Art. 106. On sait que la possession civile, celle qui mène à la prescription acquisitive, a un double élément, la détention réelle ou physique d'une chose, et l'intention de l'avoir comme propriétaire, ce qu'on appelle, dans le langage consacré “le fait et l'intention,” (v. Liv. des Biens, art. 180). Si le possesseur cessait d'avoir l'intention de posséder tout en conservant la détention de la chose, il n'y aurait pas interruption niais discontinuité de la possession (v. art. 108 et 139) ; tandis que s'il perd la détention physique, tout en gardant l'intention d'avoir la chose à lui, il y a interruption naturelle, et encore faut-il que cette dépossession vienne du fait du vrai propriétaire ou du fait d'un tiers, car si elle vient de la pure volonté du possesseur, il y a encore discontinuité (ibid.) et si elle provient d'une “ force majeurre temporaire,” le possesseurs ne perd aucun de ses avantages (3e al. de notre art.).
Il faut aussi pour que la dépossession par le fait du propriétaire ou d'un tiers produise interruption naturelle qu'elle ait duré plus d'un an: autrement, si le possesseur recouvre la possession par l'action en réintégrande, il est censé ne l'avoir pas perdue dans l'intervalle (v. Liv. des Biens, art. 206).
La loi nous dit que cette interruption peut concerner soit un immeuble ou un meuble particulier, soit une universalité de meubles : mais elle ne parle pas d'une universalité d'immeubles seulement, parce qu'elle n'admet pas qu'on puisse posséder et prescrire une telle universalité d'immeubles : lors même qu'il s'agirait des immeubles d'une succession, ile ne seraient jamais tellement nombreux qu'on ne pût les considérer, au point de vue de possession, comme des immeubles déterminés, et on devrait vérifier pour chacun, s'il a été l'objet d'actes de possession suffisamment caractérisés.
Ce n'est pas à dire qu'on ne puisse acquérir par prèscription une hérédité tout entière, meubles et immeubles, mais alors, outre la possession des choses corporelles, il y aurait eu exercice des principaux droits DE L'INTERRUPTION DE LA PRESCRIPTION. 479 héréditaires et possession du titre et de la qualité d'héritier.
Quoique l'article 104 ait déjà dit que “ le cours de “ la prescription interrompue recommence dès que la “ cause d'interruption a cessé,” il n'a pas paru inutile d'insérer ici une disposition analogue et on en retrouvera même une autre au su jet de l'interruption civile (v. art. 121), parce qu'il y a des nuances dans ces divers cas.
Ainsi, dans le cas qui nous occupe, il est bon de faire remarquer que si l'interrupteur cessait lui-même de posséder, cela ne suffirait pas pour que la prescription recommençât à courir au profit du dépossédé : il faudrait qu'il eût recouvré la possession ; tandis que, s'il s'agissait d'une interruption civile résultant d'une procédure et durant autant qu'elle, la prescription recommencerait à courir à la fin de la procédure, sous certaines distinctions qu'on rencontrera plus loin.
Quant aux privations temporaires de la possession par force majeure, on peut, sans aller jusqu'à l'hypothèse de troubles civils intérieurs, supposer une inondation, une. éruption volcanique, ou même le simple retour, plus on moins périodique, de phénomènes atmosphériques qui rendent certaines parties du sol inaccessibles au possesseur, soit par les pluies estivales, soit par les neiges hybernales.