Art. 175. Le principe du privilège, sa cause légitime, est toujours une valeur nouvelle mise dans le patrimoine du debiteur par un créancier non payé.
Le 1er alinéa nous dit qu'il n'est tenu compte que de la plus-value existant encore ‘‘ au moment de l'exercice du privilège ” ou de la liquidation il n'y a pas là une rigueur : le privilège du vendeur ne porte également que sur ce qui reste de l'immeuble vendu.
La loi exige trois procès-verbaux : on en verra bientôt la nécessité. Les trois procès-verbaux sont dressés par un expert nommé par le tribunal : il est évident qu'on ne pouvait admettre un expert nommé par les parties intéressées, puisque la masse des créanciers aussi, qui sera intéressée, n'a pas encore de représentant. Il n'est ni nécessaire ni défendu que ce soit le même expert pour les trois procès verbaux.
D'abord, il faut constater l'état des biens avant le commencement des travaux ; on n'estimera pas la valeur actuelle du fonds sur lequel les travaux doivent être faits: ce serait une complication et des frais inutiles; mais on indiquera, d'une façon générale, les travaux projetés ; la loi n'exige pas qu'on évalue le montant approximatif de la dépense, parce que les travaux peuvent recevoir des développements imprévus ou coûter plus qu'il n'est facile de prévoir ; ce qui importe surtout c'est de savoir l'état de lieux avant les travaux, pour comparer leur état après lesdits travaux.
Le second procès-verbal a pour but, précisément, de constater le montant de la plus-value résultant des travaux au moment où il est dressé. Le délai est fixé à trois mois depuis que les travaux ont été terminés ou seulement cessés, quelle que soit la cause de cette cessation, fût-ce une force majeure et, à plus forte raison, le manque de fonds pour y faire face ; mais il ne faudrait pas y assimiler une simple suspension, même un peu longue, par suite d'obstacles naturels, ou par le retard dans l'arrivée de machines, d'instruments ou de matériaux. La loi ajoute que les contestations sur la réception des travaux ne donnent pas lieu à prolongation du délai.
Il a paru, bien suffisant de donner trois mois pour l'expertise et la rédaction de ce procès-verbal, et il est de l'avantage des divers intéressés de ne pas laisser s'écouler un trop long intervalle de temps qui rendrait difficile de savoir quelle est la plus-value ayant les travaux pour cause.
Le second procès-verbal ne porte pas que les travaux ont été acceptés comme bons par le propriétaire, de sorte que la créance même de l'entrepreneur peut n'être ni mentionnée ni confirmée par ce procès-verbal ; cela, en effet, n'est pas nécessaire, puisque ce n'est pas le montant de la créance qu'il s'agit de constater, mais la plus-value qui la garantit et qui est soustraite aux autres créanciers. Ceux-ci ont pourtant à connaitre aussi le montant de la créance qui les prime, mais c'est l'inscription du privilège qui le leur révélera.
Le troisième procès-verbal n'est pas moins nécessaire que les deux autres, car il peut s'écouler un temps assez long entre la rédaction du second et la vente de l'immeuble, et la plus-value peut avoir diminué. Nous ne supposons pas qu'elle ait augmenté : d'abord, parce qu'il semble que la plus-value ne puisse s'augmenter que par des causes différentes des travaux ; ensuite, parce que cette nouvelle plus-value, n'ayant pas été révélée par l'inscription, ne pourrait être soustraite au droit des créanciers ordinaires.
Ce troisième procès-verbal sera plus facile à dresser que les deux autres, car l'expert, prenant le second comme base, n'aura guère qu'à rechercher les causes de moins-value survenues depuis et à les évaluer en déduction de la plus-value précédente.