Art. 1443. — 280. On sait que la possession civile, celle qui mène à la prescription acquisitive, a un double élément, la détention réelle ou physique d'une chose, et l'intention de l'avoir comme propriétaire, ce qu'on appelle, dans le langage consacré " le fait et l'intention," corpus et animus (v. art. 193). Si le possesseur cessait d'avoir l'intention de posséder, tout en conservant la détention de la chose, il n'y aurait pas interruption mais discontinuité de la possession (v. art. 1445 et 1475); tandis que s'il perd la détention physique, tout en gardant l'animlls domini, il y a interruption naturelle, et encore faut-il que cette dépossession vienne du fait du vrai propriétaire ou du fait d'un tiers, car si elle vient de la pure volonté du possesseur, il y a encore discontinuité (ibid.); si, au contraire, elle provient d'une " force majeure temporaire," le possesseur ne perd aucun de ses avantages (3e al. de notre article).
Il faut aussi, pour que la dépossession par le fait du propriétaire ou d'un tiers produise interruption naturelle, qu'elle ait duré plus d'un an: autrement, si le possesseur recouvre la possession par l'action en réintégrande, il est censé ne l'avoir pas perdue dans l'intervalle (v. art. 216).
281. La loi nous dit que cette interruption peut concerner soit un immeuble ou un meuble particulier, soit une universalité de meubles; mais elle ne parle pas d'une universalité d'immeubles seulement, parce qu'elle n'admet pas qu'on puisse posséder et prescrire une telle universalité: lors même qu'il s'agirait des immeubles d'une succession, ils ne seraient jamais tellement nombreux qu'on ne pût les considérer, au point de vue de la possession, comme des immeubles déterminés, et on devrait vérifier pour chacun, s'il a été l'objet d'actes de possession suffisamment caractérisés.
Ce n'est pas à dire qu'on ne puisse acquérir par prescription une hérédité tout entière, meubles et immeubles, mais alors, outre la possession des choses corporelles il y aurait eu exercice des principaux droits héréditaires et possession du titre et de la qualité d'héritier.
En sens inverse, pendant qu'un possesseur acquerra ainsi une hérédité, l'héritier légitime sera déchu de l'action en pétition d'hérédité (v. art. 1492).
282. Quoique l'article 1441 ait déjà dit que ” le cours " de la prescription interrompue recommence dès que la " cause d'interruption a cessé," il n'a pas paru inutile d'insérer ici une disposition analogue et on en retrouvera même une autre au sujet de l'interruption civile (v. art. 1457), parce qu'il y a des nuances dans ces divers cas.
Ainsi, dans le cas qui nous occupe, il est bon de faire remarquer que si l'interrupteur cessait lui-même de posséder, cela ne suffirait pas pour que la prescription recommençât à courir au profit du dépossédé: il faudrait qu'il eût recouvré la possession; tandis que s'il s'agissait d'une interruption civile résultant d'une procédure et durant autant qu'elle, la prescription recommencerait à courir à la fin de la procédure, sous certaines distinctions qu'on rencontrera plus loin (v. art. 1449 et s.).
283. Quant aux privations temporaires de la possession par force majeure, on peut, sans aller jusqu'à l'hypothèse de troubles civils intérieurs, supposer une inondation, une éruption volcanique, ou même le simple retour, plus ou moins périodique, de phénomènes atmosphériques qui rendent certaines parties du sol inaccessibles au possesseur, soit par les pluies estivales, soit par les neiges hivernales (b).
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(b) Les Romains distinguaient aussi, au sujet de la continuité de la possession, les sait tis œsfi.vi et les saltus hyberni, et ils admettaient que la possession était retenue par la seule intention (animo tantiim), lorsque la détention physique était momenta.nément empêchée par des causes climatériques. Il y a bien des analogies entre le sol du Japon et celui de l'Italie: elles peuvent en motiver dans la législation relative au sol.