Art. 149. On sait par l'article 9 du Livre des Biens, que certains objets qui sont meubles par leur nature deviennent immeubles par destination, lorsqu ils sont placés sur des fonds, dans certaines circonstances déterminées par la loi.
Il ne fallait pas croire que, s'ils sont sortis de l'immeuble, sans la volonté du propriétaire, ou même avec sa volonté, mais temporairement et pour y être replacés, ils suivraient les règles des immeubles quant à la prescription: ils ne sont immeubles que tant que dure leur attache au fond, aussi bien physiquement qu'intentionnellement de la part du propriétaire ; c'est pourquoi, ils pourraient être donnés en gage, par le propriétaire.
La loi donne la solution inverse pour les immeubles qui sont assimilés aux meubles par la destination du propriétaire (v. art. 12 du même Livre), parce que tant qu'ils sont fixés au sol. quoique d'une façon provisoire et momentanée, ils ne sont pas possédés comme meubles et ce n'est pas au sujet de la prescription qu'ils leur sont assimilés. Mais une fois détachés du sol et livrés à l'acquéreur, ils sont possédés et prescriptibles comme meubles.
La loi place aussi en dehors de la prescription instantanée les créances nominatives et universalités de meubles, à cause de la facilité pour celui qui veut les acquérir de se faire justifier des droits du cédant.
Du moment que la prescription instantanée ne s'applique pas à ces meubles, il est naturel que la loi les soumette à la prescription des immeubles, car il n'y a pas lieu d'introduire pour eux une troisième sorte de prescription; la prescription sera donc de 15 ans, si le possesseur a juste cause et bonne foi et de 30 ans, dans le cas où une de ces deux conditions favorables lui manquera.
La loi ne dit rien des créances immobilisées par la détermination de la loi ou de l'homme (v. art. 11-2° 3° 6°), parce que ce sont légalement de véritables immeubles.
Remarquons, au sujet des créances nominatives, qu'il ne peut être question de devenir créancier originaire par prescription, en ce sens que celui qui serait parvenu à faite croire à un autre qu'il était son créancier et aurait obtenu des intérêts annuels de cette prétendue créance, pourrait au bout d'un certain temps avoir droit au capital : une pareille prescription n'aurait aucune analogie avec les autres cas de prescription.
S'il est possible d'admettre une prescription acquisitive des créances nominatives, il ne peut en être question que lorsque ces droits préexistaient au profit de quelqu'un et quand un autre les a exercés comme lui appartenant, soit avec juste cause et bonne foi, soit même par usurpation.
Pour qu'une pareille prescription soit admissible, il faut évidemment la possession et c'est pourquoi nous supposons que ces droits ont été exercés.
La possession en effet, peut consister dans l'exercice d'un droit indépendamment de la possession corporelle d'une chose (v. art. 180 du Livre des Biens); or, ce droit peut être aussi bien réel que personnel (ibid). Déjà, plusieurs dispositions du Code ont attribué un effet favorable à la possession d'une créance: dans le premier cas (v. art. 457 du même Livre), c'est la validité du payement fait de benne foi au possesseur de la créance; là, il est vrai, ce n'est pas en faveur du possesseur qu'existe l'effet de la possession, c'est on faveur du débiteur, mais cela prouve que la loi reconnaît une véritable possession de créance.
Le Code a trois autres applications de la possession d'une créance, cette fois en faveur du possesseur, c'est lorsqu'il s'agit de déterminer la priorité entre deux actes ayant la même date ou n'ayant de date ni l'un ni l'autre (v. art. 1351, 2e et 3e al.), ou de suppléer, par un titre récognitif, par une copie de titre ou même par une copie de copie, an titte primordial non représenté (v. art. 34-2°, 57-4° et 59, 4e al du présent Livre).
Posons donc en principe qu'il y a possession d'une créance lorsqu'on fait valoir, lorsqu'on exerce les droits qui y sont attachés. D'abord, ce peut être en recevant des intérêts ou arrérages périodiques : cette possession aura l'avantage d'une certaine continuité. C'est aussi en faisant des actes conservatoires ou en posédant un nantissement ou une hypothèque inscrite à raison de cette créance. C'est enfin en recevant tout ou partie du capital dû, soit qu'il y ait eu lien on non à une réception antérieure d'intérêts ou à une sûreté.
C'est cette possession qui peut, d'après notre article, mener à la prescription acquisitive de la créance.