Art. 158, 159 et 160. Le but principal de l'emphytéose étant de favoriser la mise en culture de terrains jusque-là en friches, il est naturel que le preneur ait un pouvoir plus étendu sur la chose louée que dans le louage ordinaire.
La loi indique ici une première limite à la liberté du preneur; mais cette limite n'est ni étroite ni gênante: il suffit que le preneur ne diminue pas la valeur du fonds d'une manière “permanente,” ce qui veut dire que, lors même que les premières transformations du fonds en diminueraient temporairement la valeur ou le produit, ce qui sera généralement inévitable, le preneur ne serait pas inquiété, du moment que des améliorations en devraient être la conséquence ultérieure.
Ainsi, si le preneur défriche des buissons de peu de valeur, pour les remplacer par des cultures de riz ou autres produits alimentaires ou industriels, il y aura un moment où le fonds ne donnera même plus le minime revenu antérieur et ne donnera pas encore de nouveaux produits: mais cet état transitoire est une nécessité pour laquelle le preneur ne peut être critiqué.
Il en est de même, s'il dessèche un marais; le terrain sera d'abord bouleversé par les terrassements et il ne produira même plus de roseaux; mais, plus tard, il pourra devenir très fertile.
Le dessèchement des marais ne doit pas rencontrer d'obstacles, parce que les eaux stagnantes sont toujours inutiles et souvent nuisibles.
Au contraire, la suppression de grands arbres ou de bâtiments pourrait être considérée comme une détérioration permanente; elle serait même irréparable pour les arbres: les articles 159 et 160 y mettent obstacle.
A l'égard des cours d'eau, l'emphytéote peut les modifier, chaque fois que ce sera pour le bien de la propriété, et il est à présumer qu'autrement, il ne fera pas cette dépense. Il ne pourrait les supprimer, par exemple, en les détournant sur les voisins, même avec leur consentement: un cours d'eau, à la différence d'un marais, a toujours une grande utilité pour l'irrigation ou l'industrie.
La loi ne parle que des cours d'eau traversant le fonds; car, pour ceux qui ne font que le border, les limites au droit du preneur tiennent surtout au droit de l'autre riverain. Il en sera parlé au Chapitre des Servitudes.
Les bois taillis, dont il a déjà été question au Chapitre de l'Usufruit, sont des bois qui se coupent périodiquement au ras (au niveau) du sol et qui repoussent continuellement. L'emphytéote en jouira comme un preneur ordinaire, lequel en jouit lui-même comme un usufruitier. Mais il ne pourra pas défricher de tels bois, sans le consentement du propriétaire.
A l'égard des arbres dits “à haute tige,” la loi fait une distinction facile à justifier: s'ils n'ont pas 20 ans et ne sont pas de nature à être coupés périodiquement, comme, par exemple, les arbres résineux, le preneur pourra les couper; s'ils ont plus de 20 ans, il ne le pourra pas; à moins encore qu'ils ne soient déjà assez âgés pour que leur croissance doive cesser avant la fin du bail, auquel cas, il peut les couper, mais seulement quand le propriétaire n'a plus d'intérêt à leur conservation, c'est-à-dire quand leur croissance est finie.
Du reste, on ne considèrerait pas comme devant être respectés par le preneur, quelques bouquets d'arbres disséminés sur le fonds: ce pourrait être une entrave à la transformation et à la mise en culture du sol; il y a là une question de fait, qui, en cas de contestation, serait tranchée par les tribunaux.
La disposition de l'article 160 a de l'analogie avec celle concernant les arbres.
Le preneur ne peut jamais supprimer les bâtiments principaux, à moins qu'il ne fasse reconnaître et accepter par le propriétaire l'avantage de leur suppression ou de leur remplacement.
A l'égard des bâtiments accessoires qui n'ont pas la même importance et qui varient nécessairement avec le genre d'exploitation du fonds, le preneur doit avoir une plus grande facilité de les changer. Il suffit, pour qu'il ait ce droit, que leur durée ne puisse dépasser celle du bail; alors, comme le propriétaire n'aurait pas pu compter les retrouver un jour en état de servir, il lui importe peu qu'ils soient détruits plus tôt.
Dans le cas contraire, son consentement est nécessaire pour leur suppression.