368. Sont transcrits en entier sur un registre spécial tenu à la préfecture du Fu ou Ken de la situation des biens:
1° Tous actes entre-vifs, authentiques ou sous seing-privé, à titre gratuit ou onéreux, portant aliénation de propriété immobilière ou de tout autre droit réel immobilier;
2° Tout acte portant modification ou renonciation aux mêmes droits;
3° Tout jugement constatant l'existence d'une convention verbale ayant l'un desdits objets;
4° Tout acte judiciaire ou administratif prononçant une expropriation pour cause d'utilité publique.
Les règles particulières à la publicité des priviléges et hypothèques sont établies au Livre IVe.
369. La transcription est faite à la requête et aux frais des parties intéressées, après due justification.
Il est délivré au requérant un certificat de la transcription portant l'extrait des dispositions principales de l'acte transcrit.
Toute personne peut aussi requérir à ses frais un extrait du registre des transcriptions concernant les immeubles par elle désignés.
Les autres formalités relatives à la transcription sont réglées au Code de Procédure civile.
370. Jusqu'à la transcription, les droits réels acquis par l'effet des actes sus-énoncés ne peuvent être opposés aux ayant-cause qui ont traité de bonne foi, au sujet des mêmes droits, avec la partie qui était restée titulaire apparent, et qui ont eux-mêmes fait faire la transcription de leur titre.
La mauvaise foi peut être prouvée conformément à l'article 367, et même par tous les moyens ordinaires de preuve, s'il y a fraude concertée avec le cédant.
On a reconnu dans les temps modernes la nécessité de donner une entière publicité aux aliénations d'immeubles et aux cessions ou constitutions de tous autres droits réels formant démembrement de la propriété immobilière. Il serait tout à fait contraire à l'intérêt général que celui qui a cru acquérir un droit immobilier, en traitant avec celui qui paraissait investi du droit cédé, fût exposé à en être évincé par un cessionnaire antérieur dont il n'avait pu connaître les droits. Les observations déjà présentées au sujet des mesures prises par la loi, dans le but d'éviter ce danger à l'égard des cessions de meubles corporels ou incorporels, dispensent d'insister sur ce point. On indiquera seulement par qu'elles phases successives a passé la législation française, sur les cessions d'immeubles.
On a déjà mentionné plus haut (p. 137) les dispositions de certaines coutumes du nord de la France qui exigeaient, pour la validité des mutations d'immeubles, une formalité appelée insinuation, laquelle avait beaucoup d'analogie avec la transcription moderne et en fut évidemment l'origine.
Une loi célèbre du 11 brumaire un VII.(1er nov. 1798) a établi, avec un soin tout particulier, la transcription des aliénations d'immeubles et l'inscription des hypothèques.
Lors de la rédaction du Code civil (an XII, 1804), il se produisit quelque désaccord au sujet du maintien de la transcription: on l'admit bien sans difficulté pour les donations (voy. art. 939), mais on hésita pour la vente et les autres contrats à titre onéreux; de là, l'article 1140 qui renvoie à statuer sur ce point aux titres de la Vente et des Hypothèques. Lorsqu'on rédigea le titre de la Vente, la question fut encore réservée, seulement on sembla décider en faveur du maintien de la transcription, car l'article 1583 réglant l'effet du consentement dit qu'il “rend la vente parfaite entre les parties et transfère la propriété à l'acheteur à l'égard du vendeur,” ce qui semble bien dire, implicitement, qu'à l'égard des tiers (ou, mieux, des ayant-cause), il faudra quelque chose de plus que le consentement.
Lorsqu'on arriva au titre des Privilèges et Hypothèques, il fallut bien se prononcer définitivement; on suivait d'ailleurs, presque de point en point, la loi précitée de l'an VII, laquelle subordonnait la conservation du privilége du vendeur à la formalité de la transcription. Après une assez longue discussion, le maintien de la transcription fut admis au Conseil d'Etat et l'article qui la consacrait fut renvoyé au comité de rédaction pour un changement de rédaction. On conserva en même temps les dispositions de détail sur les effets de la transcription à l'égard du privilége du vendeur (art. 2108); mais quand le Projet de loi revint au Conseil d'Etat, l'article principal sur la transcription ne s'y trouvait plus; personne ne parut le remarquer et cette formalité ne figura plus dans la loi que comme préliminaire de la purge des hypothèques, c'est-à-dire d'une procédure assez compliquée qui tend à dégrever l'immeuble des priviléges et hypothèques lorsqu'il est passé aux mains d'un tiers-détenteur
La transcription resta cependant nécessaire au donataire pour qu'il pût opposer son droit de propriété aux ayant-cause du donateur, même postérieurs à la donation, lesquels lui étaient préférés s'ils avaient transcrit ou inscrit leur droit les premiers.
Cette situation dura long-temps, mais elle souleva fréquemment des objections dans la pratique et les pouvoirs publics s'en émurent souvent. On voyait, en effet, des propriétaires malhonnêtes aliéner leur bien une première fois, d'une façon plus ou moins clandestine, puis l'aliéner une seconde fois ou l'hypothéquer. Comme ils n'avaient plus de droits à conférer par la seconde convention, les nouveaux ayant-cause étaient évincés par le premier qui était tiers à leur égard; ils avaient bien l'action en garantie contre leur cédant, mais, le plus souvent, ce recours était rendu illusoire par l'insolvabilité de celui-ci.
Cette situation dura jusqu'en 1855 (23 mars), époque où une loi, aussi célèbre par son importance que par les difficultés qu'elle a fait naître, est venue rétablir, avec quelques améliorations, le système de brumaire an VIL Cette loi est maintenant bien comprise: elle est entrée dans les habitudes de la pratique et il est à croire qu'elle restera désormais attachée au Code civil dont elle est devenue le complément.
Le Code civil italien en a adopté les principales dispositions (Liv. III, lit. XXII); il a même profité des critiques faites à la loi dans l'intervalle de dix ans qui a précédé] la rédaction de ce Code pour éclaircir quelques points et combler plusieurs lacunes (voy. art. 1932 à 1947); mais il est entré dans des détails d'exécution trop minutieux pour un Code civil;(k) le Projet actuel se borne à poser les principes et renvoie au futur Code de procédure civile pour les détails d'application: ils devront trouver place dans une seconde partie consacrée à la procédure non contentieuse.
On va reprendre maintenant le développaient des trois articles ici réunis.
C'est à la préfecture du Fu ou du Ken de la situation des biens objets de la convention qu'on a placé le registre destiné à recevoir les transcriptions et les inscriptions: on maintient par là un usage déjà ancien; d'ailleurs, comme la publicité dont il s'agit est d'intérêt général, comme elle pourra favoriser aussi l'assiette et la perception de l'impôt foncier, la préfecture est plutôt indiquée que, par exemple, le greffe du tribunal.(l)
Mais le système actuel observé dans les préfectures est loin de donner aux acquéreurs toute la sécurité désirable: l'acquéreur demande et obtient un titre officiel ou authentique do son droit qui lui est délivré en vertu d'une convention particulière et contre la restitution du titre de l'ancien propriétaire. Il y a là plusieurs inconvénients; l'acquéreur ne connait pas les propriétaires antérieurs à son cédant: en cas de procès en revendication dirigé contre lui, il est obligé de demander à la préfecture des renseignements qui peuvent être tardifs ou incomplets et qu'il ne peut contrôler; c'est une position défavorable. En outre, comme la loi n'oblige pas les préfectures à délivrer à tout requérant des certificats des droits qui portent sur les immeubles, il n'y a pas là de publicité véritable; sans doute, cela n'empêchera pas ceux qui veulent acquérir des droits sur l'immeuble, de traiter avec le propriétaire, parce qu'il justifiera de sa qualité par la représentation de son titre, lequel ne serait plus dans ses mains, s'il avait déjà aliéné ou même donné hypothèque; mais, si des créanciers non hypothécaires veulent connaître la situation de leur débiteur sans lui témoigner de défiance, il ne leur est pas facile d'y parvenir. L'insuffisance de la constatation et de la publicité actuelle des droits de propriété se fera encore bien plus sentir si le régime hypothécaire est établi au Japon comme il l'est en Europe, notamment si l'on y admet des hypothèques légales, et si les saisies immobilières sont faites par les créanciers et sous leur responsabilité, au lieu de l'être par les tribunaux.
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(k) On consultera aussi avec fruit la loi belge du 10 décembre 1851, qui a remplacé tout lo titre des Privilèges et Hypothèques et dont les Dispositions préliminaires sont consacrées à la Transcription.
(l) En France cl dans plusieurs pays d'Europe les registres des transcriptions et inscriptions sont confiés à un officier public spécial appelé conservateur des hypothéquai; il n'est pas rétribué par l'Etat qui pourtant le nomme: il perçoit un salaire, d'après un tarif, sur les transcriptions, inscriptions, radiations et certificats requis par les intéressés.