Art. 44. On va trouver ici deux sortes d'extinction du cautionnement : l'extinction directe, c'est-à-dire celle qui résulte de faits atteignant le cautionnement même, sans influence sur la dette principale, et 1 extinction indirecte, atteignant d'abord la dette principale et, par voie de conséquence nécessaire, l'obligation accessoire de la caution.
La loi commence par l'extinction directe. Elle nous dit que les modes ordinaires d'extinction des obligations s'appliquent au cautionnement.
Il faut remarquer cependant que le premier et le plus naturel des modes d'extinction, le payement, ne peut s'appliquer au cautionnement sans s'appliquer en même temps à la dette principale; on peut même dire que lorsque la caution paye, c'est la dette principale qu'elle éteint directement et non la sienne propre, laquelle ne s'éteint que par voie de conséquence.
Qu'est-ce en effet que le payement? C'est “l'exécution de l'obligation suivant sa forme et teneur ” (art. 451 du Liv. des Riens,); or, si la caution accomplit la prestation que le débiteur a promise, c'est pour celui-ci qu'elle le fait, en son nom et assurément pour son compte Bien plus, si au lieu d'exécuter l'obligation telle qu'elle a été stipulée, la caution est admise par le créancier à faire une dation en payement, c'est-à-dire à donner autre chose que ce qui est dû, c'est encore la dette principale qui est éteinte directement, quoique le débiteur n'ait pas participé à l'opération.
Au sujet de la novation, on a remarqué en son lieu qu'elle peut porter sur le cautionnement seul aussi bien que sur la dette principale: la caution peut faire novation de son engagement, par exemple, en présentant une autre caution à sa place; c'est ce qu'a prévu l'article 502 du Liv. des Biens.
Un autre mode d'extinction au contraire qui, de même que le payement, ne paraît pas pouvoir atteindre le cautionnement directement, mais seulement par voie de conséquence, c'est la perte de la chose due, ou, plus généralement, l'impossibilité d'exécuter (art. 439 et s.) : la caution devant fournir la même chose que le débiteur ou exécuter le même fait, si cette chose ou ce fait ne peuvent plus être fournis, le débiteur est libéré comme la caution et, en quelque sorte, avant elle.
Mais on pourrait cependant maintenir la séparation des deux effets : supposons que le fait promis par le débiteur et la caution soit de nature à ne pouvoir être exécuté que par eux, conjointement ou séparément, à cause d'une aptitude personnelle et exclusive, et que la caution soit devenue, par accident ou force majeure, incapable d'exécuter le fait : elle sera libérée, sans indemnité, et le débiteur ne le sera pas.
Il est plus difficile de donner un exemple analogue pour une dette de chose, car si la caution est dans l'impossibilité de la donner, sans doute le débiteur ne le pourra davantage.
Supposons cependant que l'obligation principale porte sur deux choses dues alternativement et que la caution n'ait garanti la prestation que de l'une d'elles; celle-ci venant à périr par cas fortuit, la caution est libérée, tandis que le débiteur doit encore l'autre chose.
La remise ou décharge conventionnelle du cautionnement a déjà été prévue à l'article 511 du Liv. des Biens, la compen- sation à l'article 521 et la confusion à l'article 538 : notre article se borne à renvoyer à ces articles.
Il ne faudrait pas croire d'ailleurs que ces dispositions eussent été mieux à leur place ici qu'aux articles précités : soit que le cautionnement s'écarte du droit commun, au sujet de ces modes d'extinction, soit qu'il y reste conforme, contrairement à ce qu'on aurait pu attendre, c'est toujours à l'occasion de chacun des modes d'extinction qu'il convient que la loi s'en explique ; il n'est pas moins naturel de mentionner les particularités du cautionnement en traitant de la novation, de la remise de la dette, etc., que de mentionner les particularités de ces modes d'extinction en traitant du cautionnement.
Il reste trois modes d'extinction des obligations dont il faut noter l'application directe au cautionnement : la résolution expresse ou tacite, la rescision et la prescription.
Le cautionnement peut n'avoir été donné que sous une condition résolutoire expresse, tirée des convenances personnelles de la caution ; par exemple, elle a entendu être libérée si elle perdait son emploi actuel, sans en obtenir un autre égal ou supérieur: cet événement venant à se produire, le cautionnement s'éteindra, sans que la dette principale en soit atteinte. Il y aurait condition résolutoire tacite si la caution avait obtenu un engagement corrélatif du créancier, lequel n'aurait pas été tenu par celui-ci.
La rescision ou nullité suppose que la caution était incapable ou que son consentement a été vicié : il est clair qu'elle jouira de la même protection de la loi contre cette obligation accessoire que s'il s'agissait d'une obligation principale.
Reste la prescription. C'est un mode d'extinction qu'on a prétendu, ne pas pouvoir s'appliquer directement au cautionnement et ne pouvoir profiter à la caution que par voie de conséquence, c'est à-dire quand la prescription aurait éteint l'obligation principale.
Sans doute, on ne peut concevoir que le délai légal de la prescription soit plus court pour le cautionnement que pour la dette principale, car le prescription du cautionnement est toujours la même que celle de la dette principale. Sans doute encore, l'interruption de la prescription, obtenue par des poursuites contre le débiteur ou par sa reconnaissance de la dette, aura le même effet contre la caution, de sorte qu'elle ne bénéficiera pas de l'inaction du créancier à son égard. De même encore, si le créancier est mineur, le délai de la prescription, suspendu contre le débiteur pendant la dernière année (v. Livre des Preuves, art. 131). est également suspendu contre la caution, car la minorité est une qualité absolue.
Mais prenons un autre cas de suspension de prescription, justement une suspension tirée d'une qualité du créancier non plus absolue mais relative : la prescription est suspendue entre éproux pendant la dernière année (v. art. 134 du même Livre). Supposons que la dette principale soit de la fe mme envers le mari et que le cautionnement soit fourni par le père ou le frère de la femme ; trente ans se sont écoulés depuis que la dette était devenue exigible : le mari ou son héritier a conservé son droit contre la femme, ou contre l'héritier de celle-ci, pendant un an après la dissolution du mariage ; mais il a perdu son droit contre la caution, parce que la prescription n'est pas suspendue entre le mari et le père ou le frère de la femme.
Et qu'on ne dise pas que la prescription est une présomption légale de payement, et que s'il y a payement présumé de la part de la caution, le débiteur principal est lui-même libéré : la prescription fait présumer tout aussi bien une remise de la dette, et ici ce ne sera que la remise du cautionnement, puisque ce n'est qu'en faveur de la caution que court la prescription.
Il ne faudrait pas non plus soutenir que la suspension de prescription établie en faveur du créancier contre le débiteur a lieu aussi contre la caution, par analogie de l'interruption qui, faite par le créancier contre le débiteur, vaut de plein droit contre la caution : les deux faits sont différents : dans le cas de poursuites contre le débiteur, la caution ne les ignore généralement pas ; le débiteur, en recevant la poursuite représente la caution et elle est ainsi préservée de frais particuliers ; mais dans le cas de suspension, il n'y a, de la part du créancier contre le débiteur, aucun acte dans lequel on puisse dire que la caution est représentée ; il n'y a que l'effet virtuel d'une qualité toute personnelle et relative du créancier vis-à-vis du débiteur, laquelle ne peut s'étendre à la caution.