Art. 426. La vente, à raison de sa fréquence en tous pays et de son importance pratique, comporte des modifications, des variétés considérables dans ses effets; on pourrait, sans doute, les présenter ici comme étant applicables aux autres contrats, mais l'usage les limite plus ou moins à la vente, et c'est là qu'il convient d'en traiter, sauf à les appliquer aux autres contrats, quand leur nature le permettra et quand les parties l'auront ainsi stipulé.
On se bornera à indiquer ici les clauses les plus usitées dans la vente, qui lui donnent un caractère conditionnel et par suite aléatoire, comme il a été déjà annoncé sous l'article 301. Ces conditions sont tantôt suspensives et tantôt résolutoires, elles sont plus ou moins potestatives de la part de l'une ou de l'autre partie I Il y a des choses qu'il est d'usage de n'acheter qn'après les avoir goûtées ou essayées et agréées, telles que le vin, l'huile et, généralement, les denrées comestibles destinées à. la consommation personnelle de l'acheteur et non à être revendues ; la vente de ces denrées, si elle porte sur des quantités un peu considérables et si le vendeur en connaît la destination chez l'acheteur, est présumée faite sous la condition que l'acheteur les agréera.
La condition sera suspensive ou résolutoire, suivant la disposition plus ou moins expresse du contrat : par exemple, la vente a été faite, “si la chose convient,” c'est une condition suspensive, ou “à moins qu'elle ne convienne pas,” c'est une condition résolutoire.
Le caractère de la condition peut encore dépendre des circonstances du fait : par exemple, si les denrées n'ont pas été livrées ni le prix payé avant la dégustation, la vente sera considérée comme faite sous condition suspensive ; dans le cas contraire, la condition tacite sera résolutoire.
La question a un grand intérêt pour les risques, comme ou l'a vu précédemment.
Bien entendu, il ne serait pas permis à l'acheteur de refuser des denrées reconnues en parfait état et d'un goût normal : quoique la condition ait quelque chose de potestatif, elle ne doit pas favoriser le caprice ou la mauvaise foi de l'acheteur.
Il en est de même des choses qu'il est d'usage d'essayer, comme un cheval de selle ou une voiture de maître destinés à l'usage personnel de l'acheteur.
Pour les choses qu'il n'est pas d'usage de goûter ou d'essayer, il faudrait, pour que la condition existât, qu'elle eût été formellement stipulée.
II. La vente peut avoir été accompagnée d'une faculté de dédit, soit pour une seule dos parties, soit pour toutes deux. Cette faculté peut n'être établie que tacitement et résulter d'une “dation d'arrhes” (généralement en argent), qui joue, en quelque sorte, le rôle de gage et garantit que la partie s'oblige sérieusement et ne se départira pas du contrat par caprice. Les arrhes deviennent alors la peine ou l'indemnité du dédit, de la résolution potestative : la partie qui se dédit, ou perd la somme qu'elle a donnée à titre d'arrhes, ou rend celle quelle a reçue, en y ajoutant pareille somme. Quand les parties, en donnant ou recevant des arrhes, n'ont pas formellement réservé la faculté de dédit, c'est aux tribunaux à décider la question, suivant les circonstances : si les arrhes ont été données par l'acheteur, elles pourront n'être qu'un à compte sur le prix ; si elles ont été données par le vendeur, il est difficile de ne pas leur reconnaître le caractère de dédit.
III. On peut convenir que la vente sera résolue si le vendeur trouve, dans un certain délai, un prix plus élevé de la chose vendue ; on pourrait, en sens inverse, accorder la résolution à l'acheteur, pour le cas où il trouverait une chose semblable pour un prix moins élevé.
IV . La vente peut être faite avec faculté de rachat dans un certain délai ; cette clause, connue sous le nom de pacte de réméré” ou de retrait, est une condition résolutoire stipulée au profit du vendeur ; elle n'est pas purement potestative, car il faut que le vendeur qui use de la faculté de rachat restitue le prix qu'il a reçu et les frais du contrat, ce qu'il ne sera pas toujours en mesure de faire dans le délai convenu. Pour que la propriété ne soit pas trop longtemps incertaine, au préjudice des tiers qui pourraient l'acquérir, la loi ne permet pas de stipuler la faculté de rachat pour plus de cinq ans.
On a dit plus haut que ces conditions pourraient être attachées à d'autres contrats qu'à la vente : il est très-fréquent qu'on les attache au louage qui a d'ailleurs plus d'une ressemblance avec la vente ; rien n'empêcherait de les attacher aussi au contrat de société ; à plus forte raison, pourrait-on les attacher à l'échange.
La faculté de rachat seule paraît devoir être limitée à la vente ; ce n'est pas, bien entendu, à cause de son nom de rachat : il est clair que si l'on admettait la faculté de résoudre un échange par la restitution volontaire de la chose reçue, on changerait le nom de rachat en un autre ; on expliquera en son lieu pourquoi l'é-change ne comporte pas cette résolution protestative.