Art. 460 et 461. 1.11. — Ces deux articles et les six articles suivants se rapportent à l'objet du payement, ou à la 3e question : Quelle chose doit être payée ?
Comme, dans la plupart des obligations, ce n'est pas seulement la valeur vénale des choses dues qui est prise en considération par les parties, mais encore les convenances personnelles de celles-ci, ainsi, que la plus ou moins grande facilité qu'elles trouveront, l'une à se procurer, l'autre à utiliser les choses dues, il est naturel que Tune des parties ne puisse être tenue de subir un changement d'objet. Il faudrait pour cela que l'obligation fût alternative ou facultative, comme on l'a vu aux articles 428 et suivants ; mais, alors encore, la faculté d'option ne serait pas arbitraire : elle aurait été réservée par la convention.
Si l'objet de la dette est une chose de genre ou de quantité, une choses fongible, le débiteur la fournira de la nature et de l'espèce promises et des quantité et qualité convenues ; mais, comme il est assez difficile de déterminer clairement la qualité d'une chose de genre, le meilleur moyen est d'adopter un modèle ou échantillon. La loi, supposant que les parties n'ont pas pris cette précaution ou suffisamment déterminé la qualité, déclare que le débiteur n'est tenu de donner et le créancier tenu de recevoir que la qualité moyenne.
En somme, tout cet article est l'application spéciale du principe général que “les conventions doivent s'exécuter de bonne foi."
Mais ce que l'une des parties ne peut imposer à l'autre peut fort bien avoir lieu d'un commun accord. Il y alors, suivant l'expression consacrée, “dation en payement." La loi ne prend pas la peine de proclamer ce principe de la liberté des conventions qui ne peut faire doute : elle suppose que la convention a eu lieu et elle en règle les effets (art. 461).
Elle déclare d'abord que les parties, dans cette convention, sont considérées comme ayant tacitement nové leur premier engagement, c'est-à-dire que le débiteur s'est, avec le consentement du créancier, engagé à donner le nouvel objet dont il s'agit, puisqu'il a exécuté immédiatement sa nouvelle obligation. Cette idée de novation n'est pas superflue, car si la première obligation était garantie par une caution, celle-ci serait libérée de la première dette et ne serait pas tenue de la nouvelle : notamment, elle ne serait pas tenue de la garantie d'éviction, au cas où la chose serait enlevée au créancier par la revendication d'un tiers.
La loi ne se borne pas à reconnaître dans la dation en payement une novation tacite, elle détermine encore la nature de la nouvelle convention intervenue, au moins dans les cas qui seront le plus fréquents. Ainsi, si la dette primitive était d'une somme d'argent et que le débiteur s'en libérât en donnant la propriété d'un meuble ou d'un immeuble, il serait considéré comme vendant cet objet et comme recevant pour prix la somme dont il était primitivement débiteur ; réciproquement, s'il devait une chose déterminée individuellement, ou seulement quant à l'espèce et à la quantité, et qu'il fût admis à se libérer en donnant une somme d'argent, il serait considéré comme acheteur de la chose qu'il garderait. Ces deux cas de vente présenteront, du reste, une notable différence au cas d éviction : dans le premier cas, le créancier, devenu acheteur, aura l'action en garantie ; dans le second cas, le débiteur ne l'aura pas, puisque l'éviction proviendra de sa négligence à avoir promis primitivement, une chose qui ne lui appartenait pas.
Si aucune somme d'argent ne figurait dans l'opération, soit du chef de la première dette, soit du chef de la seconde, mais qu'un objet fût donné à la place d'un autre, il y aurait échange : en observant la même distinction entre le créancier et le débiteur, s'il y avait éviction de l'une des choses échangées.
Les cas de dation en payement ainsi prévus et réglés par la loi ne sont pas limitatifs : ainsi, s'il y avait prestation de jouissance par le débiteur, au lieu d'une somme d'argent dont il se trouverait libéré, il serait considéré comme bailleur ou. locateur ; mais la réciproque ne serait plus vraie : s'il fournissait une somme d'argent, au lieu de la prestation de jouissance d'une chose, il ne pourrait être considéré comme locataire ou preneur ; car, le bail étant nécessairement temporaire, cela entraînerait à dire qu'au bout d'un certain temps, il devrait restituer la chose dont il jouirait, ce qui n'est pas possible, cette chose lui appartenant sans doute en propriété : il y a aurait donc, dans ce cas, un contrat innommé (v. art. 303). Enfin, on peut supposer que la dation en payement consiste à accomplir un fait, au lieu de prester une somme d'argent : ce sera alors une sorte de louage d'ouvrage ; mais ce ne sera plus qu'un contrat innommé, s'il y a prestation d'argent au lieu d'un fait, ou prestation d'un fait pour un autre fait.