Art. 493 et 494. Il ne faut pas confondre le cas prévu par l'article 493 avec celui de l'article 490 où l'on suppose qu'il y a eu simplement retranchement ou addition d'une condition à une obligation qui d'ailleurs reste la même. Ici, il y a une seconde obligation créée en vue d'en éteindre une précédente ; celle-ci était conditionnelle et la nouvelle est pure et simple ; mais la novation elle-même n'est pas pure et simple : elle reste influencée par la condition qui affectait la première obligation ; car si la condition suspensive ne s'accomplit pas, ou si la condition résolutoire se réalise, la première dette se trouve n'avoir jamais existé ; dès lors, la novation, n'ayant pas en à éteindre une première obligation, n'a pas eu de cause, comme convention, et la nouvelle obligation n'a pas pu naître non plus, faute de cause.
En sens inverse, la première dette était pure et simple et la nouvelle est conditionnelle : supposons que la condition soit suspensive et ne s'accomplisse pas, ou qu'elle soit résolutoire et qu'elle s'accomplisse, la nouvelle dette, ou ne naît pas, ou est détruite rétroactivement ; dès lors, il n'y a pas eu novation faute d'objet promis, et l'extinction de la première dette est réputée elle-même non avenue, toujours faute de cause.
Ce résultat est commandé comme une conséquence logique des principes. Mais, comme les parties peuvent avoir poursuivi un résultat moins logique et plus conforme à leurs intérêts, l'une ou l'autre pourra toujours soutenir et prouver qu'on a entendu, en contractant, faire une novation pure et simple, c'est-à-dire indépendante de l'accomplissement ou du non accomplissement de la condition qui affectait, soit la première, soit la seconde obligation. Ainsi, rien ne s'oppose à ce que les parties aient substitué, irrévocablement, une obligation certaine à une obligation incertaine, ou, réciproquement, une obligation conditionnelle, avec ses risques et ses chances, à une obligation pure et simple. Les tribunaux seront facilement amenés à reconnaître cette intention, quand la dette pure et simple sera moins lourde que la dette conditionnelle.
L'article 494 a de l'analogie avec l'article précédent, tant pour l'hypothèse qu'il prévoit que pour la solution qu'il lui donne ; seulement, dans le cas de l'article précédent, la première dette n'était qu'incertaine, éventuelle, dans son existence, au moment où a eu lieu la novation, et ce n'est que plus tard qu'elle a été rétroactivement considérée comme inexistante, par le non-accomplissement de la condition suspensive ou par l'accomplissement de la condition résolutoire ; tandis qu'ici elle est déjà entièrement nulle, soit par l'effet d'un obstacle originaire à sa formation, soit par suite du triomphe d'une action en nullité fondée sur un vice de la convention. De même, dans l'article précédent, on a supposé que la nouvelle dette était éventuelle par l'effet d'une condition dont l'issue l'a empêchée de naître ou l'a détruite ; tandis qu'ici elle est radicalement nulle ou annulable par un vice originaire. Mais, dans les deux cas du présent article, la solution est la même que la précédente : la novation ne s'est pas formée, au premier cas, faute de cause de promettre, au second cas, faute d'objet promis.
Ainsi, la première dette était nulle comme ayant pour objet une chose illicite ou hors du commerce, ou bien, elle avait été contractée par un incapable, ou avec un vice de consentement chez le débiteur, et celui-ci avait fait annuler son obligation en justice ; plus tard, l'héritier du débiteur, ignorant la nullité ou l'annulation de la dette de son auteur, contracte avec le créancier, ou avec l'héritier de celui-ci, une nouvelle obligation que les parties conviennent de substituer à la première ; mais, comme il n'y a pas de dette à éteindre, la novation est nulle, faute de cause de promettre.
En sens inverse, la première dette était pleinement valable, mais la seconde a un objet illicite, ou elle est contractée par un incapable qui la fait ensuite annuler en justice : la nouvelle dette, n'existant pas ou étant considérée comme n'ayant jamais existé, n'a pu éteindre la précédente par novation, faute d'objet promis.
Mais, ici encore, il faut, comme dans l'article précédent, s'attacher à l'intention des parties plus qu'aux règles de la pure logique. Dans la première hypothèse, si, au moment où les parties ont fait la novation, elles connaissaient la nullité de la première obligation et si la nouvelle dette est notablement moins lourde que la première, les tribunaux pourront reconnaître que les parties ont entendu régler à nouveau leur situation respective. Dans la seconde hypothèse, où la première dette était valable et où le créancier ne peut guère ignorer le vice de la seconde, il sera encore plus facile d'admettre qu'il a consenti à acquérir une nouvelle créance, même contestable, lorsqu'elle est, par son étendue, plus considérable que la première.
Il reste cependant une objection sérieuse, c'est que l'obligation nulle ou annulée se prête bien moins encore à une novation que l'obligation conditionnelle : celle-ci a déjà un élément d'existence, dans le cas de condition suspensive, ou même existe tout-à-fait, avec une modalité qui la rend seulement fragile, dans la condition résolutoire ; tandis que l'autre n'existe pas et n'existera jamais, et il est clair que le néant ne peut être l'un des deux éléments nécessaires à toute novation. Mais, il n'y a pas toujours néant absolu dans l'obligation civilement nulle ou annulée en justice : le plus souvent, il subsiste une obligation naturelle (voy. art. 214, 2e al.). Aussi, la loi, en réservant, dans le 3e alinéa de l'article 494, la recherche de l'intention des parties, ne suppose pas, comme dans l'article précédent, que les parties peuvent avoir voulu substituer le certain à l'incertain, ou réciproquement, mais qu'elles peuvent avoir voulu “substituer une obligation civile à une obligation naturelle, ou réciproquement.”
Il y a, du reste, entre les deux articles, moins de différence clans le fond que dans les termes : les obligations naturelles, dont il ne sera parlé en détail qu'à la fin de ce Livre, ne sont pas susceptibles d'une exécution forcée, mais seulement d'une exécution volontaire de la part du débiteur et, par conséquent, assez incertaine ; cependant, elles ont, aux yeux de la loi, et elles peuvent avoir même aux yeux des parties, une force actuelle suffisante pour servir d'élément à une novation : l'obligation naturelle en sera la cause, si c'est la première dette qui était civilement nulle, elle en sera l'objet si la nullité affectait la seconde dette. On conçoit donc très-bien que les parties, connaissant leur situation respective, aient pu préférer établir une obligation civile, même très-limitée, au lieu et place d'une obligation naturelle assez étendue, ou réciproquement. Cette intention pourrait encore être prouvée, si, dans les mêmes circonstances, la novation, au lieu d'un changement d'objet dû, présentait un changement de personnes, soit du créancier, soit du débiteur.