L'article 198 énonce d'autres prohibitions plus directes d'hypothéquer.
La première concerne deux droits auxquels on songe naturellement après celui d'usufruit, à savoir, les droits d'usage et d'habitation. Comme ces droits sont inaliénables ou incessibles par celui au profit duquel ils ont été constitués (v. Liv. des Biens, art 113), il est clair que l'hypothèque en est par cela même impossible, car elle tendrait à une vente aux enchères et cette vente est défendue.
La loi ajoute à cette prohibition spéciale une défense générale d'hypothéquer les biens inaliénables ou insaisissables.
En second lieu, la loi défend d'hypothéquer les créances immobilières mentionnées à l'article 10, nos 2 et 3 des Dispositions générales, lesquelles sont au nombre de trois.
1er Cas. Une créance a pour objet l'acquisition d'un droit réel immobilier, lorsque l'immeuble à acquérir est non pas un corps certain. mais une quantité par exemple tant de tsoubos de terrain à choisir dans une plus grande quantité. Il est clair que, dans ce cas, la: propriété n'a pu être transférée par le seul consentement, que le stipulant n'a pu acquérir qu'une créance et que la propriété ne lui sera acquise que par la tradition ou par une détermination faite d'un commun accord ou par la voie convenue (Liv. des Biens, art. 332) ; mais la créance est immobilière, puisqu'elle tend à l'acquisition d'un immeuble.
Est-ce une raison pour qu'elle soit susceptible d'hypothèque ?
On ne l'admet pas dans le Code : il n'est pas assez sûr que la créance se réalisera effectivement en acquisition du terrain promis : il pourra arriver que le promettant n'ait pas la quantité promise de terrain et soit finalement condamné à des dommages-intérêts que peut-être même il ne pourra payer. Ce serait donc manquer le but de l'hypothèque que de laisser les parties s'engager dans une voie qui ne peut y conduire aveccertitude. En outre, il y aurait des difficultés sérieuses pour donner à cette hypothèque la publicité nécessaire.
2e Cas. La seconde créance immobilière qui ne peut être hypothéquée est celle qui aurait pour but de recouvrer un immeuble. Le cas est rare et ne doit pas être confondu avec d'autres qui en sont voisins.
Lorsque quelqu'un a une action en résolution, en resci: sion ou en révocation d'une aliénation d'immeuble, on est porté à dire qu'il a “ une action tendant à recouvrer un immeulle ” ; mais, en réalité, on peut dire que cette personne a déjà le droit même sur l'immeuble, sous la condition de faire les justifications necessaires ; elle a même plutôt conservé sou droit antérieur sur l'immeuble, puisque les conditions d'une aliénation valable n'ont pas été remplies.
En pareil cas, l'aliénateur pourrait certainement hypothéquer l'immeuble objet du droit d'action dont il s'agit, en présentant son droit tel qu'il se comporte, c'est-à-dire comme conditionnel et subordonné au succès de son action judiciaire. En effet, on a établi en son lieu sous les articles 403 et 410 du Livre des Biens que celui qui a aliéné un bien sous condition résolutoire, expresse ou tacite, a retenu la propriété sous condition suspensive, et l'article 410 nous a dit que les deux intéressés peuvent disposer de leur droit sous la même condition que celle dont il est affecté, ce qui comprend le droit d'hypothéquer, si d'ailleurs l'hypothèque ne rencontre pas quelque autre obstacle.
Ce que nous disons du droit de résolution s'applique également et par les mêmes motifs au droit de faire rescinder ou révoquer une aliénation : l'hypothèque conditionnelle est permise à l'égard du droit qui peut être recouvré par l'effet de l'action, parce que l'action est elle-même réelle en même temps qu'immobilière.
Mais la prohibition de notre article s'appliquera à l'action en rescision d'une aliénation faite sous l'influence du dol : dans ce cas particulier, l'action est purement personnelle, le Code s'en explique formellement (v. art. 312 du même Livre): l'aliénateur n'a pas conservé la propriété sous condition suspensive ; il peut seulement la recouvrer, à titre de réparation du dol, si elle n'est pas passée dans les mains d'un tiers. On conçoit donc que la loi ne permette pas d'hypothéquer un pareil droit personnel qui ne mène pas nécessairement à la propriété immobilière.
On peut rapprocher de ce cas celui de la promesse de vendre, soit unilatérale, soit réciproque, dont traitent les articles 26 à 28 du Livre précédent ; on y trouvera les mêmes situations : on la promesse aura conféré un droit réel conditionnel, ce qui sera le plus fréquent, alors l'hypothèque sera possible, comme s'appliquant an droit réel, ou elle n'aura donné qu'une créance, un droit personnel, (parce qu'il y avait promesse de vendre une quantité de tsubos), alors l'incertitude de l'exécution en nature formera obstacle à l'hypothèque.
3e Cas. La troisième créance immobilière que la loi défend d'hypothéquer est celle qui aurait pour objet d'obtenir “ la construction d'un bâtiment, avec les matériaux du constructeur ” ; son objet est bien immobilier car, après l'exécution, il y aura un nouveau bâtiment dans le patrimoine du créancier, et ce n'est pas sans raison que la loi suppose que les matériaux doivent appartenir au constructeur : autrement, et s'ils devaient appartenir au stipulant celui-ci n'aurait droit qu'au fait même de la construction, il n'acquerrait pas un nouveau bien, mais seulement la modification de ses matériaux.
Quant à la raison pour laquelle cette créance ne peut être hypothéquée, c'est, d'abord, comme pour les deux précédents et avec plus de force encore, l'incertitude de l'exécution réelle qui mettra un nouvel immeuble dans le patrimoine du stipulant : il y a trop à craindre que l'obligation ne se résolve en dommages-intérêts.
Pour la quatrième créance immobilière, celle désignée au n° 4 de l'article 10 précité, nous n'avons ici ni une prohibition, ni une autorisation de l'hypothèque. Dabord, ce ne sera que très exceptionnellement que la loi permettra d'immobiliser des créances. Ensuite, quand cela aura lieu, ce ne sera pas une raison pour que l'hypothèque de tels immeubles soit permise : le plus souvent, ces créances seront en même temps déclarées inaliénables et insaisissables, ce qui suffira à en empêcher l'hypothèque. Mais si l'hypothèque en est un jour permise par une loi spéciale, cette loi devra aussi pourvoir aux moyens de lu rendre publique.
La définition même de l'hypothèque qualifiée “ droit réel sur les immeubles ” suffit à en exclure les meubles ; mais une exception est réservée en ce qui concerne les navires et bateaux qui, bien que meubles essentiellement, peuvent avoir une valeur considérable et être un moyen de crédit pour leurs propriétaires.
Assurément, comme meubles, ils peuvent déjà être donnés en gage ; mais alors le débiteur doit se dessaisir de la possession en faveur du créancier, ce qui l'empêche d'en tirer profit ; on a donc dû permettre l'hypothèque des navires, sans nantissement du créancier.
Déjà elle était autorisée, au moins implicitement, par une loi spéciale de la XIXe année de Meiji qui en règle la publicité ; le Code de commerce la règle d'une façon plus complité (c. comm. art. 852 et suiv.).