons que l'une de ces quatre conditions ait manqué et voyons s'il serait permis de dire que l'obligation nulle dans le principe, peut recevoir d'une exécution volontaire le caractère d'obligation naturelle.
Il ne faut pas, du reste, prétendre arriver à une solution identique pour tous les cas. On essayera ici de poser quelques principes dirigeants qui pourront aider à résoudre non seulement les questions ici soulevées, mais encore plusieurs autres qui suivront.
713. S'il y a eu défaut complet et reconnu de consentement, le contrat n'a aucune existence, il n'a pu en naître aucune obligation et on ne saurait admettre que l'exécution volontaire lui donnât l'être, même comme obligation naturelle: la répétition de ce qui a été payé devrait être autorisée, comme de tout autre payement indu, ou, si le prétendu débitéur avait formellement renoncé à cette répétition, il devrait être considéré comme ayant fait une donation déguisée, si cette nature d'acte ne rencontrait pas quelque autre obstacle. Cette solution s'appliquerait, sans difficulté, à la convention faite par un fou ou par un enfant en bas âge, lesquels l'auraient ensuite exécutée, par un faux point d'honneur, après le recouvrement de la raison ou après la majorité.
714. Si le défaut de consentement provient d'une erreur sur la nature de la convention, sur sa cause, sur l'identité de l'objet ou sur la qualité déterminante de la personne (v. art. 330 et 330 bis), la solution pourrait être différente: on pourrait, d'après l'ensemble des circonstances, voir chez celui qui a exécuté volontairement cette convention, l'intention de prendre à sa charge les dommages résultant d'une erreur qu'il impute à sa négligence. Même solution, si le contrat est nul par défaut de détermination de l'objet dû: le débiteur, en donnant un objet déterminé et le créancier en l'acceptant, semblent réparer le dommage qu'ils se sont causé réciproquement par leur négligence.
715. Au contraire, si l'objet de la convention était „ illicite ou hors de la disposition des parties, l'ordre public s'oppose à ce que l'exécution volontaire soit valable: la répétition devrait être permise. Enfin, si la cause de la convention était fausse ou illicite, la solution ne serait pas la même dans les deux cas: au cas de fausse cause, comme il y a encore eu erreur, celui qui l'aurait commise pourrait, par une exécution volontaire, en supporter les dommages; au cas de cause illicite, la repétition de ce qui aurait été payé pourrait être autorisée, à moins qu'il n'y eût turpitude de la part de celui qui aurait payé; mais ce serait par une autre raison que celle d'une obligation naturelle (voy. art. 387, 2e al.).
716. Reste le cas d'inexistence de la convention par défaut de forme solennelle, quand cette forme est requise: l'exécution volontaire par le contractant ne permet pas de voir là une obligation naturelle, parce que la partie que la loi a voulu protéger par la solennité se trouverait privée de cette protection, aussi bien lors de l'exécution que lors de la convention; ainsi, un donateur d'immeuble qui n'aurait pas suivi les formes prescrites pour cette donation et qui aurait ensuite livré la chose donnée pourrait la répéter ou la revendiquer. Ce qu'on peut décider, et le Projet le fera plus loin (art. 591), c'est que l'héritier du donateur, en exécutant volontairement la donation, est considéré comme accomplissant une obligation naturelle dont il peut lui-même se reconnaître tenu, par respect pour la volonté de son auteur clairement manifestée (voy. c. fr., art. 1340; c. it., art. 1311).
On verra, sous l'article 591, ce qu'il faut décider an sujet de l'hypothèque nulle en la forme.
717. On a supposé jusqu'ici que la convention était entièrement nulle à l'origine et on a vu qu'elle pouvait laisser place, dans plusieurs cas, à une obligation naturelle. La question sera plus simple, si l'on suppose une convention seulement annulable, soit pour incapacité d'une partie, soit pour vice de consentement.
Une distinction est à faire tout d'abord: si l'on se place avant que le contractant ait demandé et obtenu la rescision de son acte, ce n'est pas d'une obligation naturelle qu'il est tenu, mais d'une obligation civile; elle est annulable, il est vrai; mais, tant qu'elle n'est pas annulée, par la justice ou par un commun accord, elle a le nom et le caractère d'obligation " civile; " c'est seulement après que l'obligation civile a été annulée en justice qu'il reste la possibilité de retrouver une obligation naturelle qui se révélera par l'exécution volontaire.
718. Une objection sérieuse se présente cependant: lorsqu'il y a eu jugement annulant l'obligation de l'incapable ou de celui dont le consentement a été vicié, il semble que la raison d'ordre public sur laquelle repose l'autorité de la chose jugée s'oppose à la persistance d'un lien quelconque, même de droit naturel, entre les parties. Mais l'obligation n'est pas sans réponse. On examinera tout à l'heure, d'une manière plus générale (n° 732), l'autorité de la chose jugée, dans ses rapports avec les obligations naturelles; nous dirons seulement ici que lorsque la loi permet aux incapables de faire annuler leurs engagements, pour le seul fait de leur condition d'âge, de mariage, de démence ou de prodigalité, elle leur donne ce droit par l'effet d'une présomption d'inaptitude à sauvegarder leurs intérêts; de même, lorsqu'elle permet aux majeurs de faire annuler des conventions en justice, soit parce que leur consentement a été vicié par certaines erreurs ou par violence, soit parce qu'ils ont été victimes d'un dol de l'autre partie ou gravement lésés, dans certains contrats, c'est encore parce que ces faits, dont la vérification est à faire par le tribunal, paraissent à la loi motiver, commander, au nom de l'équité plus encore même que du droit civil proprement dit, l'affranchissement de l'obligation contractée. Mais la présomption sur laquelle sont fondés ces divers secours n'est pas tellement absolue que la partie seule intéressée à s'en prévaloir ne puisse y renoncer; elle le pouvait, sans aucun doute, avant d'avoir agi en justice: il lui suffisait, pour cela, de laisser écouler le délai de la prescription de l'action; elle pouvait aussi y renoncer, expressément ou tacitement, par une confirmation (voy. art. 577 et s.); il n'est donc en rien contraire à la raison de l'admettre, même après qu'elle a invoqué en justice le secours de la loi, à y renoncer définitivement, par une exécution tardive mais volontaire.
719. -II. Enrichissemant indû. —Ici, il y a moins de difficulté à trouver une obligation naturelle que dans les cas de convention. D'abord, le fondement de l'obligation civile résultant de cette cause est l'équité pure: le droit positif n'y intervient que pour proclamer le principe que tout enrichissement indu ou obtenu sans cause légitime doit être restitué (v. art. 38). Ensuite, cette nature même de l'enrichissement et son étendue n'étant pas susceptibles d'être déterminées par la loi, d'avance (a priori) et d'une manière absolue, est nécessairement laissée à l'appréciation des tribunaux. Il est donc naturel que la loi ratifie tout d'abord la restitution spontanée ou volontaire que ferait elle-même la partie enrichie; sauf le droit de l'autre partie de lui demander davantage en justice, si cette restitution avait été incomplète.
720. Mais la difficulté apparaît, s'il y a eu jugement, soit rejetant la demande en restitution, soit l'admettant pour une valeur déterminée. Deux questions se présentent alors: 1° Celui qui a été jugé n'être pas indûment enrichi, ou ne l'être que dans une certaine mesure, peut-il se reconnaître néanmoins tenu, en droit naturel, de restituer au-delà de ce qu'a fixé le jugement ? 2° Celui qui a triomphé peut-il se reconnaître tenu naturellement à l'abandon de ce qui lui a été alloué en justice ou à une contre-restitution de ce qu'il a reçu ?
L'affirmative, sur les deux questions, ne saurait faire doute. L'autorité de la chose jugée intéresse moins encore ici l'ordre public que dans les cas qui précèdent: le seul intérêt public c'est que la question ne puisse être de nouveau débattue devant les tribunaux; or, l'exécution volontaire a justement lieu sans intervention de la justice.
Lorsque la loi, exceptionnellement, accorde aux majeurs la rescision pour lésion, elle se fonde assurément sur l'idée que l'enrichissement de l'autre contractant a été, pour partie, indû et sans cause légitime (6); car, ainsi qu'on l'a déjà remarqué (n° 648), il est impossible de voir dans la lésion un vice de consentement.
La circonstance que, dans ces cas, la loi détermine le montant de la lésion nécessaire pour faire rescinder le contrat ne modifie pas la situation au fond et ne s'oppose à aucune des solutions qui précèdent. Avant que la justice ait statué, la partie qui se trouve enrichie de la lésion de l'autre, peut, sans aucun doute, reconnaître, par une restitution volontaire, que cet enrichissement est illégitime et elle ne serait pas recevable à revenir sur ce qu'elle a fait, en soutenant que la lésion n'atteignait pas l'importance déterminée par la loi; tandis qu'elle pourrait, au contraire, être actionnée, s'il y avait lieu, pour parfaire la restitution prescrite par la loi.
Si la justice avait d'abord été appelée à statuer, les parties pourraient toujours se juger elles-mêmes plus sévèrement que ne l'aurait fait le tribunal: celui qui aurait obtenu, au lieu de la rescision de la convention, l'indemnité de la lésion, pourrait, par un scrupule d'honnêteté, trouvant qu'il n'était pas sérieusement lésé ou que la lésion pécuniaire s'est trouvée compensée par des avantages personnels ou réparée par des profits inattendus, restituer la valeur qu'il aurait ainsi reçue: il se reconnaîtrait ainsi tenu d'une obligation naturelle. En sens inverse, l'autre partie qui aurait obtenu le rejet de la demande en rescision, par le motif qu'il n'y avait pas lésion ou qu'elle était insuffisante, pourrait, par honnêteté aussi, se croire obligée à une restitution que la loi et la justice ne lui imposaient pas. Tous deux auraient exécuté une obligation naturelle.
721. On pourrait aller plus loin encore. Supposons une donation faite en bonne forme et en conformité avec les règles de fond des conventions de cette nature; plus tard, le donataire découvre que le donateur a agi sous l'influence de sentiments déshonnêtes à son égard ou d'animosité mal fondéè contre sa propre famille; sa dignité dans le premier cas, son équité dans le second, lui commandent de restituer les choses reçues, ou leur équivalent, s'il les a aliénées ou autrement utilisées: il faut décider qu'il n'a pas fait une donation, à son tour, mais qu'il a rempli une obligation naturelle.
722. -III. Dommage injuste. -Les solutions et leurs motifs sont ici, sur un point, les mêmes qu'au cas d'enrichissement indu et sont différentes sur un autre. Avant que la justice ait statué sur la réparation, l'auteur du dommage peut bien, en quelque sorte, se condamner lui-même à une indemnité, sauf à être contraint à la parfaire, si elle est insuffisante. Après le jugement, si l'auteur du dommage a été renvoyé de la demande ou légèrement condamné, il doit avoir la faculté inverse d'être plus sévère pour lui-même que ne l'a été la justice. Réciproquement, celui, qui a obtenu l'indemnité peut ensuite reconnaître qu'il n'y avait point droit, que la justice s'est trompée en sa faveur, peutêtre même par son artifice, et on ne peut lui contester la faculté de se libérer d'une obligation naturelle qui pèse à sa conscience: il serait absurde de dire qu'il ferait alors une donation à son ancien adversaire.
723. -On trouve, au sujet des dommages-injustes, une disposition de la loi qui nous place devant la même question que la fixation du taux de la lésion, et c'est là que la solution devra être différente. Il y a une sorte de tarif de la réparation de certains dommages: le débiteur qui est en retard de payer une somme d'argent n e peut être condamné à une indemnité plus forte que le taux légal de l'intérêt, et la convention qui fixerait une clause pénale plus élevée ne serait pas valable pour ce qui excéderait le taux conventionnel; au contraire, elle pourrait fixer une indemnité moindre (voy. art. 411).
Supposons que le débiteur ait volontairement payé plus que le taux légitime, doit-on dire qu'il a exécuté une obligation naturelle et qu'il ne peut répéter? La question doit se résoudre comme celle qui s'élèverait au sujet d'un emprunt à intérêts compensatoires excédant ledit taux et que le débiteur aurait volontairement payés. Ici, il faut se reporter au but que s'est proposé la loi en tarifant le taux de l'intérêt. Quelque opinion qu'on puisse avoir sur le côté économique de la question, il est certain que le législateur, en limitant le taux de l'intérêt conventionnel, a voulu protéger le débiteur contre l'avidité des prêteurs qui souvent abusent de la gêne et du besoin des emprunteurs; or, si le débiteur pouvait être considéré comme tenu naturellement de ce qu'il a ainsi payé au delà du taux légitime, il arriverait presque toujours qu'il serait privé de la protection de la loi, car le créancier se ferait remettre l'intérêt usuraire au moment du prêt et, sous prétexte de payement volontaire, il se refuserait à la répétition (c).
La solution doit être la même pour les intérêts moratoires stipulés, à titre de clause pénale, comme dédommagement du retard apporté au payement d'un capital; enfin, la solution est la même encore pour ce qui aurait été payé, au même titre, après jugement, et au delà du montant de la condamnation: il n'y a pas d'obligation naturelle révélée par le payement volontaire et la répétition en est permise.
724. Mais, au contraire, le créancier qui aurait reçu des intérêts compensatoires ou moratoires, dans la limite du taux légitime, pourrait les restituer volontairement, en tout ou en partie, sans être considéré comme donateur: il peut avoir des scrupules de conscience à conserver des intérêts à titre de compensation d'un prêt, ou d'indemnité du retard d'un payement, lorsqu'il sait qu'il n'aurait fait de son argent aucun emploi lucratif; il se considère alors comme indûment enrichi, ce qui est une cause d'obligation naturelle: celui qui n'a pas de cause de garder une valeur reçue a, par cela même, une cause de la rendre.
Enfin, le débiteur qui aurait, dans la mesure du taux légitime, payé des intérêts non stipulés ou plus élevés qu'ils n'auraient été stipulés ne pourrait les répéter, parce qu'il peut se considérer comme tenu naturellement, soit d'un profit qu'il a tiré de l'argent d'autrui, soit d'une perte que le créancier a subie. C'est la solution de l'article 1906 du Code français.
725. IV. La loi, considérée comme source d'obligations civiles, semble étrangère à notre sujet. Cependant, on peut se poser les mêmes questions que sur les sources précédentes d'obligations civiles: 1° Le débiteur peut-il valablement se considérer comme tenu naturellement au delà de ce que la loi lui impose ? 2° Le créancier peut-il se croire naturellement oblig6 de restituer tout ou partie de ce que la loi lui accorde ?
Nous verrons même qu'au Japon, spécialement, on peut rattacher à la Loi une cause particulière d'obligations naturelles (v. n° 728 bis).
Et d'abord, sur les deux questions posées, la solution affirmative paraît la plus fondée. La première, surtout, demande quelques développements.
726. La loi nous oblige à nourrir et entretenir nos plus proches parents ou alliés; en France, cette obli gation s'arrête aux parents ou alliés en ligne directe; au Japon, une coutume qui a force de loi étend cette obligation à certains collatéraux: notamment, à la charge de l'aîné, héritier unique, vis-à-vis de ses frères et sœurs, à l'égard desquels il doit remplacer le père.
Supposons que, dans l'un ou l'autre pays, quelqu'un ait fourni des aliments et l'entretien, en nature ou en argent, à un parent légitime ou naturel se trouvant dan a le besoin et envers lequel il n'avait pas d'obligation civile: il est certain qu'il ne serait pas admis à la répétition, en admettant d'ailleurs que le parent pauvre fût arrivé à meilleure fortune. Mais quelques personnes justifient le refus de répétition par l'idée qu'il y a eu donation, ce qui peut amener un résultat différent: d'abord, parce que les donations exigent une plus grande capacité de disposer que l'exécution d'une obligation naturelle; ensuite, parce que les donations,. sont sujettes à révocation pour des causes spéciales: notamment, pour ingratitude, ce qui n'a pas lieu pour l'acquittement d'une obligation naturelle.
Il paraît plus raisonnable de ne pas voir une donation dans cette prestation volontaire d'aliments. On pourrait peut-être dire, en ce sens, que celui qui a fourni ces aliments n'a pas enrichi effectivement le parent pauvre, pas plus qu'il n'a eu ce but; qu'il n'a voulu que le préserver de la souffrance; qu'il l'a peut-être même préservé de la mort qui pouvait résulter de la maladie et du dénûment; mais cette considération, vraie en ellemême, mènerait trop loin: elle empêcherait de considérer comme donation la prestation d'aliments à tout parent ou allié si éloigné qu'il fût, même à un étranger, ce qui n'est plus admissible. La véritable raison pour laquelle il n'y a pas. donation dans la prestation d'aliments à de proches parents que la loi n'a pas autorisés à en réclamer, c'est que celui qui les a fournis a pu se considérer comme en étant tenu naturellement, au lieu et place d'un parent direct ou plus proche auquel il a succédé et qui en aurait été tenu lui-même civilement, s'il avait vécu plus longtemps.
727. En France, il n'y a plus de droit d'aînesse et la dette alimentaire n'existe pas entre frères; supposons qu'après la mort du père et le partage de sa succession par égales portions entre ses enfants, l 'un d eux soit tombé dans le besoin, par accident ou même par sa faute: celui des enfants qui a prospéré nourrit et entretient son frère et les enfants de celui-ci (ses neveux et nièces); n'est-il pas raisonnable de croire qu'outre le mobile d'affection et de morale, il a été mu par cette considération de droit naturel que, si leur père avait vécu plus longtemps, il aurait lui-même nourri et entretenu son fils et ses petits-enfants malheureux, et aurait laissé une succession moindre; que, dès lors, ayant lui-même succédé au débiteur des aliments, il se considère comme tenu naturellement de ce dont son père était tenu civilement (d) ?
Le même raisonnement a la même force au Japon et il y est applicable autant et plus qu'en France, à cause du droit d'aînesse récemment confirmé.
728. La seconde solution est aussi facile à justifier: le parent qui a reçu des aliments que la loi lui permettait d'exiger peut les restituer, tôt ou tard, comme se trouvant naturellement obligé à cette restitution.
Il y a d'abord le cas où il reconnaîtrait que c'est par sa faute qu'il s'est trouvé dans la nécessité de demander des aliments; dans ce cas, il répare un dommage qu'il a causé à tort. Il y a aussi le cas où il n'a demandé et reçu les aliments que comme une avance, avec l'intention, même non exprimée, de les rembourser quand il le pourrait. Enfin, on pourrait supposer le cas où il estimerait que celui qui lui a fourni des aliments se trouve dans une position moins bonne que précédemment. Bien entendu, il n'y aura pas besoin que celui qui fait cette restitution volontaire exprime formellement l'une de ces causes: il suffit qu'elle puisse exister et s'induire des circonstances pour qu'on n'approfondisse pas davantage, pas plus, du reste, dans ce cas que dans les précédents (v. art. 587, 2e al.).
La seule condition qu'on puisse exiger, ici comme dans tous les cas qui précèdent, et sur laquelle on reviendra au § suivant, c'est que la prestation ou restitution ait eu lieu avec intention de remplir une obligation pour laquelle on ne pouvait être poursuivi en justice.
728 bis. On a dit, plus haut (nos 708 et 725) que le Japon présentait une application particulière de l'obligation naturelle: on peut la rattacher à la même cause qui en faisait rencontrer, en plus grand nombre, dans la jurisprudence romaine que dans le droit moderne; cette cause est l'exclusion des étrangers d'une partie de la jouissance des droits civils.
Ce n'est pas. ici le lieu de discuter les raisons qui font maintenir cette anomalie, contraire assurément au droit des gens modernes; cette discussion nous amènerait d'ailleurs à apprécier le privilége corrélatif de la juridiction exterritoriale dont jouissent les étrangers au Japon: ce privilége, contre lequel nous nous summes bien souvent élevé, n'est pas moins que sa contre-partie contraire aux saines notions du droit des gens naturel, quoique les traités en fassent un principe de droit des gens positif.
En prenant les choses en l'état où elles sont, les étrangers ne pouvant devenir propriétaires fonciers, en dehors des concessions étrangères, ni obtenir d'hypothèques, ni faire certains contrats (e), nous pouvons nous demander si un sujet japonais qui aurait fait une vente d'immeuble à un étranger, contrairement à la loi positive, pourrait valablement se reconnaître tenu envers celui-ci de quelque obligation naturelle.
Il va sans dire, d'abord, que le principe d'ordre public devrait être respecté et que la tradition volontaire faite de l'immeuble ne serait pas un obstacle à la revendication du vendeur: la propriété foncière, aux yeux de la loi japonaise ne peut pas plus passer à un étranger par la tradition qu'elle ne le peut par la simple convention (voy. art. 592).
Il n'est pas moins certain, en sens inverse, que le sujet japonais, exerçant la revendication du fonds vendu, serait tenu de la restitution du prix qu'il aurait reçu et en serait certainement tenu civilement, comme d'un enrichissement indu ou sans cause (f).
Mais, en supposant qu'il n'ait pas encore reçu le prix ou que, l'ayant reçu, il l'ait restitué, il pourrait encore se croire tenu, soit de réparer, en tout ou partie, le dommage qui serait résulté pour l'acheteur de cette vente nulle, soit de faire participer celui-ci au profit qu'il aurait tiré du prix reçu ou de la plus-value de l'immeuble: dans ce cas, le payement volontaire de cette valeur serait valable et à l'abri de la répétition de l'indû (voy. art. 594).
La même solution serait à donner, et par les mêmes motifs, dans les autres cas de convention nulle à l'égard des étrangers: ainsi, des créanciers hypothécaires japonais pourraient, après avoir fait exclure un étranger de l'ordre (ou distribution par préférence du prix d'un immeuble hypothéqué), lui restituer volontairement tout ou partie des sommes que son rang d'hypothèque lui aurait assurées, sans l'obstacle de la loi positive.
La rareté probable de ce cas de restitution n'empêche pas d'en proclamer la légitimité.
Remarquons, en terminant sur ces cas, que l'obligation naturelle naît de la loi positive, en ce sens qu'elle suppléé à son insuffisance dans le premier cas (v. nos 726 et 727), limite ses faveurs dans le cas suivant (v. n° 728) et corrige ses rigueurs dans le dernier cas.
729. Chemin faisant, on a rencontré quelques cas d'obligations naturelles survivant à une cause légale d'extinction d'une obligation civile (v. nos 718, 720 et 724).
Il convient maintenant d'examiner, d'une manière plus générale, si les autres causes d'extinction des obligations leur permettent ainsi une sorte de survie naturelle.
Il n'y a pas de raison sérieuse d'en douter.
1° Le payement, qui est la cause la plus normale et la plus simple d'extinction des obligations civiles, libère le débiteur, mais seulement de ce qui aurait pu être exigé de lui; or, il pouvait avoir, en équité, une obligation plus étendue que celle pour laquelle le créancier avait un titre régulier; c'est de cet excédant qu'il peut se reconnaître tenu naturellement.
2° Le même raisonnement peut s'appliquer à l'extinction par novation: le débiteur peut toujours reconnaître que la novation lui a été trop avantageuse et n'a pas équitablement remplacé l'ancienne dette.
3° Pour la remise de la dette, si elle a été gratuite, il est évident que le débiteur peut avoir les mêmes scrupules que pour toute autre libéralité, comme on l'a déjà établi (n° 721); si elle a été à titre onéreux, on raisonnera comme dans le cas d'un payement ou d'une novation.
Le cas de remise de la dette a, plus que les autres, occupé les auteurs, au moins, dans une de ses applications les plus fréquentes. Il arrive souvent qu'un failli obtient de ses créanciers une remise partielle de ses dettes, sous le nom de " concordat " (voy. n° 578); cette remise produit une libération telle, que, s'il revient à meilleure fortune, il ne peut être contraint de payer ce dont il lui a été fait abandon. Mais peut-on dire qu'il en reste tenu naturellement ?
Si la théorie des obligations naturelles avait été envisagée d'une façon plus large qu'on ne le fait ordinairement, la question n'aurait pas même été posée: la remise contenue dans le concordat, même en la considérant comme une transaction, par conséquent, comme un acte onéreux, est une de celles qui doivent laisser le plus de scrupules à la délicatesse du débiteur, et s'il paye un jour volontairement ce que ses créanciers lui ont abandonné, il n'est pas possible de voir là une donation, ni de lui permettre la répétition de l'indû: il est si bien débiteur naturel qu'il ne pourrait obtenir la réhabilitation, pour effacer les incapacités résultant de sa faillite, que s'il avait payé, en capital et intérêts, les sommes dont le concordat lui a fait la remise (c. com. fr., art. 604). Remarquons même que c'est, avec le cautionnement de la dette d'un incapable (v. c. fr., art. 2012), le seul cas où. la loi française reconnaisse l'existence d'une obligation naturelle avant qu'elle soit exécutée ou reconnue par le débiteur (comp. Proj., art. 1009).
4° La compensation qui n'est qu'un payement abrégé ne peut pas faire plus d'obstacle à la survie d'une obligation naturelle que le payement proprement dit.
5° La confusion, au contraire, ne peut laisser place à une obligation naturelle, car elle résulte de la réunion en une même personne des deux qualités de créancier et de débiteur de la même dette: or, on ne peut se devoir à soi-même, pas plus naturellement que civilement.
6° La perte de la chose due ou l'impossibilité d'exécuter peut laisser subsister une obligation naturelle, car le débiteur, étant pour lui-même, plus sévère que la loi et que son créancier, peut s'imputer à faute l'impossibilité d'exécuter.
7° L'action en nullité ou rescision a été déjà reconnue comme pouvant laisser subsister une obligation 4 naturelle (v. n° 718).
8° et 9° Les actions en résolution et en révocation ont le même effet, pour des raisons analogues.
La prescription va nous occuper, sinon comme cause d'extinction directe des obligations civiles, au moins comme présomption légale de libération (v. n° 734).
730. Dans les divers cas qui viennent d'être examinés, on a eu soin de parler de. la survie d'une obligation naturelle, c'est assez dire que ces cas n'en constituent pas des causes proprement dites: l'obligation qui subsiste a pour cause le fait qui a donné lieu à l'obligation civile primitive: mais il n'y a pas moins d'utilité à la signaler, puisque son existence pourrait être méconnue.
731. La méthode entièrement nouvelle qu'on vient d'adopter pour rechercher les causes des obligations naturelles semble la plus propre à n'en laisser échapper aucune; aussi en a-t-on pu trouver ici un plus grand nombre que les auteurs n'en présentent ordinairement. Cependant, il y en a deux autres qui sont généralement admises et que nous n'avons pas fait rentrer d'abord dans notre cadre, mais qui lui appartiennent cependant (v. n° 725, in f.).
On admet, et nous ne voulons pas y contredire, que celui qui a obtenu en justice un jugement favorable, par exemple, un jugement qui le déclare non débiteur ou débiteur seulement d'une certaine somme, peut valablement payer au delà de ce que lui impose le jugement et ne peut ensuite le répéter comme indû, étant considéré comme ayant acquitté une obligation naturelle.
On décide de même à l'égard de celui qui, ayant invoqué en justice le bénéfice de la prescription et ayant ainsi été déclaré libéré, payerait ensuite tout ou partie de son ancienne dette.
Ces deux solutions sont exactes et il ne faut que les expliquer. Elles sont d'ailleurs faciles à ramener à une seule, car, dans le second cas, c'est moins la prescription que l'autorité de la chose jugée qui semble faire obstacle à la persistance d'une obligation naturelle. Pour que la seconde hypothèse se distinguât de l'autorité de la chose jugée, il faudrait supposer que le débiteur a invoqué la prescription par acte extrajudiciaire et a obtenu de son créancier, par la même voie, une reconnaissance qu'elle était accomplie à son profit. Dès lors, la difficulté se transporte sur un autre terrain, même sur un terrain plus large, et l'on revient à cette question générale déjà traitée: un débiteur peut-il encore être obligé naturellement quand il a la preuve régulière de sa libération en tant qu'obligé civilement ?
A cette question nous avons déjà répondu affirmativement; ici nous supposerons le débiteur muni des trois meilleures preuves de libération: l'autorité de la chose jugée, la prescription invoquée et admise, une quittance émanée du créancier.
732. -1° Chose jugée. -Assurément, le principe que " la chose jugée est présumée la vérité " est d'une grande autorité (v. art. 1414): c'est une des présomptions dites "absolues" ou invincibles, et le débiteur qui a obtenu un jugement favorable ne pourrait plus être inquiété ni directement, ni indirectement, au sujet de la même dette; c'est à ce point de vue que la chose jugée est d'ordre public et qu'il serait inadmissible que la question jugée fût de nouveau agitée devant les tribunaux. Mais il est certain que les tribunaux peuvent se tromper dans le jugement des faits, surtout quand les parties ont cherché à les égarer, ou quand des preuves décisives n'ont pu leur être soumises en temps utile; aussi a-t-on admis la voie extraordinaire de la requête civile pour faire rétracter, dans certains cas, les jugements passés en force de chose jugée (voy. c. proc. civ. fr., art. 480 et s.).
Ce n'est pas dans ces cas que nous avons à nous placer évidemment: ce ne serait pas de la survie d'une obligation naturelle qu'il s'agirait, mais bien d'une obligation civile persistante.
733. Supposons donc qu'un débiteur, déclaré libéré par un jugement contre lequel le créancier n'a aucune cause de requête civile, acquitte volontairement la dette qui ne peut plus lui être demandée; n'est-il pas permis de voir dans ce payement une reconnaissance, de sa part, que la justice a été induite en erreur par quelque circonstance de fait dont il est le meilleur juge et dont il ne veut pas profiter ? Les Romains, qui avaient les premiers appliqué avec un grand luxe de détails le principe de l'autorité de la chose jugée, reconnaissaient très bien la survie d'une obligation naturelle au jugement qui déclarait un défendeur exempt de dette, et quand il avait ensuite payé volontairement, ils l'appelaient " un débiteur véritable " (verus debitor).
734. — -2° Prescription. —On a déjà eu occasion de dire plusieurs fois que la prescription dite " libératoire " est moins un mode direct de libération qu'une présomption légale de libération par un des modes ordinaires (v. n° 448 et T. Ier, nos 42, 75 bis et 365). Elle procure au débiteur un double avantage: en premier lieu, il lui suffit d'invoquer le bénéfice du temps, sans fournir d'autre preuve que celle du laps de temps écoulé depuis l'exigibilité de la dette; en second lieu, la présomption est invincible ou absolue, plus encore que celle de la chose jugée, et le créancier n'a aucun moyen, ordinaire ou extraordinaire, de la démentir, de prouver qu'il n'y a pas eu extinction. Mais si le débiteur qui a invoqué et acquis le bénéfice de la prescription paye ensuite sa dette volontairement, il serait injuste de lui permettre la répétition de ce qu'il a payé et déraisonnable de dire qu'il a fait une donation à son ancien créancier: on se retrouve en face du vents debitor dont il a été question plus liaut.
La solution devrait être la même si celui qui a invoqué la prescription dite " acquisitive " et conservé un immeuble à ce titre, le restituait volontairement, en nature ou en valeur (v. art. 596).
735. — 3° Quittance. -Cette preuve de la libération fournie par le créancier lui-même, en forme authentique peut-être, ou privée mais non contestée par lui, est une preuve aussi complète que les deux précédentes; mais le débiteur, qui pourrait s'en prévaloir et repousser toute demande au sujet de la même dette, peut payer volontairement ce qu'il croit devoir encore, en conscience et en équité: il n'est pas présumé faire une donation, mais exécuter une obligation naturelle.
Dans les trois cas qui précèdent, comme dans ceux de toute autre preuve d'extinction d'obligation civile, il ne faut pas admettre qu'il y ait une cause ou source d'obligation naturelle autre que celles qui précèdent: elle découle toujours de l'une des trois causes énoncées plus haut: convention, enrichissement indû, dommage injuste; seulement, la preuve civile qu'il y avait eu extinction est démentie par le fait, encore plus probant, d'un payement volontaire.
736. Une question assez délicate reste à examiner. Faut-il voir une dette naturelle dans la dette de jeu de hasard ou dans celle provenant d'un pari ? Les lois positives refusent au créancier toute action en justice pour le payement de pareilles dettes; mais aussi elles refusent la répétition de ce qui a été payé à ce titre (voy. c. civ. fr., art. 1965 et 1967; c. it., art. 1802 et 1804; Proj., art. 811).
Presque tous les auteurs admettent qu il y a la une obligation naturelle; mais cette doctrine doit être énergiquement repoussée. Sans qu'il soit nécessaire de démontrer ici les funestes effets de la passion du jeu de hasard et des paris, ce qui n'est pas contesté et appartient surtout à la morale, sans s'attacher non plus à ses inconvénients économiques résultant de ce qu'elle détruit des capitaux, en favorisant des consommations improductives, il suffit de faire remarquer que ces dettes n'ont pas de cause légale ou qu'elles ont une cause illicite des deux côtés et déjà elles ont été déclarées nulles comme telles et d'une nullité radicale (v. n° 265). Il est vrai que le payement de ces dettes n'est pas sujet à la répétition de l'indu, comme l'est en général, le payement fait sans cause; mais la raison en est dans l'immoralité même du fait qui ne doit pas permettre que le tribunal ait à constater une opération de jeu, soit en faveur du gagnant, soit en faveur du perdant: la situation est la même que dans le cas d'une promesse faite à une femme de mauvaise vie: elle n'aurait pas d'action pour le payement; mais celui qui a payé n'en a pas non plus pour la répétition.
On objectera peut-être que des tribunaux criminels et correctionnels jugent, tous les jours, des faits biens plus immoraux que ne seraient des dettes-de jeu ou de pari, et même qu'au Japon, spécialement, où le jeu est punissable dans des conditions moins limitées qu'en Europe, les tribunaux ont fréquemment à juger ce délit même. Mais la réponse est facile: dans les cas de crimes et délits graves, comme dans ceux de délits de jeu, poursuivis directement devant les tribunaux, il y a un intérêt public en question, celui de la répression; mais ici, comme le jeu n'est plus punissable, faute d'avoir été constaté au moment où il était flagrant (voy. c. pén. jap., art. 261), il n'y aurait plus qu'un intérêt privé à la restitution et ce serait un scandale de constater le délit, lorsqu'il ne peut plus être puni.
Il faut donc résolument repousser ici toute idée d'obligation naturelle et l'on verra au § suivant (n° 745) que la question a un véritable intérêt pratique.
§ III. DES EFFETS DES OBLIGATIONS NATURELLES.
737. Jusqu'ici on n'a parlé que d'un effet des obligations naturelles: la validité du payement volontaire fait par le débiteur, ou, sous une autre forme, l'inadmissibilité de la répétition de l'indû. C'est cet effet principal que signalent le Code français (art. 1235) et le Code italien (art. 1237) cités en commençant.
Au surplus, cette exécution volontaire d'une obligation naturelle ne produit pas le même effet que celle qui constitue la confirmation tacite d'une obligation civile annulable, telle qu'elle a été expliquée sous l'article 579; si l'on suppose une exécution seulement partielle, la différence sera bien frappante: dans le cas d'une obligation civile annulable, la confirmation a lieu pour toute l'obligation, les vices dont elle était entachée sont réparés par une volonté parfaite; au contraire, l'obligation naturelle n'est révélée par le payement partiel que dans la mesure même de ce qui est payé: le débiteur demeure donc maître de payer ou non le reste; cela dépend de sa conscience et de sa future volonté.
738. Il ne faudrait pas croire que le refus de répétition du payement soit le seul effet que l'équité et la raison puissent attacher aux obligations naturelles et le Projet en consacrera d'autres.
A Rome, où les obligations naturelles étaient d'autant plus nombreuses que les obligations civiles étaient plus difficiles à admettre (v. n° 707), les obligations naturelles avaient, la plupart au moins, un effet considérable: le créancier pouvait s'en faire un moyen de compensation, quand il était lui-même actionné en payement pour une obligation civile; il arrivait ainsi à un payement forcé de l'obligation naturelle; mais cet effet est absolument inadmissible aujourd'hui et personne ne le proposerait. Au. contraire, plusieurs des autres effets admis autrofois à Rome peuvent l'être encore aujourd'hui: la condition essentielle c'est que ces effets dépendent d'un acte volontaire du débiteur ou d'un tiers qui agit pour lui,
739. Ainsi, il faut admettre qu'à défaut de payement volontaire, le débiteur puisse faire une reconnaissance formelle de sa dette naturelle, avec ou sans indication d'un terme fixe pour le payement (g). On ne voit pas pourquoi le débiteur qui n'a pas présentement les valeurs nécessaires pour accomplir ce qu'il considère comme une obligation de conscience et d'équité ne pourrait pas s'y obliger civilement par un acte en bonne forme.
Cet effet de l'obligation naturelle ne paraît pas admis par tous les auteurs, mais le Projet le consacre ainsi que ceux qui vont suivre (v. art. 588).
740. On admet plus généralement que l'obligation naturelle puisse servir de base à une novation, c'est-àdire, à un nouvel engagement, soit du débiteur naturel, soit d'un tiers, lequel engagement sera civil, s'il en remplit les conditions requises, et il aura pour cause l'extinction de l'obligation naturelle, de même que, dans les autres cas, la novation a pour cause l'extinction d'une dette civile antérieure. Déjà, la loi a admis cette base de la novation dans une obligation naturelle préexistante (v. art. 516). Il n'y a pas lieu d'y insister davantage.
741. L'obligation naturelle peut-elle être l'objet du cautionnement d'un tiers ou de la dation d'une sûreté réelle par le débiteur ou par un tiers ?
Le Projet admet aussi l'affirmative.
Le Code français (art. 2012) et le Code italien (art. 1899) ont une disposition qui paraît favorable à cette opinion: ils permettent de cautionner une dette annulable: par exemple, pour minorité." La circonstance que la loi procède par voie d'exemple prouve qu'elle peut recevoir une application assez large; mais elle paraît n'envisager que le cas où la dette n'est pas encore annulée en justice, cas où la dette est encore civile: il n'est pas certain, il est même douteux que la loi ait prévu aussi le cautionnement donné après l'annulation prononcée en justice. Cependant, on peut admettre la validité du cautionnement, dans le second cas, par un raisonnement bien simple: le cautionnement donné avant l'annulation et en vue du cas où elle serait prononcée est évidemment destiné à lui survivre et à garantir l'obligation naturelle qui subsistera après que l'obligation civile aura cessé d'exister: or, on ne voit pas ce qui s'opposerait à ce que le même cautionnement put être donné quand l'obligation civile est déjà détruite: cette volonté de la caution, qu'on suppose toujours agir en connaissance de cause, n'en est que plus évidente.
Ce qu'on dit ici du cautionnement d'une dette annulée doit se dire de même du cautionnement d'une dette civilement nulle à l'origine, au moins dans les cas exposés plus haut, où la nullité civile originaire n'est pas incompatible avec une obligation d'équité naturelle (v. nos 714 et 716).
742. Le cautionnement, dans les cas qui précèdent, donne lieu à une autre question: dès qu'on en admet la validité, on doit se demander si la caution qui aura payé le montant de l'obligation naturelle du débiteur principal (en vertu -de sa propre obligation civile), aura un recours contre celui-ci, ou si elle ne pourra recevoir qu'un remboursement volontaire.
Une distinction est nécessaire: si la caution s'est éngagée sur un mandat du débiteur, comme cela arrive le plus souvent, dans le cautionnement ordinaire, elle aura contre lui l'action récursoire d'un mandataire ordinaire; mais, si elle s'est engagée spontanément, sans mandat, comme gérant d'affaires, elle n'aura pas de recours, car, un gérant d'affaires n'a d'action en remboursement que pour ce qu'il a dépensé utilement, que pour les dépenses qu'il a épargnées au maître des affaires (au dominus negotiorum); or, il n'est pas prouvé que le maître aurait fait un payement volontaire. Il y aura une autre différence entre le cautionnement fourni sur mandat du débiteur et le cautionnement spontané: dans le premier cas, le mandat donné par le débiteur pourra être considéré comme une reconnaissance volontaire de sa dette naturelle vis-à-vis même du créancier; il n'en peut être de même dans le second cas.
743. Les solutions qui précèdent, avec les mêmes distinctions, doivent être appliquées, par identité de motifs, à la dation d'une sûreté réelle (d'un gage ou d'une hypothèque) pour une dette naturelle: si la sûreté a été fournie par un tiers, sur le mandat du débiteur, il y a, de la part de celui-ci, reconnaissance de la dette, par ce seul fait du mandat, et recours du tiers, s'il a subi la poursuite; si la sûreté a été fournie sans mandat du débiteur, le tiers qui a payé n'a pas de recours.
Enfin, le débiteur, qui ne pourrait se cautionner lui-même, peut fournir, sur ses propres biens, une sûreté réelle pour sa dette naturelle; seulement, dans ce cas, il ne sera tenu que sur les biens affectés au payement de sa dette naturelle et non sur tous ses autres biens: la reconnaissance volontaire contenue dans la constitution du gage ou de l'hypothèque reste limitée à la valeur des biens affectés.
744. L'obligation naturelle, qui ne peut être l'objet de poursuites devant les tribunaux, pourrait-elle, de l'accord des parties, être soumise au jugement d'arbitres (h) ? On doit admettre aussi l'affirmative. Sans doute, le prétendu débiteur naturel qui consent à soumettre l'appréciation de sa dette à des arbitres, c'està-dire à des juges purement privés, n'a pas reconnu cette dette, mais il ne l'a pas non plus niée absolument, car, s'il la niait tout-à-fait, l'arbitrage n'aurait pas de raison d'être, puisqu'il ne peut être inquiété à ce sujet: on doit dire qu'il doute et qu'il reconnaît sa dette, sous la condition que les arbitres la reconnaîtront euxmêmes. A la différence de l'arbitrage ordinaire, il est certain qu'ici la décision des arbitres ne sera pas susceptible d'appel devant les tribunaux ordinaires: il ne pourrait y avoir appel que devant d'autres arbitres également choisis par les parties.
745. C'est ici qu'il convient de signaler l'intérêt pratique que nous avons réserve, au sujet de la question de savoir si la dette de jeu ou de pari est une obligation naturelle. Nous avons soutenu, plus haut (n° 736), qu'elle n'a pas ce caractère et que c'est par une toute autre considération que le payement volontaire n'en est pas sujet à répétition. Il faut remarquer maintenant, que, n'étant pas une obligation naturelle, elle n'est pas susceptible des autres effets de ce genre d'obligation. En conséquenee, il ne pourra en être fait de reconnaissance obligatoire, on n'en pourra pas faire la base d'une novation, elle ne sera susceptible, ni de cautionnement, ni de gage ou d'hypothèque, ni de compromis. On pourrait douter seulement pour le gage, parce qu'il consiste dans la tradition réelle d'un objet mobilier affecté volontairement au payement de la dette et on pourrait tirer un augment d'analogie de l'enjeu que les joueurs se donnent d'avance et sur lequel le payement s'effectue valablement. Mais l'analogie manque: l'enjeu est un payement anticipé et conditionnel et, comme tel, ne pourrait jamais donner lieu à une intervention du tribunal; tandis que le gage, ne pouvant pas directement rester en payement au créancier et devant être l'objet d'une vente judiciaire, le scandale que la loi a voulu éviter se produirait, ce qui est inadmissible.
746. On n'a peut-être jamais examiné la question de savoir si les dettes naturelles peuvent être solidaires ou indivisibles, à l'égard soit des créanciers, soit des débiteurs. La question ne peut raisonnablement se présenter que s'il y avait, à l'origine, solidarité au indivisibilité d'une obligation civilement nulle, annulée ou autrement éteinte. Il faut encore supposer que c'est par une reconnaissance volontaire que l'obligation naturelle s'est révélée, car si c'était par l'exécution volontaire d'un seul ou de plusieurs des débiteurs, il n'y aurait guère d'intérêt à la question, puisque la dette naturelle se trouverait elle-même éteinte par l'exécution qui l'aurait, révélée:: celui ou ceux qui auraient payé n'auraient pas de recours contre les autres, si ceuxci n'avaient pas donné mandat de payer pour euxjnêmes. Cependant, s'il y avait plusieurs créanciers solidaires, l'exécution volontaire faite entre les mains de l'un d'eux donnerait déjà lieu à la question de savoir si celui-ci doit, en vertu de l'ancienne solidarité., active, communiquer aux autres leur part de profit dans le payement, et l'affirmative paraît aussi juste que raisonnable; à moins, toutefois, que le débiteur qui a payé n'ait formellement déclaré qu'il n'entendait payer que " la part " de ce créancier et que son payement ne fût, en effet, égal à cette part seulement.
Mais supposons une simple reconnaissance de la dette naturelle: si elle est faite par un seul des débiteurs, sans mandat des autres, elle n'oblige que lui et elle l'oblige civilement; si elle est faite par tous ou par plusieurs, il est raisonnable de présumer qu'ils ont voulu faire renaître la dette avec le caractère de solidarité qu'elle avait précédemment.
S'il y a plusieurs créanciers solidaires originaires et reconnaissance par le débiteur unique, envers un seul, le profit en sera communicable ou non, aux autres créanciers, sous la distinction faite plus haut, et si la reconnaissance a été faite en faveur de tous, ils jouiront de la solidarité.
Les mêmes solutions peuvent, avec quelques précautions, être appliquées aux obligations indivisibles, activement ou passivement: il suffit de se reporter aux principes de cette matière.
§ IV. -DE L'EXTINCTION DES OBLIGATIONS NATURELLES.
747. Puisqu'on a adopté ici un cadre analogue à celui où l'on a placé les obligations civiles, il convient, pour compléter l'analogie, d'examiner, en peu de mots, comment s'eteignent les obligations naturelles.
I. Le payement volontaire ne les éteint, évidem1 ment que dans la mesure où il est effectué: il-aura ainsi cet effet singulier qu'il les éteint au moment même où il les révèle. Il n'y a guère à revenir sur ce mode d'extinction qui a été constamment mis en jeu. On peut cependant supposer que le payement a été fait par un tiers, mandataire ou non, et alors, peut-il être question pour lui de subrogation légale ou conventionnelle ? La subrogation ne pourrait guère lui conférer des droits utiles du créancier, puisque celui-ci n'en avait pas qui pussent se faire valoir par action ou par exception. Cependant, il n'y a pas d'obstacle absolu à admettre la subrogation légale ou conventionnelle, suivant les cas; elle donnera, au moins, au subrogé les chances d'être payé qu'avait le créancier: notamment, si le débiteur rembourse un jour le subrogé, celui-ci n'aura pas reçu l'indu et sera à l'abri de la répétition; il pourra aussi obtenir du débiteur une reconnaissance de la dette, une novation, ou une garantie réelle ou personnelle; si même le débiteur payait sa dette naturelle à l'ancien créancier, celui-ci devrait restituer le payement au tiers qui l'a déjà désintéressé (h).
II. La novation est aussi un mode d'extinction des obligations naturelles: du moment qu'on a admis qu'une obligation naturelle peut servir de base à. une novation, il en résulte que la nouvelle obligation civile ne naît que parce que l'ancienne obligation naturelle s'éteint au moins dans la même mesure.
III. La remise de la dette naturelle ne semble pas, au premier abord, pouvoir produire d'effet; car, si le débiteur auquel la dette civile aurait été remise peut encore se reconnaître débiteur naturel, on comprendrait peut-être qu'il eût les mêmes scrupules, et tout aussi respectables, quand le créancier a déclaré lui remettre la dette naturelle; mais il faut décider, au contraire, que la dette naturelle est éteinte quand la remise, d'ailleurs conventionnelle, a porté sur cette dette même: le créancier a abandonné le droit extrême et en quelque sorte éventuel qui pouvait lui rester, et si l'ancien débiteur payait quelque chose à ce titre, il payerait certainement l'indû et pourrait répéter.
IV. La compensation légale ne peut avoir lieu entre obligations naturelles; plusieurs raisons s'y opposent: la plus simple est qu'elles ne sont pas exigibles. La compensation conventionnelle se comprendrait mieux; mais elle ne produirait toujours qu'une extinction incertaine, car rien n'empêcherait l'un des débiteurs de ne pas se considérer comme complément libéré et de payer encore tout ou partie de sa dette naturelle.
S'il y avait d'un côté une dette civile et de l'autre une dette naturelle, le débiteur de la dette civile ne pourrait certainement pas opposer la compensation de sa prétendue créance naturelle; d'abord, parce qu'elle n'est pas exigible, ensuite et surtout parce que, comme on l'a observé plus haut, ce serait tendre à un payement forcé, ce qui est impossible en cette matière. Mais l'inverse serait possible: le débiteur naturel pourrait admettre une compensation facultative de sa créance civile avec sa dette naturelle; J'acte aurait le caractère d'une remise de la dette civile et ce serait une remise à titre onéreux, à laquelle on n'appliquerait pas les règles de fond des donations.
V. La confusion opère évidemment une extinction complète et absolue de la dette naturelle, puisque, comme on l'a déjà dit, on ne peut pas se devoir à soi-même, pas plus naturellement que civilement.
VI. Les obligations naturelles ne peuvent guère se concevoir comme ayant pour objet un corps certain dont la perte puisse libérer le débiteur; mais on pourrait supposer une obligation naturelle de faire et que l'accomplissement du. fait fût devenu impossible par une cause indépendante de la volonté du débiteur. Il est cependant difficile de dire que, dans ce cas, l'obligation naturelle serait éteinte: de même qu'après l'extinction de la dette civile, par cette cause, le débiteur peut se trouver encore tenu en conscience et en équité, de même, il peut persister à se considérer comme tenu d'un équivalent, au même titre, lorsque le fait qu'il se proposait d'accomplir en vertu de sa dette naturelle est devenu impossible sans sa volonté.
VII. On ne peut concevoir l'action en nullité d'une obligation naturelle, puisque le débiteur n'est jamais contraint de l'exécuter: s'il ne se croit pas naturelle-, ment débiteur, il lui suffit de ne pas payer ou exécuter.
Il ne faudrait pas confondre cette situation avec celle d'un débiteur qui aurait reconnu sa dette naturelle par un acte en bonne forme, ou aurait fait novation pour l'éteindre: ici, il serait tenu civilement par la nouvelle convention et s'il l'avait contractée étant incapable ou avec un ^ vice de consentement, il aurait certainement l'action en nullité; mais cette action en nullité d'une dette civile, loin d'éteindre la dette naturelle qui n'est plus en jeu, pourrait au contraire, lui donner occasion de naître ou de subsister.
VIII et IX. Les mêmes observations s'appliquent aux actions en résolution et en révocation: elles ne peuvent être dirigées contre des obligations naturelles qui ne sont jamais exigibles comme telles; mais. elles seraient recevables contre des conventions portant novation ou reconnaissance civile de la dette naturelle.
La prescription n'éteint évidemment pas les dettes naturelles: si le débiteur tenu civilement à l'origine peut se considérer comme encore tenu naturellement après la prescription accomplie, invoquée par lui et admise en justice, c'est que le laps de temps est sans aucune influence sur les obligations fondées sur l'équité (v. n° 734).
748. En somme, on voit que les obligations naturelles ne s'éteignent pas absolument par le payement et par la novation, et qu'il serait difficile de sanctionner cette extinction par une répétition au cas de nouveau payement, puisque le débiteur pourrait presque toujours être considéré comme ayant voulu acquitter un reste, un solde, de l'obligation naturelle non encore complétement éteinte.
C'est peut-être encore la remise qui serait la cause la plus complété d'extinction de l'obligation naturelle; quant à la confusion, on sait que c'est à peine si le nom de " cause d'extinction des obligations" lui convient: on a vu (nO 627) qu'elle détruit moins les qualités de créancier et de débiteur qu'elle ne les paralyse, en les réunissant dans une même personne. Mais sous le bénéfice de cette observation, il faut reconnaître qu'elle a le même effet qu'une cause d'extinction, car on ne peut se devoir naturellement à soi-même.
749. Une dernière observation reste à faire sur toute cette matière.
On pourrait croire que le débiteur ne pouvant être contraint au payement d'une obligation naturelle, que le payement ou la reconnaissance en devant toujours être volontaires, les tribunaux n'auront jamais à se prononcer sur l'existence de ce genre d'obligation; mais il est clair que la validité de ce payement ou de cette reconnaissance peut se trouver contestée devant les tribunaux ainsi que la plupart des solutions qui précèdent; il pourrait même y avoir, non seulement appel, mais èncore pourvoi en cassation.
Quelque soin que prenne la loi de déterminer les causes des obligations naturelles et leur persistance après des événements qui sembleraient les éteindre, il est nécessaire qu'elle laisse, à cet égard, un large pouvoir d'appréciation aux tribunaux. Ils ne pourront pas, il est vrai, reconnaître à ces obligations plus ou moins d'effets que la loi ne leur en accorde; mais, eux seuls pourront, dans chaque cas particulier à eux soumis, prononcer avec certitude sur l'existence de l'obligation naturelle: il y a, là surtout, une question d'intention, d'honnêteté, de délicatesse, à apprécier chez le prétendu débiteur; il faudra aussi veiller à ce que, sous le fallacieux prétexte d'exécuter une obligation naturelle, il rie déguise pas une donation au profit d'une personne à laquelle la loi ne lui permettrait pas de donner ou ne le lui permettrait que dans certaines limites.
Le contrôle de la cour de cassation sera toutefois plus restreint en cette matière que dans les autres, puisque la difficulté du procès sera, le plus souvent, une question d'intention, laquelle est une question de fait sur laquelle les cours d'appel sont souveraines. Mais la cassation serait encourue, si les tribunaux avaient attribué à l'obligation naturelle plus d'effet qu'elle n'en comporte légalement: par exemple, s'ils avaient autorisé une action ou une compensation pour la faire valoir malgré le débiteur; ou s'ils lui avaient accordé trop peu d'effet, soit en permettant la répétition de tout ou partie de ce qui aurait été volontairement payé, soit en n'admettant pas la reconnaissance volontaire de la dette, la novation, le cautionnement, tous effets admis et reconnus par la loi.
Il y aurait encore lieu à cassation, si les tribunaux avaient reconnu l'existence d'une obligation naturelle, quand la loi où la nature des choses s'y refusent ou, en sens inverse, en avaient nié non seulement l'existence, en fait, mais la possibilité dans un cas où, ni la loi, ni la nature des choses, ne s'opposent à son existence.
750. Il reste maintenant à présenter les articles du Projet qui vont déterminer les causes, les effets et l'extinction des obligations naturelles.
Après ce long Exposé, il y aura peu de choses à ajouter comme Commentaire de chaque article.
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(a) Le Code Français se réfère expressément, dans un cas, aux règles de l'équité naturelle (art. 565) et l'article 4. défendant au juge "de refuser "de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de ”la loi," lui ordonne implicitement d'appliquer les principes du droit naturel.
Dans les autres cas, le législateur a voulu donner lui-même l'interprétation du droit naturel, en présenter la formule, en quelque sorte, et en faire l'application aux conflits les plus fréquents des intérêts humains.
(b) Cette manière d'expliquer les cas de rescision pour lésion, au profit des majeurs, est peut-être nouvelle et méritera d'être discutée et justifiée, à l'occasion de la Vente qui est le contrat le plus important parmi ceux où cette rescision est admise.
(c) La loi française du 3 Septembre 1807, sur le taux de l'intérêt, soumet aussi le créancier à la restitution de ce qu'il a reçu au delà du taux légal qui est en même temps le taux conventionnel (art. 3).
(d) Ce raisonnement peut s'appuyer d'un texte du Code français qui accorde une créance civile d'aliments, sur la succession paternelle, aux enfants adultérins ou incestueux (art. 762-763).
(e) L'opinion générale des légistes japonais et même étangers est que le contrat de société ne peut être formé entre japonais et étrangers. Il est peut-être difficile de fonder cette prohibition sur les traités; mais il n'est pas désirable, en l'état actuel des choses, que ce contrat soit pratiqué entre japonais et étrangers: dans les contestations qui pourraient s'élever entre les associés, il y aurait d'inévitables et d'insolubles conflits de jllridictions: chaque partie étant presque toujours défenderesse, en même temps que demanderesse, devrait être jugée par son juge national; si, en même temps, il se trouvait des associés de diverses nations étrangères, le conflit serait porté à son comble.
On peut encore avoir des doutes sur les contrats commerciaux faits par les étrangers à l'intérieur, soit pendant un voyage autorisé par raison de santé ou pour une autre cause favorable, soit même par cor respondance. Mais, sans discuter jusqu'où va la prohibition, il suffit, pour la théorie des obligations naturelles, que certains contrats soient interdits aux étrangers résidant au Japon.
(f) Nous avons entendu dire que cette obligation civile avait été méconnue par un tribunal japonais, mais nous n'en avons pas eu la preuve et nous espérons qu'il n'en a pas été ainsi.
(g) Le droit romain admettait cette reconnaissance de la dette naturelle, mais il exigeait la fixation d'un jour pour le payement, d'où le nom dejoacte de constifoit (pactum constitutœ p e c u n i ce): "constitution d'un jour le payement."
(h) La convention par laquelle on s'engage à accepter un jugement arbitral s'appelle, en France, un compromis (v. c. proc. civ., art. 1003 s.).
(h) On verra, au contraire (n° 772), que la créance naturelle ne peut être l'objet d'une cession civile.
SOMMAIRE.
N° 751. Pourquoi, au texte, on place les effets des obligations naturelles avant leurs causes.
Art. 586. — N° 752. Refus au créancier naturel de l'action directe pour l'exécution et de l'exception de compensation avec ses dettes civiles: explication par la présomption légale d'inexistence de l'obligation naturelle; cas où les tribunaux peuvent être appelés à constater l'existence de ces obligations. -753. Payement facultatif, par le débiteur ou par un tiers.
587. —754. Refus de répétition de l'indû. —755. Trois questions de preuve à résoudre. -756. A qui incombe la preuve.
588. —757. Reconnaissance de la dette.naturelle; cautionnement par un tiers; novation, garanties réelles. -758. La dette naturelle reconnue devient civile; différence avec la confirmation d'une dette civile annulable.
589. —759. Le tiers qui a payé la dette naturelle a-t-il recours contre le débiteur ? Distinction. Est-il subrogé ?
590. -760. Conditions ordinaires requises ici pour la validité du payement ou de la reconnaissance.
591. -761. Obligation naturelle suppléant l'obligation civile nulle à l'origine; cas particulier du défaut de formes solennelles dans la donation: différence entre le donateur et son héritier. -762. Testament nul en la forme: exécution volontaire par l'héritier; hypothèque nulle.
592. -763. Absence d'obligation naturelle dans le cas de jeu et de pari: refus de répétition expliqué par la cause honteuse (turjpis causa); répétition des intérêts usuraires indûment payés.
593. —764. Obligations naturelles, au cas de promesse du fait d'autrui et de stipulation pour autrui.
594. -765. Obligations naturelles au cas d'enrichissement indû et de dommage injuste: elles augmentent ou restreignent les obligations civiles nées de ces causes; idem, à l'égard des obligations nées de la loi.
595. -766. Obligations naturelles survivant aux causes d'extinction des obligations civiles.
596. -767 à 770. Obligations naturelles subsistant malgré les présomptions légales résultant de l'autorité de la chose jugée, de la prescription et des autres preuves.
597. -771. Impossibilité de céder civilement une créance naturelle; exception au cas de concordat. -772. Justification de la règle; elle n'empêche pas que la cession produise elle-même une obligation naturelle du cédant envers le cessionnaire et réciproquement. -773. Justification de l'exceptioii: la dette naturelle du failli concordataire est la seule que la loi reconnaisse avant le payement.
598. -774. Quand la dette naturelle est solidaire ou indivisible.
599. -775 à 777. Jugement des obligations naturelles; intervention des tribunaux: questions de fait, questions de droit; contrôle de la cour de cassation.
600. -778. De l'arbitrage, en général. -778 bis. Arbitrage ou compromis pour le jugement des obligations naturelles: 1° après payement ou reconnaissance, 2° avant même l'un de ces faits. - 779. Questions de fait. - 779 bis. Questions de droit: pourvoi en cassation. - 800. Des arbitres, juges des faits et du droit; du cas où ils sont institués amiables compositeurs.
COMMENTAIRE.
751. On trouve dans ces quinze articles la plupart des propositions émises et justifiées dans l'Exposé qui précède. Cependant, il n'est rien dit ici de l'eætinction des obligations naturelles, puisqu'on a reconnu que leur extinction complète n'est presque jamais certaine (v. n° 747).
On a dû aussi faire une interversion dans la méthode et placer ici les effets des obligations naturelles avant leurs causes, parce que leurs ejfets sont la meilleure preuve de leur nature qu'il fallait faire connaître d'abord, tout en évitant la forme dogmatique qui ne convient guère à la Loi, même en cette matière, bien qu'elle soit, de toutes, la plus métaphysique.
Art. 586. — 752. Le caractère distinctif de l'obligation naturelle est indiqué tout d'abord, c'est la négation du droit de poursuite chez le créancier: il n'a pas d'action à exercer en justice; d'ailleurs, s'il avait le droit d'aution, on ne donnerait pas à ces obligations un nom particulier: elles rentreraient dans les obligations civiles ordinaires. Le créancier n'a même pas le droit d'opposer en justice une exception de compensation entre une obligation civile dont il serait tenu et l'obligation naturelle dont il prétendrait que le demandeur est tenu envers lui: tout ce qui tendrait à une exécution forcée de l'obligation naturelle lui est refusé.
Cette situation qui paraît bizarre, au premier abord, d'un droit qui ne peut se faire valoir, devient toute simple, si l'on admet l'idée, exposée plus haut (n° 710), que l'obligation naturelle est présumée ne pas plus exister en équité qu'en droit positif, tant que le débiteur ne l'a pas volontairement exécutée ou reconnue. Or, quand l'obligation naturelle a été exécutée, elle est éteinte dans la mesure même ou son existence a été ainsi tacitement reconnue; quand elle a été expressément reconnue, elle devient civile dans la même mesure, avec droit d'action et d'exception pour le créancier.
Mais, dira-t-on, du moment que la loi a des dispositions sur les obligations naturelles, c'est, sans doute, pour les placer sous la sauvegarde des tribunaux; quand donc, dès lors, les tribunaux seront-ils appelés à constater l'existence d'une obligation naturelle et à apprécier son étendue comme telle ? La réponse est facile et a été donnée plus haut (n° 749): ce sera quand le payement volontaire ou la reconnaissance même seront l'objet d'une contestation: quand, par exemple, le débiteur prétendra avoir indûment payé ou reconnu une obligation sans cause. La loi, dans l'article suivant, va lui refuser la répétition; plus loin, elle admettra que l'obligation naturelle peut être reconnue, novée, garantie: c'est dans ces cas que le pouvoir des tribunaux s'exercera en cette matière.
753. Après avoir refusé au créancier toute voie d'exécution forcée, ce qui n'est qu'un effet négatif de l'obligation naturelle, la loi achève de la caractériser par un effet positif qui est la faculté pour le débiteur de l'accomplir: la loi n'ajoute pas encore la faculté déjà annoncée, de la reconnaître, de la nover, de la garantir, parce qu'il n'est pas nécessaire d'énoncer tous les caractères, tous les effets d'une institution, pour l'introduire. Mais ce que la loi ne devait pas négliger, c'était de faire appel " à la raison du débiteur et à sa bonne foi: " en même temps que la loi invite le débiteur à suivre ces deux excellents guides de sa volonté et de sa liberté, elle indique par là aux tribunaux que c'est " de la raison et de l'équité " qu'ils devront s'inspirer pour reconnaître si le débiteur a pu et dû se croire naturellement obligé. Dans quelques-uns des cas d'obligations naturelles qui seront présentés ci-après, il y aura plutôt un motif de raison: pour les admettre (art. 591 et 593): dans d'autres, ce sera plutôt l'équité que la raison (art. 594, 595 et 596); mais, au fond, il y aura toujours une heureuse association, à des degrés divers, de ces deux meilleurs mobiles des actions de l'homme.
Le 2e alinéa de notre article nous donne une première ressemblance frappante entre les obligations naturelles et les obligations civiles, c'est la possibilité pour un tiers de les exécuter (comp. art. 472).
Art. 587. — 754. Le refus de la répétition de l'indu, s'il y a eu payement volontaire d'une dette naturelle, est la consécration légale la plus saillante de son existence; c'est le seul effet que les Codes français et italien en aient formellement exprimé (c. fr., art. 1235; c. it, art. 1237); c'est aussi celui sur lequel on a déjà le plus insisté dans l'Exposé qui précède.
755. Le 2e alinéa tranche une question importante et le fait en faveur du créancier. Si le débiteur était dans une situation dangereuse qui réclamât une protection spéciale, la loi devrait exiger une déclaration expresse qu'il entend exécuter une obligation naturelle; mais sa situation étant la meilleure qui se puisse imaginer, puisqu'il peut ne payer que s'il veut et quand il veut, il n'y a donc pas lieu d'exiger une déclaration expresse de sa volonté. Mais il y a une condition nécessaire pour la validité de son payement, c'est qu'il ait eu l'intention d'éteindre une obligation naturelle; or, pour en avoir l'intention, il fallait d'abord qu'il en eût connaissance, et pour qu'il en eût connaissance, il fallait qu'elle existât (i).
De là, trois questions de preuve à résoudre dans l'ordre inverse: La dette naturelle existait-elle ? Le débiteur la connaissait-il ? A-t-il eu l'intention de l'acquitter ? La première est une question de droit, qui trouvera sa solution dans les articles 591 à 596, les deux autres sont des questions de fait qui se résoudront d'après les circonstances.
756. Mais la véritable difficulté à résoudre est celleci: A qui incombera la charge de ces trois preuves? Sera-ce à celui qui a payé, et qui prétend répéter, de prouver qu'il ne devait rien, même naturellement, ou, s'il avait une obligation naturelle, qu'il Vignorait, ou, s'il ne l'ignorait pas qu'il n'avait pas l'intention d'acquitter cette dette (j) ?
Bien qu'on ait réservé la théorie générale des Preuves pour un Livre spécial, le Va et dernier, on a déjà dû, chemin faisant, pour compléter certaines théories et n'avoir pas à y revenir, résoudre quelques difficultés de preuves, dans des cas particuliers. On doit faire de même ici.
En principe, la preuve est à la charge du demandeur, et s'il ne parvient pas à donner au juge la conviction, il succombe (v. art. 1314). H n'y a pas de motif de déroger ici à la règle ordinaire qui est fondée sur la raison autant que sur l'équité; il est d'ailleurs à présumer, en fait, que celui qui a payé entendait se libérer d'une dette: " tout payement suppose une dette," dit l'article 1235 du Code français, et comme l'on ne doit pas croire que la loi ait exprimé là une véritable naïveté, il faut lui donner ce sens que ”celui qui a fait une prestation à titre de payement (nomine solutionis) est présumé avoir été vraiment débiteur."
La seule objection qu'on pourrait faire ici à l'application du principe, objection qui s'est déjà rencontrée (art. 347 et n° 113) et qu'on retrouvera plus tard, c'est que le demandeur aura à prouver des négations, ce qui est toujours très difficile. Mais, par cela même que cette preuve est difficile à faire, les juges ont un plus grand pouvoir d'appréciation des circontances: comme le demandeur en répétition n'a pu se procurer d'avance une preuve écrite des négations qu'il a à prouver, les simples présomptions de fait sont admissibles (comp. c. ciVi fr., art. 1353; Proj., art. 1425); si le défendeur à la répétition, celui qui a reçu le payement, ne fait pas d'efforts de son côté pour établir l'existence de la dette naturelle, la connaissance qu'en avait le débiteur, enfin, son intention de l'acquitter, il courra grand risque de voir accueillir les preuves négatives du demandeur et d'être condamné à la restitution de l'indû.
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(i) On pourrait supposer même que le débiteur croyait bien devoir, mais croyait devoir civilement, tandis que, en réalité, il ne devait que naturellement. Dans ce cas, il aurait commis une erreur de droit sur la cause ou sur la nature de son obligation, et c'est une erreur exclusive de la volonté ou du consentement (voy. art. 332), par conséquent aussi, exclusive de la volonté d'acquitter une obligation naturelle.
(j) On ne suppose pas ici que le fait même du payement effectué soit contesté: autrement, ce serait encore un point à établir et, sans aucun doute, la preuve en incomberait à celui qui prétendrait répéter (v. n° 261).
Art. 588. — 757. Il pourrait arriver qu'un débieur, se sachant tenu en équité et ayant l'intention de se libérer de son obligation naturelle, n'en eût pas présentement les moyens; or, il serait fâcheux pour le créancier que cette obligation ne pût être utilement reconnue par un acte exprès et formel: le Projet tranche affirmativement cette question qui pourrait faire doute. Dans ce cas, il arrivera presque toujours que le débiteur indiquera la cause naturelle de la dette qu'il reconnait, puisque son intention est de se lier civilement, en attendant qu'il puisse payer. Si son acte de reconnaissance ne portait pas l'énoncé de la cause, on en présumerait une légale, conformément encore à l'article 347.
A défaut de payement ou de reconnaissance volontaire par le débiteur, la dette naturelle pourrait être cautionnée par un tiers: le tiers, qui est déjà admis à payer la detto naturelle pour le débiteur, peut aussi en faire une sorte de reconnaissance par le cautionnement: il promet de la payer, si le débiteur ne la paye pas luimême (k). La question de son recours est réglée à l'article suivant.
La novation ne forme une obligation qu'en en éteignant une autre; mais celle-ci peut avoir été moins énergique que ne le sera la nouvelle. Déjà l'article 561 a admis que la première dette dont l'extinction sert de cause à la création de la nouvelle dette pouvait n'avoir été que naturelle: le Projet ne fait ici que généraliser davantage cette idée. La novation, ici comme dans les autres cas, peut être faite avec le débiteur naturel luimême ou avec un tiers.
Enfin, la dette naturelle peut être garantie par une sûreté réelle, comme un gage ou une hypothèque, et cette sûreté peut être fournie aussi bien par un tiers que par le débiteur lui-même.
758. Le 2e alinéa exprime une idée fort importante à remarquer, c'est que la reconnaissance de la dette naturelle, la ncvation ou la garantie dont elle est l'objet, la transforment et la rendent ci vile; mais bien entendu, cette augmentation de ses effets n'a lieu que dans la mesure de ce qui a été fait ou déclaré. C'est là une grande différence, signalée brièvement dans l'Exposé (n° 739), avec la confirmation des obligations civiles annulables. Une reconnaissance de dette civile annulable, sans indication de limites ou de réserves partielles, la confirmerait pour le tout: ici, la dette naturelle ne sera transformée que dans la mesure formellement énoncée; de même, le cautionnement ou la garantie réelle d'une dette civile annulable la confirmerait pour le tout, sans qu'il soit besoin de l'exprimer; tandis que la garantie personnelle ou réelle d'une dette naturelle ne lui donne de force civile que dans la mesure portée au cautionnement ou jusqu'à concurrence de la valeur donnée en gage ou en hypothèque: la raison de ces différences est que la dette civile, même quand elle est annulable, a une étendue déterminée à l'origine, tandis que l'étendue de la dette naturelle n'est jamais connue que par la manifestation de la volonté du débiteur, ou du tiers qui intervient pour lui, par une reconnaissance ou au moyen d'un payement.
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(k) Le Code français (art. 2012) déjà cité dans l'Exposé (n° 741), permet ce cautionnement pour la dette d'un incapable et même, indirecte ment, pour toute autre dette annulable, car il procède par voie d'exemple: le Projet généralise formellement cette faculté de cautionnement.
Art. 589. — 759. Lorsque c'est un tiers qui a procuré le payement, la novation ou la garantie personnelle ou réelle de l'obligation naturelle, il faut distinguer s'il avait, à cet égard, reçu mandat du débiteur, ou non: dans le premier cas, le débiteur est civilement tenu envers lui des obligations d'un mandant, soit qu'on considère le mandat seul et en lui-même, soit qu'on y voye en même temps une reconnaissance de la dette naturelle, dans la mesure du mandat; dans le second cas, la position du débiteur ne pouvant être aggravée par un tiers, le débiteur n'est tenu que naturellement envers le tiers; c'est l'application des principes de la gestion d'affaires: le gérant n'est créancier du maître que dans la mesure où il s'est utilement ingéré dans ses affaires; or, ici, le gérant n'a libéré le débiteur que d'une obligation naturelle (si encore il ne s'est pas trompé dans ses appréciations), il n'acquiert donc contre celui-ci qu'un droit naturel égal et semblable à celui du créancier primitif: le débiteur remboursera, s'il croit devoir et s'il veut et peut payer.
Il n'est pas sans intérêt de rechercher si le tiers qui a payé pour le débiteur naturel, avec ou sans mandat, est subrogé aux droits du créancier: on l'a admis dans l'Exposé, par respect pour les principes généraux du payement, et on y a trouvé une certaine utilité pratique (v. n° 747-1).
Art. 590. — 760. Les divers actes qui donnent effet à l'obligation naturelle tirent leur force de la volonté de celui qui les accomplit; il faut donc que cette volonté soit non seulement libre, mais encore éclairée: il faut que le consentement soit exempt de vice et que celui qui le donne soit maître de ses droits; le payement d'une obligation naturelle fait sous l'influence de l'erreur ou de la violence, ou par un mineur, un interdit ou une femme mariée non autorisée, serait sujet à répétition; une reconnaissance ou la dation d'une garantie, fournies dans les même circonstances, seraient annulables d'après le droit commun.
Il n'est pas nécessaire de faire remarquer que c'est pour le payement que la loi exige la capacité d'aliéner et pour les actes de reconnaissance, pour la novation ou pour le cautionnement, celle de s'obliger. Quant à la constitution d'hypothèque, elle exige ordinairement la capacité d'aliéner les immeubles, sauf pour le mineur commerçant (v. n° 680, in /.). '
Art. 591. — 761. Cet article et les suivants, jusqu'à l'article 596, sont relatifs, non plus aux effets des obligations naturelles, mais à leurs causes. Cette partie de la théorie, ayant été le plus développée dans l'Exposé (v. n° 711 et s.), demandera ici moins d'explications que la précédente.
Le 1er alinéa suppose trois cas où le contrat ne s'est pas formé et n'a pas créé d'obligation civile; mais l'obstacle à la naissance d'une telle obligation, dans les cas spécialement prévus, est plutôt tiré de la raison civile que de la raison naturelle et cette dernière doit l'emporter, dès que le débiteur trouve plus juste de ne pas se prévaloir des secours que lui donne la loi, par exemple, de la nullité pour défaut de formes solennelles.
Le seul cas où la loi s'oppose à la reconnaissance par le débiteur d'une obligation *naturelle, à défaut de création d'une obligation civile, par défaut de formes, est celui d'une donation entre-vifs (28 al.).
La matière des donations n'est pas encore réglée; mais il est vraisemblable que le Projet, sans aller peutêtre aussi loin que la loi française dans les conditions de formes, pour cette sorte de convention, l'entourera de quelques précautions particulières qui sont, assurément, plus nécessaires pour éviter les captations que s'il s'agissait d'un acte onéreux (1). Or, si l'on suppose une donation faite sans observation des formes requises et qu'il soit permis au donateur de se considérer comme obligé naturellement à l'exécution de sa promesse, il se trouvera, à ce sujet, exposé aux mêmes dangers de captation, il mettra même un faux point d'honneur à exécuter la donation, ne fût-ce que pour prouver qu'il n'avait eu aucune faiblesse, qu'il n'avait cédé à aucune influence captieuse.
Mais, les mêmes raisons ne se rencontrent plus pour empêcher l'exécution ou la reconnaissance de la donation par les héritiers ou successeurs généraux du donateur: les mêmes influences ne s'agiteront pas aùtour d'eux, ils seront mus par le respect de la volonté de leur auteur et non par un faux point d'honneur. Telle est la disposition du Code civil français (art. 1340) et du Code italien (art. 1311). Ils ne font pas mention d'une obligation naturelle des héritiers, mais c'est la manière la plus raisonnable d'expliquer cette distinction entre le donateur et ses héritiers (v. ci-dess.., Exposé, n° 716).
762. La loi, dans le Se alinéa, met sur la même ligne que la donation nulle en la forme le testament qui serait nul pour la même cause.
Bien que le testament n'ait guère été jusqu'ici usité au. Japon, il répond à un besoin et à un sentiment si naturels de l'homme qu'il ne peut manquer d'avoir sa place dans le nouveau Code (2).
Le testament sera nécessairement soumis à quelques formes protectrices qui en garantiront la liberté et la sincérité, et, quand ces formes n'auront pas été observées, la même question se présentera, de savoir s'il y a, pour les héritiers une obligation naturelle d'exécuter la volonté de leur auteur. Du testateur lui-même, à la différence du donateur, il ne peut être question ici, puisque le testament ne produit d'effet qu'à sa mort; pour les héritiers, la loi décide comme pour ceux d'un donateur entre-vifs: ils peuvent se reconnaître naturellement tenus.
Il n'y aura pas à y revenir à la matière des testaments.
S'il s'agissait d'une constitution d'hypothèque nulle pour défaut de formes, ce n'est guère à la charge du débiteur lui-même qu'il y aurait à rechercher l'existence d'une obligation naturelle, car l'hypothèque, même valable, modifie peu les rapports juridiques du débiteur avec le créancier: elle tend surtout à donner un droit de préférence au créancier hypothécaire, à l'encontre des autres créanciers, sur le prix de l'immeuble, lorsqu'il sera vendu; elle lui donne aussi un droit de suite sur ledit immeuble, quand il sera passé aux mains d'un tiers détenteur.
Supposons donc qu'une hypothèque étant nulle pour défaut de formes, les autres créanciers ou le tiers détenteur, en connaissance de cause et volontairement, laissent exercer contre eux ledit droit de préférence ou de suite, ils devront être considérés comme exécutant une obligation naturelle. Il en serait de même, si, ayant écarté le créancier, à raison de la nullité de son hypothèque, ils lui avaient ensuite restitué volontairement tout ou partie des sommes que son hypothèque tendait à lui assurer.
C'est la même solution que celle donnée dans l'Exposé n° 728 bis, au sujet de l'étranger privé, au Japon, du droit d'hypothèque.
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(1) Le Texte officiel soumet effectivement les donations à la forme authentique; mais il n'exige pas l'acceptation expresse du donataire.
(2) Le Projet traitait du legs à titre particulier dans la Ire Partie du Livre III (Chap. 9); il réservait à la IIe Partie le legs à titre universel; c'est là aussi que devaient être indiquées les formes du testament et les règles de la capacité requise et suffisante pour tester.
Le Texte officiel a supprimé la division des moyens d'acquérir en deux classes; mais il a admis le testament et les deux sortes de legs (Livre III, Chap. 14).
Art. 592. — 763. Ici, la raison civile et la raison naturelle se rencontrent pour empêcher la formation d'une obligation naturelle, lorsqu'une obligation civile ne peut naître: là où il n'y a pas de cause, il ne peut y avoir d'effet; la plus simple qu'on puisse dire sans cause est la dette de jeu ou la dette attachée à un pari: on a établi (n° 265) et dans l'Exposé (nos 736 et 745) que c'est pour sa cause illicite, que cette dette n'existe pas aux yeux de la loi et, ni la raison naturelle, ni l'équité, ni l'ordre publie, ne permettent d'y voir le principe d'une obligation naturelle. Le refus de répétition de ce qui a été payé en vertu de pareilles dettes s'explique aisément: il y a cause honteuse (turpitudo, turpis causa), aussi bien dans l'action en répétition que dans l'action en payement.
La solution est absolument la même dans le cas de toute autre cause illicite.
Si l'obstacle à la formation de l'obligation civile est dans la réunion des trois raisons qui précèdent (dont une seule suffirait), il est assez fort pour empêcher également la formation d'une obligation naturelle: celui qui aurait promis des intérêts supérieurs au taux permis pour des sommes prêtées, ne pourrait s'en reconnaître tenu, même naturellement, et s'il les avait payés, il pourrait les répéter; il n'y aurait pas, dans ce cas, de son côté au moins, une cause honteuse s'opposant à la répétition, mais l'ordre public demande que le débiteur soit protégé, même contre la délicatesse qui le porterait à payer les intérêts qu'il a promis (v. Exposé, n° 723 (l).
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(l) On rappelle qu'on raisonne ici dans l'esprit de la loi positive qui limite le taux de l'intérêt, et non au point de vue de l'économie politique qui réclame pour le " louage de l'argent " la même liberté que pour les autres louages.
On pourrait même dire que ce qui est conforme à la saine économie politique est aussi conforme à l'équité naturelle (et nous sommes de ceux qui sont convaincus que le juste et l'utile sont harmoniques et inséparables.
Mais comme il s'agit toujours ici de donner aux obligations naturelles la sanction, même imparfaite, que la loi positive leur accorde, nous n'en pouvons trouver pour un acte que la loi condamne et défend.
Art. 593. — 764. La nullité de la promesse du fait d'autrui est fondée sur l'idée que l'objet de la convention n'est pas à la disposition du promettant, qu'il est pour lui un fait impossible; la nullité de la stipulation en faveur d'autrui (en faveur d'un autre que le stipulant) se rattache au défaut d'intérêt pour le stipulant, par conséquent, au défaut de cause (voy. art. 343, 28 al. et 344, 28 al.). 'Mais ces deux nullités sont de celles que l'on peut considérer comme fondées surtout sur la raison civile: la raison naturelle ne s'oppose pas absolument à ce que de pareilles conventions produisent quelque effet; l'intention y joue un si grand rôle que souvent la prohibition cesse de s'appliquer, si les parties ont pris quelques précautions à cet effet. Il est donc facile de comprendre qu'en l'absence de ces' précautions originaires qui auraient laissé se former une obligation civile, le débiteur qui a promis le fait d'autrui ou son propre fait en faveur d'autrui puisse toujours se reconnaître tenu naturellement, soit du fait même, soit d'une indemnité pour l'inexécution par le tiers ou en faveur du tiers.
Art. 594. — 765. Les articles précédents ont recherché les éléments d'une obligation naturelle dans la première cause des obligations civiles, dans les conventions; le présent article les recherche dans les trois autres causes: l'enrichissement indû, le dommage causé injustement et la loi.
Pour les deux premières causes, il est très facile de comprendre que lorsqu'elles cessent d'avoir assez de précision et d'évidence extérieure pour être invoquées en justice contre le débiteur, celui-ci puisse encore se considérer comme tenu en équité et payer ou reconnaître une dette naturelle. On en a donné des exemples - dans l'Exposé (nos 719 et suiv., 722 et suiv.)
Le cas des obligations naturelles nées de la loi, ou à son occasion, est moins simple; mais on s'y est étendu davantage, notamment au sujet de la dette alimentaire entre parents et de la condition civile des étrangers au Japon (v. nos 726 et suiv.).
Remarquons encore, sur ces trois causes, qu'a l'in, verse des cas où le débiteur est plus sévère pour luimême que ne l'est la loi, le créancier peut aussi avoir scrupule de conserver ce qu'il a valablement reçu d'après la loi civile, et les restitutions qu'il pourra faire à ce titre n'auront ni le caractère de donation ni celui de payement indu.
Art. 595. — 766. Après l'examen des causes qui font naître les obligations naturelles là où elles sont impuissantes à faire naître une obligation civile, la loi passe aux cas où les obligations naturelles survivent à une obligation civile légalement éteinte.
On a parcouru dans l'Exposé (n° 729) toutes les causes légales d'extinction des obligations civiles et on a vu qu'il n'y a guère que la confusion dont on puisse dire qu'elle mette un obstacle à la persistance d'une obligation naturelle. Le présent article résume en deux alinéas ce qui a été dit à ce sujet: le premier, pour trois actions qui se rencontrent souvent ensemble dans la loi, à cause de leurs analogies, les actions en rescision en résolution et en révocation; le second, pour les autres modes d'extinction.
Art. 596. — 767. Ici, il y a moins eu cause spéciale d'extinction que preuve ou présomption légale d'une extinction par l'un des modes légaux: la prescription est une présomption de libération par payement, fondée sur le laps de temps et sur les autres circonstances qui en sont les conditions légales; l'autorité de la. chose jugée est une présomption de vérité de ce qui a été reconnu et déclaré par la justice; elle est fondée sur les lumières et l'intégrité des magistrats. Ces deux présomptions sont établies dans un intérêt public de premier ordre, c'est pourquoi on les qualifie d'absolues (v. art. 14] 3). Cependant, cet intérêt n'est pas si puissant que ceux-là même en faveur desquels la présomption est établie ne puissent être admis à y renoncer, puisque cette renonciation ne sera pas une occasion de remettre en question ce qui est décidé.
768. Assurément, quelque soin que mettent les tribunaux à examiner les procès, ils ne sont pas à l'abri des erreurs humaines, d'autant moins qu'ils sont exposés à être égarés par les plaideurs, par les artifices des uns et par l'impéritie des autres; il peut donc arriver que celui qui a gagné son procès, en demandant ou en défendant, ait plus tard des remords ou des scrupules et préfère soulager sa conscience, en restituant ce que le procès lui a fait obtenir ou l'a dispensé de payer ou de restituer (v. nos 732 et 733;. Comment hésiterait-on à voir là un cas d'obligation naturelle et h la sanctionner par un refus de répétition, s'il a payé volontairement et, même par une action civile tendant au payement, s'il a fait une reconnaissance ?
769. Les mêmes considérations s'appliquent au cas d'un débiteur qui a invoqué la prescription et l'a fait admettre. Si la prescription est la sauvegarde des débiteurs qui ont payé leur dette et perdu la preuve de leur payement, elle peut aussi, en fait, servir d'abri à ceux que le créancier a négligé de poursuivre; dès lors, si, plus tard, cette libération mal acquise trouble leur conscience, pourquoi ne pas les admettre, de même, à payer leur dette ou à s'en reconnaître civilement tenus pour un terme ultérieur ? (v. n° 734).
Ces deux cas d'obligations naturelles sont peut-être, de tous, les moins contestés.
La loi a mis ici sur la même ligne les deux prescriptions: il a paru bon de faire remarquer que la prescription, comme la chose jugée, peut procurer des avantages illégitimes, dans l'ordre des droits réels comme dans l'ordre des droits personnels; celui qui aura, en invoquant la prescription dite " acquisitive, conservé un bien qu'il- n'avait pas légitimement acquis, pourra se reconnaître naturellement débiteur ou détenteur de la chose d'autrui, tout aussi bien que celui qui, par la prescription dite " libératoire," se trouvera affranchi d'une dette civile.
770. Le dernier cas d'obligation naturelle admis par notre article est celui où la partie intéressée répudierait une autre preuve civile d'acquisition ou de libération, en restituant ce que la loi lui, permettrait de conserver, ou en se reconnaissant débitrice là où la loi ou l'autre partie la considère comme libérée.
Mais, comme on l'a fait remarquer dans l'Exposé (n° 735), il n'y a pas là de cause nouvelle d'obligation naturelle; ce sera toujours l'une de celles qu'on a déjà énoncées: précédemment, on avait pris les hypothèses dans le fond même du droit; ici, on les prend dans les preuves du droit ou de la libération. Ainsi, un créancier a reçù une somme d'argent, en vertu d'un titre régulier de prêt ou de vente: il ne peut être tenu civilement d'en restituer aucune partie; mais il peut en faire une restitution volontaire totale ou partielle. Réciproquement, le débiteur qui, après le payement intégral de sa dette civile, telle qu'elle est portée à l'acte, ne pourrait être tenu de payer davantage, peut encore se croire tenu d'une dette naturelle complémentaire et la payer ou la reconnaître civilement. C'est que, pratiquement, -it?t droit se lie si intimement à lia preuve que tout fait qui modifie celle-ci semble modifier aussi celui-là.
Art. 597. — 771. Le Projet tranche, au sujet de la cession de créance, une question fort délicate. Elle est peut-être plus théorique que pratique, ce qui explique qu'elle ne paraîsse pas avoir encore été soulevée; mais elle a ici sa place nécessaire.
Du moment qu'on reconnaît que l'obligation naturelle diffère de l'obligation purement morale en ce qu'elle a pour corrélatif un droit d'autrui; du moment que, là où il y a un débiteur, il y a un créancier (voy. art. 314), il faut admettre qu'en regard de la dette naturelle il y a une créance naturelle. Le créancier, il est vrai, n'a pas d'action à exercer en justice; mais, rien ne l'empêche de solliciter son débiteur, de l'éclairer, de faire appel " à sa raison et à sa bonne foi " (v. art. 586); il peut donc ainsi espérer obtenir des biens qu'on lui a refusés d'abord, et surtout com-ervcr ceux qui auront été volontairement livrés; des lors, cette créance semble faire partie de son patrimoine, comme les créances civiles, tout en gardant son caractère plus précaire, et elle paraît pouvoir être cédée, à titre gratuit ou onéreux, avec les effets d'une cession civile ordinaire.
Sans doute, une pareille cession serait rare: comme donation, elle semblerait presque dérisoire, le donateur ne faisant qu'un sacrifice à peu près nominal et ne conférant qu'un droit, pour ainsi dire, théorique; comme vente, on trouverait d'autant moins d'acquéreurs qu'il est à croire que le débiteur aura moins de scrupules à négliger de s'acquitter envers un cessionnaire inconnu qu'envers son créancier originaire Mais, pour que la question ait quelque intérêt pratique, on pourrait supposer le cas où le créancier voudrait céder son droit à un tiers envers lequel, justement, le débiteur naturel aurait des sentiments d'affection ou de respect qu'il n'aurait pas envers son créancier et se trouverait ainsi porté davantage à une exécution volontaire.
A la question ainsi posée et ramenée aux vraisemblances, la loi répond par une négation: la cession n'est pas permise, comme cession civile, sauf un cas formellement excepté. Elle pourrait seulement devenir la cause d'une nouvelle dette naturelle.
Il faut justifier la prohibition et l'exception.
772. Si l'on se reporte à ce qui a été dit de la nature de l'obligation naturelle, tant dans l'Exposé (nos 709 et 710) que sous l'article 586 (n° 752), on doit admettre, que jusqu'à l'exécution volontaire, jusqu'à la reconnaissance ou à ce qui en tient lieu (novation, garantie), la dette naturelle n'est pas connue, n'a pas d'existence, même naturelle, aux yeux de la loi: ce n'est pas une dette éventuelle ou conditionnelle, car une condition aussi complètement potestative de la part du débiteur est exclusive de tout droit du côté du créancier, nonobstant la tolérance du Projet à cet égard (voy. art. 435).
La cession de la créance naturelle est défendue parce qu'il n'y a pas encore créance. Et cette solution n'est pas contraire à ce qu'on vient de rappeler que, là où il y a dette naturelle, il y a droit d'autrui: quand la dette naturelle sera exécutée ou reconnue, elle se trouvera correspondre et avoir toujours correspondu à un droit d'autrui; mais, jusque là, la présomption est qu'il n'y a ni dette ni créance même naturelle; il n'y a donc rien de cessible, ni avant l'exécution, parce que la dette naturelle n'est pas encore légalement connue, ni après l'exécution, parce que la dette est éteinte. Si, au lieu de payement, il y a eu reconnaissance du débiteur, novation ou garantie, alors la cession est possible, mais c'est parce que la créance est devenue civile (v. art. 588j.
Si quelques personnes étaient portées, malgré ces considérations, à admettre que la créance naturelle existe avant le payement ou la reconnaissance, nous dirions encore que la cession est impossible, parce qu'elle n'aurait pas un objet suffisamment certain: elle ne remplirait pas la condition essentielle de toute convention civile (voy. art. 325-2°).
Mais on a remarqué que, dans le texte et dans l'exposé, il n'est question que d'une cession civile, c'està-dire qui mettrait légalement le cessionnaire au lieu et place du cédant, pour recevoir le payement volontaire ou la reconnaissance. C'est cette cession que la loi défend ou, au moins, qu'elle refuse de sanctionner: si donc une pareille cession avait eu lieu, le cédant resterait en droit de recevoir le payement volontaire du débiteur et de bénéficier d'une reconnaissance; sauf à restituer au cessionnaire le prix de cession comme reçu sans cause.
Cette solution pourrait sembler en opposition avec celle où nous admettons la subrogation à la créance naturelle, au profit du tiers qui a acquitté ce qu'il a considéré comme la dette naturelle d'autrui; ce n'est pas le seul cas où la loi soit plus favorable à celui qui paye la. dette d'autrui qu'à celui qui se rend cessionnaire d'une créance contre autrui (v. n'l 541 à 543 bis).
Mais rien n'empêcherait que cette cession produisît elle-même une obligation naturelle du cédant, et qu'après avoir reçu du débiteur-cédé un payement volontaire ou une reconnaissance, il en transmît, volontairement, à son tour, le profit au cessionnaire. Réciproquement, le cessionnaire pourrait se considérer comme obligé naturellement à payer tout ou partie du prix de cession, quoique la créance naturelle cédée ne lui eût pas profité.
C'est une application nouvelle et intéressante du principe, posé plus haut, qu'une convention civilement nulle, faute d'un objet suffisamment certain, peut produire une obligation naturelle qui se révélera par l'un des faits si souvent répétés: payement volontaire, reconnaissance, novation, garantie.
773. Le texte de l'article 597 apporte une exception notable à la prohibition de faire la cession civile d'une créance naturelle: c'est celui où, un failli ayant obtenu un concordat, ses créanciers lui ont fait remise d'une partie de leur créance, pour l'aider à se relever (v. art. 526 et nos 578 et 579).
On a vu dans l'Exposé (nO 729-30; que les créanciers, dans ce cas, conservent une créance naturelle, puisque le débiteur ne peut être réhabilité sans avoir remboursé intégralement toutes ses dettes, en capital et intérêts, y compris la portion dont le concordat lui a fait remise.
Cette dette naturelle a, évidemment, un caractère exceptionnel: elle est reconnue par la loi, avant même d'être acquittée; son quantum, son chiffre, est connu à l'avance et toutes les objections faites précédemment à la cession d'une créance naturelle manquent ici d'application. La cession faite par le créancier sera donc civilement efficace: le cessionnaire sera seul admis à recevoir le payement volontaire que fera le débiteur, pour obtenir la réhabilitation.
Art. 598. — 774. On a vu, par tout ce qui précède, tantôt que la dette naturelle prend sa source dans des faits qui étaient de nature à engendrer une obligation civile, si toutes les conditions en eussent été remplies, et qu'alors elle supplée celle-ci, tantôt qu'elle survit à une dette civile légalement éteinte. Dans les deux cas, si la dette civile avait été effectivement solidaire ou indivisible, avant son extinction, ou avait pu l'être, si elle se fût formée, les mêmes caractères se trouveront dans la dette naturelle. Mais ces caractères, ces modalités perdent beaucoup de leur intérêt, puisque leur principal avantage serait de permettre à chaque créancier d'agir pour le tout contre chacun des débiteurs et t qu'ici le créancier n'a pas le droit d'action.
Cependant, voici quelques intérêts secondaires qui subsistent et qui ont d'ailleurs été énoncés dans l'Exposé (v. n° 746). Si la dette, primitivement solidaire comme dette civile irrégulière, ou dégénérée en dette naturelle après son extinction par voie judiciaire, est reconnue par deux ou plusieurs des débiteurs ou en faveur de deux ou plusieurs des créanciers, le caractère de dette solidaire reparaîtra dans la nouvelle dette reconnue, parce que la reconnaissance qui la rend civile, la rétablit telle qu'elle était primitivement et dans le temps intermédiaire où elle a été purement naturelle. Si l'un des créanciers primitivement solidaires a reçu un payement volontaire, sans que le débiteur le lui ait exclusivement assigné ”pour sa part dans la créance," il devra en partager le profit avec les autres, parce que le mandat mutuel que se sont donné les créanciers dure autant que la dette, même après qu'elle est transformée.
La réciproque n'aurait pas lieu: celui des débiteurs primitivement solidaires qui aurait payé la dette naturelle ne pourrait recourir contre les autres, parce qu'il n'a plus de mandat: ce n'est pas à lui d'apprécier pour eux, en raison et en équité, s'il est encore dû au créancier et combien il lui est dû.
On pourrait faire, à peu près, les mêmes raisonnements, au sujet de l'indivisibilité conventionnelle active et passive ou passive seulement; quant à l'indivisibilité naturelle ou fondée sur la nature de la chose due, elle disparaîtra chaque fois que l'obligation naturelle qui la remplace n'aura plus pour objet qu'une somme d'argent (v. art. 462 à 464).
Art. 598. — 775. Cet article et le suivant terminent la matière des obligations naturelles, par le jugement qu'elles comportent.
On a eu déjà l'occasion (nos 749 et 752, inf.) de faire remarquer que l'absence du droit d'action et d'exception chez le créancier au profit duquel existe une obligation naturelle n'exclut pas l'intervention des tribunaux en cette matière ils auront à se prononcer sur l'existence de l'obligation naturelle, dans deux cas, au moins; 1° quand le débiteur, ayant payé volontairement, prétendra répéter comme indu ce qu'il a donné; 2° quand le créancier, ayant obtenu une reconnaissance, une no; vation, une garantie réelle ou personnelle de la dette, intentera l'action civile qui en résulte et se verra opposer indûment une fin de non-recevoir tirée de la prétendue absence de toute obligation, même naturelle, c'est-à-dire de l'absence de cause.
La loi, se plaçant dans l'une de ces hypothèses, croit utile de déterminer ce qui, dans le procès à juger, est question de fait et ce qui est question de droit. On sait quelle est l'importance de cette distinction: les questions de fait sont jugées souverainement par les cours d'appel, et même par les tribunaux de première instance, s'il n'y a pas lieu à appel ou s'il a été négligé: les questions de droit sont soumises au contrôle de la cour de cassation chargée d'assurer le respect de la loi, lorsqu'elle est saisie d'un pourvoi.
Supposons maintenant, avec la première des deux hypothèses faites plus haut, que celui qui a payé prétende exercer la répétition de l'indû: ou il soutiendra qu'il n'a pas payé volontairement, c'est-à-dire librement et en parfaite connaissance de caus?, ou qu'il ne devait réellement rien, même naturellement, c'est-à-dire, ni en raison, ni en équité.
776. La première prétention est relative à des faits;
Le débiteur savait-il qu'il devait naturellement ? Voulait-il payer cette dette naturelle ? Ce sont là des faits internes, des faits d'intention et de volonté: les tribunaux de premier ou de second degré les jugeront souverainement.
Sur le premier point, ils auront à tenir compte, évidemment, de l'éducation, de l'intelligence, de l'honnêteté de celui qui a payé, puisqu'il y a là une question " de raison et de bonne foi " (v. art. 586, 1er al.).
Sur le second point, ils auront à s'assurer, en présence des allégations contradictoires des parties, si le payement n'a pas été obtenu par erreur, violence ou dol.
Rappelons, à ce sujet, ce qui a été dit (art. 579 et n° 690), à l'occasion de la confirmation tacite par exécution volontaire d'une obligation annulable, à savoir que l'exécution forcée, obtenue en justice ou par les autres voies de droit et d'autorité, est placée sur la même ligne, que l'exécution volontaire, au point de vue légal; car, s'il y a eu jugement, l'autorité de la chose jugée a autant et plus de force que la volonté du débiteur; s'il y a eu exécution en vertu d'un acte authentique, le débiteur pouvait faire des protestations et saisir la justice de sa réclamation: s'il n'a pas protesté et donné suite à sa protestation, il a tacitement acquiescé; s'il a saisi les tribunaux et succombé, il y a encore chose jugée.
Toutefois, la question de savoir si l'exécution forcée est semblable à l'exécution volontaire, au point de vue qui nous occupe, est déjà une question de droit: un tribunal qui déciderait qu'elle n'a pas le même effet violerait la disposition de l'article 579 et sa décision serait sujette à cassation.
777. La seconde prétention est tout-à-fait fondée sur le droit: le débiteur nie qu'il ait été dans un des cas où la loi admet qu'une obligation naturelle a pu naître au lieu et place d'une obligation civile ou survivre à une obligation civile éteinte. Soit que les tribunaux aient admis ou rejeté cette prétention du débiteur, ils ont jugé une question de droit: ils ont dû, en effet, établir que le cas qui leur était soumis rentrait ou ne rentrait pas dans les articles 591 à 596; leur décision pourra être déférée à la cour de cassation et cassée, s'il y a lieu.
Il n'y a pas à s'arrêter à la seconde hypothèse, à celle où le créancier serait demandeur par suite d'une reconnaissance civile, en sa faveur, de la dette naturelle: les questions de fait et de droit qu'elle peut soulever seraient identiques et les solutions seraient les mêmes également.
Mais voici encore des cas où la décision des tribunaux trancherait des questions de droit et serait sujette à cassation: un tiers qui a payé pour le débiteur prétend répéter, parce qu'il n'avait pas qualité pour payer une dette naturelle qui n'était pas la sienne; un tiers conteste qu'il ait pu cautionner une dette naturelle; le débiteur' ou un tiers nie qu'il ait pu nover une dette naturelle, qu'il ait pu la garantir par un gage ou une hypothèque; le créancier nie que la capacité civile ordinaire soit nécessaire à la validité du payement ou de la reconnaissance: ce ne sont pas là des questions de fait, puisqu'il s'agit de l'application des articles 586 à 590. De même, un cessionnaire de créance naturelle prétend que la cession est valable, dans un cas qui n'est pas celui-là même et le seul où la cession est permise par l'article 597 (le cas de concordat); enfin, la solidarité ou l'indivisibilité de la dette naturelle sont soutenues, ou contestées contrairement à l'article 598. Il est évident que, dans tous ces cas, les tribunaux, ayant statué sur les effets ou les caractères de la dette naturelle, ont tranché des questions de droit et qu'ils sont, à cet égard, sujets au contrôle de la cour de cassation (v. Exposé, n° 749).
La matière des obligations naturelles n'est pas la seule où il soit plus ou moins délicat de distinguer ce qui est question de fait ou question de droit; mais comme elle est tout-à-fait spéciale et en dehors de l'ordre ordinaire des dispositions de la loi, il a paru bon de régler ce point avec les autres, pour n'avoir pas à y revenir au Code de Procédure civile, alors que les attributions de la cour de cassation seront déterminées (2).
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(2) Ce n'est pas au Code de Procédure civile que les attributions de la Cour de cassation ont été déterminées, mais dans la Loi organique des Cours et Tribunaux, de la 23e année de Meiji (1890).
L'avantage d'avoir placé dans une loi spéciale ce qui concerne l'organisation et la compétence des Cours et Tribunaux est qu'on a pu y réunir la justice civile et la justice criminelle, ce qui évite soit les répétitions dans les deux Codes de Procédure (civile et criminelle), soit l'emprunt de l'un de ces Codes à l'autre. Mais on y a peut-être trop sacrifié à l'uniformité des deux organisations et, aussi on a supprimé beaucoup de dispositions du Code de Procédure criminelle, ce qui en a demandé une nouvelle édition corrigée et abrégée.
Art. 600. — 778. On n'a pas encore eu occasion de parler de l'arbitrage, sauf ce qui en a été dit dans l'Exposé, au point de vue qui va nous occuper (v. n° 744). La plupart des législations, toutes peut-être, admettent que les particuliers peuvent soumettre le jugement de leurs différents à d'autres particuliers de leur choix, au lieu de s'adresser aux tribunaux, soit pour éviter des frais et des lenteurs, soit pour tout autre motif dont on n'a pas à leur demander compte. La convention par laquelle les parties s'engagent ainsi l'une envers l'autre à se soumettre à l'arbitrage de tiers s'appelle, en France, compromits'. On peut compromettre (faire un compromis) sur toute espèce de contestation, mais à la condition qu'il s'agisse " de droits dont les parties ont la libre disposition " (voy. c. proc. civ. fr., art. 1003). On ne peut donc soumettre à des arbitres les questions concernant les incapables, les questions d'état civil et, généralement, celles qui intéressent l'ordre public.
En France, les sentences ou décisions arbitrales ne sont pas nécessairement sans recours: pour qu'elles fussent inattaquables, il faudrait que les parties eussent donné pleins pouvoirs aux arbitres pour le jugement des points de fait et des points de droit, ce qu'on nomme, dans l'usage, " pouvoir de prononcer comme amiables compositeurs" (ibid., art. 1019); autrement, la décision arbitrale est sujette à appel devant le tribunal civil ou devant la cour d'appel, suivant les cas (art. 1023), et, finalement, soumise au pourvoi en cassation, pour violation de la loi (art. 1028, in fine).
Au Japon, la matière vient d'être réglée, à peu près comme en France. Peut-être aurait-on pu ne pas admettre l'appel sur les questions de fait qu'on aurait laissé les arbitres juger souverainement; il nous aurait paru sage et utile de ne laisser le recours ouvert, en appel comme en cassation, que pour l'application de la loi, et toujours si les arbitres n'avaient pas reçu les pleins pouvoirs " d'amiables compositeurs."
778 bis. Dans la matière des obligations naturelles, le recours aux arbitres pourra avoir lieu dans deux cas différents dont l'un est semblable aux cas ordinaires d'arbitrage et dont l'autre est tout-à-fait spécial à cette nature d'obligations, ce qui motive la présente disposition du Projet.
1° Un payement a eu lieu, le débiteur prétend le répéter comme indu, ou bien, il y a eu reconnaissance, novation ou garantie d'une dette, et le débiteur, actionné civilement, prétend que son obligation n'a pas de cause, même dans une obligation naturelle;* dans l'un et l'autre cas, il peut aussi, tout en admettant la possibilité de l'existence d'une obligation naturelle, soutenir, ou qu'il l'ignorait ou que son acte de payement ou de reconnaissance n'a pas été volontaire. Ici, les questions soumises aux arbitres sont tout-à-fait celles qui auraient pu être soumises aux tribunaux ordinaires, tant pour les faits que pour le droit: la circonstance qu'il s'y agit d'obligation naturelle ne modifiera pas, n'augmentera ni ne diminuera le pouvoir ordinaire des arbitres, tel qu'il aura pu être déterminé par le compromis, ou tel qu'il est réglé par le Code de Procédure civile.
2° Il n'y a encore eu aucun des actes supposés plus haut; mais le créancier a suggéré au débiteur l'idée qu'il pouvait bien être tenu naturellemen.t envers lui; celui-ci n'a pas nié que ce fût possible, mais il ne l'a pas reconnu, en fait, et, comme preuve de son honnêteté et de sa bonne foi, il a proposé de soumettre la question à des arbitres; le créancier n'a eu garde de refuser le jugement de tiers qui, étant entièrement désintéressés et choisis parmi des personnes éclairées et honorables, sont dans les meilleures conditions pour décider une question de raison naturelle et-d'équité.
779. Mais, pour la décision de ces arbitres, se réprésente la distinction entre les questions de fait et les questions de droit. Lorsqu'ils décideront que le débiteur est responsable, en équité, d'une erreur qui a empêché le contrat de s; former civilement, qu'il "doit accomplir sa promesse dans telle mesure, quoique l'objet n'ait pas été suffisamment déterminé à l'origine, qu'il doit exécuter, en tout ou partie, la donation ou la disposition testamentaire de son auteur, bien que nulle en la forme, qu'il est indûment enrichi par une convention civilement valable, qu'il a causé un dommage injuste, volontaire ou involontaire, que l'obligation civilement éteinte ne l'est pas entièrement, en équité; dans ces divers cas, on doit reconnaître qu'il y a décision sur les faits et la sentence est obligatoire pour le débiteur, et elle l'est civilement, comme s'il y avait eu reconnaissance de sa part (la loi prend la peine de l'expliquer ainsi), parce qu'il a, en quelque sorte, reconnu luimême sa dette, en subordonnant seulement cette reconnaissance à l'opinion conforme des arbitres.
779 bis. Mais si les arbitres ont admis l'existence d'une obligation naturelle, en la faisant découler de faits auxquels la loi refuse l'effet obligatoire, même naturellement: par exemple, d'une cause que la loi considère comme absolument nulle, comme est une dette de jeu ou de pari, ou illicite, comme la stipulation d'intérêts usuraires, ou s'ils ont déclaré qu'un donateur qui n'a pas observé les formes prescrites pour la donation est lui-même tenu naturellement: dans ces cas, ils ont décidé une question de droit et ils l'ont décidée contrairement aux dispositions formelles de la loi.
Il en sera de même si, à l'inverse, ils ont déclaré qu'il n'y avait pas d'obligation naturelle, sous le prétexte qu'elle était impossible à admettre, dans des cas où la loi, au contraire, la reconnaît possible; par exemple, ils n'ont pas admis que la promesse du fait d'autrui ou la promesse en faveur d'un autre que le stipulant pût produire d'obligation naturelle; ou bien, ils n'ont pas admis qu'il pût y avoir enrichissement indu dans un contrat qui n'autorise pas la rescision pour lésion, ou ils n'ont pas cru qu'il pût y avoir enrichissement indû, même en droit naturel, quand la lésion n'atteignait pas la proportion déterminée par la loi; enfin, ils n'ont pas admis qu'une obligation naturelle pût survivre à la chose jugée en faveur du débiteur, ou à la prescription invoquée par lui, ou à toute autre preuve de sa libération civile.
Il est clair que dans tous ces cas, les arbitres ont jugé en droit et ont fait une fausse application de la loi, c'est-à-dire des textes qui y ont été insérés, précisément pour lever tous les doutes possibles; leur sentence sera donc illégale et cette nullité se fera valoir par un pourvoi en cassation. La nullité pourrait même se faire valoir devant les tribunaux ordinaires, soit au moment où on leur demanderait de revêtir la sentence arbitrale de la formule exécutoire, soit au moment où l'exécution directe en serait demandée.
780. Les arbitres chercheront peut-être à éluder ce contrôle des tribunaux et de la cour de cassation en s'attachant à statuer en fait, en évitant de soulever la question de droit. Cette tendance est déjà très prononcée dans les tribunaux ordinaires (en France, au moins); elle ne pourra qu'être combattue et gênée, sans pouvoir être tont-à-fait détruite, par les dispositions générales du Code de Procédure civile qui obligent les arbitres, comme les juges ordinaires, à motiver soigneusement leurs jugements, en droit autant qu'en fait.
Du reste, les parties ont toujours la faculté de donner à leurs arbitres " les pleins pouvoirs d'amiables compositeurs," et dans ce cas, il n'y a lieu ni à appel ni à pourvoi en cassation (comp. c. proc. civ. fr., art. 1019).
FIN DU LIVRE II ET DES OBLIGATIONS EN G ' '