Art. 333. Il est naturel que celui qui a transféré la propriété d'un corps certain, par le seul consentement, en fasse la délivrance ou livraison. Sans doute, à défaut de livraison, l'acquéreur pourrait toujours obtenir la chose par l'effet de la revendication; mais sa position serait plus difficile: dans cette action, il devrait faire la preuve, non-seulement de la convention intervenue entre lui et l'aliénateur, mais encore du droit de propriété appartenant à celui-ci; si, au contraire, il a le droit d'agir seulement en délivrance, ce n'est qu'une action personnelle où il prouvera seulement la convention, et, après sa mise en possession, il sera défendeur aux revendications que prétendraient exercer les tiers.
Le présent article nous dit que la délivrance est faite “par les soins et aux frais du promettant;” ce qui suppose, évidemment, qu'il y a quelques difficultés pour la faire.
La loi n'indique pas les divers modes de délivrance des choses mobilières, parce qu'ils sont nombreux et dépendent beaucoup des circonstances; si elle y fait figurer la tradition de brève main et le constitut possessoire, déjà mentionnés (art. 191), c'est à cause de leur caractère plus exceptionnel; comme exemple des frais de délivrance que supportera le promettant, on peut supposer que des marchandises vendues se trouvent d'un accès difficile, par la présence d'autres objets lourds ou volumineux: en pareil cas, le vendeur devrait certainement faire déplacer ces derniers et il ne serait pas abusif d'exiger qu'il sortît des bâtiments les objets vendus et même qu'il les portât jusqu'aux limites de sa propriété, au moins quand la sortie présenterait des risques exceptionnels. Sera encore à la charge du vendeur ou aliénateur le pesage ou le mesurage qui est quelquefois une opération difficile, longue et coûteuse. Au contraire, l'acquéreur, le stipulant, supporte les frais d'enlèvement, c'est-à-dire d'emballage, de chargement et de transport au lieu de destination.
Pour la livraison des immeubles, il ne suffirait pas de remettre à l'acquéreur les clefs d'un bâtiment; il faudrait encore l'évacuer, c'est-à-dire, enlever tous les objets non vendus qui s'y trouvent. Quant aux titres à remettre à l'acquéreur, l'usage, en Europe, est de lui remettre, non-seulement le titre nouveau portant translation de propriété, mais encore les titres des propriétaires antérieurs dont les plus anciens servent de base aux plus nouveaux, et en remontant le plus loin possible, au moins de trente ans, pour fonder, au profit de l'acquéreur, une prescription qui pourrait lui être nécessaire et pour laquelle il joindrait à sa possession celle de ses prédécesseurs.
Au Japon, l'usage est différent: jusque dans ces derniers temps, il était délivré à l'acquéreur, par l'administrateur local un nouveau titre qui remplaçait le précédent. Mais la matière a été réglée autrement par une loi de la 23e année de Meiji.
La loi, après avoir réglé les frais de la délivrance et ceux de l'enlèvement, règle ceux de l'acte, pour n'avoir pas à revenir sur la question des frais.
Si le contrat profite aux deux parties, s'il est intéressé des deux côtés, ou onéreux, les frais se diviseront également, ou dans la proportion de l'intérêt de chacun; s'il est gratuit, ils seront à la charge du bénéficiaire. Le texte a soin de ne poser cette règle que pour l'acte instrumentaire, pour celui qui sert de preuve; il ne s'appliquerait pas à l'inscription qui, étant faite surtout dans l'intérêt de l'acquéreur, doit être à sa charge. Les frais d'une quittance, pour un payement postérieur à l'acte, seraient de même à la charge de l'acquéreur, parce que la quittance ne sert qu'à lui seul, en prouvant sa libération.
La loi prévoit enfin le cas où, soit le temps, soit le lieu de la délivrance, n'aurait pas été fixé par la convention.
Au premier cas, l'obligation, n'étant pas affectée d'un terme ni d'une condition, est pure et simple; la délivrance est exigible immédiatement; toutefois, s'il s'agissait d'une vente et que l'acheteur n'eût pas non plus de terme pour le payement du prix, il ne pourrait exiger la délivrance avant d'avoir payé le prix: le vendeur garderait, en quelque sorte, la chose en gage, par droit de rétention (art. 2).
Au second cas, pour le lieu de la délivrance, la loi distingue: s'il s'agit d'un corps certain, il sera délivré au lieu où il se trouvait lors du contrat; cela s'observera même pour la délivrance du titre d'un immeuble, si les parties ne sont pas d'accord pour la remise au domicile de l'une d'elles; à l'égard d'un meuble, la même règle sera observée rigoureusement, s'il est pesant ou d'un déplacement dangereux; mais pour un objet portatif ou facilement mobile, comme une voiture, un cheval, on devra décider, en pratique, d'après l'intention des parties, qu'il pourrait être valablement délivré au domicile de l'aliénateur. S'il s'agit de choses de quantité, comme on ne peut pas dire qu'elles se trouvent dans un lieu déterminé au moment de la convention, il faut nécessairement se placer à une époque postérieure: à celle où elles ont été déterminées et où elles sont devenues corps certains.
Dans les cas non réglés par la convention, expressément ou tacitement, la délivrance se fait au domicile du débiteur: c'est une faveur naturelle à ajouter à d'autres qu'on a déjà rencontrées et qu'on rencontrera. Ainsi, lorsqu'il s'agira d'appeler le créancier à la détermination des choses fongibles, le débiteur pourra l'appeler à son domicile, si les objets s'y trouvent.
Comme les règles du droit civil s'appliquent aux conventions commerciales, chaque fois que les lois spéciales au commerce n'y dérogent pas, et comme ces dérogations doivent être le plus limitées qu'il est possible, on doit indiquer ici quand et comment s'effectue la délivrance de marchandises, lorsque le vendeur doit les expédier à l'acheteur et qu'il y a à effectuer un transport plus on moins long, par terre ou par eau.
Cette question peut se résoudre par les principes généraux. Le vendeur, s'il n'y a pas de terme fixé, fera la délivrance sans autre délai que celui qui est nécessaire pour l'emballage et le transport; la délivrance ne sera pas considérée comme faite par la remise à l'entrepreneur de transport, même quand c'est une entreprise publique, parce que cet entrepreneur est le mandataire du vendeur seul. Il en serait autrement, si l'entreprise avait le monopole de ce genre de transport, comme l'administration des postes, ou était le seul existant en fait, entre les deux localités, parce que, dans les deux cas, cette entreprise devrait être considérée comme le mandataire tacite et nécessaire des deux parties. Sauf ces cas, la délivrance ne sera considérée comme faite que par la remise réelle au destinataire ou à son représentant.