Art. 125. On sait que la condition suspensive, tant qu'elle n'est pas accomplie, inet obstacle à la naissance du droit qui y a été subordonné, soit par la convention, soit par la loi ; le terme, au contraire, n'empêche pas le droit de naître, mais il met seulement obstacle à son exercice (v. Liv. des Biens, art. 403 et 408).
Il est naturel que les droits ne puissent se perdre par la prescription tant qu'ils n'ont pu être exercés; c'est le cas où s'applique exactement la maxime dont on abuse quelquefois : “ contre celui qui ne peut agir en justice la prescription ne court pas.” Il est impossible, en effet, de présumer raisonnablement qu'un créancier, par exemple, a été désintéressé, tant qu'il ne pouvait réclamer son payement.
Il ne faudrait pas s'arrêter à l'objection que si le terme a été stipulé dans l'intérêt du créancier il a toujours pu y renoncer : de ce qu'il a pu renoncer au terme ce n'est pas une raison pour qu'il l'ait fait ; par conséquent, si le débiteur ne prouve pas que cette renonciation a eu lieu, le ternie reste un obstacle au cours de la prescription, parce qu'il empêche de présumer qu'il y a eu payements L'objection aurait encore moins de valeur si le terme avait été stipulé dans l'intérêt du débiteur ; celui-ci ne pourrait alléguer qu'un terme auquel il a toujours pu renoncer ne peut être retourné contre lui et le priver de la prescription : il a pu y renoncer, sans doute, mais s'il ne prouve pas l'avoir fait, il est présumé en avoir joui.
La loi exprime formellement que le ternie de grâce a le même effet suspensif que le terme de droit, et cela est juste, car le terme de grâce, concédé par le tribunal, met, tout autant que le terme de droit concédé par le créancier, obstacle à l'action de celui-ci. Cependant, il est plus fragile, en ce sens que le débiteur en peut être déchu plus facilement (v. Liv. des Biens, art. 407).
On pourrait se demander si le débiteur qui se trouverait dans un des cas de déchéance du terme, de droit ou de grâce, pourrait recouvrer le bénéfice de la prescription. La réponse dépend d'une distinction : comme la déchéance du terme soit de droit, soit de grâce, n'a pas lieu de plein droit, mais doit être demandée en justice par le créancier, le débiteur ne recouvrera le bénéfice de la prescription qu'après le jugement qui aura prononcé sa déchéance ; jusque-là, il ne peut prescrire, car ce serait tirer avantage de sa faute, puisque les cas de déchéance (sauf un seul, celui où il y a compensation légale) supposent sa faute.
Un cas particulier demande un instant d'attention. Si, au cours de la prescription, le créancier a concédé au débiteur un terme qui sera de droit, ou si le tribunal lui a concédé un terme de grâce, quelle sera l'influence de ce terme sur la prescription ?
Il ne faudrait pas répondre d'une façon absolue qu'il en résultera une suspension, et quelquefois, en sens inverse, cet effet sera dépassé.
Ainsi, si le créancier, de son propre mouvement faisait savoir au débiteur qu'il lui accorde un délai sans que celui-ci y acquiesçât, il serait inadmissible que le créancier pût ainsi retarder pour le débiteur le bénéfice d'une prescription peut-être près de s'accomplir : le créancier avait, pour empêcher la prescription, le moyen d'une demande en justice que le débiteur aurait pu combattre ; la concession d'un délai qu'on ne lui demande pas ne peut avoir le même effet.
Mais si le débiteur a acquiescé à ce délai et, à plus forte raison, s'il l'a sollicité, alors l'effet est supérieur à une suspension de la prescription : c'est une interruption, car c'est une reconnaissance tacite de dette (v. art. 119),
Il en serait de même si le débiteur demandait au tribunal un terme de grâce, lors même qu'il ne l'obtiendrait pas.