Art. 925. — N° 745. Le contrat de mandat diffère des précédents en ce qu'il est consensuel et non plus réel, mais il s'en rapproche encore par sa nature de bon office; on le classe donc aussi parmi les " contrats de bienfaisance." Cependant, la gratuité n'y est plus essentielle: le salaire que peut recevoir le mandataire n'y a pas toujours un caractère d'indem- n i t é, il peut constituer un profit, sans que le contrat devienne un louage de services; mais il faudra, dans l'application, veiller à ce que la qualification du contrat ne tende pas à le dénaturer.
Nous reviendrons sur cette difficulté sous l'article 927.
Le contrat de mandat est d'une grande utilité, car il est bien difficile que chacun puisse faire lui-même tout ce qui l'intéresse: un voyage, une maladie, le manque de connaissances spéciales, nos devoirs, nous obligent souvent à recourir aux bons offices d'autrui pour la gestion de tout ou partie de nos affaires et cela pendant un temps plus ou moins long.
Le caractère essentiel du mandat est que l'affaire it gérer intéresse le mandant; mais il n'est pas nécessaire qu'elle n'intéresse que lui seul: ainsi, l'affaire peut 1 ni être commune avec un tiers ou avec le mandataire lui-même, par l'effet d'une société ou d'une copropriété; si l'affaire ne concernait qu'un tiers seulement, le mandat ne serait pas valable, faute d'intérêt du stipulant, c'est-à-dire faute de cause; si elle ne concernait que le mandataire seul, ce ne serait plus qu'un conseil que le prétendu mandataire pourrait, à son gré, suivre ou ne pas suivre et sans avoir à se plaindre du résultat, s'il n'y avait pas eu dol du mandant.
Lorsque le mandant est intéressé, l'affaire est faite;' pour son compte," c'est-à-dire à ses risques et périls, pour son avantage ou son désavantage, car elle est faite par son ordre et suivant les indications qu'il a dû donner, s'il y avait lieu.
746. Ce qui caractérise encore le mandat c'est que le mandant est représenté par le mandataire: c'est le mandant qui est censé avoir fait l'acte dont il s'agit; le mandataire, en effet, ne s'est pas engagé personnellement vis-à-vis des tiers avec lesquels il a pu traiter, il n'a pas non plus stipulé pour lui-même: il a nommé son mandant, il a dit qu'il s'agissait des affaires de celui-ci, et les droits et actions qui peuvent naître de l'exécution du mandat sont à exercer plus tard par le mandant ou contre lui.
Mais cette représentation du mandant par le mandataire n'est pas essentielle au mandat: la preuve en est dans le mandat romain qui n'impliquait pas une pareille représentation et où le mandant agissait en son propre nom, comme si l'affaire eût été sienne, sauf les recours respectifs entre le mandant et le mandataire. Aujourd'hui même, on pourrait donner un mandat dans lequel le mandataire agirait vis-à-vis des tiers " en son propre nom," ceux-ci ne connaissant que lui et devenant ses créanciers ou ses débiteurs; sauf toujours au mandataire à reporter sur le mandant les avantages et les désavantages des opérations faites avec les tiers. Ce mandat prend le nom de commission. Il est très usité en matière de commerce et il donne lieu à une profession spéciale très importante, à celle des commissionnaires (voy. c. comm. fr., art. 94 et s.).
Ce n'est pas ici le lieu d'expliquer les avantages de cette forme de mandat; il suffit de dire que le commissionnaire, étant plus connu que le mandant, pourra inspirer une confiance commerciale que celui-ci n'inspirerait pas; ensuite, il gardera ainsi le secret de la personnalité de son mandant qui, lorsqu'il s'agit d'actes de commerce importants, peut désirer n'être pas nommé.
Bien que la commission ne soit guère usitée qu'en matière commerciale, rien n'empêche de l'employer en matière civile et notre article l'y autorise; mais il renvoie au Code de Commerce pour le règlement de ses effets.