Art. 1461. — 313. On sait que la condition sus. pensive, tant qu'elle n'est pas accomplie, met obstacle à la naissance du droit qui y a été subordonné, soit par la convention, soit par la loi (v. art. 428); le terme, au contraire, n'empêche pas le droit de naître, mais il met seulement obstacle à son exercice (v. art. 423).
Il est naturel que les droits ne puissent se perdre par la prescription tant qu'ils n'ont pu être exercés; c'est le cas où s'applique exactement la maxime dont on abuse quelquefois (v. n° 334): contri non valentem agere non currit prescriptio, “contre celui qui ne peut agir en justice la prescription ne court pas.” Il est impossible, en effet, de présumer raisonnablement qu'un créancier, par exemple, a été désintéressé, tant qn'il ne pouvait réclamer son payement.
Il ne faudrait pas s'arrêter à l'objection que si le terme a été stipulé dans l'intérêt du créancier il a toujours pu y renoncer (v. art. 424): de ce qu'il a pu renoncer au terme ce n'est pas une raison pour qu'il l'ait fait; par conséquent, si le débiteur ne prouve pas que cette renonciation a eu lieu, le terme reste un obstacle au cours de la prescription.
L'objection aurait encore moins de valeur si le terme avait été stipulé dans l'intérêt du débiteur; celui-ci ne pourrait alléguer qu'un terme auquel il a toujours pu renoncer ne peut être retourné contre lui et le priver de la prescription: il a pu y renoncer, sans doute, mais s'il ne prouve pas l'avoir fait, il est présumé en avoir joui.
314. La loi exprime formellement que le terme de grâce a le même effet suspensif que le terme de droit, et cela est juste, car le terme de grâce, concédé par le tribunal, met, tout autant que le terme de droit concédé par le créancier, obstacle à l'action de celui-ci. Cependant, il est plus fragile, en ce sens que le débiteur en peut être déchu plus facilement (v. art. 427), et l'on pourrait se demander si le débiteur qui se trouverait clans un de ces cas de déchéance pourrait recouvrer le bénéfice de la prescription.
La réponse dépend d'une distinction: comme la déchéance du terme de grâce, de même que celle du terme de droit, n'a pas lieu de plein droit, mais doit être demandée en justice par le créancier, le débiteur ne recouvrera le bénéfice de la prescription qu'après le jugeinent qui aura prononcé sa déchéance; jusque-là, il ne peut prescrire, car ce serait tirer avantage de sa faute puisque les cas de déchéance (sauf un seul, celui où il y a compensation légale) supposent sa faute.
La même solution doit être appliquée aux cas de déchéance du terine de droit, lesquels supposent tous une faute (a).
315. Un cas particulier deinande un instant d'attention. Si, au cours de la prescription, le créancier a concédé au débiteur un terme qui sera de droit, ou si le tribunal lui a concédé un terme de grâce, quelle sera l'influence de ce terme sur la prescription ?
Il ne faudrait pas répondre d'une façon absolue qu'il en résultera une suspension, et quelquefois, en sens inverse, cet effet sera dépassé.
Ainsi, si le créancier, de son propre mouvement, faisait savoir au débiteur qu'il lui accorde un délai sans que celui-ci y ait acquiescé, il serait inadınissible que le créancier eût ainsi enlevé au débiteur le bénéfice du temps déjà accompli, lequel pouvait le conduire bientôt à la prescription: le créancier avait, pour arriver à ce résultat, le moyen d'une demande en justice que le débiteur aurait pu combattre; la concession d'un délai qu'on ne lui demande pas ne peut avoir le même esset.
Mais si le débiteur a acquiescé à ce délai et, à plus forte raison, s'il l'a sollicité, alors l'effet est supérieur à une suspension de la prescription: c'en est une interruption, car c'est une reconnaissance tacite de dette (v. art. 1455 et n° 31, in f.).
Il en serait de même si le débiteur demandait au tribunal un terme de grâce, lors même qu'il ne l'obtiendrait pas.
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(a) Le texte primitif des articles 425 et 427 ne disait pas que la déchéance du terme doit être demandée en justice. Nous proposons de les compléter en ce sens.
A l'article 425 on ajoutera un dernier alinéa ainsi conçu: “La décléance du terme n'a pas lieu de plein droit; elle doit être demandée en justice."
L'article 427, 1” alinéa, sera rédigé ainsi: " Le débiteur qui a obtenn un délai de grâce en est déchu, sur la demande du créancier......"